La nuit est calme et je n’ai pas sommeil alors je m’occupe. J’ai nettoyé le camion et j’ai rangé tout un tas d’affaire à l’aide de Wren. Là je crois qu’il est allé dormir, comme tous les autres et je devrais en faire de même mais impossible. Je vais dans la cuisine et je regarde ce qu’il y a dans les placards pour m’occuper. Je finis par simplement me faire un thé, me disant que la prochaine fois qu’on ira faire des courses, je me chargerai de choisir une nouvelle saveur pour varier les plaisir. Le thé j’en bois presque jamais chez moi mais tout le temps à la caserne. C’est bête, je sais, parce que j’aime beaucoup ça.
Je me sens un peu seul dans la cuisine avec mon thé et la première chose qui me vient à l’idée c’est de jouer de la musique. J’ai laissé une ancienne guitare à moi dans les locaux. Toujours utile. Mais vu l’heure et tout le monde qui dort, je crois qu’ils vont juste me détester si je fais ça. Non à la place je sors mon téléphone et je vais jeter un oeil à cette chanson que j’ai finalisé l’autre jour. Beaucoup de stresse par rapport à cette chanson parce qu’elle me met à nue à une période de ma vie vis à vis de ce que je ressentais envers Levi. Je me trouve fou de m’être décider à la lui partager parce que j’ai enfin pris le temps de terminer ça correctement. Elle était presque complète en fait, je m’en étais pas rendu compte y’a huit ans de ça. Je crois que depuis que Wendy et Levi sont de nouveau dans ma vie de manière permanente j’ai beaucoup plus d’inspiration. Les mots viennent tout seul, les mélodies aussi. C’est drôle parce que j’ai vraiment l’impression d’être doué pour ça.
Je sursaute quand Wren apparaît en face de moi. Je m’y attendais pas. Je suis content d’avoir posé mon thé sur la table. Si je l’avais eu dans la main je me serai brûlé.
« Je croyais que tu dormais. »
Ca n’explique pas pourquoi j’ai eu si peur de le voir.
« Non je ne suis pas en train de regarder du porno. »
Parce qu’on a déjà blagué à ce sujet tous les deux parce qu’un collègue s’est fait prendre la main dans le sac y’a quelques années. J’en suis encore assez choqué c’est pour ça que ça me vient en tête. Je garde le porno pour quand je suis chez moi, pas au boulot.
La nuit s'étalait, monotone, loin des feux qu'il prenait tant plaisir à éteindre... Ou à voir consumer le monde entier autour de lui. Avec Wren, on n'était jamais réellement certain de ses intentions vis à vis du brasier qui rongeait son coeur. Ces derniers temps, il le cachait mieux cela dit. Il n'avait pas bronché une seule fois sur le terrain et voilà qu'il était de retour dans les petits papiers de son supérieur hiérarchique. Ne pas faire de vagues, c'était ce qu'on lui avait toujours demandé mais le jeune Doherty ne s'était jamais vraiment montré coopératif en la matière. Pourquoi ce retournement de situation, alors? Wren se sentait plus apaisé à l'heure actuelle, peut être parce qu'il avait enfin décidé de prendre du recul vis à vis de sa famille et il vivait bien mieux cette solitude imposée. Au moins, il pouvait faire les choix qu'il désirait, personne ne viendrait le juger et il ne serait pas la frère indigne qui devait réparer les pots cassés derrière les indignes reliquats Doherty qui traînaient dans la nature. Wren n'était pas mieux qu'eux, évidemment, mais il tentait de faire des efforts, peut être que le tout serait suffisant pour qu'il reste loin du côté obscur jusqu'à la fin de ses jours. C'était peu probable, forcément, mais en tout cas, le pompier donnait le change et s'occupait comme il le pouvait lorsqu'il devait rester inactif entre deux interventions. Il avait aidé Kane quelques heures auparavant et avait fini par s'éclipser pour une sieste amplement méritée... Si seulement il arrivait à trouver le sommeil. Il avait beau se sentir mieux ces dernières semaines, cela n'empêchait pas Wren de se confronter à ses démons dès la nuit venue et dans ces cas là, l'insomnie semblait gagner la lutte bien plus aisément que sa relative paix intérieure. Au bout du compte, Wren se releva de sa couchette de fortune pour se diriger vers la cuisine, un café aurait certainement le même effet qu'une ou deux heures de repos. Il ne fut même pas surpris de retrouver Kane le nez sur son téléphone, lui non plus n'était pas un gros dormeur. Wren n'était pas le moins du monde discret alors qu'il ouvrait un placard pour attraper une tasse de café et pourtant, son collègue sursauta au moment où il s'assit en face de lui, peu de temps après avoir actionné la cafetière. "Et moi je croyais que t'avais de bons yeux... Comme quoi, on a tous les deux un instinct de merde." Il lui fit un clin d'oeil en jetant instinctivement son regard vers le téléphone de Kane. Non pas qu'il était intéressé par cette histoire de pornographie mais le pompier avait l'air tout de même gêné de se faire interrompre dans son visionnage, quoiqu'il puisse en dire. "Vu ta tête, on aurait pu croire que t'étais paumé sur Youporn... Mais apparemment non, qu'est ce que tu fous du coup? A cette heure là, t'es encore productif, c'est fou." Lui n'avait plus envie de l'être alors qu'il se relevait pour aller chercher son café. "T'arrives à être pompier et musicien en même temps, je sais pas comment tu gères franchement..." Wren avait bien du mal à être autre chose qu'un soldat du feu, simplement parce qu'il était toute sa vie. Son meilleur allié, non, son meilleur ennemi au bout du compte.
Je sais pas comment prendre sa remarque. Est-ce que ça fait un moment qu’il est dans le coin ? Peut être. J’étais trop à fond dans ma lecture et mes réflexions. Toujours pas trop sûr par rapport à certaines paroles que j’ai écrites. Je sais que j’ai déjà enregistré la chanson pour ma future chaîne youtube mais je me dis que je peux toujours changer tout ça si je veux. J’ai qu’à réenregistrer la vidéo. Je pense que Maxine ne serait pas déranger, je lui payerai encore quelques bières et ce serait réglé. Même si j’espère qu’elle apprécie véritablement ce moyen de paiement. Je sais que sur moi ça marcherait sans soucis.
J’ai espéré deux secondes qu’il ne me demande pas ce que je faisais mais c’est peine perdue. Il met ça sur le tapis tout de suite. J’aurai peut être dû dire que je regardais effectivement du porno, mais non. Je suis un très mauvais menteur. Après tout je peux lui dire la vérité, je pense pas que ça va l’intéresser. Je peux aussi rester très vague sur ce qui me fait autant cogiter. Il n’a pas besoin de tout savoir non plus. On se connait bien lui et moi mais y’a toujours une certaine distance entre nous parce qu’il m’impression le gars. Je me sens toujours un peu petit à côté de lui, parce qu’il est du genre à s’en foutre des règlements et je sais qu’il a quelques soucis avec les supérieurs même si j’ai pas tous les détails. Y’a des bruits qui courent. Mais je suis bien content quand il enchaîne la conversation parce que je peux tout à fait esquiver sa première question.
« Musicien ouais c’est pas vraiment un job. Je joue pour m’amuser. Mon ami Levi lui il est musicien vraiment. Il fait des concerts et tout. Moi juste des scènes ouvertes, ça n’a rien à voir. »
Ouais faut pas qu’il s’imagine des trucs de fou alors je préfère lui donner ces détails. Peut être qu’il pense que je suis une rockstar quand je suis pas à la caserne. J’aimerai bien.
« Je sais pas moi tu fais quoi dans ton temps libre ? Moi je joue de la musique. Et là je vais le mener au niveau au dessus parce que je vais me faire une chaîne youtube avec mes chansons… Mais… »
Je suis pensif, je marque une brève pause parce que ça fait un moment que je pense à ça mais je ne me suis pas complètement penché là dessus.
« Peut être que ce serait mieux si je peux mettre mes chansons sur Spotify en fait… Je sais pas pourquoi je pense que ça doit être plus compliqué car carrément plus pro. Youtube tu upload ta vidéo et c’est fini, tout le monde peut le faire en une demi heure. Mais en même temps je sais pas pour les droits d’auteur tout ça… Peut être que Spotify c’est plus sûr. Enfin désolé je pense à voix haute tu dois sûrement en avoir rien à faire de tout ça. Faut que je me penche là dessus plus sérieusement. »
Je me mordille la lèvre en rangeant mon téléphone afin de ne pas revenir sur le sujet initial. Sauf qu’un léger carillon se fait entendre et c’est une notification qui est apparu sur mon écran. Je remets rapidement mon téléphone en silencieux en le rangeant parce qu’il ne s’agit que d’une notification twitter. Rien d’important.
« Tu fais quoi dans ton temps libre ? »
Je reviens là dessus parce que ça m’intéresse véritablement.
Être éloquent n'était pas tellement dans les habitudes de Wren. De toute manière, parler n'était même pas dans son code génétique. Il s'était amélioré avec le temps. Il avait même appris à user d'humour plutôt que d'entrer directement dans les conflits les plus usants au possible avec les gens qu'il côtoyait. Au travail, c'était pire que tout. Wren ne supportait pas grand chose: pas les collègues qui venaient lui parler avant huit heures du matin, encore moins ceux qui voulaient l'énerver avant qu'il n'ait bu quatre ou cinq cafés et comme il était la tête brûlée du groupe, il était bien souvent le premier à se prendre des remarques acerbes de la part du reste de l'équipe. Forcément, Doherty n'aimait aucunement la façon de procéder et ce, même s'il l'avait bien cherché pour être tout à fait honnête. Finalement, ce qu'il préférait dans son métier, c'était les moments où on lui fichait la paix, où il était juste seul avec les flammes, n'écoutant pas le moins du monde les prérogatives issues de la hiérarchie dans sa radio. Dans ce genre d'instants, Wren n'était plus qu'adrénaline et c'était là où il se sentait réellement vivant. Le reste du temps, il errait au beau milieu de la caserne sans vraiment savoir ce qu'il faisait. Cette nuit là n'allait pas forcément faire exception puisqu'il n'arrivait pas à fermer l'oeil et qu'il ne s'attendait pas à trouver de la compagnie quelque part. C'était sans compter sur la présence de Kane qui s'amusait comme un petit fou sur son téléphone portable. La technologie, ce n'était pas tellement l'affaire du suédois qui passait le plus clair de son temps à faire des joggings plutôt qu'à converser par SMS ou sur les réseaux sociaux. Comme tout le monde, il avait des comptes ici et là mais rien de très concret et qui méritait son intérêt, selon lui. Kane avait l'air d'être un peu plus au fait des logiciels et applications qui étaient sur le marché, peut être parce qu'il était un musicien du dimanche, du moins, c'était ce qu'il semblait dire quand on l'interrogeait à ce sujet. Là encore, Wren n'y connaissait rien, il n'avait jamais vraiment pris le temps de jouer d'un instrument de manière assidue et ce n'était pas aujourd'hui qu'il allait changer de mode de vie, a priori. "J'ai bien envie de te dire que je comprends la différence mais ce serait mentir... Ton pote joue de la musique, toi aussi alors vous êtes tous les deux musiciens si on raccourcit." Wren n'avait jamais trop aimé ce concept qui se jouait dans la musique, celui de la réussite. Selon ton degré de succès, tu pouvais te clamer musicien ou tout l'inverse. Aux yeux de Doherty, toutes les personnes qui aimaient la musique et qui en créaient entraient dans la catégorie des musiciens les plus aguerris, mais là encore, il n'était pas franchement un spécialiste, en témoignait la gueule qu'il tirait en écoutant Kane parler. "Je bite rien à ce que tu dis, je dois te l'avouer. C'est quoi Spotitruc? Autant Youtube, je maîtrise à peu près mais là... Moi, je pense que tu devrais pas t'emmerder avec tous ces trucs d'internet là. Tu prends ta gratte, tu vas au bar du coin et tu joues ta chanson, point barre." Au moins, avec Wren, il était toujours question d'aller droit au but. Pour lui, la vie se vivait en direct, pas à travers un écran ou quoique ce soit d'autre de totalement artificiel. Il était peut être le seul à voir les choses de la sorte en vue de son mode de vie quelque peu unique mais le pompier ne semblait pas avoir envie de changer pour le moment. "Oh, moi, je cours. Je cuisine des trucs suédois. Je drague dans des bars. C'est beaucoup moins artistique que toi mes passe-temps. Mais t'as l'air de t'en sortir mieux dans la vie que moi. T'as pas eu d'avertissements, toi, si je me trompe pas." En même temps, ce n'était pas compliqué, il était le seul pompier de la caserne à se trouver sur la sellette après ses écarts à répétition. Pour autant, Wren n'avait pas l'air d'être le moins du monde traumatisé alors qu'il terminait son café en sifflotant.
Oui, c’est vrai. Levi et moi sommes tous les deux musiciens mais j’y vois quand même une nuances quand on en vit et quand ce n’est que pour s’amuser. J’hoche quand même simplement la tête pour toute réponse à Wren parce qu’il n’a pas tort au fond. Je lui ferai bien écouter des trucs que mon meilleur ami a composé mais je suis sûr qu’il en a rien à faire. Je n’ai jamais demandé à Wren ce qu’il écoutait comme genre de musique. Je sens qu’il n’aurait pas de réponse vraiment à me fournir. Ses intérêts sont ailleurs. Je comprends pas les gens qui peuvent pas nommer au moins une chanson qu’ils aiment vraiment beaucoup. Comment ils font pour vivre sans musique ?
Je me sens trop con quand il avoue n’avoir rien compris à mon speech. Sa conclusion sur ce que je devrais faire étire mes lèvres en un sourire.
« Je fais ça tous les mardis soir au Canvas. Tu devrais venir un jour. »
Je pense pas du tout qu’il prenne cette perche mais je propose. C’est assurément pas la première fois qu’il entend parler du Canvas dans la caserne. J’ai aménagé mes horaires de boulots pour avoir tous les mardis soirs de disponible. Certains veulent le samedi ou le dimanche pour être en famille, moi j’ai demandé le mardi soir. Je crois que le capitaine aime bien ça parce que c’est la compétition pour le weekend surtout alors que moi c’est complètement random à côté. C’est ça de pas avoir de femme ni d’enfants.
Wren m’expose ce qu’il fait dans son temps libre et je savais qu’il aimait cuisiner parce qu’il est souvent derrière les fourneaux au boulot. Je pensais pas que ça entrait carrément dans ce qu’il faisait de bon coeur quand il a rien de particulier à faire. Je le connais vraiment pas beaucoup au fond.
« La bouffe c’est artistique je trouve. »
Parce que c’est un art que je ne maîtrise pas du tout. Je l’apprécie néanmoins.
« Pas eu d’avertissement parce que j’enfreins pas le règlement moi. »
Je suis un saint. Non pas totalement mais ouais, je déteste faire les trucs qui sont pas dans les règles. Ça me rend malade si je fais un truc de travers. J’essaie tellement de ne pas être un fardeau. De donner le meilleur de moi. Qu’on soit fier de moi et content de mon travail.
« Je te proposerai bien d’essayer mais t’as une image de bad boy à tenir. »
Ca me fait rire de le taquiner avec ça. C’est la strict vérité que je dis là. J’espère ne pas avoir été trop loin dans ma plaisanterie. Je ne voudrais pas le froisser. C’est vraiment tout à fait innocent comme remarque (et surtout véridique).
« Ca marche avec les filles ça ? »
Je comprendrais pourquoi il s’arrête pas du coup. Quand t’as un filon, tu l’utilises à fond. Je suis quand même bien heureux de ne plus avoir de soucis niveau fille. Je suis casé. Je suis heureux. Plus besoin de me casser la tête et me ridiculiser en draguant de manière maladroite.
« Non mais vraiment dans tes passe temps t’as ‘draguer dans les bars’ ? Tu te trouves une nouvelle fille toutes les semaines ? »
Impressionné je suis. Peut être légèrement jaloux si c’est le cas. Jaloux parce que je n’ai jamais été capable de faire ce genre de truc. Mais est-ce que j’en aurai vraiment eu envie au fond ? Oui. Je pense que oui.
Personne ne connaissait vraiment le suédois. Il avait sa réputation bien évidemment, mais qu'en était-il de la réalité? Wren laissait les gens parler, la plupart du temps, leur délire le faisait bien marrer et c'était peut être le principal dans l'affaire. Il aimait bien l'idée que les gens se torturaient l'esprit à essayer de s'imaginer le grand dadais dans sa vie de tous les jours, loin de la caserne. C'était certainement mieux que les collègues se perdent dans des idées farfelues puisque la réalité était peu reluisante, finalement. Il avait une mère folle à lier, un frère qui allait finir en prison comme son père avant lui s'il ne calmait pas ses conneries et sa soeur avait envie de s'en sortir, sans trouver vraiment les clés. Lui se retrouvait au milieu de cette foire sans trouver de véritables solutions pour le reste de sa famille. Il subsistait, tout juste alors il ne fallait pas s'étonner s'il passait certaines soirées dans les bars à finir la tête à l'envers, histoire de passer le temps tout en décompressant comme il se devait. Doherty ne parlait à personne de ses problèmes passés avec la drogue, de son envie de foutre le feu à tout ce qui passait certains jours. Il restait souvent assis à la même chaise, à se retenir de fumer tout son paquet de cigarettes dès la première heure de service. Et puis, quand il était calmé, il allait ravitailler toute la population avec des mets délicieux parce qu'il n'y avait qu'en cuisine que Wren semblait apaisé. Quelque part, c'était son point commun avec Kane qui avait l'air tout aussi hypnotisé lorsqu'il était à fond dans sa musique. Chacun sa passion, au final. "Ah bah ouais, crois moi que si on me fout pas de garde, je viendrais y faire un tour. Je vais souvent là bas, de toute façon alors voir le petit Kane se produire, c'est un événement pour mon agenda!" Ils étaient très différents, c'était le moins que l'on pouvait dire. Kane s'en sortait mieux que lui au quotidien parce qu'il était plus discret et surtout toujours appliqué dans son travail. Wren était juste une tête brûlée et tout le monde connaissait son tempérament depuis le temps. On attendait juste le jour où il dépasserait la limite du raisonnable et se ferait éjecter pour de bon du camion. "Aussi artistique que la musique... Ou d'éteindre un feu. Tout ça, c'est juste de l'art, mec, ouais, t'as raison." La fascination était réelle, les mots clairs et précis lorsqu'il parlait de leur métier. Il aimait être pompier, même si c'était le choix le plus dangereux pour lui en vue de son passé. Wren donnait le change malgré tout, persuadé qu'il s'en sortirait toujours. "Où est le fun si t'enfreins pas une ou deux règles par ci par là? T'es p'tet trop sage, Kanette aussi... Lâche toi de temps en temps, tu verras, c'est sympa d'être un bad boy." C'était une bien belle connerie, forcément. Wren ne vivait pas spécialement bien son statut, il était seul et relativement malheureux lorsqu'il rentrait chez lui après avoir pris une belle cuite sans se rappeler de la nana avec qui il avait passé la soirée. Non, le mode de vie de Kane était bien meilleur mais cela, Doherty ne pourrait jamais l'avouer, question de principe. "Entre autres choses, ouais. C'est surtout une question de conviction avec les filles, puis y a le mystère, tu vois, ça les attire... Mais faut pas généraliser, c'est pas toutes les semaines, c'est plus irrégulier que ça et récemment, je passe mes soirées au calme tout seul. Et ouais, je te surprends peut être mais je passe pas ma vie au plumard avec des nanas. D'ailleurs en parlant de nana, ça se passe comment avec la tienne?" Wren avait adoré le charrier avec les filles vu le caractère de Kane mais il avait l'air plus posé depuis quelques temps, une histoire de type qui se mettait en couple si on en croyait les légendes urbaines... Lui n'y croyait qu'à moitié, a priori.
Le petit Kane. Sérieusement ? Ok je fais juste 1m74 mais je suis loin d’être petit hé ! Il est beaucoup plus grand que moi cela dit… C’est vrai. MAIS JE SUIS PAS PETIT ! Enfin, il dit qu’il va venir me voir jouer du coup. J’essayerai de jouer des trucs qui vont lui plaire. Des trucs de bad boy. Je vais très facilement trouver ça. Je l’écoute quand il qualifie éteindre des feux d’artistiques. J’avais jamais vu ça comme ça vraiment. Je pense pas que je le verrai comme ça un jour. Mais je commence à me dire que Wren est sûrement un beau pyromane dans l’âme. Ok, je commence à avoir encore plus peur de lui.
Il me dit que je suis trop sage et ça me fait sourire. Si il savait toutes les conneries que j’ai fait avec Levi, Ariane et d’autres amis à moi. Encore pire avec Jared et toute cette clique de l’époque. J’étais sur une mauvaise pente à ce moment là.
« Je me lâche des fois. Je suis juste jamais celui qui initie les conneries. »
Je joue le saint. Non en vrai c’est que ça me donne mauvaise conscience ces conneries mais si la connerie est faite sans moi et que je suis là, autant me joindre. La connerie sera faite dans tous les cas. Logique implacable pour la paix de mon esprit.
Wren s’explique sur sa situation avec les filles et les lits. Ca me fait sourire de l’entendre dire. Il a l’air d’avoir moins de sexe que ce qu’il laissait entendre juste avant.
« Ca va parfaitement avec Wendy. Elle a emménagé chez moi. »
Et ça ça veut dire MORNING SEX quand je bosse pas. Oui c’est un de mes trucs préférés. Ok le sexe tout court c’est un de mes trucs préférés à qui je mens ?
« C’est la première fois que je suis en couple et que j’habite avec ma copine en même temps. Je découvre la vie. »
Je me moque de moi même mais c’est vrai. J’ai 30 ans et je prends le temps. Au moins j’ai trouvé la bonne et je suis encore jeune et très beau. Je suis pas tout à fait nul dans cette vie.
« T’as déjà vécu ça toi ? »
Je suis sûr que non, mais il peut me surprendre encore, c’est certain.
« Je suis sûr que t’as eu une meuf, qu’elle t’a brisé le coeur, et c’est pour ça que maintenant t’es aussi révolté et que tu vas à gauche à droite sans vouloir te stabiliser. Je juge pas, je constate. On est tous fucked up. Promis je juge pas. »
S’il savait toute ma vie il saurait que je juge vraiment pas.
Wren n'avait que très peu de limites. En tout cas, c'était ce qu'il aimait montrer depuis l'adolescence. Toujours premier dans les délires qui tournaient mal, jamais très loin des arrestations pour actes délinquants, il aurait pu très mal finir. Puis, il avait trouvé sa rédemption lorsqu'il avait trouvé une place de pompier dans la caserne du coin. Cela ne voulait pas dire pour autant qu'il avait arrêté du jour au lendemain d'être la tête brûlée la plus énervante du quartier mais Wren s'était quelque peu amélioré. Il conservait cette réputation pourtant, celui qui devait jongler entre des brimades et des avertissements de la part de ses supérieurs. Kane ne faisait jamais partie de ce lot, peut être parce qu'il était plus consciencieux que Wren en ce qui concernait l'image qu'il renvoyait à ses employeurs. Doherty avait depuis longtemps abandonné l'idée de plaire à qui que ce soit alors il ne faisait que très peu d'efforts quand il était en société. Quelque part, il préférait qu'on le craigne plutôt qu'on l'aime, au moins, il n'était pas déçu par l'humanité dans ce genre de circonstances. "Tu devrais, juste une fois, pour essayer, ça apporte vachement de satisfaction d'avoir eu une très mauvaise idée et d'avoir entraîné les autres avec soi..." Le tout était arrivé de multiples fois au suédois, surtout dans sa jeunesse. Aujourd'hui, il préférait amplement être le seul qui acceptait les conséquences de ses actes tous plus misérables les uns que les autres. Au moins, il avait arrêté la drogue, s'il faisait des conneries, la plupart du temps désormais, il était sobre. Wren restait seul pourtant, toujours pas prêt à laisser entrer quelqu'un dans son intimité bancale parce qu'il le savait, il pouvait basculer vers le pire en un rien de temps... "Wow, emménager ensemble? Bien joué mec, on a pas bu un coup pour fêter ça, il faudra arranger ça! Je te mentirais si je te disais que j'ai déjà vécu ça, j'ai jamais été assez proche d'une conquête pour aller jusque là." Il n'avait même jamais vraiment vécu de relations de couple à l'âge adulte. Sa dernière véritable relation datait du lycée: à cette époque où tout allait mal avec ses problèmes familiaux. Il aurait pu s'y mettre depuis le temps mais Wren avait toujours une excuse pour ne pas se lancer dans ce genre de jeux. "Au risque de te surprendre, non, vieux. J'ai jamais eu de relations de plus d'une ou deux soirées. Ma dernière vraie copine, ça date du lycée et on est restés potes depuis, pas de sentiments ni de rancoeur à déclarer. Non, je crois que c'est mon éducation qu'a foiré. Je suis incapable de m'attacher, je sais pas comment toi tu fais... Les gens partent toujours après tout, pourquoi se faire subir cette douleur là?" Et c'était une véritable question qu'il li posait. Kane avait peut être là réponse, lui qui était si optimiste et qui croyait en l'humanité. Peut être qu'il arriverait à lui faire changer d'avis, à le laisser y croire à nouveau... A aimer, enfin, autrui.
Il essaie de m’entraîner du côté obscure de la force. Ce qu’il ne sait pas c’est que mes amis sont bien meilleurs que moi à ce niveau là et j’ai jamais le temps de réfléchir à quoi que ce soit, les mauvaises idées sont déjà toutes exposées et souvent mise en action. Je m’ennuie jamais. Je les aime si fort.
Comme je m’en doutais, il n’a jamais vécu avec quelqu’un. Ca m’aurait grave surpris s’il avait dit le contraire. Il me raconte que sa seule copine véritable date du lycée.
« Mon ex la plus sérieuse date du lycée aussi... Après ça n’a jamais été au delà de quelques mois. »
Du coup je comprends bien ce qu’il veut dire. C’est pas simple les relations.
« Tu sais des fois on a une bonne éducation ça change rien, on est des manches. »
Je parle pour moi un petit peu. Même si je m’attache facilement aux gens, ça veut pas dire que ça suffit pour faire une relation. Il dit que tout le monde par tout le temps. Ouais. Non. Si. Peut être. J’ai des sentiments partagés à ce niveau là. Je sais très bien ce que c’est que d’avoir des gens qu’on aime fort partir. (Coucou Levi) Mais ca en vaut la peine je pense.
« Ah ouais t’es comme ça. Tu préfères rien sentir du tout que de sentir un court instant. Je sais pas trop en fait moi... parce que c’est sur que à chaque fois j’espère que ça va durer longtemps. »
Je suis si naïf.
« J’ai eu quelques coups d’un soir mais c’est pas mon fort... »
Je pense bien évidemment tout de suite à Lene. Surtout qu’il la connaît bien. On est chill elle et moi. On est amis. On s’entend vraiment bien.
« Enfin, je sais jamais si c’est- »
Mais l’alarme retentit et c’est le signal qu’on a tous du boulot. Je me lève aussitôt, en mode automatique et je file me mettre en place pour aller sur la prochaine intervention.
Rien n'était jamais simple pour les Doherty, c'était le moins que l'on pouvait dire et lorsqu'il était question de se faire aimer des gens, c'était le pire pour eux. Aucun des membres de la famille n'avait été bon dans cet exercice un jour et Wren ne dérogeait malheureusement pas à la règle. Il avait beau être à la caserne depuis plusieurs années déjà, on ne pouvait pas dire qu'il y était très apprécié à cause de ses coups de sang sur le terrain et cette relative froideur qu'il arborait en dehors. Il n'y avait que Kane qui n'avait pas l'air de se soucier de sa différence, du moins en apparence puisqu'il n'était que rarement gêné de discuter avec lui, même aux heures les plus sombres de la nuit. Ils en étaient là, dans l'espèce de salon de la caserne, l'un à pianoter sur son téléphone, l'autre à penser au sens de sa vie. Dans les deux cas, ils semblaient tous deux très loin de leur propre corps à ce moment là, peut être parce qu'ils parlaient de choses plus intimes que d'habite. Jusque là, ils n'avaient pas vraiment mentionné leur vie personnelle en la présence de l'autre, même si Wren savait que Kane était quelqu'un de plus casanier que lui. Il avait toutes les raisons de l'être après tout puisqu'il avait une copine, qu'en dehors du boulot, il s'amusait avec sa guitare dans les bars... Tout avait l'air d'aller bien pour lui alors que le misérable suédois passait son temps à ruminer ses blessures passées, une véritable calamité. Tout ne serait peut être pas toujours ainsi, on pouvait encore l'espérer vu ce que Kane lui disait mais Wren avait bien du mal à croire en son étoile depuis l'incendie. "Des putains de manches ouais, tu l'as dit... Je sais pas quel est le meilleur mode de vie, je sais juste que je souffre pas en étant seul et jusque là, ça me va, on verra bien." Il ne savait pas que la vie pouvait changer en un rien de temps. Et pourtant, il entendit la sirène en même temps que Kane qui ne termina jamais son explication. La vie de quelqu'un venait justement de basculer, tout pouvait arriver, il suffisait de saisir sa chance. Pas cette nuit là pour sûr puisque les pompiers se mirent vite en tenue pour l'intervention suivante. Aucun d'eux ne savait s'il allait rentrer en un seul morceau mais c'était peut être ce qui leur plaisait le plus là dedans: ne pas savoir. Ne jamais rien savoir.