| (dylanwar) steady feet don't fail me now |
| | (#)Ven 14 Déc 2018 - 1:19 | |
| dylan & anwar steady feet, don't fail me nowSteady hands just take the wheel, every glance is killing me, time to make one last appeal for the life I live. Stop and stare, you start to wonder why you're here not there, and you'd give anything to get what's fair but fair ain't what you really need, oh, can you see what I see'. ☆☆☆ Il connaissait Redcliffe dans les moindres recoins. Certains l’accuseraient de faire des généralités s’il affirmait que ses dix ans passés à la brigade des stupéfiants y étaient pour quelque chose, mais il n’empêche que c’était probablement l’une des raisons. Oh on ne dealait pas qu’à Redcliffe, bien sûr, et il n’y avait pas que dans les limites invisibles de ce quartier que l’on consommait non plus … Mais ici on ne cachait pas ses vices sous un costume Armani ou une cravate en soie comme à Spring Hill, ici on ne craignait pas la politique des apparences obligeant Logan City à rester un quartier familial et Bayside à entretenir son aura de carte postale touristique. À Redcliffe on ne s’embarrassait pas tant des apparences, et pour le flic qu’il était cela donnait le pire comme le meilleur. Les rues ici n’avaient donc plus aucun secret pour lui, et pourtant Anwar s’était bêtement laissé avoir par l’envie d’en finir au plus vite et l’oubli de réfléchir à ce qu’il faisait : Redcliffe c’était aussi leur West End à eux, le Broadway de leur coin du monde, et à l’approche des fêtes de fin d’année le quartier devenait cette fourmilière dans laquelle les bouchons duraient toute la journée et où les coups de klaxon finissaient par s’insérer avec habitude dans le paysage. Coincée entre la Jeep d’un surfeur et un énorme pick-up rouge, sa vieille Ford Taurus faisait grise mine et semblait s’impatienter autant que son conducteur : les doigts pianotant sur le volant, l’œil allant à intervalles réguliers observer le reflet du rétroviseur, il se sentait comme un ravioli vapeur dans cette voiture vieille de presque quinze ans et où la climatisation crachotait un air tiède. Cinq minutes, dix, et moins de cent mètres parcourus plus tard, un juron d’impatience lui avait finalement échappé, et se penchant pour ouvrir la boite à gants du véhicule il en avait sorti son gyrophare et l’avait balancé sur le tableau de bord avec empressement, y allant de quelques coups de klaxon supplémentaires pour se frayer un chemin au milieu du flot de véhicules et s’en extirper à la première occasion. Un jour ce genre de choses finirait par lui retomber dessus. Un jour. Le ciel commençait à prendre ses teintes roses et oranges de début de soirée lorsqu'il avait enfin garé sa Ford devant le 912 de la rue, bâtiment d'une autre décennie à la façade vieillissante et dont la peinture craquelait çà et là. Coupant le contact, Anwar avait passé une main fatiguée sur son visage après avoir fait remonter ses lunettes de soleil sur le haut de son crâne. Le dossier Hepburn était une de ces affaires presque trop simples pour être vrai, avec coupable et arme du crime servies sur un plateau d'argent à proximité du cadavre, et un procès vitesse grand V comme la justice n'en comptait que trop peu. Rapide à instruire, et tout aussi rapide à ranger dans la case des affaires classées auxquelles on s'efforçait de ne plus penser, parce que ce n'était pas sain, parce qu'un policier devait savoir se distancer. De la distance il n'y en avait pourtant guère plus aux yeux d'Anwar tandis qu'il verrouillait son véhicule et s'engouffrait dans le hall d'immeuble ; Il n'était pas là par plaisir, il ne se faisait pas porteur de bonne nouvelle, et après le fiasco de l'affaire Jacobs – affaire Sofri désormais – l'idée d'être une seconde fois mis face à le spectre de son incompétence lui tordait l'estomac. Cette femme qu'il avait tenté d'apaiser quelques mois plus tôt – ou bien des siècles – et qui lui avait rappelée Norah sur bien des points changerait probablement de visage à la seconde où il aurait délivré son message, et déjà amer Anwar soupirait de sa propre impuissance face à une situation sur laquelle il n'avait pourtant aucun contrôle. Coinçant ses lunettes dans le col de son polo, il s’était éclairci la gorge et avait pris une dernière inspiration avant d’appuyer le doigt sur la sonnette, guettant dès lors le moindre bruit de pas ou signe de vie de l’autre côté de la porte jusqu’à ce qu’elle ne s’ouvre sur celle qu’il était venu déranger. « Bonsoir … » Fouillant la poche arrière de son jean, il en avait sorti sa plaque de police et l’avait montrée à la jeune femme avant de reprendre « Inspecteur Zehri, je ne sais pas si vous vous souvenez de moi ? » avec dans le ton une certaine prudence. Derrière elle, le petit appartement dont il se rappelait à peine mais dont l’odeur fleurie, en revanche, avait quelque chose de presque familier. « Est-ce que je pourrais vous parler quelques minutes ? C’est à propos de l’enquête, concernant le décès de votre mari. » Plus que de la simple prudence le brun y allait désormais d’une certaine douceur dans la voix, tentative malheureuse d’enrober ce qui de toute manière réveillerait souvenirs douloureux et plaies à peine refermées.
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| | | | (#)Mer 26 Déc 2018 - 2:29 | |
| steady feet don’t fail me now ANWAR&DYLANAujourd’hui était ce que l’on appelait une journée calme. Tout s’était passé correctement au travail, j’avais récupéré Lucy à l’école et nous étions rentrée. Ma fille demandait après son père presque tous les jours. Pour le moment, je ne lui avais pas clairement avoué qu’il ne reviendrait plus jamais. Je n’avais pas eu cette force. La force d’enlever son innocence à une petite fille de trois ans. Comment faire ? Mon père m’avait dit qu’il lui avait été difficile de le faire avec moi quand j’avais commencé à lui demander pourquoi je n’avais pas de maman. Cependant, il m’avait aussi dit qu’il y avait une grosse différence avec ce qu’il avait vécu : Lucy avait connu son père. Elle savait qui il était, comment il était. Elle connaissait celui qui la bordait le soir, et lui promettait que tous les monstres sous son lit étaient vaincus par sa grosse voix. Cette différence, je la ressentais chaque fois que Lucy rentrait à la maison en espérant voir son père. Je la voyais chaque fois dans ses yeux, quand elle réalisait qu’il n’était pas là. Je la voyais le matin quand elle pensait qu’il était revenu pendant la nuit alors qu’il ne l’était pas. « Il revient quand, papa ? » Grande question. Quand reviendras-tu, mon amour ? Parfois, je continuais moi-même à me poser la question. Alors, comment répondre à ma propre fille ? Jusqu’à maintenant, j’avais esquivé la vraie réponse grâce à une pirouette. Je savais que le jour viendrai où je devrais lui dire la vérité. Et je le ferai. Il n’était pas question que Lucy croit que son père avait choisi de partir, qu’il nous avait abandonnées. Noah n’aurait jamais fait cela. Un toc à la porte me fit sortir de mes pensées. Je me rendis compte que j’étais en train d’essuyer la même assiette depuis déjà quelques minutes, perdue dans mes pensées. « Lucy, ma chérie, après ça, c’est l’heure du bain. » Mon adorable fillette laissa échapper un soupir, comme si il s’agissait de la pire chose qu’il pouvait lui arriver au monde. Je ne pus m’empêcher de sourire tandis que je me dirigeais vers la porte pour ouvrir à l’inconnu qui venait de toquer discrètement. A peine la porte ouverte, je reconnus immédiatement l’homme qui se tenait derrière. Je n’avais pas eu le temps de dire quoi que ce soit qu’il s’était présenté. Un simple hochement de tête lui avait indiqué que je me souvenais très bien. Ma tête a l’ouverture de la porte devait déjà être un bon indicateur. L’inspecteur Zehri avait travaillé sur le « dossier Hepburn ». Je me souvenais de lui comme étant l’un des rares ayant de la compassion pour une femme qui se retrouvait seule avec sa fille parce que son mari avait fait une erreur. Une grosse erreur mais Noah n’avait tiré sur personne. Il n’avait même pas pris d’arme, seul Ezra en avait une. Et l’enquête, menée par l’inspecteur Zehri, avait montré que c’était celle-là même qui avait tué mon mari. J’avais perdu mon mari de la main même de l’homme qui m’avait promis de protéger notre famille. Le procès avait été mené et conclu il y a peu. J’avais cru que ça me donnerait une certaine clôture. Ce n’était pas le cas. J’étais toujours aussi malheureuse. J’avais toujours aussi mal de ne pas retrouver mon mari tous les soirs en rentrant. Cependant, je ne pensais plus devoir faire face à un inspecteur de police pour cela. L’affaire était close. Du moins, du point de vue de la justice. Aujourd’hui, l’inspecteur Zehri se trouvait face à moi et voulait me parler à ce sujet. Je restais silencieuse quelques secondes, comme si il allait simplement disparaître et que je me rendrais compte qu’il n’était pas vraiment là. Mais il était bel et bien là. Ces quelques secondes m’avaient servi à digérer l’information, à me préparer à replonger dans tout cela. La plaie commençait à peine à se refermer, commençait. « Oh... Entrez, inspecteur. » J’avais dit cela tout en me décalant pour laisser l’homme entrer. Une boule au fond de mon ventre s’était automatiquement formée. Je m’attendais au pire. Qu’est-ce qui pouvait bien avoir resurgi ? « Je vous sers quelque chose à boire ? » Je crois que j’essayais de repousser un maximum l’échéance. Repousser le moment où il allait me reparler du jour où ma vie avait changé du tout au tout. J’avais beau faire, cet inspecteur faisait son travail. Je pouvais déjà m’estimer heureuse qu’ils aient envoyé l’inspecteur Zehri et non un de ses collègues désagréables au possible. L’un d’entre eux m’accusait ouvertement d’être la complice de mon mari. Il sous-entendait que je méritais ce qui m’arrivait. Comme si je ne m’en voulais pas assez, quelqu’un devait appuyer sur cette culpabilité. Pour certaines personnes, il était simplement compliqué de ressentir ne serait-ce qu’un peu de compassion. Une petite fille venait de perdre son père. Mais ça n’avait aucune importance pour eux puisque ledit père avait commis un crime puni par la loi. J’émis un léger soupir. « Qu’avez-vous à me dire ? » Finalement, c’était comme un pansement, il fallait tirer dessus très vite pour faire passer la douleur. J’avais sorti deux tasses dont je remplis l’une d’entre elles de café. D’un tiroir, j’en sortis une boîte de comprimés et en pris un. Quatre mois maintenant que je prenais ces antidépresseurs. Ça n’enlevait pas la douleur. Cependant, ça m’empêchait de m’effondrer. Grâce à eux, je retrouvais la torpeur dans laquelle j’étais juste après l’annonce du décès de Noah alors que je devais m’occuper de Lucy sans rien laisser paraître. J’étais devenue un robot au quotidien. Je faisais dos à l’inspecteur Zehri. Je remplis à nouveau ma tasse de café ainsi que la seconde. Je me tournais pour la lui tendre. Silence. - Spoiler:
Je ferai l’en-tête plus tard parce que je poste de mon iPhone et du tram donc J’espère qu’il te va
Dernière édition par Dylan Fabray le Lun 11 Mar 2019 - 17:16, édité 3 fois |
| | | | (#)Ven 18 Jan 2019 - 15:31 | |
| La chaleur accumulée de la fin de journée et la teinte orangée que prenait la ligne d’horizon derrière le toit des immeubles du quartier donnaient envie d’aller s’installer à la terrasse d’un bar de Fortitude Valley, ou de s’aventurer à travers les allées de la Marina pour admirer les yatchs hors de prix ou les voiliers plus raisonnables au milieu desquels Anwar possédait le sien. L’humeur du policier, pourtant, n’était ni à la détente ni à la félicitée tandis qu’il enfonçait le bouton de la sonnette en se faisant le porteur d’une mauvaise nouvelle ; Une de plus. Plus que les secondes passées à attendre que la porte ne s’ouvre, celles qui s’étaient écoulées entre le moment où il s’était présenté à l’occupante des lieux et celui où elle s’était décidée à lui répondre avaient semblé à Anwar durer une éternité. Troublée, rendue méfiante sans doute à l’instant même où il avait annoncé le motif de cette visite inopinée, elle s’était malgré tout fendue d’un « Oh ... Entrez, inspecteur. » obligé tout en se décalant d’un pas pour le laisser entrer, le policier remerciant d’un signe de tête poli tandis qu’elle refermait la porte derrière eux avec sans doute la sensation désagréable d’avoir laissé entrer le loup dans la bergerie. Drastiquement plus petit que celui dans lequel il avait été accueilli la dernière fois que leurs chemins s’étaient croisés, l’appartement trahissait une arrivée à la va-vite et le manque de temps – ou d’envie – dont avait disposé la jeune veuve pour s’approprier l’espace et le personnaliser, et seuls les jouets abandonnés çà et là semblaient y apporter un peu de couleur. « Je vous sers quelque chose à boire ? » Sursautant légèrement, se sentant presque comme pris en faute dans sa brève contemplation des lieux, l’inspecteur avait répondu d’un haussement d’épaules que la maitresse de maison serait libre d’interpréter comme elle le souhaitait. En vérité son estomac lui paraissait trop noué pour pouvoir avaler quoi que ce soit, mais la perspective d’un verre ou d’une tasse pour occuper ses mains et cacher sa nervosité ne se refusait pas. « Qu’avez-vous à me dire ? » Comme si elle espérait continuer de fuir la confrontation, elle avait tourné le dos à peine sa question posée, préférant leur sortir deux tasses et les remplir de café tandis qu’Anwar tentait de son côté de rassembler ses pensées sans savoir comment les formuler. « J’ai bien peur que de nouveaux éléments aient fait surface, concernant la mort de votre époux. » avait-il alors tenté dans un premier temps, la phrase lui semblait être une mauvaise idée à peine avait-elle franchi la barrière de ses lèvres, et lui arrachant alors une grimace de dépit. Soupirant à son tour, manquant de patience pour ses propres hésitations, il s’était éclairci la gorge et avait repris d’un ton plus décidé « Bon, il n’y a pas vraiment de bonne manière d’annoncer ça, alors : le dossier va être rouvert. » Ce n’était pas encore officiel, ce n’était même pas encore certain, mais il y avait toutes les chances que ce soit le cas dans les jours ou dans les semaines à venir, et plus tôt la mère de famille en serait avertie plus vite elle pourrait digérer cette – mauvaise – nouvelle. « L’arme qui a servi à tuer votre mari. Elle a de nouveau servi dans la commission d’un homicide il y a dix jours, l’expert en balistique a rendu son rapport hier. Ce qui veut dire que c’est probablement une question de jours avant que l’avocat de monsieur Rowling n’en soit informé et ne dépose une requête pour faire rouvrir le dossier. » Et à raison, au fond. Car si l’arme – qui n’avait jamais été retrouvée – avait servi à nouveau alors que son client dormait derrière des barreaux, il relevait de son travail de questionner la probabilité qu’un autre ait également appuyé sur la détente en juillet dernier. Pas de quoi remettre en cause les autres preuves réunies contre lui, la vidéosurveillance du magasin qui le désignait de façon accablante et le mobile de l’accusé – l’appât du gain – mais suffisamment pour que ce nouvel élément soit versé au dossier et que des investigations supplémentaires en découlent. Sentant qu’il venait de faire s’écrouler le monde déjà brinquebalant de la jeune femme, Anwar avait alors tenté d’arrondir les angles en commençant par assurer « Ça ne veut pas dire qu’il va être libéré, pour le moment vous n’avez pas à vous inquiéter de cette possibilité. Mais c’est une faille que son avocat va tenter d’exploiter, c’est son métier. » Dans un coin de sa tête néanmoins, le policier ne pouvait totalement exclure la possibilité qu’une erreur judiciaire ait été commise. Il n’appartenait pas à lui de le mentionner, il n’avait aucunement l’intention de mettre la veuve face à cette possibilité, mais l’angoisse qu’un second innocent se soit retrouvé incarcéré au terme d’une enquête qu’il avait commandé lui donnait des sueurs froides et l’avait tenu éveillé une grande partie de la nuit.
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| | | | (#)Dim 27 Jan 2019 - 8:16 | |
| Lorsque l’inspecteur Zehri était entré dans l’appartement, j’avais surpris son regard survoler discrètement l’endroit. Je pouvais lire dans ses yeux exactement ce qu’il en pensait. Il ressentait de la pitié, cela se voyait. En tout cas, j’en avais l’impression. Pourtant, je savais qu’il était loin d’’être une personne qui jugeait. Il avait été le seul à compatir face à ma perte. Il fallait bien qu’il fasse son travail et me pose les questions qui faisaient mal. Il l’avait fait, sans jamais m’accuser, sans jamais juger une mère se retrouvant seule à élever sa fille avec une situation financière précaire. J’avais tout de même cette impression de jugement. Comment ne pas l’avoir ? Tout le monde passait son temps à juger sans savoir. Évidemment, cet appartement était tout de même bien plus petit que le précédent. Les seuls éléments indiquant que des gens vivaient ici étaient les jouets de Lucy sur le sol. J’avais emménagé ici car je n’avais pas le choix. L’autre appartement était trop difficile à payer pour moi, et il m’était impossible d’y rester avec le fantôme de Noah qui envahissait le lieu. Alors, j’avais rapidement décidé de partir après son décès. Je n’avais pas d’attache avec cet appartement, il me permettait de mettre un toit au-dessus de la tête de ma fille. Je ne lui en demandais pas plus. Je n’avais pas l’envie de le décorer. Dans le coin du salon demeurait un carton rempli des photos avec Noah. Je n’avais pas la force de le vider, pas la force de voir son visage heureux figé sur papier glacé. Son visage figé à jamais. Ces photos seraient tout ce qu’il me resterait de lui. Y compris nos photos de mariage. Comme pour le détourner de son jugement et pour gagner du temps, je lui avais de suite proposé à boire. Mais, cela ne servait à rien de gagner du temps. Il était là pour une raison. A peine avait-il prononcé les mots de nouveaux éléments que je sentais déjà mes jambes vaciller. C’était un cauchemar, j’étais dans un cauchemar et j’allais me réveiller. Cela devait forcément être cela. Le procès venait de se terminer. En tout cas, dans ma tête, il avait eu lieu la veille. Doucement, je posais mes mains sur le comptoir de la cuisine. Il fallait que je me tienne pour m’empêcher de tomber. Mes yeux se posèrent sur mon alliance et ma bague de fiançailles. Elles aussi un souvenir de Noah. De notre amour. Quand pourrais-je enfin faire mon deuil tranquillement ? Quand cette histoire allait-il se terminer ? Qu’on laisse mon amour en paix. Oh Noah, je n’aurai jamais la force. La force de continuer sans lui. La force d’élever notre fille. La force de supporter les on-dit, les rumeurs. La force de rouvrir le procès. Je ne pouvais pas revivre cela. Je voulais parler mais j’en étais tout simplement incapable. Mon cerveau n’acceptait pas cette information. L’inspecteur avait poursuivi. J’écoutais ce qu’il avait à dire, sans vraiment parvenir à comprendre le sens de tout ce qu’il me disait. Dossier rouvert. Arme. Requête. Les mots arrivaient à mes oreilles, se bousculaient dans ma tête. « J’ai besoin de m’assoir. » Ces mots étaient sortis d’un coup, sans vraiment les contrôler. Le fait est que j’avais vraiment besoin de m’assoir. Tant bien que mal, je tentais de me diriger vers le canapé. La tête me tournait. Je n’arrivais plus à réfléchir. Je me stoppais net dans mon mouvement, et posais mon regard dans celui de l’inspecteur. « Non, c’est impossible. Non. C’est fini tout ça, le procès est fini, il a tué mon mari. Ezra l’a tué. » Tout en parlant, je secouais la tête, comme pour chasser cette nouvelle. Ce n’était pas en train d’arriver. C’était un simple cauchemar. Je sentis mes mains se mettre à trembler. Je tentais de les maintenir l’une dans l’autre. J’avais besoin de m’assoir et, pourtant, je n’arrivais plus à faire un seul mouvement. Mes jambes étaient paralysés, mes mains tremblaient, tandis que je le fixais. « Ne les laissez pas faire ça. » Comme si il pouvait y faire quelque chose. Mon ton était suppliant. « Ils vont me reposer des questions ? » Par ils, je parlais des collègues policiers de l’inspecteur, ou encore des avocats. L’avocat de Ezra allait sauter sur l’occasion, et je me souvenais très bien de lui. Noah, donne moi la force. Je ne pourrai pas supporter à nouveau toutes les questions. Mes yeux se baissèrent sur mes mains l’une dans l’autre, voulant les faire s’arrêter de trembler. Je répétais à nouveau. « Ne les laissez pas nous faire ça. » Je parlais de nous en incluant Lucy. A dire vrai, je me moquais de ma douleur, je voulais simplement que Lucy voit son père comme il l’était. C’est-à-dire un père formidable, aimant, protecteur. Il n’était pas un homme violent, bien au contraire. Il avait fait une erreur, car il était désespéré. Mais la justice était décidé à le montrer comme un criminel. Mon corps avait beau trembler, j’avais beau avoir mal, aucune larme ne coulait. Cependant, je savais que ma douleur était presque palpable. Quelques secondes, le silence régnait, seuls des bruits de jeu dans la chambre de Lucy parvenaient jusqu’à nous.
Dernière édition par Dylan Fabray le Lun 11 Mar 2019 - 17:15, édité 1 fois |
| | | | (#)Mer 20 Fév 2019 - 15:08 | |
| Il avait beau tenter d’y mettre un minimum les formes, au fond il savait que le résultat resterait le même et qu’il n’y avait pas de bonne manière d’annoncer la nouvelle à la jeune veuve. L’histoire était encore récente, dans un sens, les blessures probablement encore loin d’être cicatrisées, et lui ne faisait que verser du sel sur ses plaies en lui annonçant que tout n’était pas terminé. La voyant pâlir à mesure que les mots sortaient de sa bouche, Anwar s’apprêtait à y faire une réflexion, mais affirmant d’elle-même « J’ai besoin de m’assoir. » la jeune femme s’était dirigée vers le canapé, probablement avec l’intention de s’exécuter. S’immobilisant pourtant à mi-chemin, la réalité des mots du policier semblait l’avoir atteinte un peu plus au fil des secondes et la tête se secouant avec incompréhension elle avait murmuré « Non, c’est impossible. Non. C’est fini tout ça, le procès est fini, il a tué mon mari. Ezra l’a tué. » sans qu’Anwar ne soit véritablement certain d’être le destinataire de cette affirmation – peut-être ne faisait-elle que se parler à elle-même, pour tenter de se convaincre que tout cela n’était qu’un mauvais rêve. Bien que reconnu et jugé comme l’assassin de son époux, la jeune femme avait appelé ce dernier par son prénom, et si tout inspecteur qu’il était le détail ne lui avait pas échappé, Anwar s’était gardé de tout commentaire à ce propos. Rien dans cette affaire n’était simple, tout n’était que question de choix – bons ou mauvais – et de preuve que l’on ne connaissait jamais totalement les gens, même ceux dont on se pensait les plus proches. « Ne les laissez pas faire ça. » avait-elle finalement repris d’un ton suppliant, les mains tremblantes, lorsqu’il avait chassé la possibilité directe d’une libération du dénommé Ezra tout en la mettant néanmoins en garde sur le fait que son avocat pourrait tirer avantage de la situation et tenter d’en faire la demande. « Nous tâcherons d’éclaircir cette histoire au plus vite. » Il n’était pas en mesure de lui promettre plus que cela, et avait de toute façon appris avec le temps que dans son métier il n’était jamais de bon ton de faire la moindre promesse, parce qu’on n’était jamais certain à cent pour cent de pouvoir s’y tenir. « Ils vont me reposer des questions ? » Toujours immobile, toujours debout et toujours tremblante, la mère de famille avait relevé les yeux vers le policier, répétant à nouveau un « Ne les laissez pas nous faire ça. » plaintif tandis que le bruit des jeux innocents de sa fillette dans la pièce à côté terminait de donner un ton fataliste à toute cette situation. « Pour le moment il n’y a pas de raison que l’on vienne vous importuner, non. À la limite, il se peut qu’on vous demande d’identifier un individu, suivant ce que donneront les nouvelles investigations, mais dans ce cas-là vous serez prévenue à l’avance et vous serez entendue comme simple témoin, rien d’autre. » Comme témoin et non pas comme suspecte, comme cela avait pu être le cas aux débuts de l’enquête concernant le décès de son époux. La procédure, rien de plus, mais Anwar comprenait aisément que la situation puisse être difficile pour les familles de criminels – et bien qu’il ait été une victime, Noah Hepburn restait également coupable d’avoir braqué un commerce, peu importe ses motivations. « Vous devriez vous asseoir quelques instants. » Quittant la chaise sur laquelle il s’était jusque-là installé, le brun avait parcouru les quelques mètres le séparant de la jeune femme, la guidant jusqu’au canapé du bout des doigts, juste de quoi la persuader de s’asseoir avant que ses jambes ne décident contre son gré de la laisser tomber. « Écoutez, se permettant de prendre la seconde place vacante du canapé et s’asseyant sur le bord, Anwar avait tenté de cultiver un ton rassurant je ne peux pas vous promettre quelle sera l’issue de toute cette histoire, moi-même je ne la connais pas. Mais je vous assure que nous allons faire notre possible pour tirer tout cela au clair rapidement, et que vous ne serez pas impliquées si ce n’est pas strictement nécessaire. En vérité rien ne nous obligeait à vous avertir dans l’immédiat … Je préférais simplement vous l’éviter de l’apprendre d’une mauvaise façon. » Par l’avocat de la défense, par une manchette de presse, ou par un représentant de l’ordre trop zélé mais qui manquerait de la dose minimum d’empathie.
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| | | | (#)Lun 11 Mar 2019 - 17:14 | |
| Éclaircir cette histoire. Quelle histoire ? N’avaient-ils pas analysé l’arme avec laquelle s’était servi Ezra pour tuer Noah ? Je n’y comprenais plus rien. Comment avait-elle pu se retrouver ailleurs ? Ce n’était qu’un cauchemar. Mon esprit refusait d’accepter cette information. Refusait tellement que je m’étais simplement stoppée dans mon mouvement, paralysée par les paroles de l’inspecteur. A dire vrai, ses paroles me transperçaient la peau. J’avais si mal. Partout. Je n’arrivais pas non plus à stopper le tremblement de mes mains. Je ne savais pas si l’inspecteur s’attendait à ma réaction. Est-ce qu’on peut réellement savoir comment une personne va réagir quand on lui annonce que l’homme qui avait tué son mari, l’amour de sa vie, serait peut-être relâché ? Je ne disais pas un mot, écoutant les nouvelles paroles de l’homme qui avait la lourde tâche de me faire cette annonce. Pourquoi avait-il été envoyé, lui ? Ce n’était pas une question importante. Pourtant, elle me traversa l’esprit. Heureusement que ça avait été lui. Si cela avait été un de ses collègues aux tons froids et accusateurs, j’étais persuadée que je lui aurais sauté dessus pour lui arracher les yeux à cet instant précis. Anwar, j’avais lu son prénom lors de mes nombreux interrogatoires à l’époque et je me souvenais l’avoir trouvé très beau, poursuivit ses paroles. Sans vraiment faire exprès, je lâchais un soupir de soulagement lorsqu’il me dit que je serais une simple témoin. Soulagement qui ne dura que quelques secondes lorsque ses paroles se répétèrent dans ma tête. Pour le moment et il n’y a pas de raison m’indiquaient que cela pouvait rapidement changer. Qu’au fond, il n’en était pas si sûr. Je n’avais pas eu le temps de répondre que l’inspecteur se dirigeait vers moi en me disant que je devais m’assoir. Je me rappelais alors que c’était ce que j’avais voulu faire il y a quelques instants. Avant que je ne me paralyse totalement. Je le suivis tant bien que mal jusqu’au canapé et le regardais prendre place à mes côtés. Pourquoi je n’arrivais pas à parler ? Pourquoi les mots ne sortaient pas de ma bouche ? Alors que j’avais tant de choses à dire. Pourtant, tout ce dont j’étais capable depuis que l’homme était entré chez moi était de l’écouter. L’écouter. Ressasser ses mots dans ma tête. Il me semblait qu’inconsciemment, je m’étais dit que si je ne répondais pas, j’allais vraiment me rendre compte que j’étais en train de faire un cauchemar. Que ce n’était pas réel. C’était stupide. J’étais stupide. C’était réel. La douleur était réelle. Une fois assise, je sentis le poids de mes jambes s’enfoncer dans mon canapé convertible bon marché et loin d’être confortable. Je clignais des yeux, regardant mes mains qui tremblaient encore. Les nouvelles paroles d’Anwar me semblèrent lointaines. Soudain, je le fixais. Il venait de donner la réponse à la question furtive que je m’étais posée. C’était lui qui s’était trouvé devant ma porte parce que personne ne lui avait demandé de le faire. « Je... Pourquoi ? Si vous n’étiez pas obligé... » Je ne savais pas comment formuler ma question. Je ne savais pas comment le remercier. Je ne savais pas quoi dire car les mots se bousculaient sans vouloir sortir. « Je ne peux pas revivre tout ça à nouveau... vous dites que je ne serai que simple témoin... pour vous, pour les gens, je ne serai jamais juste une simple témoin. » Par vous, j’entendais les forces de l’ordre et autres représentants de la justice. Je savais ce qu’il se disait sur moi, je savais ce que signifiaient les regards appuyés sur moi. Comment pouvait-elle ne pas être au courant ? Comment a t-elle pu le mettre dans cette situation, lui qui avait un si bel avenir ? A force, j’avais arrêté d’y prêter attention. Tout simplement parce que ce qu’ils disaient sur le fait que j’ai détruit la vie de Noah, je me le disais tous les jours depuis que nous étions ensemble. Il savait me faire oublier ce sentiment. Il savait me faire comprendre que l’amour qu’il avait pour moi valait bien plus que tout l’argent du monde. Mais, aujourd’hui, il n’était plus là. « Je sais que c’est ma faute si il n’est plus là. Je n’ai pas tiré mais je l’ai mené à ce moment. » A présent, j’étais perdue dans mes paroles. Elles sortaient, dans un flot, sans réelle connexion d’une phrase à l’autre « Je le sais, et tout le monde le sait. Je n’aurais jamais dû lui faire confiance, mais il était son meilleur ami, vous comprenez ? Il devait nous protéger, il l’avait promis. Il doit être puni. » Et soudain, une réalité me frappa. Devais-je être punie moi aussi ? Ou alors, ma punition était d’avoir perdu l’homme de ma vie, le père de mon enfant ? « Ma fille doit grandir sans son père et c’est de la faute de son parrain qui a suivi un plan voué à l’échec. Vous savez, je n’ai pas encore trouvé les mots pour expliquer à ma fille de trois ans que son père avait été tué. Son merveilleux père. » Je me tus, je fixais l’inspecteur. Je le fixais sans vraiment le voir à vrai dire. « Je suis désolée, vous n’êtes pas là pour m’écouter... » Il avait fait ce pour quoi il était venu. Il m’avait annoncé que l’affaire n’était pas si close que cela. J’aurais dû déjà le laisser repartir. La vérité était que sa présence était nécessaire à cet instant précis. Pour ne pas craquer complètement. Il me donnait le temps de me ressaisir. |
| | | | (#)Lun 15 Avr 2019 - 11:07 | |
| La difficulté du métier de policier ne résidait pas tant dans les contraintes horaires ou les problèmes de paperasse, et le facteur dangerosité ne suffisait pas à lui seul à expliquer que cette carrière nécessite un véritable sentiment de vocation, qu’il ait été ancré profondément depuis de jeunes années comme c’était le cas pour certains, ou qu’elle soit venue plus tard et au fil du temps comme cela avait été le cas pour Anwar. La vraie difficulté selon lui résidait dans le facteur humain, dans ce côtoiement incessant de ce que l’homme pouvait avoir de pire et de meilleur – c’était de devoir garder la face en toute circonstance, aux devants d’un flot d’insultes ou d’un torrent de larmes, de trouver le juste milieu pour ne pas sombrer dans les travers d’une trop grande implication émotionnelle, et d’accepter l’idée qu’aux yeux des personnes qui faisaient face ils étaient une fonction et un uniforme avant d’être des êtres humains. Depuis les prémices de sa première patrouille au bas de la chaîne alimentaire policière et jusqu’à l’aube de ses désormais presque seize ans de service, Anwar s’était fait le spectateur de scènes dramatiques et le porteur de mauvaises nouvelles ; Ça aussi, cela faisait partie du métier, et c’était ce qu’il se répétait pour garder la tête froide tandis que Dylan Fabray semblait perdre pieds sous ses yeux. « Je ... Pourquoi ? Si vous n’étiez pas obligé ... » s’était d’ailleurs étonnée cette dernière, déboussolé par l’aveu du policier de n’être là que de son propre chef et non pas sous l’ordre ou l’obligation de qui – ou quoi – que ce soit. « Parce que même si les deux situations ne sont pas comparables, je sais ce qu’il en coûte d’élever un enfant seul et de craindre un coup de téléphone ou qu’un type en uniforme débarque sur le pas de la porte. » Et que si un jour l’innommable devait se produire, il priait tous les Dieux en lesquels il ne croyait pas de bien vouloir lui épargner le cliché du bonhomme qui lui suggérait la fierté que son épouse ait donné sa vie pour son métier comme seule consolation. « Ma femme est militaire. » qu’il avait d’ailleurs pensé après coup à préciser, réalisant que sa justification pouvait sembler fumeuse sans cet élément. Mais la prévenance d’Anwar n’était pas ce qui préoccupait réellement la jeune mère, et chaque seconde supplémentaire qui passait semblait lui faire réaliser un peu plus les nouveau problèmes qui se dessinaient à l’horizon. « Je ne peux pas revivre tout ça à nouveau ... vous dites que je ne serai que simple témoin ... pour vous, pour les gens, je ne serai jamais juste une simple témoin. » Persuadée de ce qu’elle avançait, elle secouait la tête tout en continuant « Je sais que c’est ma faute si il n’est plus là. Je n’ai pas tiré mais je l’ai mené à ce moment. Je le sais, et tout le monde le sait. Je n’aurais jamais dû lui faire confiance, mais il était son meilleur ami, vous comprenez ? Il devait nous protéger, il l’avait promis. Il doit être puni. » Bien qu’il comprenait le désir de vengeance et le besoin de savoir que justice était faite, Anwar n’était pas aussi radical dans ses opinions à la lueur de cette affaire : l’homme qui dormait en prison ressemblait plus à l’un de ces paumés qu’une suite de mauvaises décisions avaient mené à commettre l’irréparable qu’à un criminel chevronné. « Vous n’êtes coupable de rien si ce n’est d’avoir fait confiance, peu importe ce que les gens en pensent. » Sachant ses paroles probablement un peu vaines face aux certitudes que la veuve avait eu le temps de construire et d’entretenir au fil de ces derniers mois, il n’avait pas cherché à argumenter plus en détails à ce sujet. La surprise était de toute façon venue d’ailleurs, dans l’aveu que la jeune femme lui avait ensuite fait « Ma fille doit grandir sans son père et c’est de la faute de son parrain qui a suivi un plan voué à l’échec. Vous savez, je n’ai pas encore trouvé les mots pour expliquer à ma fille de trois ans que son père avait été tué. Son merveilleux père. » Pris au dépourvu par une situation qui lui semblait un peu problématique aux vues du temps passé, il avait articulé une phrase qui finalement n’était pas sortie de sa bouche, et la fleuriste de son côté s’était maladroitement excusée « Je suis désolée, vous n’êtes pas là pour m’écouter ... » Frottant ses mains l’une contre l’autre de façon machinale, il avait secoué doucement la tête « Ne vous excusez pas. C’est simplement que … Je doute de pouvoir vous être d’une grande aide. » Les mots n’étaient pas vraiment le domaine d’Anwar, qui regrettait régulièrement qu’un regard ou un geste ne suffisent pas toujours à traduire une pensée – nombre de choses pourraient en être simplifiées, selon lui. « Si vous avez des difficultés à trouver comment aborder les choses avec elle … Peut-être que vous pourriez trouver quelqu’un pour vous y aider ? Une connaissance, ou même quelqu’un dont c’est le métier … » Il tentait d’amener sa suggestion avec des pincettes, conscient que nombre de personnes croisées dans son travail grinçaient des dents à la simple suggestion de mêler un psychologue ou une assistante sociale à leurs affaires. Ils possédaient parfois pourtant de précieuses clefs. « Mais vous savez, les enfants sont souvent bien plus forts et intelligents qu’on le croit … Ils encaissent bien mieux certains coups durs que nous adultes. » Il lui suffisait de penser à Julie et Aiden pour s’en persuader, de voir comme à la mort de Frank les deux enfants avaient abordé le drame avec une sagesse qui avait laissé tout le monde songeur, à commencer par Norah. Le frère et la sœur, du haut de leurs jeunes années, avaient semblé plus préoccupés par le fait de consoler leur mère, anéantie par la perte de son époux, que par les tentatives des adultes autour d’eux pour les couver dans l’espoir vain que leur nouveau statut de semi-orphelin en serait atténué.
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| | | | (#)Ven 10 Mai 2019 - 10:08 | |
| Lui aussi savait ce que c’était d’élever un enfant seul. En tout cas, c’était ce qu’il venait de me dire. Sa femme était-elle décédée également ? Partie ? La question me venait à l’esprit mais je ne la posais pas. Je sais que je n’apprécierais pas qu’on me pose la question. La curiosité malsaine des gens me rendait malade. Quoi qu’il en soit, il répondit de lui-même à la question. Comme s’il s’était dit qu’il était nécessaire d’ajouter cette information. A dire vrai, je crois que cela m’avait quelque peu rassurée qu’il me dise qu’il comprenne. Il ne pouvait pas comprendre absolument tout ce que je ressentais, puisque sa femme n’était pas morte. Mais elle était loin et il devait s’occuper de leur enfant seul. Il me comprenait sur ce point. Alors, à ce moment, je réalisais pourquoi il avait sûrement été le seul à ne pas me blâmer à l’époque. Il ne me voyait pas comme une complice mais comme une mère veuve. Bizarrement, cela me faisait me sentir plus à l’aise pour me laisser aller. Ce retournement de situation faisait remonter tant de souffrance non refermée. Je pensais qu’avec la fin du procès, je pourrais vivre tranquillement, me remettre, élever ma fille. Mais ça n’allait clairement pas être le cas. À nouveau, j’allais être pointé du doigt. J’en étais certaine. Était-il vraiment possible qu’Ezra sorte de prison à cause de ce revirement ? Une voix au fond de moi répétait que c’était possible, que ça allait être le cas. Cela voulait dire que je le croiserai dans la rue. Je ne savais pas quelle serait ma réaction. L’inspecteur était rassurant. J’eus un faible sourire. Il avait toujours été si rassurant avec moi, dès le début. Il avait eu raison, je préférais l’avoir appris de sa bouche que par quelqu’un d’autre ou par des bruits. Je ne pouvais empêcher les mots sortir de ma bouche, cela devait être terriblement gênant pour lui. Mais il ne disait rien. Quand je m’en excusais, il me dit naturellement que ce n’était pas la peine. Il ne savait pas s’il pouvait m’aider. Bien sûr qu’il ne pouvait pas m’aider. Il m’avait prévenu de la situation. À présent, je devais simplement patienter et attendre les retombées. Noah, comment vais-je supporter ça ? De le voir lui, mais pas toi ? Je fermais les yeux quelques instants. Mon père m’avait appris qu’il y avait des choses que je ne pouvais pas contrôler. Cela en faisait partie, peu importe à quel point cela me faisait… Peur ? Mal ? Les deux à la fois, sûrement. J’avais continué de l’écouter, d’écouter ses conseils concernant ma fille. Je lui avais avoué que je ne lui avais pas encore dit que son père ne reviendrait jamais. Il le fallait. Je le savais. L’inspecteur me glissa l’idée d’un psychologue ou d’une assistance sociale. Je secouais légèrement la tête. « Je pense que c’est à moi de lui dire, pas à un ou une inconnue. Je sais que j’en aurais voulu à mon père s’il ne m’avait pas dit la vérité sur ma mère. De lui-même. » Je me rendis compte de mes propres paroles. Si je savais que je lui en aurais voulu, comment pouvais-je laisser l’occasion à ma fille de m’en vouloir parce que j’avais eu peur de lui dire ? C’était la première fois que je disais cela à voix haute et cela me semblait d’une telle évidence. « Vous avez raison. Mon père m’avait dit comment ma mère était morte dès que j’avais commencé à poser trop de questions, que les enfants se moquaient de moi parce que je n’avais pas de maman. » Je me souvenais de ce qu’il m’avait dit comme si c’était hier. Pourtant, je n’étais pas vieille, je devais avoir cinq ou six ans. Mais les paroles de mon père restaient gravées dans ma tête. Elles le seraient sans doute à jamais. Il avait été si doux avec moi et pourtant, il n’avait pas menti. Il n’avait pas enrobé la vérité. Lucy était plus jeune que moi à l’époque, trois ans et demi. Cependant, elle demandait après son père. Il était temps que je lui dise la vérité. « Ma mère est morte en couches. » J’avais senti le besoin de le préciser. « Ce n’est pas exactement le même contexte. Mais je dois parler avec Lucy. Vous avez raison. » C’était un pas de l’admettre. Aurais-je le courage de le faire ? Mes yeux baissèrent vers mes mains. Elles avaient arrêté de trembler. Je crois même que ma voix était redevenue normale. Ma crise de panique était passée. Je devais avouer que je n’étais pas mécontente qu’il soit resté quelques instants avec moi. « Merci, inspecteur. » A nouveau, j’eus un faible sourire. Faible mais sincère. « Vous savez, vous avez toujours été le seul à être compréhensif et rassurant avec moi. » |
| | | | (#)Mar 28 Mai 2019 - 18:13 | |
| Anwar n’avait bien sûr pas la prétention de pouvoir savoir ce qu’il en coûtait de se retrouver totalement seul pour élever un enfant ; Il en avait une vague idée, principalement parce qu’il assistait jour après jour à la bataille que livrait Norah pour s’occuper des deux siens depuis que Frank n’était plus là, mais il ne prétendait pas savoir ce qu’elle ou la jeune femme actuellement assise à côté de lui ressentaient au plus profond d’elles-mêmes. Il ne connaissait en revanche que trop bien cette angoisse latente lorsque l’on venait frapper à sa porte ou lorsque le téléphone sonnait en affichant un numéro qu’il ne connaissait pas. Il savait la peur constante d’une mauvaise nouvelle, de nature à bouleverser entièrement son horizon et celui de son fils, et en cela il se sentait suffisamment légitime pour admettre à la fleuriste que son comportement envers elle était sans doute guidé par l’intuition qu’il pourrait bien, un jour, se retrouver à sa place. D’une certaine manière, en tout cas. Semblant en tout cas suffisamment en confiance pour ce faire, la jeune veuve avait livré au policier certains des questionnements qui l’habitaient actuellement, et c’est ainsi qu’Anwar avait compris avec stupeur que malgré les mois passés depuis le drame, la fillette occupée à jouer dans la pièce adjacente n’avait toujours pas la moindre idée de ce qui était réellement arrivé à son père. Prise dans un engrenage, sa mère semblait s’être laissée dépasser par la situation et ne plus savoir comment en sortir, freinant tel le cheval face à l’obstacle qu’il croyait infranchissable. Maladroitement, l’inspecteur avait tenté de lui apporter un début de solution, lui suggérant de se tourner vers une parole neutre mais apte à mettre des mots sur ce qu’elle-même ne parvenait pas à formuler ; Il marchait sur des œufs, conscient que cette suggestion pouvait risquer de braquer la mère de famille. « Je pense que c’est à moi de lui dire, pas à un ou une inconnue. » lui avait-elle néanmoins opposé d’un ton calme, ne semblant pas s’en vexer mais réfutant la proposition avec une forme de certitude. « Je sais que j’en aurais voulu à mon père s’il ne m’avait pas dit la vérité sur ma mère. De lui-même. » Comprenant qu’il avait touché là à un point plus sensible encore qu’il ne l’avait imaginé, et par ailleurs mal à l’aise avec tout ce qui pouvait de près ou de loin lui rappeler le fiasco de ses relations avec ses propres géniteurs, Anwar s’était contenté d’un signe de tête pour assurer qu’il comprenait son point de vue, et avait enchainé sur sa certitude que les enfants étaient de toute façon bien plus intelligents et éveillés que eux adultes n’avaient tendance à le croire – par arrogance, sans doute. « Vous avez raison. Mon père m’avait dit comment ma mère était morte dès que j’avais commencé à poser trop de questions, que les enfants se moquaient de moi parce que je n’avais pas de maman. » Comme si elle sentait que sa révélation amenait d’autres questions que l’inspecteur ne se serait pour autant jamais permis de lui poser, elle avait précisé aussitôt « Ma mère est morte en couches. » et secouant la tête avec une certaine forme de pudeur Anwar s’était simplement autorisé à commenter d’un « J’en suis désolé. » mesuré. Jamais n’avouerait-il que sa propre mère, fragilisée par une grossesse que son corps n’était peut-être pas taillé pour supporter, ne s’était jamais réellement remise de sa propre naissance et n’y avait survécu qu’une année à peine. Pourtant, ce point commun comme on ne se réjouissait pas d’en avoir venait d’ajouter un peu de poids supplémentaire à l’empathie qu’Anwar possédait à l’égard de la jeune femme, en dépit de la réserve que son métier le forçait à conserver. « Ce n’est pas exactement le même contexte. Mais je dois parler avec Lucy. Vous avez raison. » avait en tout cas fini par conclure la fleuriste, prenant une inspiration plus longue que les autres qui sembla terminer de lui redonner une contenance. Suffisamment en tout cas pour qu’elle semble moins fébrile lorsqu’elle avait à nouveau levé les yeux dans la direction d’Anwar « Merci, inspecteur. Vous savez, vous avez toujours été le seul à être compréhensif et rassurant avec moi. » Secouant la tête avec ce qui s’apparentait à de la gêne, le policier avait argué modestement « Ne me remerciez pas, ce n’est pas grand-chose. » Car c’est tout ce qu’un détour par Redcliffe lui avait coûté à lui, pas grand-chose, quelques minutes de son temps plus utiles ainsi que s’il les avaient passées affalé sur son canapé à peine rentré du travail, et libéré de toute contrainte visant à donner l’exemple maintenant qu’il n’avait plus ni femme ni enfant sous son toit. « Vous savez, on voit tellement de choses dans ce métier … Parfois c’est difficile de traiter chaque personne avec la même virginité d’esprit. » Plus que de simplement chercher des excuses à certains de ses collègues – dont il avait conscience que tous n’avaient as le comportement irréprochable qu’il leur était théoriquement tenu d’avoir – il souhaitait faire prendre conscience à la jeune femme qu’elle n’avait pas à se sentir particulièrement visée, ou prise à parti. « Vous n’avez rien à vous reprocher. Et ça, quoi que les gens en disent, personne ne pourra vous l’enlever. Alors vous n’avez rien à craindre, ni pour vous ni pour votre fille. » Que l’enquête concernant la mort de son époux ne changeait rien au fait qu’elle-même avait été totalement mise hors de cause des affaires qui avait conduit le père de sa fille à participer à ce braquage. Tout au plus permettrait-elle d’apporter plus de précisions sur les circonstances exactes de son décès, et sur le rôle exact qu’avait joué l’homme actuellement emprisonné pour son assassinat. Fouillant quelques instants dans la poche intérieure de son blouson, Anwar en avait ressorti une carte de visite ont les coins abimés prouvaient qu’elle trainait là depuis un moment « Si vous avez la moindre question, ou besoin de quoi que ce soit. Il y a ma ligne directe au bureau et mon numéro de portable, n’hésitez surtout pas à me joindre. » Estimant que le moment était sans doute opportun pour prendre congé, l’inspecteur s’était remis debout.
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| | | | | | | | (dylanwar) steady feet don't fail me now |
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