Primrose ne la décevra pas. Ca la fait sourire. Non pas qu'elle en doutait de toute façon. Depuis qu'elle connaissait la jeune femme, c'est-à-dire quasiment depuis son arrivée à Brisbane elle avait toujours pu compter sur elle. C'était une de ses plus proches amies et donc la jeune espagnole ne pouvait douter de la sincérité de l'australienne. Bon, bien sûr elle ne prenait pas non plus complètement au sérieux cette histoire de lire dans les esprits des mecs et de lui faire un rapport hebdomadaire. Elle n'était pas idiote, elle savait que son amie n'avait malheureusement pas ce talent et donc elle ne risquait pas d'avoir de rapport très souvent. Ca restait tout de même très drôle de s'imaginer ce genre de choses. Après tout, il fallait savoir se contenter de ce que la vie nous donnait. En l'occurence pour Itziar ça signifiait se contenter d'une imagination quasi sans limite qui lui permettait d'inventer ce genre de choses avec Primrose. C'était insouciant, ça mettait du baume au coeur, alors pourquoi s'en passer ? Surtout qu'en plus de ça, ça ne faisait de mal à personne. Tous les éléments étaient donc réunis. "Toujours modeste ! C'est même mon deuxième prénom." Lance t-elle ensuite à son amie. La modestie c'était probablement une des choses qu'elle avait appris de la plus dur des façons. Elle n'avait pas toujours été modeste. Cependant, quand on n'a plus rien, la modestie est quelque chose qu'il faut vivre intégrer. Ca passe mieux avec les gens et ça donne une bien meilleure image. Quand on n'a rien, l'arrogance n'aide pas, il vaut mieux prendre un peu de recul et réaliser qu'on ne vaut ni plus ni moins que son voisin. Etonnement, ça elle l'avait intégré rapidement. Un peu comme une claque dans la figure, certes, mais rapidement tout de même. Maintenant s'en était presque devenu machinal ce qui n'était pas plus mal que ça et puis c'était gratuit surtout. Elle rit une fois de plus face à la réponse de son amie quand elle lui dit qu'elle au moins, elle est motivée par ses études. "Attends, la paye c'est pas une raison valable d'être motivée ? Je croyais que c'était la plus importante de toute moi." Lui répond-elle en plaisantant. Certains diront probablement qu'il faut choisir ses études en fonction de ce qui nous plait, Itziar elle pense que le gain est aussi un élément à prendre en compte. Faire ce qu'on aime c'est bien, brasser de grosses sommes d'argent, c'est bien aussi et elle préfère faire quelques sacrifices sur ce qui lui plait réellement pour gagner plus d'argent. L'argent ne rend pas heureux, certes, mais le shopping ça aide à rendre la vie un peu plus belle.
Elle plaisante. Elle n'avait jamais couché pour obtenir quoi que ce soit. Ca ne changerait probablement pas, mais il ne faut jamais dire jamais, il n'est pas possible de savoir ce que la vie à en stock. Donc même si ça ne fait pas partie de ses projets et qu'elle cherchera toujours un moyen d'éviter d'en arriver là. Elle ne peut pas trop s'avancer non plus. Cependant, pour l'heure elle plaisante et quand Primrose lui parle de négociations sur l'oreiller, elle s'arrête net, comme si elle avait oublié un détail capital. "Parce qu'il fallait négocier en plus ? J'étais pas au courant ! J'ai rien négocié du tout moi." Lui lance t-elle comme si elle réalisait qu'elle avait fait une des plus grosses erreurs de sa vie avant de continuer en plaisantant cette fois-ci "Du coup j'penses qu'il faudra recommencer non ?" Recommencer un truc qu'elle n'a jamais fait. Drôle de concept et elle se met à rire toute seule. Presque un peu trop fière de sa bêtise. Elle reprend cependant son sérieux quand elle explique un peu plus son cheminement et quand Primrose ne manque pas d'éloge à son égard. Ca la touche sincèrement d'entendre les mots de son amie. Elle ne cherche pas la validation, cependant, elle ne peut pas nier que ça fait du bien d'entendre ce genre de choses parfois. Ca permet de se rendre compte que ses efforts n'ont pas été vains et que même si pour elle c'était un peu une question de survie, pour quelqu'un d'autre c'est quelque chose qui mérite d'être apprécié à sa juste valeur. "T'sais que t'es vraiment trop gentille ? Tu me ferais presque pleurer. Enfin soit pleurer, soit renvoyer ma modestie au vestiaire. J'hésite un peu". Répond-elle ne perdant pas pour autant son sens de l'humour. Elle n'était pas du genre à ouvertement laisser paraitre ses émotions. L'humour et l'ironie étaient donc ses alliés favoris. Elle n'avait même pas pensé que se casser le nez pouvait coûter cher. C'était dans ce genre de moment qu'elle avait une petite piqure de rappel du fait qu'elle avait vécu dans un monde à part durant la majeure partie de sa vie. Elle prenait les situations au jour le jour, elle allait de découverte en découvert, même si ça pouvait paraitre complètement aberrant. "J'avais pas pensé à ça ! Du coup j'sais pas trop est-ce que je risque l'accident ou est-ce que je risque de claquer tout mon salaire en cinq minutes chrono ?" demande t-elle à son amie en riant avant d'ajouter "J'ai l'impression que tu essayes indirectement de me faire craquer ! J'aurai pu vivre dans l'ignorance jusqu'à ce que je me blesse. Va falloir que je trouve une autre technique qui soit safe." finit elle. Elle avait déjà failli se casser le nez quand elle avait commencé le surf en arrivant en Australie, même s'il y avait eu plus de peur que de mal, c'était une sensation qu'elle n'avait pas vraiment envie de ressentir de nouveau. Surtout si c'était pour payer le prix fort à l'hôpital ensuite. Quand son amie lui dit qu'elle est d'accord pour le footing et qu'en plus de ça, elle maitrise, Itziar lève un sourcil dans sa direction, pas forcément convaincu par ce que son amie vient de lui dire, mais lui laissant tout de même le bénéfice du doute parce qu'après tout, les gens sont souvent plein de surprises. "J'dis pas que je te crois pas, mais je demande à voir et je vais vouloir voir ça rapidement !" lance t-elle un sourire dessiné sur les lèvres.
Plaisanter avec Itziar est si facile, elle me rappelle qu’il n’est pas compliqué d’être de bonne humeur et positive malgré les coups durs de la vie et c’est quelque chose dont j’ai besoin de me rappeler par moments. Elle a tout perdu, du jour au lendemain, et pourtant, elle est souriante, pétillante, pleine d’enthousiasme. Si le monde était peuplé uniquement de personnes comme Izzie, je crois que la vie serait beaucoup plus belle. Je ne sais pas si elle réalise à quel point sa présence à mes côtés me fait du bien et pourtant c’est le cas. A partir du moment où j’ai commencé à l’accompagner dans sa recherche de boulot jusqu’à maintenant, elle a été un véritable petit rayon de soleil dans ma vie et je le réalise un peu plus à chaque fois que je la revois. Le ton de la conversation est léger, cette fois encore, alors que nous abordons en plaisantant la manière dont Itziar a obtenu son travail. Je sais qu’elle est très droite – contrairement à moi – et il n’est donc pas étonnant qu’elle ait obtenu ce job dans les règles de l’art. « Un point pour toi, le bénévolat c’est pas mon truc. » Clairement pas puisque j’ai choisi ce travail en fonction de ce qu’il pouvait me rapporter et non pas en fonction de mon développement personnel potentiel. Je ne suis pas sûre que beaucoup de stripteaseuse peuvent se vanter de l’être devenues par pur amour du métier, ou en tout cas, pas dans le club où j’évolue et où danse rime souvent avec show privé et plus si affinités. Evidemment, mes collègues et moi nous gardons bien d’évoquer ensemble les raisons de notre présence ici, il y a comme un accord tacite entre nous qui répertorie les sujets tabous qui ne franchissent jamais nos lèvres. « Voyons Izzie ! » Je m’exclame, levant les yeux au ciel, comme si elle venait de m’annoncer quelque chose d’horrible. « Tout le monde sait que c’est le meilleur moment pour demander tout et n’importe quoi ! » Pour le coup, il n’y a pas besoin d’évoluer dans le milieu de la prostitution pour savoir qu’un homme à poil fait toujours preuve de faiblesse – comment ça, c’est un cliché ? – et je pense que dans le cas de mon amie, j’aurais demandé, trois mois de vacances payés, une voiture de fonction et un ordinateur portable, voire une petite maison à la campagne mais ça sortirait peut-être trop du cadre purement professionnel. « Je suis désolée mais j’ai bien peur que ce soit trop tard, ton contrat de travail est déjà fait, mais si jamais tu veux négocier une augmentation, tu sais comment faire. » Je plaisante à mon tour, consciente que c’est probablement le plus mauvais conseil que je pourrais lui donner si je devais me montrer un peu plus sérieuse. Heureusement, nous ne le sommes pas, tout ceci n’est qu’une pure création de notre esprit un peu trop fertile quand il s’agit de rigoler en imaginant des situations improbables. Si elle savait que dans mon cas, ça a réellement eu lieu, peut-être changerait-elle d’avis sur l’amitié qu’elle veut bien me donner mais heureusement, il n’y a pas de raison qu’elle l’apprenne un jour.
Si le ton était léger jusqu’ici, il l’est un peu moins lorsque je lui fais remarquer à quel point elle m’impressionne. C’est le cas, c’est vrai, j’éprouve une admiration sans faille pour Itziar et la manière dont elle a su surmonter les épreuves que la vie a mises sur son chemin. Malgré tout, je m’en veux d’avoir provoqué un moment un peu trop fleur bleu et je me hâte de rectifier cette erreur. « Je ne te conseille pas de pleurer, je me sentirais obligée de te proposer mon T-shirt plein de sueur pour sécher tes larmes, je ne suis pas sûre tu sois ravie. » Un sourire éclaire mon visage alors que j’imagine sans mal l’air dégoûté qui apparaitrait sur le sien alors que je formulerais à voix haute cette délicieuse proposition. Plutôt que de larmoyer, je reste persuadée qu’il serait plus judicieux de plaquer cette séance de sport rendue totalement inefficace par nos bavardages incessants pour aller faire brûler nos cartes bleus dans les boutiques du centre-ville. Cela dit, ça voudrait dire encore dépenser de l’argent que je ne possède pas et je ne suis pas sûre que ce soit la meilleure solution, malgré tout. « J’opte pour le sacrifice du salaire ! » Ce serait quand même dommage d’amocher ce si joli visage, quand même, alors qu’une séance shopping a de nombreux avantages. Outre le problème de salaire que je suis capable de balayer d’un revers de main lorsque mes pulsions d’acheteuse compulsive se réveillent, sortir d’un magasin avec les bras encombrés de tout un tas de sacs pleins à craquer a un côté jouissif, c’est presque une drogue et j’y suis totalement accro. Bien sûr, il est sûrement de mon devoir de mettre en garde Itziar contre les problèmes liés à des dépenses répétées. Je sais pertinemment que lorsqu’on commence, il est très difficile de s’arrêter et c’est ce qui cause ma perte à l’heure actuelle. Malgré tout, je m’en garde bien car pour se faire, il faudrait que je lui explique que j’ai un problème et c’est quelque chose que je refuse totalement d’admettre. « Moi ce que je voudrais voir rapidement, c’est la fin de cette séance. Tu veux pas aller boire un thé glacé, plutôt ? » Je demande alors que le coach a jeté l’éponge est allé discuter avec un collègue à deux pas d’ici, nous laissant à notre exercice ou plutôt à l’absence d’exécution de ce dernier. « C’est pas calorique, en plus, tu pourras même pas culpabiliser. » Dis oui, pitié, dis oui. Cette salle de sport n’est vraiment pas faite pour moi mais j’ai hâte de tester leurs douches et de me barrer d’ici. Ça m’apprendra à avoir des idées complètement nases. Je ne suis peut-être pas la fille la plus sportive de l’univers, mais en général, j’arrive tout de même à m’impliquer un minimum dans ma séance. Dans le cas présent, nous avions trop à rattraper pour que l’entrainement soit un succès ou alors il aurait fallu que nous nous comportions en bonnes élèves disciplinées ce qui semble impossible.
La jeune australienne lui dit qu'elle marque un point et que le bénévolat ce n'est pas pour elle. Ca la fait rire. Après tout, le bénévolat, à moins d'être née dans une famille blindée, n'était pas forcément compatible avec l'amour de son amie pour les marques de luxe. Le bénévolat, à part un apport sur le plan personnel, ce n'était pas ce qui permettait de rapporter le plus. Loin de là. Le droit en revanche, c'était une branche plutôt connue pour être fructueuse une fois les études terminées. Bien sûr tout le monde ne se lançait pas dans des études de droit pour gagner gros une fois diplômé et il y en avait forcément dans le promo de son amie qui faisait ça par réel intérêt. C'était tout à leur honneur. Itziar quant à elle avait repris l'université dans le seul et unique but de pouvoir bien gagner sa vie une fois diplômée. Chacun ses motivations. Elle fait la fille innocente quand Primrose lui dit que justement sur l'oreiller c'est le moment pour demander tout et n'importe quoi. "Je sais pas comment j'ai pu ne pas y penser dans ce contexte-là. T'imagines, j'aurai sûrement pu négocier et être payée minimum deux fois plus." Dit elle comme si elle prenait vraiment conscience qu'elle était passée à côté de quelque chose. "T'imagines si en plus on avait remis le couvert ? Tu crois que j'aurai carrément pu demander à gérer le bar ?" Bon là c'était peut-être plus que de l'utopie, c'était carrément surnaturel. A moins d'avoir des pouvoirs de persuasion extrême, ce n'est franchement pas quelque chose qui aurait pu se produire, même si dans l'hypothèse où ça avait été une possibilité ça aurait été l'opportunité d'une vie. Cependant, ce n'était pas le cas, mais ça ne l'empêche pas de rire en finissant sa phrase. Surtout que Primrose l'informe que c'est probablement trop tard pour renégocier son contrat. Il fallait renégocier. "J'avais tout donné pour l'embauche, franchement je sais même pas si ça marchera. Tu veux pas offrir une danse pour moi ? Ca fonctionnera plus je crois et j'en profiterai pour te négocier une petite marge aussi." Répond-elle en plaisantant. Bien sûr personne n'allait coucher avec personne. Personne n'allait danser pour personne et malheureusement, personne n'aurait d'augmentation. Tout du moins, pas Itziar au bar et même si elle ne gagnait pas non plus des milles et des cents, elle savait qu'elle n'était pas à plaindre. Elle n'était pas pauvre, elle était juste normale, même si c'était dur à admettre et que la plupart du temps elle avait vraiment l'impression d'être pauvre.
Si elle avait eu envie de pleurer, l'idée de devoir sécher ses larmes avec le tee-shirt plein de sueur de Primrose suffisait à la faire réfléchir à deux fois. Finalement, si la jeune australienne continuait de la complimenter comme ça, elle choisirait plutôt d'oublier sa modestie plutôt que de laisser l'émotion l'envahir, c'était bien plus sûr ainsi. "Et bah tu vois, tout de suite, j'ai plus du tout envie de pleurer, c'est peut-être pas conventionnel comme méthode, mais je pense que tu pourrais être douée pour remonter le moral aux gens ... Ou tout du moins leur couper l'envie de pleurer. Il y a surement un business à monter là." Dit elle en riant. Quand elle lui dit qu'elle hésite entre se casser le nez et dépenser tout son salaire en shopping, elle n'est pas du tout étonnée de la réponse de son amie. D'ailleurs, ça la fait lever les yeux au ciel en souriant. Si Primrose est douée pour faire passer l'envie de pleurer, elle est beaucoup moins douée pour dissuader de dépenser des centaines de dollars en moins de dix minutes chrono. Après tout, elle ne peut pas avoir tous les talents. "Tu sais que t'es diabolique ?" lui demande t-elle sérieusement avant d'ajouter. "Toi qui me tentes à aller faire du shopping, alors que j'ai clairement pas les moyens de faire tant de folie, c'est un peu comme si tu mettais un verre de vin sous le nez d'un alcoolique et que tu lui disais de boire avec un ton tout mielleux." Et c'était plutôt vrai comme comparaison finalement. Avant elle pouvait se permettre de dépenser sans compter et elle ne s'était jamais gênée de le faire. Le shopping ça faisait presque partie de sa routine quotidienne. A se demander comment elle arrivait encore à trouver des choses qui lui plaisaientt avec tout ce qu'elle avait déjà dans son dressing. Pourtant, elle arrivait toujours à trouver la paire de chaussures ou la robe qui ne ressemble à aucun des articles qu'elle possédaient déjà et de ce fait, elle n'hésitait pas une seule seconde avant d'acheter. Maintenant c'était un peu différent. Maintenant qu'elle n'avait plus les moyens de fréquenter les magasins de luxe, elle avait du mal à trouver des choses qui lui plaisaient réellement et elle était contente d'avoir réussi à entasser un maximum de ses affaires dans ses bagages quand elle a quitté l'Espagne. Elle n'a beau plus avoir les moyens elle a toujours ses fringues et autres accessoires de marque, vestiges de sa vie d'avant. Quand Primrose lui propose de laisser tomber la séance de sport et d'aller boire un thé glacé à la place. L'idée parle à Itziar. Surtout que le coach a clairement lâché l'affaire avec elle et est parti discuter avec un autre employé de la salle de sport. "Le thé glacé est pas calorique, en revanche le donut que je compte manger avec si, mais bon on s'en fou non ?" Répond-elle à Primrose. "Est-ce qu'on se fait quand même une vingtaine de squats pour la bonne forme avant de partir ou on laisse tout tomber ?" Demande t-elle en riant, laissant tomber la machine sur laquelle elle était censée travailler. "J'crois qu'il a jamais eu affaire à des sportives aussi peu motivées que nous, il doit se demander ce qu'on est venues faire là." Ajoute t-elle en pointant discrètement le coach du doigt avant de récupérer sa bouteille et sa serviette, attendant Primrose pour rejoindre les vestiaires, prendre une douche et aller boire ce thé glacé, bien mérité malgré tout.
Donner des conseils de business à Itziar revient à lui suggérer de coucher pour gagner plus d’argent ce qui n’est probablement pas ce qu’elle avait envisagé pour son avenir. Certes, je le fais, mais je me garde bien de recommander ma profession aux gens, car même si je sais parfaitement bien ce qu’elle rapporte, je sais également ce qu’elle coûte. Je me suis embarquée dans un milieu que je ne maitrise pas, dans lequel je me fais manipuler et où toutes mes erreurs se répercutent à l’infini pour me faire plonger davantage dans les emmerdes. Cette journée avec Izzie est agréable parce que je suis loin de tout ça, loin des problèmes, loin de la réalité de mon quotidien. Elle me rappelle ce qu’est une vie de personne normale, non pas qu’elle le soit réellement – elle est nettement plus exceptionnelle que normale – mais elle ne trempe pas dans des affaires louches, au moins, et rien que ça me donne l’impression d’une véritable bouffée d’oxygène. « Heureusement que je suis là pour penser à tout, comme toujours. » J’affirme, sûre de moi, alors que je suis probablement la pire conseillère qui soit. Vu la manière dont je mène ma propre vie, j’ai tout intérêt à ne pas imposer aux autres la manière dont ils doivent gérer la leur. D’ailleurs, en général, je m’abstiens et bizarrement, je ne vois pas une foule immense se bousculer au portillon pour me demander mon précieux avis. Je ne m’en vexe pas, ça prouve simplement que les gens sont perspicaces. « Tu aurais même pu lui demander de te le vendre. » Ben voyons, et pourquoi pas aller vivre au pays des fées avec des licornes roses à paillettes, aussi. Quoi que ça aurait été presque tentant, dans ce monde-là, je suis sûre que les connards faisant appel aux prostituées n’existent pas et que tous les étudiants ne se retrouvent pas à travailler dans un fastfood pour un salaire misérable. « Tu sais bien que je peux offrir tout ce que tu veux, pour toi, même sans la petite marge. » Bon, à dire vrai, si pendant la petite danse, je peux récolter quelques billets, moi aussi, je ne suis évidemment pas contre, autant joindre l’utile à l’agréable, si possible. Toutefois, j’essaie pour le moment de taire mon côté vénal parce qu’il n’est pas utile que je prouve à Itziar que l’argent est pour moi au-dessus de tout et que je serais prête à beaucoup de choses pour en obtenir davantage. Je crois que mon amie accepterait sans problème celle que je suis, parce qu’Izzie n’est pas le genre de fille à juger les autres, et nous sommes d’assez bonnes amies pour qu’elle passe au-dessus de l’impression que je pourrais renvoyer si elle savait réellement tout de moi. D’ailleurs, elle en sait déjà plus que beaucoup de gens. Malgré tout, je crois que j’ai besoin de garder mon jardin secret, que ce soit pour être certaine que son regard sur moi reste exactement le même que pour me préserver d’un éventuel ébruitement de mon activité au-delà des frontières que j’ai moi-même fixé.
Proposer mon T-shirt à mon amie en guise de mouchoir pour s’essuyer les yeux plein de larme est plutôt efficace contre les séquences émotions inopinées. En même temps, je la comprends, je ne crois pas que j’aimerais étaler la sueur de quelqu’un d’autre sur mon visage, voire même la sueur, tout court, peu importe qu’elle m’appartienne ou non, en réalité. Moi, en tout cas, je suis super fière de ma méthode qui semble laisser Itziar sceptique puisqu’elle se permet évidemment de me charrier à ce sujet ce qui ne manque pas de me faire sourire. Evidemment, pour remonter le moral des troupes, je ne suis clairement pas la meilleure. Je suis clairement celle qui donne des petites tapes dans l’eau en prétendant que ça va aller, je te jure, ça va aller si jamais je dois faire face à une copine en pleurs dans un couloirs. Pire amie au monde. C’est d’ailleurs pour cette raison et aucune autre que Yoko est ma meilleure amie, nous sommes exactement pareilles toutes les deux, à ce sujet, et il nous est donc très facile de montrer nos émotions à travers un humour que beaucoup jugeraient too much, parce que nous savons déceler tout ce qui se cache derrière les rires. Et pour ce qui est de m’amuser, Izzie n’est pas en reste, je ne regrette jamais un moment passé avec elle, elle a le don de me faire sourire en toutes circonstances. « Mais oui ! Tu as parfaitement raison ! J’espère que ça signifie que tu accepterais d’être mon manager ? » De toute façon, après une idée aussi brillante, elle n’a pas le choix, elle est obligée de m’aider à porter ce projet jusqu’au bout. Malheureusement, ça voudrait dire que je vais devoir faire beaucoup plus de sport pour rendre davantage de T-shirt plein de sueurs pour qu’ils soient prêts à être commercialisés. Je ne suis pas sûre d’être prête à donner autant de ma personne sachant qu’au bout de dix minutes, j’ai déjà l’impression que je vais mourir si je ne m’allonge pas immédiatement pour faire une sieste de quatre heures. J’aimerais me prétendre sportive, mais force est de constater que je ne le suis pas. « Mais qui te parle de faire des folies, voyons, un peu de shopping n’a jamais tué personne, promis tu ne seras pas obligée de vendre ton appartement, on restera raisonnables. » J’estime en réalité que les mots shopping et raisonnable ne devraient jamais être associés dans une même phrase, mais si c’est pour Izzie et que ses finances restent stables, je crois que je peux faire un petit effort. Donc, oui, elle a raison, je suis celle qui persuade l’alcoolique de boire et franchement, je n’en ai même pas honte. Comme je n’ai pas non plus honte de la faire abandonner cette séance de sport inutile contre un thé glacé et un donut – même si je vais tenter de m’abstenir car après le repas de ce midi, ça ferait vraiment beaucoup. « On s’en fout complètement. » Je confirme, non sans un coup d’œil au coach démissionnaire qui aurait sûrement approuvé cette dernière phrase. « Je t’avoue que moi aussi, je me le demande. » Attrapant mes affaires, je file à la suite d’Itziar et nous prenons la direction des vestiaires pour nous changer et nous doucher avant de passer à l’étape réconfort. On aura tenu plus de dix minutes, j’estime que c’est déjà très bien.
Oui, heureusement que Primrose était. Itziar ne lui dit probablement pas assez, mais elle est bien contente d'avoir croisé la jeune australienne qui a toujours été d'un soutien sans faille pour elle. Ca a été une de ses premières attaches en Australie ce qui faisait aussi d'elle l'une des plus importantes. Le genre d'amitié qu'elle chérira probablement toute sa vie. Les gens qui ont impacté sa vie d'une manière positive. "Je sais pas ce que je ferai sans toi, tu le sais bien !" lui répond-elle sans la moindre once d'ironie. Il n'y avait probablement pas plus sincère que cette phrase-là. Même si Primrose avait elle dit ça sur le ton de la plaisanterie en lui conseillant de coucher pour obtenir ce qu'elle voulait, ni plus ni moins. Elle ne l'avait pas dit comme cela, mais c'est bien ce que ça voulait dire. Ce n'était en revanche pas la philosophie de vie qu'elle avait décidé de suivre pour elle. Elle respectait les gens qui vivaient en vendant leur corps, mais ce n'était pas son truc. Ca frôlait bien trop près de l'illégalité à son gout et la dernière chose qu'elle voulait, quant à son futur en Australie, c'était de trainer dans des histoires pas nettes et avoir des ennuis. Même s'il fallait avouer que parfois, il lui arrivait de se dire qu'elle pourrait sans doute coucher une fois, une seule et empocher une grosse somme d'argent, elle avait bien trop peur de se trouver dans un engrenage dont elle ne saurait se sortir. Elle ne gagne donc peut-être pas des sommes astronomiques au bar, mais au moins, c'est relativement safe comme job et surtout, c'est stable. "J'aurai pu demander, mais j'crois que même sur l'oreiller il aurait pas accepté de me le vendre pour un dollar symbolique, ou allé, dix dollars, j'aurai quand même pu mettre dix dollars à l'époque." Répond-elle en riant. Si elle avait voulu racheter le bar, elle aurait probablement dû prévoir la chute de l'empire de son père, si elle avait été au courant de ses magouilles. "C'est vraiment trop gentil, je mérite pas ça. C'est tellement sincère que je serai prête à te laisser une grosse marge." Elle ferait sans aucune hésitation des compromis pour Primrose. Ce serait un peu comme un échange de bons procédés. Primrose se charge de danser pour obtenir des faveurs pour Itziar. Une fois qu'Itziar aura prospéré, elle revaudra ça à son amie. Rien de plus simple.
"Si tu me payes généreusement, j'accepterai de faire beaucoup de choses." Lui répond-elle quand Primrose lui demande si elle accepterait d'être son manager si jamais elle se lançait dans son business de tee-shirt plein de sueur permettant à quasiment n'importe qui de ne pas avoir envie de pleurer sous peine de devoir se moucher dedans. Elle se demandait d'ailleurs pourquoi personne n'avait jusqu'à présent pensé à créer un système similaire, avec tous les gadgets qui existaient, c'était plutôt étonnant selon elle. "D'ailleurs je me ferai un plaisir de te préparer des entraînements afin que tu puisses transpirer. Car bon c'est un peu la base de ton business malheureusement." ajoute t-elle en haussant les épaules comme si elle était désolée pour elle. Un business de ce genre serait tout de même un paradoxe pour son amie presque allergique au sport. Après, restait il à savoir si elle aimait l'argent plus qu'elle détestait le sport. Ca parle ensuite shopping et c'est un peu comme si ça parlait dépendance. Primrose lui assure cependant qu'elles peuvent aller faire du shopping sans faire des folies, qu'elles resteront raisonnables. Itziar à du mal à y croire, elle n'a jamais été raisonnable à ce sujet, cependant, maintenant elle n'avait pas d'autre choix que celui de se limiter. Ce n'était pas une question de vie ou de mort, mais c'était au moins une question de pouvoir payer son loyer à la fin du mois ou pas. Cette simple pensée suffisait en général pour la faire réfléchir à deux fois avant d'acheter quelque chose de manière compulsive et elle se trouvait donc toujours à se demander si elle avait vraiment besoin de tel ou tel article, ou si c'était un achat purement et simplement compulsif dont elle n'avait absolument pas l'utilité. La Itziar d'il y a deux ans aurait bien sûr trouvé que rien n'était compulsif, maintenant c'était un peu différent. "J'te crois pas à 100% là, mais bon j'ai quand même envie de te faire confiance. Je compte sur toi pour me dire si je veux acheter un truc qui me servira à rien ok ?" demande t-elle. Un chaperon, voilà ce qu'il lui fallait. Avec cette discussion sur le shopping, cette séance de sport passe un peu à la trappe et si l'objectif du jour était d'éliminer quelques calories, c'était un peu raté. La perspective d'aller boire un thé et de manger un morceau était bien plus alléchante pour Itziar qui avait encore en tête sa cuite de la veille. Elle savait que son foie la remercierait pour le donut qui viendrait éponger l'alcool qu'elle avait pu avaler dans la soirée. "T'as raison, on vit qu'une fois de toute façon et puis il a lâché l'affaire, il sera content de pouvoir s'occuper de gens plus motivés je pense." Lance t-elle à son amie avant de la suivre jusque dans les vestiaires, mettant fin à ce qui était sans doute la séance de sport la moins utile de l'année.
Mon amitié avec Izzie remonte à quelques années désormais et j’ai pourtant l’impression que rien a changé, elle m’a tout de suite beaucoup plus lorsqu’on s’est rencontré, elle a été un coup de cœur amical, en quelques sortes, et plus les années passent, plus j’apprends à la connaitre et plus je suis heureuse de constater que je ne me suis pas trompée sur elle. Itziar avait beaucoup avoir un certain statut par le passé, elle n’a jamais cherché à se comporter comme une princesse, elle est simple, c’est une bosseuse, elle sait qu’elle doit se bouger pour obtenir ce qu’elle veut et elle n’hésite pas à se salir les mains. Mon admiration pour elle grandit de jour en jour et à de nombreuses reprises, je me suis dit que j’aimerais avoir sa force et son énergie pour affronter un quotidien pas aussi simple que celui qu’elle a pu connaitre auparavant. « Et moi donc ! » Certes, j’ai aidé Itziar quand elle a débarqué à Brisbane parce que j’aurais aimé qu’on m’aide moi aussi quand je suis arrivée et que j’ai dû me débrouiller par moi-même, mais elle ne m’est redevable de rien du tout parce qu’elle a su m’épauler quand j’en avais besoin et ne pas me juger sur la profession que je n’ai pas eu trop de mal à lui avouer – même s’il s’agissait d’un aveu partiel –. Elle est une amie parfaite et ses conseils sont précieux alors je suis heureuse qu’elle apprécie les miens, même si, s’agissant des négociations sur l’oreiller, il s’agit bien évidemment d’une plaisanterie et non pas d’une réelle proposition, encore heureux. « Dix dollars ! Tout ça ! Je ne vois vraiment pas comment il aurait pu refuser. » Je me moque, gentiment, alors qu’elle avoue le prix qu’elle aurait pu mettre dans le bar lorsqu’elle est arrivée. Je sais qu’Itziar n’était pas dans une situation idéale lors de ses débuts australiens et elle peut être vraiment fière de son parcours de vie parce qu’elle a su garder la tête haute et remonter la pente, tout le monde n’en aurait pas fait autant. « Je ne vois pas comment je pourrais refuser une telle proposition, alors. » De toute façon, on ne va pas se mentir, si je refuse une marge quelle qu’elle soit, c’est simplement par politesse parce qu’en réalité, j’ai toujours envie de gagner plus et je ne renonce jamais à de l’argent facile sans une bonne raison, même si l’argent en question provient de mes amis et non pas d’un illustre inconnu. J’ai vraiment un problème avec ça, je le sais, je crois que je suis capable de tout pour obtenir encore et toujours plus, trahir les miens ne me parait pas vraiment être un problème quand il s’agit de m’enrichir personnellement et plus la somme est grosse et plus le sacrifice que je consens à faire peut s’avérer immense. Blake en a fait les frais à l’époque et certains de mes amis, même s’ils étaient moins proches de moi, ont aussi subi le même sort au moment où ils s’y attendaient le moins. C’est pour ça que j’apprécie vraiment l’estime d’Izzie à mon égard. Pour beaucoup de personnes qui ont fait partie de mon passé, je l’ai perdue.
Finalement, nous avons déjà deux idées de business parfaits, l’idée de danser pour elle serait déjà formidable mais la commercialisation de T-shirt en sueur est vraiment ce qui va faire décoller notre carrière de business woman, il n’y a aucun doute à ce sujet. Tout le monde rêverait d’avoir ma transpiration, n’est-ce pas ? Je deviendrais célèbre et cette fois, ce ne sera pas pour mes fesses et mon frère ne pourra que me féliciter. « Evidemment, tu auras un salaire à la hauteur de tes qualifications. » En tant qu’amie parfaite, j’estime qu’elle est une personne extrêmement qualifiée et qu’elle mérite donc d’être largement surpayée pour tous les boulots qu’elle fait. Je ne sais pas vraiment comment font les gens qui montent leur société avec des amis ou de la famille pour réussir à leur attribuer un salaire correct qui ne mette pas en péril la boite qui vient d’être montée. J’aurais bien du mal à le faire, personnellement, parce que j’aurais envie de mettre tous ceux que j’aime à l’abri du besoin en les payant une fortune, mais ce n’est pas comme ça que ça fonctionne, j’en ai bien peur. Heureusement, je suis loin d’être sur le point de devenir auto-entrepreneur, je n’ai jamais vu beaucoup de prostituées essayer de tenter une telle chose, d’autant plus qu’en termes de légalité de l’activité, il y avait tout de même un léger problème. Mais bien sûr, la revente de T-shirt en sueur vaut certainement la peine d’investir et de monter quelque chose de correct. « On ne pourra pas payer quelqu’un pour transpirer à ma place ? » Non parce qu’un peu de sport, d’accord, mais je n’ai pas non plus envie de passer mes journées à me vider de toute mon eau sur un tapis de course entourée de petits vieux et d’ado en surpoids qui essaient de donner un sens à leur vie. Merci mais non merci. « Surtout qu’on va avoir un tel succès qu’on va nous demander des tonnes de T-shirt et je ne pourrais pas tous les produire moi-même. » Bien sûr, parce que ça va intéresser l’Australie toute entière et qu’on pourra peut-être devenir une entreprise internationale. Tout ceci est parfaitement réaliste, presque autant que d’envisager le succès de cette séance de sport qui est, il faut bien l’admettre, un véritable fiasco. « Tu peux compter sur moi. » Je juge, levant une main pour preuve de ma bonne foi alors qu’Izzie capitule pour une potentielle virée shopping. Mais pour le moment, ce qui nous intéresse c’est surtout d’aller reprendre le peu de calories que nous venons de brûler et lorsque je suis habillée et prête à partir, c’est avec enthousiasme que je me dirige vers la porte de la salle de sport, ravie de pouvoir abandonner cet endroit de malheur.