Soirée du 24 Décembre, Réveillon de Noël ; Carlisle soupira de soulagement, et déboutonna le premier bouton de sa chemise. Machinalement, il passa sa main droite sur son cou, et massa la fine parcelle de peau qui avait été retenue prisonnière pendant des heures, étouffée sous une cravate noire. Il avait cru que la fin de ce dîner n’arriverait jamais ; son père, à la fois seul et vieillissant, avait fait durer le plaisir jusqu’à une heure bien trop tardive au goût de Carlisle. Quant à Amal, fidèle à elle-même, elle s’était montrée polie et courtoise – mais le pilote savait pertinemment qu’une colère sourde se cachait sous cette façade calme et lisse. Il retira un deuxième bouton, et inspira profondément ; il redoutait la fin de cette étrange année 2018. Si le premier semestre s’était déroulé sans accroc, le deuxième avait été nettement moins paisible : les obligations du couple Robinson-Bishop s’étaient multipliées. Les soirées pour des galas de charité se comptaient sur les doigts des deux mains, les vols internationaux de Carlisle avaient été plus nombreux qu’habituellement, et Amal avait eu des contrats à la pelle. D’un point de vue carrière, donc, le couple était au sommet. Ni l’un ni l’autre ne s’en plaignait ; c’était ce dont ils avaient toujours rêvé. Mais aujourd’hui, un succès fulgurant dans les affaires ne semblait plus les satisfaire ; alors, conscients qu’un manque de dynamisme dans leur couple était tout doucement en train de s’installer, ils avaient décidé de franchir une étape – ils allaient se marier. Ça n’avait été une surprise pour personne, et en même temps, tout le monde s’était accordé à dire qu’ils n’avaient rien vu arriver. Depuis le temps qu’ils repoussaient l’événement… Désormais, et bien qu’ils n’aient pas encore eu l’occasion de se dire « oui » devant un parterre d’invités aussi prestigieux que fortuné, chacun semblait attendre de voir une légère bosse arrondir le ventre d’Amal. Les langues bien pendues pourraient attendre : faire un enfant n’était pas à l’ordre du jour.
Le pilote, perdu dans ses pensées, sursauta en entendant la porte de la salle de bain claquer. Amal vint se poster à côté du pilote, face à sa propre vasque. Elle ne lui accorda pas une parole, pas même un regard ; Carlisle savait pertinemment que sa compagne n’avait pas passé la meilleure des soirées, mais rarement elle s’était montrée aussi glaciale. Il faut dire que, depuis quelques temps, l’ambiance au sein du couple n’était pas au beau fixe. La raison ? Evelyn Pearson, leur organisatrice de mariage, avait brutalement claqué la porte. Elle avait tout envoyé balader, justifiant son comportement par un manque d’investissement de la part des deux principaux concernés. Voilà ce qu’elle lui avait dit et qu’il avait répété à Amal, lorsqu’il était allé à sa rencontre pour valider un plan de table. Ce qu’il avait choisi de taire à sa fiancée, par contre, c’était les doutes que lui avait exposé la wedding planner ; était-il bien sûr de lui ? Sûr de faire le bon choix ? Il avait balayé ses interrogations d’un revers de main, dans un premier temps. Et puis, tout doucement, les questions avaient fait du chemin dans son esprit. Et bientôt, le doute avait germé pour ne plus jamais disparaître. Bien au contraire, il ne cessait de croître. Encore et encore, encore et toujours. « Tu as passé une bonne soirée ? » Demanda Carlisle, plus pour faire la conversation qu’autre chose. Il retira sa ceinture en cuir, qu’il déposa à côté du lavabo. Lorsqu’il releva les yeux, il osa un regard sur sa compagne. Elle était belle, c’était indéniable. Sa robe mettait ses formes en valeur, et suggérait plus qu’elle ne dévoilait. Ses cheveux d’un noir gai dévalèrent le long de son dos, alors qu’elle retirait les pinces qui les avaient maintenus en un chignon. Ses pommettes étaient hautes, ses yeux profonds, et sa bouche pulpeuse ; la mannequin qu’elle avait autrefois été demeurait, même si le temps avait passé. « Merci encore pour ton cadeau. » Souffla-t-il en tentant un maigre sourire, relevant légèrement son poignet pour qu’elle voie qu’il avait toujours sa nouvelle montre. « Elle est vraiment magnifique. » Admit le pilote, en toute sincérité. Pour sa part, il avait opté pour un bracelet en or blanc – une matière qu’il adorait, et qui se reflétait merveilleusement sur la peau hâlée de sa future femme.
Une soirée longue et pénible. Voilà ce à quoi avait ressemblé ton réveillon de Noël. Rien de bien enviant, mais tu savais également que ton fiancé était probablement du même avis. Une soirée chez le paternel Bishop était toujours d’un terrible ennuie. Tu avais l’impression que les discussions étaient toujours les mêmes au fil des années. Cette année te semblait encore pire que les autres. Probablement dût à l’énorme faille qui grandissait sans cesse entre toi et Carlisle, à cette déchirure imminente que vous faisiez tous deux semblant de ne pas voir. Pourtant, ce ne serait pas si compliqué de simplement prendre le temps de vous parler, de mettre vos cartes sur la table et de passer à autre chose. En fait, ce serait à toi de le faire, parce qu’au fond, c’est toi qui n’est plus satisfaite de cette vie. C’est toi qui veut plus sans le demander. Après dix ans de vie commune, ce devrait être facile pour toi de lui parler de tes désirs, de t’es inquiétude. Ce devrait l’être oui, mais ce n’est pas le cas, sans vraiment que tu saches pourquoi. Tu finis par aller rejoindre Carlisle à la salle de bain. Non pas pour être avec lui, mais simplement pour te décoiffer, te démaquiller. L’ambiance a rarement été aussi froide entre vous deux. Tu le regardes à peine, aucun mot ne sort de ta bouche. Tu t’occupes simplement de faire tes affaires sans vraiment te préoccuper de sa présence. C’est Carlisle qui finit par briser le silence en te demandant si tu avais passé une belle soirée, une question dont il savait pertinemment la réponse. Si tu avais été polie et charmante toute la soirée, tu avais facilement dupé ton beau-père, mais tu savais qu’il n’en était pas de même pour ton fiancé qui avait probablement remarqué tes tics agacés. Ton regard se porta doucement sur son reflet dans le miroir, alors que tu te contente de simplement hausser les épaules en guise de réponse avant de simplement reporter ton regard en face de toi. Y avait-il vraiment quelque chose à répondre qu’il ne savait pas déjà ? Non, absolument pas. Tu n’avais pas envie de t’étaler sur le sujet, ni sur aucun autre sujet d’ailleurs. Tu avais la tête chargée ce soir. Tu étais préoccupé. C’est de ton lit dont tu avais besoin, mais Carlisle ne semblait pas du même avis que toi puisqu’il retenta à nouveau de faire la conversation. En même temps, c’est tout-à-fait normal. Quelle personne censée n’aurait pas envie de briser une ambiance aussi glacée avec la personne qu’elle aime ? Toi, apparement. « Je savais qu’elle te plairait » que tu lui réponds simplement en laissant un bien mince sourire s’afficher sur tes lèvres. Tu finis par lui tourner dos, glissant ta longue chevelure sur le côté histoire de te dégager le dos. Tu tournes la légèrement la tête vers l’arrière, vers cet homme qui te faisant tant vibrer auparavant. Y arrivera-t-il à nouveau ? Tu te surprends à te demander s’il se dit la même chose de toi. En même temps, tu serais plus que surprise que tu ne fasse aucun effet à un homme, même après toutes ses années. Un peu prétentieuse ? Pfff, à peine ! « Tu m’aides ? » que tu lui demande en parlant de cette fermeture éclaire dans le dos de ta robe.
L’Australien savait pertinemment que sa compagne n’avait pas passé une bonne soirée ; malheureusement, il n’avait pas eu mieux à lui offrir. Le couple aurait pu opter pour un dîner en tête à tête, chez eux ou au restaurant, mais le cœur n’était pas à la fête : depuis quelques temps, Carlisle ne pouvait que constater qu’un fossé se creusait entre lui et sa future femme. Il avait d’abord voulu justifier cette froideur et ce manque d’entrain à cause de l’organisation de leur mariage, qui leur prenait beaucoup de temps et d’énergie depuis qu’Evelyn Pearson avait jeté l’éponge. Mais il avait dû se rendre à l’évidence : aussi stressant que cela puisse être, il y avait autre chose. Quelque chose qu’il ne savait pas nommer, parce qu’il ne savait pas encore ce dont il s’agissait. Quelque chose qui taraudait sa compagne, et qui se répercutait directement sur leur couple. Quelque chose qui semblait les ronger de l’intérieur, sans que le pilote ne puisse rien y faire. Le peu de fois où l’héritier avait tenté de confronter Amal à ce sujet, il avait subi un revers dont il se serait volontiers passé. Parfois, elle bottait en touche en lui disant qu’elle était trop occupée, ou trop fatiguée pour s’engager dans une longue conversation. Parfois même, elle lui disait qu’il débloquait, que tout ceci n’était que le fruit de son imagination.
« C’est vrai que tu me connais bien. » Concéda le pilote en souriant légèrement, déjà heureux qu’Amal accepte de dialoguer un peu avec lui. En même temps, après plus de dix ans de relation, on finissait par bien connaître la personne qui partageait notre vie… En tout cas, on connaissait au moins ses goûts. L’ancienne mannequin s’était d’ailleurs toujours montrée perspicace à ce sujet, et n’était jamais tombée à côté. C’était inné, chez elle – et, franchement, cela avait un côté rassurant. Amal lui tourna finalement le dos, et Carlisle en profita pour l’observer, sans réellement se cacher. Sa future femme n’avait pas changé ; à croire que le temps n’avait aucun effet sur ses traits fins et charmants. Il retira sa montre, qu’il posa délicatement sur le rebord de son lavabo. Il commença à retirer les boutons de sa chemise, mais la voix d’Amal l’interpella. « Bien sûr. » Accepta le pilote d’une voix douce, abandonnant les boutons de sa chemise pour venir en aide à sa fiancée. Elle lui présenta son dos, et releva ses cheveux pour lui faciliter la tâche. Il fit glisser la fermeture éclair de la robe d’Amal le long de son dos, et se demanda si cette requête était tout à fait anodine. Avait-elle une idée derrière la tête ? Était-ce une façon pour l’Australienne de tenter de renouer, au moins physiquement, avec son compagnon ? Carlisle retint un soupir désabusé ; si leur couple était en berne, leur vie sexuelle n’était guère mieux. « Cette robe te va à ravir. » Déclara le pilote d’une voix douce, alors qu’il faisait un pas en arrière pour laisser à Amal un peu d’espace. Il se maudit intérieurement ; ou était passé leur habituelle fougue, leur spontanéité ? Il y a quelques semaines de cela à peine, il n’aurait pas hésité une seule seconde. Il aurait fait tomber la robe de soirée de sa fiancée sur le sol, et se serait empressé de faire son maximum pour la satisfaire. Mais ce soir, malheureusement, le cœur n’y était pas. Il embrassa l’épaule dénudée d’Amal, et retira finalement sa chemise. La tendresse qu’il avait pour Amal était réelle, et il ne pouvait le nier : sa fiancée lui manquait. « Qu’est-ce que tu as prévu de faire pour Nouvel An ? » Demanda le pilote, après s’être passé un peu d’eau fraîche sur le visage. L’Australien avait appris, quelques jours plus tôt, qu’il serait en Amérique pour fêter le passage à la nouvelle année. Il avait été réquisitionné par Cathay Pacific pour assurer le transport de l’héritière de la compagnie jusqu’à New York. Il n’avait pas rechigné ; son travail lui imposait souvent d’être loin de la maison, y compris lors de moments importants et symboliques. Mais Amal l’avait toujours compris, par chance. En tout cas, jusqu’à aujourd’hui.
C’était assurément ton pire Noël depuis bien des années. Ce n’était quand même pas la première fois que vous deviez vous taper l’un de ses réveillons ennuyant avec le père de Carlisle, mais c’était bien la première fois que vous n’êtiez pas plus festif en revenant à la maison. Que ni lui, ni toi ne sembliez vouloir donner une nouvelle tournure à cette soirée. Elle semblait bel et bien sur le point de s’achever sur une bien mauvaise note. Même si, au fond, y avait-il vraiment une bonne raison pour que l’ambiance soit si froide ? Non, pas vraiment. C’était simplement comme ça depuis le retour de Carlisle. Peut-être que son prochain retour sera mieux ? C’est beau rêver. Comme si tout ça pouvait vraiment s’améliorer. Non, ça ne pouvait pas. Pas tant que tu te décides à jouer franc jeux, à mettre tes cartes sur la table. Ce n’est pas prêt d’arriver. À votre arrivée, Carlisle semble vouloir faire la discussion sans que tu ne comprenne vraiment pourquoi. Pourquoi étirer un moment si pénible ? Tu décides quand même de faire un effort. Tu essaie d’avoir l’aire... heureuse ? même si tu sais bien que ça ne marche pas. Peut-être que tu n’as simplement plus la force de faire comme si tout allait bien ? Peut-être bien. Ce n’est pourtant pas ton genre. Tout comme ça n’avait jamais été ton genre d’aller voir ailleurs, il faut se le dire. Tu finis par venir tourner dos à ton fiancé alors qu’il s’occupe de descendre la fermeture éclaire de ta robe. Un léger frisson te parcourt au contact du bout de ses doigts dans ton dos qui se dénude doucement. « J’suis encore mieux sans » que tu lui réponds lorsqu’il te complimente sur ta robe. Ça te fait rappeler que tu ne sais même plus à quand remonte la dernière fois que vous aviez fait l’amour tous les deux. Il peut bien se prendre la tête et se poser des questions, ce n’est vraiment pas dans vos habitudes. Il y avait bien ça de bien dans une relation comme la vôtre où les absences revenaient rapidement; ça maintenait la flamme bien en vie. Vos corps devenaient rapidement en manque l’un de l’autre. Il était plutôt difficile de vous décoller l’un de l’autre dans les heures qui suivaient vos retrouvailles. Oui, c’était bien, très bien, mais ça te semble tellement loin. Comme si ces moments n’avaient jamais existé. L’instant présent te le confirme, lorsque ta robe, qui ne tient par presque plus rien, ne retrouve pas le sol, lorsque tu ne ressens pas le corps de Carlisle venir réchauffer le tien. Pire encore, un simple baisée contre ton épaule et il change de sujet. Tu as ouvert la porte et il ne la pas prise. Bien sûr, tu pourrais insister, faire le premier pas. Il serait probablement facile de le faire changer d’idée, mais trop tard, il t’avait vexé - en effet, tu vexes à rien ces temps-ci - tu t’es refermé aussi rapidement que tu t’étais ouverte, légèrement ouverte en fait. « Rien de palpitant. J’ai un gala. » que tu commence avant de te tourner de nouveau vers Carlisle. « Avec Hassan » Tes yeux se dirigent directement vers son reflet dans le miroir, curieuse d’observer sa réaction. Tu cherches la dispute ? Tu veux piquer sa jalousie ? Peut-être bien, mais il faut surtout dire que toi, ça t’agace de savoir qu’il passera la nouvelle année avec cette garce de Farrell. Enfin, tu quittes tout de même la pièce, laissant ta robe s’échouer sur le sol, alors que tu te diriges vers ta commode pour enfiler une nuisette avant de te glisser sous les draps de satin, te retournant déjà dos à la place de Carlisle. Joyeux Noël!
L’Australien a un sourire amusé, lorsqu’il entend sa compagne lui dire qu’elle est mieux sans ses vêtements. Il n’allait pas le réfuter ; le corps d’Amal lui avait fait perdre la tête plus d’une fois... Et il ne s’en était jamais plaint. En même temps, comment ne pas succomber au charme délicat et à la fougue incendiaire d’Amal Robinson ? « C’est vrai. » Admit à voix-haute le pilote, jamais avare en compliment. Et puis, après tout, qu’est-ce que ça lui coûtait ? ll savait que sa fiancée était sensible à la flatterie, et savait aussi que toute personne qui se respectait aimait recevoir des compliments. Mais il savait aussi que cette pensée, pourtant bien intentionnée, leur rappelait à tous les deux que leur relation charnelle n’était plus ce qu’elle avait été. C’était bien simple : Carlisle pouvait compter sur les doigts d’une main le nombre de fois où ils avaient fait l’amour, depuis que le pilote avait appris que sa compagne fréquentait un certain Hassan. C’était un vieil ami, lui avait-elle fait savoir. Quelqu’un qu’elle avait connu, puis perdu de vue, puis recroisé. L’héritier Bishop n’aurait jamais rien eu à y redire, si seulement Amal ne s’était pas appliquée à lui cacher leurs entrevues – aussi nombreuses avaient-elles pu être. Il se pencha sur l’épaule de sa fiancée, et y déposa un baiser rapide. Elle était loin, la passion qui embrasait leurs corps. Elle était loin, la fougue qui les animait il y a encore quelques semaines. Elle était loin, la confiance qu’ils accordaient avant qu’ils ne se décident à officialiser les choses devant monsieur le maire. « Avec Hassan ? » Répéta le pilote à voix basse, les sourcils légèrement froncés. Ses yeux balayèrent le sol pendant de longues secondes, se demandant quelle pouvait bien être la meilleure des réactions. « Parmi tous les hommes de Brisbane, tu as choisi de t’y rendre avec Hassan ? » Fit-il remarquer en relevant les yeux vers elle. Il croisa indirectement son regard ; était-elle en train de le tester ? De le provoquer, pour voir s’il allait sortir de ses gongs – ou, à défaut, de la torpeur qui pouvait parfois le caractériser ? Le cœur de Carlisle battait à tout rompre, et il réalisa bien vite que ce n’était pas uniquement dû à la crainte de la réponse d’Amal. Non, une colère sourde grondait au plus profond de son être, et menaçait d’éclater à tout moment. L’héritier Bishop, qui était d’ordinaire plutôt calme et discret, savait qu’une fois la couche de glace brisée, il pouvait se révéler être particulièrement virulent. Il regarda silencieusement la robe d’Amal s’échouer sur le sol, avant que cette dernière, bien peu vêtue, ne se dirige vers une commode pour en extirper une nuisette. Elle l’enfila, puis se glissa aussitôt sous les draps de leur lit. Il resta encore de longues secondes dans la salle de bain, et balança finalement sa chemise et son jean dans le panier de linge sale. « Tu comptes me répondre, ou m’ignorer comme au cours des dernières semaines ? » Demanda-t-il d’une voix froide, en débarquant dans leur chambre. Loin de se glisser aux côtés de sa future épouse, l’Australien surplomba l’ancien mannequin de toute sa hauteur. Les bras croisés sur sa poitrine, il s’apprêtait à nouveau à entrer sur un ring – sur lequel, il le savait, il risquait de perdre des plumes. « Amal, je vais te reposer la question une dernière fois : est-ce que tu me caches des choses ? » Demanda-t-il, craignait sincèrement qu’elle l’envoie à nouveau promener. Dès qu’il essayait d’avoir une conversation avec sa fiancée, cette dernière se braquait et retournait la situation. Inévitablement. « Je veux des réponses, Amal ! » S’exclama finalement le pilote, agacé de voir sa fiancée rester muette.
Comme tu l’aurais prédit, tes paroles eurent l’effet d’une bombe au sein de votre couple. La simple prononciation du prénom d’Hassan était suffisante pour déclencher la guerre entre vous deux. Tu ne digérais toujours pas le fait que Carlisle se soit permis de regarder tes messages et encore moins d’avoir été jusqu’à confronter Hassan à ce sujet. Tant qu’à Carlisle, il me digérait toujours pas ce qui était, à son humble avis, des cachoteries dans son dos. Alors qu’au fond, qu’est-ce que ça pouvait bien faire que tu ne disais pas toujours avec qui tu étais ? Et puis, pour une fois, tu étais innocente. Il n’y avait jamais eu aucun rapprochement entre Hassan et toi. Pas depuis des années. Oh! c’est vrai. Ça aussi tu l’as passé sous silence. À quoi bon relater une histoire qui date depuis presque vingt ans ? Tu souris intérieurement en remarquant ce que tu croyais être de la jalousie envers ton fiancé. Puis si ce n’était pas assez, tu tourna le fer dans la plaie... « C’est quand même pas ma faute si mon premier choix préfère aller se balader en Amérique avec une adolescente » Attends, c’est toi ou lui qui est jaloux dans tout ça ? Probablement un peu beaucoup des deux. Tout ça, ça ne vous ressemblait pas du tout. Tu avais toujours apprécié la légèreté de votre relation, mais aujourd’hui ? tout était compliqué, tout était lourd. Vous fonciez directement dans un mur. Vous relevez ne sera pas facile peut-être même impossible. Tu finis tout de même par laisser Carlisle en plan. La dernière chose que tu souhaitais était de poursuivre cette confrontation. En fait, tu la fuyais depuis des semaines et tu comptais le faire une fois de plus. Ce n’était assurément pas une bonne idée de pousser à plus tard ce qui, au fond, pourrait se régler si facilement. Alors que tu t’installe dans le confort de votre lit, ce n’est que quelques minutes plus tard que Carlisle revient à la charge. Tu roules les yeux à sa réplique optant encore pour le silence comme réponse. Tu étais convaincu que ton silence le découragerait une fois de plus, qu’encore une fois tu passerais à côté. Tu t’assoies d’un bond dans ton lit visiblement irrité par la situation alors qu’il insiste, qu’il veut des réponses. « Et j’peux savoir de quoi tu m’accuses au juste ? D’avoir une aventure avec Hassan ? C’est ça que tu crois ? » que tu lui demande brusquement, ta voix ayant perdu sa douceur des dernières heures. Ces mots sortis de ta bouche était... bizarre ? Comme si avouer -ou plutôt nier- une demi-vérité apaisait un peu ta conscience. « On a eu une histoire quand on était plus jeune et c’est tout. Ça remonte à pratiquement vingt ans. C’est presque comme si ça n’avait jamais existé. C’est du passé tout ça!! » Encore une fois, tu banalisais cette relation, ce premier amour qui t’avais appris les joies et les peines de l’amour. Ce baptême de l’amour inoubliable. En fait, tu espérais surtout que ce banal avoeu allait le suffir pour ce soir, qu’il en aurait finit avec ces questions, que peut-être même ça effacerait les doutes qu’il a envers toi. « T’es satisfait ? C’est fini ton stupide interrogatoire ? » que tu lui demande en reprenant ta position initiale dans ton lit; c’est-à-dire dos à lui. Pour toi, cette discussion était close. Tu ne voyais pas vraiment ce qu’il y avait de plus à ajouter de toute façon.
Les mots que prononcèrent Amal le laissèrent sans voix. Était-elle en train de suggérer que c’était lui qui avait volontairement choisi de s’éloigner d’elle, pour un moment aussi symbolique ? Comment pouvait-elle s’imaginer qu’il avait une quelconque possibilité de choisir son emploi du temps ? Il travaillait depuis plus de dix ans pour Cathay Pacific, et il n’avait jamais eu un pouvoir décisionnaire. Même son ancienneté ne lui permettait pas de souffler ses vœux et souhaits, et même si cela avait été le cas, il s’en serait probablement abstenu. Carlisle avait toujours eu une sainte horreur des privilèges servis sur un plateau d’argent, sans qu’il n’y ait aucune raison valable à cela. Il n’avait rien fait pour être récompensé d’une telle façon – si ce n’est avoir occupé son siège depuis une bonne décennie désormais. « Je te signale que cette ado est ma future patronne ! » S’exclama le pilote, encore surpris d’avoir été si lâchement attaqué par sa compagne. Le fils Bishop n’était pas du genre à jouer les lèche-bottes ; il préférait laisser cette tâche à certains autres de ses collègues, qui s’en donnaient à cœur joie. Lui savait déjà que son temps était compté et, mieux encore, il savait que son profil pouvait attirer n’importe quelle compagnie. Cet homme ne connaîtrait jamais le chômage, et c’était mieux ainsi. L’inactivité pourrait le rendre fou, il en était persuadé. L’Australien regarda sa fiancée sortir de la salle de bain, pour ensuite aller s’allonger dans leur lit comme si de rien était. Qu’espérait-elle ? Que la conversation en resterait là ? Qu’elle pouvait lui balancer des piques au visage sans qu’il n’y ait un retour ? Si Carlisle était quelqu’un de facile à vivre, il ne manquait pas pour autant de caractère. Passablement agacé par les propos de sa future épouse, l’Australien balança ses affaires dans le panier de linge sale, et déboula dans sa chambre sans chercher à cacher sa mauvaise humeur. Prêt à en découdre avec elle, il lui posa les questions qui lui brûlait l’esprit depuis quelques semaines. « Avec Hassan, ou avec un autre, qui sait ? » Suggéra le pilote, sans savoir qu’il mettait le doigt, avec une précision glaçante, sur les agissements de sa compagne. Elle allait probablement se vexer – et ce, à juste titre d’ailleurs, puisqu’il sous-entendait qu’elle pouvait avoir plusieurs amants. Il la faisait clairement passer pour une femme de petite vertu, et frôlait l’insulte déguisée. Elle se redressa dans leur lit, et soupira bruyamment. « Après m’avoir rabâché pendant des semaines qu’il ne s’était jamais rien passé entre vous, tu me parles d’un amour passé ? » Demanda-t-il, le regard noir. L’histoire pouvait être vieille comme le monde, cela ne changeait rien : Amal lui avait menti. Alors qu’il lui avait demandé, maintes et maintes fois, s’il y avait quelque chose dont il n’avait pas connaissance, elle avait nié. Elle lui avait dit qu’il hallucinait, qu’il se faisait des films. Et aujourd’hui, elle lui confirmait enfin qu’il ne se faisait aucune illusion à son sujet. « Tu te fous de ma gueule, Amal ? » Grinça-t-il en roulant des yeux. L’héritier Bishop avait sous les yeux un immense puzzle, sur lequel il devait encore assembler quelques pièces. Et malheureusement pour lui, les dernières pièces qui restaient n’annonçaient rien de bon. « Mais qui je suis pour toi, au juste ? Pourquoi tu m’as menti tant de fois, pendant tant de temps ? » Il se sentait trahi : la pilule serait difficile à avaler. Et alors qu’il pensait qu’elle se raviserait, elle n’en fit rien. Pire, elle enfonça le clou. « Tu as changé, tu n’es plus la même depuis quelques temps. » Déclara-t-il platement, d’une voix monocorde. Il contourna leur lit, et s’empara de son oreiller. Hors de question, pour lui, de partager le même lit qu’Amal ce soir. « Bonne nuit. » Déclara-t-il, s’éclipsant de leur chambre avec son oreiller sous le bras. Il allait s’engouffrer dans l’une des chambres d’ami, mais il se ravisa au dernier moment. Dormir était exclu, il était bien trop énervé pour ça. Alors, plutôt que de s’enfermer, il préféra sortir. Il s’empara d’un paquet de cigarettes qui traînait sur la table, et en alluma une machinalement. Puis, il posa son oreiller sur l’un des transats, et s’allongea dessus. Il avait toute la nuit devant lui pour réfléchir.
« Peu importe » que tu réponds simplement en haussant très légèrement les épaules, banalisant carrément la complexité de tout ça. Que cette Mina soit sa future patronne ou non t'étais complètement égale. Tu ne l'aimais pas du tout. Elle le savait parfaitement. Tout comme tu savais que s'était réciproque. Elle s'acharnait sur ton fiancé pour rien selon toi. Du moins, pas tant que tu seras dans les parages. Carlisle, c'est un homme bien. Il n'est pas comme toi. Ce ne serait vraiment pas son genre de sauter la clôture. Tu en es convaincu. Enfin, tu quittes finalement la salle de bain pour aller rejoindre le confort de ton lit. Carlisle, lui, n'en a toutefois pas terminé avec cette discussion à ton grand malheur. Tu ne peux pas croire que cette soirée tourne aussi mal. Même si, il faut l'avouer, la situation serait bien moins pire si tu pèserais mieux tes mots. À croire que tu cherches la dispute sans vraiment savoir pourquoi. Tu te redresses finalement dans ton lit lorsque Carlisle t'accuses finalement d'avoir une liaison... avec Hassan ou n'importe qui d'autre. Est-ce quelque chose qu'il soupçonne ou si c'est sa manière à lui de dire qu'il sait ? Dure à dire. Est-ce que tu continue à nier ? Ce serait totalement stupide si vraiment il sait tout. Tu préfères alors encore une fois de ne pas répondre. Tu dévie la conversation vers autre chose sans savoir que tu empirerais peut-être encore plus ton cas. Tu lui parles de cet amour bien lointain qu'il y avait eu jadis entre toi et Hassan. Quelque chose qui semble avoir l'effet d'une bombe auprès de ton fiancé. « Ne m'fait pas dire des choses que je n'ai pas dit. C'est toi qui comprend tout de travers !! » que tu réponds en haussant le ton à ton tour. Tu n'étais pas une menteuse. Tu savais simplement bien jouer avec les mots pour faire comprendre ce que tu voulais que l'autre comprenne. Tu étais une bien bonne manipulatrice, une partie de toi que Carlisle n'avait sans doute jamais connu jusqu'à présent. Il était même bien loin de se douter à quel point tu pouvais être bonne dans le domaine. Le pauvre... s'il savait. « Vu la manière dont tu réagis, j'crois que j'avais plutôt bien fait de t'épargner ces quelques détails. » Même si... sûrement que sa réaction ne serait pas la même si tu aurais été cent pourcent honnête avec lui. Carlisle n'avait jamais été du type jaloux, ou peut-être ne lui avais-tu jamais donner l'occasion de l'être auparavant. Personne n'as vraiment envie de savoir que la personne qu'on aime a encore des contacts avec un ancien amour. Surtout au vu de la manière dont s'était terminé votre relation à toi et Hassan. Ce n'était pas parce qu'il n'y avait plus d'amour entre vous deux. Le temps s'était toutefois occupé d'oublier cet amour inachevé. Qui sait ce qui aurait pu se passer entre vous deux si Carlisle ne serait pas dans ta vie aujourd'hui ! Les retrouvailles n'auraient probablement pas été les mêmes. « Bien sûr, tout est de ma faute. Monsieur parfait n'a rien à se reprocher lui » S'il t'accusait d'avoir changer, toi, tu l'accusais de bien des choses; d'être de plus en plus absent, de faire des promesses probablement oublié pour lui, de ne plus avancé à tes côtés. « C'est ça, bonne nuit » que tu lui réponds du tac au tac en te retournant dans ton lit la gorge serré. Tu n'as pas besoin de le voir pour comprendre que ce soir, vous ferez chambre à part. Tu l'aurais probablement pousser en bas de votre lit s'il n'aurait pas pris la décision lui-même. Tu bouillais de l'intérieur. Il valait mieux pour lui comme pour toi que cette conversation n'ai pas plus loin. Les insultes n'étaient pas très loin.