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 yassan ☽ let me tell you

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Message(#)yassan ☽ let me tell you  EmptySam 26 Jan 2019 - 15:10

let me tell you
yassan#3


« Je le vois que tu es fâchée. » Un soupir de la part de Yasmine, tandis qu’avec une infime délicatesse, Fatima vint repousser une mèche de cheveux humide de son visage qu’elle fixait avec une attention décuplée, suspendue à ses lèvres qu’elle mâchonnait avec gravité. Fâchée, sa fille l’était indubitablement, qu’importe si elle se somma de prétendre le contraire. Poussant d’abord un autre soupir lourd de sens, elle entrouvrit doucement la bouche pour minauder sans conviction « Mais non. » Décalant sa tête, plus brusquement qu’elle ne l’aurait voulu, pour échapper à la caresse maternelle, elle se leva de la table de la cuisine dans la foulée, sa tasse de thé vide étroitement serrée entre ses doigts crispés par la tension. Parce que la disposition de la pièce l’empêchait de faire autrement, mais aussi parce que c’était plus confortable ainsi, Yasmine lui tourna le dos, prétextant de rincer les paillettes de sucre fondu amassées au fond de sa tasse.
Lorsqu’elle était rentrée de sa garde à 22h00, elle avait trouvé sa mère attablée dans la cuisine, les lèvres pincées et les jambes agitées de secousses régulières. Ça présageait une discussion, le genre qui ressemblait davantage à une confession de la part de Fatima. Pendant un quart de seconde, elle s’était franchement demandé ce qu’elle avait encore bien pu dire et à qui pour que ça la tracasse autant ; surtout, elle s’était trituré l’esprit pour savoir ce qu’elle avait à avoir là-dedans pour être réquisitionnée sans délai après une garde aussi longue. Le suspens était resté entier, le temps que la jeune femme se débarbouille sous la douche, avale les deux comprimés qui lui permettait de rester plus sereine pour compléter ses journées, puis elle avait préparé elle-même le thé sensé adoucir la nouvelle fracassante qui l’attendait – des manies qu’elle avait hérité de ses parents qui préféraient accompagner les grands discours de douceurs, même quand la situation ne prêtait pas à la gloutonnerie. Dans le cas présent, elle qui prétendait avoir toujours une place pour un ou deux biscuits avait perdu graduellement l’appétit quand, enfin, sa mère lui avait craché le morceau. De cette toute petite voix chevrotante qui alternait entre arabe et anglais, elle lui avait présenté des excuses qui, à ses oreilles, avaient sonné un peu faux.
« J’ignorais que c’était un secret. » L’entendre se défendre aussi pauvrement agaça profondément Yasmine qui, les mains mouillées, se retourna pour lui répondre « C’en est pas un, pas du tout. » Elle laissa filer un sourire chargé d’amertume, et son regard coula dans un coin de la pièce contraire à celui qu’elle avait rejoint. Dans une grande inspiration hachurée, sa poitrine trembla, et puis levant la main pour anticiper l’emphase de son discours, elle poursuivit « Mais un jour où l’autre, il va falloir que t’enregistres pour de bon que tu ne peux pas constamment t’exprimer à ma place, maman. » Un silence tomba brusquement, chargé de sous-entendus qu’elles n’avaient pas besoin de démêler trop longtemps pour les comprendre. Yasmine s’était toujours montrée docile, mais pas suffisamment pour rentrer dans les cases étriquées que sa mère, surtout, lui réservait ; si on ne comptait pas l’histoire de Sohan, c’était presque le seul grain de sable dans l’entente parfaite qui les unissait. Sa main retomba mollement, et elle haussa les sourcils en secouant la tête, dépitée par cette ébauche de traîtrise qu’elle ne lui pardonnerait pas facilement, cette fois-ci. Se décollant du lavabo pour aller s’essuyer les mains sur un torchon accroché près du frigo, elle évita de se confronter au regard peiné de Fatima ; Yasmine était pourtant était bien décidée à ne pas se laisser attendrir « J’ai pensé que ça te rendrait service. Tu n’es jamais là quand il passe à la maison. » La jeune femme coupa court à la tentative à peine voilée de sa mère, et toupillant sur ses pieds, elle se dirigea vers l’entrée de la cuisine « Il est tard maintenant, va te coucher. »

Elle se retrouva assise sur le perron de la maison familiale à attaquer la pulpe de son pouce avec les dents, le regard posé sur l’écran de son téléphone portable qu’elle avait posé sur ses genoux repliés, ouvert devant le dernier texto qu’elle avait échangé avec Hassan ; elle n’osa pas en vérifier la date, embarrassée par le nombre de semaines qui s’étaient écoulées depuis. Concrètement, le fait que Fatima ait pris les devants en avouant les projets de sa fille à Hassan n’était pas si dramatique – mais ça l’était pourtant, dans une certaine mesure. Comme elle l’avait fait lorsqu’elle avait décidé de s’engager pour une mission humanitaire en Afrique, elle tenait à mettre au courant ses proches de ses velléités de poursuivre son cursus universitaire ailleurs, si elle s’y risquait vraiment. Elle l’avait dit à Sohan, puis à ses parents, elle laissait la porte entrouverte à cette envie qui grandissait en elle, ça ne voulait pas forcément dire qu’elle tenterait l’aventure néanmoins, car trop de choses rentraient en ligne de compte pour qu’elle estime avoir toutes les réponses à l’heure actuelle. Tout restait confus pour l’instant, tellement qu’elle aurait aimé en parler à Hassan quand les choses se seraient précisées – mais à qui mentait-elle en le prétendant aussi fort, si ce n’était à elle-même ? Elle empocha son téléphone, tout de même assez honnête avec elle-même pour savoir qu’elle ne réussirait jamais à envoyer le message qu’elle avait en tête, et plantée sur ses tennis usées, elle traversa l’allée pour s’élancer dans le quartier. Malgré l’obscurité tombée il y a peu, l’été rendait le trajet plus facile pour elle, les adolescents traînant encore dans Logan City pour profiter des nuits chaudes avant la reprise des cours, et leurs exclamations insouciantes jouaient une musique rassurante qui accompagna ses réflexions dans lesquelles elle tenta de mettre un peu d’ordre. Elle détestait Fatima pour l’obliger à prononcer la première parole dans ce silence pesant qu’elle avait imposé au jeune homme, mais en même temps, elle la remercierait plus tard pour avoir l’y avoir contrainte si subtilement, doutant de plus en plus que l’éviter soit la solution miracle à tout ce qu’elle gardait pour elle. Elle s’était longtemps demandé si Ginny avait discuté avec lui de cette fois où elles s’étaient croisées, elle s’était longtemps demandé plein de choses en vérité, se sentant à la traîne dans tout ce qui auraient pu lui arriver au cours de ces semaines qu’elle avait passé à prétendre avoir trop de travail pour s’attarder plus d’une minute à discuter, ou pas assez de temps pour passer le voir lui, Spike et Bandit – et dire qu’elle était rentrée an Australie parce qu’il lui manquait.
Elle marqua une brusque halte devant le portail de chez lui. Elle vérifia alternativement sur sa montre, puis l’écran de veille de son téléphone portable l’heure qu’il était. Tard, mais elle était là, maintenant. Dans un élan de bonne volonté, elle poussa la barrière, et avec souplesse, elle gravit la volée de marches qui menait jusqu’à la porte. Elle déplaça un long rideau de cheveux presque secs d’un côté à un autre de son épaule, et le poing levé devant le battant, elle retint sa déglutition. Yasmine régula son souffle qu’elle trouva trop incertain, puis passant outre son bon sens qui lui soufflait qu’à cette heure, il y avait des chances pour qu’il dorme, seul ou pas, elle frappa si doucement qu’elle redouta qu’il ne l’entende pas. Et pendant qu’elle faisait un pas en arrière, elle s’avoua que dans le fond, c’était ce qu’elle attendait pour, plus tard si on lui reprochait les distances qu’elle avait prises, elle pourrait revendiquer ses efforts en se reposant sur cette visite tardive.
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Message(#)yassan ☽ let me tell you  EmptyMer 20 Fév 2019 - 4:29

Il devait bien admettre que Clara avait raison. Pas tout le temps, pas comme un fait général … mais à ce sujet-là, au moins, elle avait raison. On se laissait vite prendre au jeu, et tout Millenial qu’il n’était pas Hassan laissait pourtant désormais glisser son pouce à droite ou à gauche de l’écran de son smartphone avec un semblant d’habitude – et surtout un zeste de désinvolture. On perdait certes le charme de la rencontre au comptoir d’un pub bondé – quoi que s’y pointer seul et à l’affût trahissait souvent la même finalité – mais l’on y gagnait à coup sûr du temps que l’on aurait perdu à mal analyser les signaux envoyés par celui ou celle que l’on espérait attirer dans ses filets … et certains jours le brun devait bien admettre se sentir d’humeur à céder à la facilité. Ou simplement à la distraction, un peu comme ce soir-là, affalé sans aucune grâce sur son canapé, Spike à ses pieds et Bandit couché sur le tapis, Back to the future lancé en fond sonore sur Netflix bien qu’il en connaisse déjà le moindre dialogue sur le bout des doigts, le chat de l’application ouvert sur son téléphone et la discussion suivant tranquillement son cours entre lui et son dernier match en date. Elle l’avait alpagué sur le slogan du tee-shirt qu’il portait sur sa photo de profil, un peu facile mais cela avait suffi à lui arracher un semblant de sourire – un exploit compte-tenu de sa mâchoire crispée par la contrariété depuis la fin de l’après-midi. Le thé à la menthe de Fatima et le quart d’heure qu’il s’était accordé à regarder la fin du match de cricket avec Amjad n’avaient pas été suffisant pour dissiper le trouble qu’avait eu sur lui la révélation de la mère de famille, et de la déception du départ le brun avait senti s’installer un ressentiment qui ne lui plaisait pas compte tenu de la personne vers qui il était dirigé. Mais soit. Yasmine prévoyait d’aller faire ses études ailleurs … Et après ? Elle n’avait pas de comptes à lui rendre. Et puis Sydney n’était pas une mauvaise université … Il ne voyait pas ce qu’elle avait de plus que celle de Brisbane, mais une fois encore, soit. Et puis ça ne regardait sans doute que les Khadji, au fond, rien d’anormal au fait que Yasmine n’ait réservé cette information qu’aux seuls membres de sa famille … Ou peut-être pas ? Peut-être que Clara était au courant. Sans doute que oui, Clara devait être au parfum tout comme elle avait sa place dans l’emploi du temps parait-il chargé de Yasmine. Mais encore une fois la brune n’avait aucun compte à lui rendre, et lui aucune raison de ruminer comme il le faisait.

Lydia 32 ans venait de transformer l’essai – de la plus littérale des manières – en mentionnant un goût pour le rugby, rabattant un instant vers elle l’attention d’Hassan sans même savoir qu’elle l’avait momentanément perdue. La reprise de saison de la NRL tombant à point nommé, le match Wigan-Roosters ressemblant à la toile de fond idéale pour le verre que le brun venait de proposer, ils en étaient à convenir d’un lieu de rendez-vous, Hassan grimaçant légèrement lorsqu’elle avait suggéré le Regatta – qui avait eu toute sa fidélité lorsqu’il était étudiant, beaucoup moins depuis qu’il était devenu un vrai adulte – et s’apprêtant à faire une autre proposition, jusqu’à ce que les coups frappés à sa porte ne le coupent net dans son élan. Les coups frappés et surtout les aboiements de Spike qui en avaient découlés, l’animal ayant déjà bondi du canapé pour se précipiter dans l’entrée et confirmant ainsi à son maitre qu’il n’avait pas rêvé, au cas où il en douterait. Le smartphone glissant dans la poche de son short, Hassan avait enfilé à la va-vite le tee-shirt retiré en milieu de film – George n’avait à ce moment-là par encore invité Lorraine à la Féérie dansante des sirènes – pour cause de températures toujours étouffantes malgré la nuit tombée, et balancé un « Shhhht espèce d’andouille, t’entends le boucan que tu fais ! » à l’attention de Spike, qui n’avait fait qu’aboyer une fois de plus en guise de réponse pendant que Bandit préférait aller se cacher sous la table de la cuisine. Un coup d’œil à sa montre lui indiquait qu’il était vingt-trois heures passées, soit bien trop tard pour une visite de courtoisie quelle qu’elle soit, aussi le professeur avait-il préféré s’armer d’un brin de méfiance au moment d’ouvrir la porte, presque rassuré par le fait d’avoir la mâchoire de Spike dans son sillage "au cas où". « Yas … ? » Ouvrant la porte en grand dès l’instant où il avait reconnu la jeune femme, Hassan n’avait pas plus eu le temps de remettre de l’ordre dans sa vexation et sa déception que de retenir les élans enthousiastes de son berger allemand, que l’arrivée de la brune venait de mettre en joie. Et pour cause, lui non plus ne l’avait pas vue depuis un moment. « Qu’est-ce que tu fais-là à cette heure-ci … Tout va bien à la maison ? » Soudainement soucieux, jamais le dernier pour s’imaginer tous les scénarios catastrophes possibles et en tout cas trop déconcentré pour songer à se laisser guider par ses découvertes de l’après-midi, il avait scruté machinalement les alentours comme s’il s’attendait presque à ce que son amie ne soit pas venue seule.
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Message(#)yassan ☽ let me tell you  EmptyLun 25 Fév 2019 - 19:05

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Elle retint un sursaut lorsque les aboiements de Spike se firent entendre de l'autre côté du panneau de la porte, mettant à mal tous ses grands espoirs de passer inaperçue ; demain matin, on se demanderait sans doute qui avait provoqué tous ces jappements à cette heure si tardive, de quoi donner du grain à moudre aux curieux des alentours, et ils étaient nombreux. Anticipant l'ouverture prochaine de la porte d'entrée, Yasmine recula d'un pas en arrière, puis toupillant sur ses semelles pour embrasser le quartier d'un regard incertain, elle resta immobile près de la volée de marches. Dans l'attente, elle replaça simultanément ses cheveux sur tout un côté de son épaule, tachant de les faire tenir alors que des boucles naturelles s'étaient dessinées comme elles les avaient laissés sécher à l'air libre, et remonta la bretelle droite de son débardeur jaune dont elle baissa davantage le bas sur ses hanches pleines. Puis, n'y pouvant plus d'être soumise à ce suspens abominable, elle porta de nouveau son pouce à ses lèvres, sentant son pouls pulser contre ses dents qui se montrèrent voraces dans l'exercice ; bientôt, si Hassan ne lui ouvrait pas, elles attaqueraient l'os. Contenant difficilement son envie de s'enfuir et de faire passer sa visite tardive pour celle d'un plaisantin de passage, elle se dit que c'était tellement ridicule, cette gêne qui s'insinuait en elle. Pourtant, elle ne put s'empêcher de repenser aux raisons qui faisaient qu'elle se montrait si élusive avec le jeune homme – aux théories de sa mère sur sa vie privée, et à l'effet que ça lui faisait d'avoir compris qu'il avait changé d'avis depuis août dernier, quand il lui avait dit ne plus avoir envie d'une vie à deux, ou pas comme on l'entendait traditionnellement. Ça démontrait quelque part qu'elle n'avait plus l'exclusivité des faits qui occupaient son quotidien, et c'était douloureux pour elle d'admettre que c'était sans doute sa faute.
Cette gêne, pas si latente que ça comme le traduisirent la moiteur de ses paumes, elle était aussi irrationnelle que ces peurs qu'elle tentait de refouler une fois les yeux fermés. Tandis qu'elle redoutait le moment où il lui répondrait, Yasmine se contraint à toupiller de l'autre côté pour lui faire face, une fois qu'il se montrerait. Dans l'entre deux, les yeux accrochés à la porte toujours close, elle se demanda un instant s'il s'était enfin faire couper les cheveux, depuis la dernière fois où elle avait passé ses doigts dedans. Dans un geste réflexe, elle tripota les siens qu'elle coinça derrière une oreille ; elle finit par en triturer le lobe, à l'endroit où un minuscule croissant de lune doré était enfilé. Cependant, elle eut à peine le temps de s'arrêter sur ce détail qui attisa sa curiosité au point de faire naître un petit sourire sur son visage, puisque lorsqu'il ouvrit enfin la porte, et qu'un semblant de lumière s'échappa du battant, elle fût poussée un peu trop fort en arrière par l'alarme ambulante qu'était Spike. Il la fit dévaler deux marches du perron en appuyant ses pattes sur son abdomen qu'elle contracta un peu trop tard. La pauvre bête n'y pouvait rien, mais son excitation à l'avoir à la maison fit s'accroître la culpabilité qu'elle ressentait à l'idée de se trouver constamment des excuses pour ne pas venir flatter ses mignonnes petites oreilles qu'elle se hâta de caresser en s'accroupissant difficilement devant lui, l'obligeant doucement à poser ses pattes sur la marche supérieure à celle qu'elle avait rejointe à reculons.

"Doucement, imbécile." fit-elle en laissant fuser un rire sincère, avant de grimacer quand il approcha sa truffe de son visage, et qu'elle y frotta prudemment le bout de son nez. Elle l'essuya d'un revers de main, puis elle rit une autre fois, faisant glisser ses mains sur son poil brillant. S'intéresser au chien, ne serait-ce qu'un instant, ça lui donnait l'occasion de retarder un peu le temps où elle serait contrainte de lever les yeux vers Hassan, dont le ton la fit relever rapidement le nez, et murmurer – inutilement, si on considérait le vacarme de Spike qui battit sagement en retraite, lui permettant de se redresser en frottant son débardeur de la poussière qu'il avait déposé en y appuyant ses pattes "Je suis désolée, je me suis pas rendue compte de l'heure qu'il est." Un mensonge qu'elle prononça de façon éhontée, les sourcils légèrement froncés pour appuyer son tort. Elle faillit cacher son poignet où sa montre brillait, l'éclat des réverbères se reflétant sur le cadran, mais à la place, elle préféra remonter les deux marches qui la séparait du perron, opinant négativement du chef face aux interrogations d'Hassan "Tout va bien, je voulais juste te voir." C'était étrange, cette retenue qu'elle s'obligeait à garder, alors que quelques mois plus tôt, elle n'aurait pas hésité à traverser ce perron, et à s'approcher de lui pour le saluer comme ils le faisaient tout le temps – par un baiser ou une caresse sur la joue, ou par une accolade plus ou moins longue, à l'appréciation de celui qui avait besoin d'un peu de chaleur humaine. Là, elle resta à bonne distance, sentant un léger souffle frais, sans doute imaginaire, frôler ses bras qu'elle frictionna légèrement en partant du poignet, juste avant d'ajouter, une autre secousse de la tête accompagnant ses paroles "Mais il est vraiment tard, je comprendrais que t'aies autre chose à faire." Après tout, elle-même l'avait prétendu à de maintes reprises au cours de ces dernières semaines, elle ne récolterait que la monnaie de sa pièce s'il lui disait de rentrer à la maison. Néanmoins, prise d'un élan de courage inespéré, elle leva doucement les yeux pour le regarder un instant, et constata qu'en effet, c'était discret, mais il avait bien fait raccourcir quelques mèches ; ça lui allait bien.
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Message(#)yassan ☽ let me tell you  EmptyJeu 21 Mar 2019 - 19:19

Les motivations de Yasmine ne semblaient plus avoir ni queue ni tête aux yeux d’un Hassan qui, en ouvrant la porte à une heure aussi tardive et en pleine semaine, s’était attendu à tout sauf à y découvrir la jeune femme. Semblant slalomer entre les semaines telle une anguille, la brune était rarement libre, rarement présente aussi lorsqu’il passait chez les Khadji sur invitation de Fatima ou simplement à l’improviste. Restait l’hôpital où il parvenait encore à la croiser en coup de vent, juste assez pour qu’il ne puisse pas dire « je ne t’ai pas vue depuis des semaines » mais trop peu pour qu’ils aient eu une véritable conversation depuis … Longtemps. Plus contraint qu’autre chose Hassan avait malgré tout fini par s’y faire, taisant les angoisses y voyant plus qu’un simple hasard du calendrier et préférant s’en remettre à la sagesse des mots de Ginny quand il lui avait fait part de ses doutes … Et puis à nouveau, sa discussion avec Fatima plus tôt dans la journée avait fait vaciller ses maigres certitudes. Vexé d’avoir été ainsi tenu à l’écart des projets que l’infirmière développait de son côté après avoir pourtant cherché son soutien quelques mois auparavant, il s’était aussi senti peiné de constater que la confiance qu’elle plaçait en lui et en ses conseils l’hiver précédent semblait ne plus avoir cours désormais. Fautif, enfin, il craignait d’avoir par ses paroles ou son comportement laissé entendre à un moment ou un autre à Yasmine qu’elle ne pouvait plus se reposer sur lui – suffisamment pour expliquer le silence radio concernant ses projets professionnels et cette application qu’elle semblait prendre à n’avoir jamais le temps de rien, quand Clara ou Sohan ne semblaient eux pas avoir remarqué de changement particulier. Alors qu’elle gratifiait Spike d’un « Doucement, imbécile. » amusé, flattant l’animal avec plaisir tandis que Bandit faisait état de sa grande prudence en pointant à peine le bout de son museau dans l’embrasure de la porte, claudiquant sur ses trois pattes juste assez pour s’avancer sur le perron avec curiosité mais en restant malgré tout à l’abri entre les jambes de son maitre, ce dernier ne voyait donc pas d’autre raison à la présence inopinée et aussi tardive de Yasmine qu’un éventuel problème chez elle. « Je suis désolée, je me suis pas rendue compte de l'heure qu'il est. Tout va bien, je voulais juste te voir. » avait-elle pourtant assuré, la brise arrivée avec la nuit tombée semblant lui arracher un frisson lui permettant également d’occuper ses mains, dont elle semblait ne pas savoir quoi faire. Un autre jour Hassan n’aurait probablement pas remis sa parole en doute ; Ce soir-là il soupçonnait que ce ne soit pas tant la volonté de le voir que le lapsus de sa mère plus tôt dans la journée qui l’avait mené jusqu’à sa porte. « Mais il est vraiment tard, je comprendrais que t'aies autre chose à faire. » La demi-seconde d’hésitation avait bel et bien existé, et n’écoutant que sa mauvaise tête le brun aurait presque cédé à l’envie de prétendre que oui, cette fois-ci c’était lui qui n’avait pas le temps, ou mieux à faire – et tant pis s’il ne s’agissait que d’un mensonge éhonté à base de film déjà vu cent fois et de tête à tête avec ses deux compères canins. Mais à trop écouter ce qui titillait sa rancœur Hassan avait déjà gâché plusieurs années d’une amitié avec un autre des Khadji, et il n’avait plus ni l’âge ni la patience pour répéter les mêmes erreurs deux fois, aussi gratifiant Yasmine d’un « A presque minuit un soir de semaine, tu te doutes bien que je suis débordé. » supposé détendre l’atmosphère il s’était décalé pour la laisser rentrer, les deux chiens sautillant avec contentement à l’idée de recevoir de la visite. Allumant la lumière du salon, jusque-là plongé dans la pénombre, le brun avait attrapé la télécommande et coupé le sifflet du Doc au milieu de son numéro de funambule sur l’horloge de la bibliothèque et débarrassé la table basse des vestiges de son dîner. « Je vais faire du thé. » avait-il alors décidé dans la foulée, une partie de lui sans doute trop heureuse de pouvoir s’éclipser un moment vers la cuisine et continuer d’ignorer l’éléphant dans la pièce encore quelques instants. Par chance, Bandit avait joué à la perfection son rôle de diversion en traînant l’un de ses jouets au pied de la jeune femme, Spike suivant comme à son habitude à la cuisine dans l’espoir perpétuel d’y grappiller quoi que ce soit qui fasse le bonheur de son estomac sans fond. La bouilloire sur le feu, Hassan avait sorti deux tasses dépareillées d’un placard et rempli la théière de quelque chose qui ne les empêcherait pas de trouver (peut-être) le sommeil plus tard. Pendant un moment n’avaient subsisté dans la maison que les couinements du jouet pour chien et la démarche claudicante de Bandit sur le parquet du salon, d’un côté, et l’ébullition lente de l’eau dans la bouilloire de l’autre ; Jusqu’à ce que la silhouette de Yasmine n’apparaisse dans l’encadrement du passage qui menait à la cuisine. Relevant vers elle un regard furtif, Hassan avait demandé « Tu as déjà mangé ? » comme on tentait de meubler une conversation où l’on s’efforçait d’éviter le principal. Il sonnait faux, aussi faux que l’impression que donnait la jeune femme de marcher sur des œufs et d’avancer à tâtons dans une maison où elle avait toujours été accueillie comme chez elle. Elle avait maigri, un peu. A moins que ce ne soit que l'effet de son imagination, combiné à la lumière peu flatteuse du néon au-dessus de l'évier.
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Message(#)yassan ☽ let me tell you  EmptyLun 25 Mar 2019 - 18:30

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Yasmine ne se souvenait pas de s'être déjà sentie aussi mal à l'aise en présence d'Hassan, et encore une fois, elle savait pertinemment qu'elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même. Dans sa tentative d'alléger l'atmosphère, elle devina le sarcasme, ce qui lui fit légèrement baisser la tête et considérer qu'elle n'avait que ce qu'elle méritait. Aussi sûrement qu'il faisait atrocement chaud cette soirée-là, cette prise de conscience chargea davantage le courant électrique qu'elle sentait émaner de son propre corps malgré l'air nonchalant qu'elle s'évertuait à se donner. C'était comme s'ils s'étaient disputés, alors qu'aucun d'eux n'avaient encore rien dit – rien d'important, en tout cas. Baissant progressivement le regard sur Bandit qui s'avançait, pataud, entre les jambes de son maître, Yasmine hésita, et cette sensation finit de creuser le long couloir, semé d'embûches, de craintes et d'angoisses qui l'empêchait de filer droit. Se sentant soudain déséquilibrée, ça la força à appuyer le bas de ses reins sur la rambarde du perron qui lui paraissait si étroit, et en même temps si large, qu'elle se demanda longtemps comment elle allait bien pouvoir s'y prendre pour combler la distance qui semblait s'être vicieusement installée entre eux depuis qu'elle avait décidé, sans l'avis du principal intéressé, qu'elle était l'élément de trop dans sa vie. C'était pourtant simple, elle l'avait fait des centaines de fois, et tandis qu'elle prenait conscience que si ce n'était pas elle qui prenait les devants, son initiative de venir le trouver ce soir ne servirait strictement à rien au final, Hassan se décala de la porte pour l'inviter silencieusement à entrer. Elle leva la tête pour de bon, donnant le sentiment d'avoir calée au beau milieu de son cheminement de pensées, et dans la foulée, elle affronta brièvement son regard. Le sien s'était soudain éclairé, alors après une seconde, elle n'hésita plus. Enfin, elle s'aperçut que c'était ce qu'elle avait attendu pour se détendre, même si ce n'était rien qu'un peu ; s'il avait senti que ses excuses pour ne pas se retrouver en sa présence n'étaient, justement, que des excuses, il ne considérait pas que c'était grave au point de lui interdire l'accès de son chez lui. En dépit de tout ce qui lui pesait sur la poitrine, ça la soulagea beaucoup toutefois, si bien qu'en passant à côté de lui, elle renoua avec l'une de ses habitudes, et se pencha pour l'embrasser rapidement sur la joue. Puis, timidement, elle suivit le mouvement des chiens qui se firent d'une mission de lui rappeler le chemin du salon.

"J'ai interrompu ta séance ?" fit-elle maladroitement tout en pointant l'écran de télévision du doigt. Debout au milieu du salon, Yasmine opina du chef lorsqu'il s'affaira à aller préparer le thé ; ils avaient décidément tous les mêmes manies à ce sujet, à croire que l'eau chaude pourrait définitivement noyer le gros poisson visqueux qu'elle-même tentait de retenir à mains nues, alors qu'il se tortillait dans tous les sens, impatient de plonger tête la première dans la marée houleuse qui s'apprêtait à leur déferler dessus. Pinçant les lèvres, elle fit un prudent tour sur elle-même pour jeter un regard d'ensemble à la pièce, et le constat qui s'imposa à elle lui serra le cœur, ajoutant à ses soucis ; elle aimait beaucoup cette maison, ce qu'Hassan en avait fait, et plus que tout, ce qu'elle représentait à ses yeux. Aussi, elle mit entre parenthèses ses réflexions, s'immobilisant de nouveau, le temps de répondre au besoin pressé de Bandit de faire un peu d'exercice – ou de détourner son attention, les chiens avaient, d'après la rumeur, beaucoup d'empathie et d'intuition. S'inclinant pour ramasser le jouet qu'il venait de lui ramener, la jeune femme se laissa tomber à genoux sur le beau tapis qui lui râpa la peau au passage, et fit ce qu'on attendait d'elle. Mais c'était trop lui demander, et étant donné les jappements impatients du chien, elle n'était apparemment pas assez rapide pour lui, de toute façon. De ce fait, après que Bandit ait terminé son dernier aller-retour, elle lui flatta le collier, avant de se lever avec souplesse, et sur la pointe des pieds, elle emprunta toute seule un autre chemin qu'elle aurait pu suivre les yeux fermés, non sans ressentir une vague désagréable déranger la tranquillité relative de son cœur sur lequel elle posa momentanément une main en se sommant de garder son calme.

Ce qu'elle pensait avoir retrouvé en s'arrêtant à l'encadrement de la porte de la cuisine. N'osant pas tout de suite entrer, elle y appuya simplement le haut de sa tête. Ensuite, elle posa ses yeux scrutateurs sur Hassan qu'elle jaugea une poignée de secondes, avant de sourire, autant qu'à ses observations plus poussées que ces derniers temps, qu'à sa question "Toi aussi, tu penses que je devrais me remplumer un peu ?" Elle arqua un sourcil en accent circonflexe, feintant de le défier de prétendre le contraire, et ajouta, se décalant enfin de l'encadrement de la porte pour faire quelques pas dans sa direction "Juste du thé, ça suffira." Replaçant nerveusement sa montre sur son poignet, Yasmine contourna Hassan pour l'accompagner dans l'attente relative à l'ébullition de l'eau. De nouveau, elle appuya le bas de ses reins sur un meuble à proximité, s'intéressant quelques secondes à la bonne tenue des plantes qui bordaient la fenêtre qui leur faisait face. De plus en plus consciente qu'il n'y avait plus aucun moyen pour elle d'échapper à la conversation que chacun de leur côté redoutait sans aucun doute, elle se risqua une bonne fois pour toute, mais tout bas "Maman m'a dit que tu étais passé à la maison, aujourd'hui." Elle lâcha les plantes du regard pour venir le poser sur ses mains qu'elle avait levées à mi-hauteur de sa silhouette, simplement pour y triturer le bout de son index droit auquel une bague de phalange était passée. Marquant une pause inutile, elle fit le tri dans la liste des meilleures excuses qu'elle aurait pu lui servir pour lui expliquer le temps qu'elle avait mis à le prévenir de ses projets. Et puis, le temps s'étirant dangereusement, uniquement dérangé par les clapotis progressifs de l'eau qui s'agitait dans la bouilloire, et ne faisant rien d'autre que miner davantage le terrain sur lequel elle s'était presque aveuglément lancée, elle reprit, tout en penchant la tête sur le côté "J'allais t'en parler, tu sais. Elle ne m'en a juste pas laissé le temps." Comme d'habitude, fût-elle tentée d'ajouter, mais châtier Fatima pour sa langue trop bien pendue, trop peu pour elle à cet instant. Elle aurait l'impression de se cacher derrière la bévue de sa mère, et parce qu'elle avait trop de respect pour lui, elle ne ferait pas cet affront à Hassan : elle seule était la responsable de ce silence insupportable entre eux – puisqu'elle était là ce soir, c'était qu'une part d'elle était prête à assumer les conséquences de ce qu'elle avait cru bon instaurer entre eux, quoi que ce fût, alors autant assumer jusqu'au bout, même si c'était difficile, même si elle se sentait honteuse et incomprise. Osant enfin lâcher sa bague du regard, elle tourna la tête vers lui, et poursuivit "C'est rien qu'une idée. Moi-même je considère cette info comme rien d'autre qu'un et si…" Elle s'arrêta, puis après un temps de silence au cours duquel elle reprit sa respiration par hachures, elle répéta, levant, une bonne fois pour toutes, les yeux vers lui "J'allais t'en parler, Hassan."
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Message(#)yassan ☽ let me tell you  EmptyVen 26 Avr 2019 - 1:33

Aussi furtivement que le baiser qu’elle était venue déposer sur sa joue en passant le seuil de la porte, Hassan avait senti un brin de chaleur se nicher au creux de son abdomen, le persuadant que peut-être il s’était rendu fautif d’avoir une nouvelle fois trop cogité, trop extrapolé des situations qui ne relevaient en réalité que du hasard. Fugace, l’impression teintée d’espoir s’était pourtant évaporée aussi vite que Yasmine avait repris la parole, questionnant « J'ai interrompu ta séance ? » avec une maladresse que des années à se côtoyer empêchaient le brun d’ignorer pour se persuader que rien ne clochait. Haussant vaguement les épaules, l’avancée d’un film déjà visionné des dizaines de fois lui semblait tout à coup on ne peut plus triviale, il avait préféré débarrasser la table et prétexter la préparation d’une tournée générale de thé pour s’éclipser à la cuisine, conscient néanmoins que sa manière d’éviter l’éléphant dans la pièce n’aiderait en rien à alléger la situation. Yasmine ne serait jamais venue sans l’intervention involontaire de Fatima, il en était intimement persuadé, et bien qu’il tentait de se répéter que le moyen importait peu pourvu que la jeune femme ait un moment à lui consacrer dans un quotidien qui semblait de plus en plus dense, Hassan ne pouvait s’empêcher de considérer avec amertume la possibilité que la brune ne soit pas tant là par envie que par sentiment d’obligation. La même obligation avec laquelle elle avait accepté « Juste du thé, ça suffira. » non sans avoir au préalable œuvré de comédie pour décliner la proposition faite de lui préparer de quoi grignoter si elle avait sauté le dîner. « Toi aussi, tu penses que je devrais me remplumer un peu ? » N’arrachant pourtant au brun qu’un mince sourire et l’absence du moindre commentaire supplémentaire, la jeune femme n’avait pas insisté, laissant son regard se balader sur l’un ou l’autre des éléments de la cuisine et s’appuyant finalement contre l’un des meubles pour jouer avec ses doigts en silence. À nouveau le frémissement de l’eau, les griffes de Spike contre le carrelage et leurs respirations à tous les deux avaient comblé le vide de la conversation, Hassan s’éloignant un court instant pour ouvrir la baie vitrée au berger allemand qui s’était mis à réclamer, revenant se poster au même endroit non sans frôler au passage la silhouette de Yasmine. N’y tenant plus, cette dernière s’était d’ailleurs résolue à briser à nouveau le silence qui pesait sur leurs épaules, et d’un simple « Maman m'a dit que tu étais passé à la maison, aujourd'hui. » Hassan avait eu la confirmation de ce qu’il se contentait jusque-là de supposer avec amertume. Elle n’était pas là par hasard, et qui sait, peut-être même pas par envie. Ravalant de ce fait avec difficulté la boule de déception venue se coincer au fond de sa gorge, il s’était fendu d’un « Hmhm. » qui aurait autant pu vouloir dire qu’il écoutait avec attention que dire qu’il savait déjà ce qu’elle prévoyait de dire ensuite – il n’en savait rien, pourtant, et manquant du courage suffisant pour croiser le regard de l’infirmière il faisait mine de devoir surveiller la bouilloire comme si sa vie en dépendait. « J'allais t'en parler, tu sais. Elle ne m'en a juste pas laissé le temps. » Le fait qu’elle tente de faire passer sa mère pour la véritable coupable arrachant au brun une légère grimace de désapprobation, il avait enfin consenti à relever les yeux vers Yasmine, celle-ci semblant reprendre silencieusement son souffle après avoir ajouté « C'est rien qu'une idée. Moi-même je considère cette info comme rien d'autre qu'un et si … » et plantant son regard dans le sien à son tour en assurant une seconde fois « J'allais t'en parler, Hassan. » comme si elle se doutait qu’il n’avait pas avalé cette couleuvre au premier coup. Bien qu’il y ait attaché un sourire et un air goguenard, le brun n’avait dès lors pas été capable de cacher le sarcasme dans sa voix lorsqu’il avait demandé « Avant ou après avoir pris ton billet d’avion ? » sans que la question n’attende véritablement de réponse. Réalisant néanmoins une fois les mots sortis de sa bouche de la possible brutalité de sa réponse, il avait baissé la tête d’un air penaud et soufflé un « Excuse-moi. » maladroit, coupant le feu sous la bouilloire à la seconde même où elle s’était mise à siffler. Tournant momentanément le dos à la jeune femme pour remplir la théière à ras bord, Hassan s’était silencieusement traité d’imbécile et avait pris une grande inspiration avant de faire à nouveau face à Yasmine, en tentant au mieux de garder la face. « J’aurais vraiment préféré l’apprendre de ta bouche. » lui avait-il alors admis, en tentant de ne pas trop faire valoir les sentiments négatifs que cette découverte hasardeuse lui avaient inspirés. « Mais ta mère ne pouvait pas deviner que c’était un secret. » Auquel cas elle aurait peut-être simplement dû lui dire que c’en était un – mais alors qui sait si Hassan ne l’aurait pas réellement appris une fois les valises de l’infirmière bouclées. « Enfin, maintenant je comprends mieux pourquoi tu as refusé mon coup de pouce, cet hiver. » Haussant les épaules, son sourire de façade se craquelant légèrement, le brun avait frotté ses mains l’une contre l’autre pour se donner une contenance, et finalement tourné à nouveau le dos pour scruter la théière comme s’il espérait en accélérer l’infusion à la seule force de son esprit. Ayant initialement pris le refus de Yasmine qu’il se renseigne sur les démarches pour intégrer l’université du Queensland comme une volonté farouche de faire les choses par elle-même, les révélations de Fatima étaient venues éclairer la situation sous un nouvel angle qui, en y réfléchissant, semblait faire beaucoup plus sens. Et à nouveau, l’envie de lui demander si elle serait venue jusque chez lui sans la maladresse de sa mère lui brûlait les lèvres, sans qu’il ne puisse se résoudre à poser la question. Au lieu de cela il avait versé le thé dans les deux tasses et en avait tendu une à Yasmine en silence, un brin honteux d’accorder autant d’importance à quelque chose qui, en réalité, ne le regardait pas, que cela lui plaise ou non.
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Message(#)yassan ☽ let me tell you  EmptySam 4 Mai 2019 - 18:41

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yassan#3


Elle aurait aimé se défendre face au sarcasme d'Hassan, mais de nouveau, Yasmine savait très bien qu'elle le méritait. Elle ne pouvait cependant pas repousser le sentiment d'injustice qui lui remonta le long de la tranchée en même temps que le rire rentré qu'elle contra en baissant la tête, en parfaite synchronisation avec le jeune homme. Une pointe de mal lui transperça l'abdomen, mais elle ne dit rien de plus sur le moment, acceptant son châtiment avec la docilité d'une condamnée à mort. Il l'aurait giflé qu'elle n'aurait pas plus réagi, consciente que la faute lui était entièrement incombée, et qu'encore une fois, elle n'obtenait enfin que ce qui lui pendait au nez depuis des mois entiers. Même si elle ne lui tendrait pas l'autre joue, elle ne pouvait décemment par lui rendre les coups non plus ; elle s'en savait tout bonnement incapable, même en possession de tous ses moyens, ce qui lui manquait clairement à ce moment-là, sentant l'angoisse lui nouer la gorge en même temps que l'estomac. Que faire alors ? Lui avouer qu'elle l'avait sciemment évité depuis tout ce temps ? Tomber dans la justification larmoyante de son comportement de ses derniers temps ? Plus tard, peut-être. Pour l'heure, elle savait que ça la mettrait dans une position encore plus délicate que maintenant, et qu'elle devrait rentrer dans les détails. De ce fait, contrainte au choix rapide, Yasmine décida de garder encore un peu le silence, retenant quelques longues secondes sa respiration en sommant intérieurement à son rythme cardiaque de se réguler.
Ce qui n'était pas chose aisée, et sans s'en rendre compte, elle posa une main sur le haut de sa poitrine, comme pour comprimer une plaie infligée par surprise. Elle ne saurait exprimer tout à fait ce que ça lui faisait d'être confronter à la contrariété mal dissimulée d'Hassan, mais une chose était certaine, et elle était aussi vive que la brûlure du frôlement de leur silhouette qui s'effleurèrent lorsqu'il était revenu s'installer à ses côtés : ça la blessait atrocement qu'il puisse penser qu'elle soit lâche au point de repousser une discussion aussi importante. Ça la blessait d'autant plus qu'elle savait au fond qu'elle n'avait pas exclu l'idée de jouer sur l'effet de surprise et de le prévenir à la toute dernière minute de sa décision, quand tout serait prêt et qu'elle serait enfin sûre de l'endroit où elle atterrirait ; dans l'unique perspective de se faciliter la tâche à elle-même, et de ne plus s'encombrer des mille et une questions qui la taraudaient depuis tellement longtemps, mais tout de même, c'était un fait qu'elle ne pouvait pas nier. Les yeux baissés sur le sol, le mince sourire qui fendait son visage se dissipa, et tandis qu'elle clignait des yeux pour chasser la morsure des larmes qu'elle refoula sans se poser de questions, très peu encline à déclencher les grandes eaux, elle murmura enfin, la main toujours posée sur son cœur qui battait la mesure sous sa paume brûlante :

"T'excuses pas, c'est ma faute." Le concéder à voix haute était aussi douloureux, mais nécessaire, pour elle comme pour Hassan qui au final, n'avait absolument rien à se reprocher ; si ce n'est peut-être d'avoir heurté sa sensibilité en prétendant que le célibat était devenu son nouveau credo pour avancer dans la vie, quand les signaux qui émanaient de la relation qu'il avait entretenue avec Ginny pendant son voyage en Afrique, qu'il entretenait toujours avec elle depuis qu'elle était rentrée, lui donnait l'impression du contraire. Il lui suffirait de lui poser la question pour soulager son ego blessé, mais comme tout le reste, faire la démarche d'ouvertement lui demander si Fatima se trompait, si elle se trompait, lui paraissait incroyablement difficile à surmonter. Elle prit une courte inspiration, relâchant la pression qu'elle avait volontairement retenu au creux de sa poitrine qui se souleva profondément quand elle baissa sa main. C'était bien simple, elle avait peur de la réponse qu'il pourrait lui donner, peur que son si bon instinct soit de nouveau calé sur la bonne fréquence, et peur que ça la contraigne à définitivement disparaître de sa vie pour le laisser vivre la sienne, abandonnant son rôle d'ombre constamment tapie derrière lui, aussi ingrate qu'inutile. Jusqu'à présent, prendre ses distances avec lui était apparue comme une solution momentanée, un barrage à son propre affect, le temps qu'elle réussisse à recouvrer ses esprits, et à vivre de nouveau avec l'étiquette d'amie fidèle, de sœur de substitution qu'on lui avait attribuée sans lui demander son avis. Mais confrontée à la réaction d'Hassan, elle devait bien admettre que sa tactique n'était pas infaillible, qu'elle était même extrêmement mauvaise, en plus d'être dangereusement fatale pour leur amitié : elle risquait de le perdre pour de bon en refusant de lui accorder du temps, disséminant dans l'air un parfum de non-dits qui était aussi toxique que ce qu'elle gardait en elle-même, finalement. En d'autres termes, elle avait mal calculé son coup, et le piège se refermait tout doucement sur elle et sur ses intentions. Même si elles étaient foncièrement bonnes, elles n'en étaient pas moins maladroites.

Pendant un temps, elle fût soulagée qu'il lui tourne le dos. Elle fit une halte mentale pour l'observer servir le thé, et même si elle ne pouvait s'en vouloir qu'à elle-même, ce simple geste de la vie quotidienne qu'il exécuta avec machinisme réaffirma combien il lui avait manqué ces derniers mois. En ça, elle ne pouvait pas vraiment en vouloir à Fatima puisqu'elle lui avait permis d'accélérer l'instant où elle se serait enfin décidée à l'affronter, et malgré la tension qui les animait, les englobant de part et d'autre et les faisant tâtonner, elle était heureuse d'avoir reçu un coup de pouce pour retrouver un soupçon de ce qui la réconfortait tant chez le jeune homme. Mais c'était si étrange cette ambiance, entre distance factice et palpabilité pesante, qu'elle baissa de nouveau la tête. Mettant de côté son observation, elle cligna de nouveau des yeux pour remettre à jour sa vision qui s'était légèrement floutée, puis abandonnant ses doigts qu'elle s'était remise à triturer, elle croisa les bras sur sa poitrine ; une barrière de protection bienvenue qui lui permit de retrouver une certaine stature lorsqu'elle se redressa, alors que ce qu'Hassan ajoutait lui fit brièvement rouler des yeux et laisser filer un rire très léger "C'en est pas un." Elle opina du chef pour appuyer sa réponse, haussa les sourcils comme elle poursuivait doucement "Mais j'estime qu'elle est assez âgée pour comprendre d'elle-même que certaines choses valent toujours mieux d'être dites par les principaux concernés. J'ai jamais été très fan du téléphone arabe." Elle, elle préférait laisser sonner le téléphone sans discontinuer, et repousser toujours plus loin le moment de répondre aux messages laissés sur son répondeur ; et comme ce n'était jamais le bon moment à ses yeux, craignant trop souvent de déranger, ses interlocuteurs avaient le temps de se faire du souci pour elle. Déglutissant péniblement, Yasmine le coupa avec prudence lorsqu'il poursuivit à son tour. Ses bras se décroisèrent, et elle opina un peu plus fort, allant jusqu'à hausser les épaules pour donner du corps à ce qu'elle dit avec conviction "Je songeais même pas encore à partir l'été dernier, ça n'a rien à voir…" avec toi, fût-elle à deux doigts de laisser échapper. Sauf que, consciente qu'en définitive, tout avait en fait avoir avec lui, elle se retint de justesse, et se mordit la langue si fort qu'elle crut s'en être sectionnée un bon morceau. Puis, après avoir vérifié en la claquant contre son palais, elle finit par s'avancer d'un pas dans sa direction pour attraper la tasse fumante qu'il lui avait servi, affirmant de nouveau "Je t'assure." Et après avoir avalé la rasade de sang qui vint à peine soulager sa soif dut au chagrin qu'elle retenait, elle finit par faire preuve d'un peu de courage, et ce avec autant de délicatesse que possible "J'ai pas été très disponible ces derniers temps. J'ai cru que ce serait une bonne chose de, je sais pas… te laisser vivre un peu de ton côté. C'est idiot." Elle pouffa – plus dans l'idée de se donner bonne contenance qu'autre chose – en piquant du nez dans sa tasse, et sirota une toute petite gorgée de son thé. Parce qu'en effet, dit tout haut, son raisonnement paraissait d'une imbécillité qui ne rendait pas du tout justice à son esprit, plutôt brillant, d'habitude, et encore moins à sa maturité, celle qui composait la seule chose au monde dont il lui arrivait de se vanter quelquefois. Mais au moins, même si elle gardait une part de sa justification pour elle, toujours frileuse et apeurée quant à l'idée d'endosser le rôle de défenseure de sa propre cause, elle était parvenue à lui céder une toute petite part de vérité et ça la soulagea. Presque.
Yasmine avala vite, et laissant une seconde s'égrener lentement, elle finit par lui demander, pointant du doigt la pièce d'à côté par-dessus son épaule, et l'interrogeant d'un regard timide, un peu comme si elle s'excusait d'oser lui faire cette suggestion "On va s'asseoir au salon ?"
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Message(#)yassan ☽ let me tell you  EmptyVen 24 Mai 2019 - 1:12

L’était-ce réellement ? Sa faute. Froissés par le comportement de plus en plus farouche et distant de Yasmine avec lui, sans qu’il ne parvienne réellement à se l’expliquer, les sentiments d’Hassan faisaient le grand écart entre les moments où il s’agaçait impatiemment de ne pas savoir quelle mouche piquait la Khadji, et les moments où la cause ne lui semblait pouvoir venir que de lui-même – puisqu’il semblait être le seul à avoir remarqué un changement aussi marqué dans le comportement de la jeune femme au cours des dernières semaines, des derniers mois. L’incertitude le fatiguait ; De même que le sentiment d’injustice que lui inspirait le fait d’être ainsi mis de côté pour une raison qui lui échappait de bout en bout. Mais alors c’était la culpabilité qui lui tombait dessus, d’être peut-être trop exigeant et de se braquer pour des choses pour lesquelles il n’était pas légitime à le faire … Parce qu’elle n’avait aucun compte à lui rendre, au fond. Yasmine était une adulte libre de faire ses propres choix, et que lui ait besoin de demander l’opinion de la jeune femme lorsqu’un doute l’habitait ne signifiait pas pour autant qu’elle était forcée d’en faire de même. Tout cela Hassan se le répétait mentalement pour tenter de se raisonner, et pourtant le savoir ne rendait pas la pilule moins difficile à avaler. Préférant dès lors de pas rebondir, il avait préféré utiliser son énergie à alléger un peu les épaules de Fatima, que sa fille semblait vouloir charger comme fautive de la situation, assurant à propos du secret désormais révélé « C'en est pas un. » avant d’ajouter d’un ton que le faible volume dans la voix n’empêchait pas de sentir comme un brin amer « Mais j'estime qu'elle est assez âgée pour comprendre d'elle-même que certaines choses valent toujours mieux d'être dites par les principaux concernés. J'ai jamais été très fan du téléphone arabe. » Mais qui sait depuis combien de temps déjà les parents Khadji étaient-ils au courant des projets poursuivis par leur cadette ? Si secret il n’y avait pas, transparence il n’y avait assurément pas non plus, et en blâmer la matriarche était aux yeux d’Hassan un peu facile – et un peu injuste. « Je suppose qu’elle a conclu un peu trop vite que tu avais eu suffisamment d’occasions de m’en toucher un mot toi-même. » Plus las que véritablement accusateur, le ton d’Hassan s’était évanoui dans un soupir qu’avait accompagné un bref haussement d’épaules. Le mal était fait, alors au fond peu importait désormais. Il aurait eu mille questions à poser, mille choses qu’il aurait aimé savoir, mais s’il y avait bien une leçon à retenir de cet acte manqué selon lui c’était que si Yasmine n’avait pas été encline à lui en parler elle ne serait pas plus encline à éclairer l’un ou l’autre de ses questionnements. Une raison ô combien suffisante à ses yeux pour simplement s’y plier et admettre qu’il ne s’était probablement pas montré de bon conseil lors de la seule occasion qu’il lui avait été donnée de l’être. « Je songeais même pas encore à partir l'été dernier, ça n'a rien à voir … Je t'assure. » lui avait-elle pourtant aussitôt assuré, tout en évitant néanmoins son regard au point que, le cœur serré, Hassan réalise avec tristesse que pour la toute première fois il ne parvenait pas à prendre les paroles de Yasmine pour argent comptant. De sa bouche il n’avait jamais attendu – et entendu – autre chose que la plus pure des vérités, mais alors qu’il lui tendait sa tasse de thé et sentait sa gorge se serrer avec tristesse la réalité était venue le gifler à la seconde où leurs regards s’étaient croisés à nouveau : elle était en train de lui mentir. Et en l’espace d’une seconde ce fut comme si une fêlure indélébile était venue enlaidir le joli vase de la confiance qu’il lui avait toujours porté.

N’ayant dès lors par le cœur à répondre quoi que ce soit, il s’était contenté d’attraper sa propre tasse en silence, y enfouissant son nez comme s’il espérait au passage y noyer sa déception, et n’en restant que d’autant plus interdit lorsque la brune avait finalement assené « J'ai pas été très disponible ces derniers temps. J'ai cru que ce serait une bonne chose de, je sais pas … te laisser vivre un peu de ton côté. C'est idiot. » avec un brin de désinvolture qui lui avait semblé presque aussi cruel que le fait de la voir user d’un tel stratagème pour se dédouaner vis-à-vis de lui. Là, presque au même endroit que Joanne un an et demi plus tôt, Yasmine se dérobait sous les mêmes excuses, l’une l’ayant quitté en prétextant l’empêcher d’avancer et l’autre se défilant en invoquant le fait de le laisser vivre. Et la blonde comme la brune de prétendre savoir ce qui était mieux pour lui, faute d’assumer ce qui était en réalité mieux pour elles. « Si tu penses que c’est mieux … »pour toi. Faute d’avoir eu le cran suffisant d’aller au bout de sa phrase, Hassan avait laissé le thé lui brûler la gorge lorsqu’il l’avait avalé, impassible, et plus fermé qu’une huître lorsque Yasmine avait suggéré « On va s'asseoir au salon ? » Se décollant du plan de travail contre lequel il était appuyé, le professeur avait ouvert la marche jusqu’à la pièce attenante et s’était installé sur un côté du canapé sans un mot, laissant à la Khadji le loisir d’en faire de même. Lourd des non-dits que chacun s’obstinait à garder pour lui, le silence qui s’était installé n’était plus dérangé que par les couinements du jouet avec lequel Spike jouait sur un coin du tapis. « Écoute, j’ai pas envie de … Je veux pas que tu te fâches avec ta mère à cause de ça. » avait finalement repris Hassan, en laissant échapper un soupir « Elle a fait une bourde, c’est pas bien grave. J’aurais bien fini par l’apprendre de toute façon. » Bien que mal à l’aise, il avait tenté tant bien que mal de produire un demi-sourire, certain qu’en y mettant assez du sien il pourrait suffisamment bien jouer la comédie pour que sa propre déception ne transparaisse pas dans la conversation. « C’est juste que je m’y attendais pas. Mais je suppose que je peux comprendre que tu aies préféré garder ça entre tes parents, ton frère et toi tant que ce n’était pas définitif. Je t’en veux pas. » Pas autant qu'il s'en voulait à lui-même, en tout cas. La gorge se nouant pourtant à nouveau, il avait fait mine de reporter toute son attention sur sa tasse de thé, tout ce qu’il lui restait de bon sens ne lui servant qu’à s’empêcher de céder à une formule qui serait fatalement maladroite pour inviter Yasmine à rentrer chez elle – il ne lui faisait désormais plus aucun doute que sans l’intervention malheureuse de Fatima, la jeune femme ne serait jamais venue, ni ce soir-là, ni les suivants.
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Message(#)yassan ☽ let me tell you  EmptyJeu 30 Mai 2019 - 13:06

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yassan#3


Un morceau de culpabilité se coinça dans la gorge de Yasmine. De la taille d'un gros œuf, elle l'empêcha de déglutir convenablement la rasade de thé qu'elle avait jugé bon de siroter pour dissimuler les différentes expressions qui étaient passées sur son visage au moment où elle avait cru pouvoir céder au jeune homme une part de ce qui l'avait tenue à distance de lui ces derniers temps. En elle-même, elle savait qu'elle aurait pu aller plus loin, pousser l'espèce d'avantage qu'elle tenait dans la paume de sa main et enfin cesser de creuser le trou de suppositions dans lequel elle s'était volontairement enterrée depuis le jour où Fatima avait émis l'hypothèse que l'amitié entre Hassan et Ginny n'en était plus vraiment une. Mais ses réactions l'en empêchèrent, parce qu'elle le connaissait aussi bien qu'il la connaissait pour avoir aussi rapidement deviné qu'elle lui mentait comme une arracheuse de dents quand elle prétendait qu'il n'y était pour rien. Yasmine savait que la perplexité et le sarcasme qu'il laissait à peine pointer, elle les supporterait encore moins si elle venait à lui dire ouvertement que c'était la jalousie qui la retenait par le collier. A choisir entre passer pour une anguille ou une jalouse, elle avait vite fait son choix, se révélant soudain comme maîtresse dans l'art de fuir dès qu'elle l'entendait passer le seuil de la maison familiale. Pourtant, ça n'arrangeait rien finalement : l'idée qu'il préférait passer du temps avec Ginny plutôt qu'avec elle, lui confiant les doutes qu'elle avait été la seule avoir le privilège de connaître pendant toutes ces années, occupant la place qu'elle avait laissée vacante le temps de son voyage en Afrique, cela la rongeait autant que si elle avait assisté à l'officialisation du rien du tout qui les unissait en réalité.

S'engouffrant dans le salon à la suite d'Hassan qui, silencieux, choisi un côté du canapé si loin d'elle, qu'elle se contraignit à occuper l'autre sans émettre la moindre protestation. D'ailleurs, elle replia autant que possible les extrémités de son corps amaigri par le manque de sommeil et par le stress par peur de lui refiler le virus auquel il semblait tant vouloir échapper. Penaude, elle baissa les yeux sur son thé. Un instant, elle se demanda si partir maintenant finirait de les rendre étranger l'un à l'autre. Mais finalement, elle avait peut-être le pouvoir de tempérer ce qui était en train de se passer, d'être celle qui mettrait un peu de volonté à ce que ça n'empire pas, même si ça lui ferait mal de mettre de côté ce qu'elle ressentait. Là encore, à choisir entre le perdre et souffrir, son choix était vite fait. Elle l'avait déjà fait, elle savait comment s'y prendre pour que ça ne l'atteigne pas trop fort, alors autant user de son expérience et éponger les dégâts qu'elle avait elle-même causés pour qu'il ne glisse pas dessus – elle le ferait toujours passer en premier, quoi qu'il en pense, quoi qu'il lui en coûte. Clignant légèrement des yeux, elle entrouvrit la bouche, inspirant une si fine colonne d'air qu'elle mit trop de temps à atteindre ses poumons, l'empêchant de dominer la reprise de la conversation qu'Hassan s'échina à combler. Yasmine referma la bouche, puis roulant ses lèvres l'une sur l'autre, elle dit avec calme "On n'est pas fâchées, Hassan. T'en fais pas, tu sais comment c'est." Elle s'était peut-être faite d'une mission de prouver qu'elle était plus qu'une main à accorder au premier bon parti venu, Yasmine s'était néanmoins toujours montrée docile et bonne pâte. Alors en rentrant à la maison, deux options s'offriraient gracieusement à elle : si Fatima était encore debout, elle irait l'embrasser en s'excusant de lui avoir sans doute fait de la peine, sinon elle lui préparerait un bon petit déjeuner le lendemain avant de partir travailler et userait de sa plus jolie plume pour lui laisser un petit mot rédigé sur le ton des excuses – comme le prouvait la scène se jouant à ce moment précis, elle n'était pas bonne pour le conflit, tout le monde le savait, Hassan le premier. Elle releva enfin la tête, cherchant un instant le regard du jeune homme quand, avec un sourire étiré de biais, elle rebondit sur sa dernière phrase. Pendant qu'il lui assurait qu'il ne lui en voulait pas, Yasmine lui demanda "Vraiment ?" avec la même perplexité qu'il avait démontré tout du long de leur conversation. Elle trouva enfin son regard qu'elle affronta avec une détermination triste et rapide qu'un autre sourire, tout aussi fugace, fit passer. Elle finit par murmurer, détournant la tête pour s'intéresser à l'écran de télévision "Je vais rentrer, il est tard, et t'as un film à terminer." Un coup de menton en direction de l'image immobilisée plus tard, et elle déplia ses grandes jambes pour se pencher vers la table basse sur laquelle elle posa sa tasse de thé à demi entamée. Une seconde d'hésitation, et elle se leva enfin, frottant les paumes de ses mains sur l'arrière de son short qu'elle remonta légèrement en se tournant vers Hassan, toujours assis. Ses cheveux avaient eu le temps de sécher un peu, rendant moins aisé leur tenue derrière ses oreilles. Pourtant, elle s'y obstina, les coinçant d'une main maladroite lorsque, tout en s'acharnant à déglutir l'œuf qui lui obstruait encore la gorge, elle s'inclina vers le jeune homme qu'elle tint un court moment dans ses bras "Je serai là la prochaine fois que tu passeras à la maison." chuchota-t-elle à son oreille, la voix enrouée par beaucoup trop de choses à la fois, et ce fichu œuf qui ne passait toujours pas. Elle frotta le bout de son nez dans le creux tout doux entre l'oreille et la naissance de la mâchoire du jeune homme, et prolongea un peu son étreinte, y cherchant du réconfort en même temps qu'elle tenait à ce qu'il comprenne, en le serrant un peu plus fort contre elle, qu'elle était profondément désolée de lui avoir donné le sentiment de l'avoir laissé de côté. Elle n'y avait mis aucune clause à respecter, pourtant les mots qu'elle prononça sonnaient comme une promesse. Et bien qu'elle se donnait l'impression de ne plus être aussi douée qu'avant pour les tenir, celle-là, même si elle était tacite, elle ferait en sorte de pouvoir la respecter, consentant à faire un effort pour colmater elle-même la fissure causée par ses maladresses et ses fuites perpétuelles. A défaut de savoir, de pouvoir ajouter quoi que ce soit d'autre pour arranger la situation, c'était le moins qu'elle pouvait faire pour assurer à Hassan que ses intentions n'étaient pas aussi viles qu'il le soupçonnait sans doute, et qu'elle s'en voulait de manquer d'autant de tact pour faire passer le tout en douceur ; que c'était ses propres angoisses de le perdre qu'elle essayait de dissimuler et d'anticiper – mais dans le fond, ne l'avait-il pas déjà deviné ?
Elle inspira une goulée de son odeur, déposa un baiser rapide à l'endroit où elle avait niché son nez, puis elle se redressa avec beaucoup plus de difficulté qu'elle ne l'aurait imaginé. Un "J'y vais." prononcé pour s'auto-motiver à partir pour de bon s'échappa timidement de ses lèvres dès qu'elle tourna les talons pour se diriger vers la porte, et elle se retourna, non sans coincer, par réflexe plus que par nécessité, de nouveau ses cheveux derrière son oreille avec ses doigts. En chemin, elle s'arrêta pour dire un dernier au revoir à Spike qui n'était pas très loin, et quand elle actionna la poignée de la porte pour s'engouffrer à l'extérieur de la maison, elle fit une autre halte ; le temps pour elle de se tourner vers la silhouette d'Hassan qu'elle observa de loin, et à qui elle dit en guise d'au revoir "Elle te va bien cette nouvelle coupe."
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