Je finis ma garde. Dernière garde avant ma semaine de vacances. Une semaine avec Wendy. On va passer quelques jours à Kangaroo Island et on passe à Newcastle et Wollongong pour voir Trophy Eyes. Sérieusement peut pas y avoir de meilleurs plans de vacances que ça. Mais récemment j’ai eu des sales vibes des post Instagram de Levi. Son bateau, la mer tout ça… Je suis pas très tranquille. Alors avant de partir sur les routes ce soir, je décide de filer chez Levi. Sur son bateau. Espérant qu’il soit toujours à quai. Il est 7h30 du mat’ quand j’arrive à la marina. Short, tshirt Nirvana, casquette One Love Apparel sur la tête. Je monte sur le bateau de Levi et entre dans la cabine sans faire de bruit. Je savais que ce serait ouvert. Levi est pas su genre à fermer sa porte à clé. Il est en train de dormir et j’enlève mes chaussures, ma casquette. Je me glisse aux côtés de mon ami parce que je suis mort mais je voulais passer du temps avec lui quand même. So here I am. Je m’endors comme une masse, après m’être calé près de son dos.

Je sais pas combien de temps je dors mais quand je le sens bouger je me réveille. J’ai l’impression d’avoir fait ma nuit mais c’est certainement pas le cas. Je dirai une heure ou deux. J’ouvre les yeux et je souris à mon ami qui est toujours à mes côtés, à l’horizontale.

« Hey… »

Je comble le maigre espace entre nous pour aller me caler contre lui, glissant mon bras autour de sa taille. Je me suis invité sur son bateau. Dans son lit. Sans le prévenir. Mais c’est rien de nouveau. Surtout qu’il sait que je quitte la ville ce soir pour une durée d’une semaine. Je surprends personne dans mon comportement, je le sais.  

« Tu nous fais un petit déjeuner ? »

Je me frotte un peu l’oeil. Je suis encore très fatigué mais si Levi veut se lever, je me lèverai aussi. Je veux profiter de sa présence au maximum. Notre avion est à 19h, je peux rester avec lui jusqu’à 14h/15h et puis après je rentre finir de préparer mes affaires et filer à l’aéroport.

« Je suis mort j’ai trop travaillé. »

Je veux me faire plaindre. Je veux qu'il prépare toute la bouffe. Je joue le pauvre petit pompier badass qui a sauvé plein de vies. Est-ce que ça marche ? J’ajoute les puppy eyes pour encore plus d’impact. La vérité c’est que je voudrais dormir encore là je suis véritablement très fatigué mais je me dis que je pourrais dormir dans l’avion.

You say it's time for change, I say we just need to rearrange. All the plans that we had before, no one is walking out that door alone.

Tu es rentré vers les quatre heures du matin après avoir joué de ta musique deux ans dans un bar puis rejoins une partie des clients dans leurs festivités. Tu n'étais pas vraiment de ceux qui s'attachent aux autres, tu avais certes beaucoup de connaissances, mais tes proches se comptaient sur les doigts d'une seule main. Tu autorisais rarement quelqu'un à pénétrer ta vie privée et tes confidences demeuraient des paroles frisant l'impossible à ouïr. Même Ariane ne détenait pas ce privilège.

Cependant, si avant tu n'étais pas très intéressé à découvrir Autrui, de peur notamment qu'ils se révèlent demeurer de véritables pourritures et ayant un aperçu global de l'humanité très négatif ; aujourd'hui, tu décidais d'accorder une chance aux personnes que tu côtoyais. Tu conservais tes distances avec eux, mais tu leur vouais une certaine curiosité. Tu les percevais un peu telles de nouvelles contrées à élucider.

Vers les 7h30, quelqu'un te rejoint dans ton lit. Tu n'as même pas la peine d'ouvrir les yeux qu'au parfum tu reconnais derechef qu'il s'agit de Kane. Tu le laisses s'installer contre ton corps et rejoins en sa compagnie les bras de Morphée. Quelques heures plus tard, celle-ci te rejette et dans tes mouvements, tu attires le pompier vers le même résultat. Mollement, tu l'entends te solliciter pour un petit-déjeuner tout en posant son bras sur ta taille. « T'es sûr que t'as faim ou c'est ta conscience qui parle ? » Tu questionnes en te retournant de manière à faire face au blond. « Je suis mort j’ai trop travaillé. » Qu'il t'indique alors que tu décris son visage, scrutant les marques de fatigue sur celui-ci. « Et j'ai le privilège de m'occuper du héros ce matin, » tu taquines. Non pas que tu sois jaloux de Wendy, mais il était clair que maintenant que Kane était en couple, il avait moins de temps pour toi. Toutefois, si c'était le prix au bonheur du musicien, tu le payais de bon cœur.

Tu te lèves, remontes un peu ton boxer et t’oeuvres à préparer du café et des bagels. Une dizaine de minutes plus tard, tu reprends place sur ton lit avec une assiettes de quelques bagels beurrés de la garniture favorite de Kane et deux tasses de café brûlant. « Te brûle pas, ce serait le comble pour un pompier. » Tu attends que le trentenaire soit assis pour lâcher la tasse et surtout, une bombe : « J'ai couché avec quelqu'un. » Laissant l'éventuelle surprise de celui que tu considères comme un frère s'extérioriser, tu précises, comme si cela pouvait poser souci : « Pas ici, t'inquiète. C'était dans son appart'. » Tu laisses perdurer le doute sur le sexe de ton partenaire. Et surtout, tu devines que ce n'est pas tant avec qui tu as couché qui interpelle Kane en premier lieu mais bien le fait que tu aies été intime tout simplement. A ce niveau-là, tu faisais davantage partie de la minorité qui n'aspirait pas à faire qu'un avec qui que ce soit. Tu recherchais l'affection, la proximité, l'attention, mais très peu le sexe. Souvent, il t'apparaissait même davantage comme une obligation, une sorte de condition à remplir, plutôt qu'une envie ou un plaisir de ta part - sauf dans le cas de figure où tu souhaitais faire plaisir à ton partenaire et te fichais de mettre tes propres envies - ou absence de celles-ci - de côté.

Sa remarque me fait sourire. La vérité c’est que oui, j’ai très faim mais si jamais je dors un peu plus, je n’ai pas besoin de manger là. Qui dort dine, ça marche bien en ce qui me concerne. Un sourire encore plus large se forme sur mes lèvres quand il me qualifie de héros et qu’il se sente privilégié de m’avoir à ses côtés là maintenant tout de suite. Je l’aime si fort ce mec, c’est pas permis. Je suis beaucoup moins bohème que lui mais c’est un côté de sa personnalité qui me fascine. Genre rien que sa faculté à vivre sans les nouvelles technologies, je pourrais pas. Levi se lève du lit et je préférais quand je sentais sa chaleur près de moi mais je le regarde s’activer. Je somnole quelques minutes et puis le voilà qui se ramène avec la bouffe.

« Oh je t’aime trop ! »

Parce que c’est tout à fait ce qu’il me fallait. J’ai bien remarqué qu’il a très justement mis la garniture que je préfère et je l’aime trop d’avoir ça dans les placards. C’est clairement spécial pour moi, je le sais. Je me précipite un petit peu trop, me sentant plutôt réveillé de voir toute cette bonne nourriture sous les yeux. Il me reprend, me faisant sourire avec sa remarque, mais c’est vrai. Alors je me calme et je commence par un bagel, laissant le café refroidir un peu. Sauf que je m’étouffe un peu quand il lâche une bombe. Il m’explique que c’était chez l’autre personne. J’avale la bouchée que j’avais pris avant de m’exprimer.

« Wow ok. »

Pas que ça m’inquiétait que ça se soit produit sur son bateau, c’est que ce soit produit tout court qui me surprend. Et là c’est clair que j’en oublie le petit déjeuner pour l’instant.

« Ca va ? C’était bien ? »

Parce que c’est quand même le plus important dans l’histoire. Si Levi a passé un bon moment. Je sais pas trop comment je le sens de ce côté là. Je le scrute, essayant de deviner ses pensées mais je sais qu’il va se confier dans pas longtemps. S’il a abordé le sujet c’est qu’il a envie, besoin, d’en parler et je suis là à 100% pour l’écouter.

« Tu vas le revoir ? »

Aucune idée pourquoi j’ai assumé directement qu’il s’agissait d’un mec. Je le sens comme ça et il me reprendra si ce n’était pas le cas. On a passé le temps de prendre les choses avec des pincettes lui et moi. On est absolument sans filtre. Je reprends à manger mon bagel alors que je suis à moitié allongé dans le lit. Je suis confo.

You say it's time for change, I say we just need to rearrange. All the plans that we had before, no one is walking out that door alone.

Tu es sincèrement ravi que Kane ait décidé de passer sur ton bateau après son service. Ces moments sont à tes yeux précieux et en ayant parfaitement conscience que le pompier jonglait avec plusieurs responsabilités et un répertoire d'amis bien rempli, tu privilégiais d'autant plus le temps qu'il t'accordait. Le Williamson composait l'une des rares personnes qui te manquait rapidement et férocement, la seule avec Gideon qui confirmait la règle de ton caractère indépendant qui remplace d'ordinaire promptement les personnalités ou compense leur absence ou leur perte par de nouveaux énergumènes.
En somme, ces deux frères t'étaient irremplaçables.

Tu prenais garde à ce que le blond ne se brûle pas sur la boisson et le laissais prendre une première bouchée du bagel tu lui avais préparé soigneusement avant de lâcher ce qui pouvait relever d'une bombe. En le voyant manquer de s'étouffer, tu perçois qu'en effet, ta nouvelle ne le laisse pas indifférent. Tu hausses les sourcils lorsqu'il s'apprête à digérer l'information et déglutis lorsqu'il te pose la question fatidique : « Ça va ? C’était bien ? »

Ton regard le décrit quelques instants, tes méninges réfléchissant à la réponse à formuler à ton meilleur ami. Tu te doutes que s'il te demande si ça va, c'est parce qu'il sait à quel point être intime n'est pas quelque chose de "naturel" pour toi. Tu t'imagines qu'il te demande si c'était bien parce qu'il a espoir de dédramatiser l'action, de peut-être même sous-entendre que c'est possible pour toi de prendre ton pied comme lui a la chance de le faire avec Wendy et d'autres femmes l'ayant précédée. Ta réplique tarde puisque le soldat du feu reprend, te questionne sur l'éventualité que tu puisses le revoir. Un rictus apparaît sur ton visage. Bien sûr, que tu as envie de le voir. En dépit de toute les éléments sous-jacents que tu juges comme problématiques.

« Je pense que je vais le revoir, ouais. C'était déjà pas la première fois que je le voyais, » tu expliques, un léger sourire étirant tes traits à cette idée. Tu fouilles dans ta mémoire, rejoues les souvenirs concernant Michael. Il n'était pas vraiment important de base, tu imagines. Ce qu'on appelle vulgairement un "coup d'un soir". Sauf que dans l'histoire, tu étais le coup d'un soir - ou avais pensé l'être jusqu'à ce que Michael te fasse comprendre que tu représentais plus qu'une simple attractivité d'une nuit pour lui aussi. Toi, tu ne "couches pas pour un soir". Tu n'as pas de plaisir à te vouer à de telles pratiques. Il faut que tu ressentes un lien fort émotionnel et sentimental pour te rendre jusque là. « J'imagine que c'était bien. Il avait l'air d'apprécier, » tu exposes finalement quant à la première interrogation de ton interlocuteur, occultant expressément tes propres impressions sur cette union. « Il a pas été chiant, » tu complètes, songeant au fait qu'il ne s'attendait pas à une relation sexuelle physique qui s'éternise ou digne d'un succès pornographique. Tu ne te rendais même pas compte que cataloguer l'acte de faire l'amour à quelqu'un de "pas chiant" le diminuait possiblement au grade de "corvée". Tu pris une gorgée de café de ta propre tasse et orientes le centre de l'attention sur l'australien : « Tu reprends le boulot ce soir ? » Tu as bien compris que son précédent service était éreintant et n'a pas envie de lui faire revivre mentalement des moments qu'il souhaiterait taire en le questionnant sur ses précédentes interventions.

C’est un gars et il va sûrement le revoir. Ok. Est-ce que Levi est en train de tomber amoureux ? Il a pas l’air. Je sais pas. Mais quand j’apprends que c’est pas la première fois qu’il le voyait, je me dis que y’a clairement plus que du physique là dessous. C’est genre, obligé, ça peut pas être autrement. Une relation purement physique n’est pas ce que mon meilleur ami recherche dans la vie. Ou alors il a changé dans la nuit ? Non. Quoi que il est bien installé à Brisbane alors qu’il voguait toujours les océans avant ça. Peut être qu’il a changé. Et sa réponse à ma question si c’était bien me confirme que non. Il n’a pas changé. Il parle de l’autre gars qui a apprécié. Il parle pas de lui. Je comprends que ça n’a pas vraiment été son cas et je n’en suis pas surpris. C’est Levi. Il a pas été chiant. Gosh. Je sais que Levi n’est pas du genre à se mettre dans des situations qui l’emmerdes, mais ça me fait quand même un peu mal au coeur de voir qu’il est si détaché de tout ça, qu’il a l’air d’avoir carrément subit le truc. Et il me demande si je bosse ce soir, je fais non de la tête.

« Non, on décolle à 19h. »

Il a oublié que je partais. Je mets ça sur le compte de cette conversation qui doit pas être des plus plaisante pour lui. Il a pas toute sa tête, parce qu’il sait que je pars en voyage une semaine avec Wendy. C’est mon cadeau de Noël. Je lui ai dit quelques fois déjà. Surtout qu’on a tourné quelques trucs dans les plans pour que je puisse voir Trophy Eyes sur deux dates de leur tournée Australienne.

« Parle moi un peu plus de lui. »

Et je reprends à manger mon bagels. Si Levi veut revoir ce mec, je veux en savoir plus sur lui. En plus il dit qu’il l’avait déjà vu, donc il m’en a sûrement déjà parler mais je n’ai pas encore su le remettre à sa place dans ma mémoire.

« C’est le gars de l’after party au Hilton ? »

Une histoire qui remonte pas mal, où y’avait eu des mains baladeuses de mes souvenirs, mais de sexe non plus. Le plan idéal pour mon Levi quoi. Je les shippais pas mal de ce qu’il m’avait raconté mais j’en avais plus entendu parler après. Petit hint de mon côté pour lui faire comprendre que ce gars là, j’approuve si jamais il le croise de nouveau.

You say it's time for change, I say we just need to rearrange. All the plans that we had before, no one is walking out that door alone.

Tu perçois à la tête de Kane lorsque tu lui confies que ton partenaire n'a pas été "chiant" que cela le chagrine. Tu hausses une épaule, mitigé entre le défaitisme et la désinvolture. Tu n'es pas comme lui, malheureusement. Tu ne prends pas vraiment ton pied et ta crainte dans l'affaire, c'est plus que ton compagnon le remarque et le prenne mal. Tu essaies de changer de sujet mais manifestement, tu as encore l'esprit ailleurs et fais grossièrement preuve de stupidité en demandant à ton meilleur ami s'il travaille le soir-même. Il me rappelle qu'il décolle à 19h ce soir. Tu le scrutes quelques secondes avant de t'enfoncer davantage dans ton oreiller en te laissant tomber en arrière, tasse de café habilement en équilibre dans une de tes mains. « Ouais, désolé, question bête. »

Le musicien hors pair a bien compris que Michael habite tes pensées et que tu as sans doute besoin d'excommunier un peu ce que tu as sur le cœur en te confiant davantage à lui. Il te relance sur son identité, te demande de parler plus de lui, essaie de faire le lien avec une autre rencontre. Tu hoches la tête en signe de dénégation et renseignes : « Non, c'est pas lui. » Tu prends une gorgée de caféine, un peu plus dans tes pensées que d'habitude. « Je le connais depuis plus longtemps que ça. Mais ce n'est pas pour autant que je le connais des masses non plus. » Mais plus que le commun de tes fréquentations et il en va de même pour lui. « Je sais où il habite, ce qu'il fait de sa vie. Il est pas officiellement en couple mais il vit avec un chat. » Ces bêtes ont après tout leur degré de possessivité. « Il est plus vieux que moi. » Tu ajoutes, révélant les informations comme si tu rédigeais un profil de rencontre à Kane ou que vous cherchiez le coupable d'un délit précis. « Mais tu sais, même si j'le voulais, je pourrais pas être comme toi et Ariane. Je sais pas « être en couple ». » Et tu te rends compte à parler ainsi, à sembler te projeter que tu en dévoiles davantage que ce que tu soupçonnes sur tes propres ambitions, tes propres aspirations. Ou alors, n'est-ce qu'une influence que tu t'affliges ? A vouloir rester à Brisbane, tu as envie de semer la stabilité dans plusieurs volets de ta vie ? Tu soupires doucement, tentes de chasser ces constats d'un revers de main alors que tes propres paroles te trahissent. Après tout, il est rare que tu en saches autant sur quelqu'un, même si ça peut paraître peu pour quiconque ne te connaissant pas. « Et c'est pas dans ce registre-là. » Tu annihiles le doute et refuses toute psychanalyse. Tu veux vivre au jour le jour. « Tu voudrais que je te le montre ? Tu pourrais me dire ce que tu en penses. » Puéril espoir d'escapade. Si Kane ne l'approuve pas, forcément, tu le rayeras de ton répertoire.

C’est pas le gars du Hilton. Ok. Je raye. Mais c’est qui alors ce gars ? Un gars de longue date. Il ne le connait pas vraiment. Il m’intrigue. Il est pas officiellement en couple mais il vit avec un chat ? Ok. Pas sûr de tout suivre là. J’ai l’impression que le gars est en couple non exclusif mais j’ai pas envie de croire à ça. Enfin je veux dire, sûrement que Levi serait pas contre ce genre de plan mais je sais pas, ça me dérangerait moi. Ca me dérangerait pour lui ouais. C’est con. Moi je pourrais pas. Trop de jalousie dans l’affaire. Je suis trop possessif quand je suis en couple. J’aime avoir l’exclusivité, savoir que je suffis à la personne. Ouais ok j’ai eu que 3 copines dans ma vie donc on peut pas dire que y’en ai beaucoup à qui j’ai suffit visiblement. Mais je tiens le bon bout avec Wendy. Levi me sort d’un coup qu’il sait pas être en couple.

« Ouais j’ai du mal à t’imaginer en couple aussi… »

Même si je sais que ça lui est déjà arrivé. Always felt a bit wrong. Mais apparemment c’est pas de ce côté là que ça se tend avec ce type. See me intrigued by this whole thing. Mais j’hoche la tête parce que je me dis que Levi est hors de commun, il aura une relation hors du commun. C’est sûr. Il faut juste qu’il trouve la bonne personne pour se faire et si c’est ce gars là. Pourquoi pas. Il me propose de me montrer une photo et j’hoche la tête.

« Ouais montre ! »

Et là je le vois galérer un instant sur son téléphone avant qu’il me sorte enfin une photo.

« Ok wow. Il est super beau. DAMN ! »

On pourrait croire que j’en fais trop mais je suis vraiment trop passionné pour mon propre bien. Et puis c’est Levi avec moi là. Je suis toujours plus hyped à propos de tout quand il est là. Je suis juste très enthousiaste.

« Il a une tête d’avocat. Ou non, un trader à Wall Street. Enfin, à Spring Hill. »

Je suis hilarant.

« Et tu le revois quand ? Vous allez faire quoi ? Un bowling ? Nan, un karaoké. Plus ton truc. »

Peut être bien que je suis sarcastique, mais ouais, j’ai des trucs à pointer du doigt et je le fais tout de suite d’ailleurs. Je passe pas par quatre chemins avec Levi. Je ne veux que son bien.

« Parce que ouais, je sais pas trop mais… Si il veut du sexe, c’est pas cool pour toi quoi… J’ai pas envie que tu fasses des trucs qui te dérange. T’as été gentil une fois… Mais… S’il a un sex drive plus prononcé que toi… »

Ce qui n’est pas dur.

« … et ben, il va en vouloir encore le gars. Parce que Levi t’es hot af. »

Kane, toujours là pour soutenir ses amis et dire la vérité vraie.

You say it's time for change, I say we just need to rearrange. All the plans that we had before, no one is walking out that door alone.

Tu décris du mieux que tu peux Michael ainsi que la relation que tu entretiens avec lui. C'est assez étrange de remarquer que vous ne vous êtes pas vus une multitude de fois - ces occasions se comptent sur les doigts d'une seule de tes mains - mais l'étudiant a su se propulser à un grade épatant dans l'étalage de tes affections. Il a quelque chose de spécial qui génère une attirance et une affection que tu ne sais dénier. Tu n'as jamais abordé Michael très sérieusement avec Kane auparavant, parce que votre échange n'avait duré qu'une soirée et tu n'étais pas certain qu'il se réitère. Mais depuis vos retrouvailles et face au constat indéniable qu'il y avait un truc entre vous - un sentiment réciproque qui plus est - rendait indispensable le fait que tu en discutes de manière plus approfondie avec ton meilleur ami.

Il hoche la tête, t'écoute attentivement. Tu lui en es toujours reconnaissant, n'as jamais pris Kane pour acquis. Il t'a toujours généreusement dévoué de son temps et de sa compréhension. Il n'est pas du genre à ne pas écouter ce que tu as à dire ou faire semblant de t'être ouï. Bien sûr, il lui arrive parfois d'être déconcentrée par un appel de Wendy, un SMS d'Ariane ou une de ses chansons préférées qui passe à la radio mais en règle générale, quand vous êtes posés au calme, il n'y a pas de raison pour qu'il te fasse répéter ou n'assimile pas tes confidences. En effet, ce sont bien des secrets et des aveux que tu lui confesses présentement. Ce genre de propos, tu ne les livres qu'à lui, aussi basiques puissent-ils paraître pour Autrui. Tu ne parles pas de tes affections et tu ne veux pas qu'elles soit répandues. Tu sais très bien que si la moindre bribe de votre conversation se faufilait de votre duo - bien que ce soit impossible car le Williamson ne te trahirait pas même sous la contrainte, tu en étais persuadé - et si surtout elle parvenait aux oreilles d'Ariane, tu le vivrais mal - dans le cas d'Ariane : un enfer de sa propre création. T'as jamais su parler à la rousse, t'as jamais su lui faire confiance. Elle te ressemble trop pour ça avec son caractère électrique, volage et impulsif.

Mais la Parker est bien différente de toi aussi - Dieu merci -. Elle est capable, comme Kane, d'être en couple. Ce dernier te déclare qu'il a du mal à t'imaginer casé et tu hoches la tête avec un sourire en coin avant de t'enfoncer un peu plus dans ton oreiller. Cette notion même te donne la chaire de poule, même si parfois, étrangement, t'aimerais être un peu plus comme tout le monde. Ça semble plus cosy et facile. Tu te dis que tu devrais arrêter d'ailleurs de parler de Michael avant que Kane te prenne pour une groupie ou une adolescente affamée. Mais plutôt, tu finis par lui proposer de lui montrer de quoi il a l'air.

Enthousiaste, le musicien accepte la proposition et tu milites plusieurs minutes avec ton téléphone pour que le cliché apparaisse à l'écran. Une preuve de plus de la patience que Kane t'alloue : il aurait très bien pu perdre son sang-froid et t'arracher ton portable des mains pour la retrouver lui-même, cette photo. Mais non, il sait te laisser faire et pas te précipiter. Il te respecte. Tu ris de bon cœur devant son commentaire, rire qui gagne en intensité lorsqu'il te décrit l'air qu'il expose. Un avocat, un trader, c'est vrai que le brun donne un peu cette aspect. Super propret, les cheveux ondulés brossés en arrière, la mâchoire carrée. « Ouais il est pas mal hein. Il étudie pour devenir éditeur. » T'as un petit sourire teinté de niais et de fierté sans même t'en rendre compte.

Tu poses le téléphone sur le matelas et prends une nouvelle gorgée de caféine quand ton interlocuteur t'interroge sur tes futurs plans avec lui. Tu réfléchis quelques instants. C'est pas trop votre truc de prévoir de quoi. Vous jouez à l'improvisation ou au SMS de dernière minute. « Il est pas vraiment musique, je pense. Enfin, on a jamais trop abordé la musique, étrangement. Son truc c'est la littérature. » Et Kane sait que s'il y a quelque chose que j'aime autant que la musique, c'est bien la littérature. Je lis depuis que je suis môme, depuis que l'on m'a appris à le faire. C'était mon échappatoire de cette famille abominable que j'ai dû supporter pendant seize ans avant qu'ils ne m'enrôlent de force dans la Royal Navy. La littérature me donne des ailes, elle m'a toujours offert un salut, un réconfort. Je dévore les bouquins comme Kane avec les bagels que je lui ai préparés. Sur mon bateau, on peut trouver un ouvrage un peu n'importe où - même à des emplacements très inusités. « Il va venir prochainement ici. Il doit trouver un manuscrit pour finir son Master et je lui ai proposé un des miens. » Tu as plusieurs livres sur le feu mais ce manuscrit-là, il est à tes yeux quasiment finalisé. Il manque juste l'aval d'un éditeur pour sa publication. Mais t'en as pas parlé spontanément à Kane parce qu'Ariane est sous le feu des projecteurs avec son livre et avant ça elle galérait à l'écrire. T'as pas envie de jouer à la copie, au rabat-joie, à l'usurpateur ou quoi que ce soit. Puis, c'est pas important, c'est pas comme s'il était publié. Si ça se trouve, il restera au stade de brouillon dans l'un de tes placards. Tu t'en fiches un peu, ce que t'aimes avec ces manuscrits c'est les écrire. Ensuite, si des gens veulent les publier, tu ne t'y opposes pas mais tu ne le recherches pas non plus. Tu ne courses pas la popularité ni l'argent.

Kane pointe ensuite l'éléphant présent dans ta couchette en te mettant en garde contre le fait que Michael veuille à nouveau coucher avec toi et que dans l'histoire, t'as ton mot à dire. S'il a une libido plus prononcée que la tienne, ce que vous avez entre vous risque de - tu extrapoles ici ses dires - voler en fumée. La pilule passe un peu mieux quand le Wiliamson répond que t'es hot af, ce qui te fait glousser avant que tu poses ton front contre l'épaule du pompier, démoralisé. « Je sais... » T'inspires profondément. T'es pas du genre à broyer du noir ou te laisser abattre, si bien que ces moments, t'es sûr que les gens les prends pas au sérieux. Ça te paraît logique puisque t'as jamais été du genre à te lamenter mais toujours prendre le taureau par les cornes pour améliorer ta situation et prendre soin de ton bonheur. La seule émotion négative avec laquelle tes proches ne rigolent pas, c'est ta colère. Heureusement, elle ne se démontre pas fréquemment. « Ça me fait suer mais j'peux pas me changer et j'vais pas le changer non plus. J'vais voir ce qui peut être possible avec lui sinon c'est juste que c'est pas meant to be. » Ça te ferait mal au cœur, mais ton regard sur l'affaire est clair et sans appel. « Merci de me le rappeler. » Tu adresses à celui que tu considères comme un frère muni de pure sincérité. Tu sais que Kane dit ça pour ton bien et non pas pour remuer le couteau dans la plaie. « T'as prévu des surprises pour Wendy durant votre séjour ? » Tu sautes du coq à l'âne, comme à ton habitude.

Ok alors si le gars il est dans le monde de l’édition, je comprends BIEN MIEUX le crush qu’il a sur lui. C’est genre, comme si j’avais couché avec une meuf qui fait parti du milieu de la musique. S’il est éditeur tout porte à croire qu’il n’est pas écrivain et que du coup je peux associé ça à une roadie, technicienne ou une tour manager. Quelqu’un qui trempe dedans mais sans être sous le feu des projecteurs. Je crois que ça me plairai bien ouais. Faut voir pour quel groupe elle bosse aussi. Ca va je blague. (est-ce que je blague vraiment ?).

Je me cale un peu mieux dans le lit tout en mangeant mon petit déj. Histoire d’être à l’aise tout en continuant cette conversation qui est des plus importante. Levi continue de parler de l’éditeur et il parle de Master. Hein ? Il fait encore des études ? Je juge pas, je suis juste surpris. En tout cas ça continue de faire un peu plus de sens dans ce que Levi aime chez ce gars. Il suit pas les voies toutes tracées des standards de la société.

Levi qui vient coller son front contre moi ça m’émeut (je sais il m’en faut pas beaucoup). Mais du coup je vais tout naturellement passer mon bras autour de lui. Il a l’air d’en avoir besoin là. Il prend une grande inspiration et je capte bien que c’est pas simple pour lui tout ça. Je caresse son bras dans un geste que je veux réconfortant. Il reprend la parole, expliquant ce qu’il a en tête par rapport à tout ça. Meant to be. Wow ok. Il a vu loin. Deux secondes avant il dit qu’il se voit pas en couple et là il dit ces mots là. Il crush vraiment pour ce gars là. Il pourrait changer pour ce gars là. Pas complètement d’après ce qu’il dit et je suis rassuré parce que je ne veux pas que Levi se retrouve dans une relation où il est bloqué sous certains aspects. Il me remercie et je vais poser ma tête contre la sienne. De rien.

« Après si tu l’aimes vraiment et que tu veux être avec lui malgré tout… Faudrait qu’il soit pas gourmand ou je sais pas trop… Mais y’a des solutions je pense. Faut juste faire beaucoup de compromis. »

J’aime pas ça les compromis. Et puis Levi me parle de Wendy, ça tombe sous le sens. Je fais aussi pas mal de compromis avec elle. Pas tant, pas qui me dérangent vraiment. Mais j’en fais. Il me demande si j’ai prévu des surprises pour Wendy et ça me fait rire.

« Je crois qu’elle va en avoir un tas quand elle va me voir aux concerts de Trophy Eyes. Elle m’a encore jamais vu pleurer à un show. »

Levi a déjà eu droit à mes larmes sur Miming in the Choir et pas mal d’autres chansons de Trophy Eyes. Il sait ce que c’est.

« Mais sinon j’ai rien prévu non. J’ai deux nouvelles chansons sous le coude que je pourrais lui faire, mais j’aurai pas ma guitare avec moi. Enfin… Rien m’empêcherait d’aller dans une boutique de musique juste pour en prendre une et lui faire mon morceau. »

Been there. Done that. Often.

« Juste celle qu’on a fait tous les deux est sûrement trop délicate pour elle vu qu’elle a perdu sa mère y’a pas longtemps… Pas vraiment envie de lui tuer l’humeur. »

You say it's time for change, I say we just need to rearrange. All the plans that we had before, no one is walking out that door alone.

Tu n'as pas tergiversé durant des heures pour aborder Michael ainsi que ce qui t'inquiète le plus dans votre relation. T'as cette facilité d'expression avec Kane que tu n'as avec personne d'autre. Il est le seul en qui t'as totalement confiance et avec qui t'abordes les sujets sensibles. Il n'y a rien de concrètement sérieux entre toi et l'éditeur, vous êtes au point où vous passez juste la soirée voire la nuit ensemble et que vous appréciez beaucoup la compagnie de l'autre. Mais il y a aussi cette attirance indéniable, le type te procure des frissons à t'en déstabiliser, tant que t'as su prendre sur toi pour lui offrir ce qu'il désirait. Mais ça, sur le long-terme, ça ne fonctionnera pas. Tu le sais pertinemment, ça conduira sans doute même à ta fuite. Tu n'aimes pas le sexe, t'as pas ou très peu de libido, pour toi devoir coucher avec quelqu'un rime seulement avec ce besoin d'entrer dans les normes pour te faire valider par un pair. T'es capable d'enfiler un masque et te convaincre toi-même que tu peux le faire mais c'est désastreux et quand t'y penses, tu devrais pas te changer pour être bien dans une relation, et ça te fait peur de devoir user de ce genre de subterfuge contre toi-même. Tu ne demanderas jamais à quelqu'un de changer pour toi. Tu as conscience que les relations de couple sont bourrées de concessions, mais quand il est question de toucher directement aux fondamentaux d'un individu, on ne peut pas non plus se vouer au malaise pour les beaux yeux de celui ou celle qui nous tape dans l’œil.

Tu parles quand même de lui avec enthousiasme, ce qui démontre bien à ton meilleur ami à quel point ce mec te touche. T'es pas du genre à t'étendre sur une personne, t'es même pas le style de mec qui s'intéresse à connaître la vie d'Autrui. T'es toujours dans le présent et savoir le cadre de vie de quelqu'un n'est nullement tes priorités. Mais avec Michael, encore une fois, c'est différent. Cette petite étincelle altère tes habitudes.

Kane souligne les éléments que t'as pas forcément envie de confronter. Tu poses ton front contre sa peau, dépité. Tu sais bien que tu peux pas faire l'autruche, mais ce matin, t'as pas forcément envie de résoudre ce souci non plus. Ça te range de l'intérieur mais une partie de toi a encore envie de profiter de l'illusion que ça pourrait marcher entre vous deux. Tu penses vraiment bizarrement, tu te reconnais même pas dans ces espérances. C'est peut-être un signe comme quoi faut pas que tu sois attaché comme ça ? Tu veux pas devenir le mec qui dépend de l'autre ou qui redéfinit sa vie en fonction de ses sentiments. « Après si tu l’aimes vraiment et que tu veux être avec lui malgré tout… Faudrait qu’il soit pas gourmand ou je sais pas trop… Mais y’a des solutions je pense. Faut juste faire beaucoup de compromis. » « Ouais... » Je murmure, peu convaincu. « Aimer c'est un grand mot aussi. » Ça sent plutôt mauvais cette histoire, non ? T'es abominable à abandonner si vite et toujours vouloir mettre les voiles quand ça se corse avec quelqu'un. En réalité, t'es flippé de perdre ton indépendance et te réveiller un jour et plus savoir qui t'es, ce que t'aimes. T'as déjà vécu ça, être anesthésié de la vie tant on t'a bourré de devoirs indigestes. Tu t'es juré de plus jamais replonger là-dedans à tes seize ans. Faudrait pas que tu fasses la bêtise de rompre cette conviction à trente-trois ans. Et puis tu sais que l'amour est dévastateur, il est parfois même assassin.

Tu changes le sujet et évoques Wendy. Franchement, Wendy et Kane, c'est pas un peu les modèles à suivre ? Kane est dingue d'elle, Wendy est la petite copine choupie par définition. On pourrait se croire dans un bon roman pour jeunes adultes. Tu ris de bon cœur à la réponse du pompier quand il te dit que la blonde ne l'a jamais vu pleurer à un concert. Tu te redresses un peu pour boire une gorgée de ton café. Le corps du Williamson est toujours contre le tien et ça te réconforte par rapport à cette relation nébuleuse entre toi et Michael.

Ton bro de cœur t'indique qu'il a également deux chansons pour sa dulcinée et ça te fait sourire comme quoi il a toujours plus d'un tour pour son sac pour faire de la musique. C'est pas ton meilleur pote pour rien. T'es fier de lui, de qui il est. Tu l'aimes autant que Gideon. Il te confie que votre dernière composition risque de remuer des mauvais souvenirs pour la Carmichael qui vient de perdre sa mère et tu grimaces. « Ouais, j'te comprends. C'est pas trop dur à vivre pour toi ? » Parce que tu connais Kane. Il est du genre à minimiser son mal parce que c'est pas lui qui a perdu sa mère dans ce drame. En revanche, il n'en change qu'il est en couple avec Wendy et qu'il doit la soutenir dans cette épreuve, ce qui peut être difficile et délicat. Après, il y a bien la compensation du fait qu'ils vivent ensemble maintenant, mais quand même, tu t'imagines que ça doit pas être la fête ou la parade des capotes multicolores tous les jours. Tu décris les traits de ton meilleur ami puis finalement ravises : « Tu sais quoi, oublie. Let's enjoy our time for now. La vie nous attendra. » Vous pourrez bien avoir d'autres conversations profondes plus tard. Là, le plus judicieux est de se reposer collés dans ta couchette et laisser Brisbane s'éveiller doucement sous fond d'une bonne playlist lancée par ton pompier préféré. « Lance ta musique, bro. » Vous avez bien besoin de douceur pour vos états d'âme malmenés.