Félicitations, t’as touché le fond. Plus sérieusement, qu’est-ce que tu essayais de faire ? Tu as voulu prouver ton sang irlandais ? Tu as voulu tenter un défi ? Tu n’aurais pas dû écouter l’autre, possiblement autant éméché que toi. Pour ta santé. En prévision de la difficulté que ça allait être après. En prévision de la gueule de bois de demain matin, surtout. Surtout qu’au final, tu te retrouvais sérieusement éméché. Sérieusement entamé. Est-ce que ça t’agaçait ? Peut-être un peu. Tu te sentais gauche et fatigué. Et tu avais eu l’idée merveilleuse de rentrer. Est-ce que tu savais au moins où tu t’étais garé ? Tu crois. Tu crois que tu te souvenais d’avoir posé ton camion dans une rue pas trop loin. A moins qu’il ne soit sur le parking de l’autre fois ? Tu te grattes la tête. Qu’est-ce que tu avais fait ? Où est-ce que tu étais ? Où est-ce que tu en étais ?
Tu titubes. Tu dois faire peine à voir, de loin – comme de près. Tes jambes de sauterelles peinent à s’articuler correctement pour te faire avancer au milieu de la rue quasi déserte. C’est surprenant que tu aies réussi à quitter le bar sans t’effondrer. C’est surprenant qu’on t’ait laissé filer. Ton cerveau juge soudainement que le trottoir t’offrira une meilleure sécurité. Alors, tu bascules. Tu t’articules, tel un pantin. Tu t’emmêles les pinceaux. Tu ne lèves pas ton pied suffisamment haut, et c’est la chute. Tu sens ton corps basculer en avant, sans tout comprendre. Sans correctement comprendre. Le seul truc que tu arrives à faire, c’est tendre tes bras en avant pour éviter de te refaire l’intégralité du visage sur le bitume – mais tu ne sauves pas tes mains, malheureusement. « Merde ! » as-tu râlé, alors que tu te recroquevillais. Tu souffles, alors que tu essaies de te ramasser au mieux sur le trottoir. T’es bien, là, en fait. Non ? C’est presque confortable. C’est presque bien – et surtout beaucoup moins loin que ton lit.
« Oh non. » marmonnes-tu alors, soudain. Tu t’es tortillé dans tous les sens. Tu t’es tortillé comme si ça allait t’aider. Avec la plus grande des attentions, tu observes ta veste. « Non, non, non … » Tu souffles en boucle, comme si ça allait tout arranger. Tu ne pouvais pas perdre ça. Tu ne pouvais pas perdre ce souvenir-là. Une petite tête d’alien. Un petit monstre vert aux grands yeux noirs. Un souvenir d’entre copains. Un souvenir de ta bande à toi, un souvenir d’adolescents. Quelque chose qui vous unissait encore un peu, malgré tout. Malgré les distances et le presque silence. Et t’es là. T’es là, bourré, à palper le sol comme si tu allais le retrouver. Comme si tu allais foutre les mains dessus. Peut-être même que tu es paniqué. Paniqué à l’idée d’avoir perdu un truc auquel tu tenais.
Parfois, après sa journée de travail, Mitch passe boire un coup dans un bar, histoire de relâcher un peu la pression. Et puis, ça lui évite de rentrer dans sa grande villa où il habite seul. Peut-être qu'il devrait penser à prendre un chien ou un chat pour lui tenir compagnie ? Au moins, ça atténua ne serait-ce qu'un minimum sa solitude. Mais le sujet n'était pas d'actualité ce soir.
Il quitta donc le laboratoire pour se rendre en centre-ville, prenant soin de garer sa voiture un peu plus loin pour ne pas risquer que quelqu'un vienne la rayer. Mitch n'était pas matérialiste, mais il aimait sa voiture, et la voir abîmée lui faisait mal au coeur. Bien sûr, le russe n'était pas au point de préférer sa voiture à une femme, mais il y tenait quand même particulièrement. Presque autant que sa moto d'ailleurs.
Une fois garé, il entra dans le bar, descendit quelques verres avant de prendre conscience qu'il serait sans doute temps de rentrer. Boire de l'alcool permettait à Mitch de remettre ses idées en place, de réfléchir à tout ce qui le chagrinait. Comme par exemple une éventuelle reconversion professionnelle. Il n'avait plus d'odorat et tout ce qui l'avait animé et passionné durant toutes ces années, c'était fini. Il devait se rendre à l'évidence, il n'était plus bon à rien, et rester derrière un bureau à réfugier de la paperasse, c'était le condamné à petit feu. Mais la vérité est, qu'il a déjà un âge bien avancé et qu'il ignore quel métier pourrait lui correspondre. Reprendre des formations à son âge c'était hors de question. Et même s'il avait de quoi vivre convenablement jusqu'à la fin de ses jours, s'il ne perdait pas tout aux jeux, il refusait de vivre ainsi. C'était un bon point non ? Abby serait sans doute fier de lui si elle entendait ça.
Au moment de quitter le bar et de rejoindre sa voiture, il voit une silhouette tituber. Évidemment, le russe n'est pas du genre à laisser les gens dans la merde, alors il s'approche avant de reconnaître Kendall. Ce même homme qui avait écrit à l'encre sa peau il y a quelques mois. Il n'allait tout de même pas le laisser ici en pleine rue. Mais avant même qu'il est pu intervenir, ce dernier tomba. Mitch se dirigea alors vers lui, passant ses bras sous les siens pour le relever et le mettre contre le mur, l'instant de trouver la meilleure façon de le transporter jusqu'à sa voiture. Pour le coup, il aurait aimé être garé plus prêt !
" - Je ne sais pas ce qui te met dans un tel état, mais la prochaine fois tu devrais peut-être envisagé de boire chez toi, ça éviterait de t'étaler sur le trottoir."
Mitch le raccompgna chez lui après l'avoir installé dans sa voiture, en l'allongeant dans son lit. Pour cette nuit, il prendrait le canapé, ce n'est pas un soucis. Il installa un verre d'eau ainsi que des comprimés pour le mal de tête et descendit dans le salon pour tenter de trouver le sommeil à son tour, mais en vain.
Tu ne comprends absolument rien à ta vie – l’état d’ébriété n’aide probablement pas. Tu tombes, et t’es en plein dans la recherche de ton pin’s que des bras viennent te relever, pour te plaquer contre un mur. « Mais ! » lâches-tu, alors que ton regard vitreux reconnait, avec peine, Mitch. Tu l’avais tatoué. Tu l’avais tatoué, il y a quelque mois, et clairement, tu ne t’attendais pas à le croiser dans cet état. « Je ne sais pas ce qui te met dans un tel état, mais la prochaine fois tu devrais peut-être envisagé de boire chez toi, ça éviterait de t'étaler sur le trottoir. » Hein ? Tu le fixes, sans trop capter. « Faut pas boire en voiture ! » lances-tu vaguement, alors qu’il te traine tu-ne-sais-où. C’est ce que tout le monde dit, non ? Et puis … Chez toi, tu n’aurais pas été bourré. « C’est pas forcément parce que je suis bourré que je suis complètement con, hein. » T’es presque fier de ta connerie. T’es presque fier de dire que tu ne te prends pas des cuites au volant de ton camion. « C’était un défi. ‘Voulait tester mon côté Irlandais. » que tu balbuties, alors que tu essaies d’aligner tes pas. C’est pas de ta faute si t’es un peu stupide, parfois. Si t’as pas été capable de t’arrêter avant de finir mal. Est-ce qu’il va t’emmener retrouver ton pin’s ? Il t’aide à monter dans une voiture, alors que tu le fixes, paumé. Tu t’es retrouvé allongé dans un lit sans comprendre ce qu’il t’arrivait. Tu as probablement dû te débattre, un peu. Tu as probablement essayé d’agiter tes bras dans des gestes un peu gauche, pour qu’il te rende ta liberté. C’est assez étonnant que tu ne te sois pas énervé. C’est assez étonnant que tu ne sois pas devenu plus violent que ça. Peut-être que ça ne va pas durer.
Tu n’es pas décidé à aller te coucher dans un lit, chez quelqu’un que tu ne connais, au final, presque pas. C’est beaucoup trop confortable pour toi, en plus. Et tu n’aimes pas la matière de ses draps. Dans ton état, tu trouves que tu as suffisamment de raisons pour ne pas rester là. Alors, tu t’es levé. Tu t’es levé, pour descendre dans le salon. Tu as attrapé ta veste au passage, parce qu’il fallait bien que tu réassembles tes affaires. C’est un peu un miracle que tu te retrouves dans le salon, mais tu as fini par y arriver. « Mitch, c’est pas contre toi, mais j’ai vraiment perdu mon pin’s. » lances-tu, alors que tu agites ta veste. « C’est un petit alien. Tu veux pas qu’on aille le chercher, plutôt que de rester là ? » T’es fatigué, mais tu as tout de même l’impression que ton pin’ est quelque chose de plus important. Tu souffles, doucement. Tu souffles, alors que tu viens t’appuyer sur le dossier du canapé. « T’allais dormir dans l’canap ? » demandes-tu encore, un peu paumé. Pourquoi est-ce qu’il se compliquait autant la vie ? « Ça te gène de me ramener où tu m’as trouvé ? J’sais pas trop où on est, là, ça m’ennuie un peu. » Tu n’avais pas énormément de repères là-bas, mais déjà beaucoup plus d’ici.
Mitch n'est pas le genre de personne à être coincé, il aime faire la fête, comme à peu près tout le monde, mais il a quand même certaines limites. Déjà de par son âge, il n'a plus vingt ans, mais surtout, il sait s'arrêter quand il le faut. Il boit des coups de temps en temps, mais sans jamais dépasser le stade d'être un peu désorienté. Ce que visiblement n'a pas su faire cet homme qui était dans un état presque risible s'il n'était pas étalé au milieu d'un trottoir. Même si ça avait été un parfait inconnu, il ne l'aurait pas laissé là, il aurait probablement appelé un taxi pour qu'il retourne chez lui cuvé. La situation n'était pas beaucoup plus différente, parce que même si les deux hommes avaient échangés quelques mots lorsque Mitch était venu se faire tatouer, ils ne se connaissaient pas.
Le russe aurait pu répondre quelque chose à sa réplique, mais il préféra se taire, parce qu'il savait très bien que le jeune homme avait le cerveau en vrac et qu'il ne comprenait sans doute pas ce qu'il disait. Et puis, il lança une petite vanne, et celle-ci, Mitch ne pouvait pas l'éviter.
" - Faut croire que t'es plus australien qu'irlandais vu ton état."
Il y avait pas mal de clichés sur les russes et leur amour pour l'alcool. C'était vrai, il y avait beaucoup de personnes qui buvaient à outrance là-bas, mais ils n'avaient pas forcément les mêmes organismes que ces anglais, américains ou même australiens.
Après de longues minutes à tenter de le coucher, Mitch y parvient et c'est non sans mal qu'il tire la porte derrière lui avant de regagner le salon. Lui aussi à le cerveau en vrac mais pas pour les mêmes raisons. Est-ce qu'il avait une raison d'être comme ça d'ailleurs ? Bien sûr que oui ! Il avait tout foutu en l'air avec sa femme, il avait perdu son fils qu'il ne voyait que pour son anniversaire et encore, et puis, son boulot qu'il aimait tant, il ne pouvait plus l'exercer. Il était bon à rien, et ça le mettait hors de lui d'arriver à cette constatation. Sur le coup, il aurait aimé prendre une bouteille quelconque dans son bar et la vider, mais il n'était pas seul, il avait ramené Kendall chez lui, il devait veiller sur lui.
Plongé dans ses pensées, il sursauta presque en entendant la voix du jeune homme derrière lui. Il en remettait encore une couche avec son pin's. Qu'est-ce qu'il pouvait bien avoir de si important ? S'il fallait, il osait en boutique demain lui en acheter un autre, mais pour le moment, il avait juste envie de se poser, de se torturer l'esprit pour savoir ce que son avenir allait devenir.
" - Je ne sais pas pourquoi tu t'obstines avec ce truc là, mais on ira demain, là t'es clairement pas en état."
Avait-il été un peu brusque ? Sans doute, mais il était pas mal sur les nerfs ces derniers temps. Plutôt ces dernières années. C'est d'ailleurs pour ça qu'Abby est partie. Peut-être qu'en fin de compte, il devait se faire aider, trouver quelqu'un qui arriverait à déterminer la cause de tout cela et l'aider à redevenir celui qu'il était pour reconquérir Abby et récupérer son fils au passage ? Des conneries tout ça !
" - Dormir est un bien grand mot, mais oui j'allais rester ici cette nuit si c'est ça ta question."
Qu'est-ce qu'il pouvait bien faire d'autre ? Dormir ? Non impossible. Ça faisait des semaines qu'il ne dormait quasiment plus. Une heure par-ci. Une heure par-là. Il n'avait plus connu ce qu'était une bonne nuit de sommeil depuis bien trop longtemps.
" - Arrête-moi si je me trompe mais.. Tu es en train de me demander de te ramener là où je t'ai trouvé, soit par terre en train de bouffer le ciment ? C'est quoi ton problème ?"
Mitch lui offrait une villa tout confort, piscine, spa, salle de muscu. Tout. Il avait tout. Et il demandait à retourner là où l'avait récupéré le russe ? L'alcool avait vraiment fait des ravages dans le cerveau de ce gosse.
« Faut croire que t'es plus australien qu'irlandais vu ton état. » Oulà. Oulà. Tu fronces les sourcils en entendant ça. T’es bien gentil, mais pas touche à ta fierté. Pas touche à tes racines comme ça. Faut pas non plus déconner. Tu as dû essayer de lui en coller une, juste pour qu’il ravale ses mots. Tu as dû essayer, mais avec ton taux d’alcoolémie, il a probablement juste cru que tu étais en train de tomber. Tu dois avoir autant que résistance qu’un moustique, puisque tu finis par te retrouver dans son lit, malgré tes protestations. Mais bon sang, il ne voit pas qu’il te force ? Toi, tu n’as pas envie. Tu n’as pas envie qu’on te couche, alors tu finis par redescendre. « Je ne sais pas pourquoi tu t'obstines avec ce truc là, mais on ira demain, là t'es clairement pas en état. » Ça te fait râler. « C’est pas un truc, c’est un pin’s. Un pin’s en forme d’alien. » Tu comprends pas. Tu ne comprends pas pourquoi est-ce qu’il refuse que tu ailles récupérer tes affaires, comme ça. C’est tes affaires, non ? Tu devrais avoir le droit de faire ce que tu veux avec. Tu devrais avoir le droit de les récupérer quand tu veux. « C’est un souvenir. J’peux pas le perdre. T’as jamais perdu un truc, pour être aussi chiant ? » Tu expliques, et tu sens déjà l’ironie s’échapper d’entre tes lèvres. Et toi, t’es pas chiant Kendall ? Probablement. T’es chiant, à vouloir ton pin’s. T’es chiant, à vouloir essayer de récupérer tes souvenirs. Gamin matérialiste.
« Dormir est un bien grand mot, mais oui j'allais rester ici cette nuit si c'est ça ta question. » Tu hausses un sourcil. Tu hausses un sourcil, alors que tu le considères. Tu sens déjà qu’il va te balancer des trucs chiants. Qu’il va se lamenter sur sa vie. T’as pas envie. « En même temps, sur le canap’, c’est peut-être pas l’idée la plus lumineuse que t’aies eue. » Comme t’emmener ici. Parce que clairement, toi, t’as pas envie. « Arrête-moi si je me trompe mais.. Tu es en train de me demander de te ramener là où je t'ai trouvé, soit par terre en train de bouffer le ciment ? C'est quoi ton problème ? » Tes mains viennent se poser sur tes hanches, alors que tu le fixes, sidéré. « Parce que c’est moi qui aie un problème ? » Tu sens que tu t’emportes. Bon, ok, tu avais probablement un – voir des – problème. Ok. Tu veux bien l’admettre. « Tu m’as ramené dans ta baraque sans même … sans même me demander mon avis. » lâches-tu, en te désignant. Tes mots ne doivent pas avoir autant de poids que tu l’aimerais, pourtant, tant ta voix est rendue hésitante par l’alcool. « Eh, t’fais ça à une meuf … bah t’as les flics à ta porte, hein. » C’est flippant.
Tu fais un pas en arrière. « Oh putain. » Tu réalises.
« T’es un psychopathe, en fait. Tu ramasses les mecs bourrés sur le bord de la route pour les découper dans ta cave ? » Un peu comme Hannibal. Un peu comme l’autre psychopathe dans The End Of The Fucking World. Ça se tenait. Il te ramasse sans que tu captes pourquoi, il t’emporte chez lui, il te force à te coucher alors que lui ne semble pas vraiment avoir l’intension de dormir. Qu’est-ce qu’il aurait pu vouloir faire d’autre, hein ? « Du coup, ouais, hein. J’préférerais vraiment que tu me ramènes bouffer le ciment plutôt que tu m’fasses bouffer les pissenlits par la racine. Au moins, j’aurais une chance de retrouver mon pin’s. » Et si possible, être enterré avec. Tu souffles. Tu souffles, alors que tu continues de reculer. Tu essaies de te la jouer prudent : plus tu seras loin de lui, plus tu seras en sécurité. C’est logique. Et tu sens quelque chose dans ton dos. Tu sens quelque chose, sur lequel tu t’écrases littéralement. Bruit de fracas. Fracas gigantesque, alors que tu te retrouves vautré sur tu-ne-sais-quoi. « Et merde ! »
D'aussi loin qu'il se souvienne, Mitch a toujours tout fait pour aider les personnes qui en avait besoin. Que ce soit des gamins paumés à qui il a tenté d'offrir une meilleure vie, ou bien des femmes qui semblaient tout simplement vouloir une main tendue sans vraiment oser la prendre. Il faisait régulièrement des dons pour aider les plus démunis, même s'il ne s'appliquait pas personnellement dans des associations. Il n'était pas fait pour ces trucs là. Il aimait aider, mais de loin. Alors ouais, quand il avait vu ce mec bourré, il avait opté pour le ramener chez lui, parce que c'était probablement la meilleure option que le bitume sur lequel il s'était étalé comme une merde. Clairement, la scène aurait pu été et risible si elle n'était pas aussi désolante. Il avait quoi ? Même pas trente ans qu'il se mettait déjà minable et ne connaissait pas ses limites. C'était pathétique. Pourtant, il ne le jugeait pas, il voulait seulement l'aider et voilà comment il le remerciait.
Kendall voulait absolument aller récupérer ce pin's, il était obsédé par ce truc qui n'avait probablement pas d'autre valeur que sentimentale. Il le voulait là maintenant. Mais il n'était pas en état, pour son bien et pour celui de Mitch qui ne comptait pas jouer le tuteur pour maintenir son corps un tant soit peu debout, mais s'il l'avait lâché en le ramenant jusqu'à chez lui, c'est le nez en compote qu'il aurait s'il se regardait à l'heure actuelle dans une glace. Quand il lui demanda s'il n'avait jamais rien perdu pour avoir un tel comportement, il était tenté de dire sa femme et son fils, mais il n'en parlait jamais et cette fois ne faisait pas exception à la règle. Il ne les mentionnait jamais, pas parce qu'il ne les portait pas dans son coeur, mais tout simplement parce que ça l'empêchait de trop souffrir. C'était un peu comme si le fait de ne pas prononcer leur nom lui permettait de passer sous silence cette souffrance qui le torturait.
" - Parce que toi tu as l'idée du siècle en allant boire au point de ne même plus tenir sur tes jambes peut-être ? La prochaine fois que tu veux repousser tes limites, tâche déjà de savoir où elles sont avant."
C'était Mitch tout craché. Le mec un peu moralisateur, toujours à donner des conseils, sans pour autant les appliquer lorsqu'il s'agissait de lui. Sur l'alcool, il n'avait pas de soucis et heureusement, il en avait déjà tellement d'autres à gérer qu'il n'avait pas besoin d'en rajouter en plus de ça.
" - Ah bah oui je suis bête, j'aurai dû te demander ton avis avant." il laissa échapper un gros soupir avant de reprendre " - Tu n'étais même pas capable d'aligner un pied devant l'autre et quand tu tentes d'ouvrir la bouche, c'est pour dire des mots qui n'ont aucun sens. Mais oui, j'aurai dû te demander ton avis, je suis certain que tu aurais pu avoir des propos cohérents."
Bien sûr il n'était pas sérieux, il ne lui aurait pas demandé son avis vu l'état où il était. S'il ne l'avait pas ramené ici, il serait probablement encore étalé par terre, en train de baver sur le bitume. Et alors là, il partit dans un délire, sans doute lié à l'alcool. Du moins il l'espérait. Peut-être qu'il était comme ça, qu'il avait des hallucinations ou des problèmes mentaux, et Mitch n'était autre que le spectateur de toute cette supercherie. Il n'avait pas la force d'affronter ce gamin, de se battre pour lui. S'il voulait partir, qu'il s'en aille, le russe n'avait pas besoin de problèmes supplémentaires.
" - Aux dernières nouvelles tu n'en est pas une, donc je vois pas pourquoi tu sors des conneries du genre."
Mitch aimait peut-être les femmes plus jeunes que lui, mais il ne voyait pas non plus sortir avec une gamine dune vingtaine d'années. C'était immoral.
" - Mec faut vraiment que t'arrête l'alcool et les films. Si j'avais voulu te découper, j'aurai au moins pris soin de te ligoter quelque part, pas de t'apporter un verre d'eau avec un comprimé pour la migraine que tu vas te chopper quand tu auras desaouler. On m'a souvent dit des choses pas très gentilles, mais de là à être traiter de psychopathe y'a des limites quand même."
En vrai ça le faisait rire le russe toute cette histoire. Être traité de psychopathe, il aurait tout entendu. Et puis, est-ce qu'il avait vraiment une tête de psychopathe sérieusement ? Il décida de ne pas y réfléchir plus que ça, c'était trop d'informations pour la soirée. Mais tandis qu'il se décida à ramener le jeune homme à l'endroit où il l'avait trouvé, il se recula. Encore et encore. Jusqu'à heurter cette sculpture qui ne ressemblait pas vraiment à quelque chose, mais c'était un cadeau de son fils. Un cadeau qu'il avait fait à l'école pour la fête des pères. C'était cher à ses yeux mais cet abruti venait de détruire la seule chose qui le reliait à son fils.
" - Fait chier !" dit-il en sapprocjantde la sculpture. Elle était en miettes, impossible à récolter.
Mitch se tourna alors vers Kendall, le regard bien moins sympathique que jusqu'à présent.
" - Tu sais quoi c'est bon tu as gagné, je vais te ramener là où je t'ai trouvé comme ça tu pourras chercher ton pin's chéri."
Le russe enfila sa veste, pris ses clés et se dirigea vers sa voiture sans même dire un mot. Il attendait simplement que le jeune homme daigne venir le rejoindre pour le ramener à son point de chute. Après quoi, il n'entendra plus jamais parler de lui.
« Parce que toi tu as l'idée du siècle en allant boire au point de ne même plus tenir sur tes jambes peut-être ? La prochaine fois que tu veux repousser tes limites, tâche déjà de savoir où elles sont avant. » Tu pinces des lèvres. Tu grimaces, alors que tu te prends la remarque en pleine face. « T’es pas mon père. » lâches-tu, sèchement. Et si ça l’avait été ? Tu aurais probablement gueulé, aussi. Tu aurais probablement remis en doute son autorité.
« Ah bah oui je suis bête, j'aurai dû te demander ton avis avant. Tu n'étais même pas capable d'aligner un pied devant l'autre et quand tu tentes d'ouvrir la bouche, c'est pour dire des mots qui n'ont aucun sens. Mais oui, j'aurai dû te demander ton avis, je suis certain que tu aurais pu avoir des propos cohérents. » Tu t’en entendu soupirer. Ce que tu disais n’avait aucun sens ? Dans ta tête, ça se tenait parfaitement – mais plutôt crever que d’admettre qu’il avait raison, non ? Il y avait un truc. Il devait forcément y avoir un truc. Ta tête réfléchit. Tu penses, de trop, peut-être, et voilà que tu arrives avec une théorie. Ça devait être quelqu’un de louche. Ça ne pouvait être que ça. Quelqu’un qui enlevait quelques personnes de son entourage. Il te fait remarquer que tu n’es pas une fille, que tu n’as pas besoin de sortir des inquiétudes du genre. « Tu préfères peut-être les mecs, j’sais pas, hein. » Il n’y avait pas de raison, et pour le peu que tu en savais, ce n’était pas non plus interdit ou improbable. Tu souffles. Tu souffles, alors que tu continues d’essayer de t’expliquer. Tu continues de lui raconter ta théorie, dans l’espoir que ça puisse te sauver. « Mec faut vraiment que t'arrête l'alcool et les films. Si j'avais voulu te découper, j'aurais au moins pris soin de te ligoter quelque part, pas de t'apporter un verre d'eau avec un comprimé pour la migraine que tu vas te chopper quand tu auras désaoulé. On m'a souvent dit des choses pas très gentilles, mais de là à être traité de psychopathe y'a des limites quand même. » Un verre d’eau ? Un verre d’eau et un cachet ? Tu fronces les sourcils, l’espace d’un instant. Qui te dit que c’est contre la migraine ? Qui te dit que ce n’est pas un somnifère pour mieux t’assommer ? Comment est-ce que tu pouvais savoir, si tu n’avais pas pris le temps d’analyser la boite avant ? Est-ce que tu n’avais pas été gentil ? Oups. Tu recules. Est-ce que tu regrettais de l’avoir blessé dans son estime ? Non. On ne ramasse pas des mecs comme ça, c’est tout. Pas des mecs comme toi. C’est pas parce que tu vis dans un van que c’est un prétexte pour te prendre pour un clodo. Ce n’est pas un prétexte pour te ramener dans une baraque, comme ça, puis de te demander pourquoi tu n’étais pas content. Tu te recules, encore. Et tu te vautres. C’était assez prévisible, au fond, son salon n’offrant pas de porte vers le néant. Tu te vautres et voilà qu’il se met à jurer. Tu tournes la tête pour voir une sculpture complètement explosée – probablement pas le vase de son arrière-grand-mère, vu la matière avec laquelle la chose avait été réalisé. « Oh mon dieu. C’est toi qu’à fait ça ? » C’était particulier. C’était même pas fou du tout. Il ne flippait pas, à avoir ce truc qui le regardait ? « Attends, c’est un truc de gosse ? » Ça se tenait peut-être un peu mieux – mais tu n’en voyais pas d’autre trace ici. « Tu sais quoi c'est bon tu as gagné, je vais te ramener là où je t'ai trouvé comme ça tu pourras chercher ton pin's chéri. » Il n’a pas vraiment l’air content. Tellement que tu te demandes si c’est une bonne idée de remonter dans une voiture avec lui – qui sait s’il n’allait pas t’abandonner loin d’ici, dans un coin perdu ? Tu souffles. Qu’est-ce que tu devais faire ? Qu’est-ce qu’il fallait faire ? « Dis-le, s’il te fait chier, mon pin’s, aussi. » lâches-tu, alors que tu croises les bras sur ta poitrine. Tu sentais l’ironie dans ses mots. Tu sentais le mépris quant à ton pin’s. Pourquoi est-ce qu’il ne l’aimait pas ? « Tu crois que tu pourrais m’aider à le chercher ? » Peut-être que ça irait plus vite à deux. Peut-être que ça irait plus vite s’il t’aidait : il semblait beaucoup plus en pleine possession de ses moyens que toi – il ne restait plus qu’à prier que tu ne l’aies pas trop énervé, ce qui semblait malgré tout assez mal barré. « Tu me ramènes au bar ? Si ça se trouve, je l’ai laissé là-bas ? » demandes-tu. Peut-être qu’il sait. Peut-être qu’il pourrait enfin et vraiment t’aider à récupérer tes affaires. « T’as mis où mes chaussures ? Dans ta chambre ? » Tu souris. T’as un air béat, généreusement offert par ton taux d’alcoolémie. Qu’est-ce que t’es con, hein ? Qu’est-ce que tu peux être à côté de la plaque, quand tu t’y mets.
Mitch était au bord du craquage, tout s'était enchaîné très rapidement et avec les allusions de Kendall, rien n'était fait pour qu'il retrouve son calme. Le jeune homme n'acceptait aucun reproche et il alla même jusqu'à dire cette phrase que le russe pensait dépassée. Un rire nerveux traversa son visage. Heureusement qu'il n'était pas son père, il avait déjà sufissament à faire avec son fils qu'il voyait une fois par an. Et puis, quand bien même il aurait été son fils, il ne serait jamais sorti à cette heure-ci. Bref, inutile de relancer un quelconque débat, le père de famille préférait se taire plutôt que de mettre de l'huile sur le feu.
Et voilà ensuite qu'il l'accuse de vouloir le séquestrer, le découper en morceau dans sa cave ou quelque chose qui y ressemble. Le russe ne comprend pas vraiment ce qui se passe dans le cerveau du jeune homme et il se dit qu'il ne tourne peut-être pas seulement à l'alcool, mais peut-être à la drogue aussi. Ce qui expliquerait qu'il parte dans des délires psychotiques. Peut-être qu'il devrait appeler les flics ? Mais il fut interrompu dans le fil de ses pensées par la nouvelle remarque de Kendall.
" - Et quand bien même ce serait le cas, je préfère que les gens soient consentants avant de faire quoique ce soit. Et par quoique ce soit, je n'entends pas découper un morceau une proie, mais simplement passer du bon temps avec elle. Je ne suis ni nécrophage ni tout autre saleté qui s'en rapproche."
Mitch n'arrivait pas à croire qu'il avait cette conversation, au milieu de son salon, dans sa villa. Est-ce que tout cela était bien réel ? Malheureusement oui, et bien plus réel qu'il ne pourrait le croire. Kendall continue de s'éloigner de lui comme s'il avait la peste, comme s'il représentait un danger pour lui, et le russ en put s'empêcher de s'imaginer ce qu'avait pu ressentir Abby. Est-ce qu'elle sentit comme ça elle aussi ? Menacée par lui ? Est-ce qu'elle avait eu peur de lui à un moment quelconque ? Ça lui retournait le cerveau rien que d'y songer. Il n'a jamais voulu lui faire de mal, tout comme il ne compte pas faire de mal à ce jeune garçon qui recule encore et encore jusqu'à heurter la sculpture que son fils a fait pour lui.
" - Va te faire foutre ok ?"
Mitch avait beau est un gars sympathique, toujours souriant et prêt à aider les autres, il ne demeurait pas moins que si on touchait à ses points sensibles, il pouvait devenir un tout autre homme. Et là, Kendall avait clairement dépassé ses limites. Comment allait-il annoncer ça à Wyatt la prochaine fois qu'il viendrait ici et s'apercevra que sa sculpture n'y est plus ?
" - Oui ton pin's me fait chier tout comme toi. Mais je vais t'accompagner là-bas pour que tu retrouves ton jouet comme ça ça t'évitera de me taper encore plus sur le système."
Généralement, il en fallait beaucoup pour faire sortir Mitch de ses gonds, et là, en quelques minutes, Kendall avait brillamment réussi. Peut-être aussi parce qu'il avait cassé quelque chose qui lui était cher, et par conséquent, son sang n'avait fait qu'un tour dans ses veines. C'était probablement ça. Le russe cru halluciner en entendant les propos du tatoueur. Est-ce qu'il avait bien entendu ? C'était un vrai cauchemar, lui qui comptait bien faire, il aurait dû le laisser sur ce trottoir et rien de tout cela ne serait arrivé. Ça lui apprendra à essayer d'être gentil avec les autres.
" - Je te raccompagne déjà là-bas, faut peut-être pas abuser non plus."
La seule chose que l'on pouvait dire, c'est qu'il en avait du culot pour demander une telle chose. Puis sérieusement, un pin's ? Pourquoi pas une paille aussi pendant qu'il y était ?
" - Elles sont là." dit-il d'un air blasé en désignant le couloir menant à l'entrée.
Le sourire de Kendall lui donnait encore plus envie de sortir de ses gonds, pourtant il essayait de garder son calme autant que possible, mais quelque chose lui disait que ça n'allait pas tenir indéfiniment.
" - Quand madame aura fini de se pomponer, j'attends dans l'entrée quand tu seras prête."
Est-ce que tu étais en train de péter un câble ? Est-ce que tu étais en train de perdre l’esprit ? Tu n’en avais aucune idée. Tu n’étais pas vraiment en train d’y réfléchir, en réalité. Trop perdu, peut-être, dans ton semi-cauchemar éveillé. Délire quasi-psychotique. Mitch semble essayer de te faire retrouver la raison. Mitch t’explique presque ce qu’il préfère, ses préférences, et tu ne sais pas trop quoi en penser. Il était normal, en réalité. Un peu comme n’importe quel être humain – c’était probablement une bonne chose pour toi. Et il y a cette maudite sculpture que tu brises. « Va te faire foutre ok ? » entends-tu, alors que tu commences à poser des questions. « Pourquoi ? » répliques-tu, sans plus réfléchir. Pourquoi est-ce que tu devais aller te faire foutre ? « Ta meuf s’est barrée avec ? » Peut-être que, tout ce que tu voulais, c’était un poing dans la gueule. Peut-être que tu essayais de trouver quelque chose pour le faire craquer. Quelque chose pour le faire sortir de ses gonds, ne serait-ce que pour avoir l’impression d’avoir heurté autant que tu l’étais. Plus, peut-être. Merde, Kendall, c’était quoi, cette tendance à toujours chercher la destruction ? Pourquoi est-ce que tu es aussi con ? Tu ne sais rien de lui, au fond. Tu ne connais rien sur le personnage, alors pourquoi est-ce que tu le cherches ? Pourquoi est-ce que tu enquêtes, comme un débile, pour trouver là où ça faisait mal ? Peut-être que tu étais comme tes frères, au fond. A chercher la violence, à heurter avec les mots, à défaut de savoir construire quelques relations normales.
« Oui ton pin's me fait chier tout comme toi. Mais je vais t'accompagner là-bas pour que tu retrouves ton jouet comme ça ça t'évitera de me taper encore plus sur le système. » Tu fronces les sourcils, vexé. Tu plisses les yeux, blessé, avant de lui demander s’il veut bien t’accompagner et t’aider. « Je te raccompagne déjà là-bas, faut peut-être pas abuser non plus. » Tu hausses les épaules. Dans ton état, tu n’avais pas franchement l’impression d’abuser. « Tu m’as dit que tu dormirais pas. Faut bien s’occuper. » Tu avais plutôt l’impression de lui rendre service, en réalité, et tu peines à comprendre pourquoi il refusait. Mais il a vraiment l’air d’avoir envie que tu dégages, du coup. Tu lui demandes où sont tes chaussures, et il te désigne un point, l’air blasé. Tu hausses un sourcil, souris un peu, comme un gosse, avant de t’installer convenablement sur le sol pour les enfiler. « Quand madame aura fini de se pomponner, j'attends dans l'entrée quand tu seras prête. » Tu as relevé la tête, stoppant tes gestes – franchement, tu n’avais jamais mis autant de temps pour nouer une paire de Converse. Tes doigts sont venus emmêler tes cheveux, alors que tu le fixais. « C’est quoi, cet argument hyper réducteur ? J’connais des meufs qui mettent pas mille ans à se préparer et qui sont pas pour autant lesbiennes. » lâches-tu, alors que tu continues de l’observer. « C’est vachement moche, comme mot, d’ailleurs. Ça fait un peu grosse brute. » ajoutes-tu, pour toi-même. Tu continues de te tripoter les cheveux, avant de froncer les sourcils. « C’est parce que j’suis blond ? » demandes-tu soudainement, en désignant ta chevelure. Tu fais la moue, profondément blessé par la conclusion. « Parce que c’est quand même encore vachement à la mode, j’vois pas pourquoi ça ferait de moi une meuf. » Tu avais même un sac à main parfois – et tu ne trouvais pas qu’il portait atteinte à ta masculinité. C’était juste plus pratique que de mettre tout dans tes poches et d’avoir l’impression permanente de perdre ton pantalon. Tu souffles. Tu inspires, profondément, avant de finir de lasser tes chaussures – pendant probablement cinq bonnes minutes. « Ils sont beaux, hein ? » piailles-tu, alors que tu reviens vers lui, en lui présentant tes lacets – blancs classiques, mais tu attachais une certaine fierté aux boucles que tu avais réussi à assembler. « Ça te gène si je sors pas maquillé, honey ? »
Malgré les clichés qui peuvent être attribués aux italiens, il n'y a pas qu'eux qui ont le sang chaud. C'est plus une question de personnalité que d'origines. Et même si en temps normal, Mitch est quelqu'un qui d'apparence est calme, à l'intérieur, lorsque l'on appuie sur les faiblesses, il peut assez facilement perdre le contrôle de ses paroles comme de ses gestes. À l'instant précis, tandis que Kendall continue de le questionner, il n'a pas idée de l'importance de ses propos. Ces mêmes propos qui mettent le russe dans une colère sans nom. Il suffit de regarder ses yeux pour savoir ce qui se passe en lui. Pourtant, le jeune homme continue de jouer avec le feu, comme s'il ne soupçonnait pas l'impact de ce qu'il vient de dire. À moins qu'il en soit parfaitement conscient et que ça l'amuse de torturer ainsi le quadra.
" - Tu devrais réfléchir plusieurs fois à ce que tu dis si tu ne veux pas finir à l'hôpital la prochaine fois."
Le brun se doutait que c'était faire un aveu, et que c'était avouer qu'il avait vu juste, mais ses nerfs étaient tellement en pelote qu'il devait vraiment prendre sur lui pour ne pas lui mettre son poing dans la figure, ici et maintenant. Ce n'était pas une menace, ou bien peut-être que si au final. Il n'en savait trop rien, mais s'il parlait encore une fois de son fils et de sa femme, il se pourrait très fortement que Mitch ne réponde plus de ses actes.
" - Et qui te dit que je n'avais pas d'autres idées pour m'occuper plutôt que de te raccompagner et faire cette recherche inutile ?"
Est-ce que Kendall pensait vraiment que Mitch n'allait pas dormir, et que donc il avait tout le loisir de lui demander de l'accompagner ? Trop bon, trop con. Il aurait dû le laisser sur ce trottoir, ça lui aurait évité d'avoir toutes ces emmerdes, et surtout, que ce petit con s'amuse consciemment ou non, à remuer le couteau dans la plaie concernant le divorce du russe.
" - Je ne dis pas que toutes les meufs comme tu dis, mettent autant de temps à se préparer, mais toi tu mets des plombes pour faire tes lacets. On dirait un gamin qui ne sait même pas les faire."
Mitch songea alors à Wyatt, son fils. Il ne savait pas encore faire ses lacets, parce qu'il avait quasiment toujours des chaussures avec des velcro, mais il savait pertinemment qu'il se débrouillera parfaitement quand le moment sera venu. Pas objectif ? Sans doute, c'est son fils après tout, et même si c'est sa mère qui lui a tout appris depuis ces dernières années, le russe espère bien pouvoir participer au peu de connaissances qu'il lui reste encore à acquérir avant qu'il devienne un petit garçon autonome.
" - Par contre je ne vois pas le rapport entre mettre du temps à se préparer et être homosexuelle. Dans ces cas-là, la majorité de la population le serait !"
Lui ne passait que peu de temps à se préparer, mais certains mettaient jusqu'à une heure pour se faire beau et pouvoir sortir sans craindre d'être juger par les autres. Quel intérêt ?
" - Je te promets que la prochaine fois que je te vois étalé sur le trottoir complètement défoncé comme ça, je t'y laisse."
Est-ce qu'il venait vraiment vers lui pour qu'il admire la façon dont il avait fait ses lacets ? C'était vraiment pathétique, et jamais Mitch n'aurait pensé en arriver là en le raccompagnant chez lui. C'est décidé, il arrête les bonnes actions pour les mecs bourrés qu'il croise sur son chemin, encore plus lorsqu'il s'agira d'une connaissance.
" - C'est bon t'as fini de jouer au con ? On peut y aller."
Poussant un grand soupir, Mitch montrait que sa patience avait des limites. Des limites qui avaient déjà été dépassé pour ce soir, mais qu'il se forçait tout de même à garder autant que possible.
Tu as probablement envie de sentir quelques coups sur ton visage, juste pour avoir l’impression de vivre. Juste pour sentir quelque chose. C’est ça, non ? Ça ne peut-être que ça. Ça expliquerait pourquoi tu cherchais absolument à avoir le portrait refait. Tu l’énerves, tu le sens dans ses mots. Tu le fous hors de lui, et ça te ferait jubiler. C’était jouissif. Effrayant et jouissif, d’être confronté, dans ton état, à son regard qui te fusillait, à sa voix sèche. « Et qui te dit que je n'avais pas d'autres idées pour m'occuper plutôt que de te raccompagner et faire cette recherche inutile ? » Tu hausses les épaules. Qu’est-ce que tu en savais ? « J’sais pas tout ce que tu fais de ta vie, t’sais. Déjà que tu menaces presque de me refaire la gueule à chacune de mes questions … » lâches-tu, en soupirant. Tu étais presque fatigué. Fatigué d’avoir ainsi à l’écouter. « Je ne dis pas que toutes les meufs comme tu dis, mettent autant de temps à se préparer, mais toi tu mets des plombes pour faire tes lacets. On dirait un gamin qui ne sait même pas les faire. » Tu l’imites en grimaçant. « Gna gna gna. » que tu piailles, en oscillant la tête de chaque côté. Ça, c’était gamin. C’était gamin, et parfaitement assumé – modulo ton taux d’alcoolémie, malgré tout. « Par contre je ne vois pas le rapport entre mettre du temps à se préparer et être homosexuelle. Dans ces cas-là, la majorité de la population le serait ! » Tu fais une moue, pas vraiment convaincu. Tu restes dubitatif. Est-ce que la moitié de la population mettait du temps à se préparer ? « Peut-être que ça serait pas forcément quelque chose de mal. » Est-ce que ça débloquerait certaines choses ? Est-ce que ça améliorerait quelque chose ? Tu n’en avais aucune idée. Tu te disais que, quelque part, oui, mais tu n’en étais pas vraiment certain. Tu tournes en rond dans ta tête. Tu tournes en vrac, surtout.
« Je te promets que la prochaine fois que je te vois étalé sur le trottoir complètement défoncé comme ça, je t'y laisse. » Ah ouais ? Quelle menace. Quelle était la probabilité que ça se reproduise, de toute façon ? Quelle était le pourcentage de chances que ça arrive à nouveau ? A moins qu’il n’ère en permanence près des bars où tu trainais, tu ne misais pas grand-chose là-dessus. Tu préfères ne pas répondre, et plutôt lui montrer avec fierté tes chaussures parfaitement lassées. Autant lui apporter un peu de joie, non ? « C'est bon t'as fini de jouer au con ? On peut y aller. » Tu soupires. « Qu’est-ce que tu peux être désagréable. » lâches-tu, dans une grimace mécontente. « Ça t’arrive, de rigoler un peu, des fois ? » Tu essayais de te rappeler de ta séance de tatouage avec lui, mais dans ton état, tu galérais. Est-ce qu’il avait ri ? Est-ce qu’il t’avait offert ne serait-ce que l’ébauche d’un sourire ? Tu ne savais plus. Tu n’en avais aucune idée. Tu souffles, avant de fièrement relever les épaules, pour sortir de chez lui, tel une diva. Princesse, les hanches qui remuent – tu épatais toujours les autres avec ta souplesse –, et une main relevée. C’était sans compter sur l’escalier. C’était sans compter sur les marches tu avais oublié, tant ton arrivée ici te semblait chaotique. Tu trébuches, te tords la cheville. Tu as senti ton corps sombrer vers l’avant. Tu t’es effondré, une nouvelle fois, telle une poupée de chiffon. « Ah merde … » que tu grognes, en te relevant. Les chairs que ta première chute avait mises à vifs se teintaient désormais d’un rouge carmin. Tu replies tes jambes contre toi, en tailleur, alors que tu te tournes vers le garçon, montrant tes mains. « Tu crois que c’est grave ? » lances-tu, avant de fixer à nouveau tes paumes abîmées. « T’trouves que ça pique. » ajoutes-tu, alors que tu observes le sang commencer à glisser doucement le long de tes poignets.
Clairement Mitch commençait à perdre pied. Il se retenait avec tellement de force pour ne pas le jeter dehors, pour ne pas que ses mains entre en collision avec le visage du plus jeune. Le russe n'avait jamais été pour la violence, il n'y avait pas de règlement avec cette manière, mais là.. Kendall prenait un malin plaisir à le provoquer, à le pousser dans ses retranchements. Peut-être même qu'il ne s'en rendait pas compte, et c'est ça qui rendait le moment encore plus tendu.
Peut-être que si Mitch avait passé plus de temps avec son fils, peut-être que s'il avait dû faire son éducation, alors il serait plus à même d'accepter les commentaires du tatoueur. Pourtant, ça lui semble interminable. Toujours un mot pour le repousser ses limites encore plus loin, comme s'il cherchait cette issue. Au fond de lui, Mitch sait parfaitement que s'il commence à taper, il risque de ne pas pouvoir s'arrêter. Et ce n'était tout de même pas un tueur. Note pour lui-même : en revenant d'accompagner cet abruti, il faudra qu'il tape dans son sac de frappe jusqu'à l'épuisement, c'est le seul moyen pour pouvoir évacuer tout ce mal qu'il y a en lui. Tout ce mal qu'il n'avait pas avant. Il avait acquérit tout ça quand sa vie avait basculé, quand il avait tout perdu, le laissant alors seul avec ses souvenirs pour tenir chaque jour.
Tandis qu'il parlait du temps que peut consacrer chaque personne pour se préparer, la discussion part sur un sujet assez sensible qui est l'homosexualité. Mitch n'est absolument pas homophobe, loin de là, mais il n'est pas non plus super à l'aise quand deux personnes du même sexe s'embrassent juste devant lui. Le russe est quelqu'un qui est plutôt ouvert d'esprit, et pourtant cette discussion avec Kendall le ferait passer pour le dernier des salopards, sans oublier qu'il pourrait passer pour un macho finit. C'est vraiment mal le connaître de le considérer ainsi.
" - Ouais bah en attendant que tu refasses le monde, on y va. Prend tes affaires et on va chercher ton truc."
Plus vite tout cela sera terminé, plus vite Mitch pourra retourner à sa vie tranquille. Ou peut-être pas. Peut-être qu'il sera pris de remords d'avoir laissé ce gamin dans la rue sans aide. Quoique.. Il l'a bien cherché après tout. Il aurait pu rester ici, au chaud pour la nuit, mais son pin's semblait plus important que sa propre vie.
Kendall semblait être fin prêt pour partir à la recherche de son bien précieux, mais évidemment, il ne put s'empêcher de provoquer encore une fois de plus le russe. Il agissait comme un enfant, et même s'il ne le connaissait pas, il espérait fortement que c'était l'alcool qui le faisait agir de la sorte. Même son fils ne réagissait pas comme ça. Il faut dire qu'il le voyait tellement peu, que peut-être qu'il agissait ainsi avec sa mère. Abby ne lui en avait jamais parlé en tout cas.. Il faut dire que la communication entre eux n'était pas non plus leur fort à tous les deux, surtout depuis leur divorce. Mitch chassa tout ça de son esprit et se concentra de nouveau sur son invité alcoolisé.
" - Ça m'arrive quand on ne joue pas avec mes nerfs." répondit-il sèchement sans même lui accorder un regard.
Il était prêt à partir, ils avancèrent dans le couloir menant à l'entrée, porte ouverte, direction la voiture, mais avant même qu'il puisse fermer la porte à clé, un bruit surgit derrière lui. Kendall venait de louper une marche et était étalé par terre. Il poussa un large soupir tout en se demandant ce qu'il allait bien pouvoir faire de lui.
" - Dis moi que tu le fais exprès.."
Ça ne pouvait pas être autrement. Ce mec ne pouvait pas être aussi maladroit que ça. Quand il l'avait tatoué il semblait savoir à la perfection ce qu'il faisait, pourtant depuis que Mitch l'avait récupéré sur ce trottoir, il enchaînait les maladresses.
" - Ouais ça me semble grave, je crois qu'il va falloir amputer ta main."
Et sa langue aussi s'il en avait eu l'occasion. Bien sûr sa réponse était sarcastique, ce n'était rien que des écorchures, il aurait mal quelques jours l'instant que les croûtes se forment et puis, elles disparaîtront aussi vite qu'elles sont apparues.
" - Tu veux que je fasse un bisou magique pour soigner tes bobos ?"
Puisque Kendall agissait comme un enfant, Mitch opta pour lui parler tel quel, peut-être qu'il allait se bouger un peu et arrêter d'agir comme un gamin de 4 ans.
Tu l’avais clairement énervé. Tu l’avais clairement agacé, et dans ton état, ça te satisfaisait. Qu’est-ce que tu pouvais être con, quand tu t’y mettais. Est-ce que tu voulais voir jusqu’où tu pouvais le pousser ? Est-ce que tu allais un jour t’arrêter ? Tu n’en avais aucune stricte idée. Tu n’as pas vraiment le temps d’y réfléchir, en réalité. Tu tombes alors que tu tentes la plus difficile des descentes : dans le noir, dehors, avec des escaliers. « Dis moi que tu le fais exprès.. » dit-il, d’un air visiblement blasé. Tu aimerais bien. Tu aimerais bien avoir fait exprès, mais ce n’était pas le cas. « J’me blesse plus volontairement depuis bientôt 10 ans. » lâches-tu, distrait par tes paumes blessées. Peut-être que ce n’était pas quelque chose à dire, mais tu n’en avais jamais vraiment eu quelque chose à foutre. Pendant trop longtemps, tu t’étais presque délecté des mines horrifiées auxquelles tu étais confronté, quand tu le laissais entendre. Mais maintenant, c’est différent. Maintenant, tu t’inquiètes du sang qui roule sur tes paumes. « Ouais ça me semble grave, je crois qu'il va falloir amputer ta main. » Tu as froncé les sourcils en l’observant un instant. Tu sentais qu’il se foutait de toi. C’était quoi, déjà ? De l’ironie ? Du sarcasme ? « Tu mens, ton nez s’allonge. » Meilleure réplique de toute ton existence. Réplique peu fine, prouvant ton taux d’alcoolémie. Ta stupidité devait le lasser. Tellement que ça en était surprenant qu’il ne t’ait pas encore cogné. Peut-être que, quand tu seras moins cuité, tu lui offriras du chocolat juste pour le remercier. Ou bien jamais. « Tu veux que je fasse un bisou magique pour soigner tes bobos ? » Tu as eu un sourire de gamin tordu, alors que tu tendais tes poignets vers lui. « Oh, oui. S’il te plaaaaaait, papa Mitch. »
Mais malgré tout, peut-être que ça t’avait calmé. Peut-être que ta chute dans les escaliers t’avait aidé un peu à redescendre, trop vite à ton goût – mais pas assez pour que tu mettes de côté ta fierté. Alors, tu as fini par remonter dans sa voiture. Tu as fini par te laisser faire, par le laisser faire, alors que tu gardais tes mains plaquées entre tes cuisses, comme si la pression sur tes paumes allait calmer la douleur qui t’irradiaient doucement les avant-bras. Tu es même silencieux – tu imaginais que ça devait lui faire du bien. Tu imaginais que ça devait l’apaiser un peu, de t’entendre fermer ta gueule. Tu préfères regarder le monde par la fenêtre. Tu préfères ne pas trop penser, ne pas trop réfléchir sur ce que tu avais fait. Au fond, tu t’en foutais. Tu avais probablement ruiné deux-trois trucs – comme la possibilité d’une amitié – entre lui et toi, mais tu t’en foutais. C’était peut-être assez triste. Assez triste de ne pas chercher à s’attacher. De détruire avant même que ce ne soit construit. Ce n’était juste pas le moment. Il t’avait simplement trouvé au mauvais moment. Et, quand ton chauffeur t’a laissé, tu avais les idées un peu plus claires. Assez pour capter que c’était foutu pour ton pin’s – fait chier. Assez pour capter qu’il ne fallait plus s’accrocher. Assez, aussi, pour te souvenir d’où tu avais garer ton foutu van, et le retrouver.