Everyone ends up alone, losing her, the only one who's ever known who I am
Alex marchait dans les rues de Brisbane sous le soleil et la chaleur Australienne. Quelques jours plutôt, elle bouclait ses derniers cartons sous la pluie Londonienne. Et désormais, elle tentait de s'acclimater à ces nouvelles températures. Le choc thermique lui imposait quelques ajustements. Dans sa garde robe, tout d'abord. Finit le manteau, l'écharpe, les pantalons et tout les vêtements protégeant le corps contre le froid hivernal de Londres. Place désormais au mini-short, tee-shirt et accessoires pour lutter contre les rayons du soleil sur la peau bien trop blanche de la nouvelle arrivante. Mais sa garde robe n'était pas la seule à subir des changements, son corps devait lui aussi s'acclimater et elle devait adapter ses habitudes à ces chaleurs inhabituelles pour elle. Fini les séances de sport en pleine journée, fini les boissons chaudes au milieu de l'après-midi, désormais elle ne s'hydratait qu'à base de boisson contenant au moins deux glaçons et le sport n'était toléré par son corps qu'une fois le soleil couché et la nuit déjà bien commencée. Alex continuait de marcher, se rapprochant peu à peu de l'endroit ou elle devait se rendre, un rendez-vous fixé qui l'avait fait sortir de chez elle au plus chaud de la journée. Une partie du visage cachée derrière des lunettes de soleil, indispensable pour la saison, mais aussi très pratique pour cacher ses inquiétudes. Des inquiétudes qui grandissaient à mesure qu'elle se rapprochait du lieu de rendez-vous que lui avait fixé cet homme qu'elle ne connaissait pas. Elle remontait la rue tout en repensant à ces derniers jours qui venaient de s'écouler et qui l'avait mené à ce rendez-vous.
Finit l'hôtel. La première étape pour Alex fut de s'installer à Brisbane. C'était chose faite. Elle avait rapidement trouvé un petit appartement, simple mais confortable, qu'elle pourrait redécorer à sa convenance. Elle voulait reconstruire sa vie, s'installer définitivement dans cette nouvelle vie et avoir un appartement, un chez-elle semblait être la première étape pour trouver la stabilité nécessaire pour réussir ce nouveau départ. Elle n'était plus de passage, et pour se projeter elle devait s’ancrer ici, se projeter dans ce renouveau. Des murs blancs, une page blanche, pas de souvenirs dans ce lieu, il y avait tout à faire, tout à découvrir, tout à écrire. La seconde étape, lui demanda un peu plus de réflexion et de recherche. Quelques années plutôt, elle avait quitté cette ville. Du jour au lendemain, elle avait disparu laissant certaines de ses connaissances et amies sans nouvelles. Alex avait fait le choix de laisser derrière elle son expérience Australienne, et elle n'avait jamais répondu à quiconque sur les réseaux sociaux laissant planer le doute sur sa situation. Elle avait fait ce choix, et elle l'avait imposé aux autres, quoiqu'il pouvait leur en coûter. Seules, deux personnes connaissaient une partie de la vérité de l'histoire d'Alex, et des raisons qui l'avaient entraîné à rentrer chez elle dans un environnement qu'elle avait pourtant cherché à fuir pendant des années. Deux personnes étaient au courant de sa grossesse non désirées. Et pourtant, l'Anglaise s'était aussi détachée complètement de ces deux personnes. Elle avait abandonné ses amis le jour ou elle avait laissé son enfant dans cette maternité. C'était un choix égoïste, Alex en avait conscience mais, elle n'avait pas trouvé d'autres alternatives pour surmonter la souffrance et la détresse qu'elle ressentait à ce moment de sa vie. Mais aujourd'hui, alors qu'elle était de retour à Brisbane, elle ne pouvait s'empêcher de vouloir renouer avec certaines personnes de son passé, apporter des explications mais aussi s'excuser pour son absence. Et la première personne qu'elle voulait retrouver c'était forcément Rachel. Rachel dont elle n'avait jamais répondu à aucun messages sur facebook. Pourtant, Alex n'avait jamais réussi à se résoudre à enlever de ses contacts sur les RS, celle qui fut l'une de ses confidentes. Et secrètement, sans contact avec l'Australienne, Alex avait continué à suivre de loin la vie de son amie. La naissance de sa fille, la rencontre avec son futur mari, les photos de son mariage. Elle n'avait pas réussi à reprendre contact directement avec Rachel, mais avec obstination, elle avait réussi à retrouver quelqu'un qui, elle l'espérait, pouvait la mener à Rachel.
Perdue dans ses pensées, Alex avait failli rater le bar ou le rendez-vous avait été fixé. Il avait fallu l'intervention de son téléphone lui annonçant qu'elle était arrivée à destination pour qu'elle se replonge dans la réalité. Elle avait rendez-vous avec le mari de Rachel, son amie, son ancienne amie. C'était lui qui lui avait donné ce rendez-vous, c'était lui qui allait être présent et pas elle. Et même si Alex s'y attendait, c'était tout de même difficile pour elle de voir que Rachel n'était pas prête de lui pardonner ses années de silence, pas prête de lui accorder ne serait-ce que quelques minutes pour s'expliquer. Mais Stephen était là, et Alex espérait au fond que cela signifiait qu'il restait encore un espoir de tout arranger. Un espoir de pouvoir renouer avec l'une des rares personnes avec lesquelles Alex pouvait être totalement honnête sur son histoire. Un espoir de pouvoir se faire pardonner son silence. Un espoir de retrouver son amie. Elle entrait dans le bar, elle avait quelques minutes d'avance. Elle s'installa à une table un peu à l'écart mais tout de même visible pour ne pas rater l'arrivée de Stephen. Les yeux dans le vide, elle était plongée dans ses pensées, à attendre un homme qui détenait les réponses qu'elle attendait.
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Quelques heures plus tôt aujourd'hui, Stephen avait reçu un message qui l'avait complètement désarçonné. Au beau milieu des valises qu'il préparait pour son prochain séjour au Cambodge, alors même que son salon regorgeait de matériel à répertorier et à empaqueter en un temps restreint, son téléphone portable était vite devenu le centre de son attention. Il avait bien tenté de l'oublier, de le laisser sagement à sa place pour terminer ses bagages. Il aurait aimé se dire que cette partie ci de sa vie était passée et que si cette fille était vraiment une amie de Rachel, elle aurait su ce qu'il s'était passé au moment même ou son âme avait quitté ce monde, mais plus il tentait de se sortir ce message de son esprit, plus les souvenirs lui revenaient. Alex. Un prénom, un surnom, si courant et si particulier à la fois. Il n'en connaissait aucune et pourtant, ces quelques lettres ne lui étaient pas inconnues. Ses méninges fonctionnaient à plein régime alors qu'il tentait vainement d'ordonner les quelques vêtements qui occupaient la table basse. Alex... c'était peut être cette fille avec qui elle était partie faire un road trip en Nouvelle Zélande quand elle était à l'université, ou cette autre fille qui était partie vivre je ne sais ou sans donner de nouvelles. L'un dans l'autre, Stephen s'en voulait de ne pas avoir été plus attentif aux longues tirades de Rachel lorsqu'ils vivaient ensemble. Elle avait toujours été la plus bavarde dans leur couple, et c'était souvent elle qui faisait la conversation pendant que lui avait l'esprit occupé à autre chose. Aujourd'hui, il s'en mordait les doigts, et c'était pour cette raison qu'il avait proposé à cette fameuse Alex de la rencontrer. Comme pour racheter sa conscience, le kinésithérapeute avait délaissé son océan de valises pour se rendre jusqu'à un café situé à deux rues de chez lui. Un endroit assez sobre, intimiste qui leur permettrait de pouvoir discuter au calme. Les mains dans les poches, comme sur pilote automatique, Stephen s'était dirigé sur le lieu de rendez vous sans savoir vraiment trop comment annoncer la nouvelle. Il s'était imaginé des dizaines et des dizaines de scénarios sans en trouver un seul qui lui convienne ; personne ne débutait une rencontre par un : "Au fait, si t'as pas trouvé ta copine sur Facebook c'est normal, elle est décédée il y a un an. Du sucre avec ton café ?" Invariablement, une main fatiguée glissait sur ses traits à mesure qu'il s'approchait de la porte de l'échoppe, finissant toutefois par en franchir le seuil dans un tintement de cloche annonçant son arrivée. C'est parti Holloway. "Alex ?" Sur une table, un peu à l'écart, une blondinette qu'il associait immédiatement à la photo de profil du message reçu quelques heures plus tôt semblait perdue dans ses pensées. Elle aussi, qu'il songeait. Parcourant les quelques pas qui les séparaient, Stephen se fendit d'un sourire pour la forme avant d'annoncer d'une voix neutre : "Je suis Stephen. C'était plus simple pour moi de te voir en direct." Plus simple... peut être pas. Plus digne en revanche, c'était certain. Se laissant glisser sur une chaise à ses côtés, le jeune veuf tentait de donner le change en arborant une mine qu'il aurait aimé un brin moins défaite. Si parler de son grand amour était un exercice toujours compliqué, annoncer son décès supplantait de loin cette épreuve. "Je sais pas trop comment ... vous étiez proches ?" qu'il commençait, maladroitement, en scrutant les expressions de cette inconnue face à lui.
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"Alex ?" Quatre lettres qu'elle connaissait par cœur. Un prénom prononcé, le sien, l'avait sorti de ses pensées. Elle avait relevé la tête pour tomber sur les yeux bleus de Stephen aka mari de Rachel. Elle se souvenait des images du mariage postés sur facebook par Rachel, et elle n'avait pas eu de mal à reconnaître l'homme qui lui faisait face et pourtant elle ne pouvait s'empêcher de le trouver différent des photos. Un petit truc sur son visage, dans son attitude peut être, une retenue du à cette première rencontre sans doute. Il arborait un léger sourire sur son visage qu'Alex savait bien reconnaître, le genre de sourire gêné qui accompagnait les moments de tensions comme si un sourire aidait à mettre à l'aise. "Je suis Stephen. C'était plus simple pour moi de te voir en direct." Alex avait senti la retenue de l'homme qui s'asseyait devant elle, et elle craignait les prochaines paroles de l'homme. Elle tentait de se montrer posée, même si au fond d'elle, elle n'attendait qu'une chose ; que Stephen lui annonce si Rachel pourrait un jour lui pardonner et accepter de la revoir. La politesse et l'éducation de la jeune femme ne lui permettait pas de passer outre les banalités du genre et elle remercia l'homme qui lui faisait désormais face à cette table dans ce petit bar de quartier. ''Merci d'être venu et d'avoir répondu à mon message.'' même si sa seule pensée ressemblait plutôt à; pourquoi tu as tenu à te déplacer pour m'annoncer, à moi, inconnue, que Rachel ne voulait pas me voir ? Mais Alex ne pouvait pas se permettre de braquer le seul lien qu'elle avait avec Rachel, la seule possibilité, à l'heure actuelle, de pouvoir un jour se faire pardonner. Elle fixait Stephen qui semblait chercher ses mots, maladroit, incertain. Alex commençait à réellement ressentir le stress qui se dégageait de l'homme et cela se reportait sur sa propre attitude. Elle fixait ses doigts qui s'étaient mis à tapoter, bien malgré elle, sur le bord de la table. "Je sais pas trop comment ... vous étiez proches ?" Elle reporta son attention vers Stephen qui ne détachait pas son regard. Elle se sentait épiée ce qui rendait la situation encore un peu plus gênante. La phrase, les mots, le temps employé, Alex tournait en boucle la phrase de Stephen dans sa tête pour en comprendre le sens, l'intention. Il ne semblait pas savoir qui elle était, ni quel était son lien avec Rachel. Mais que faisait-il là alors ? Il n'avait pas transmis le message à Rachel sinon il saurait l'histoire des deux femmes ? Un espoir revint pendant quelques secondes dans la tête d'Alex, et si finalement il était là pour la juger. Pour juger ses intentions. S'il n'avait rien dit à Rachel pour la protéger, peut être que tout n'était pas perdu finalement. Ses mains avaient arrêté de pianoter sur la table, au moment ou Alex avait finit par trouver la réponse qu'elle allait donner à Stephen. "On était proche oui même si j'ai parfois l'impression que c'était dans une autre vie." Elle se mordillait la lèvre inférieur tout en repensant à son amie et aux souvenirs qui revenaient en mémoire. "J'ai tout gâché à l'époque et j'aimerais vraiment me faire pardonner. Rachel m'a tellement aidé quand j'ai traversé une période difficile, et je n'ai jamais été la pour elle en retour. J'ai été lâche et je voudrais qu'elle puisse savoir que je n'ai jamais oublié ce qu'elle a fait pour moi, je voudrais juste la remercier et lui dire que je suis désolé." Elle n'avait pas l'habitude d'être aussi franche et surtout pas avec des inconnus, mais elle espérait que son honnêteté puisse rassurer l'homme sur ses intentions et qu'il pourrait lui permettre de retrouver son amie. "Je n'ai pas l'intention de la blesser." La blonde avait insisté sur ces dernières paroles pour vraiment rassurer le mari protecteur.
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L'étrangeté de la situation atteignait presque son paroxysme tandis qu'il se tenait devant la blondinette, un sourire pour la forme collé sur le visage. Cette fille ne savait pas, ne se doutait pas que Rachel n'était plus de ce monde, et pourtant, elle semblait mettre tout son possible pour sauver une amitié qui n'était déjà plus. ''Merci d'être venu et d'avoir répondu à mon message.'' D'un hochement de tête entendu, Stephen se laissait glisser sur une chaise, se passant par automatisme une main dans les cheveux pour remettre de l'ordre dans ses idées. La jeune femme en face de lui le scrutait, cherchant sans doute à comprendre pourquoi c'était lui qui était ici et non Rachel. Il aurait aimé ne pas garder cette information pour lui plus longtemps, ne pas titiller ses nerfs ni même se jouer d'elle. Ç’aurait été plus simple de le lui dire d'emblée, mais comme s'il pouvait faire revivre son amour encore un peu, Stephen avait préféré rencontrer cette inconnue, et lui demander dans quelle mesure Rachel et elle étaient liées. "On était proche oui même si j'ai parfois l'impression que c'était dans une autre vie." Le brun eut un rictus incontrôlé, elle n'aurait pas pu mieux dire. "J'ai tout gâché à l'époque et j'aimerais vraiment me faire pardonner. Rachel m'a tellement aidé quand j'ai traversé une période difficile, et je n'ai jamais été la pour elle en retour. J'ai été lâche et je voudrais qu'elle puisse savoir que je n'ai jamais oublié ce qu'elle a fait pour moi, je voudrais juste la remercier et lui dire que je suis désolé." Il sentait son cœur se serrer face à l'honnêteté de cette petite blonde, et lui qui commençait à croire que la page se tournait petit à petit reprenait le traumatisme de la perte de sa moitié comme une gifle en plein visage. "Je n'ai pas l'intention de la blesser." qu'elle avait poursuivi en insistant presque, et lui ne sut répondre que par quelques longues secondes de silence. Seule la voix d'un serveur passé prendre leur commande l'extirpa de son mutisme pour le ramener à la réalité, et profitant de ces quelques secondes de flottement, il réussit enfin à prononcer : "Elle est morte." d'un ton trop rapide, trop sec, trop brusque qui eut pour effet immédiat de faire disparaître l'employé qui se rendit rapidement compte qu'il arrivait sans doute au mauvais moment. "L'année dernière" qu'il poursuivait d'une voix plus douce, la douleur d'avoir prononcé ces trois petits mots quelques peu atténuée. "Mais je voulais te voir. Je voulais savoir ... parce qu'il y a encore tellement de choses qui m'échappent." L'ombre d'un sourire sans joie passait sur ses lèvres. Rachel et lui avaient passé si peu de temps ensemble. Quelques années plus tôt, il se targuait de la connaître sur le bout des doigts. Aujourd'hui, ce constat était quotidiennement remis en doute à mesure qu'il apprenait à connaître un peu plus les personnes qui lui étaient proches. "C'est pour ça que je ne t'ai rien dit tout de suite. Parce que je craignais que tu ne veuilles pas me voir ... et je l'aurais compris. C'est une nouvelle qu'on a du mal à encaisser, surtout si vous étiez proches, ou que vous l'aviez été." qu'il soufflait presque en scrutant les expressions naissant sur ses traits.
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Elle venait de se livrer entièrement sans retenue et la seule réponse qu'elle eut, fut un silence. Quelques secondes de silence qui lui parurent durer une éternité. Son regard oscillait entre ses mains beaucoup trop actives et le brun face à elle beaucoup trop silencieux. Un serveur s'était approché de la table pour prendre leurs commandes, et Alex reporta son attention sur lui. Son arrivée était presque vue comme une bénédiction pour la jeune femme qui appréciait ce léger moment de répit, ou la tension semblait s'être mise en pause quelques secondes. Elle s'apprêtait à donner sa commande au serveur quand elle entendit Stephen prononcer ces trois mots. "Elle est morte.". Elle est morte, Rachel est morte ? La blonde n'avait pas bougé, elle fixait toujours l'emplacement ou se trouvait le serveur qui était pourtant parti dès qu'il avait entendu les trois mots prononcés par Stephen. Rachel est morte. Ces trois mots continuaient de tourner en boucle dans la tête de l'Anglaise, qui n'entendait plus les paroles de Stephen. Quelques minutes plutôt, elle maudissait le silence de l'homme, et cette fois, elle le haïssait d'avoir prononcé cette phrase. Elle n'osait plus le regarder, trouvant le vide dans lequel son regard se perdait bien plus confortable à gérer. Rachel était morte et elle ne l'avait pas su parce qu'elle s'était elle même éloignée de sa vie. Elle n'avait pas vu Rachel depuis près de neuf ans, neuf années sans donner de nouvelles, sans parler à son amie et désormais, elle venait d'apprendre qu'elle ne pourrait plus jamais lui parler. Elle était sous le choc de l'annonce mais elle ne voulait rien montrer, par pudeur mais aussi par respect pour le mari devenu veuf. Il avait perdu sa femme, elle, elle n'avait pas le droit de pleurer, pas le droit d'être triste, elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle même. Elle était sortie volontairement de la vie de Rachel, et maintenant qu'elle était morte, il était trop tard pour regretter, et pourtant Alex regrettait tellement. Rachel avait partagé une partie de sa vie, elle avait été présente pour elle dans un moment délicat. Elle avait été l'une des seules personnes à connaître Alex entièrement, totalement. L'une des seules devant lesquelles Alex s'était permise de craquer, d'être honnête, d'être vulnérable. Rachel avait été son soutien, sa bouée de sauvetage, et elle s'en était allé et Alex n'avait pas été la pour elle et ne pourrait jamais s'excuser et lui dire à quel point Rachel comptait pour elle. Rachel est morte et avec ces trois mots, c'était tout les espoirs de retrouver cette amitié qui étaient morts, trop rapidement, trop brusquement. Elle tentait de comprendre les mots qui sortaient de la bouche de Stephen, elle tentait réellement de mettre du sens, mais ce n'était que du bruit indéchiffrable. Ses mains posées sur la table ne s'agitaient plus, mais ses mains fermées, elle sentait ses ongles s'enfoncer dans sa chair. ''Tu n'as pas le droit de pleurer Alex.'' Elle ferma les yeux pendant une fraction de seconde, prenant une longue inspiration et avec tout le courage qu'elle réussit à réunir, elle fixa son attention sur Stephen qui parlait encore. Et elle regretta presque aussitôt son geste. Elle sentit la culpabilité, la peine, la honte. Elle avait tellement envie de retrouver Rachel qu'elle n'avait pas cherché plus loin que son mari, et elle avait poussé le veuf à devoir annoncer encore le décès de sa femme. Elle se sentait tellement mal. Le brun s'était tut et le silence qui commençait à s'installer devenait insupportable pour Alex qui devait dire quelque chose. Elle savait qu'elle devait parler, qu'elle ne pouvait pas rester dans son mutisme actuel, pas dans cette circonstance. « Comment ? » C'était la seule chose qu'elle avait trouvé à dire. C'était sorti sans réfléchir, il fallait combler ce silence et rien d'autre ne semblait approprier. Pas que ce questionnement le soit réellement, mais c'était instinctif. Alex s'était rapidement rendu compte que sa question n'était pas la chose à dire en premier lieu mais c'était sorti, trop vite. Elle tenta tant bien que mal de se rattraper. « Je suis désolé. » Des excuses à la fois pour la question, mais aussi pour la situation et pour la perte de Rachel. « Je suis sincèrement désolé. » avait-elle répété, doucement. Elle se sentait tellement coupable, coupable d'être triste alors qu'elle pensait n'en avoir pas le droit. Coupable d'avoir à faire revivre sa mort à Stephen. Coupable d'avoir été lâche à l'époque. Coupable d'avoir été une amie horrible. Coupable de n'avoir même pas écouté Stephen quand il lui parlait quelques secondes plutôt. « Merci de t'être déplacé pour me l'annoncer, je suis désolé de te replonger dans le passé. Je peux faire quelque chose pour toi ? ». Alex avait eu énormément de mal à prononcer cette phrase, mais elle devait rester digne, pour Rachel et pour cet homme qui venait d'annoncer le décès de sa femme. Elle lui devait bien ça, à lui et surtout à elle.
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La mort de Rachel avait été une douleur qui s'était estompée petit à petit, au fil des mois, comme enveloppée d'un film protecteur laissé par les moments de la vie auxquels elle n'avait pas pu participer. Stephen avait - à contre cœur - fini par s'habituer à son absence, tout comme ses proches. Le traumatisme de sa disparition laissait place à une nouvelle page, même si aujourd'hui, toute la complexité de son abandon lui revenait en plein visage. Devant lui, cette inconnue semblait prendre une claque. La mine défaite, des ongles qui écorchaient sa chair, elle fermait les paupières pour essayer de reprendre contenance et réussit finalement à articuler un « Comment ? » qui fit vaciller le brun. Il n'était pas habitué à des réactions si directes, habituellement, les gens se contentaient de se confondre en excuses, mais devant ce petit bout de femme qui semblait si affecté, il s'autorisait à lui livrer les détails qu'elle réclamait. "Un cancer." Stephen soufflait presque, tendant le bras pour attraper sa main alors qu'elle se confondait en excuses. « Je suis désolée. Je suis sincèrement désolée. » qu'elle répétait, et lui balayait ses excuses en pressant ses doigts contre la paume de sa main. Son regard s'était voilé de tristesse ; bien malgré lui. Si d'ordinaire il désirait se sortir de cette douleur vive qui perçait sa poitrine chaque fois que le souvenir de sa moitié refaisait surface, devant cette petite blonde, il se laissait à son tour submerger par la colère et le manque. "T'as pas à être désolée, c'est comme ça, c'est tout." qu'il lâchait finalement en se redressant sur son assise, rompant le contact qu'il avait lui même établi quelques secondes plus tôt. Ce n'était pas le bon moment pour se laisser ravager par des émotions qui le consumaient, même si c'étaient les premières qu'il éprouvait lorsque Rachel était l'objet de la conversation. De la colère ; envers lui comme envers le monde entier, de la rancœur et une pointe de tristesse. Un cocktail souvent plus douloureux que prompt à le faire avancer. « Merci de t'être déplacé pour me l'annoncer, je suis désolée de te replonger dans le passé. Je peux faire quelque chose pour toi ? ». Quoi ? Comme soufflé par ces paroles que la blondinette semblait avoir eu tant de mal à prononcer, Stephen eut besoin de quelques secondes pour les assimiler. Il se serait attendu à ce qu'elle prenne la porte, à ce qu'elle feigne de se sentir bouleversée, mais il ne décelait rien de tout ça dans son comportement. Elle semblait être réellement emprunte de culpabilité. "Je ... " On pouvait presque entendre ses méninges fonctionner à plein régime. Qui était elle ? A quel point était elle liée à Rachel alors qu'il n'en avait jamais entendu parler de son vivant ? "Un café." qu'il soufflait finalement, après quelques secondes de réflexion. "Et des explications. Parle moi d'elle." Laissant définitivement tomber l'idée de rester maître de ses émotions, Stephen se laissait submerger par des sentiments qu'il avait passé des mois à refouler pour ne plus souffrir. C'était comme s'il acceptait de rouvrir la page de leur histoire, comme s'il souhaitait la faire revivre encore un peu en collectant de nouveaux souvenirs. Une très mauvaise idée.
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Alex tentait d'encaisser chaque nouvelle sans laisser les émotions prendre le dessus. Rachel est morte d'un cancer. Les excuses d'Alex n'y changeront rien. Rachel était morte, le cancer l'avait tué et Alex n'avait pas été là pour elle. Elle n'avait même jamais été là pour Rachel finalement. C'était, et ça resterai, l'un de ses plus grands regrets. Alex n'avait pas la prétention de penser qu'elle aurait pu changer le destin de Rachel, mais l'Anglaise espérait de tout cœur que son amie avait été suffisamment soutenue et entourée durant cette période de sa vie. Cette dernière épreuve. Elle regardait cet homme devant elle, et cela la rassurait. La main de Stephen qui serrait la sienne, elle se reprochait mentalement d'être si faible. C'était lui qui avait perdu sa femme, et c'était pourtant lui qui apportait son soutien à l'Anglaise. Des excuses futiles, qui ne changeraient rien à la situation et une réponse de Stephen emplie de colère et de rancœur. Une fatalité impossible à accepter. Alex ressentait et pouvait comprendre les émotions de son interlocuteur. La vie se faisait parfois une joie de venir tout gâcher, sans prévenir, sans explication. Elle venait perturber tout un quotidien, tout un bonheur et laissait un bordel derrière elle qu'il fallait tenter de ramasser pour se reconstruire. Et visiblement la reconstruction était encore en cour chez Stephen. Alex cherchait ses mots, la meilleure attitude à avoir pour ne pas raviver les émotions de l'homme face à elle mais elle n'y arrivait guère. Elle essayait vraiment de rester digne, de rester calme, de contenir cette fureur en elle, mais son inconscient et son corps envoyaient des messages qu'elle avait du mal à ignorer. Elle avait tenté de faire abstraction de sa peine, de sa colère, face à cet homme. Elle avait tenté de faire preuve de retenue et de respect mais au vu de la réaction de Stephen, elle n'était plus certaine d'avoir atteint l'objectif souhaité. Il avait semblé surpris par la réponse d'Alex, surprit et soucieux et Alex craignait la réponse du veuf. Après tout, sa question était relativement bête, qu'est-ce qu'elle pouvait faire pour un homme qui avait perdu sa femme depuis un an ? Drôle de question Alex. Et finalement, il avait finit par répondre à cette question. ''Un café.'' Alex leva la main pour interpeller un serveur qui regardait dans sa direction. Un moyen d'accepter la requête de Stephen. ''Et des explications. Parle moi d'elle.'' Cette fois c'était Alex qui se trouvait désarmée face à cette demande. Sa main, précédemment levée en direction du serveur ; retomba sur la table lourdement alors que le souvenir de Rachel se ravivait avec vigueur dans son esprit. Elle malmenait à nouveau ses lèvres, tentant de contenir les émotions et les souvenirs qui se frayaient un chemin jusqu'à son cerveau. Penser à Rachel de son vivant, n'avait jamais été facile pour Alex, qui se reprochait d'avoir perdu tout contact avec son amie. Alors, maintenant qu'elle savait que son amie était morte c'était une toute autre émotion qu'elle découvrait et qu'elle devait apprendre à gérer rapidement. Elle se redressait sur sa chaise, relevant un peu les épaules et la tête pour ne pas se montrer trop abattue par la demande de Stephen. Le serveur appelé quelques secondes plutôt, s'approchait de leur table. ''Café pour toi ? Moi je vais prendre quelque chose d'un peu plus fort.'' Si tu veux que je te parle de Rachel je vais avoir besoin de quelque chose de fort, beaucoup plus fort que le café. Je vais avoir besoin d'alcool pour m'aider. Elle n'avait pas dit tout cela, et même si elle savait qu'un verre n'allait pas l'aider à rendre cela plus facile, ou même lui donner la force pour ressasser son passé. Elle en ressentait le besoin, la maintenant. Le serveur avait prit leur commande et s'était éclipsé, rapidement. Bien trop rapidement et les mots de Stephen flottaient dans la tête d'Alex, encore. "Parle moi d'elle." Elle regrettait maintenant, de lui avoir demander ce qu'elle pouvait faire pour lui, mais elle ne pouvait pas se défiler. Pas encore une fois. Elle devait assurer, assumer et faire ce qui était juste pour Stephen. Et pourtant, dans son esprit, dans sa vie, dans leur relation, Rachel était associée inexorablement à l'épreuve dont Alex ne parlait jamais, à personne. Elle avait très vaguement évoqué l'importance de Rachel pour elle, mais cette fois, elle devait parler de son amie. Elle devait se souvenir de Rachel. Elle devait gérer le fait que son esprit était désormais en train d'assimiler l'information qu'il ne verrait plus jamais Rachel. Ce qui avait un impact sur la façon dont il traitait désormais les souvenirs, plus ou moins clairs, plus ou moins joyeux des moments partagés avec Rachel. Inlassablement Alex ressassait ses souvenirs, et chaque moment qui lui revenait en mémoire devenait précieux, douloureux mais précieux. Leur rencontre, leurs soirées, leurs délires. Un sourire triste se dessinait sur le visage d'Alex alors qu'elle se replongeait dans des souvenirs joyeux. Le serveur avait finit par amener la commande et Alex avait ingéré ce précieux liquide d'une traite avant de se lancer." Je ne sais pas trop quoi te dire, je pense qu'elle a du changé depuis le temps. " avait-elle finit par dire, après un silence. " J'ai rencontré Rachel pour la première fois, j'avais 18 ans et je venais d'arriver à Brisbane. Au hasard d'une soirée avec des connaissances communes. On s'est entendue assez rapidement, j'avais des soucis avec ma famille et elle cherchait à provoquer un peu ses parents. On s'est retrouvé un peu dans ce besoin d'échapper à la pression familiale, à l'autorité constante, ça nous a rapproché, ça et les soirées. " Un discret sourire naissait sur le bord des lèvres d'Alex. Les soirées, les souvenirs, les premières expériences, la liberté, l'innocence. " Je me souviens à l'époque, j'étais incapable d'assurer quoique ce soit les lendemains de fêtes alors que Rachel pouvait se lever et tout déchirer dans ses études. " Alex cherchait ses mots, cherchait les souvenirs qu'elle voulait partager avec Stephen. Elle observait l'homme face à elle. Si pour elle parler de Rachel était compliquée, elle imaginait aisément la douleur que ça pouvait raviver chez celui qui avait partagé sa vie. Alors, la Britannique, essayait de rester dans les souvenirs assez classiques qu'elle avait de la jeune femme que fut Rachel. " Rachel était pas beaucoup plus âgée que moi et pourtant elle me semblait toujours plus sereine, capable de trouver des solutions à tout, de rassurer. J'étais pas toujours capable de me contrôler et d'éviter le danger, et elle m'a sorti de quelques situations délicates. " C'était peu dire, Rachel l'avait tout simplement sauvé. " Et surtout, elle m'a jamais lâché. Et je suis tellement désolé de n'avoir pas été à la hauteur, de ne pas avoir été là quand elle en a eu besoin. " Plus elle parlait de Rachel, plus elle se sentait coupable et triste. Et pourtant, au fil de la discussion, avec les souvenirs qu'elle revivait, elle se sentait proche de Rachel et elle ressentait le besoin de parler d'elle. Elle venait d'apprendre que son amie était morte, et partager ses souvenirs avec un autre, permettait de la garder encore un peu en vie. Et elle voulait se sentir proche d'elle encore un peu avant d'avoir à faire le deuil et à accepter complètement sa mort. "Elle a été heureuse avec toi ?" C'était sorti tout seul, sans tact. Juste le besoin de continuer à se sentir proche de Rachel, d'en apprendre plus sur elle. C'était maladroit et l'Anglaise en avait conscience, mais au vue de la situation, elle espérait que Stephen comprenne le sens de sa question.
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Stephen ne s'attendait pas vraiment à ce qu'Alex ne lui rétorque quelque chose comme ''Café pour toi ? Moi je vais prendre quelque chose d'un peu plus fort.'' en interpellant le serveur quelques secondes plus tôt. Il eut un vague froncement de sourcils, un moment d'absence, puis opina finalement du chef pour approuver la commande. Il n'était personne pour juger, même si c'était sans doute plus fort que lui. Conforme à l'extrême, toujours dans le contrôle et la retenue, Stephen était un cliché de banalité à lui seul, l'entier opposé de Rachel qui de son vivant était la spontanéité et la légèreté personnifiées. Allez savoir pourquoi, il avait ressenti le besoin d'entendre cette fille lui parler d'elle. La page n'était pas encore tout à fait tournée pour lui, et bien qu'il sache pertinemment qu'en savoir encore un peu plus le ferait souffrir, ç'avait été plus fort que lui. " Je ne sais pas trop quoi te dire, je pense qu'elle a du changé depuis le temps. " avait-elle finit par dire, après un court silence. " J'ai rencontré Rachel pour la première fois, j'avais 18 ans et je venais d'arriver à Brisbane. Au hasard d'une soirée avec des connaissances communes. On s'est entendue assez rapidement, j'avais des soucis avec ma famille et elle cherchait à provoquer un peu ses parents. On s'est retrouvé un peu dans ce besoin d'échapper à la pression familiale, à l'autorité constante, ça nous a rapproché, ça et les soirées. " Alors qu'un sourire naissait au coin des lèvres de la blonde, Stephen l'imitait presque par automatisme. Rachel aussi avait enchaîné les galères permanentes avec ses parents, ne trouvant réconfort qu'en son cousin Alfie pour ce qui était question de braver l'autorité. Pas étonnant que les deux jeunes femmes ne se soient entendues tout de suite. " Je me souviens à l'époque, j'étais incapable d'assurer quoique ce soit les lendemains de fêtes alors que Rachel pouvait se lever et tout déchirer dans ses études. " En face de lui, Alex l'observait, semblait chercher ses mots, des souvenirs qu'elle voulait partager. Face à ces efforts, le brun se contentait pourtant de demeurer silencieux, se passant parfois une main sur le visage pour reprendre contenance ; c'était un flot d'émotions qui le bouleversait chaque fois que le souvenir de sa femme refaisait surface. " Rachel était pas beaucoup plus âgée que moi et pourtant elle me semblait toujours plus sereine, capable de trouver des solutions à tout, de rassurer. J'étais pas toujours capable de me contrôler et d'éviter le danger, et elle m'a sorti de quelques situations délicates. Et surtout, elle m'a jamais lâché. Et je suis tellement désolé de n'avoir pas été à la hauteur, de ne pas avoir été là quand elle en a eu besoin. " D'un vague mouvement du bras, Stephen balayait ses derniers mots tandis que devant eux, le serveur déposait leurs boissons. Il fit rouler sa tasse entre ses doigts, la jaugeait du coin de l’œil avant de reprendre la parole. Seigneur, que c'était compliqué. "Elle a eu une petite fille. Ses parents en ont la garde maintenant ... mais comme tu t'en doutes, ce n'est pas la grande joie. Pour ce qui est des études ... elle a plutôt bien réussi. On s'est rencontrés comme ça d'ailleurs. On travaillait pour le même espace médical. Je suis kiné." qu'il précisait comme pour lui donner une update qui n'avait plus lieu d'être ; Alex arrivait trop tard. Comme consciente de ce fait, la jeune femme poursuivait d'ailleurs en retournant encore un peu dans le passé : "Elle a été heureuse avec toi ?" Sans la moindre parcelle de tact, Stephen avait été désarçonné par tant de franchise. A vrai dire, lui même ne s'était jamais vraiment posé la question. On lui avait déjà reproché de ne pas avoir été à la hauteur, d'avoir été trop absent. Il alternait entre le père de famille modèle, l'acharné qui laissait sa femme malade de côté pour monter son affaire, et l'utopiste dépassé par la situation qui avait cru jusqu'au dernier moment qu'une rémission était possible. Il était le seul à savoir vraiment quel genre d'époux il avait été pour elle. "J'en sais rien." qu'il soufflait finalement après une réflexion qui lui avait semblé durer des heures. "Au début sans doute." Puis elle m'a brisé le cœur, involontairement. Je l'ai abandonnée des journées entières, je l'ai laissée seule avec Anabel, je l'ai trompée. Et je suis revenu pour essayer de me racheter une conscience. "On a pas eu assez de temps. Ce qui compte, c'est surtout sa fille. Je fais ce que je peux" avait il lâché à demi voix, laissant transparaître que non, Rachel n'avait peut être pas été la jeune femme la plus heureuse du monde sur la fin. Son décès avait été un traumatisme ; pour les autres mais aussi pour elle. Elle laissait derrière elle son enfant, son mari, sa famille. Elle avait perdu sa mobilité, sa féminité, son indépendance, minute après minute. Personne n'était heureux dans de telles conditions. Personne ne se sentait prêt à abandonner sa vie à l'aube de ses trente ans.
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Partager ses souvenirs avec Stephen n'avaient rien de facile pour Alex, mais elle le faisait. Par devoir, d'abord. Elle était responsable de la situation extrêmement inconfortable dans laquelle ils se trouvaient tout les deux. Elle était celle qui avait prit contact avec Stephen. Elle était celle qui avait abandonnée Rachel. Alors quand Stephen lui avait demandé de parler de Rachel, elle n'avait pas eu d'autres choix que de se mettre à table et de partager les souvenirs qui lui revenaient en mémoire. Stephen observait la blonde tenter de mettre de l'ordre dans sa mémoire. La situation n'était pas simple pour Alex qui se battait avec ses émotions, mais elle tenait le coup. Pour Stephen, pour Rachel, pour sa mémoire. Elle se blindait, tout en partageant des souvenirs joyeux des premiers moments avec Rachel. Elle luttait contre sa mémoire, s'interdisant de se plonger dans des souvenirs plus intenses. Elle observait Stephen et elle ressentait toute son émotion. Elle était touchée par la pudeur de l'homme face à elle, et elle détournait les yeux, évitant de croiser le regard du brun de peur de se laisser submerger. "Elle a eu une petite fille. Ses parents en ont la garde maintenant ... mais comme tu t'en doutes, ce n'est pas la grande joie. Pour ce qui est des études ... elle a plutôt bien réussi. On s'est rencontrés comme ça d'ailleurs. On travaillait pour le même espace médical. Je suis kiné." A l'évocation de la fille de Rachel, Alex s'était, malgré elle, laissée submerger par ses émotions. Jusqu'à présent, elle avait tenté de rester le plus digne possible, de rester assez neutre pour respecter le mari veuf qui lui faisait face avec dignité. Mais, alors que Stephen lui faisait partager certains des moments importants de la vie de Rachel, Alex se sentait prise au dépourvue. Une vague d'émotion incontrôlable et incontrôlée, avait détruit sa ligne de défense et elle regrettait de ne pas avoir un autre verre d'alcool à engloutir. Son regard était plongé, perdu dans le verre vide avec lequel elle jouait maladroitement. Elle avait hésité quelques secondes à s'enfuir. Fuir c'est ce qu'elle avait fait quelques années auparavant et elle se retrouvait aujourd'hui face aux souvenirs, face à la culpabilité d'avoir laissé derrière elle ses proches. Elle aurait du partager ces moments avec Rachel, elle aurait du être à ses cotés pour la soutenir, mais elle avait fait le choix de fuir. Et aujourd'hui, elle ne pouvait plus fuir, elle devait arrêter et assumer. A défaut de fuir physiquement, elle avait cherché à s'échapper mentalement, à relancer la discussion vers un autre sujet en demandant au brun, si Rachel avait été heureuse avec lui. Le tact n'était plus la préoccupation d'Alex, elle était même pas sûre d'être encore capable de faire preuve d'une once de courtoisie. Trop occupée à tenter de repousser des souvenirs qu'elle ne se sentait pas en mesure de pouvoir gérer dans l'état émotionnel dans lequel elle se trouvait. Rachel avait eu une petite fille, et cette enfant se retrouvait désormais sans sa mère. Un flot de question traversait l'esprit de la Britannique, mais elle n'arrivait pas à construire la moindre pensée qui ait un sens. Elle aurait aimé savoir comment Rachel avait vécu sa grossesse. Si elle avait été soutenue. Comment elle avait géré avec sa famille. Ou était le père. Et comment elle avait réussi à gérer ses derniers moments avec sa fille, quand elle avait compris qu'elle allait devoir la laisser. Autant de questions bien trop indiscrètes qu'elle ne pouvait décemment pas poser ainsi. Et pourtant, elle ressentait le besoin d'obtenir certains réponses, à des questions qu'elle ne se sentait pas légitime de poser. A une époque, les deux filles avaient eu à discuter de la notion d'abandon, et même si la situation était totalement différente dans le cas de Rachel, le résultat était le même. Il restait un enfant, sans sa mère. Trop de souvenirs, de discussions avec Rachel, de moments à parler de grossesse, d'enfant, de responsabilités, d'abandon, de famille. C'était impossible à gérer pour Alex. Elle avait essayé de se montrer forte, de repousser ses émotions lors de l'annonce de la mort de son amie quelques minutes plutôt. Elle avait essayé de rester digne et respectueuse face à Stephen. Mais s'en était trop pour elle. Elle n'était pas forte, elle n'était pas solide, elle ne l'avait jamais réellement été et ses émotions reprenaient le dessus. Incapable de ne pas faiblir, elle se maudissait intérieurement d'être aussi émotive. Elle serrait la mâchoire avec force dans une tentative désespérée de contenir ses émotions, tout en essayant de se concentrer sur l'homme qui faisait lui aussi face à ses propres émotions et aux souvenirs. "Au début sans doute. On a pas eu assez de temps. Ce qui compte, c'est surtout sa fille. Je fais ce que je peux" Et voilà qu'il reparlait de la fille de Rachel, de cette enfant sans mère et Alex n'arrivait plus à taire certains de ses questionnements. Bien qu'elle ait conscience de n'avoir absolument aucune légitimité. Elle ne pouvait s'en empêcher. Elle devait savoir, elle devait comprendre. Elle devait trouver des réponses à toutes ses interrogations. « Pourquoi la petite est chez les parents de Rachel ? » La question était peut être un peu trop personnelle, un peu trop brute mais Alex n'avait plus la lucidité pour y mettre la forme. « Je sais que jamais elle n'aurait laissé ses parents s'occuper de son enfant à l'époque, alors j'ai besoin de comprendre ce qui s'est passé. » Elle tentait quand même de compléter sa question, mais plus elle parlait, plus sa voix se cassait, trahissant son émotion. Stephen avait voulu qu'Alex lui parle de Rachel, mais finalement c'était elle qui se retrouvait à poser les questions sur la vie de son ancienne amie, lorsqu'elle était encore en vie. Pour en savoir plus sur Rachel, mais aussi un peu par égoïsme, pour alléger sa conscience et sa culpabilité d'avoir été aussi lâche. Elle espérait vraiment que Stephen lui dirait que Rachel avait été heureuse, qu'elle n'avait manqué de rien, qu'elle avait été soutenue et qu'elle avait eu une belle vie, courte mais riche. Mais ces dernières révélations n'allaient pas aidé à alléger la peine et la culpabilité de l'Anglaise, qui cherchait désormais à comprendre la vie de Rachel après son départ.
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Stephen ne pouvait pas parler de Rachel sans parler d'Anabel. Elle était sa fille, elle faisait partie de sa vie, occupait tout son temps libre ou presque. Les deux avaient eu une relation fusionnelle, et quelque part, c'était sûrement ce qui expliquait que le brun ait ce lien si spécial avec la fillette désormais. Ils n'étaient plus que deux. Stephen avait beau ne plus en avoir la garde, la petite tête blonde de Rachel demeurait son occupation première, comme si à travers elle, il pouvait racheter sa conduite désastreuse pendant leur année de mariage. « Pourquoi la petite est chez les parents de Rachel ? » que lui demandait Alex, sans le moindre filtre. Puis dans la précipitation, presque par précaution, elle ajoutait : « Je sais que jamais elle n'aurait laissé ses parents s'occuper de son enfant à l'époque, alors j'ai besoin de comprendre ce qui s'est passé. » dans une voix presque brisée. Il aurait pu éprouver une once de compassion en entendant ces mots, mais c'était tout inverse qu'il avait ressenti. Blessé dans son ego ; le souvenir du procès encore -trop- présent, il fronçait les sourcils, jaugeant un instant du regard la blondinette face à lui. "Je suis pas son père." qu'il lâchait avec simplicité, d'un ton qui sonnait l'alerte. Il avait échoué, mais n'était pas encore prêt à le formuler verbalement, et surtout pas à une femme qu'il venait tout juste de rencontrer. Néanmoins, d'une voix plus douce il se ravisait et ajoutait : "Elle va bien. Elle est en bonne santé, elle suit un psychologue, tiens regarde." Sortant son téléphone de la poche arrière de son jean, le trentenaire recherchait une photo récente de la fillette qui venait d'entamer sa dernière année à la maternelle. De longs cheveux bruns relevés en une queue de cheval, une peau dorée par le soleil, des taches de rousseur sur le nez ; Anabel était le portrait craché de sa mère à quelques détails prêts. "Elle va avoir six ans." qu'il soufflait en se passant une main sur le visage, puis laissant le téléphone portable à disposition de la jeune femme sur la table, fit tourner la tasse de café entre ses doigts. Ses traits passaient par plusieurs nuances. Oscillant entre la colère, l'injustice, la tristesse et la mélancolie. Ressasser le passé n'était pas une bonne idée, même si c'était quelque chose qu'il faisait encore si régulièrement, de plus en plus à mesure que l'anniversaire de la mort de Rachel se rapprochait. Il se surprenait à porter son alliance autour du cou, parfois, et se maudissait de l'avoir fait aussitôt. Stephen n'avait jamais voulu ressembler à ces hommes dont la perte de leur femme signait la perte de leur vie, il voulait se battre même si là encore, c'était quelque chose qu'il ne disait jamais. En temps normal, sur le décès de Rachel il demeurait silencieux. Il n'en parlait pas. Ni à sa mère, ni à ses proches. Un peu à Alfie, quelques fois à Leah. Stephen avait toujours conservé cette part d'ombre pour lui, et qu'il en discute aujourd'hui avec une presque inconnue le rendait encore pantois quant à ses propres décisions. "A ton tour. Pourquoi t'es partie ?" demandait il d'une voix neutre, comme pour mettre sur pause les dizaines de petits poignards qui martelaient sa poitrine. Le brun arrivait doucement à la limite de ce qui lui était supportable, même s'il se contenait. Une habitude acquise au fil des mois.
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"Je suis pas son père." Alex écoutait avec respect et attention les réponses apportées par Stephen. Elle se sentait un peu mal à l'aise de s'immiscer ainsi dans l'intimité du couple, de la vie de Stephen. Mais elle avait eu besoin de comprendre comment son amie, avait pu laisser sa fille dans les griffes de ses parents. Alex regardait son interlocuteur lui parler avec douceur de cette petite fille. Et quand Stephen lui avait tendu son téléphone, Alex avait été totalement touchée par ce petit visage enfantin qui ne pouvait pas trahir le lien familial avec Rachel. "Elle va avoir six ans." Elle va avoir six ans, l'annonce de Stephen n'avait pas laissé indifférente Alex. Un simple et rapide calcul avait permit à Alex de prendre conscience que Rachel avait vécu la même épreuve qu'elle. Seulement quelques mois plus tard, mais qu'elle avait fait un choix différent. De quoi raviver un peu la culpabilité et les regrets d'Alex. Elle voyait cette petite fille, sans sa mère, sans son père, à vivre sous l'influence de ses grands-parents. Elle gardait les yeux rivés sur ce visage enfantin qui lui rappelait tellement Rachel, c'en était presque déstabilisant. Elle se trouvait là, incapable de savoir comment réagir face à l’honnêteté et l'émotion de Stephen. Elle avait encore beaucoup de questions sur Rachel, mais elle se rendait compte qu'elle avait peut être dépassé certaines limites dans ses questionnements. Elle restait muette, le regard fixé sur le téléphone, profitant de ce moment de silence entre les deux pour souffler un peu et tenter de faire taire toutes les émotions fortes qu'elle avait ressenti en si peu de temps. Depuis le moment ou elle avait mit les pieds dans ce café, de l'angoisse de cette rencontre, à l'annonce de la mort de Rachel, en passant par l'espoir de revoir son amie, et la découverte de certaines épreuves de la vie de Rachel. Alex avait besoin de ce petit moment pour souffler, pour encaisser, pour tenter d'enfouir les vagues d'émotions qui prenaient de plus en plus d'ampleur et qui menaçaient de la faire craquer totalement. "A ton tour. Pourquoi t'es partie ?" Allez prends ça dans la gueule Alex.Le silence n'avait pas été de longue durée et il avait été rompu de manière exceptionnellement froide et brute pour Alex. Et oui à force de questionner Stephen, de se mêler de ce qui ne la regardait pas, elle avait fini par se piéger toute seule. Le piège s'était refermé et elle se sentait acculée, dans les cordes, prête à accepter le KO et renoncer à lutter. Lutter contre Stephen et sa question. Lutter contre les souvenirs de Rachel. Lutter contre son passé, contre ses émotions qui semblaient gagner du terrain et la priver de son sang froid et de son calme. C'en était un peu trop pour son quotient émotionnel. L'Anglaise savait qu'en choisissant de revenir à Brisbane, elle aurait à gérer cette question un jour ou l'autre. Mais elle ne pensait pas que ce serait si tôt et elle n'était tout simplement pas encore prête à gérer ça. Pas maintenant, pas comme ça alors qu'elle tentait encore de se faire à l'idée que Rachel était morte. Son histoire, elle avait gardé cette partie de sa vie enfuie en elle pendant si longtemps. Elle avait mit tant d'énergie à tenter de l'enterrer, à tenter d'oublier, à taire cette épreuve de sa vie qu'elle se retrouvait désabusée et complètement vulnérable face à cette question pourtant en apparence si anodine. Alex, n'avait pas préparé ça, elle pensait voir Rachel. Elle voulait voir Rachel. Parce que justement, Rachel connaissait son histoire, alors l'Anglaise savait qu'elle n'aurait pas à revenir sur cette épreuve. Mais devant cet homme, avec toute la tension émotionnelle du moment, Alex se sentait totalement prise au dépourvue, incapable de cacher sa fébrilité et son angoisse. L'Anglaise, fixait le portable de Stephen toujours posé devant elle sur la table, avec cette petite fille qui semblait la regarder. La narguer, et lui renvoyer en pleine figure le souvenir de Rachel. Mais elle ne pouvait pas détourner son regard, et elle ne pouvait pas faire face à Stephen, elle en était tout bonnement incapable, surtout qu'elle s'apprêtait à se défiler, à mentir ou à fuir. Ou les trois en même temps. Mais elle ne se sentait pas en mesure d'évoquer son passé et son choix, pas comme ça, pas avec lui. Elle avait déjà bien du mal à assumer son choix, à assumer ses actes, en plus de l'abandon de son enfant, elle avait abandonné tout le monde. Elle avait menti à tout le monde, elle avait caché sa grossesse à tous et même au père de l'enfant. Et devant cet homme qui se battait pour un enfant qui n'était pas génétiquement le sien, elle se sentait encore moins en mesure d'assumer et de se confier à lui. Elle avait eu plus de sept années pour accepter son geste, pour se pardonner ses erreurs, mais elle n'avait jamais réussi. Alors, devant le ton neutre de cette question si inattendue, Alex avait paniqué totalement, se mettant elle même dans une situation désespérée. Le flottement lié à la question n'avait pas pu échapper à son interlocuteur ce qui compliquait la tâche d'Alex. Pourquoi était-ce si dur pour elle d'expliquer qu'elle avait préféré quitter un Pays ou un enfant, son enfant allait grandir loin d'elle ? Pourquoi était-ce si douloureux pour elle de parler de ce choix ? C'était pourtant le sien, personne ne l'avait poussé à abandonner son enfant, alors pourquoi elle se sentait toujours aussi incroyablement faible quand elle devait repenser à ce moment ? C'était un choix réfléchit, pas un coup de tête, c'était le bon choix pour cet enfant mais sûrement pas le bon pour Alex qui vivait avec cette culpabilité depuis sept ans.
Elle relevait les yeux vers Stephen tout en évitant de croiser son regard. « Je ne peux pas Stephen. » Elle avait murmuré ces mots, honteusement, consciente qu'au fond elle devait une réponse à cet homme, mais qu'elle en était incapable. « Je ne peux pas, je suis désolé. Il n'y a que deux personnes avec qui je veux en parler et l'une d'elle est morte. Alors je peux pas faire comme si tout était normal. » Des sanglots dans la voix, des larmes dans les yeux, la Britannique craquait complètement. Elle venait de dire à haute voix que son amie était morte, et ça rendait la chose tellement réelle, trop douloureusement réel. Elle avait retenu trop d'émotions, refusant de se laisser submerger, elle avait encaissé mais désormais son corps, sa tête, ses nerfs, tout était en train de craquer et elle lâchait prise complètement. Plus aucune retenue, plus aucun respect pour la douleur du veuf, plus de dignité dans la peine. Elle lâchait prise, son cerveau déconnecté, l'Anglaise se laissait dépasser par ses émotions. La peine, la colère, l'injustice, la culpabilité. C'était trop d'un coup. Prenant conscience qu'elle avait perdu Rachel, définitivement pour toujours. Qu'elle avait perdu la seule avec qui elle avait toujours pu être elle, honnête, vraie, sincère. Elle craquait parce qu'elle réalisait aussi qu'avec la mort de Rachel, c'était tout les souvenirs communs de cette partie de sa vie qui était mort. « J'avais besoin de voir Rachel, j'avais besoin de m'excuser auprès d'elle, j'avais besoin d'elle parce qu'elle est la seule à pouvoir comprendre, à ne pas me juger. Et c'est trop tard Stephen. Alors à quoi bon continuer ? Pourquoi tu as voulu en parler, pourquoi tu as voulu que je te parle d'elle ? » Un léger ton de reproche dans la voix. « Pourquoi ? Ça te fait souffrir je le vois, alors pourquoi ? » Il n'y avait pas de méchanceté dans les propos d'Alex, non uniquement de la détresse. Elle se rendait simplement compte que perdre Rachel était en faite bien plus difficile qu'elle aurait pu l'imaginer, et la réalité du moment semblait trop difficile à accepter pour l'Anglaise qui avait tenté de se contenir pendant longtemps, de taire sa peine, de taire ses émotions, et elle se prenait tout cela de plein fouet. C'était pathétique, elle était pathétique et elle se sentait tellement minable de faiblir autant et de se montrer sans filtres, vulnérable à ce point, mais elle avait perdu ses moyens, sa contenance, et elle reportait toutes ses émotions contre celui qui lui faisait face, Stephen.
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La petite blonde semblait si affectée par la discussion qu'ils étaient en train d'avoir que Stephen en avait fini par se demander si d'organiser cette rencontre avait été une bonne idée. Elle voulait voir Rachel pour s'expliquer sur ces longues années d'absences, au lieu de quoi elle se retrouvait avec son mari qui lui annonçait son décès de la plus brusque des manières. Il n'y avait pas de façon réglementaire pour annoncer le décès d'une personne aussi jeune de toute façon. Relevant les yeux vers lui, Alex semblait éviter son regard. L'air ambiant s'était chargé d'électricité, et après quelques secondes qui lui parurent être une éternité, il l'entendait poursuivre : « Je ne peux pas Stephen. » dans un murmure, comme si elle se sentait honteuse de quelque chose qu'il avait encore du mal à cerner. « Je ne peux pas, je suis désolé. Il n'y a que deux personnes avec qui je veux en parler et l'une d'elle est morte. Alors je peux pas faire comme si tout était normal. » Mais rien n'était normal. Des sanglots étranglaient la voix de la jeune femme, ses yeux se voilaient de larmes qu'elle peinait à contrôler... et Stephen ne savait pas comment réagir. Son habituelle retenue, sa façon de constamment se contrôler l'empêchaient de céder, mais au fond un brasier le consumait à son tour. Cette fille débarquait de nulle part, elle connaissait Rachel, elle détenait des informations sur elle et ... elle se mettait à pleurer devant lui ? Non, non non non. Sa mâchoire se serrait imperceptiblement, la jointure de ses doigts blanchissait ; Stephen fixait un point invisible, l'évitant soigneusement, si tant est qu'il l'avait à peine entendue poursuivre : « J'avais besoin de voir Rachel, j'avais besoin de m'excuser auprès d'elle, j'avais besoin d'elle parce qu'elle est la seule à pouvoir comprendre, à ne pas me juger. Et c'est trop tard Stephen. Alors à quoi bon continuer ? Pourquoi tu as voulu en parler, pourquoi tu as voulu que je te parle d'elle ? » Un léger ton de reproche dans la voix. « Pourquoi ? Ça te fait souffrir je le vois, alors pourquoi ? » Outch. La petite blonde secouait ses nerfs, faisait battre son pouls un peu plus vite. Lui même se sentait si stupide d'avoir proposé ce rendez vous, de lui avoir fait sous entendre que Rachel était encore en vie pour glaner quelques souvenirs qui n'auraient que pour seule et unique conséquence de lui briser le cœur à nouveau. "Attends" qu'il lâchait précipitamment, comme par peur qu'elle ne quitte ce café. A sa place, c'était certainement ce qu'il aurait fait. "Si c'est dur pour toi de l'imaginer morte alors ... tu peux comprendre ce que ça me fait. Je voulais juste.. parler d'elle sans avoir personne pour me ramener sur terre. Tu sais des choses que j'ignore à son sujet. J'avais juste envie d'en apprendre encore un peu plus. C'était peut être une mauvaise idée." qu'il soufflait, murmurait presque sur la fin. "On se connaît même pas, à quoi je pensais." Se passant une main fatiguée sur le visage, le brun avait fini par laisser complètement tomber l'idée de départ : à savoir, égoïstement glaner des informations sur celle qu'il avait épousée. Alex semblait si fragile, si désarçonnée face à la nouvelle qu'il ne pouvait s'empêcher de refaire tourner en rond ces quelques paroles qu'elle avait lâchées. "... qu'est ce qu'il t'es arrivé pour que tu aies besoin d'elle maintenant ?" qu'il demandait d'une voix neutre, mesurée. Quelques secondes de réflexion lui avaient été nécessaires pour tenter d'en savoir davantage sans remuer le couteau dans cette plaie déjà bien vive.
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Après son échec de se contenir et son craquage monumentale Alex était sur le point de s'enfouir, de quitter ce bar pour se réfugier chez elle. Elle n'était pas prête à faire face. Lorsqu'elle avait décidé de revenir à Brisbane, elle savait qu'elle devrait affronter des difficultés, qu'elle aurait à faire face à certains moments bien compliqués. Mais elle ne pensait pas que la première rencontre qu'elle ferait à Brisbane, serait le mari de sa défunte amie. Que la première nouvelle qu'elle apprendrait en cherchant à assumer ses actes et ses choix, serait la mort de sa confidente et amie, la seule qui savait tout d'elle. "Attends" Alex n'osait pas regarder Stephen, honteuse de se montrer aussi vulnérable, honteuse de craquer totalement. Mais elle était restée assisse, silencieuse, tentant de retrouver une certaine prestance. "Si c'est dur pour toi de l'imaginer morte alors ... tu peux comprendre ce que ça me fait. Je voulais juste.. parler d'elle sans avoir personne pour me ramener sur terre. Tu sais des choses que j'ignore à son sujet. J'avais juste envie d'en apprendre encore un peu plus. C'était peut être une mauvaise idée." Les mots et le ton de Stephen avaient eu pour effet de calmer légèrement la jeune femme. Elle s'en voulait d'imposer sa peine à Stephen, elle se reprochait de ne pas avoir pu contenir ses émotions, encore une fois. Elle se sentait égoïste et faible. Elle aurait aimé pouvoir partager sa peine avec Stephen mais partager sa peine ne la rendait pas moins douloureuse alors elle se blâmait intérieurement de ne pas avoir pu attendre d'être seule pour pleurer et éviter d'imposer cette scène à Stephen. "On se connaît même pas, à quoi je pensais." Il avait juste envie d'en apprendre davantage sur sa femme et Alex le comprenait au fond. Elle aussi avait vu en Stephen le moyen de se rapprocher de Rachel. D’en apprendre davantage sur sa défunte amie, de partager pendant un moment son souvenir. "... qu'est ce qu'il t'es arrivé pour que tu aies besoin d'elle maintenant ?" Alex avait relevé la tête vers Stephen, surprise de le voir persévérer. Elle venait de lui faire une scène dont elle n'était pas fière. Elle venait de craquer complètement devant lui sans même tenir compte de la souffrance du brun et il restait là face à elle, continuant de s'interroger sur la souffrance de l'Anglaise. Elle se sentait encore plus mal d'un coup. Culpabilité, égoïsme. Sa crise de nerfs semblait s'être calmée un peu et elle osait regarder son interlocuteur pour la première fois depuis un petit moment. Il semblait fatigué. Alex avait du mal à saisir les émotions de l'homme face à elle, mais elle parvenait tout de même à sentir sans mal sa douleur. Et elle savait qu'elle était en grande partie responsable d'avoir provoqué ce moment. « Je suis désolé. » Des excuses du bout des lèvres, à peine audible, emplie de culpabilité et de remords. « J’ai besoin d’une cigarette et de prendre l'air. » Elle se levait et invitait Stephen à la suivre à l'extérieur du bar. Elle n'en pouvait plus de ce lieu fermé, de cette table, de ce cadre trop formel. Elle s'appuyait contre la façade, sa tête basculant vers l'arrière, elle profitait des rayons du soleil qui venait réchauffer son visage. Elle venait de craquer totalement, sans retenue aucune, elle avait perdu son sang froid, ses nerfs. Et maintenant que la pression commençait à retomber, elle distinguait les premiers signes du contre coup : la fatigue se faisait ressentir et une migraine commençait à tirailler sa tête. Elle allumait sa cigarette qu'elle fumait avec un peu trop d'entrain. "... qu'est ce qu'il t'es arrivé pour que tu aies besoin d'elle maintenant ?" Les quelques mots de Stephen continuaient à tourner dans sa tête alors que la fumée de sa cigarette emplissait ses poumons et son corps. Elle était désormais plus calme, pas sereine loin de là, mais calme. Sa crise était passée, avec fureur et vigueur elle avait évacué ses émotions et désormais, son corps semblait cherchait à se relâcher un peu ne supportant pas la tension présente dans tout ses muscles. Elle fermait les yeux tout en inhalant la fumée, cherchant à savoir ce qu'elle devait faire avec cet homme. Elle essayait de trouver une issue, mais elle n'arrivait plus à réfléchir convenablement, fatiguée par ce trop plein d'émotion et cette culpabilité qui ne la quittait plus. Et puis finalement, elle avait décidé d'arrêter de réfléchir. Il n'était pas Rachel, elle n'était plus là mais Stephen était là et il attendait des réponses. Elle avait prit une grande inspiration et elle s’était lancé, ne sachant pas vraiment ce qu'elle devait ou allait dire. « J’ai perdu ma mère il y a deux mois, et après ça, j’ai décidé de revenir à Brisbane d’arrêter de me mentir à moi même et aux autres et d’assumer mes choix. Mais je ne pensais pas que ce serait si douloureux. » Elle faisait une pause. Tirer deux lattes dans sa cigarette, évitant tout contact avec Stephen. « Il y a quelques années. Rachel était avec moi quand j’ai découvert que j’étais enceinte. Elle était avec moi à chaque étape. Et si j’ai tenu toute cette période c’est uniquement grâce à elle. » Alex avait besoin de souffler quelques secondes. Elle ne pleurait plus, elle fixait le vide laissant les mots sortir sans réfléchir. « Elle m’a soutenue, écouté, protégé et surtout elle ne m’a pas jugé quand j'ai choisi d'abandonner mon bébé. Sans elle je ne m'en serais jamais sortie. Ces dernières années j’ai tenté de faire face mais je n’ai jamais réussi et j’ai tout raté, j'ai échoué à me pardonner mes erreurs. » Alex faisait une nouvelle pause pour terminer sa cigarette. Elle ne pouvait pas regarder Stephen, elle ne pouvait pas affronter le regard de quiconque. Elle préférait oublier la présence de l'homme et elle continuait à lâcher ces mots qui étrangement lui faisaient mal et la soulageaient tout en même temps. « Je passe mon temps à mentir à tout le monde, à cacher la vérité, à me mentir à moi même. Rachel était la seule à me connaître, la seule à connaître mon passé, la seule à me calmer, la seule à savoir quoi me dire pour me rassurer quand je me sentais dépassée. Et je crois que j’avais besoin d’elle pour me dire que tout allait bien se passer parce qu’au fond j’ai besoin d’y croire de croire que je peux faire face à tout ça que j’ai le droit d’avancer et de me pardonner. J’avais besoin d'elle pour me rassurer et me rappeler que j’avais fais le bon choix. Je me déteste chaque jours quand je repense à mes erreurs et j’avais besoin de voir de l’approbation dans les yeux de quelqu’un qui compte. J'avais besoin de savoir qu'elle pouvait me pardonner, parce que si elle ne pouvait pas me pardonner, je savais que personne ne le pourrait. » Une nouvelle pause. Elle n'avait plus de cigarette sur laquelle s'époumoner, alors elle inspirait un coup dans le vide et trouvant du courage au fond, tout au fond d'elle même, elle se tournait vers Stephen, cherchant à capter son regard. « Mais elle est morte et je ne saurais jamais si elle aurait pu me pardonner. Je ne saurais jamais si ce que j'ai fais est pardonnable, si j'ai le droit de me pardonner.» Elle regardait Stephen, elle venait de se livrer complètement. A nue, sans protection elle avait donné une réponse à Stephen, elle lui avait expliqué pourquoi revoir Rachel avait été si important pour Alex, si important que c'était la première chose qu'elle avait voulu faire en revenant à Brisbane. Elle ne pouvait pas être en position de plus grande vulnérabilité, après sa crise de nerf et cette fois ses confidences. Elle n'avait jamais parlé avec autant de sincérité à personne, pas même au groupe de soutien auquel elle avait participé à Londres. Mais après avoir traîné Stephen dans un bar pour annoncer la mort de sa femme, après lui avoir gratifié d'une scène d'hystérie, Alex s'était laissé aller, fatiguée de tout contenir et en mémoire de Rachel, elle avait répondu aux attentes de son mari. Et au fond, peut être bien qu'elle en avait besoin. « Je suis sincèrement désolé Stephen pour tout ça. » Le tout ça, comprenait la crise, les confidences, le comportement. « Comme tu le dis, on ne se connaît pas mais on a connu tout les deux Rachel. Et elle est difficile à oublier. » C'était un fait, ils ne se connaissaient pas, mais Rachel était un lien évident. « Parle moi d'elle ou demande moi ce que tu veux sur elle, je n'ai plus rien à te cacher maintenant. » Et c'était vrai, Alex s'était dévoilée comme jamais, ses failles, ses hontes, ses secrets, elle avait tout déballé devant ce bar à cet homme rencontré le jour même. Un passé de secret qu'elle avait prit soin de cacher à sa famille, à ses connaissances, et même au premier concerné, elle venait de le livrer à Stephen, uniquement parce qu'il était le mari de Rachel.
Everyone ends up alone, losing her, the only one who's ever known who I am
Ce qui aurait du être surprenant ne l'était plus vraiment. Stephen avait fini par développer une sorte d'habitude, de carapace devant les personnes qui craquaient complètement lorsrqu'il était question de Rachel. Que ce soit pour Anabel ou par pudeur, le brun n'haussait jamais le ton, ne cédait jamais à la douleur tambourinant contre ses tempes. Aujourd'hui encore, même si la petite blonde devant lui lui semblait être chamboulée au possible, il tentait de glaner des informations, de comprendre. « Je suis désolée. » qu'elle soufflait presque, se relevant en lui lançant un : « J’ai besoin d’une cigarette et de prendre l'air. » qui mit fin à leur présence dans le bar. Réglant la note à vue de nez, le brun s'était relevé pour suivre la jeune femme à l'extérieur. Il la retrouvait adossée contre un arbre, l'air encore plus hagard. Elle semblait avoir besoin d'un moment, de quelques secondes qu'il lui laissait en se posant à ses côtés, les bras croisés contre son torse. « J’ai perdu ma mère il y a deux mois, et après ça, j’ai décidé de revenir à Brisbane d’arrêter de me mentir à moi même et aux autres et d’assumer mes choix. Mais je ne pensais pas que ce serait si douloureux. Il y a quelques années. Rachel était avec moi quand j’ai découvert que j’étais enceinte. Elle était avec moi à chaque étape. Et si j’ai tenu toute cette période c’est uniquement grâce à elle. Elle m’a soutenue, écouté, protégé et surtout elle ne m’a pas jugé quand j'ai choisi d'abandonner mon bébé. Sans elle je ne m'en serais jamais sortie. Ces dernières années j’ai tenté de faire face mais je n’ai jamais réussi et j’ai tout raté, j'ai échoué à me pardonner mes erreurs. » Les détails de ce récit prenaient place petit à petit dans l'esprit du brun. Rachel lui avait déjà parlé d'une amie de qui elle n'avait plus aucune nouvelle, et comme à son habitude il n'avait pas vraiment retenu ni écouté. Néanmoins, il demeurait persuadé que cette fille était Alex, à juste titre. « Je passe mon temps à mentir à tout le monde, à cacher la vérité, à me mentir à moi même. Rachel était la seule à me connaître, la seule à connaître mon passé, la seule à me calmer, la seule à savoir quoi me dire pour me rassurer quand je me sentais dépassée. Et je crois que j’avais besoin d’elle pour me dire que tout allait bien se passer parce qu’au fond j’ai besoin d’y croire de croire que je peux faire face à tout ça que j’ai le droit d’avancer et de me pardonner. J’avais besoin d'elle pour me rassurer et me rappeler que j’avais fais le bon choix. Je me déteste chaque jours quand je repense à mes erreurs et j’avais besoin de voir de l’approbation dans les yeux de quelqu’un qui compte. J'avais besoin de savoir qu'elle pouvait me pardonner, parce que si elle ne pouvait pas me pardonner, je savais que personne ne le pourrait. Mais elle est morte et je ne saurais jamais si elle aurait pu me pardonner. Je ne saurais jamais si ce que j'ai fais est pardonnable, si j'ai le droit de me pardonner.» Elle prenait quelques pauses pour ponctuer son récit, comme si la douleur était si vive qu'elle l'handicapait pour le mener d'une traitre. Stephen ne l'interrompait pas. Il se contentait de montrer son ressenti en fronçant parfois les sourcils ou en laissant ses traits se tordre. « Je suis sincèrement désolé Stephen pour tout ça. Comme tu le dis, on ne se connaît pas mais on a connu tout les deux Rachel. Et elle est difficile à oublier. » qu'elle concluait dans un souffle. Le brun se passait une main sur le visage dans un geste qui laissait presque transparaître toute l'ampleur de ce qui pesait désormais dans ses méninges. Il esquissait l'ombre d'un sourire pour la forme, avant de lui répondre à son échelle : il ne s'estimait pas être le mieux placé pour lui livrer son avis sur toute cette histoire qu'elle semblait avoir eu tant de mal à lui confier. "Alex ... c'est pas parce qu'elle n'est plus là que tout s'arrête, au contraire. Puis tu la vois sérieusement t'en vouloir pour avoir disparu ?" qu'il demandait en penchant la tête sur le côté, en tentant de trouver les mots corrects pour décrire au mieux son souvenir. ".. t'as connu des drames, t'en vis encore aujourd'hui, et je suis vraiment désolé d'avoir... de ne pas t'avoir dit tout de suite qu'elle ne viendrait pas. On ne se connaît pas, et c'est pas mon rôle de venir te donner mon avis sur ton histoire sous prétexte qu'on est..était mariés. Mais je peux pas te laisser partir en pensant qu'elle aurait pu t'en vouloir d'être partie, c'était pas elle." et le brun ne tarderait pas à poursuivre l'évocation des souvenirs douloureux au sujet de sa femme, comme Alex finissait par lui demander dans un juste retour des choses : « Parle moi d'elle ou demande moi ce que tu veux sur elle, je n'ai plus rien à te cacher maintenant. » La petite blonde semblait s'être confiée pour la première fois depuis longtemps. Elle lui avait livré des détails qu'il n'aurait sûrement lui même jamais osé dévoiler. Stephen eut besoin de quelques secondes à son tour avant de savoir quoi penser de cette dernière demande. Il ne se sentait jamais vraiment redevable de quoi que ce soit, mais face à ce petit bout de femme, il se laissait finalement aller à quelques confessions. "On s'est connus au travail. Elle était dentiste... je venais d'arriver comme kiné juste après mon diplôme. Elle me faisait rire. Elle était très pro, dynamique. Les enfants du cabinet l'adoraient. Certaines de nos collègues la détestaient, et moi j'étais complètement sous le charme. Elle était une espèce de force de la nature, toujours souriante, elle ne comptait pas ses heures, elle arrivait à être à l'heure à la sortie de l'école, à sortir avec des copines .. encore maintenant je ne sais toujours pas comment elle faisait. On s’engueulait vingt fois par jour, elle avait vraiment un caractère qui n'allait pas avec le mien... " qu'il soufflait en secouant doucement la tête avec amusement. " ... elle était géniale, et je pense qu'elle est restée la même fille que tu avais connue." une conclusion un peu brève, mais il n'aurait sûrement pas souhaité se livrer sur le cancer, sur la maladie et son décès. Cet épisode était traumatisant, et sûrement un peu too much pour cette rencontre déjà bien trop riche en sentiments.
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"Alex ... c'est pas parce qu'elle n'est plus là que tout s'arrête, au contraire. Puis tu la vois sérieusement t'en vouloir pour avoir disparu ? T'as connu des drames, t'en vis encore aujourd'hui, et je suis vraiment désolé d'avoir... de ne pas t'avoir dit tout de suite qu'elle ne viendrait pas. On ne se connaît pas, et c'est pas mon rôle de venir te donner mon avis sur ton histoire sous prétexte qu'on est..était mariés.'' Alex regardait Stephen. Il n'avait pas fuit, il n'avait pas jugé, il s'était tut, écoutant silencieusement le récit de l'Anglaise. Et Alex le remerciait intérieurement de ne pas l'avoir interrompu. Elle n'aurait sûrement pas pu se reprendre si elle avait du faire une pause. Elle venait de se livrer, entièrement, totalement sans penser aux conséquences. Sans même penser à Stephen sur lequel elle venait de décharger son secret et son histoire. Elle avait finit par se dévoiler, pour la première fois elle avait raconté son histoire à quelqu'un et c'était à un inconnu. Et lui, il l'avait écouté et maintenant il tentait de rassurer la journaliste. Elle s'était laissée tomber sur le sol, assise sur l'herbe, les genoux repliés contre elle comme un moyen de se rassurer un peu. Elle regardait Stephen et elle commençait à réfléchir à ses mots. '' Mais je peux pas te laisser partir en pensant qu'elle aurait pu t'en vouloir d'être partie, c'était pas elle." Oui c'était pas Rachel, en tout cas pas celle qu'Alex avait connu mais Alex découvrait peu à peu les épreuves que Rachel avait du traverser. « Je sais que Rachel a comprit mon choix, mais sa vie n'a pas été simple et au lieu d'être là pour elle, j'ai fuis. Je l'ai laissé seule sans me soucier de savoir si elle avait besoin de soutien, si elle allait bien. » Alex faisait une pause regardant Stephen avec attention. Elle se demandait d’où il tenait sa force. « Rachel m'a soutenu, elle a protégé mon secret, elle a menti pour moi, elle a toujours été parfaite avec moi et vu tout ce qu'elle a fait pour moi. Enfin, j'ai été une amie horrible et le pire c'est que je sais que tu as raison, elle m'aurait sûrement pardonné. » Alex n'avait plus de secrets pour Stephen, plus de raisons de se taire, de mentir. Il savait tout et cela mettait Alex dans une position de grande vulnérabilité. Mais, le fait de voir qu'il n'avait pas fuit, qu'il était encore là rassurait un peu la blonde. Il était là, debout à ses cotés, toujours droit, solide alors que cette journée avait du être éprouvante pour lui. Alex s'était épanchée sur sa vie, elle lui avait déballé son intimité, son secret sans même réfléchir au ressenti de l'homme. Elle l'avait entraîné dans son histoire sans vraiment réfléchir, épuisée par ses émotions, épuisée par son secret. Et maintenant, elle devait assumer sa confession. Elle avait deux choix, soit fuir encore. Partir loin de Stephen et ne plus jamais avoir à faire face à son regard, à assumer sa vulnérabilité face à lui. Ou assumer son histoire et ça commençait dès aujourd'hui. Alors sans même prendre le temps de vraiment réfléchir aux conséquences, elle avait questionné Stephen sur Rachel, ouvrant la possibilité d'une discussion plus calme et plus posée que celle qu'ils avaient eu quelques minutes plus tôt dans le bar. Alex avait ressenti l'hésitation de l'homme sans doute par pudeur, par retenu. Alex avait accepté ce moment de silence, laissant le temps au veuf de digérer la demande et les souvenirs qui remontaient sans doute en mémoire. Alex jouait avec son briquet, luttant contre l'envie d'allumer une nouvelle cigarette pour combler ce moment de silence qui était propice aux questionnements qu'elle ne voulait pas laisser germer dans son esprit. Finalement Stephen avait finit par se livrer, gagnant l'attention d'Alex. "On s'est connus au travail. Elle était dentiste... je venais d'arriver comme kiné juste après mon diplôme. Elle me faisait rire. Elle était très pro, dynamique. Les enfants du cabinet l'adoraient. Certaines de nos collègues la détestaient, et moi j'étais complètement sous le charme. Elle était une espèce de force de la nature, toujours souriante, elle ne comptait pas ses heures, elle arrivait à être à l'heure à la sortie de l'école, à sortir avec des copines .. encore maintenant je ne sais toujours pas comment elle faisait. On s’engueulait vingt fois par jour, elle avait vraiment un caractère qui n'allait pas avec le mien... " Alex souriait légèrement à l'évocation de son amie et devant le regard amusé de Stephen à l'évocation de ce souvenir. L'Anglaise avait l'impression de s'immiscer un peu dans le quotidien du couple et bien qu'elle n'était pas très à l'aise avec cette pensée, elle se sentait privilégiée de pouvoir découvrir la vie de son amie, enfin ce qu'elle avait vécu pendant les quelques années avant son décès." ... elle était géniale, et je pense qu'elle est restée la même fille que tu avais connue." Oui, elle était géniale, du moins c'était le mot parfait pour résumer son amie, celle qu'elle avait connu. Dans un sens, entendre ces mots venant de la part du mari de son ami la rassurait un peu. Elle se sentait plus calme, la tension en elle était retombée. Assise dans l'herbe, le soleil qui tapait sur son visage, elle se sentait un peu plus détendue. « Merci pour ces mots Stephen et merci d'être venu aujourd'hui m'annoncer ça en face à face, je t'ai entraîné dans cette histoire et je t'ai obligé à annoncer encore sa mort, je suis désolé de t'avoir obligé à replonger dans tes souvenirs, j'imagine que c'est pas une chose simple à faire, mais merci à toi de l'avoir fait, j'apprécie vraiment le geste. » Elle commençait à réaliser peu à peu que son comportement avait été des plus déplacés et bien qu'elle n'avait pu se maîtriser avant, elle se sentait désormais obligée de se rattraper un peu et de montrer qu'elle n'était pas une folle totalement dépassée par ses émotions et par les événements. « J'ai été égoïste, ne pensant qu'à moi et à ma douleur sans penser aux autres, sans penser à elle et encore aujourd'hui j'ai pensé qu'à moi. Merci d'avoir été aussi patient et compréhensif. J’ai du passer pour une hystérique tout à l’heure je suis désolé pour ce moment. » Elle le regarde avec un air vraiment désolé, le regard qui fixait réellement Stephen. Il n'était désormais plus question de se défiler, il était tant d'assumer, son histoire, son comportement, ses choix. Désormais tant de s'inquiéter un peu des autres et de voir plus loin que ses émotions, que sa douleur. Il était tant de s'ouvrir aux autres. « Je crois que c’était un peu trop d’émotions d’un coup. Mais toi à côté tu es dans la retenue comme ça tout le temps? Rachel a du te secouer un peu au début non ? » Alex souriait, Stephen avait évoqué quelques minutes plus tôt les nombreuses engueulades du couple à cause de leurs caractères et Alex imaginait son amie remuer un peu le calme de Stephen. « J'aurais aimé te rencontrer dans d'autres circonstances vraiment, vos photos de mariage étaient très belles. Tu as dis tout à l’heure que ce n’était pas une fin. Mais pour toi ça se passe comment ? Tu arrives à gérer tout ça ? » Il n'y avait pas de curiosité malsaine dans les propos d'Alex, mais plus un réel intérêt pour le mari veuf et son ressenti. Comme une dernière marque d'amitié envers Rachel, une dernière façon de se montrer digne de son amitié. S'assurer que Stephen allait bien.