| | | (#)Ven 25 Jan 2019 - 14:59 | |
| BLAST FROM THE PAST hello, it's me... Mon reflet dans ce miroir sur pied alors que je me tiens droit devant comme un i au milieu de la pièce me renvoit l’image polie d’un homme que je n’avais pas vu depuis des semaines. Certes, je suis en jeans t-shirt stan smith, bien loin du costard et des pompes cirées que je portais au Japon, mais c’est toujours bien mieux que le look barbe de quinze jours dans laquelle on m’a presque littéralement cherché des poux à mon arrivée à l’aéroport de Brisbane, après avoir fui le pays du soleil levant.
Quelque chose que ne me renvoit pas mon reflet et qui à disparu depuis longtemps, c’est une étincelle de vie dans le regard. De nouveaux vêtements et une nouvelle paire de basket trompent peut être les nouvelles personnes que je rencontre à Brisbane mais cela ne tromperait pas mes proches, pas plus que j’arrive à me tromper moi-même dans tout ce que j’entreprend depuis que j’ai quitté l’Afrique en survivant. Je survis, à peine.
A peine, comme ce sourire qui daigne venir fendre l’expression grave que j’avais sur le visage, comme une lueur d’espoir que je distingue à peine dans la penombre d’un airbnb dont les rideaux sont restés fermés. Ce sourire est plus récent, c’est le même sourire que celui que j'ai eu la veille avant de tirer ma révérence pour quitter l'enceinte des bureaux de l'association Beauregard, j’avais aussi tiré mon plus beau sourire de politesse à l’employé qui m’avait reçu. C’est à lui que j’avais demandé des informations sur Katherine et visiblement j’avais fait une erreur. Visiblement sur la défensive, il avait menti, straight to my face. Sur place, je n’ai pas insisté d’avantage et je suis parti avec l’intime conviction que ça ne pouvait pas bien se terminer, donc, que ce n’était pas fini.
La boule de frustration qui s’éveille pour faire pression dans ma cage thoracique à besoin d’être apaisée, au risque qu’elle explose comme une supernova.
Je place mon casque sur les oreilles, et je lance la musique depuis mon téléphone. Quand je relève la tête vers le miroir ce n’est plus mon propre reflet que j’observe mais celui de la chambre derrière moi, du bordel que j’y ai foutu en un rien de temps depuis que je suis arrivé, ainsi que cette faible lueur d’espoir que j’espère bien saisir mais avant, je suis pris d’une frénésie au rythme de la musique qui me pousse à récupérer un grand sac shopping vide abandonné dans le dressing pour m’en servir de poubelle.
Lorsque tout est impeccable, en un rien de temps d’ailleurs, cette petite lumière me frappe comme une révélation. La pomme rétroéclairée de mon vieux macbook posé sur le lit se démarque encore plus alors je la rejoint avec la même impatience que j’ai dans mon désir de retrouver Katherine.
J’étais si pressé et si sur de moi en choisissant la piste de l’association Beauregard que je m’étais contenté d’en chercher l’adresse avant de m’y rendre le plus vite possible. Une fois encore, c’était une erreur et je suis atteré par mon manque de jugement.
Je prend le temps cette fois, le temps de me laisser porter de liens en liens, je m’attèle à faire des recherches dignes de ce nom. Après tout, à moins qu’elle aussi ai décidé de changer radicalement de vie et peut être même de pays depuis de le temps qui à passé depuis la dernière fois que nous nous sommes vus, quels sont les risques pour qu’un médecin comme Katherine n’ai pas laissé la moindre trace de son existence à Brisbane sur internet ? Je me flagèle encore mentalement de m’être précipité à l’association, une telle erreur de ma part trahi à quel point je me suis perdu, et l’émotion que je ressens lorsque cette nouvelle page s’affiche sur mon navigateur me fait rater un batement de coeur et espérer de plus belle que je puisse me retrouver moi-même en la retrouvant elle, plus belle que jamais sur la photo très corporate qui illustre la courte biographie de son site internet.
Malgré mes efforts pour me contenir je me précipite encore, cette fois sur mon téléphone. Dans la partie contact du site internet il y a le numéro du secrétariat de son cabinet médical, que je pianotte sur l’écran de mon téléphone, les doigts engourdis par l’impatience, même si je sais que les chances pour que ce soit elle qui décroche sont aussi minces qu’elles l’étaient de la revoir à l’association.
Alors ce n’est pas parce-que c’est le secrétariat qui répond à mon appel que mon coeur semble faire une chute vertigineuse avant de s’écraser au fond de mon estomac, c’est parce-que j’ai demandé un rendez-vous pour une consultation avec Katherine et qu’on me répond qu’elle est en congé maternité. La secrétaire m’annonce cependant avec enthousiasme qu’elle peut me proposer un rendez-vous avec un médecin remplaçant mais sa voix est distante, je ne l’écoute même plus, je lui raccorche carrément au nez pour m’étaler à la renverse sur mon lit.
Je n’ai pas besoin de faire le tri dans le fouilli de pensées qui me submergent, une parmi tant d’autre s’impose d’elle même et me frappe encore plus fort que ce que j’avais imaginé quand je m’étais préparé à ce que la femme que j’ai connu il y a longtemps ne soit plus tout à fait la même. Mais devenue maman, c’est un changement de vie tellement significatif que pour la première fois je réalise vraiment à quel point mon débarquement à Brisbane est sans doute malvenu, que je me suis planté de destination, que je n’ai peut être pas ma place ici entre un enfant qui commande toute son attention et le père de cet enfant qui me verrait débarquer avec autant d’enthousiasme et de sympathie à mon égard que l’autre énergumène à l’association.
Le projet, avant que je m’endorme près de l’ordinateur, c’était de plier baggages et de foutre le camp pour une nouvelle destination. La décision de laisser Katherine faire sa vie sans interférer était raisonnable, peut être même sage, mais elle semble s’être évanouie quand je me suis assoupi puisqu’il n’en est plus question à mon réveil. Je suis de nouveau sur le site internet à l’onglet contact, et cette fois c’est son adresse email qui m’intéresse.
De toutes les choses dont elle n’a pas besoin dans sa vie me concernant il y a moi tout court pour commencer. Le fardeau de mes luttes intérieures. De savoir que je pense à elle. De savoir que je suis à Brisbane, finalement. Je me connecte à ma boite mail pour la première fois depuis longtemps et j’ignore toutes les tentatives infructeuses de mes proches pour entrer en contact avec moi pour rédiger un nouveau message: "Dear Katherine..."
Elle est enfin là, au bout de mes doigts et pourtant les minutes défilent sans que j’ai la moindre idée de quoi lui dire, par ou commencer, comment expliquer que je reprenne contact avec elle après si longemps et l’état désastreux dans lequel je me trouve ?
Fuck !
Je lâche une insulte dans le vide en refermant l’odinateur avec violence. Si je l’avait rencontrée en personne à l’association ou à son cabinet par où aurais-je commencé ? "Dear Katherine". Et ensuite ? Je serais sans doute resté sans voix comme un con incapable de trouver plus de mots que je suis capable d’en trouver pour écrire cet email maintenant.
Prendre une douche pour sortir de ma stupeur s’avère efficace, et j’en ressors encore trempé et à poil pour me ruer sur mon ordinateur et retrouver le mail en suspend dans mes brouillons. Je ne suis pas certain qu’une réaparition dans sa vie la ravisse mais en navigant à travers mes émotions en vrac, j’ai retrouvé dans ma mémoire des certitudes qui me poussent à envoyer ce foutu mail, tel quel. J’ai repensé à des regards, des sourires et des silences qui ne trompent pas.
Email envoyé.
À: katherinebeauregard@beauregard-gp.com DE: elijah@clansinclair.org OBJET: BLAST FROM THE PAST
Dear Katherine...
Dernière édition par Elijah Sinclair le Mar 29 Jan 2019 - 12:34, édité 1 fois |
| | | | (#)Dim 27 Jan 2019 - 23:02 | |
| take my hands, they are grieving nothing to hold on to or believe in no loving embrace just big empty space
elijah & katherine (▶ White Flag by Rose Cousins) ------------------ Mon pouce frotte doucement le brillant de la photo. Probablement que je finirai par l’abîmer à l’abuser de la sorte, mais cela importe peu. Je suis une sentimentale et rien ne me rend plus nostalgique que les photos. Cet album-là a une saveur particulière. Un peu comme la Madeleine de Proust. Le sourire de mes frères est éclatant. Nous sommes tous là. Sans aucune exception. Cette photo est la dernière où nous étions six. Cette photo est la dernière où l’insouciance est sur nos traits, parce que nos sourires ne peuvent tromper personne. Ici, il n’est question que de bonheur et d’amour. De profiter de cet instant sans savoir qu’il aura un jour une saveur spécifique. Faire les pitres sans imaginer que cela serait la dernière fois que nous serions tous réunis. Comme toujours, je ne trône au milieu de la photo que parce que je suis la seule représentante féminine de cette tribu qui est la nôtre. Singulière, dans tout ce que cela peut bien vouloir signifier. C’est la goutte d’eau, singulière elle aussi, qui s’échappe de ma joue qui me pousse à lever les yeux pour contempler ce qui se passe plus loin que le livre entre mes mains. Dans le jardin, le vent agite doucement l’herbe dans un mouvement doux et délicat, comme un ballet terriblement bien répété. Chaque brin se mouvant comme s’il dansait avec cet élément imprévisible. Une brise qui me soulève les cheveux alors que le ciel commence une métamorphose lente. Le jour s’éteint avec une nonchalance qui est propre à l’Australie, avec des nuances qui lui ressemblent. Le rose qui se reflète sur la mer au loin. Le bruit du monde qui semble retenir son souffle alors que l’astre disparaît en une poignée de secondes. Dans mes yeux humides, la merveille est là, la magie opère. Le calme qui m’envahit et prend possession de chaque cellule de mon corps, qui secoue un peu plus fort chaque battement de mon cœur. Le souffle coupé, c’est ça, la vérité. Je tourne la tête alors que les premières notes retentissent depuis l’intérieur. C’est à peine plus fort que le miaulement d’un petit chat, mais cela suffit à me mettre en alerte et à me tirer de cet instant de grâce qui me submergeait. Je me redresse abandonnant l’album photo sur le bois de la table basse du patio pour retrouver la fraîcheur de la maison. L’été est là, bien installé, et il se plaît à nous rappeler que le réchauffement climatique n’est pas un mythe inventé par les scientifiques pour nous convaincre de changer de mode de vie. Elle est là, à s’agiter et à pleurer d’insatisfaction, probablement car je n’ai pas été assez rapide à son goût. C’est malheureusement une vérité que j’ai vérifié ces derniers jours. Leone n’attend pas. Pas même deux secondes le temps que je gagne ses côtés et que je nous installe pour satisfaire ses besoins. C’est épuisant. Je suis épuisée. J’ai la sensation de n’exister que pour elle, de ne vivre que pour elle. La sensation d’être prise aux tripes à chaque fois qu’elle émet un son qui ressemble à un pleur. Le cœur serré parce que finalement, mon monde lui appartient. Elle le tient dans son petit poing qui s’ouvre et se ferme contre ma peau. Le calme revient alors que l’ambiance se transforme. Le jour n’est plus et il laisse la nuit renaître pour lui succéder. J’ouvre les yeux, perturbée par le « ping » qui résonne dans l’air. Je réalise que je me suis endormie sur le canapé, mac sur les genoux et des papiers et dossiers qui inondent la table basse. État des lieux rapide. Leone est dans son berceau, Kvasir à ses pieds à dormir tranquillement. Tout est calme dans le milieu de la nuit. Et c’est probablement la raison pour laquelle ce petit son ne semble pas coller dans le tableau présent. Ce « ping » n’a pas lieu d’être. Les doigts qui effleurent rapidement le trackpad pour laisser apparaître une photo de Kvasir dans les neiges de Cradle Mountain. La boîte mail qui s’ouvre pour laisser apparaître un mail dont l’expéditeur semble sortit tout droit de mon imagination. Elijah Sinclair. Pourtant, il sort tout droit d’autre part… Des tréfonds de mon cœur, là où règne la nostalgie et les souvenirs. Je suis renvoyée en plein jour. Il fait chaud, et je sens une mèche de mes cheveux longs coller contre ma nuque. L’ambiance n’est plus aussi légère. Ici, la chaleur est étouffante, mais pas autant que l’atmosphère. Chaque bruit nous soulève le cœur, nous plonge dans un état de panique. Les pleurs d’un enfant qui s’arrêtent pour être suivis de ceux d’une mère. L’incertitude que la prochaine minute existe. Je suis à des milliers de kilomètres de chez moi. A des milliers de kilomètres de la réalité. Et pourtant, c’est la réalité. Celle qui se joue dans mes paupières comme un film joue au cinéma. Un film dont tout le monde entend parler, que tout le monde voit mais dont l’impact n’est réel qu’en immersion. Son nom sous mes yeux impose une ligne si fine entre le passé et le présent. L’email surgit sur l’écran et le vide me saisit. Deux mots, pas plus, au sommet. Même le titre est plus long. Plus de cinq ans de silence, pour ne trouver que deux mots. Cinq ans de vie à mille à l’heure et j’ai pourtant l’impression que c’était hier. Mais hier d’une autre vie. D’une vie à la fois plus douce parce que mon frère était encore parmi nous, parce que j’étais jeune, insouciante et à vivre ma vie comme je l’entendais. Pourtant, une vie plus rude, parce que là-bas, c’est la guerre et la misère. Au sens propre. Je contemple l’écran comme si je le voyais pour la première fois, et pourtant, j’ai déjà lu le mail au moins cent fois. Les dents supérieures qui frottent contre ma lèvre inférieure, les doigts qui dessinent un cercle sur l’aluminium or. Deux mots en suspens dans un email, il n’en faut pas plus pour provoquer chez moi la curiosité. Je sais qu’il le sait, et que c’est pour cela qu’il le fait. Le temps passe, les gens changent. Certaines vérités restent. ••• RE: BLAST FROM THE PAST vendredi 25 Janv. à 1:37AM de : katherinebeauregard@beauregard-gp.com à : elijah@clansinclair.org Elijah,
La surprise n’a d’égal que la douleur, le sentiment de déception et le goût d’inachevé avec lesquels j’ai quitté l’Afrique il y a un peu plus de cinq ans.
Je me ravis de ces quelques mots et repense avec tendresse à cette aventure partagée au bout du monde, loin de nos chez nous respectifs. Après tout ce temps, je présume que tu es rentré chez toi, toi aussi. Tu as retrouvé la douceur de ton pays, la chaleur de ta famille. Un quotidien différent, moins éprouvant. Londres doit être jolie sous la neige à cette époque…
Des tonnes de questions se bousculent dans ma tête. Qu’as-tu fais pendant ce temps ? Combien de temps es-tu resté là-bas ? Que s’est-il passé après mon départ ? Comment vas-tu ?
En attendant de nouveaux mots de ta part, Bien à toi,
Kate
Je souffle après avoir écrit au moins dix-huit mails que j’ai effacés pour mieux recommencer. Parce que je suis incapable de savoir poser des mots sur le capharnaüm qui s’est levé en moi, sur l’ouragan que mes souvenirs soulèvent, la tempête des émotions. La nuit n’a plus rien de calme soudain, et l’excitation me prive du sommeil dont j’aurai bien besoin. Les doigts qui s’agitent pour produire les derniers mots, l’œil qui balaie le mail une dernière fois. Je souffle. Envoyé. Kvasir me regarde alors que j’abandonne le mac sur le canapé pour aller me chercher un verre d’eau qui ne sera pas de trop pour essayer de retrouver mes esprits. Et plutôt que d’en profiter tranquillement dans la cuisine, je reviens me visser derrière l’écran, probablement dans l’attente d’une réponse rapide. Après tout, il n’est même pas seize heures à Londres…
Dernière édition par Katherine Beauregard le Dim 3 Fév 2019 - 12:02, édité 1 fois |
| | | | (#)Mar 29 Jan 2019 - 14:22 | |
| Depuis que j’ai envoyé l’email je fixe l'ecran de mon ordinateur avec anxiété, mon regard faisant des allers-retours entre le top de ma boite de réception ou apparaitra un nouveau message, et le coin superieur droit de mon ordinateur, là ou l'horloge égraine les minutes. Ce n’est pas la réponse de Katherine que j'attend mais une mauvaise nouvelle, une notification d’absence, une réponse automatique qui me demanderait de patienter jusqu’à son retour de congé maternité avant de tenter de la recontacter ce qui m'obligerait a trouver un nouveau moyen d’entrer en contact avec elle.
Au bout de cinq minutes il n’en est rien, j'en conclus que le message est passé et que je n'ai plus qu'à attendre ma réponse. Apres des années sans nouvelles l'un de l'autre, alors qu'elle est accaparée par la présence de nouvelles personnes dans sa vie bien plus hautes que moi sur l’échelle de ses prioritées me repondra-t-elle ? De plus belle, le doute est chassé par un mistral cinglant avec la même force que celle qui m’a poussée à envoyer mon message quelques minutes plus tôt, celle de mon intuition et des souvenirs ravivés de ce que nous avons partagés par le passé.
Je referme mon ordinateur pour me lever du lit et me diriger vers les baggages que j'ai apportés avec moi, à la fois tout ce que je possède et pas grand chose. Je commence par pas grand chose en ouvrant un grand sac Ghurka dont le cuir est encore dans un état admirable bien qu’il ai litteralement fait la guerre puisque ce sac a voyagé de partout avec moi ces dix dernières années. J'en ressors les vêtements que je me passe sur le dos au fur et a mesure que je les trouves.
Tout, ensuite, contenu dans un flightcase que je tapote du bout des doigts, hésitant d’abbord à le porter à bout de bras pour le ranger sur la plus haute des étagères du dressing et l'oublier, ou à l'ouvrir.
Comme je ne peux pas nier être dans l’attente d'une réponse de Katherine avec impatience, c’est de regarder de manière compulsive mon téléphone dans l’espoir d’y voir la notification d’un nouveau mail que je decide d’abandonner, et j’emporte finalement le flightcase avec moi dans le salon où je le dépose sur la table. Je le contemple encore quelques secondes avant de fouiller sous l’encolure de mon t-shirt pour attraper et retirer la chaine sur laquelle est accrochée la clé qui me permet d'ouvrir le coffre a trésor.
Mes doigts cette fois, glissent sur la laque de la saya, sur l’acier tamahagane d’une lame qui pourrait couper un carré Hermès façon the bodyguard, sur le sageo, enfin, la cordelette de soie délicatement nouée qui s’éffiloche du coté que j’ai sectionné avant de prendre la fuite du Japon, le bout manquant étant resté la bas en possession d’une personne qui m’est chère et que je ne reverrais jamais. C’est le jeu mon pauvre Lucien, quand on voyage autant que je l’ai fait.
Adagio en sol mineur dans les oreilles, Je m'applique à assembler toutes les pièces de l’épée en suivait un rituel précis, bien plus élégant et bien moins flippant que le montage d’un Blaser R93 tactique avec lequel je n’aurais jamais passé la frontière sur un vol commercial pour le coup.
Le katana reconstitué je le pose devant moi au sol, ou je me suis assis solennellement en seiza. C'est en meditant que j’arrive à m’échapper du passé et du futur pour trouver un semblant de paix dans le moment présent, aussi calme que la surface de l’atlantique nord la nuit du 14 avril 1912.
C’est le ping de mon iPhone qui retenti en pleine nuit qui me tire de ma contemplation. Je me relève doucement pour aller chercher le téléphone resté sur la table et lorsque je découvre qu’il s’agit bien de la réponse de Katherine, je retourne m’installer sur mon lit pour mieux la lire et lui répondre sur mon ordinateur.
C’est avec la même tendresse que celle des souvenirs qu’elle évoque dans son message que je souris d’abbord, avant d’être bien vite rattrapé par la douleur, aussi. La sienne est d’avoir du quitter l’Afrique trop tôt, la mienne est d’y être resté trop longtemps.
Je n’ai qu’une seule réponse à donner à la majorité des questions qu’elle à posé à mon sujet. Celle qui restera sans réponse concerne l’endroit où je me trouve et ce à quoi je suis occupé. Je ne veux pas lui dire tout de suite que je suis à Brisbane, je n'ai pas envie de lui mentir non plus en lui faisant croire que je suis à Londres alors je décide de ne pas en toucher un mot dans la réponse que je vais lui écrire.
Mais avant de commencer à rédiger, comme je ne trouve toujours pas les mots pour lui raconter ce qu’il s’est passé en Afrique, comment je me sens depuis et les décisions que j’ai prises en conséquences, et parce-que je sais ou du moins parce-que j'espere qu'elle comprenne sans que je m’étale dans une réponse larmoyante agrémentée de details glauques, je prend le risque de déclencher les symptomes de mon trouble post-traumatique en allant faire une nouvelle recherche sur Google. l’information relayée par des journalistes, c'est ce que j'ai trouvé de mieux pour lui révélé l’ampleur de la catastrophe qui est survenue là bas. Les mots clés de l'url devraient annoncer la couleur, rouge sang, du contenu de l'article avant même qu'elle clique sur le lien pour découvrir l'horreur en plus amples détails.
Et quand j’ai trouvé ce que je cherchais, c’est la respiration difficile, les mains moites et la sensation glaciale des sueurs froides que je copie/colle le lien dans l’email comme un cheveux posé sur la soupe. Échanger des banalités n’a jamais été mon fort et la seule manière d’échanger plus profondément, c’est de m’ouvrir. J’ouvre donc ma réponse avec le lien vers cet article sur l’attentat auquel j’ai survécu lorsque j’étais sur place.
À: katherinebeauregard@beauregard-gp.com DE: elijah@clansinclair.org OBJET: RE: BLAST FROM THE PAST
Katherine,
africanews.com/7-dead-20-injured-in-grenad-attack-in-bangui (♩)
Chaque jours après ton départ j’aurais voulu que tu sois à mes cotés parce-que j’avais besoin de toi. Le pire est arrivé, et chaque jours après mon propre départ, j’ai remercié le ciel que tu n’ai pas été pésente ce jour là. De l’eau à coulé sous les ponts mais elle n’a rien éffacé de mes souvenirs d’Afrique, elle ne t’as pas effacé toi et depuis peu je me surprend à vouloir à nouveau que tu sois là. C’est à ton souvenir que je m’accroche pour ne pas me laisser emporter.
Comment vas-tu ?
Elijah.
J'ai envie de féliciter l'heureux évênement qu'est l'arrivée d'un enfant dans sa vie mais Katherine est une femme intelligente, entre mon apparition a l'association et l'appel à son cabinet, bien que je n'ai laissé mon nom a personne pour le moment je n'ai pas envie qu'elle soit mise au courant que quelqu’un à tenté d’entrer en contact avec elle et qu'elle fasse le rapprochement d'une maniere ou d'une autre.
Comment vas tu ? La question parraît tellement banale après la révélation que je viens de lui faire mais je sais qu'elle a traversé et traverse peut être encore, malgré son nouveau bonheur, une periode sombre de sa vie. Bien que ce que nous ayont vécus soit différent la douleur tout comme les rêves, ca ne se compare pas et alors bien que j’en sois navré, j'ai espoir que ce soit l’expérience de la mort qui nous rapproche après toutes ces années.
Parce-qu'avant le Japon, j'ai passé du temps en France dans un monastère Provencal, et qu'après avoir essayé de me convaincre en prière jours après jours que Je Te ferai toujours confiance, même quand j’aurai l’impression que je me suis perdu et que je marche à l’ombre de la mort, je n’aurai aucune crainte car Tu es avec moi, et jamais Tu ne me laisseras seul dans le péril. "Tu" ne m'est jamais apparru aussi réel que lorsqu’il s'agissait d'Elle.
Ma réponse envoyée, le pauvre agneau de Dieu que je suis à de nouveau envie de se confondre en prières en musique mais dans l’état dans lequel je me trouve, Hildegard von Bingen just doesn’t cut it. Je trouve mon bonheur dans ce que ma playlista a de plus agressif et je fredonne:
Pray, Pray, Pray, Pray, Pray for the end of this nightmare, this lie of a life can as quickly as it came dissolve.
Pray for solace, Pray for resolve, Pray for a savior, Pray for deliverance, Some kind of purpose, a glimpse of a light in this void of existence.
Take hold of my hand for you are no longer alone, Walk with me in hell ?
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| | | | (#)Dim 3 Fév 2019 - 15:51 | |
| take my hands, they are grieving nothing to hold on to or believe in no loving embrace just big empty space
elijah & katherine ▶ A Thousand Years by Christina Perry Piano/Cello cover by ThePianoGuys) ------------------ Le temps n’est qu’une unité de mesure pour permettre à l’homme de savoir que sa vie s’écoule, que chaque respiration qu’il prend est un souffle de moins, un pas de plus vers la fin. Le temps qui nous est accordé est aléatoire, et personne n’en connaît réellement la durée. Personne, ou presque. « Il y a un temps pour tout, un temps pour toute chose sous les cieux : un temps pour naître, et un temps pour mourir; (…) un temps pour aimer, et un temps pour haïr; un temps pour la guerre, et un temps pour la paix. » Le temps semble être aujourd’hui aux souvenirs. Les morceaux de cette expérience partagée sont rangés avec précaution dans cette partie de ma mémoire que je m’applique à n’ouvrir que rarement pour ne pas avoir ce goût amer dans la bouche ; que j’ouvre malgré tout pour ne pas oublier. Ne jamais oublier. Pourtant, il semble impossible d’oublier. Cette période plus courte que toutes les autres, et pourtant, l’une des plus intenses, sans l’ombre d’un doute. Son intensité tient de sa complexité. Le mélange des émotions et des sentiments. L’excitation d’être ici pour une cause plus grande que beaucoup d’autres, et malgré tout, la peur en demi-ton, celle qui vous saisit aux tripes de façon silencieuse. Et il ne faut rien en montrer, il faut rester neutre. Prendre le temps de fermer les yeux pour pouvoir trouver l’équilibre de ces vents qui soufflent pour vous porter. Ressentir la brise, comme le souffle d’une entité plus grande. Nous y voilà, précisément. L’idée d’une essence ou d’un être avec des desseins supérieurs, des ambitions pour chacun d’entre nous. Faire se rencontrer des êtres pour les rapprocher. Les uns des autres. Ensemble de Lui. C’est exactement ce qui nous a rapproché, il y a un peu plus de 5 ans. La foi. La croyance de pouvoir participer à ce monde pour en soulager les maux. La volonté d’aider son prochain. Chercher le salut de son âme et trouver le chemin à suivre. D’après Paul Eluard, il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous. Notre rendez-vous a nous avait lieu à des milliers de kilomètres de nos vies d’avant, loin de tout, loin de nous aussi un peu. Croiser la route l’un de l’autre avec un message probablement, que nous n’avons peut-être pas été incapables de déchiffrer à l’époque, et peut-être que ce message, ne nous l’avons jamais réellement découvert… Et c’est peut-être pour cela que de nouveau, nous devions nous rencontrer. Mes pensées sont aussi profondes que les nuances de la nuit installée. L’obscurité est effrayante et réconfortante à la fois. Ne pas être en pleine lumière pour mieux cacher ce que l’on ne veut pas montrer. Ne pas écrire plus, pour ne pas laisser apparaître quoi que ce soit. Malgré tout, je cherche dans les quelques mots envoyés par Elijah quelque chose de plus puissant. Le vent du passé ne saurait être balayé par celui du présent ; même si la notification annonce un nouveau mail que j’ouvre aussitôt. Le ton est donné dès les premiers mots. Je marque un temps d’arrêt à la lecture du lien, le doigt en suspens au-dessus du trackpad. J’ai sous les yeux une partie de réponse sans même avoir besoin de chercher plus, sans même avoir besoin de laisser mes yeux déborder sur les lignes qui suivent. Je ferme les yeux quand mon doigt tapote la surface froide. Et quand je les ouvre, c’est comme plonger dans un lac gelé. L’horreur qui se faufile sous ma peau par un frisson qui me file la chair de poule, la gorge qui se serre. Son nom n’apparaît pas dans l’article, mais j’ai cette intuition pourtant. Plus qu’une intuition, c’est une certitude. Celle qu’il était en plein cœur de cette terreur. Et j’en ai la confirmation dès que je parcoure le contenu de son email. Et la révélation fait chavirer la nuit dans les ténèbres, laissant malgré tout percer quelques étoiles qui semblent dessiner une carte dont le chemin me ramène tout droit dans l’ombre de certains non-dits. C’est à ton souvenir que je m’accroche pour ne pas me laisser emporter. Comme on s’agrippe à la main tendue pour ne pas couler, comme l’encre s’accroche dans les fonds pour ne pas laisser le bateau dériver. Comme le marin s’accroche à la vision du phare pour ne jamais perdre son chemin, ne jamais perdre la lumière. Je n’en ai pas besoin de plus pour avoir les larmes aux yeux, parce que je ne suis qu’un corps d’hormones en vrac qui s’agitent comme des atomes dansants. Et si je pensais que mon cœur ne se serrerait jamais plus que pour Leone, j’avais tort. Je pensais que plus rien ne pourrait m’atteindre, parce qu’après la mort d’Ian, après l’année passée à ressasser l’idée que je n’étais pas celle que je pensais être ; sa naissance signifiait que je renaissais, moi. En tant que mère. Avec la renaissance, je pouvais laisser derrière moi mes peines les plus intenses, n’y repensant qu’avec l’impression d’appuyer sur un bleu presque effacé à l’endroit du cœur… Mais quelle putain d’erreur. Je souffle comme si je peinais à prendre ma respiration face à ce cataclysme. ••• RE: BLAST FROM THE PAST vendredi 25 Janv. à 2:01AM de : katherinebeauregard@beauregard-gp.com à : elijah@clansinclair.org Elijah, Ma seule consolation est de lire que ce n’est que de l’eau qui a coulé… Elle est moins opaque et fatale que le sang. Malgré tout, elle ébranle les choses, les gens… Le souvenir n’a rien du présent. SI la mort de mon frère n’était pas suffisante, ma vie a été bouleversée un peu plus encore. Il faut parfois aller à la racine pour comprendre ce qui ne va pas. Il faut revenir aux origines, du monde, de la vie, pour peut-être trouver un sens… ? Je suis maintenant installée à Brisbane, comme une partie de mes frères. Toujours médecin, avec mon propre cabinet comme tu as pu le constater. Dès que je le peux, je consacre un peu de temps à l’association fondée par mon père dont je t’avais parlé. Cependant, depuis quelques semaines, je me consacre à mon nouveau rôle de maman. Je te joins une photo de Leone. Il paraît qu’elle me ressemble… Ma maison est ouverte. Ma main te sera toujours tendue. Kate #294, Bayside, Brisbane, Queensland, AUSTRALIE 00 61 473 394 002 - Pièce jointe :
Je regarde l’email, et décide d’effacer cette citation de George Sand qui faisait office de derniers mots. « Garde-moi en souvenir dans un petit coin secret de ton cœur, et descends-y dans tes jours de tristesse pour y trouver une consolation, ou un encouragement. » Ma position est déjà claire alors je termine de taper mes coordonnées complètes avant d’envoyer le mail. Le mac voyage de mes genoux à la table basse, et je termine d’une traire mon verre d’eau. Vidée, comme si je sortais d’un entrainement qui avait duré des heures, comme après les sessions de psy que j’ai suivi à la perte de mon frère. Le corps lourd, les yeux encore plus. Le cœur serré par une emprise invisible. Je lui laisse le choix, De répondre puisque je n’ai pas posé d’autres questions. De se confier s’il le veut. De débarquer s’il en a besoin. Malgré mes affirmations, mon essence est toujours la même et je me surprends à repartir loin… À 15862 kilomètres de là. Quand sur le tarmac, les larmes aux yeux, je suis incapable de savoir quoi faire ou savoir quoi dire. Je me contente seulement de le regarder en espérant trouver une réponse. Bleu contre bleu. Je n’ai pas besoin de lui dire « au revoir ». En fait, je m’y refuse. Parce que cela bousculerait trop de choses, des sentiments qui n’ont pas besoin d’apparaître, qui ne devront jamais réapparaître. Je baisse les yeux et lui tourne le dos sans un mot comme je tourne cette page de ma vie. Ne pas se retourner et avancer droit devant.
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| | | | (#)Ven 8 Fév 2019 - 21:38 | |
| Je n’ai pas la moindre envie de dormir, le fait que je me soit déjà assoupi tout à l’heure y est un peu pour quelque chose, mais si je suis agité comme si j’avais avalé un pack de RedBull, c’est dû à la dopamine qui me fait faire les cents pas dans l’appartement à défaut de pouvoir courir sur une piste d’athlétisme pour me dépenser. J’ai beaucoup misé sur Katherine en venant à Brisbane rien que pour elle, et à l’improviste qui plus est. Et plus je me suis rapproché d’elle, jusqu’à reprendre contact ce soir, plus je me rend compte que j’espère d’elle quelque chose que même Jésus ne m’a pas donné bien que je l’ai cherché lui d’abbord par tout les moyens, par tout les chemins, qu’ils ai étés traditionnels comme Compostelle, ou en dehors des sentiers battus voir carrément hors piste parfois
Je réalise que c’est une croix beaucoup trop lourde à poser sur les épaules de la jeune femme qui porte déjà celle de sa propre existence. Je devrais m’en tenir à l’échange de quelques emails sans chercher à la revoir, et continue d’ailleurs d’ommettre ma présence en ville, mais si le simple fait d’avoir repris contact avec elle me plonge dans un état extatique que je n’ai connu que par le biais de drogues naturelles ou synthétiques, je ne peux qu’imaginer le plaisir que j’aurais à la revoir en tête à tête et cette envie est plus forte que la raison, elle me porte vers elle comme les vents cyrénéen.
Chemin de Croix, cinquième station: Le cyrénéen aide Jésus à porter sa Croix:
« Simon de Cyrène rentre du travail, il est sur le chemin du retour chez lui, quand il croise le triste cortège des condamnés. Les soldats usent de leur droit de coercition et mettent la croix sur lui, robuste homme de la campagne. Quelle gêne a-t-il dû éprouver en se trouvant soudain mêlé au destin de ces condamnés ! Il fait ce qu’il doit faire, avec certainement beaucoup de répugnance. De cette rencontre involontaire est née la foi. En accompagnant Jésus et en partageant le poids de sa croix, le Cyrénéen a compris que marcher avec ce Crucifié et l’assister était une grâce. Jésus, dont seul l’amour divin pouvait et peut racheter l’humanité entière, veut que nous partagions sa croix, pour compléter ce qui manque encore à ses souffrances. Chaque fois qu’avec bonté nous allons à la rencontre de celui qui souffre, de celui qui est persécuté et faible, en partageant sa souffrance, nous aidons Jésus à porter sa propre croix. Ainsi nous obtenons le salut et nous pouvons nous-mêmes coopérer au salut du monde. »
Seigneur, tu as ouvert les yeux et le coeur de Simon de Cyrène, lui donnant, par le partage de ta croix, la grâce de la foi. Aide-nous à venir en aide à notre prochain qui souffre, même si cet appel est contraire à nos projets et à nos penchants. Donne-nous de reconnaître que partager la croix des autres, et faire l’expérience qu’ainsi nous marchons avec toi, est une grâce. Donne-nous de reconnaître avec joie que c’est précisément en partageant ta souffrance et les souffrances de ce monde que nous devenons serviteurs du salut, et qu’ainsi nous pouvons contribuer à construire ton corps, l’Église.
Je ressors de cette prière pour me rassoir près de l’ordinateur dès que j’entends la notification de la réponse de Katherine.
Elle à raison: « Il faut revenir aux origines, du monde, de la vie, pour peut-être trouver un sens ». L’arbre de vie de la Kabbale est une belle proposition de shématisation de ce retour à la source. Et la première chose qu’il nous apprend c’est que le chemin du retour est long et semé d’embuches, que la nuit est sombre et pleines de terreurs. Comme celle que j’ai vécu en Afrique et qui continue de hanter presques toutes mes nuits. Presque car pas cette nuit, parce-que je suis en train de parler avec Katherine et bien que cela m’agite, cela m’apaise également.
Elle à tord: le souvenir a tout du présent. Puisque son souvenir a occupé toutes mes pensées du moment ou j’ai décidé de prendre l’avion pour la retrouver à l’instant présent ou je m’apprête à répondre à son email, c’est grâce au souvenir que nos chemins ont à présent l’opportunité de se croiser de nouveau.
Et je ferme les yeux en prenant une inspiration profonde, alors que je revis le souvenir de la dernière fois que nos regards se sont croisés. Le sien implorant une réponse, le mien qui essaye de la lui donner et qui du coup veut tout et rien dire à la fois, mon regard froid qui n’a rien a voir avec le bleu clair de mes iris, ni avec les circonstances tragiques de son départ envoyant notre complicité par le fond ou elle y est resté jusqu’à aujourd’hui. C’est le froid de l’espace, le zero absolu de la matrice de la création que je ne comprend pas plus qu’elle et pourtant à laquelle nous sommes soumis. Un froid mordant, donc douloureux, comme ma mâchoire qui se serre empêchant les mots de s’exprimer.
Pour avoir vécu les deux je suis incapable de déterminer s’il est plus difficile d’avoir à se dire au revoir face à face plutôt que de partir dans l’urgence sans avoir eu le temps ni l’autorisation surtout, de se dire adieu comme cela s’est produit au Japon.
Mes doigts sur le clavier, j’ai l’impression que tout ce par quoi commencer ma réponse sonne faux. Je suis heureux de lire qu’un nouveau soleil éclaire ses jours, et le sourire que j’ai en découvrant la photo en piece jointe est sincère. Mais l’envie de la rejoindre est plus forte que toutes les politesses qui me viennent à l’esprit. Plus forte que la raison donc plus dangereux aussi, mais ça à la mérite d’être vrai et la seule chose qui m’anime outre ma quête de vérité, c’est Elle.
Elle est plus forte que la colère qui grimpe lorsque je lis que j’avais raison en choisissant l’association Beauregard comme première piste à explorer pour la retrouver, mais la colère se dissipe bien vite pour laisser place au brouillard épais de la jalousie. Le cas du sous-fifre qui m’a reçu à l’association retrouve alors sa place parmi les cadets de mes soucis, et c’est à l’homme qui partage la vie de Katherine, au père de Léone que je pense maintenant. Je pense fort à lui car je veux savoir si lui aussi sera instinctivement chassé comme le furent mes premiers doutes, probablement pas aussi facilement. Si je me rapproche de plus en plus de Katherine, preuve en est son adresse personnelle à laquelle elle m’invite quand bon me semblera, l’existence de cet homme représente une limite à ne pas franchir, et je me demande si, à la distance à laquelle je devrais me tenir de Katherine, nos regards arriveront à parcourir la distance pour se retrouver comme ils savaient si bien le faire par le passé.
Cette fois c’est mon orgeuil qui me rassure car il est fondé, mais la jalousie me pousse à attraper avec force la main que Katherine me tend, et l’émotion des souvenirs sert d’implusion à la réponse que je cherchais à écrire, une fois de plus courte, mais vrai.
À: katherinebeauregard@beauregard-gp.com DE: elijah@clansinclair.org OBJET: RE: BLAST FROM THE PAST
Merci, Tu m’as manqué.
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| | | | (#)Lun 11 Fév 2019 - 12:49 | |
| take my hands, they are grieving nothing to hold on to or believe in no loving embrace just big empty space
elijah & katherine ▶ Lord M by Martin Phipps
------------------ Exténuée mais le sourire sincère sur les lèvres, quelques mèches de cheveux collées au front. Les mains dans un sale état, un filet de sable et de poussière qui brunit la peau. Je souffle parce que la chaleur est harassante. J’ai probablement des airs d’héroïne de jeux videos qui vient d’enfiler son costume de rescapée, pourtant, il n’en est rien. Je suis ici de mon plein gré. Tout ça, je l’ai choisi, avec un but bien précis: celui de faire de mon mieux, de rendre un peu de cette vie privilégiée que j’avais eu. De cette chance pas réellement expliquée d’être née dans une famille aimante, une famille relativement aisée. Et bien que la perte de ma mère ait été la plus grande tragédie vécue, nous étions tous heureux, soudés, en paix. Éparpillés dans différents endroits du monde, tous avec ce point commun d’être partis là où ça allait moins bien dans l’espoir de faire en sorte que ça aille mieux. Atténuer les maux du monde, sans penser une seule seconde que bientôt, trop vite, ce serait nos propres souffrances qu’il faudrait apaiser. Une insouciance relative alors que la nuit est tombée, mais la chaleur est toujours là. Un moment de répit dans cette vie percutante ou le moindre bruit vous alarme le coeur, le moindre tremblement ressenti met tous vos sens en alerte. Les étoiles vous couvent du regard parce qu’ici, à des millers de kilomètres de tout, dans le berceau du monde, tout est en train de basculer. Si jusqu’alors l’Homme avait fait de son mieux pour ne pas souiller son origine, il le polluait aujourd’hui, aussi bien au sens propre qu’au sens figuré. La haine, la guerre, la recherche perpétuelle d’un pouvoir qui n’apporte jamais rien de bon, des croyances diverses qui se perdent alors qu’elles ne prêchent qu’une chose, qu’elles ont toutes ce message en commun : l’amour, la bonté, le pardon. Là-bas, plus loin, à l’horizon, la nuit est teintée de rouge, d’orange et d’une épaisse fumée. Là-bas, les flammes dansent. Ma main se pose sur l’avant-bras à mes côtés, posé en équilibre sur la rambarde branlante du bâtiment transformé en hôpital de fortune. Je ne sais pas si ce geste se voulait rassurant pour lui ou pour moi. Si je voulais juste lui exprimer toute ma gratitude. Sentir quelqu’un à mes côtés pour être rassurée. Avoir moins peur peut-être, des flammes de l’Enfer qui approchaient chaque jour un peu plus. La seule vérité, c’est les réactions internes que ça provoque. La cage thoracique qui se comprime un instant pour me rappeler qu’aujourd’hui encore, le Divin nous a épargné pour nous permettre d’essayer de panser le monde un jour de plus. Perdue dans les souvenirs, j’ai le regard dans le vide. Me perdre dans mes pensées, ce n’était pas arrivé depuis longtemps. Pas comme ça du moins. C’est comme une expérience immersive, la sensation d’être là sans vraiment y être, celle d’être ailleurs aussi. De voir défiler sous ses yeux un moment bien particulier, bien précis. Le voir comme si c’était réel, le sentir et le ressentir. Tout est si précis, et pourtant relativement flou. Jusqu’au frisson qui me remonte le long de la colonne vertébrale pour aller mourir à la base de ma nuque, faisant éclater la bulle temporelle dans laquelle je me trouvais. La raison pour laquelle je reviens sur terre, chez moi, c’est seulement parce que Leone s’agite doucement dans son berceau. Je me contente de tourner la tête vers elle, parce que j’ai besoin de revenir pleinement à la réalité. J’ai besoin de prendre une seconde de plus pour souffler, me ressaisir. Prendre en pleine gueule que ce que je viens de vivre n’était qu’un souvenir. Et que probablement que cela ne sera jamais plus qu’un mirage pour quiconque ne l’a jamais vue… Exténuée mais le sourire sincère sur les lèvres, quelques mèches de cheveux collées au front. Les mains manucurées qui attrapent l’enfant chagrinée pour la portée contre la soie de mon chemisier. Je souffle, parce qu’elle frotte son petit nez contre la peau de mon cou, visiblement apaisée de ne pas être seule quand je retrouve ma place dans le canapé. Des sentiments qui sont les mêmes dans des situations aux antipodes l’une de l’autre. Personne ne serait capable de comprendre. Personne, ou presque. L’écran s’allume pour laisser apparaître une nouvelle notification à son nom, et je suis partagée entre l’envie de lire ce qu’il veut me dire et le poids de mes nouvelles responsabilités. Cette vie littéralement dépendante de la mienne alors qu’elle est accrochée à moi, occupée à téter sans se soucier de rien d’autre que de satisfaire ce besoin primaire. Le ping sonne de nouveau pour me rappeler que son mail m’attends. Qu’il m’attend. Et je ferme les yeux. Probablement que pour lui, en cet instant, je ne serai qu’une illusion d’optique ou une hallucination. Fondamentalement différente de celle qu’il a pu connaître. Malheureusement, je me doute que l’inverse est vrai aussi. 5 ans, ce n’est pas rien. On le sait l’un et l’autre. Il ne faut parfois qu’une seconde pour changer une vie, changer quelqu’un de façon profonde. Remuer un être par un tremblement de terre. Leone est contentée, en témoigne son agitation soudaine. Et si la mienne est contrôlée, c’est parce que j’ai l’esprit fixé sur elle en premier. Quand je me mets en mouvement, c’est seulement pour me relever et fermer le mac avant de gagner l’étage. Lui accorder toute l’attention dont elle a besoin avant de ne pouvoir retrouver les bras de Morphée dans son berceau de bois cette fois-ci. Kvasir qui prend son rôle de gardien à coeur alors qu’il s’installe devant la porte dans le couloir pour surveiller tout ce qui se passe. De nouveau, je me retrouve seule. Avec moi-même, détachée de ma chair et de mon sang pour quelques heures, pas plus. Libre de pouvoir ouvrir cette parenthèse spéciale et d’en apprécier la moindre émotion, le moindre souvenir. Libre d’exister en tant que personne unique. Libre d’exister pour quelqu’un d’autre. Le fil si fin sur lequel j’avance me rappelle que depuis quelques semaines maintenant, quelques mois, je me suis mise de côté pour la mettre elle au premier plan. Je me laisse tomber en travers du lit, m’enfonçant dans le moelleux du matelas. Je suis déjà à fouiller dans mon iPhone pour trouver l’app Mail, tapant avec empressement sur le dernier mail non-lu. Il ne suffit que de quelques mots, quatre en l’occurence, pour me faire basculer dans un autre monde, me secouer l’âme. Mes lèvres se pincent une fraction de secondes avant que je ne commence à répondre. Si il était là, j’aurai le regard fuyant vers l’horizon et un sourire à peine perceptible sur les lèvres. Ne rien dire, pour ne rien changer, par peur ou par pudeur. ••• RE: BLAST FROM THE PAST vendredi 25 Janv. à 3:18AM de : katherinebeauregard@beauregard-gp.com à : elijah@clansinclair.org Tu m’as manqué aussi...
Exténuée mais le sourire sincère sur les lèvres, les cheveux éparpillés sur les draps et les yeux clos. Les mains agrippées au téléphone et le corps qui se laisse emporter. Je souffle, parce que je me sens apaisée, deux parties de moi en paix l’une avec l’autre, enfin prêtes à co-exister alors que jusqu’à maintenant, l’une avait remplacée l’autre en laissant un vide dont je ne connaissais pas l’existence. ••• RE: BLAST FROM THE PAST vendredi 25 Janv. à 3:19AM de : katherinebeauregard@beauregard-gp.com à : elijah@clansinclair.org Tu me manques.
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| | | | (#)Mer 13 Fév 2019 - 17:25 | |
| Je n’arrive pas encore à dormir, je pense au dernier mail que j’ai envoyé à Katherine et je veux savoir ce qu’elle va me répondre, si elle va ouvrir la boite de Pandore de nos souvenirs qui garde en mémoire nos échanges, nos regards, et sourires, des silences, des émotions quelles qu'elles soient et quelque soit le chaos autour de nous qui nous force a nous blinder. Sentir et ressentir en donnant à une personne le don de traverser cette carapace. Tout ce qui justifie ma présence ici, plutôt que d'être en train de me morfondre ailleurs, de belles promesses qui pourraient se réaliser bientôt.
Je découvre en lisant l'email de Katherine qui vient d'arriver qu'elle partage au moins une partie de mon ressenti, le mien étant d'avoir envie d'aller la retrouver tout de suite. Seule une forme de pudeur comme il y en a toujours eu entre elle et moi me retient de ne pas aller la rejoindre chez elle en plein milieu de la nuit. Le fait qu'il y ai sa fille surtout, et que je ne me vois pas interrompre leur quotidien sur un coup de tête. Au lieu de ça j'écris ma réponse sur mon téléphone, elle est très courte.
À: katherinebeauregard@beauregard-gp.com DE: elijah@clansinclair.org OBJET: RE: BLAST FROM THE PAST
Je suis là pour toi.
Call out my name and I'll be on my way. J'éteins la musique et j'enlève mes écouteur, je dépose mon mac sur le sol et mon téléphone sur la table de nuit. Lights out, je tente de trouver le sommeil parce-qu'il est clair que je ne compte pas aller chez Katherine cette nuit. Pourtant c’est comme si je lui avait dit que déjà à Brisbane, mais cela est resté flou. Ce qui n’est pas flou, c’est la joie que j’ai ressenti quand j’ai reçu le deuxième email de Katherine avant d’avoir terminé le mien.
Je lui manque. Les souvenirs ont tout du présent, et je suis vraiment satisfait de la tournure que prennent les choses. Par curiosité je me demande pourquoi elle me permet un retour dans sa vie aussi facilement, je me demande ce que ça dit de sa relation avec le père de sa fille et tout ce que je sais, c’est qu’il y a une faille assez grande pour me permettre de passer, je ferais tout pour l'exploiter.
A présent mes paupières se ferment toutes seules, allongé dans le lit je respire profondément, je veux m’endormir mais bien sur je ne fais que penser à elle et ça me tient éveillé dans l’attente d’un claquement de doigt de sa part qui suffirait à me faire réaparaitre face à elle, savoir qu’elle le souhaite. La situation me plait, « éveillé » étant le mot clé. Elle me tient éveillé, je ne sombre pas malgré la fatigue comme quand ont travallait ensemble. J’ai l’impression d’avoir tout quitté pour elle à la recherche de nos souvenirs et je culpabilise encore d’être un fardeau même si elle semble vouloir me porter parce-que je suis un peu plus que ça. Sur cette note rassurante je m’endors, sans savoir quand aura lieu notre rencontre mais en sachant qu’elle va se produire, je peux me reposer en attendant que l’occasion se présente |
| | | | (#)Mer 13 Fév 2019 - 19:46 | |
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elijah & katherine ▶ Call Out My Name by The Weeknd Cover by Alyssa Shouse
------------------ Je suis épuisée, au moins autant que lorsque j’ai fermé les yeux. J’ai l’impression que c’était il y a une poignée de secondes tout au plus. J’étais plongée dans ce sommeil qui ne repose pas, parce que les rêves sont omniprésents aussitôt que les yeux sont clos. Ils sont là, trop vrais, trop vivides. Si nous n’avions pas les yeux fermés, nous serions obligés de le faire tellement leur éclat semble réel. On est loin du mirage. Ou bien, on y est complètement. Je suis incapable de trop savoir alors que comme un robot, je m’extirpe du lit pour aller retrouver Leone. Le rituel prend place et je m’exécute, à peine lucide. C’est l’instinct qui me fait agir plus que la réflexion. Si bien que lorsque je regagne ma chambre, c’est à peine si je remarque que les ciel est devenu plus clair. Le soleil s’apprête à faire son apparition. La chaleur est déjà étouffante et la journée n’est même pas commencée. Je grimpe sur le lit comme une enfant, me laissant tomber en plein milieu, n’étirant le bras que pour récupérer mon iPhone. Le pouce qui glisse contre le verre pour faire défiler les notification et n’appuyer que sur celle qui m’intéresse. Le précieux s’ouvre et dévoile ses secrets. Secret qui me fait frissonner. Je tourne sur les draps pour pouvoir regarder dehors. Ici, la vue est magnifique. La mer vous berce auditivement, olfactivement et visuellement. Elle est le début de tout et la limite de rien. Le calme, c’est tout ce qui règne ici. Le silence aussi, parce que, bien trop rapidement, le bruit des vagues disparaît pour ne faire plus qu’un avec tout le reste. La vie que j’ai sous les yeux est si paisible, aux antipodes des rêves qui se jouaient dans mes yeux, de l’autre côté de l’arc-en-ciel. « Je suis là pour toi. » Tant d’interprétations possibles qui se bousculent dans ma tête alors que le bout de mes doigts effleure le lin qui habille le lit. Plutôt que de lire les lignes, j’essaye de lire entre. Dans les non-dits, dans les aveux à demi-mots, dans ce qu’il a choisi de me dévoiler, ou non. Quelque chose suscite chez moi cet instinct profond. Celui qui fait déclencher des palpitations. Par anticipation. Par peur. Par envie. Autour de moi tout tremble alors que je pense à lui. j’essaye de recomposer ces montagnes russes que nous avons traversées en si peu de temps, en espérant en avoir une image aussi précise que celle de mes rêves. Je ferme les yeux, plus fort, pour espérer voir quelque chose. Et ce que je récolte, ce sont des sensations. Un sourire brûlant, une main douce contre ma peau. ••• RE: BLAST FROM THE PAST vendredi 25 Janv. à 6:52AM de : katherinebeauregard@beauregard-gp.com à : elijah@clansinclair.org Elijah,
Traverse le monde. Je serai là pour toi. Dans l’absolu, il te suffit de le décider.
« Je ferai marcher les aveugles sur un chemin qu'ils ne connaissent pas, Je les conduirai par des sentiers qu'ils ignorent; Je changerai devant eux les ténèbres en lumière, Et les endroits tortueux en plaine: Voilà ce que je ferai, et je ne les abandonnerai point. »
En (t’)attendant…
L’e-mail disparaît et je laisse tomber l’objet contre mon matelas. J’ajuste ma position, une main sous mon visage pour contempler le spectacle sous mes yeux. Et avant que j’ai pu m’en rendre compte, c’est un autre lever de soleil que j’ai sous les yeux. Un lever de soleil aux teintes africaines, une infusion entre les mains, mon épaule appuyée contre le bras d’Elijah. Le calme avant la tempête. Le silence avant un bombardement. La douceur avant la mort.
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