Comme à ton habitude, tu squattes le Sixteen Antlers après ta journée de travail. C’est juste à côté des bureaux de ABC, c’est la seule raison qui fait que c’est devenu ton QG depuis que t’as commencé à bosser là bas en mai dernier. Et t’es tellement misérable depuis que tu fais ce job qui n’est pas du tout fait pour toi, que tu bois encore plus. Mais eh, t’essaies juste d’avoir une vie « normale ». Parce que tu sais pas si ton père aurait approuvé ton life style de rockstar. Il avait beau être fan de U2, c’est pas pareil quand ça touche directement ses enfants et il était comme ça pour pas mal de choses. Tu préfères ne pas y penser mais ça reste toujours dans un coin de ta tête. Du coup t’essaie de faire les choses bien vu que ta vie a changé. Adieu Empire of the Sun. Il est peut être temps de faire quelque chose de sérieux. De normal. Que ton père approuverait. Oui. Ca te rend misérable mais c’est pas grave. Vaut mieux honorer la mémoire d’un mort.

Arrivant sur les lieux tu remarques que y’a un truc spécial ce soir. Ils ont ouvert le toit. Ok allons y. Et tu reçois un SMS de Matt qui te sors tes horaires de tes prochains shift. Au fil de la conversation tu lui dis que t’es au Sixteen et qu’ils font un truc spécial. Ça l’intéresse. Bien sûr. Alors le voilà à partager une table avec toi juste trente minutes plus tard. T’es pas dérangé, tu kiffes sa compagnie. T’esperes juste qu’il va pas te faire de remarques sur ta consommation importante. T’hésites à lui dire quelque chose à ce propos d’entré de jeu mais non. Continuons de se voiler la face par rapport à ton problème d’alcool qu’il a sûrement déjà repéré.

« C’est tout pour moi ce soir. »

Que tu annonces alors que son premier verre arrive, deuxième pour toi.

« Mettez ça sur ma carte. »

A l’intention du serveur. Tu lui dois au moins ça à Matt vu tout ce que tu bois quand t’es au DBD. Yup. T’as fini pas mal de shift bien alcoolisé. Living your best life.

Il me fait visiter le truc, je capte pas trop pourquoi au début. Je venais juste pour lui demander si l’odeur du houblon fermenté lui puait au nez, depuis que j’avais augmenté la dose de barils de bière qui se jazzaient dans la réserve. Un petit projet sur le side que j’avais jamais vraiment mis en place, et une discussion alcoolisée plus tard avec Levi et Deklan, le tout était devenu très - trop - clair. « Et sinon, vous y pensez depuis longtemps? » que je demande, quand je l’entends m’expliquer pourquoi il m’a pris par la main à la seconde où j’ai mis le pied dans son petit commerce, le voisin direct du DBD, même façade lui à gauche, moi à droite. Un reniflement et je sens pas du tout chez lui la bière en création chez moi, les fûts maison qui arriveront au fil de l’été, et qui feront partie de la toute nouvelle cuvée développée uniquement pour le bar. Il grommelle un truc, je sens qu’il est pas très fier de s’être rendu jusque là dans ses dettes, de voir la faillite lui pendre au bout du nez. Un coup d’oeil autour, et je comprends par contre. Je suis pas assez effronté pour le lui dire, mais entre le fait que son shop a l’air de prendre la poussière, que les vêtements qu’il vend ici ont absolument rien pour satisfaire la crowd de surfers qui traînent dans le coin la plupart du temps de jour - et de fêtards le reste de la soirée, my bad - c’est no wonder qu’il arrive pas à attirer son public cible, et qu’il se retrouve presque à la rue. Puis, il pop la question. Est-ce que j’ai envie d’acheter? Wait, what? « Je… je vais y réfléchir. » je reste sur mes gardes, finis le thé qu’il m’a préparé si gentiment, hoche de la tête quand il me dit que de toute façon, il a tenu un temps, il a tenu le fort, mais que c’est pas du tout ça, son calling. Qu’il rêve de tout vendre pour se tirer en camping car, profiter de sa retraite comme bon lui semble. Sauf que le fric que l’endroit lui pompe le bloque, le stresse. Pauvre homme.

« Dude ça va pas. » le texto d’Ash tombe à pic. À peine je sors de chez notre voisin que je conduis en trombe jusqu’au bar où il m’a invité à passer. Je l'ai facilement trouvé dans la pièce, l'ai rejoint dans la seconde. « Comme dans, ça va trop bien. » j’annonce mes couleurs, m’installant à ses côtés, le cerveau qui spin dans tous les sens, trop vite pour les deux neurones que j’ai d’actives en temps réel.

Recherche & developpement fees, je suis prêt à sortir ma carte bleue pour tester la carte de cocktails et les laisser m’en inspirer de nouveaux. « La même chose que toi. » je ferai pas ma princesse, sourcil haussé, étonné comme pas un qu’il paie ma tournée. Après, c’était dans le common knowledge de tous que j’avais la générosité lourde lorsqu’on passait la porte du DBD, n’en restait qu’un peu de gratitude était toujours la bienvenue. Puis, une fois qu’Asher a de nouveau l’attention rivée sur moi, je lâche la bombe. « T’sais le voisin? Il veut vendre. » pas besoin de lui situer de qui je parle, il sait très bien que je mentionne le vieux grand-papa du coin, la légende presque sur la rue. « Mais genre à un prix ridicule. » on nous sert nos commandes, je prends le temps de jouer avec mon verre, nerveux, parce que ça veut dire que j’y pense, finalement, à son offre. Que je me suis pas laissé le temps de mariner ça peinard dans une semaine ou deux. Non, c’est direct que ça se passe. « Ça mettrait le projet du foodtruck on hold, mais… damn. » l’idée du foodtruck que je couve depuis un bon nombre de mois, sans que j’ai encore trouvé un camion à mon goût et à mes prix pour faire du concept une réalité. Et l’autre qui m’offrirait la possibilité d’agrandir, de faire plus de place, de mettre d’autres projets en cours. Damn. Asher est donc pris pour se taper mes réflexions d’entrepreneur ce soir. Après, il me connaît depuis un moment maintenant, il sait clairement que je vais le baratiner avec ce qui se trame dans ma tête jusqu’à la mort s’il le faut. J'extériorise, et ce soir, il est dans le collimateur.

Matt a de la bonne nouvelle apparemment. Tu le regardes alors qu’il vient tout juste d’arriver, t’aimes bien qu’il en vienne direct aux faits. Tu lèves un sourcil en le regardant, attendant qu’il s’explique un peu plus, tu veux pouvoir te réjouir avec lui. Un truc bien. Ah bon ça arrive parfois ? Mais c’est sûrement un truc bien pour lui et pas pour toi. Très certainement. Mais il laisse son annonce en suspense pour pouvoir se commander à boire. Ca c’est mon dude. Et puis il en vient au sujet important. Le voisin. Du DBD bien sûr. Tu comprends de quoi il parle sans qu’il ait besoin de mettre trop de formes. Quand il ajoute que le prix est ridicule tu comprends que ouais, y’a un vrai truc possible là dessous. Il cogite pour du vrai le gars et toi aussi. Parce que ça fait un moment que tu lui parles de faire un côté scène ouverte, mais y’a pas trop la place dans la configuration actuelle, tu le sais, il le sait. Mais si il vend à côté…

« Genre ridicule comment ? Genre ça te ferait un trou dans le budget ? Parce que… Sinon… »

Tu hausses une épaule en le regardant, buvant une gorgée de ton verre. Ta gorgée est un peu trop grande. Tu te rends pas compte comme tu descends tes verres vraiment vite. T’es habitué à boire tout seul, sans te faire juger, ou du moins, personne que tu connais.

« Ca ferait enfin de l’espace pour la scène dont je te parlais. »

Et tu arrêtes là ta réflexion parce que t’as d’autres idées qui te viennent de ce que vous pourriez faire de cette place en plus. Tu parles trop comme si t’étais associé alors que pas du tout, ça fait juste quelques mois que tu bosses là mais ouais, vous passez pas mal de temps ensemble. Vous êtes beaucoup sur la même longueur d’ondes tous les deux. Ca s’accorde bien tout ça.

Y'a une meuf qui vient au comptoir juste à côté de vous et qui vous regarde PAS DISCRETEMENT DU TOUT. Tu croises son regard mais tu le détournes aussitôt. Nope. Not going there.

Je sens un grand sourire qui s’étire sur mon visage de voir qu’Ash est le moindrement intéressé par la conversation. Autrement, la soirée aurait bien vite été à chier pour lui parce que je ne planifiais pas du tout parler d’autre chose que de la bombe qu’on vient de me lâcher anyways. Encore mieux s’il y met du sien et m’accompagne dans mes réflexions tournant à la vitesse de la lumière dans ce qui me sert de cerveau ralenti. « Un trou viable. Le genre de trou qui fait pas tant mal que ça. Un trou qui se répare avec deux trois bons mois d’une affaire qui roule déjà bien et qu’on ferait qu’expandre. » j’énumère au fur et à mesure que je joue avec tout ce qui se trouve sur le chemin de mes doigts, surface plane de table décorée de sous-verres, de serviettes de papier, de verres, de snacks à grignoter. Je pense à voix haute, fais quelques calculs larges, anticipe les pertes, ressasse les revenus des mois précédents, tente de me convaincre non sans me retenir dans l’élan. T’emballe pas trop vite Matt, respire. Chill out bro. Merde. Asher parle de son projet de scène ouverte, et je sens mes yeux s'écarquiller d’y repenser de suite. « Oh, damn, mais ouais. La scène. » s’il y avait bien une idée qui m’avait donnée le goût direct de faire grandir le local, c’était son plan un peu fou bien trop cool d’aménager un coin musique au bar. Y’avait rien de cool dans le genre dans notre quartier, fallait souvent faire une bonne poignée de minutes en voiture pour sortir découvrir des groupes quelconques à travers la ville. Maze en avait parlé aussi, et Asher tout autant. J’avais abordé vite fait l’idée avec Levi, même Deklan trouvait ça sympa.

Une longue gorgée plus tard, j’inspire avec sérieux. « C’est juste moi qui s’emballe tu penses? » parce que ce serait pas la première fois. Parce que j’étais connu pour me donner corps et âme dans ces certains flashs que j’avais, et entre la bière brassée à laquelle je me dédiais maintenant, le foodtruck qui occupait toutes mes pensées depuis des semaines et désormais un potentiel local, ça faisait beaucoup. « S’il vend, c’est qu’il doit y avoir un truc. » mon côté rationnel reprend du nerf, le fil de mes pensées s’attarde à énumérer mentalement toutes les raisons qui pourraient se mettre en travers de la transaction, qui pourraient venir bousiller l’achat, se retourner contre moi à un moment ou un autre. « Après, je me dis que le local du DBD était a mess avant. » éternel con, éternel naïf, éternel optimiste.  « Mais ça veut pas dire qu’on peut faire un deuxième bon coup en si peu de temps non plus. » levant le regard vers Asher, je réalise que sur le tard que je l’ai impliqué un peu plus creux dans la réflexion, le “on” qui est sorti tout naturellement sans que j’y pense vraiment.

Un trou qui fait pas tant mal que ça. Qui se répare en deux ou trois mois. Damn, c’est possible ouais. Tu trouves ça fou. Tu trouves ça excitant. Intéressant. Ca fait un moment que t’as pas été enthousiaste pour quoi que ce soit d’autre que l’idée de passer ta soirée après ton boulot à boire. Tu le vois qu’il est agité, il tient pas en place. Y’a vraiment un truc à faire, c’est aux bout de vos doigts à tous les deux. Sûrement pour ça qu’il garde ses mains occupées avec tout ce qu’il peut. Et il continue de parler, de dire tout ce qui fait que c’est possible, et tu hoches la tête buvant chacune de ses paroles. Il y a déjà trop réfléchit. Il a juste besoin de dire tout ça à voix haute pour réaliser que y’a pas d’autres moyen que de le faire. Qu’il faut pas louper ça. Et tu mets une couche de plus, sur ce que vous allez pouvoir faire avec cette place.

C’est juste moi qui s’emballe tu pense ?
« We have to do this. »

Non, c’est pas que lui. C’est pas ton fric donc c’est facile pour toi de dire ça mais ouais, tu sens que y’a trop moyen de faire un truc bien et dear god t’es vraiment hyped pour ça. Et ça fait du bien. Mais voilà Matt qui est en train de douter de la fiabilité du local.

« We really have to do this. »

Au cas où il avait pas bien entendu la première fois. T’es genre super sérieux. Et t’as genre, oublié ton verre. Damn I did. Ca fait bizarre hein Asher ? D’avoir un autre intérêt que celui de l’alcool. Or his perfume. Yeah sure.

« Si c’est que quelques gros mois de recette franchement je comprends pas pourquoi c’est pas déjà signé. Et je… »

Tu t’arrêtes un temps. Tu te mords la lèvre inférieure.

« Ce serait pour quand ? Si ça se fait… »

T’es en train de réfléchir à un truc. Tu réfléchis fort.

« Y’aurai besoin de plus de monde, car plus de surface, plus de clients, plus de tout… »

Plus de moi ?

Il répète et il s’inclut et je l’inclus tout autant, un fin sourire en coin orne mes lèvres rieuses de l’entendre. « Do we? » que j’insiste, moqueur, quand y’a pas aucun doute qui plane à savoir que si j’achète à côté, il sera apte à gérer cette partie comme on en parle (rêve) depuis un bon moment. Fuck, gérer cette partie. Je m’emporte et Asher aide pas du tout à me jeter de l’huile à la gueule, à tirer des tas d’allumettes quand je suis déjà plus que woke. We really have to do this. Do we?

« Parce que j’aime me faire croire que je suis sérieux et responsable, dude. » que je réponds du tac au tac quand il me demande pourquoi c’est pas déjà signé et acheté. Pas le temps de perdre son temps ici, je me mettrais pas autant dans cet état si vite si fort si intensément si j’y pensais pas pour vrai. Et apparemment, je suis pas le seul, alors qu’Asher inspire doucement, avant de se lancer dans une longue série de questions pratiques. J'arque la nuque, hausse un sourcil, rigole intérieurement de voir que lui autant que moi, on est deux beaux cons à se voiler la face là de suite. Of course que cette histoire va se terminer avec mon nom sur le bail d’à-côté. C’est pas possible autrement. « Ça prendrait un genre de deux mois, quatre au max pour la paperasse et tout le transfert puis les demandes de licences. » Matt qui passe en mode sérieux, Ash a pas vu ça souvent, je gratte les infos accumulées au temps où j’ai acheté le 566 Logan City pour le transformer en café, puis en bar y'a deux ans de ça.

Mes doigts jouent nerveusement avec mon verre complètement vidé sous l’émotion. « Après, je pensais fonctionner sur les recettes du DBD pour payer les rénos, changer un peu le commerce actuel, défoncer les murs, mettre ça à notre goût. » je réfléchis toujours autant à voix haute, le brainstorm qui monte, totalement ouvert aux discussions si Asher voit une meilleure option, en soit, je suis pas une référence non plus, et surtout s’il veut prendre ce volet-là et ainsi m’aider à pas me noyer dans le boulot, à faire quelque chose de bien, à donner une vraie chance à ce round two, alors que j’ai également une relation naissante de laquelle m’occuper comme le bon copain que j’aspire à être pour elle. « On pourrait diviser l’équipe en deux, les moments où c’est plus tranquille. Voir un peu ce qui fonctionne bien, ou juste ouvrir la nouvelle partie certains soirs où t’as des shows d’organisés et... »

Puis, je m’arrête dans ma tirade, inspirant profondément, constate d’un soupir profond que « Ça va trop vite. ». Mais ça m’a jamais effrayé, faut juste que je garde la tête froide, que je liste tout ce qui prendra part à la suite. Que je saute. Qu’on saute. « Et on a plus rien à boire. » lui autant que moi. Je commande la prochaine tournée, du courage liquide qui viendra donner un nouveau souffle à la conversation pleine de réflexion, pleine d’avenir.

Do we ? Of fucking course we do.
C’est ce que tu lui réponds avec les yeux. Il plaisantait mais toi tu préfères hocher la tête avec tout le sérieux dont t’es capable. Parce que tu le feel bien ce projet qui n’est rien que de belles paroles pour l’instant. Tu le feel trop. Et au fond, ça te fait autant peur que ça t’excite. Damn. Il te fait sourire quand il dit essayer de prétende d’être sérieux et responsable.

« People do that? »

Not you. Obviously not you. Ever. I bought a flat. Ok sometimes then. Et puis Matt continue de dire les trucs évident. Les trucs qui font que oui, c’est possible. Que oui, vous allez le faire. Mais que apparemment il a besoin d’en parler encore et encore avant de se décider. Ce que tu comprends. C’est un gros investissement. C’est pas juste une centaine de dollar qu’il est question. He is loaded, we don’t care. True. That is very true. Mais y’a plein d’autres trucs à prendre en compte qu’il mentionne. Il connait son rayon. Matt est calé. Toi t’as toujours été qu’un barman. T’as jamais cherché à comprendre plus. Pas intéressé. Pas envie de plus de responsabilité non plus. Mais apparemment, les choses sont en train de changer dans ta petite tête là. Fuck. It is. Yup.

T’aimes beaucoup trop quand il dit « notre goût » et toute autres phrases où t’es inclus. Tu devrais pas te faire trop de film. Se sera son business à lui avant le tiens. Tu seras là pour aider. Et avoir un salaire un peu plus important sûrement, mais c’est tout. Tu veux pas trop t’emballer. Too late. Yup it is too late. Fuck. Asher. He has to do it. I know.

Il continue de parler, tu l’écoutes, tu ajoutes quelques phrases ici et là surtout pour donner ton approbation sur tout ce qu’il dit parce que tu aimes absolument top.

Ca va trop vite. No.
Et on a plus rien à boire. Fuck.

Comment ça Asher t’avais pas remarqué que tu avais plus rien à boire ? What the fuck ? I know.

« Je crois pas que boire plus va t’aider à prendre des décisions là dessus. »

Qu’est ce que tu fais la voix de la raison Asher ? Qu’est ce qui se passe ? Just stating the truth.

« Mais on sait tous les deux que tu vas le prendre ce local. C’est beaucoup trop fun et pas beaucoup de galère de fric. Voir pas du tout. Donc je vois pas pourquoi tu réfléchis encore. Je veux dire, c’est un don deal. Win win. Ou je sais pas quelle autre expression on peut utiliser. »

And you kinda are saving me right now dude. Tu le lui dis par les yeux. Tu sais pas s’il va le capter. Matt et toi vous êtes potes, mais c’est tout. Et ton job te tue. Vraiment. You are so gonna quit as soon as it’s all signed. You really are. You don’t know how you can cope with the job these days. You really don’t. You hate this more than anything. But it’s like « the normal life » so you shut up and go to the office every day. But you hate it so much. I miss touring…

Et même si tu avais oublié ton verre, tu bois le nouveau qui vient sous ton nez, parce que boire c’est la seule chose que t’as en tête quand tu penses à ABC.

J’éclate de rire quand il renchérit en parlant du fait que l’alcool aidera pas à clarifier mes idées. « People do that. T’en es la preuve là, dude. » parce que pour quelqu’un qui mentionnait que les gens responsables et sérieux étaient pas de ce monde, là, il me donne l’impression d’être l’adulte parmi nous. Surtout connaissant la descente du gars, qu’il refuse l’option bière comme relaxant m’amuse, presqu’autant que de voir qu’à deux, on est plus que sur la même longueur d’ondes pour le projet. Ce projet. Notre projet. Damn. Les détails, donc, que j’extrapole, en faisant la liste mentale, beaucoup plus au fait des différentes demandes et restrictions maintenant que je me suis déjà fait chier à passer par ce processus pour le DBD à l’époque. À quelques reprises j’ai une pensée pour le foodtruck que je garde encore bien en tête, auquel je pense, pour lequel ça m'emmerde royalement de ne pas avoir été de l’avant plus tôt, mais le fric mis de côté et les notes mentales accumulées pour le local annexe qui sont maintenant sur la table m’emballent à un point que j’en oublie le reste. On aura un foodtruck un autre jour, de toute façon, là, c’est si hipster et mainstream que je peux bien laisser passer la vague un temps avant de renchérir quand ça sera redevenu trop commun pour payer des sommes faramineuses en achat de caravan.

D’ailleurs, parlant d’investissement monétaire. « Faut quand même que je laisse mariner le gars un peu. Je suis sûr que je peux le faire descendre de quelques centaines de dollars si je joue bien mes cartes. » Asher est d’accord pour dire que le tout est déjà réglé, signé dans ma tête. J’entre en mode business le temps de commander de nouvelles pintes, pas le plus fin des négociateurs mais tout de même capable de défendre mon point contre le bonhomme qui va sûrement user de son capital de sympathie pour essayer de me rouler s’il voit que je suis trop hooked sur l’affaire. Autant y aller fair play. Et je commence mentalement à me faire une idée du prix avec lequel je serais à l’aise de jouer sachant que le gars est déjà à une valeur hyper raisonnable de vente. Respire, Matt. Respire.

Le flash d’après, il ramène direct mon regard à celui du Baxton, assez longtemps pour voir un truc changer contre ses iris. What’s up mate? « Tu veux vraiment t’impliquer là-dedans? » parce que mine de rien, depuis le début, je le prends pour acquis le gars. Je prends son enthousiasme et ses idées et ses suggestions pour acquis. Peut-être qu’il est juste heureux de donner son avis, mais qu’à la seconde où je lancerai la machine il préférera se retirer. Rien ici ne l’oblige, je ne lui en tiendrai jamais rigueur ; juste, s’il ne veut pas me suivre complètement, s'il ne le sent pas, c'est là le moment où il doit m’en faire part. « Parce qu'acheter un local, c’est une chose. Mais y monter un nouveau commerce, c'en est une autre. » j’inspire doucement, tentant de percer son coup d’oeil mais surtout de le dédouaner de tout stress relié s’il veut pas s’associer dans tous les sens du terme. « Tu te sens, de le faire? » entre les discussions embrouillées par l’alcool à la fin des services et la vraie proposition d’affaire, y’a une fine ligne. « Je vais avoir besoin de toi. J’ferai pas ça tout seul. »

Matt a envie de faire baisser le prix. Il a l’air de savoir ce qu’il fait. Tu sais pas si c’est une bonne idée. Mais tu le laisses faire. C’est son fric après tout. Il veut faire des économies, tu le comprends. Le fric c’est important. On en a jamais assez. T’as eu une période de ta vie où t’as vraiment pas eu à te plaindre mais ça c’était avant que Trevor ne nique tout. Et dans tous les sens du terme. Le gars il a été un immense ami à toi pendant des années et depuis tu sais pas comment tu te sens par rapport à lui. Ta vie c’est clairement de la merde maintenant c’est à tout à voir avec lui. Tu lui en veux grave. T’es miserable depuis longtemps, mais encore plus sans la musique pour te faire vibrer. T’es bon qu’à imbiber de l’alcool.

Une nouvelle gorgée de ta bière et Matt te remets les idées en place. Matt te fait retrouver une petite lueur d’espoir sur ton cas. Tu peux faire un truc qui se rapproche plus de tes centres d’intérêt que ce putain de job à ABC qui te fait sombrer tous les jours un peu plus.

« Ouais. »

Y’a aucune once d’hésitation dans ta voix. C’est limite ta seule façon de t’en sortir de ce puit dans lequel tu n’arrives pas à sortir depuis que t’as remis les pieds à Brisbane. Acheter un appart’ c’est bien beau mais t’as mis beaucoup de fric là dedans et t’aimes pas voir ton compte en banque qui a autant chuté. Parce que tu sais que le fric ne rentre plus dedans comme avant. C’est fini ce temps là. Maintenant t’as un salaire modeste toutes les fins de mois. C’est tellement pas ton rythme de vie. Il te faut plus. Il te faut autre chose. Surtout autre chose. Et Matt est en train d’ouvrir cette porte dans la bonne direction. Celle qui est toute tracée pour toi. Matt commence à te faire comprendre que c’est du boulot tout ce qui commence à se profiler. Tu hoches la tête. Et quand il termine par dire qu’il va carrément avoir besoin de toi, c’est sûr que c’est un done deal. Tellement sûr. I knew it from the beginning.

« You show me and I learn. If you can do it, I’m sure I can too. »

L’alcool qui te rend peut être trop optimiste pour le coup. Mais t’es pas plus con qu’un autre Asher. Même si t’as pas fait d’études, tu sais compter, tu sais lire. Tu sais surtout écrire. Pas sûr que ça soit utile pour ce qu’il y a faire, mais on sait jamais.

« I’m so in dude. »

Your saving grace. One of them.