Ce soir c'était une soirée banale au bar. Ca changeait des dernières semaines ou c'était tout ou rien. Soit c'était extrêmement calme et Itziar avait bien du mal à trouver quoi faire pour passer le temps, avec seulement quelques clients commandant un verre puis quittant le bar pour rentrer chez eux. Soit c'était l'inverse. Il y avait du monde et ça ne désemplissait pas. Accessoirement, les soirs comme ceux-là, ils étaient en sous-effectif ce qui n'arrangeait en rien les choses. Aujourd'hui, c'était différent. Ce n'était ni bondé, ni vide. Il y avait une bonne ambiance, les clients consommaient relativement bien et Itziar était occupée sans pour autant courir partout sans avoir le temps de souffler. Elle se payait même le luxe de taper la discute avec deux ou trois habitués. Autrement dit, la soirée se passait plutôt bien. C'était soir de match en plus. Le football australien étant presque comme une religion ici, c'était le match qui était diffusé sur tous les écrans de télévision présents dans le bar. Ca aidait fortement à rendre l'ambiance sympa. Le sport réunissaient les gens et avait aussi le don d'adoucir un peu les moeurs. Pour elle c'était une soirée qui était en train de se dérouler sans encombre. Une soirée comme elle les aimait et où finalement, elle n'avait vraiment pas l'impression de travailler. Elle avait beau servir des verres et débarrasser des tables, elle avait plus l'impression d'être une hôtesse en train d'accueillir ses convives qu'une simple serveuse plus ou moins à la disposition des clients. C'était agréable. Elle savait que ses pieds allaient apprécier cette soirée eux aussi, ayant été plutôt malmenés ses derniers jours.
La jeune espagnole ne s'attendait donc pas à ça. Elle ne s'attendait pas à ce qu'une bagarre éclate dans le bar en plein milieu de la soirée alors que tout était parfaitement calme et bon enfant jusqu'à présent. D'ailleurs, quand la bagarre éclate, il lui faut quelques secondes pour réagir. Elle voit comme un mouvement de foule, sent l'agitation et l'ambiance qui change d'un seul coup, mais elle ne comprend pas. Naïvement, elle a le réflexe de lever les yeux vers l'écran de télévision le plus proche d'elle, se disant que c'est sûrement l'équipe de Brisbane qui se retrouve malmenée dans le match. "IZZIE !!" Lui lance Josh et il n'en faut pas plus à Itziar pour tourner la tête et voir la scène en train de se dérouler au beau milieu de la salle. Deux types ont visiblement décidé d'en découdre. Itziar imagine que tout s'est passé très vite, car elle aurait pu mettre sa main à couper qu'il y a à peine dix secondes, ces deux types n'étaient pas en train de s'engueuler. Elle n'a pas vraiment le temps de réfléchir au pourquoi du comment et comprend bien vite que le videur est en pause et donc qu'il n'y a qu'elle et Josh pour gérer ça pour l'instant. Elle abandonne donc le cocktail qu'elle était en train de préparer pour aller attraper un des deux mecs. Ce n'est clairement pas le genre de choses qu'elle aime faire. Elle a toujours peur de se prendre un coup dans le visage et de se faire péter le nez parce que la personne ferait un geste brusque. Cependant, elle n'hésite pas trop longtemps. Le plus vite ces deux-là seront séparés, le mieux c'était. Elle saisi donc le premier par la taille, appliquant une certaine pression pour le faire reculer, pendant que Josh en fait de même avec l'autre fauteur de trouble. "Oh ! Ca va pas ?!" Lance t-elle au type qu'elle a attrapé quand elle arrive à le rapprocher du comptoir, loin de son ennemi du moment. "Tu t'es cru où ?C'est pas un ring ici, si tu veux te battre c'est dehors ok." Ajoute t-elle. Il n'avait pas l'air méchant pourtant. Il était plutôt jeune. Sûrement alcoolisé. Ce qui dans 90% des cas était la principale cause de bagarre dans le bar en soirée. "C'était quoi le problème là ?" Elle ne compte pas lui faire un interrogatoire non plus, mais elle veut clairement savoir qui des deux doit dégager.
Tu mates le match. Tu bois. Tu pensais pas que ça finirait en bagarre avec le gars installé à côté de toi. Mais si. Au début vous étiez juste en train de discuter et puis il a commencé à parler de la forme physique des gars, t’as commenté également. Il t’a traité de tapette et ça t’a pas fait rire du tout. Ca a dégénéré beaucoup trop vite. Faut dire que t’es toujours très enclin à te retrouver au milieu d’une baston. T’as besoin de te défouler de toute cette colère qui est en toi. Tu lâches quelques coups de poings sur ce gars qui ne te loupe pas non plus en retour mais ça s’arrête déjà. Ton champ de vision est réduit. T’es focalisé sur ce connard qui ose te traiter de PD. Quand t’es écarté du provocateur tu mets un moment à redescendre. Tu t’es laissé attraper facilement. Trop facilement. T’aurais bien voulu lui en mettre encore un peu dans la gueule. La blonde te pose des questions sur ce qui vient de se passer et toi t’es surtout concentré sur la douleur que tu ressens. Tu t’es mangé quelques bons coups. Ton coeur bat vite. Tu es toujours en train de fixer le connard qui est retenu un peu plus loin. T’as de la chance il se tire de lui même et tu tournes les yeux vers la barmaid qui te demande c’était quoi le problème. Tu réponds pas. Pas tout de suite. Parce que t’es dans le conflit. Tu sais que si ça te touche autant c’est pas pour rien. Tu sais tout ça. Tu sais et ça te tue. T’as honte de toi. Honte d’avoir honte. T’es dans une spirale infernale. Tu fermes les yeux un bref instant, essayant de te reprendre comme il faut. Quand tu les réouvres, tu regardes la fille qui t’as retenu. Tu remarques tout de suite l’arc en ciel sur sa paire de boucles d’oreilles. Putain. T’es poursuivi.
« Le type était homophobe. »
C’est une partie de la vérité. Si tu ne l’étais pas toi non plus, y’aurait peut être pas eu de problème. Tu ne l’aurais pas pris si mal. Mais elle, elle a l’air de supporter cette communauté alors tu te défausses comme ça pour ne pas te faire éjecter du bar. Un mensonge pour pouvoir continuer de boire. Un mensonge qui peut te faire passer pour un allié à cette communauté. Cette putain de communauté que tu détestes rien que d’exister. Cette putain de communauté dont tu fais parti malgré toi. Tu le sais et ça te tue. Ca te bouffe.
« Tu me serres un whisky ? Il est parti. »
Sous entendu, tu ne vas pas lever de nouveau la main sur quelqu’un. Même si tu voudrais bien. Faudrait sérieusement que tu songes à faire un sport de combat pour évacuer tout ça sans pour autant risquer de finir en taule ou avec plein de bleus. Mais non. C’est moins drôle quand y’a pas l’amour du risque au milieu.
« Promis je ferai plus le justicier. »
Comme tu mens putain. C’est fou. Mais ton petit sourire peut aider à faire croire tes conneries. Tu te passes une main sur la mâchoire parce que t’as mal. Mais tu acceptes la douleur. Tu le mérites.
La jeune espagnole n'aime pas du tout quand il y a des bagarres dans le bar. Ca n'arrive que très rarement, mais en général c'est toujours très virulent. Elle ne peut pas s'empêcher d'avoir un peu peur à chaque fois qu'une dispute éclate. Les mecs bourrés ne font, pour la plupart, pas dans la dentelle quand il s'agit de se battre et elle a toujours peur que ça dégénère et qu'elle finisse par recevoir un coup qui ne lui était pas destiné. Pourtant, elle n'avait pas hésité bien longtemps avant d'attraper un des deux mecs au milieu de cette baston. Le plus vite la bagarre se terminait, le moins de personnes pouvaient s'en mêler et c'était toujours préférable. Cependant, elle ne manque pas de commencer un véritable interrogatoire quand le mec se calme un peu. Il n'a pas l'air de savoir quoi lui répondre. Ou alors, il ne veut pas lui répondre, c'est aussi une probabilité. Elle est en train de se balancer légèrement de gauche à droite quand il ouvre enfin la bouche pour apporter une réponse à ses questions. Elle arrête de brimbaler quand elle entend la réponse. "Ah !" est la seule chose qu'elle trouve à dire sur le moment. Le mec en face était homophobe apparemment. Du moins c'est l'excuse qu'il lui sert et ça a le don de lui faire changer d'humeur rapidement. Elle déteste les homophobes et pense que ce genre de personnes ne méritent absolument aucune sympathie. "Peut-être que j'aurai dû te laisser lui mettre un dernier coup de poing alors." Ajoute t-elle ensuite. Elle ne cautionnait pas forcément la méchanceté gratuite, mais dans des situations comme celle-ci, elle pouvait bien faire une exception. Même si au final, elle ne l'aurait probablement pas laissé faire, pour ne pas que ça dégénère de trop. Elle aurait réagi aussi rapidement dans tous les cas, même si le mec en face était la pire des ordures.
Quand il lui redemande un whisky, elle a comme l'impression de se trouver face à un dilemme. Elle ne l'avait pas repéré jusqu'à présent donc elle ne sait pas s'il est là depuis longtemps, mais il lui parait clairement entamé et elle n'était pas forcément sûre que lui servir un verre de plus soit dans son intérêt. Il promet même de ne pas se la jouer justicier une fois de plus. Elle est presque prête à attraper un verre pour lui servir son whisky quand il lui dit ça. Il a l'air lucide malgré tout. "T'as bu combien de verres déjà ?" qu'elle choisit d'abord de lui demander finalement. Ca lui parait être la chose à faire. Elle n'a aucune idée de s'il va lui dire la vérité ou pas, mais ça lui laisse le temps de le jauger un peu et de déterminer si oui ou non elle peut lui servir à boire une fois de plus. Quand elle le voit passer une main sur sa mâchoire, elle attrape un torchon et quelques glaçons qu'elle enroule à l'intérieur avant de tendre la poche de glace improvisée au jeune homme. "Tiens, met ça sur ton visage en attendant. Ca te fera du bien et ça évitera peut-être le bleu." Lui dit t-elle. En quelques secondes, les deux hommes avaient visiblement eu le temps de bien s'amocher. Heureusement que Josh avait un oeil de lynx et leur avait permis d'intervenir rapidement. Elle n'aurait pas réellement voulu avoir à appeler la police et les secours pour régler cette histoire. Ca aurait été la meilleure façon d'écourter la soirée de tout le monde pour deux idiots avec un gramme de trop dans le sang. "Ca t'arrive souvent de jouer le grand justicier dans les bars ou tu voulais voir ce que ça faisait ?" lui demande t-elle. Elle ne l'avait jamais vu ici et donc elle ne savait pas si c'était une habitude pour lui ou s'il s'était juste emporté. Peut-être qu'il était gay et qu'il avait mal pris un commentaire du mec, ça arrivait.
Tu te sens tout fier quand elle est séduite par les mots que tu as dit. Qu’elle t’aurait même laisser lui en mettre une de plus dans sa sale gueule d’homophobe. T’aurais bien voulu avoir ce plaisir parce que dans le feu de l’action, t’as pas souvenir d’avoir trop réussi à placer des coups sur ce fils de pute. Il t’en a mis deux belles dans la gueule par contre. Tu les sens bien.
Elle a l’air de peser le pour et le contre quand tu lui demandes un verres de plus. Pourquoi faut il que cette chick fasse bien son travail ? Elle peut pas juste te servir sans réfléchir ? Les gens et leur conscience... Heureusement t’es un putain de bluffeur. Tu mens si facilement. Tu mens tous les jours. Tu te mens à toi même surtout. C’est une seconde nature.
« Juste trois ou quatre bières. »
Tu hausses une épaule. C’est pas peu, mais c’est de la bière. C’est rien. C’est comme une boisson sans alcool pour toi. C’est limite que dans la tête que ça se passe. Savoir qu’il y a de l’alcool c’est ce qui te fait du bien. Ca fait très longtemps que tu t’es pas cuité à la bière. Ton seuil de tolérance est bien trop haut maintenant. Il te faut de l’alcool fort et c’est pour ça que tu veux passer au whisky.
Elle t’apporte de quoi te faire du bien pour ta joue endoloris. Prévenante. Elle avait déjà fait preuve de cette capacité avec sa question juste un peu plus tôt mais ça se confirme. Cette fille a l’air d’être quelqu’un de bien malgré qu’elle fasse la propagande de l’arc en ciel. Tu gardes le torchon avec la glace sur ta joue et tu sais que ça va faire du bien, tu sais aussi que dans quelques minutes ça va te faire mal parce que trop froid, mais t’es pas un PD (right?).
Si ça t’arrives souvent de jouer les justicier ? Oui. Tu sautes sur toutes les bastons environnantes, encore plus ces derniers mois. Ton job commence à te peser et t’as besoin d’évacuer cette pression là en plus de tout le reste. Tu t’es retrouvé au poste deux fois. Y’a jamais eu de suite.
« Jamais. »
Et là. Ton look du gars qui porte des chemises, qui n’a pas un tatouage sur soit et ta belle gueule de saint, font tout pour toi. C’est presque trop facile. C’est ton arme. Les apparences. Ta seule arme. Parce que si les gens voyaient le bordel dans ta tête tu serais déjà en train de consulter un psychologue ainsi qu’un psychiatre.
« Allé tu vas pas me laisser comme ça. Je me suis pris deux droites, il me faut bien un verre ou deux de whisky pour que la soirée se termine un peu mieux. J’ai déjà eu une sale semaine… »
Tu joues la carte du petit puppy. Tu fais des yeux de chien battus. T’as faillit ajouter que t’allais avoir une sale gueule avec ton bleu et que t’allais pas pouvoir draguer de la meuf mais 1) non, t’essaie d’arrêter de faire croire ce genre de trucs, un petit pas dans ton existence depuis que t’as passé les 30 ans et 2) c’est pire quand t’as un oeil au beurre noir. Les filles te sautent dessus au centuple. Elles sont folles.
« Merci d’avoir arrêté le gars au fait… Il aurait pu me faire beaucoup plus mal. »
Mais la vérité c’est que tu l’aurais voulu. C’est tout ce que tu mérites de toute façon. Un peu plus de coups.
Trois ou quatre bières. Voilà ce qu'il dit avoir bu. Ca peut paraitre beaucoup pour certain, pour d'autre c'est un peu comme boire un litre d'eau. Elle est pas certaine de le croire quand il lui dit ça. Malgré le fait qu'il lui ait répondu sans réfléchir, pour elle, il a les yeux du mec bourré qui a déjà bien abusé sur la boisson pour le reste de la soirée. Elle ne lui répond même pas sur le coup, elle se contente de lui jeter un regard qui veut dire 'T'es sûr ?' sourcil interrogateur à l'appuis. Des mecs bourrés elle en voit quasiment tous les jours, elle les voit arriver à des kilomètres. On ne peut pas la berner si facilement. Ce n'est pas une débutante qui pourrait se laisser charmer par un discours bien préparé et une belle gueule. Que ça lui plaise ou non, elle n'a pas spécialement envie de lui servir son whisky. Elle pense ne pas se tromper sur ce coup-là. Pour elle il a clairement trop bu, s'il y tient vraiment à son verre, il n'a qu'à aller tenter sa chance ailleurs. A la place, elle va lui chercher de quoi soulager son visage. Elle n'a pas vu l'état du mec qui est parti, mais ce qui était sûr c'était qu'il avait eu largement le temps d'envoyer une belle droite dans le visage du jeune homme et que ce dernier risquait d'avoir un beau bleu demain matin. La glace aiderait sûrement à limiter la casse. Dans le pire des cas, ça calmerait au moins la douleur de manière temporaire.
"Ah donc la cause LGBT te tient particulièrement à coeur ? J'imagine que c'est tout à ton honneur du coup." lui dit t-elle quand il dit qu'il ne joue jamais le justicier. Elle ne sait pas trop s'il dit vrai là, elle a l'impression que ce type à une aisance presque hors norme pour mentir, une aisance soutenue par une gueule qui pourrait en tromper plus d'un. Si elle l'avait croisé au bar un peu plus tôt et qu'elle avait dû parier sur une future dispute, elle ne l'aurait jamais mis dedans. Elle aurait même pu parier qu'il passerait sa soirée à boire de l'eau et des sodas. Comme quoi, les apparences peuvent être extrêmement trompeuses. Il insiste un peu plus pour obtenir son verre de whisky et elle se laisserait presque avoir par le regard de chien battu qu'il lui lance. Il s'est fait amocher, il a passé une mauvaise semaine. Elle est limite à deux doigts d'attraper un verre pour lui servir à boire. Puis elle se rappelle que les alcooliques sont généralement bons menteurs et doués pour faire culpabiliser les autres. Elle attrape donc un verre et le rempli d'eau au lieu de le remplir d'alcool puis elle le pose sur le comptoir juste devant lui. "J'pense que t'en a eu assez pour la soirée. L'alcool ça résout pas tout. Puis si tu comptes prendre un médoc en rentrant chez toi pour la douleur, ce serait clairement pas un bon mélange." Alcools forts et anti-douleurs n'étaient pas réputés pour faire bon ménage. Elle se doutait bien qu'il n'allait pas forcément apprécier qu'elle lui dise ça. Elle était quasiment sûre que les femmes ne devaient pas lui refuser grand-chose en général, mais là, elle était sur son lieu de travail elle se devait d'être raisonnable et d'agir dans l'intérêt des clients. Si elle avait été avec lui pour faire la fête, elle n'aurait sans doute pas vu de mal à ce qu'il boive un verre de plus.
Il la remercie ensuite d'avoir arrêté le gars. Ca la surprend. Elle hausse les épaules comme si c'était la chose la plus normale qui soit et d'un côté, ça l'est un peu. "De rien, c'est normal." Lui dit elle avant d'ajouter avec un sourire narquois dessiné sur les lèvres. "Après, de toi à moi. C'est pas pour toi personnellement qu'on vous a séparés. Si Josh t'avais attrapé, peut-être que ce serait toi qui serais dehors à cette heure-ci. C'est juste parce que c'est le genre de dispute qui peut très vite dégénérer. Genre toi ou l'autre pousse un type qui jusque là était tranquille, il rentre dans la bagarre et ainsi de suite en mode boule de neige. T'imagine un peu le pugilat si on laisse faire ?" Ca ne l'amusait pas de séparer deux types bourrés en train de se battre, elle avait toujours peur de se prendre un coup, elle était bien moins solide. "Bon sinon, tu le bois ce verre d'eau ou tu compte me l'envoyer à la gueule avant de sortir en trombe à la recherche d'un bar qui te servira ce que tu veux ?" lui demande t-elle en battant des cils de manière un peu exagérée.
Merde. Elle parle de LGB truc là. T’aurais préféré qu’elle passe à autre chose mais ouais, si elle fait parti de ces gens c’est sûr que ça a piqué son intérêt. Tu hausses légèrement une épaule, t’as pas envie d’élaborer là dessus. A la place tu tentes de choper un verre mais tout ce que tu gagnes c’est de l’eau. Elle n’a pas été dupé. Ca te saoule mais tu le montres pas. Tu veux pas lui donner raison. Tu prends le verre d’eau parce que ça ne te fera pas de mal. Ton corps à besoin d’eau de temps en temps. Elle parle d’un médoc pour ta douleur mais ouais non, c’était pas vraiment au programme. Tu prends la douleur dès qu’elle est là. Tu te contentes d’hocher la tête parce que apparemment une personne normale prendrait un médoc et pas d’alcool. Tu vas lui faire croire que toi aussi.
« Merci. »
Tu pousses le vice à faire le gars trop poli alors que t’es trop dég de pas pouvoir avoir une nouvelle goute d’alcool dans ta gorge. Mais c’est pas grave. Tu vas filer ailleurs dans pas longtemps. Pas trop rapidement non plus, parce que l’endroit est pas trop cher et tu vas revenir. Tu veux pas être catalogué comme un alcoolique pour continuer de sauver les apparences. Alors tu bois ce verre d’eau alors qu’elle te dit que c’était normal qu’elle vous arrête dans vos ébats à toi et au mec. Elle a cette air qui dit qu’elle n’est pas dupe à ton sujet et ça va finir par te mettre mal à l’aise cette histoire. Est-ce qu’elle voit claire dans ton jeu ? Est-ce que t’es sûr que les prix bas de cet établissement seront une assez bonne raison pour que tu remettes tes pieds ici ? Elle ne doit pas bosser ici tous les jours, peut être que t’auras la chance de ne plus la croiser. Ou bien tu iras de l’autre côté du bar, imaginant qu’elle soit attitré à un seul coin. Elle parle de la baston qui aurait pu faire beaucoup de problème pour tout le monde si ça avait empiré. C’est vrai. Tu serais peut être au poste à cette heure ci. Ca n’aurait pas été la première fois. Tu comptes plus. Entre tes années avec le groupe et l’année qui vient de s’écouler, t’as une sacré liste.
« Ouais. C’est sûr. »
Elle parle du verre d’eau dont tu as déjà bu une gorgée mais apparemment ce n’est pas assez pour elle. Tu lèves un sourcil en la regardant, l’air de dire « de quoi tu parles? » tu la joues à fond. Et tu captes qu’elle essaie de jouer un peu de ses charmes avec ce regard qu’elle te lance, mais oh nope, n’allons pas par là.
« Tu vas même m’en servir un deuxième. »
Tu y vas à fond dans ta connerie et ton déni. Tu bois le verre d’un coup et tu le poses ensuite sur le bar. Tu te lèves.
« Je vais aller pisser un coup. »
Parce que t’as énormément bu jusque là et ce que tu viens de te siffler ne va pas aider. Une petite dizaine de minute plus tard, te revoilà installé au bar, elle est en train de servir un autre client. Tu remarques néanmoins un deuxième verre d’eau rempli devant toi.
« Bien sûr… »
Ca t’amuses de voir qu’elle t’a pris au pied de la lettre. Et tu vas le boire ce verre. Tu croises son regard et tu lèves le verre vers elle avec un sourire. Elle revient vers toi quelques instants après, ton verre à moitié vide. Tu partiras après l’avoir terminé. Ca faisait longtemps que t’avais pas bu autant d’eau. Peut être que tu devrais la remercier. C’est genre la personne qui a pris le plus soin de toi ces dernières années. C’est super triste de t’en rendre compte.
« Tu prends toujours autant soin des clients ? »
Parce que mine de rien, ça te fait un petit quelque chose. Tu vois clairement trop loin en vérité. Elle fait juste son boulot. T’as rien de spécial.
Un sourire satisfait se dessinerait presque sur son visage quand il l'a remercié pour le verre d'eau. Elle ne sait pas s'il est sincère ou si c'est seulement par ironie. Car oui, ce n'était clairement pas ce qu'il lui avait demandé. Il manquait une bonne dizaine de degrés d'alcool par rapport à ce qu'il voulait. C'est ça aussi l'avantage de bosser dans un bar. La capacité de faire ce genre de choses sans que personne ne dise rien. C'est elle la barmaid, c'est elle qui le sert. Si elle décrète qu'il a trop bu et qu'elle ne veut rien lui servir d'eau qu'un verre d'eau plate, il ne peut rien faire contre. A part bien sûr quitter le bar et aller voir si l'herbe est plus verte ailleurs. Ca restait toujours une possibilité. D'ailleurs elle s'attendait à ce qu'il se lève, limite vexé et qu'il s'en aille. Pour l'instant, en revanche, il semblait en avoir décidé autrement puisqu'au lieu de se lever pour partir, il décide de boire son verre d'eau, sous les yeux d'Itziar, plus qu'étonnée. "C'est tout ?" Lui lance t-elle se disant par la même occasion que ça n'avait jamais été aussi facile de faire avaler un verre d'eau à un mec bourré qui à la base avait commandé autre chose, même si pour le coup, il n'avait bu qu'un tout petit peu. C'était un début, c'était mieux que rien. S'ils pouvaient tous être comme lui, ce serait bien trop simple et c'était bien connu que les gens bourrés étaient loin d'être les personnes les plus faciles à gérer. C'est d'ailleurs à ce moment qu'elle décida de lui expliquer qu'elle ne l'avait pas séparé de l'autre mec seulement pour son propre bien, mais plutôt dans l'intérêt général. Une bagarre dans le bar ce n'était jamais bon. S'il y avait moyen de maintenir le calme de la soirée, alors il fallait faire ce qu'il y avait à faire. Il semblait d'accord avec ça lui aussi. Il était peut-être bourré, il semblait un minimum lucide. Habitude ou bonne tolérance à l'alcool, ça, elle ne le saurait probablement pas. Pas ce soir en tout cas.
Il joue l'idiot quand elle lui demande s'il va boire son verre ou si l'unique gorgée qu'il a bu tout à l'heure était la seule chose qu'il allait boire. Il fait le mec qui ne comprend pas et elle, elle se contente de lever un sourcil dans sa direction l'air de dire 'tu me prends pour qui ?' Elle est surprise d'ailleurs quand il lui dit de lui en servir un deuxième, avant de vider le verre et de se lever pour aller aux toilettes. "Tu vois c'était pas dur !" lance t-elle avant qu'il ne disparaisse. Elle ne sait pas à quoi il s'attend en revenant. Peut-être à voir son verre vide toujours posé sur le bar. Ou alors à voir un verre de whisky l'attendant sagement à sa place. Cependant, ce n'est pas ce qu'elle a décidé. Non, elle a décidé pour ce coup-ci de faire exactement ce qu'il lui a demandé, c'est-à-dire lui servir un autre verre d'eau. La jeune femme ne perd donc pas de temps avant de récupérer le verre sur le comptoir, le remplir et le déposer là où il se trouvait précédemment. En attendant qu'il revienne, elle s'occupe d'un autre client qui lui a commandé un mètre de shooters qu'elle se fait un plaisir de servir. Il fête l'anniversaire de l'un de ses potes, du coup pour l'occasion elle lui en met un en plus qu'elle ne fait pas payer. Cadeau de la maison. Ca ne tuera personne.
C'est seulement une bonne dizaine de minutes plus tard qu'elle le voit revenir des toilettes. Il lève le verre dans sa direction et elle lui fait un thumbs up quand il commence à le boire. Elle finit de servir la bière qu'elle était en train de servir avant de retourner le voir. "Désolée, j'espère que tu t'attendais pas à trouver de l'alcool là. Je change rarement d'avis." Lui dit elle en haussant les épaules. Ce n'est pas parce qu'il a bu un verre d'eau et qu'il n'est plus en train de se battre qu'il n'est plus bien trop saoul pour boire un peu plus. "Hm qu'est-ce que tu attends comme réponse là ?" Lui demande t-elle pas vraiment certaine de savoir ce qu'il souhaite entendre quand il lui demande si elle prend toujours autant soin des clients. "Mais pour être honnête, oui, je prends toujours soin des clients, en général, ça fait toujours plaisir." lui dit elle avant d'ajouter. "Par contre si tu veux te sentir spécial on peut dire que c'est juste parce que c'est toi hein. Ca me gène pas." finit elle en battant des cils. Elle n'était pas franchement contrariante comme fille.
Elle te confirme que tu n’auras absolument aucun alcool de plus de sa part. Tu n’en doutais pas. Elle avait bien l’air sûr d’elle déjà tout à l’heure. C’est pas une petite pause qui lui aurait fait changer d’avis. Mais elle a l’air de te prendre pour un gars qui est relou et c’est ce que t’es au fond, mais non, là tu veux sauver les apparences. Comme d’hab. Et quand tu lui demandes si elle prend toujours autant soin de ses clients, elle est sceptique. T’es juste trop con Asher. T’as rien de spécial. Elle te répond par une question et ça veut tout dire. Toi aussi tu fais ça quand tu veux esquiver. En vrai tu te dis que ça veut peut être dire que c’est spécial pour toi et qu’elle a un peu honte de l’avouer. Oui tu te fais des rêves c’est sûr. Ca ne peut pas être ça. Et puis elle te répond en fait, et elle confirme que t’as rien du tout de spécial. Mais elle joue du sarcasme quand elle dit les mots que tu voulais entendre à la base. Tu sais pas si elle fait ça pour te faire plaisir ou pour t’énerver. Mais non. Tu chill. T’en as rien à foutre. Tu termine ton verre d’eau et tu la regardes en te levant de ton siège.
« Merci de m’avoir tenu hydraté. »
Et tu penses vraiment ces mots là parce que ça fait bien longtemps que t’avais pas eu quelqu’un sur ton dos pour que tu fasses attention à ta consommation comme ça. Du coup, tu sais que si tu reviens par ici, ce sera juste pour un début de soirée avant de filer te mettre la mine comme il faut ailleurs, ou chez toi. Tu lui fais un sourire qui tu veux le plus sincère possible mais t’es toujours dans les apparences et au fond de toi t’es surtout très triste là. Tu sors du bar.