Oh, simple thing, where have you gone? I'm getting old, and I need something to rely on
“Je vais l’appeler et annuler.” lâcha-t-elle au téléphone à sa tendre cousine. Voilà plus d’une heure que le compteur de la conversation tournait et que Kelly livrait ses angoisses à une Leena toujours présente pour la rassurer. Son derrière en petite culotte tomba sur son lit moelleux comme une génoise. En brassière depuis le début de la conversation qui avait débuté le plus simplement du monde autour du choix de sa tenue pour la soirée, la brune se voyait déjà enfiler son pyjama le plus confortable et s’enterrer sous sa couverture en compagnie de Tobey après avoir posé un lapin à Hassan et s’être persuadée qu’elle était destinée à finir vieille fille. “Quoi ?! Non, Kelly, c’est hors de question !” s’indigna Leena, le visage trop près de la caméra avant de son portable formant un effet loupe sur un front qu’elle avait déjà fort large. Son doigt pointé vers l’écran traversait l’espace pour accuser sa cousine d’être une poule mouillée ne sachant que se défiler à la moindre difficulté. Mais elle aimait quand les choses étaient simples, or rien ne l’était depuis deux ans. Lee, grande équilibriste, ne savait plus sur quel pied danser d’un bout à l’autre du fil tendu de sa vie. Tétanisée au milieu du chemin, elle était terrifiée de tomber, et il lui semblait que tous les regards de ses anciens camarades d’université formaient le meilleur moyen de lui faire perdre ce qui lui restait d’équilibre. Ils lui renverraient le reflet de cette vie parfaite qu’elle leur avait vendu au bras de Chad, s’attendant sûrement à des récits de conte de fées. Elle n’aurait que des échecs à raconter -si elle trouvait le courage de les avouer. Est-ce que Chad serait là, lui aussi ? Sa présence serait la cerise au sommet du gâteau de sa honte. “C’est une mauvaise idée, une terrible idée. Je vais me ridiculiser. Les gens vont apprendre qu’on a divorcé et…” “Et tout le monde s’en fiche, la moitié d’entre eux seront sûrement divorcés aussi.” Statistiquement, Leena avait raison. Prenant compte du fait, Kelly fut légèrement rassurée. Hassan aussi était divorcé, il n’était pas un paria dans la société pour autant. Quoi qu’il lui fut inculqué dans sa jeunesse et les conséquences actuelles sur sa vie, Kelly devait apprendre à en faire fi ; le monde des Témoins n’était pas le monde réel, les gens divorçaient, se remariaient, et telle était la normalité. Retrouvant son calme, la jeune femme inspira profondément, yeux fermés, puis souffla. Elle n’était pas supposée faire partie de cette moitié-là. Mais elle y était. La vie ne s’arrêtait pas. “Lee, reprends-toi, file te préparer et passe une fabuleuse soirée. Ca sera bien, tu verras !” L’engouement dans la voix de sa cousine mit du baume au coeur de Kelly. Elle acquiesça et esquissa un sourire, encore timide, mais sur la bonne voie vers la confiance en soi -ou juste en ce que la soirée pouvait présager de bon. “Souhaite-moi bon courage.” conclut-elle. Quand le visage de Leena disparut, la jeune femme se releva avec détermination, décréta que la première robe de soirée qui lui passerait sous la main serait la bonne, que le nude était tout à fait une couleur de maquillage, et que tout irait bien. Qu’importaient les virages qu’avait pris sa vie depuis la dernière fois que ses camarades l’avaient vue, elle était, et elle restait, fabuleuse en toutes circonstances.
Les talons de ses escarpins claquaient discrètement de long de l’allée menant au porche de son voisin. Elle ne s’était pas perchée à sa hauteur habituelle, prenant la mesure de l’endurance nécessaire pour passer la soirée sûrement debout, éventuellement sur la piste de danse, et voir ses délicats petons trouvés de cloques n’était pas une option. Lee s’était également armée d’une veste légère qu’elle tenait à la main ; à cette heure, la chaleur humide de l’été pouvait encore la faire suer en une demi-seconde si la moindre épaisseur de tissu couvrait ses bras, mais plus tard, la brise se lèverait, et elle ne voulait pas être prise au dépourvu. Sa robe était noire, classique, passe partout ; une valeur sûre à la coupe impeccable, du col bateau qui mettait parfaitement en valeur son port de tête jusqu’à la longueur du jupon juste au-dessus du genou, ni trop sage, ni slutty. Elle se sentait confiante, elle se sentait femme jusqu’au bout de ses orteils peints de rose, jusqu’à ce qu’elle atteigne la porte. Un saut dans le temps, un bond d’une dizaine d’années en arrière la figea, le doigt posé sur la sonnette sans l’appuyer. Les papillons dans le ventre faisaient remonter des sensations adolescentes, et elle se voyait, quelques rides plus tard, faire ce qu’elle n’aurait jamais osé faire à l’époque. Lèvres pincées, elle appliqua une pression furtive sur le bouton. Instantanément, des aboiements de chiens animèrent la maison de l’autre côté de la porte. Nul besoin de se poser la question ; Kelly était, évidemment, pile à l’heure. Hassan apparut, son sourire s’élargit. “Bonsoir.” Il lui apparut soudainement que tout ce cheminement, ses doutes, sa tenue et ses pas jusqu’ici, n’étaient qu’un début, la partie facile de la soirée. Désormais, en roue libre, elle se voyait bredouiller, ridicule, minuscule. “Tu... “ Est-ce que lâcher un compliment d’entrée de jeu serait étrange ? Devait-elle opter pour une plaisanterie ? Surtout pas, son humour était terrible. Ne rien dire serait plus bizarre encore, maintenant que le début de sa phrase était lancée. Il fallait trouver de quoi la finir, n’importe quoi. “... continues de gagner le challenge contre la gravité.” fit-elle donc en désignant la tignasse du jeune homme. Pas à ce point de n’importe quoi, Lee, Seigneur, tais-toi. Son regard se baissa sous les flagellations de sa conscience qui la sermonnait à plein poumons imaginaires. Gênée, elle toussota, mains nouées devant elle. “On y va ? J’ai peur que si on arrive une minute trop tard, on ne se retrouve qu’avec les canapés à la crevette.” Tout le monde savait que prendre des fruits de mer à un buffet était une porte ouverte à une indigestion assurée et Kelly avait sélectionné ses sous-vêtements avec bien trop de soin pour risquer que sa soirée prenne ce genre de tournure désastreuse. Mais pourquoi as-tu réfléchi à tes sous-vêtements anyway ?
« T’es un dégonflé, Hartfield. » A l’autre bout du fil le rugbyman avait grogné quelque chose d’intelligible. « Je sais pas quelle cravate mettre. » s’était de côté lamenté Hassan, son téléphone posé en haut-parleur sur la pile de tee-shirts de son dressing « Tu m’aides pas, vieux. » - « Fais-voir. » Récupérant son téléphone le brun avait photographié l’association de sa veste avec les deux cravates en question avant de les envoyer à Leilani « Elle a raison, arrête de tergiverser et ramène-toi ce soir. » Laissant passer quelques secondes la jeune femme avait tranché « La deuxième. Et je veux une photo de mes deux boys ce soir. » A défaut de pouvoir être présente elle aussi, tous les trois ayant déjà loupé le coche de la précédente réunion des anciens cinq ans auparavant. « Je vais avoir l’air stupide si je me pointe seul. Et puis … » La phrase restant en suspend Leilani avait creusé « Et puis quoi ? » Et puis il allait falloir assumer la direction qu’avait pris leur vie, et là-dessus Hassan ne pouvait pas jeter la pierre à son ami – il n’était pas beaucoup plus à l’aise avec l’idée. « Tu réfléchis trop. Et puis c’est pas parce que tu viens seul … que tu es forcé de repartir seul. » L’argument faisant néanmoins plus mouche chez Leilani que chez Rhett, ce dernier y était allé d’un soupir laissant croire qu’on lui demandait de s’acquitter de la plus grande des corvées. Alors que tout était une question de perspective, en fin de compte … De perspective, et de l’importance que l’on accordait à la possibilité de se remplir l’estomac à l’œil, tout en espérant que les autres seraient trop inquiets à l’idée d’arrondir les angles de leurs propres échecs pour se soucier de ceux des autres. « J'ai pas de voisine tombée du ciel au dernier moment pour me sauver la mise. » Reste qu’Hassan ne s’était pas aventuré à demander pourquoi Rhett n’avait pas tout simplement proposé à Leena de l’accompagner, de la même manière que ce dernier n’avait pas questionné les raisons pour lesquelles le brun y allait en compagnie de Kelly plutôt que de Gwen – ou d’une autre. Discutant encore un peu tous les trois, ils avaient finalement coupé la communication lorsque les enfants de Leilani étaient rentrés de l’école, et Hassan avait observé du coin de l’œil la mèche de ses cheveux qui refusait de coopérer et retombait sur son front alors qu’il terminait de nouer sa cravate. Il n’aimait pas cela – les cravates, pas les mèches rebelles – mais sans le savoir Clara était parvenue à choisir une teinte de grenat qui se mariait à la perfection avec le costume prune qu’il avait fait faire sur mesure l’année précédente, après avoir enfin retrouvé un poids et une carrure dont la maladie l’avait un temps privé. L’intuition féminine, sans doute, à moins qu’elle n’ait demandé conseil à Nicolas pour faire son choix lorsqu’elle s’était mise en quête des cadeaux de Noël. Passant son index sur le bout de sa langue, le brun avait tenté de remettre sa mèche récalcitrante dans le droit chemin, récupéré son téléphone pour le glisser dans la poche de son pantalon, et attrapé sa veste sur le bord du lit avant de regagner le rez-de-chaussée.
Un coup d’œil machinal à sa montre, la vérification que ses deux monstres avaient suffisamment d’eau dans leurs gamelles respectives et que la baie vitrée entre la cuisine et le jardin était bien ouverte pour leur permettre d’aller et venir, et ses chaussures enfilées d’un coup de talon plus tard, la sonnette avait retenti pile à l’heure – et non sans déclencher les aboiements déchainés d’un Spike qui visiblement ne s’y habituerait jamais, quand son comparse préférait largement continuer de lézarder dans l’herbe à l’arrière de la maison. Sur le seuil, Kelly avait affiché un sourire pour accompagner son « Bonsoir. » et les lèvres d’Hassan s’étaient étirées de la même façon, son propre « Bonsoir. » rapidement balayé par l’ait hésitant qu’avait adopté la jeune femme avant de hasarder « Tu ... continues de gagner le challenge contre la gravité. » en désignant sa tignasse. Et cette mèche rebelle, qui à nouveau faisait un caprice et qu’il sentait sur le haut de son front. « C’est définitivement l’un de mes talents cachés. » s’en était-il par conséquent amusé, le bout des doigts tentant de discipliner ce qui, à l’évidence, refusait de l’être. Moins inspiré – ou plus consensuel, selon les points de vue – lui s’en était tenu à un « Tu es ravissante. » non moins sincère, s’autorisant l’espace d’une seconde à détailler du regard la robe de Kelly avant que cette dernière ne reprenne « On y va ? J’ai peur que si on arrive une minute trop tard, on ne se retrouve qu’avec les canapés à la crevette. » Grimaçant à cette perspective, certain que celui capable de lui faire avaler quoi que ce soit avec de la crevette ou du crabe n’était pas encore né, il avait vérifié une dernière fois que son téléphone était bien dans sa poche de pantalon et son portefeuille dans celle de sa veste, et attrapé ses clefs de voiture sur le guéridon de l’entrée. « On y va. On prend ma voiture ? On pourra se garer sur le parking des profs. » Plus proche, moins pris d’assaut, bref plus pratique – et rien à voir , évidemment, avec le fait que la Mini Cooper vert pomme de sa voisine était de taille à lui faire perdre des points sur l’échelle de la virilité. S’étant contenté de sa moto durant deux ans après avoir récupéré son permis de conduire, le brun s’était décidé à en racheter une au début de l’été – une Mazda 3 d’un rouge rubis, que son frère qualifiait de « voiture de divorcé » sans doute à raison – poussé à la fois par le besoin d’un véhicule dans lequel il pourrait transporter ses deux chiens, et par le côté profondément étouffant d’un combo casque-blouson de motard sous la chaleur écrasante d’un mois de janvier. Descendant le premier les marches du porche, il avait déverrouillé le véhicule et laissé Kelly monter la première avant de prendre place sur le siège du conducteur. « J’ai touché du bois toute la journée pour être sûr de ne rien renverser et de ne pas salir cette veste ce soir, j’ai espoir de nous faire enfin sortir de ce cercle vicieux. » Attachant sa ceinture, il avait tourné la tête vers sa passagère, souriant d’un air espiègle avant de démarrer et d’enclencher la marche arrière pour regagner la route. Laissant la radio aller en fond sonore à son niveau le plus bas, le brun avait attendu qu’ils aient tourné au bout de la rue pour préciser « Je ne suis pas allé à la précédente soirée des anciens. Celle d’il y a cinq ans. » pas tant dans le but de se justifier à ce sujet que dans celui de pouvoir demander ensuite « Toi oui ? » avec un brin de curiosité. À cette époque bien trop occupé à finaliser un divorce pendant que sa santé faisait le grand-huit, s’y rendre n’avait pas plus été une envie qu’une option pour lui. Mais au fond c’était un peu la roulette russe, et parvenir à aligner temps, envie et occasion de se rendre à ce genre d’événement relevait d’avantage de la chance et du hasard du calendrier.
Elle se sentait naïve et vulnérable, sur le pas de cette porte qu’elle n’avait traversée qu’une poignée de fois. Un doux frisson froid caressait ses bras nus, et elle savait que cela n’était pas la brise du soir qui commençait à se lever. C’était l’appréhension et l’excitation. Si Kelly était prête, il n’y avait que quelques minutes de cela, à tout annuler au profit de son naturel angoissé, elle avait hâte de prendre la route et de passer cette soirée avec Hassan. Mais pour le moment, son coeur battait avec irrégularité tandis que son esprit se trouvait encore quelque part dans l’entre-deux, la faisant bredouiller et piétiner avec un brin de nervosité. Heureusement que son voisin avait le don de la faire sourire, armé de ses touches d’ironie pétillantes. « C’est définitivement l’un de mes talents cachés. » avait-il répondu à la remarque de la brune à propos de sa crinière en éternel désaccord avec les lois de Newton. “Pas si caché que ça.” soulignait-elle, car les cheveux, pour Hassan, étaient l’équivalent du nez au milieu de la figure chez les autres. Ils les avaient tous deux fort jolis, mais la langue de Kelly avait visiblement trébuché sur tous les compliments normaux au profit de son observation décalée. Cela ne l’empêchait pas d’attendre de la part de son cavalier du soir qu’il lui retourne la pareille d’une manière ou d’une autre -et elle ne comptait ni bouger, ni poursuivre l’échange tant qu’elle n’aurait pas reçu un qualificatif décent pour refléter ses longues heures de préparation, autant pour le choix de la robe que pour la coiffure et le maquillage. « Tu es ravissante. » finit-il par articuler -pas trop tôt. L’australienne savait parfaitement qu’elle était même plus que ravissante, mais elle acceptait l’euphémisme avec un sourire se voulant presque embarrassé et surpris. “Merci.” souffla-t-elle avant de retrouver son pragmatisme et d’inviter Hassan à se mettre en chemin. L’argument du ventre faisant toujours aussi bien son effet, celui-ci se pressa d’attraper les clés de la voiture d’une main, et fermer la porte d’entrée de l’autre. Au bord de la chaussée, on pouvait constater le drastique contraste entre l’automobile de la jeune femme et celle de son voisin, autant dans les formes que dans les couleurs. Tout dans leurs aspects laissaient deviner des caractères très différents. « On prend ma voiture ? On pourra se garer sur le parking des profs. » fut l’argument avancé par le brun. “Accès VIP en somme ? Ça me plaît bien.” Et sans se faire prier, Lee s’installa dans la Mazda.
On devinait encore une odeur de neuf persistante dans l’habitacle. Ce genre de détails ne passaient jamais inaperçus sous le nez délicat de la jeune femme. Une fois sa ceinture bouclée, son regard poursuivit son concis tour du propriétaire à la recherche de bazar dans le porte-gobelet, décoration suspendue au rétroviseur, ou peut-être une pelle sur la banquette arrière, savait-on jamais. « J’ai touché du bois toute la journée pour être sûr de ne rien renverser et de ne pas salir cette veste ce soir, j’ai espoir de nous faire enfin sortir de ce cercle vicieux. » Elle approuva, sans avouer tout haut qu’elle les aimait bien, leurs incidents. C’était comme dans les films. “Au cas où, j'ai dégainé la robe noire.” Là-dessus, les tâches ne se verraient pas. Cela n’avait en réalité rien d’intentionnel et n’était que le fruit d’un heureux concours de circonstances mis à son profit. Lee répondit au sourire d’Hassan avec la même malice, et attendit qu’il porte son attention sur la route pour laisser un peu de rose colorer ses pommettes déjà poudrées. Il n’était plus question de se défiler désormais, et il ne restait plus qu’à croiser les doigts pour qu’elle ne soit pas condamnée à discuter de son divorce en long, en large et en travers avec ses anciens camarades durant cette réunion. « Je ne suis pas allé à la précédente soirée des anciens. Celle d’il y a cinq ans. Toi oui ? » Avait-elle l’air de quelqu’un qui serait passé à côté de l’occasion d’étaler son bonheur et sa réussite auprès de tout le monde ? Voyons. “Avec Chad, oui.” répondit-elle, forcée de constater que beaucoup de choses avaient changé en si peu de temps. Des choses qu’elle pensait immuables. Elle reprit, les souvenirs aussi vifs que si les événements avaient eu lieu la veille ; “Le DJ était très inspiré par la zumba et le zouk, bien plus que par les années 80 comme n'importe quel DJ signe de ce nom.” Ils n'avaient donc pas eu droit au classique combo des indémodables Wannabe, Bohemian Rapsody et Sweet Dreams. Au moins, les invités présents à l'époque avaient bien ri de ce choix manqué de musique. Lee avait pris soin de documenter la soirée sur ses réseaux sociaux -sachant que les likes ne pleuveraient pas avant seize heures le lendemain, le temps que les métabolismes des trentenaires se remettent de leurs émotions et que les enfants soient calés devant La Reine des Neiges. Elle avait également effectué une tournée de selfies avec tous ses anciens camarades qu'elle adorait tous tellement et qui lui avaient tant manqué. “C'était… spécial.” conclut-elle avec un petit rire nostalgique. Autant dire qu'elle s'était tenue à l'écart de la chenille collé-serré qui avait parcouru le gymnase en long et en large un peu avant minuit, une fois le punch fort dosé transvasé des gobelets américains aux artères des anciens élèves. Il était à parier que, même ivre, elle n'y aurait pas pris part. De toute façon, la brune avait une bien trop grande résistance à l'alcool et un self control à toute épreuve qui la sauvaient bien souvent des situations embarrassantes liées à la boisson et à toutes les stupidités qu'elle murmurait aux oreilles des hommes. Non, le jour où elle avait montré ses seins à Coachella ne comptait pas. C'était un coup de vent. “Merci encore de m'y accompagner cette fois. Je ne me serais vraiment pas vue y aller seule.” Elle n’y serait tout bonnement pas allée, dans ce cas-là, ce qui aurait été un encore plus grand aveu de défaite que de se présenter en divorcée ne se laissant pas abattre. “Alors que venir en duo de divorcés, ça fait comme si on lançait un club, hein ?”
Jusqu’ici pantins d’un hasard qui seul avait décidé, par deux fois, de leur donner l’occasion d’échanger plus que quelques mots de voisins partageant le même quartier en bonne intelligence, Kelly et Hassan expérimentaient là pour la première fois la possibilité de passer du temps ensemble tout en l’ayant choisi. En cela l’initiative revenait néanmoins entièrement à la jeune femme, qui la première avait lancé l’invitation pour une soirée à laquelle le brun n’aurait lui sans doute pas eu la jugeote de la convier ; Peut-être même ne serait-il pas allé, prouvant ainsi que les excuses toutes faites balancées à Rhett au téléphone un peu plus tôt n’avaient de valeur à ses yeux que parce qu’il n’était pas dans la même situation que lui. Toujours est-il que la situation différant des fois précédentes Hassan espérait bien s’en tirer cette fois-ci sans accident dont ses vêtements seraient une nouvelle fois les victimes collatérales, et faire ainsi mentir le dicton qui assurait pourtant que « jamais deux sans trois ». « Au cas où, j'ai dégainé la robe noire. » avait de son côté fait valoir Kelly, au choix diablement bien accordée ou diablement prévoyante, et obtenant du brun un sourire amusé et un « Et prévoyante, avec ça. » pour l’accompagner, avant que la voiture ne quitte pour de bon la rue où l’un et l’autre vivaient dans une apparente tranquillité. Sous couvert de soirée se voulant bon enfant, ils s’apprêtaient l’un et l’autre pourtant à se jeter dans ce que l’on faisait de plus cynique en termes de bilan sur sa propre vie : les soirées d’anciens élèves n’étaient rien de moins qu’une manière acceptable de satisfaire la curiosité un brin malsaine dont chacun s’était au moins une fois déjà senti habité en repensant à ses années d’études. Se demander ce qu’étaient devenus ces gens qu’on avait côtoyé pendant ce qui à l’époque avait semblé être une éternité, et face auxquels les chances d’estimer meilleure sa propre réussite étaient les plus élevées. Sans qu’il n’en soit réellement surpris, Lee avait confirmé avoir déjà pris part à la précédente édition de ces retrouvailles organisées « Avec Chad, oui. » et enchaîné sans se faire prier plus longtemps sur l’avis qu’elle en gardait quelques années après. « Le DJ était très inspiré par la zumba et le zouk, bien plus que par les années 80 comme n'importe quel DJ signe de ce nom. C'était … spécial. » Contre toute attente, et l’effet probablement exacerbé par le fait qu’il se devait de regarder un minimum la route en conduisant, Hassan n’aurait pas été capable à l’expression présente sur le visage de Kelly de déterminer si le qualificatif « spécial » en faisant un bon ou un mauvais souvenir à ses yeux. « Qui aurait cru que se cachait en toi une amatrice du synthé et de la période où George Michael portait du rose. » De la période où George Michael était encore en vie, aussi, mais étonnamment le brun avait préféré jouer la carte de la référence vestimentaire pour appuyer son point. « Merci encore de m'y accompagner cette fois. Je ne me serais vraiment pas vue y aller seule. » avait en tout cas repris la jeune femme avant d’ajouter « Alors que venir en duo de divorcés, ça fait comme si on lançait un club, hein ? » d’un ton que l’on sentait être celui de quelqu’un qui tentait avant tout de se persuader elle-même. Et si au fond de lui Hassan savait qu’il n’aurait probablement pas fait l’effort de donner suite à l’invitation s’il avait fallu qu’il se rende seul à la soirée, son statut de divorcé en revanche n’était plus quelque chose qu’il trainait tel le fardeau d’un échec. « Y’aura probablement autant si ce n’est plus de divorcés que de gens avec la bague au doigt, tu sais. C’est un peu le mal de notre époque, le divorce. » Certains diraient que cela démontrait une certaine tendance à l’égoïsme qui croissait, couplée à l’incapacité à faire des concessions. Du point de vue d’Hassan, cela démontrait simplement d’une époque où l’on ne se sentait pas obligé de rester avec quelqu’un que l’on n’aimait – voir que l’on ne supportait – plus pour le reste de sa vie simplement par volonté de ne pas perdre la face. « Mais il n’y a pas de quoi, ça me fait plaisir. Et cette fois-ci pas question que je te laisse filer avec le premier retardataire venu. » Ponctuant sa phrase d’un clin d’œil, il avait appuyé sur l’accélérateur à peine la voiture ayant atteint la voie rapide, et triturant d’une main les boutons de l’autoradio il avait à peine laissé le temps d’en placer une à celle qui présentait le bulletin météo et modifié la station jusqu’à s’arrêter sur le second couplet de Tainted Love en commentant « Tiens, de quoi forcer le destin et espérer pour un DJ digne de ce nom. » Dès lors Hassan n’avait pu s’empêcher de battre la mesure du bout des doigts sur son volant, adressant parfois un coup d’œil ou un sourire dans la direction de Kelly et les amenant finalement jusqu’à bon port, coupant le ronronnement du moteur une fois la Mazda immobilisée dans le parking du personnel, à cette heure-ci peuplé d’une dizaine de véhicules seulement. Récupérant sa veste jusque-là abandonnée sur la banquette arrière, il verrouillé la voiture et fait disparaître la clef dans la poche de son pantalon, et offert son bras droit à Kelly « Prête ? »
Alors que la voiture faisait route en direction de l’université où leurs chemins s’étaient croisés la première fois, Kelly narrait la précédente réunion d’anciens élèves qui s’était tenue quelques années auparavant à un Hassan n’avait pu s’y rendre. Le souvenir en était encore aussi vif que s’il s’agissait de la soirée de la veille dans les archives étendues de l’australienne. Elle se revoyait un tantinet boudeuse face à cette ambiance qui ne collait pas vraiment aux standards du genre, bien qu’elle faisait alors mine de s’en amuser comme les autres qui n’estimaient que le mauvais choix de DJ n’était qu’un détail cocasse. Ce n’était qu’avec le recul qu’elle parvenait à esquisser un sourire sincère, songeant que cela n’avait pas été si mal et regrettant finalement de ne pas avoir plus profité de l’événement à ce moment-là. « Qui aurait cru que se cachait en toi une amatrice du synthé et de la période où George Michael portait du rose. » souligna son cavalier à tort, ce que Lee ne releva pas tout haut. La méprise du brun à propos de ses goûts musicaux semblant jouer en sa faveur, elle préféra sourire sans acquiescer ni réfuter. Elle n’était pas nécessairement férue de pop électronique, encore moins des mélodies païennes d’un dégénéré qui n’eut daigné quitter ce monde plus tôt. Kelly écoutait ce que la radio lui servait et retenait les paroles sans implication émotionnelle dans le processus. Ses cours de guitare avec Kane lui permettaient de développer un brin de sensibilité pour l’art de la musique sans pour autant lui conférer un goût pour un style en particulier. En somme, elle entendait la musique, mais ne l’écoutait pas. Une distanciation qui n’était certainement pas sans lien avec le caractère formellement interdit de toute cette culture populaire jusqu’à un âge tardif de la jeune femme. C’était comme si tout ceci appartenait à un autre monde ; un monde dans lequel elle baignait et tentait de se fondre totalement, sans jamais parvenir à s’y intégrer plus qu’en façade. Des résidus d’éducation qu’elle mettait à l’épreuve chaque jour dans l’espoir de s’affranchir de son éternelle apathie. Elle avait même regardé Harry Potter pour la première fois la semaine précédente. « Y’aura probablement autant si ce n’est plus de divorcés que de gens avec la bague au doigt, tu sais. C’est un peu le mal de notre époque, le divorce. » Pour Kelly, cela était un mal plus grand encore, au delà qu’un simple statut dont elle peinait à prendre l’habitude. Elle acquiesça, retenant un soupir de dépits. En dehors de sa cousine Leena, l’australienne n’avait pas fait mention des adieux de ses parents à qui que ce soit. L’environnement dans lequel elle avait grandi était un sujet qu’elle n’abordait que rarement. Son divorce, elle le payait au prix fort. Et malgré tout, rien ne parvenait à le lui faire regretter. « Mais il n’y a pas de quoi, ça me fait plaisir. Et cette fois-ci pas question que je te laisse filer avec le premier retardataire venu. » Son sourire s’élargit, son coeur était plus léger tandis qu’elle balayait toutes ces pensées appartenant au passé. "Aucune chance que je refasse la même erreur deux fois."
Elle se surprit à apprécier ces quelques morceaux qu’elle ne connaissait pas forcément passant sur cette station de radio qui ne lui était pas familière. Cela était sûrement le fait de Hassan, la manière dont ses doigts tapotaient sur les mélodies et rendaient le rythme communicatif. Ou était-ce les quelques sourires échangés, sur la route, qui lui faisaient aimer n’importe quelle bande son s’imposant à ce moment-là ? Mais la légèreté de l’habitacle retomba côté passager lorsque le véhicule s’arrêta sur le parking de l’université. Alors ses tripes se lancèrent dans un concours de noeuds de marin dont l’issue n’était qu’une vague nausée. « Prête ? » Lee répondit le plus honnêtement du monde, avec une simple sincérité et une telle spontanéité qu’elle méritait d’être soulignée ; "Non." Mais elle s’arma de son sourire, qu’elle adressa à Hassan afin de le rassurer : elle ne serait pas le boulet de sa soirée et comptait bien tirer le meilleur de ce moment avec lui et tous les anciens camarades présents à l’intérieur. De toute manière, elle n’était pas du genre à reculer face à une difficulté, ni à s’admettre vaincue. Elle sortirait de cette voiture quoi qu’il advienne, le menton haut et fier, prête à en découdre. "J'espère que tu es du genre à te déhancher, j'ai une réputation à tenir." fit-elle malicieusement avant de poser le talon sur le bitume, quitter l’habitacle et refermer la portière derrière elle.
On ne pouvait pas dire que la soirée battait son plein lorsqu’ils entrèrent dans la salle, mais les anciens étudiants n’avaient visiblement besoin que d’un peu d’échauffement et deux verres de punch pour que l’atmosphère se détende une fois le bal de retrouvailles passé. Bien entendu, ils eurent droit à leur propre bain de "Hé !", "Ca va ?", "Ça fait si plaisir de te revoir !" lancés avec un enthousiasme que Kelly leur rendait volontiers, quitte à le feindre avec une terrible facilité. Une dizaine de bises plus tard et bien des paroles d’usage échangées sur fond de musique trop forte, la soif commença à se faire sentir. “Je vais nous chercher à boire.” se proposa la brune avant de s’éclipser en direction du bar sans oublier de repérer, au préalable, où son cavalier stationnait. Il y avait la queue à l’unique stand de boissons, sûrement une manière de modérer la consommation de ceux qui espéreraient avoir encore aujourd’hui l'endurance de leurs vingts ans. C’était Jenny, en face d’elle. D’un gabarit similaire à celui de Kelly, la jeune femme se distinguait surtout par ce bonnet D qui en faisait loucher plus d’un à l’époque -et un peu moins maintenant que deux enfants étaient passés par là. Si Lee n’avait pas été du genre reine des abeilles, elle avait, pendant ses études, son propre entourage de jeunes femmes qui ne servaient véritablement qu’à la mettre en valeur tandis qu’elle écumait les événements hypes. Des “amies” qui n’avaient pas fait long feu une fois le diplôme en poche et leur utilisé arrivée à péremption. "Où est Chad ?” demanda l’autre brune, désormais directrice des ventes dans une grande boîte où son décolleté avait eu plus de chances de convaincre le RH que son CV inexistant ou le vide entre ses deux oreilles. “Je ne sais pas s’il compte venir… - Vous n’êtes pas venus ensemble ? - Non.” Cela aurait suffit à mettre la puce à l’oreille de n’importe qui, mais que ce soit par sincère empathie ou par simple besoin d’entendre les termes de son triomphe sur son ancienne cheffe de meute de vive voix par celle-ci, Jenny insista. “Tout va bien entre vous ?” Mentir ne lui venant pas à l’esprit, Kelly confessa de but en blanc ; “Nous… nous avons divorcé.” Son ancienne camarade s’excusa, elle ne savait pas pourquoi et songeait que la jeune femme non plus, au fond, que cela n’était qu’une habitude de langage qu’elle connaissait bien. Mais elle fit mine d’en être touchée malgré tout, avant de balayer le sujet fâcheux du revers de la main et prendre les deux verres qui lui étaient tendus par le serveur du stand. “Mais tout va bien, je t’assure. Je suis venue avec Hassan.” ajouta-t-elle en indiquant son cavalier que l’on pouvait apercevoir entre deux paires d’épaules, à quelques mètres de là. “D’ailleurs, je devrais lui donner ça. Excuse-moi.” Et sans laisser de fenêtre d’opportunité à Jenny d’ajouter quoi que ce soit que son regard bourré sous-entendus ne laissait déjà comprendre, la sommelière tourna ses hauts talons.
“Gin tonic, sans gin.” Verre tendu vers le brun, sourire immaculé, Kelly n’était pas peu soulagée d’être de retour à ses côtés avant que la conversation à laquelle elle venait d’échapper ne devienne plus gênante qu’elle ne l’était déjà. “Je crois que Jenny pense que…” Mais dans sa tentative d’en faire le résumé à Hassan, la jeune femme eut à peine le temps de commencer à s’exprimer qu’une nouvelle sollicitation s’imposa à elle. Un “Lee ?” comme soufflé par un fantôme dans son dos, ou plutôt un autre témoin du passé auquel elle fit face en se retournant. “Kelly Ward ?” Elle-même, mais il lui fut bien plus difficile pour remettre le nom de cet homme. Son regard se posa sur le nom gribouillé sur l’étiquette plaquée à sa veste de costume bon marché, et ses yeux manquèrent de s’écarquiller d’une manière bien peu respectueuse lorsqu’elle put enfin associer ce faciès avec l’un de ceux qu’elle avait connu dix ans plus tôt. “Hey, Trent.” Difficile de croire qu’une petite décennie était capable d’autant de ravages ; celui qui fut le mister popularité de sa promotion arborait une brillante calvitie en lieu et place de sa chevelure blonde d’autrefois, et une imposante bedaine là où de sculpturaux abdominaux avaient un jour fait baver bien des jeunes femmes en quête d’affection. “Ca fait tellement bizarre !” lança-t-il avec un enthousiasme loin d’être partagé, à en deviner par le sourire légèrement crispé de Kelly et son malaise palpable lorsque Trent l’attira dans ses bras où un festival de la sueur prenait place au niveau des aisselles -en se fichant bien de son consentement. “T’es toujours aussi superbe. T’as pas changé.” Ne pouvant retourner le compliment, la brune demeura muette. “Et toujours avec…” Il avait attrapé cette habitude de claquer des doigts lorsqu’il fouillait dans sa mémoire en quête d’un nom ou d’un mot lui échappant. Elle trouvait cela irritant. “Chad. Non, plus maintenant.” Kelly regretta un peu plus amèrement son honnêteté lorsqu’elle comprit qu’elle venait d’ouvrir en grand la porte que Trent était venu enfoncer en l’abordant ce soir -cet espoir de revivre l’unique nuit passée ensemble dix ans plus tard, comme un pied de nez au temps qui passait cruellement sur lui. “Je ne sais pas si vous vous connaissez, reprit-elle à l’intention d’Hassan, n’oubliant pas la politesse malgré tout. Trent était en commerce avec moi.” Il y avait quelque chose dans l’accentuation de ses voyelles qui laissait lire en elle, qui faisait transparaître son malaise et la crispation, la répugnance que sa présence lui inspirait. C’était sans compter sur le trait d’humour qu’il ajouta, suivi d’un rire aussi gras qu’un plat de nachos au cheddar ; “J’avais des cheveux, avant.”
Très vite Hassan avait pu se rendre compte par lui-même que ceux qui, comme lui, n’avaient pas brillé par leur présence lors de la dernière soirée des anciens élèves de leur promotion étaient une minorité lors de ce second round. Probablement parce que ceux qui n’avaient pas témoigné d’intérêt cinq ans plus tôt pour l’événement n’avaient aucune raison de changer d’opinion à l’issue de la décennie – pour le brun, en revanche, il ne s’agissait que d’une question de timing. Emboîtant le pas de Kelly, il avait mis un peu plus de temps qu’elle à feindre d’être totalement à l’aise chaque fois qu’ils croisaient un visage familier et devaient, elle ou lui, faire un brin de conversation et répondre honnêtement tout en éludant les sujets qui fâchaient. Il y avait eu Meredith, major de la promo d’Hassan et ayant eu l’air véritablement sincère lorsqu’elle s’était fendue d’un « Oh, quelle dommage, vous formiez un si joli petit couple. » en apprenant sa séparation d’avec Joanne, Barry et sa façon de se rappeler le « bon temps » comme s’il n’avait pas connu de meilleurs jours depuis ceux vécus durant sa période universitaire, ou encore Sandra dont il ne se rappelait que vaguement malgré son accolade enjouée, le faisant se demander silencieusement s’ils avaient échangé autre chose que des fluides pour qu’elle ait aussi peu marqué son esprit, et terminant de le mettre mal à l’aise lorsqu’elle avait embrayé en assurant l’avoir reconnu tout de suite lorsqu’elle l’avait vu sur l’écran de sa télévision à peine dix jours plus tôt. « Tu sais, mon frère aussi a fait une dépression après avoir perdu son travail. » lui avait-elle alors glissé d’un ton compatissant, presque prête à se réjouir de ce point commun qui n’en était en réalité pas un, Hassan laissant un « Oh, cool. » maladroit lui échapper avant de se reprendre un peu précipitamment. « Enfin, non, pas cool. » et de profiter de la seconde de flottement qui s’en était suivi pour s’éclaircir la gorge et prendre congé en prétextant avoir quelqu’un à retrouver. Rien de plus que la vérité dans le fond, puisqu’apercevant la silhouette de Kelly qui revenait avec leurs boissons il s’était contenté de la retrouver à mi-chemin, notant au passage le pas un peu pressé avec lequel elle l’avait rejoint et tablant un peu hasardeusement sur le fait qu’elle avait dû faire une rencontre dont elle se serait volontiers passée elle aussi. « Gin tonic, sans gin. » Se saisissant du verre en la remerciant, il s’était fendu d’un « Mes préférés. » léger et prévoyait de lui demander ce qu’elle avait bien pu croiser sur son chemin qui l’ait fait revenir avec l’air d’un poussin ayant fait une halte dans une rôtisserie, mais le prenant de vitesse elle confiait déjà « Je crois que Jenny pense que … » Mais le brun n’avait eu l’occasion ni de savoir ce que Jenny pensait ni même de demander qui était Jenny au juste puisqu’ils avaient été interrompus par une voix masculine semblant sortir de nulle part. « Lee ? » Penchant légèrement la tête pour regarder par-dessus l’épaule de la concernée, il avait adressé un regard poli à celui qui, la surprise passée, venait de répéter « Kelly Ward ? » avec bonhommie. Visiblement loin de partager la bonne surprise, la brune l’avait regardé avec un vague air de biche effrayée avant de le gratifier d’un « Hey, Trent. » poli, tout au plus. Le genre de politesse qu’Hassan l’avait déjà vu utiliser avec la retraitée du bout de la rue chaque fois qu’elle était d’humeur à faire un brin de causette mais que l’humeur en question n’était pas partagée. « Ça fait tellement bizarre ! T’es toujours aussi superbe. T’as pas changé. Et toujours avec … » La voilà déjà, la question qui fâchait. « Chad. Non, plus maintenant. » S’éclaircissant la gorge dans le simple but de faire remarquer au nouveau venu que s’immiscer dans une conversation en en ignorant la moitié des participants n’était pas d’une politesse folle, ce fut finalement Kelly qui se chargea des présentations « Je ne sais pas si vous vous connaissez, Trent était en commerce avec moi. » sa voix grimpant au passage d’une ou deux octaves sans que son ancien camarade de promo ne semble rien remarquer. « J’avais des cheveux, avant. »Tendant sa main pour serrer poliment celle de l’ancien chevelu, le brun avait répondu sur le même ton « Les aléas de la décennie, uh ? » tout en passant mentalement en revue ses souvenirs pour déterminer si oui ou non le dénommé Trent et lui s’étaient déjà côtoyés. Mais s’il avait le même âge que Kelly, sans doute que non – Hassan n’avait jamais porté grand intérêt aux élèves plus jeunes que lui, à moins bien sûr que le décolleté n’ait été suffisamment plongeant ou le short suffisamment court. « Je ne pense pas qu’on se soit déjà croisés, cela dit. Mais c’est un peu la loterie de ce genre de soirées. » S’il aurait sans doute pu continuer à faire la conversation pour deux en comptant sur sa capacité à sympathiser pour trois fois rien, le silence dans lequel en avait profité pour se terrer Kelly – pourtant rarement à court de bavardages – l’avait persuadé d’abréger au plus vite la discussion. « Désolé je vais devoir te reprendre Kelly. J’ai promis de la présenter à quelqu’un et il va falloir qu’on parte à sa recherche. Bonne soirée ? » Cachant mal une certaine déception, le dénommé Trent avait tenté de garder la face en répondant « Oh, oui, j’ai d’autres personnes à voir de mon côté aussi. Peut-être à plus tard ? » obtenant de la part d’Hassan un sourire qui pouvait vouloir dire tout et son contraire, tandis que Kelly restait libre de lui donner oui ou non l’espoir de reprendre cette discussion quelques verres de punch et un tour sur la piste de danse plus tard. « Ça me fait plaisir de te revoir en tout cas, Kelly. » Offrant son bras à la jeune femme pour la persuader de se mettre en route, Hassan avait attendu qu’ils soient à distance raisonnable pour porter à nouveau son verre de Virgin Tonic à ses lèvres puis s’était risqué à demander « Mauvais souvenir ? » Le bonhomme n’avait pas l’air d’être un mauvais bougre, mais enfin, Kelly le connaissant sans doute mieux que lui. A voir son crâne chauve Hassan se félicitait seulement un peu plus que sa si précieuse chevelure ait repoussé après sa chimio, et machinalement il en avait passé une main sur le sommet de sa nuque, là où démarraient ses cheveux. « J’étais sérieux en tout cas, Rhett m’a proposé qu’on se retrouve cinq minutes un peu plus tard. Je ne sais pas si tu te souviens de lui ? Il était dans l’équipe de rugby avec Chad et moi – il a joué en équipe nationale, après ça. » avec les ragots et les articles des tabloïdes qui allaient avec, pour peu que l’on soit du genre à s’y intéresser un peu. Une presse-torchon qui s’était bien plus prompte à commenter la fin brutale de sa carrière que les résultats sportifs dans lesquels ils s’étaient précédemment illustré. « Bref. En attendant, il m’a semblé comprendre que tu étais venue là pour danser, alors je suggère qu’on aille gentiment faire un tour du côté de la piste … » Disant cela, il s’était tourné d’un tiers et avait désigné l’endroit où d’autres plus impatients qu’eux avaient déjà pris possession de l’espace pour tester leur déhanché. « Coucou vous deux ! » Enième personne à sembler surgir de nulle part, une petite rousse à l’air joviale et armée d’un appareil photo – elle s’appelait Norrie, comme en témoignant son name tag et comme Hassan le savait déjà pour avoir travaillé avec elle pour le BDE durant quelques temps – leur avait proposé avec enthousiasme « Vous vous laisseriez prendre en photo ? Elles seront mises en ligne sur le portail de l’université. » Haussant les épaules, le brun avait interrogé sa cavalière du regard tout en répondant « Pourquoi pas ? Ce Serait dommage de ne pas immortaliser une si jolie robe. » Dégainant déjà son appareil avec l’air de n’avoir de toute façon pas toute la soirée pour tergiverser, Norrie avait néanmoins appuyé les dires d’Hassan en ajoutant « Aussi jolie que celle de la soirée précédente, tu le saurais si tu n’avais pas joué les absents, Jaafari. » d’un ton faussement sévère, avant d’adresser un clin d’œil qui se voulait complice à l’intention de Kelly. Les mains levées en signe d’innocence, l’enseignant n’avait pas protesté et s’était contenté d’en passer une autour de la taille de la jeune femme le temps que l’objectif ne les capture – et que le flash ne les aveugle.
La présence de Trent avait jeté un froid évident pour tous, sauf peut-être le principal concerné. Incapable de trouver un moyen poli de se défaire de son ancien camarade et coup d’un soir, Lee avait passé le relais à Hassan afin de temporiser la situation -et l’inclure à sa détresse, au passage. Elle ne savait pas comment échapper à ses retrouvailles, si ce n’était en se taisant dans l’espoir que le silence la fasse disparaître. « Je ne pense pas qu’on se soit déjà croisés, cela dit. Mais c’est un peu la loterie de ce genre de soirées. » Kelly acquiesça d’un sourire pincé d’hypocrisie. Une loterie, oui, dont certains lots étaient plus plaisants que d’autres. Il y avait ceux que l’australienne avait hâte de revoir, d’anciens amis qu’elle n’avait pas l’occasion de voir en dehors de ces soirées -car dans une ville comme Brisbane, même les voisins d’une même rue ne se croisent parfois pas plus de deux fois dans l’année. Trent n’était pas sur cette liste. « Désolé je vais devoir te reprendre Kelly. J’ai promis de la présenter à quelqu’un et il va falloir qu’on parte à sa recherche. Bonne soirée ? » Son sauveur. Il n’avait ni cheval, ni armure, ni chevelure blonde soyeuse volant au gré du galop, mais cela n’avait pas la moindre importance en comparaison avec la fière chandelle que Kelly devait à Hassan dès lors qu’il sut la tirer hors de ces retrouvailles empruntes d’un profond malaise. « Oh, oui, j’ai d’autres personnes à voir de mon côté aussi. » répondit-il, laissant la jeune femme croire que cela n’était peut-être pas tout à fait vrai mais qu’il en coûtait trop à l’égo de l’ancien élève populaire de s’avouer qu’il avait perdu sa cote. « Ça me fait plaisir de te revoir en tout cas, Kelly. » Elle ne pouvait pas en dire autant, bien qu’elle se trouvait un peu dure avec Trent de penser ainsi. Il eut l’air si déçu, si attristé de ne pouvoir se greffer au duo pour le reste de la soirée, qu’elle réalisa, un peu tard, qu’il ne méritait peut-être pas tout le dégoût qu’elle avait ressenti en sa présence. Ce n’était pas un mauvais bougre. Mais il avait sérieusement besoin de déodorant. Lee lui jeta un dernier coup d’oeil par dessus l’épaule tandis qu’elle suivait Hassan qui l’escortait plus loin, bras dessus-bras dessous. « Mauvais souvenir ? » “Oui…” La Kelly de vingt ans en elle n’était pas du même avis. “Enfin, non, mais je n’avais pas vraiment envie qu’il s’incruste.” Elle eut un nouveau frisson en revivant intérieurement le moment où Trent l’avait prise dans ses bras, chose qu’elle n’aurait pas pu supporter une seconde fois. “C’est terrible, ce que dix ans peuvent faire à une personne.” ajouta-t-elle, songeant tout haut. Le temps est plus clément avec les uns, plus dur avec les autres. Peut-être était-il question d’équilibrer la balance du karma, ou une leçon à retenir ; qui a tout les avantages un jour, peut les perdre pour toujours. Elle se voyait elle-même, dix ans plus tôt, et réalisait qu’elle avait changé, elle aussi. Elle était loin, la fiancée Taylor à qui tout souriait, et tout promettait de sourire encore longtemps. Quoi que, dix ans, c’était long. Et c’était une longueur de bonheur plutôt descente. « J’étais sérieux en tout cas, reprit Hassan. Rhett m’a proposé qu’on se retrouve cinq minutes un peu plus tard. Je ne sais pas si tu te souviens de lui ? Il était dans l’équipe de rugby avec Chad et moi – il a joué en équipe nationale, après ça. » La brune avait sûrement oublié quelques noms de l’équipe de l’époque, mais sûrement pas celui de Rhett -et sa popularité n’y était pas pour rien. Si elle pouvait se vanter d’avoir été à l’université avec une célébrité du rugby australien, elle n’allait pas se gêner le moins du monde. Elle n’avait pas suivi sa carrière de près, mais assez pour se donner l’air de briller en société lorsque le sujet sportif était abordé. « Bref. En attendant, il m’a semblé comprendre que tu étais venue là pour danser, alors je suggère qu’on aille gentiment faire un tour du côté de la piste … » Le sourire de Kelly s’étira d’une oreille à l’autre, et sans attendre, elle tira un peu plus sur son bras comme pour atteindre ladite piste encore plus vite. Le prochain obstacle, comme la dernière péripétie dans leur épopée vers le DJ, se dressa bientôt devant eux, armé d’un appareil photo et d’un enthousiasme exacerbé. « Coucou vous deux ! Vous vous laisseriez prendre en photo ? Elles seront mises en ligne sur le portail de l’université. » S’il était une chose pour laquelle Lee était toujours partante, c’était bien d’être prise en photo -ou d’effectuer une dégustation de vins, mais ce n’était pas le propos. Il n’était même pas nécessaire de lui demander. Son sixième sens reptilien avait cette fulgurante capacité à repérer un objectif à vingt mètres à la ronde, lui permettant de prendre la meilleure pose selon l’angle de lui-ci avec la vivacité d’un suricate, sans pour autant avoir l’air moins naturelle. Un don qui se cultivait à toute occasion. « Pourquoi pas ? Ce Serait dommage de ne pas immortaliser une si jolie robe. » Elle acquiesça, les pommettes roses. « Aussi jolie que celle de la soirée précédente, tu le saurais si tu n’avais pas joué les absents, Jaafari. » Elle acquiesça encore plus, échangeant un regard complice avec la photographe avant de jeter un faux regard désapprobateur à Hassan qui acceptait le délicat reproche. Il avait passé une main autour de sa taille, ce qui fit bondir le coeur de Kelly de surprise et de ravissement. Le flash l’éblouit à peine, et pour cause, la jeune femme en avait oublié de tourner son regard vers l’objectif. Elle rosit d’embarras immédiatement en imaginait le résultat sur le cliché et l’air béat qu’elle aurait dessus. Puis le flash se jeta sur leurs visages une seconde fois, sur ce qui lui semble être une meilleure pose que la précédente. Mais contrairement à d’habitude, elle ne réclama pas son droit de visu sur le résultat, afin que son cavalier ne la découvre pas le dévisageant sur la première photo. Elle remercia simplement Norrie, et se saisit à nouveau du bras d’Hassan. “Allez, allons faire chauffer cette piste de danse.” Comme si elle ne pouvait plus attendre de briller sous les lumières, de relâcher un peu de cette pression qu’elle se mettait pour bien paraître ce soir, et tous les soirs, et tous les jours. Elle aimait danser, même si elle n’était pas certaine d’avoir le meilleur déhanché de la soirée. C’était peut-être une des rares choses pour laquelle la comparaison avec les autres femmes ne lui importait pas. Elle n’était même pas persuadée d’avoir un quelconque sens du rythme pour être honnête, et peut-être qu’aux yeux du reste des anciens, Kelly avait la grâce d’un phasme chaussant des palmes. Bien sûr qu’elle répétait devant le miroir. Elle pratiquait quelques mouvements clés dégotés dans des clips sur le net, rien de outrageux, mais de quoi s’éviter de totalement se planter par moments. Et petit à petit, même ces extraits de chorégraphies qu’elle connaissait par coeur n’avaient plus tant d’importance. Tous les autres devenaient de toute manière bien trop alcoolisés pour s’entre-juger. Elle s’était arrêtée au second verre, qui avait accompagné leur conversation avec Rhett lorsqu’ils étaient allés retrouver celui-ci -et leur souffle- pendant une pause. Ce fut à la fin de la soirée que Lee réalisa à quel point le poids de la perfection qui plombait sa poitrine au jour le jour s’était levé, que son divorce n’était plus la toile de fond de ses pensées, d’une angoisse quasi-permanente ; que son sourire n’avait pas besoin d’être forcé, réfléchi, que la mèche devant ses yeux n’éveillait pas en elle le besoin compulsif de se recoiffer. Et surtout, à quel point elle avait mal aux pieds. “Ouch…” grimaçait-elle légèrement en ôtant ses talons sur le parvis de l’Université, assise sur un banc. Ses orteils gonflés avaient rougis, et adopté la marque du rebord des escarpins. La sangle avait frotté sur ses malléoles, et son talon avait été épargné par les ampoules de justesse. Un carnage auquel elle n’aurait jamais laissé quiconque assister, si ce n’était pas Hassan et l’authenticité qui se dégageait de lui. “Il faut souffrir pour être belle, il paraît.” La vérité était aussi que Lee appréciait beaucoup se grandir de quelques centimètres, autant que l’allure que conféraient les talons à ses longues jambes fines. C’était un détail qui nourrissait sa confiance en elle, lorsqu’elle mettait le nez dehors. “Heureusement que c’est toi qui conduis.” ajouta-t-elle avec un petit rire. Et heureusement qu’ils étaient garés sur le parking des professeurs, bien plus proche de l’établissement, ce qui lui épargnait une trop longue marche pieds nus, les escarpins à la main.
« C’est terrible, ce que dix ans peuvent faire à une personne. » La phrase avait laissé Hassan songeur et lui était revenue en tête à plusieurs reprises au cours de la soirée, appliquée tour à tour à un convive, à un souvenir, et bien sûr à lui-même. Que restait-il de l’homme qu’il était dix ans plus tôt ? Moins qu’il ne l’avait imaginé. Moins qu’il ne l’aurait souhaité, en réalité. Il regrettait l’insouciance de cet homme qui avait conscience en l’avenir et pour qui le bonheur semblait couler de source – il lui en voulait aussi, d’avoir été aussi naïf et de s’être cru au-dessus du malheur et des déceptions. Terrible, ce que dix ans pouvaient faire à une personne. Latente, sa mélancolie ne l’avait cependant pas empêché de profiter de la soirée, et avait même fini par retourner se terrer dans un coin quelque part entre deux morceaux de musique. Face à Kelly il ne se sentait pas obligé de naviguer entre deux personnalités, il pouvait se contenter d’être la version la plus spontanée de lui-même, et si la sensation aurait probablement disparu après une nuit de sommeil, Hassan se sentait plus léger qu’il ne l’avait été depuis longtemps lorsqu'enfin ils avaient regagné la sortie. Sa veste jetée nonchalamment sur une épaule, les manches de sa chemise retroussées jusqu’aux coudes et un bouton supplémentaire de détaché, l’enseignant avait accueilli avec un léger soupir de satisfaction le brin de courant d’air venu les envelopper une fois dehors. Faisant halte sur un banc, Kelly et lui s’y étaient brièvement installés, le temps pour la jeune femme d'ôter ses talons dans un « Ouch… » d’inconfort et de soulagement mêlés. « Il faut souffrir pour être belle, il paraît. » s’en était-elle aussitôt justifiée tout en massant sa voute plantaire de manière totalement illusoire. « Heureusement que c’est toi qui conduis. » S’armant d’un sourire amusé, il n’avait pu s’empêcher de renchérir « Et heureusement pour moi que je ne conduis pas avec ces instruments de torture aux pieds. » bien que prêt à admettre volontiers que son œil appréciait l’effet d’une paire de jambes juchés sur des escarpins. Il en était presque aussi admiratif que le temps consacré par les femmes à leur maquillage chaque matin … Mais ça, probablement que de devoir se plier aux exigences de la maquilleuse d'ABC chaque jeudi soir n’y était pas étranger, et avait activé à ce sujet une compassion jusque-là inexistante. « Allez, avant que mon carrosse ne redevienne citrouille. » Offrant son bras à Kelly pour parcourir les quelques dizaines de mètres qui les séparaient du parking des professeurs, le brun avait poussé la galanterie jusqu’à ouvrir et fermer la portière de celle qui semblait s’être retransformée en étudiante le temps de la soirée. Bien que relativement silencieux, et troublé uniquement par le bruit du trafic à travers la vitre ouverte du côté conducteur, le trajet de retour avait semblé léger, chacun appréciant cette pause mentale et auditive après des heures passées dans une foule bruyante que tentait de couvrir la musique – bien plus au point que celle proposée cinq ans plus tôt, si Hassan en croyait tous les avis entendus à ce sujet au cours de la soirée. Le seul silence un peu gêné avait finalement été celui suivant le regard qu’ils avaient échangé à peine la voiture garée et le moteur coupé, avant que le brun ne s’éclaircisse la gorge et qu’ils ne quittent tous les deux l'habitacle. Raccompagnant Kelly jusqu’à la porte de la maison voisine, il jouait machinalement avec ses clefs de voiture lorsqu’il avait admis « Je n’avais pas vraiment prévu d’aller à cette soirée, à la base. » avant de hausser les épaules. Il avait loupé la précédente, alors à quoi bon ? Il n’avait plus du tout ce besoin qui l’animait plus jeune d’appartenir à un groupe. « Mais je suis content d’y être allé, finalement. C’était une bonne soirée, en bonne compagnie. » Était-ce une teinte supplémentaire de rose qui était montée aux joues de la brune ? La pénombre ne permettait pas de le dire, mais poussant sa chance un peu plus loin Hassan avait piqué un baiser furtif sur sa joue au moment de lui souhaiter « Bonne nuit. » et il était pratiquement certain de l’avoir vue rougir lorsque du bout de l’allée menant à la rue, il s’était retourné une dernière fois vers elle avant de rejoindre sa propre demeure. Assez pour qu’un sourire un peu bête ne le suive également sur quelques mètres, avant que l’accueil enthousiaste de ses deux chiens n'accapare toute son attention à peine passé le seuil de sa porte.