L’anniversaire de Levi c’était y’a quelques jours mais je ne lui ai pas encore donné son cadeau. J’ai pas osé le faire sous les yeux d’autrui (lire ici : Ariane). Parce que ça fait genre huit années que je l’ai sous le coude, à moitié. Je me suis décidé y’a quelques semaines de terminer cette chanson parce qu’elle me tient à coeur malgré tout. Je me suis toujours mis une pression supplémentaire quand il s’agit de Levi, parce que je l’admire tellement, je ne sais pas comment lui arriver à la cheville. Je suis pas dégueu dans mon genre mais à côté de lui, je joue pas dans la même cours.

J’arrive sur le bateau de mon meilleur ami avec ma guitare. J’aurai pu lui en emprunter une mais je suis déjà assez nerveux pour tout ça, j’ai envie de faire ma performance avec mon propre instrument. Histoire d’être le plus à l’aise possible. En vrai je crois que je vais juste finir par lui montrer la vidéo que Maxine a pris de moi l’autre jour. J’ai pris la décision de monter sérieusement ma chaîne youtube. Ca fait juste deux ans que j’en parle et ça se met en place doucement. Me reste plus qu’à mettre tout ça sur youtube, mais en attendant, j’ai les vidéos.

« Hey hey hey ! »

C’est avec une étreinte que je salue mon ami. Je le serre fort parce que je suis déjà dans l’émotion du moment qui va arriver. Je suis pas très serein même si je sais qu’il faut que je me relaxe. C’est Levi. Il va pas me juger ou quoi.

« En fait j’aurai dû apporter des bières plutôt que ma guitare. »

Je suis littéralement en train de me défiler. Je vais lui montrer la vidéo et ce sera ça. Je suis beaucoup trop nerveux. Ca se voit sur ma tronche. Je vais instinctivement faire comme chez moi et me prendre un truc à boire qui se trouve dans son petit frigo. Je prends le premier truc alcoolisé qui me tombe sous la main et j’en bois une longue gorgée. J’ai besoin de courage liquide. Je me sens stupide de réagir comme ça mais j’y peux rien. Je retourne sur le pont pour m’installer avec Levi, posant ma guitare à côté de moi.

« Bon je vais te donner ton cadeau tout de suite parce que je vais pas tenir la soirée sinon. »

Parce que je sais que ça va bien se passer au fond et que je suis juste nerveux parce que c’est ma nature. Alors je sors mon téléphone de ma poche, je vais dans le dossier « youtube » que j’ai créé. J’ai montré la plupart des vidéos à Levi déjà, mais pas celle là, bien évidemment. Y’a une vidéo pour chacune de mes chansons originales mais aussi d’autres avec des covers que j’aime particulièrement. Je lui tends mon téléphone, l’arrêt sur image me montre moi, assis sur un banc dans un parc, avec ma guitare. La vidéo est de très bonne qualité parce que Maxine a du bon matos et le gros plus c’est qu’elle avait aussi un micro. Donc le son est très bon. Chose très importante dans l’histoire puisqu’on parle de musique.

Quand Levi prend le téléphone dans ses mains je m’empresse d’ajouter quelques détails d’introduction.

« Faut savoir que j’ai écrit le plus gros de la chanson quand j’avais 22 ans… Pour te remettre dans le contexte. »

Soit quelques mois après notre road trip en Australie avec Levi et Ariane. Ce voyage qui nous a unis plus que jamais, même si nous étions tous dans les vies les uns des autres avant ça. On a quand même passé six mois ensemble.

Je me cale dans ma chaise, attendant que Levi mette la vidéo en route. Mon coeur bat super vite.

Spoiler:

I love you more than you could know, you've got a hole inside my soul. It's like a mountain soaked in snow, it's in the earth the river flows. I'll hold my tears until you go.

Voilà que le compteur de ta vie inscrivait une année de plus depuis quelques jours. Pas que ça t'inspirait quelconque sentiment, tu n'étais pas quelqu'un qui se projetait ou se souciait assez de ton histoire pour daigner porter la moindre importance à ton âge. La seule donnée qui t'importait était la capacité de ton corps à te porter là où ton cœur le désirait et pour le moment, rien ne laissait présager que ce fait changerait.

Après plusieurs échanges téléphoniques comme tu en avais l'habitude quotidienne avec Kane, vous aviez décidé que vous vous retrouveriez sur ton bateau. Souvent, le pompier venait à l'improviste ce qui t'allait totalement. Kane pouvait bien élire domicile sur ton navire que tu l'accueillerais à bras grands ouverts. Ta maison était la sienne et rien ne changerait jamais cela. De plus, l'australien te rappelait avoir un cadeau pour toi, ce qui t'épatait vu l'avalanche de mots doux que tu avais reçue pour ton anniversaire, ce qui te faisait réaliser à quel point tu étais un homme chanceux et tu avais des personnes qui t'aimaient pour qui tu étais à Brisbane. De quoi soutenir ta décision de jeter l'ancre dans cette marina.

« Hey hey hey ! » que ton meilleur ami te salue avant que vous ne vous étreigniez affectueusement. Tu tapotes amicalement son dos et tandis que vous vous distanciez, tes yeux se posent sur une jeune fille vêtue d'une robe à l'effigie du groupe Trophy Eyes. « Et regarde mate, la jupe canon ! Il faudrait la même pour Wendy ! » Un rapide coup d’œil et tu sautes sur le pont de ton bateau tandis que Kane regrette de ne pas avoir pris d'alcool. Un fin sourire en coin étire tes lippes, tu perçois qu'il dit cela par rapport à ce fameux cadeau dont il t'a déjà parlé et dont il semble embarrassé. « Tu en feras ce que tu veux de ta guitare, » tu rappelles, ne souhaitant pas que celui que tu estimes comme un frère se sente mal à l'aise ou stressé. Tu t'en voudrais qu'il se range les sangs pour toi et tu as toute la patience du monde pour lui.

Kane extirpe une des boissons alcoolisées de ton petit frigo pendant que tu t'installes à même le sol de ton bateau, tes doigts s'évertuant à remplacer le cordage de ta voile. Quand il revient, le musicien annonce la couleur : « Bon je vais te donner ton cadeau tout de suite parce que je vais pas tenir la soirée sinon. » Tu ris doucement et troques les nœuds pour la nouvelle technologie que te tend ton meilleur ami. Le fait qu'il te présente une vidéo plutôt qu'une séance live t'indique que ça envoie du lourd. L'image du blond installé dans un parc s'affiche, ton doigt en suspens pour démarrer la performance. « Faut savoir que j’ai écrit le plus gros de la chanson quand j’avais 22 ans… Pour te remettre dans le contexte. » Tu lèves les yeux et croises le regard de ton interlocuteur qui s'est calé sur une de tes chaises longues. Tu fais rapidement le calcul, le manège des souvenirs t'enlaçant les sentiments. Il y a huit ans, à l'issue de plusieurs semaines passées ensemble, sans interruption, sans saccade aucune. Des mois à vous découvrir, à vous apprécier, à vous souder. Jamais tu n'étais resté aussi longtemps d'affilée avec qui que ce soit après ton service militaire. Et encore aujourd'hui, l'innovation intégrait Kane, parce que jamais n'avais-tu décidé de rester indéfiniment quelque part avant la fin de cet hiver australien. Le Williamson composait en quelque sorte le dénominateur commun de ta stabilité, tel un soleil auprès duquel tu ressentais le besoin de te réchauffer et qui te confortait en toutes circonstances naturellement.

« T'es sûr ? » Tu demandes ultimement, avant de lancer la vidéo après que le musicien ait acquiescé. Vu la qualité de l'audio et de la vidéo, tu as le sentiment d'être dans le dit parc et c'est concentré, sans mot dire, que tu rives la silhouette de Kane livrant son cœur dans ses paroles écrites à la plume de ses émotions.

A mesure des couplets, tu sens l'émotion te gagner. Chaque phrase te serre un peu plus le cœur, la brume s'installe devant ton regard. Les trémolos dans la voix du pompier ainsi que la fréquence variante avec laquelle sa main gratte sa guitare et impose ses accords te transpercent de sensations et bien avant la fin de la mélodie, tu réalises que tu retiens ton souffle. But the distance is killing me joue en écho et inconsciemment, tes dents s'enfoncent dans ta lèvre inférieure. Tu savais que Kane souffrait de vos séparations, que tu lui manquais, qu'il nécessitait parfois ta présence physique à ses côtés. Mais jamais n'avais-tu pu mesurer l'ampleur de cette douleur, de ce manque, de ce déchirement. L'on parlait ici d'un sentiment si vif qu'il en est assassin et percevoir tout le mal que tu pouvais imposer à ton meilleur ami rendait tes yeux brillants d'accablement.

Les secondes silencieuses se multiplient une fois la vidéo terminée. Tu n'oses pas lever ton regard de suite vers Kane, bien que tu te doutes qu'il ait compris que son cadeau ne t'ait pas laissé indifférent. Tu déglutis difficilement et inspires profondément, relâchant la pression contre ta lèvre. « C'est digne d'un tube, Kane. C'est du génie musical et sentimental. » Tu passes une main sur ton visage, effaçant grossièrement les traces de tes émotions. Elles ne risquent pas de s'envoler rapidement toutefois : tu te laisses rarement autant atteindre mais quand c'est le cas, tu restes entier. Tu n'es pas du genre à feindre tes émotions, les dissimuler et les ravaler. Cependant, tu n'es pas non plus du style à les exhiber en public. Et puis, possiblement étais-tu plus émotif ces temps-ci vu l'anniversaire de mort de Gideon qui avait eu lieu la semaine dernière. « T'es vraiment un artiste extraordinaire, » tu assures avant de te lever pour rendre son téléphone au jeune homme. Tu n'es pas avare en compliment, mais tu ignores s'il faut que tu le remercies pour ce cadeau ou si tu dois t'excuser pour toute la peine qu'il expose. Tu sais qu'il te comprend et ne t'a jamais retenu, n'a jamais tenté de changer qui tu étais, sachant qu'il te briserait les ailes en agissant ainsi ; mais son altruisme n'amoindrit aucunement ses propres peines. « Tu me laisses bouche bée, » tu avoues certainement inutilement. Tu ne sais pas quoi ajouter, pris aux tripes par ce présent. Tu n'avais pas auguré une telle rafale.

UNE ROBE TROPHY EYES ? C’est un truc spécial Noël qu’ils ont sorti pour que tous les dudes qui les suivent le prennent et l’offrent l’air de rien à leur copine ? C’est sûr c’est un coup comme ça. En tout cas je suis fan !

« Ok je vais me noter ça parce qu’il faut à tout prix que je la prenne. »

C’est genre, obligé. Je dirai rien à Wendy pour ce qui est de la provenance de la robe. Au fond ça va être un peu suspect parce que je ne lui ai jamais acheté aucune fringue à part du merch. Elle va le flairer à 100 km que y’a un truc là dessous. On verra. Le symbole de Trophy Eyes est très discret sur la robe alors ça peut passer comme une fleure. Je passerai commande dès que je serai sur mon ordi.

J’aime avec Levi, tout est toujours simple. On peut changer les plans dix fois avant de véritablement se poser sur quelque chose et c’est vraiment bien de pas avoir la pression pour ce genre de chose. Ma guitare va donc rester posée dans un coin. Du moins pour l’instant. Le temps de l’écoute. L’écoute qui me rend si nerveux.

J’hoche la tête quand il me demande confirmation avant de lancer la vidéo. Oui oui sûr. Qu’il la lance et qu’on en finisse. Je sais pas si j’ai envie d’observer Levi ou pas. Mes yeux vont et viennent mais ils finissent toujours plus longtemps sur lui qu’ailleurs. Plus les expressions de son visage montrent ses émotions, plus je sens les miennes décupler. Je suis déjà pas en mal de mon côté rien qu’avec la chanson que j’entends de là où je suis installé.

C’est la lèvre mordue que je regarde mon ami toujours un peu dans le moment même si la vidéo a touché à sa fin. J’attends le verdict. Mon coeur bat vite. Il prend trop son temps. Il est pas trop dans le mal j’espère. Je sais que cette déclaration c’était vraiment pas rien et là encore je ne sais pas si c’était une bonne idée de le partager. Je me suis mis complètement à nu sur un sujet très sensible. Ca a toujours été récurrent dans notre duo cette distance. J’ai toujours essayé de pas me montrer trop dans le besoin de lui parce que je sais que sa vie est ailleurs mais ouais, c’était horrible. J’avais besoin de lui plus que jamais. Heureusement que Ariane était toujours là. Levi me coupe dans mon flot de pensée en qualifiant mon morceau de génial. Je suis touché, mais je suis pas très bien en même temps. Je crois que je suis en train de regretter de lui avoir fait écouter. De nouveaux compliments.

« Merci… »

Venant de lui ça me touche trop. Je le vénère tellement lui et sa musique. Il se lève pour me rendre mon téléphone et je me lève aussi. Je récupère l’appareil et il insiste sur sa surprise quant au morceau.

« Je veux pas que tu te mettes la pression si jamais tu dois repartir un jour… Enfin, quand tu vas repartir. »

Parce qu’il va bien sûr repartir. On sait pas quand, mais oui, c’est sûr. Ce n’est qu’une question de temps même si je rêve qu’il termine ces jours ici. Peut être qu’il pourra plus nous quitter après avoir profiter de tout ce temps à nos côtés. On est vraiment trop cool comme amis Ariane et moi. Mais je ne doute pas qu’il saura s’en faire d’autre ailleurs. Pas aussi bien que nous bien sûr.

« J’ai grandit depuis… »

J’essaie de lui faire croire que ce sentiment a changé depuis mes 22 ans. Je mens. Je sais qu’il le sait. Je suis juste en train de me voiler la face sans raison parce que c’est Levi. Pourquoi je fais ça ? Sûrement parce que justement j’ai pas besoin de dire les choses en toutes phrases pour qu’il me comprenne. C’est simple.

Toujours debout l’un et l’autre, je le regarde et j’ai très envie d’aller lui faire une étreinte parce qu’il a l’air toujours à fleur de peau. Parce que c’est aussi mon cas. Alors je vais juste passer mes bras autour de lui pour l’entrainer dans un hug. Sans explication. Sans préavis. Je n’ai pas besoin d’argumenter pour avoir le droit à un moment comme ça avec lui. Je ferme fort les yeux et j’essaie de passer à autre chose mais tout porte à croire que cette chanson a un très grand pouvoir sur moi. Je suis quand même pas tranquille.

« Sérieusement Levi. Pas de pression ok ? »

C’est très important.

« Je sais que c’est pas rien de t’avoir avouer cette partie de moi et au fond j’ai l’impression que ça n’était pas la meilleure des idées de l’avoir terminée mais… Je sais pas. C’est… Beaucoup. C’est fort. J’ai genre 4 versions de la chanson avec des paroles beaucoup plus légère mais ça ne lui aurait pas rendu justice que de voiler mon véritable ressenti et… »

Je parle beaucoup. J’ai l’impression d’avoir vraiment besoin de me justifier sur tout ça.

« Enfin voilà… I’m naked. Around you. Does it show? »

Plus à poil que ça, tu meurs. La mention de notre chanson me fait du bien. Me rend un peu moins nerveux par rapport à tout ça. On est comme ça tous les deux, depuis toujours. Juste ça faisait bien longtemps que je ne lui avais pas fait part d’un truc si sensible à mes yeux. Je suis du genre à ne pas faire de remarques désobligeantes à Levi parce que je déteste me disputer avec lui. C’est arrivé très rarement, heureusement.

I love you more than you could know, you've got a hole inside my soul. It's like a mountain soaked in snow, it's in the earth the river flows. I'll hold my tears until you go.

La prestation de Kane t'a complètement retournée, si bien qu'il te faille quelques secondes de suspens avant de rendre son téléphone à ton meilleur ami. Tu complimentes sincèrement ce que tu considères composer un réel chef d'oeuvre. Tu sais que tu as une part de partialité parce que tu connais Kane et tu as conscience des facteurs qui l'ont menés vers cette écriture ; cependant, aucun étranger ne pourrait être sensible à sa performance. Aucun individu serait capable de demeurer de marbre devant tant de véhémence, de sentiments, de beauté. C'est de l'art à l'état pur et également du génie ; deux éléments qui te heurtent en plein cœur à juste titre.

Tu te doutes que Kane augure tes propres états d'âme vu comment ses paroles suivant tes commentaires sont timorées. Heureusement, il lui faut peu de temps pour cracher le morceau : « Je veux pas que tu te mettes la pression si jamais tu dois repartir un jour… Enfin, quand tu vas repartir. » Un sourire étire tes lippes, rictus que tu arbores presque par politesse, soulignant avec reconnaissance cette vérité qui constitue ton être, ton bonheur, ton mode de fonctionnement. « J’ai grandit depuis… » Après quelques secondes de silence où tu croises son regard, le pompier finit par t'entraîner dans une étreinte. Il te semble sentir son coeur battre contre le tien et tu tapotes son dos affectueusement alors qu'il rappelle : « Sérieusement Levi. Pas de pression ok ? » « T'inquiète pas pour moi, j'suis pas le genre à me mettre la pression. » Et tu l'enlaces plus fort. Cette chanson n'est pas dérisoire, elle t'a marqué et tu l'entraîneras avec toi à jamais. Tu te sens chanceux d'avoir Kane dans ta vie, extrêmement chanceux, si chanceux que tu te demandes ce que tu as fait pour le mériter. Et à défaut de pouvoir répondre à cette question, tu sais qu'il te faut chérir ce que tu as. A tes yeux, tu le fais, mais tu sais qu'aux yeux de beaucoup, tu négliges votre amitié. Tu peux sembler égoïste à préférer parcourir les mers plutôt que de rester disponible pour tes proches. Tu sais qu'Ariane est le pilier qui console dans votre trio et tu salues perpétuellement sa présence.

Le Williamson continue, te relate l'existence des précédentes versions de cette composition. Tu as envie de lui souligner que l'important est que cette chanson lui aille, lui soit vraie, mais tu doutes absolument pas qu'il le sait et que c'est le cas. Tu te distances un peu du jeune homme avant qu'il ne conclut : « Enfin voilà… I’m naked. Around you. Does it show? » Un doux rire file entre tes lèvres, armé de la volonté de détendre l'atmosphère malgré vos cœurs à vif. Puis, en guise de réponse, tu le prends de nouveau dans tes bras pour l'étreindre. Il y a de ces questions où les gestes sont plus explicites que les termes. « T'es le seul pour moi à qui je peux tout dire. »

Après quelques dizaines de secondes, tu te distances de nouveau et inspires profondément. L'air marin emplit tes poumons et c'est des confidences que tu expires, une sorte de mea culpa dont tu sais Kane connaît déjà les saveurs. Parce qu'à lui, et juste à lui, tu confies tout. Tu es totalement authentique devant lui. « Les seize premières années de ma vie, tu sais comme j'ai détesté dépendre des autres. De ma famille pour l'aspect matériel. De mon frère pour l'aspect émotif ultimement. Ce mode de vie, cet égoïsme de ma part, c'est ma manière de préserver tout le monde d'avoir mal par amour entre autres et de pas m'investir. Mais forcément, mon plan est très faillible. La preuve : toi, j't'aime. » Et tu t'investis pour lui. Tout comme tu t'es pris d'affection singulière pour Ariane et est capable de mettre ta vie en danger pour lui donner ce qu'elle désire. « J'assume pas de faire mal aux gens involontairement, mais ces circonstances, c'est les seules qui m'offrent un équilibre jusqu'ici. » Pendant la majorité de ta vie, il te semblait impossible de connaître le bonheur si tu te posais quelque part. Tu ne savais pas si tu pouvais dire que tu étais heureux à Brisbane, mais au moins, jusqu'ici, à l'aube de quatre mois de sédentarité, tu n'avais pas encore ressenti le besoin de hisser les voiles. Ceci signifiait quelque chose selon toi, bien que tu n'étais pas du genre à te psychanalyser. « Et je sais pas de quoi l'avenir est fait, mais pour l'instant, j'ai pas pensé une seule fois à me tirer. » Pour ce que ça valait, et sans vouloir offrir de fausse joie au pompier ou autre. Tu inspires profondément de nouveau, chassant les émotions fortes. « Tu vas la mettre sur l'Internet ? » Tu demandes, tes compétences en informatique largement insuffisantes pour que tu comprennes comment les clips se retrouvent sur cette plateforme et si elles y sont. Puis, tu sors Victor, ton violon et répètes les notes du refrain de la composition unique de Kane.

Il me rassure. J’en avais besoin. Non. Pas de pression pour lui. Il est beaucoup trop cool Levi. Il prend la vie comme elle vient. Je sais qu’il a ses raisons pour agir de la sorte et j’essaie de prendre exemple sur lui, mais j’ai du mal. Je suis du genre à me prendre trop la tête. Cogiter pendant des heures sur la même chose. Regretter telle ou telle phrase parce que je pense avoir blessé quelqu’un par mégarde. Souvent les gens sont déjà passé à autre chose et moi je suis toujours dessus. J’y peux rien. J’y travaille. Levi sait que j’ai besoin d’être apaisé et c’est ce qu’il fait. Je l’aime si fort. Il me serre bien contre lui et ça me fait tellement de bien.

Je ferme les yeux quand il fait durer l’étreinte plus longtemps, un deuxième hug et je veux rester dans ses bras pour le reste de la soirée. Je me vois déjà dormir là dans son bateau avec lui. A l’ancienne. Mais non. J’ai Wendy à la maison. Enfin, il suffirait d’un simple message pour lui dire que je ne rentre pas ce soir. Parfois j’ai besoin de mon temps avec mon BFF. D’ailleurs il me confie un truc que je savais déjà.

« Pareil… »

Stupide de le confirmer parce qu’on sait ça tous les deux. Y’a qu’avec lui que je suis complètement sans filtre et ça fait un bien fou. J’aimerai atteindre ce niveau là avec Wendy un jour. Mais je suis encore trop flippé parfois. J’ose pas toujours, même si ouais, on est quand même super intime, dans tous les sens du terme. On parle beaucoup aussi. Levi se détache un peu et je le regarde, attendant qu’il dise quelque chose. C’est sûr. Il va dire un truc. Je le vois prendre sa respiration. Est-ce qu’il est en train de s’insuffler du courage ? Non. Levi n’a pas besoin de ça. Il me parle de sa jeunesse. De sa famille. Je sais déjà tout ça mais ouais, je comprends qu’il me file une piqûre de rappel. Je souris quand il dit qu’il m’aime.

« Moi aussi je t’aime. »

Vérité indéniable. Je n’ai jamais de mal à le lui dire ou lui faire comprendre. J’hoche la tête quand il s’explique un peu plus. Je n’arrive pas à me retenir de sourire doucement quand il avoue ne pas avoir pensé une seule fois à partir. Ca c’est quelque chose. Parce que ça fait quand même quelques mois qu’il est là. C’est pas rien. J’essaie de ne pas trop me faire d’espoir mais si. Je m’en fais plein. Trop. Beaucoup trop. Je sais pas trop quoi dire suite à ça, je suis juste très heureux qu’il m’avoue ça et ça se voit sur mon visage de bienheureux.

« Je suis content que tu te sentes bien ici. »

Son bonheur est tout ce qui compte au fond. Que ce soit ici ou non. Mon coeur est rempli d’amour pour lui de savoir qu’il est si bien. Il vient de faire ma journée. Non ma semaine. Mon mois ! Bien plus encore. Il me reparle de la chanson et j’hoche la tête.

« C’est l’idée ouais. Mais je sais toujours pas si je vais oser. »

J’ai déjà mis deux ans à me lancer correctement dans la confection de vidéos pour une chaîne youtube. Maintenant qu’elles sont faites je doute encore. Je vais me rasseoir, récupérant ma bière.

« Mais je vais les enregistrer. Toutes. Et… Je sais pas. Si je les garde pour moi ou si je les mets sur Spotify ou juste Youtube… »

Je change d’avis tous les jours en ce moment. Impossible de me décider. Faudrait que quelqu’un le fasse pour moi.

« Faut qu’on fasse un duo tous les deux. Je veux une chanson avec nous deux sur ma chaîne. »

Et voilà que je projette pas mal alors que la chaîne est toujours qu’à l’étape de grosse supposition. Mais ouais dans tous les cas faire une vidéo de Levi et moi en train de chanter une chanson, c’est toujours une bonne idée.

« Comme ça j’attire les gens qui aime les bruns et pas seulement les blonds. »

Je ris un peu à cette boutade. Je sais que j’ai un peu de talent, pas seulement une belle gueule, mais j’aime bien me cacher derrière ce genre de truc.

« Non en vrai c’est beaucoup trop la classe d’avoir Levi McGrath en featuring. Je serai honoré. »

Je me mordille la lèvre avant de reprendre assez vite.

« On devrait s’écrire une chanson ensemble… »

Pour pas faire juste une reprise, même si y’a des chansons magnifique qui nous correspondraient à tous les deux. Là ce serait unique.

I love you more than you could know, you've got a hole inside my soul. It's like a mountain soaked in snow, it's in the earth the river flows. I'll hold my tears until you go.

Ce serait mentir d'affirmer que la composition de Kane ne t'a pas touché ou ému. En effet, elle a eu l'effet pour toi d'un coup en plein cœur : tu as ressenti les émotions de l'artiste dans chacune de ses notes, chaque trémolo de sa voix, chaque mot soigneusement choisi. Le Williamson détient un talent hors pair, tu es extrêmement fier et admiratif de lui, même si une partie de ton être s'en veut d'être à l'origine de certaines de ces émotions négatives qu'il excommunie en chanson.

Bien sûr, ton meilleur ami a perçu que son oeuvre, que tu considères un peu comme des aveux déclamés, ne t'a pas laissé indifférent. Tu lui assures sincèrement de ne pas s'en faire, que la pression est dérisoire. Son art n'est pas quelque chose dont il doit s'excuser ou se sentir mal : ce serait comme si l'essence de lui-même lui devenait déplaisante. Et cela, tu ne l'accepterais pas. Tu désires que Kane se sente bien, qu'il s'assume, qu'il prospère et s'épanouisse dans tout ce qu'il fait.

Tu lui rappelles qu'il est la seule âme sur cette planète à qui tu confies tout. La seule personne en qui tu as totalement confiance, avec qui tu te sens si bien que tu parviens à t'ouvrir totalement. Tu souris lorsqu'il t'annonce que la réciproque tient toujours et poses ta main sur son épaule affectueusement, refoulant une troisième étreinte. T'inspires profondément et remets en quelques sortes les pendules à l'heure. Des paroles dont Kane a parfaitement conscience mais que tu te sens le devoir de répéter, d'annoncer tout haut, sans doute davantage pour toi que pour lui. Que ce soit les bavures de ton passé ou ton amour pour l'australien, tout est dit. Tu plonge ton regard dans le sien lorsqu'il te renvoie son amour et possiblement que ces quelques mots te motivent à continuer sur ta route de l'émotion.

C'est en toute franchise que tu déclares ne pas assumer imposer du mal aux gens que tu aimes et en toute surprise que tu lui confies ne pas avoir encore pensé une seule fois à mettre les voiles. Le visage de ton interlocuteur affiche sa réjouissance derechef, élargissant ton propre sourire.

Puis, tu décides d'orienter la conversation sur un plan plus technique, question de faire cesser les violons. Kane te renseigne sur ses plans futurs : l'assurance qu'il enregistra ses compositions, la possibilité qu'il les diffuse sur une plateforme. Tu ne t'y connais pas en Internet mais tu ne peux qu'approuver le fait que le jeune homme se produise. D'ailleurs, quand il t'annonce vouloir que vous fassiez un duo pour "sa chaîne", tu ris doucement. Rire qui gagne en intensité alors qu'il enchaîne sur les goûts physiques des visionneurs. « Non en vrai c’est beaucoup trop la classe d’avoir Levi McGrath en featuring. Je serai honoré. » « On a tous les deux la classe ! » Tu précises avant qu'il suggère que vous écriviez une chanson ensemble.

Tes sourcils se froncent aussitôt, ton regard scintille d'idées et de possibilités. Vous pouvez en effet écrire sur une multitude de choses : votre parcours, votre amitié, des éléments de votre vie, des sentiments que vous avez en commun. Mais ce qui t'interpelle le plus, c'est que tu avais bien une mélodie en tête depuis des semaines mais aucune parole à mettre dessus. Peut-être te manquait-il justement Kane et son idée ? Le destin voulait que ce jour lie tous les éléments. « J'ai quelque chose à te suggérer. » Tu vas chercher Gulliver, ta guitare, et t'installes sur une des chaises longues. « C'est une mélodie que j'ai composée. Ça fait des semaines qu'elle me reste en tête, je suis toujours à travailler dessus mais je trouve pas les mots qui iraient avec. Il y a la trame, mais c'est comme si j'avais pas ce qu'il fallait pour la compléter. Peut-être que c'est toi qui manquait ? Peut-être qu'on peut partir de sa base pour notre composition ? » Parce que oui, jamais tu ne refuserais de jammer, d'écrire ou de composer avec Kane. Sans attendre davantage, tu commences à gratter ta guitare de ces sons si particuliers qui ne te quittent jamais depuis leur création. Tu sais qu'ils proviennent d'une émotion rare en toi, quelque chose que tu n'arrives pas à décrire, une sensation pure et instinctive frôlant l'indomptable, l'incontrôlable. Elle t'est existentielle, simple et complexe à la fois.
Quelques minutes plus tard, la guitare retrouvant le silence, tu questionnes ton meilleur ami : « T'en penses quoi ? »

C’est vrai qu’on a tous les deux la classe. On est trop beau. On est talentueux. On est jeune. On a tout pour nous. Quoi un peu de positivité ça fait pas de mal. Je parle de faire une chanson ensemble et Levi ne me déçoit pas alors qu’il me lance qu’il a déjà des idées. Oh mon boy. J’aime trop. Il va prendre sa guitare et apparemment on va l’écrire maintenant cette chanson. Ou en partie en tout cas. Tout est si simple avec Levi. Si on veut je suis sûr qu’on peut écrire un album en un temps record. Y’a plein de sujets que j’ai pas encore osé aborder mais qui m’inspirent bien. J’ai juste pas encore eu les couilles de poser les mots sur le papier. J’ai jamais trop forcé pour écrire des chansons. Quand ça vient tout seul, j’écris et boom. Voilà. C’est un besoin presque vitale d’accoucher les vers et la mélodie. Ca m’est pas arrivé si souvent que ça. A cet extrême là. C’est toujours un sentiment si fort quand ça se passe. J’ai jamais osé me poser et tenter d’écrire quelque chose parce que j’ai dit « allé j’écris un truc ». Comme les compositeurs font parce que c’est leur métier.

Levi me parle d’une mélodie. Il a ça pour commencer. J’hoche la tête quand il demande mon input pour les paroles.

« Shoot. »

Je suis prêt. Je suis à l’écoute. Je suis impatient. On tient très certainement notre collaboration parce que je sais d’avance que ça va m’inspirer. Il suffit que je sache que c’est Levi qui a inventé la mélodie pour que ça me touche direct. Je sais c’est con, mais c’est comme ça. J’aime tellement Levi que ça va si loin. Et c’est pareil pour tous les artistes que j’admire, même s’ils changent de direction complètement dans leur musique, ça me touche toujours d’une façon ou d’une autre.

Et oh god. Dès qu’il commence à jouer ça me prend aux tripes parce que putain il est trop doué. Il a ça dans le sang c’est impressionnant. Je ne sais vraiment pas si je saurais faire si bien en « me forçant » à écrire parce que j’ai décidé d’écrire. Levi me demande mon avis et je suis encore un peu perdu dans le moment de cette mélodie qui m’a caressé les oreilles pendant quelques minutes trop courtes.

« Wow c’est… Limite tu peux la sortir comme ça. Je suis fan. »

Ouais bon aussi faut dire que je suis faible pour la guitare acoustic. Je pourrais en écouter toute la vie en instrumental sans me lasser.

« Non mais ouais y’a un truc à faire c’est sûr ! Genre… »

Et là, je me lance un peu à l’aveugle, je commence une petite phrase, mais non pas moins lourde de sens, avec une mélodie qui collerait pas mal à ce qu’il a joué et c’est comme ça qu’on passe une heure à entamer l’écriture de cette chanson. Je sais pas trop d’où je sors ça mais ouais. Je feel bien ce que je raconte. Je parle de dépression. Je n’en suis pas, plus, touché, mais je connais du monde qui en souffrent toujours et tout porte à croire que j’avais pas mal de truc à raconter là dessus. Ca fait bizarre. Très clairement Joel sera le premier à qui j’enverrai ça quand ce sera un peu plus abouti mais wow. Je savais pas que j’avais ça en moi. C’est surtout le refrain qui me vient bien. Va me falloir un peu plus de temps pour développer la suite. J’ai quelques phrases ici et là et wow, je m’impressionne très nettement. J’ai sorti mon téléphone pour noter tout ça et m’enregistrer pour pas oublier la mélodie etc.

Alors que y’a clairement un premier couplet et un refrain dans la boîte, je regarde Levi, assez impressionné par moi même.

« Okay je crois qu’on tiens un truc. »

No shit. Je feel le truc complètement. A qui je mens ?

« T’es magique Levi, tu sais ça ? »

Je me diminue, comme souvent. Je suis tellement pas sûr de moi au niveau de ma musique. Y’a tellement de pointures dans mon entourage je me sentirais jamais à leur niveau.