Throwback - The shadows of the past (Leah&Raelyn)

The shadows of the past
mars 2012

J'aimais pousser les gens dans leurs retranchements. Piquer, piquer, blesser même parfois, jusqu'à sentir l'agacement monter, jusqu'à sentir la personne sur le point d'imploser, se retenant de me sauter à la gorge. La plupart des gens savaient qu'il ne fallait pas rentrer dans mon jeu, mais certains étaient incapable de ne pas sauter à pieds joints dans le piège que je leur tendais. Et j'adorais ça, j'adorais sentir une idiote comme Lisa ou sa soeur sur le point de fondre en larme, parce que ma personnalité engloutissait la sienne, et j'aimais plus que l'un de mes interlocuteur finissait par exploser et se rendre ridicule. Leah ne faisait pas partie de ceux là. Leah encaissait, grinçait des dents, mais finissait par me renvoyer un sourire, espérant laisser penser que toute ce que je pouvais balancer ne l'atteignait nullement. Je savais que ce n'était pas le cas, et j'aimais pousser pour tenter d'atteindre son point de cassure. Cela ne voulait pas dire que je ne l'appréciais pas, que je n'aimais pas sincèrement passer du temps avec elle, elle ne serait plus là si c'était le cas, mais c'était mon mode de fonctionnement, et j'étais incapable d'en changer.

Et jusqu'ici et terme de conquêtes masculines, j'entendais beaucoup Leah parler et la voyais peu passer à l'acte. J'avais réussi à lui faire sous entendre qu'elle n'étais pas insensible au charme de Tobias, mais depuis des semaines que nous nous fréquentions leur relation restait au point mort. Ce soir, je venais de décider de forcer le destin, et de voir si la jeune femme rougirait d'un rapprochement avec lui, ou si au contraire elle l'accueillerait avec amusement. Autant dire que j'avais légèrement pipé les dés, en donnant contre son gré à Leah un psychotrope bien connu pour ses propriétés à la fois désinhibants et qui exacerbaient les sens. Pas du tout gênée par le fait d'être en public, ou par les regards de Leah et Tobias, je me livrai à un petit numéro sensuel avec Shawn, dont mes mains épousaient les formes avec facilité, tant elles leur étaient familières. Finalement, lorsque je me détachai de lui et repris ma place contre son torse, je sentis sa respiration sèchee et saccadée contre mon cou, alors que ses mains enserraient ma taille et ne semblaient plus vouloir quitter mon bassin. Il était clairement stimulé, et dire que mon côté je n'avais pas senti le désir monter en moi aurait été un parfait mensonge, mais la soirée était encore longue et pour l'instant c'était avec les nerfs et la pudeur de Leah que j'avais envie de jouer, et c'est donc vers elle que je braquai rapidement mes prunelles, attendant de la voir jouer au petit jeu que je venais de lancer, et dont je n'étais pas peu fière. Et elle le fit, s'emparant des lèvres d'un Tobias qui ne se fit pas prier, mais mettant cependant fin à l'étreinte un peu plus tôt que ce que je l'avais fait quelques secondes auparavant, comme si elle ressentait malgré tout une certaine gène, comme si sa pudeur tentait de se battre contre ce que la drogue dans son sang la poussait à faire. « Facile. » Je penchai la tête sur le côté, dubitative. Elle n'était pas si bonne comédienne, et quelque chose m'avait toujours poussé à supposer que Leah était beaucoup plus sage que ce qu'elle ne voulait bien nous le faire penser. Tobias quant à lui, ne semblait rien trouver à redire à ce qu'il venait de se passer, rien de bien surprenant à ça. « C’est tout ce que t’as dans le ventre ? » Amusée, je levai un sourcil. Elle ne voulait pas jouer à ça avec moi, quelque part dans cette petite tête lui restait-il certainement un peu de lucidité pour s'en rendre compte. « Shawn… » J'observai Leah se saisir de son verre, en prendre quelques gorgées avant de le reposer, préparant clairement son petit effet. Je sentis les muscles de Shawn se raidir, alors que ses mains posées sur mes hanches accentuait leur emprise, cherchant comme si c'était encore possible à rapprocher mon corps du sien. « Je te défie d’aller trouver cette fille et de lui demander son numéro. » Sans prendre la peine de tourner la tête en direction de la fille en question, mes yeux ne quittèrent pas ceux de Leah, alors que ma mâchoire se contractait progressivement. Je cherchai à réprimer une colère, qui prenait moins sa source dans l'idée de voir l'un de mes amants batifoler avec une autre jeune femme que dans le fait de savoir que Leah me provoquait ainsi ouvertement, cherchant à me faire perdre la face. Les mains de Shawn tentèrent de me garder contre lui, mais j'échappai à leur etreinte, décollant mon dos de son torse pour me redresser et pivoter vers lui, pour finalement planter mes yeux dans les siens. Je n'avais toujours pas adressé un regard à la jeune femme question, et je n'en avais pas besoin pour estimer qu'elle ne m'arrivait pas à la cheville.

Pleine de contradictions, j'étais une jeune femme possessive. Je me foutais bien de ce que Shawn faisait lorsqu'il n'étais pas avec moi, je ne me privais pas pour m'amuser sans lui et il pouvait bien sauter tout Brisbane que cela ne m'aurait pas intéressé de le savoir, mais lorsqu'il était à mes côté, j'aimais peu qu'il accorde de l'attention à une autre femme. Lorsque comme ce soir, je m'étais décidée pour un jouet, je n'aimais pas voir ce dernier aller batifoler en me laissant en plan, et cela n'arrivait que de façon exceptionnelle. Le jeune homme m'interrogea du regard, comme cherchant à obtenir une autorisation ou au contraire une réprimande, espérant peut être que j'allais prendre la décision pour lui, mais je me contentai alors de lui adresser un regard noir, le visage fermé. Il semblait être pris entre l'envie de jouer à son tour, et la crainte de me froisser et de prendre le risque que je le repousse, de passer à côté d'une nuit avec moi ce soir. Pendant quelques seconde qui me semblèrent une éternité il eu l'air d'attendre que je prenne la décision pour lui, alors que je restai silencieuse. Finalement il secoua la tête d'un air penaud, avant de fuir mon regard pour s'adresser à Leah. « Y'a même pas de défi là dedans Leah, regarde cette fille... J'vais pas me donner la peine de me lever pour ça. » Ses yeux dérivèrent à nouveau vers les miens comme pour chercher une approbation que je ne pris pas la peine de lui donner, comme un chien attendant son os. Il avait choisi la voie la plus sage, celle qui consistait à tenter de ne pas m'agacer. Finalement, je rompis le contact visuel avec lui pour me pencher sur la table et attraper mon verre, avant de le vider d'un trait et de reposer enfin mes yeux sur la brune. Lorsque je repris la parole, c'était surtout à elle que je m'adressais. « Je ne m'amuse plus. » Attrapant la bouteille de Vodka, je remplis à nouveau mon verre, le bras clairement moins assuré qu'en début de soirée, commençant à subir les effets de l'alcool, et probablement des drogues présentes dans mon organisme. « Tobias, tu nous appelle un taxi ? On va chez moi. » Je ne proposais pas mais ordonnais. J'avais toujours fonctionné comme ça avec eux, et c'était un trait de caractère que l'alcool avait tendance à amplifier chez moi.

Tendant les mains vers mon sac, j'en avais tiré mon briquet et mon paquet de cigarette, avant de me lever du canapé sur lequel nous étions installés depuis un moment maintenant, remettant ma robe en place. « Je vais fumer, je reviens. » Je lançai un regard supplémentaire à Leah, cherchant volontairement à la mettre mal à l'aise, après ce que je considérais comme un acte de défiance de sa part. Rejetant mes cheveux derrières mes épaules je quittai finalement la zone réservé aux invités pour me diriger vers la porte du fond, qui donnait vers la ruelle où se retrouvait les fumeurs. Le vigile s'effaça pour me laisser sortir, et il ne me fallut pas plus de quelques secondes pour allumer ma cigarette, avant d'aspirer la fumée toxique qui arrivait à calmer mes nerfs quel que soit l'état dans lequel je me trouvais. J'étais quelqu'un de calme, et je n'avais d'ailleurs pas levé la voix quelques minutes auparavant, alors que j'avais ressenti le besoin pressant d'écraser la tête de Leah sur la table, mais il n'y avait rien que je détestais plus que l'insubordination. Et inutile de dire qu'avec mon tempérament, j'avais beau apprécier la brune, je ne la considérais pas comme mon égale et n'avait pas apprécié de me sentir défiée. Alors que levant la tête pour cracher ma fumée j'observai le ciel noir un instant, je sentis la présence familière de la brune derrière moi. Un sourire se dessina au coin de mes lèvres. « T'es encore venue me rouler une pelle ? J'ignorais que je t'obsédais à ce point. » Finalement je me retournai, pour me retrouver face à Leah, sans me départir de mon sourire, alors que mon agacement commençait déjà à se dissiper.

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THE SHADOWS OF THE PAST

Brisbane - 2012

Telle une marionnettiste en devenir, Raelyn décida de se servir du premier défi lancé par Leah afin de la faire se rapprocher de Tobias. La brune n’était pas dupe, elle savait très bien que son amie ne la pensait pas aussi effrontée qu’elle ne voulait bien le faire croire, et elle avait raison. Cependant, la jeune femme ne comptait pas se laisser impressionner par si peu. Même si elle faisait preuve de retenue et de bien plus de pudeur que la blonde, ça ne voulait pas dire que son passé était tout blanc. Leah avait tardé à sortir avec des garçons – on pouvait remercier son physique de garçon manqué qu’elle s’était traîné de longues années – mais elle s’était bien rattrapée une fois entrée à l’université. Mais la brunette s’était brûlé les ailes en accordant bien trop vite sa confiance à un type qui n’avait pas hésité très longtemps avant de la tromper de manière éhontée. Le coup de massue avait été rude, et un an après, elle avait encore du mal à s’en remettre. Cette rupture avait eu l’effet d’un électrochoc, réalisant que la plupart des mecs ne s’intéressaient qu’au physique finalement. Ce n’est pas pour ça qu’elle était devenue une espèce de bimbo perchée sur des talons aiguilles, mais on s’en rapprochait de plus en plus. Leah avait conscience que s’habiller de la sorte allait probablement donner une image d’elle qui était erronée, mais tant pis. Côtoyer ce monde la faisait vibrer, et grâce à ça elle se sentait bien. Elle adorait faire la fête, elle aimait qu’on la regarde et elle aimait avoir les faveurs de Raelyn Blackwell quand d’autres auraient vendu leur âme au diable pour être à sa place. Si elle devait se montrer un peu plus entreprenante envers un type qui lui plaisait, qu’à cela ne tienne. Elle n’allait pas en mourir. La décision d’imiter la blonde fut d’autant plus facile à prendre que les drogues qui parcouraient son système lui donnaient l’impression qu’elle pouvait faire n’importe quoi, que rien n’aurait de conséquence. C’était à la fois très effrayant et excitant. Lorsque ses lèvres quittèrent celle du brun et que ses mains se détachèrent de son torse, elle remarqua non sans amusement que cette étreinte avait émoustillé le jeune homme de manière significative. La réaction était loin d’être déplaisante, mais sa conscience lui soufflait qu’elle était tout de même dans un endroit public et que la plupart des yeux étaient déjà rivés sur eux. Une fois le défi relevé – avec brio – Leah ne put s’empêcher de narguer Rae en mettant en lumière à quel point ça avait été facile. Elle ne lui laissa pas l’opportunité de répondre et se contenta de se tourner vers Shawn, histoire de ne pas le laisser en reste. Joueuse, elle lui demanda d’aller récupérer le numéro de téléphone d’une des filles qui se tenait à quelques mètres d’eux. Cela n’avait rien d’innocent, la brune espérait faire tiquer son amie. Elle savait pertinemment dans quelle situation elle la mettait, mais c’est typiquement le genre de trucs que la blonde adorait faire vivre à son entourage. Alors, pour une fois… A son tour d’être prise entre deux feux. Allait-elle lui montrer son attachement pour lui ou allait-elle risquer de se faire passer pour une imbécile en laissant son compagnon de soirée draguer une autre fille sous ses yeux ? Leah n’en savait rien, mais elle attendait la suite avec impatience, un sourire aux coins des lèvres. Son regard ne quittait pas son interlocuteur, ajoutant une pression supplémentaire à celui-ci qui observait Rae dans l’attente d’une approbation quelconque, qui ne viendrait d’ailleurs jamais. D’ailleurs, la blonde se détacha de lui tout en observant la brunette, la mâchoire serrée. Leah savait très bien dans quoi elle avait mis les pieds en lançant ce défi, mais au pire, elle mettrait ça sur le compte de la drogue que Raelyn lui avait fait ingérer à son insu. How convenient. Quelques secondes plus tard, alors que l’atmosphère avait pris une tournure bien plus sérieuse, Shawn finit par hausser les épaules avant de répondre un : « Y'a même pas de défi là dedans Leah, regarde cette fille... J'vais pas me donner la peine de me lever pour ça. » La brunette leva les yeux au ciel face à tant de mauvaise foi. La fille en question était une bombe, elle n’était pas aveugle. « Mais bien sûr. » Lança-t-elle sur un ton plein d’ironie avant de laisser son regard se perdre sur Raelyn qui s’enfila son verre sans un mot. Leurs regards se croisèrent, et sans rompre le contact visuel, la blonde décida d’annoncer la fin de soirée, en tout cas pour ce qui était de la partie "boite de nuit". « Je ne m'amuse plus. Tobias, tu nous appelle un taxi ? On va chez moi. » Sans plus de cérémonie, la blonde attrapa son paquet de cigarettes avant de prendre la direction de la sortie de secours. Leah réalisa qu’elle avait sans doute été trop loin, mais il aurait été d’autant plus stupide de sa part de faire machine arrière et de s’excuser. « Je vais fumer, je reviens. » La brune suivit son amie du regard avant de se tourner vers Tobias, se levant à son tour. « Je vais calmer le jeu, j’arrive. » Lança-t-elle simplement avant d’emprunter exactement le même chemin que Rae. Dehors, le calme ambiant tranchait avec l’agitation qui régnait à l’intérieur. « T'es encore venue me rouler une pelle ? J'ignorais que je t'obsédais à ce point. » Sourire au coin des lèvres, la jeune femme l’observait avec amusement. A croire que ce qu’il venait de se passer avait déjà été oublié, mais Leah était loin d’être naïve. Encore moins depuis qu’elle côtoyait Raelyn. « Non, désolée de te décevoir. » Répliqua la brune avec un petit sourire, avant de s’allumer une cigarette à son tour. Elle ne fumait qu’en soirée généralement, y voyant un moyen de faire monter l’alcool de manière plus rapide. C’était aussi une façon de discuter avec des gens qu’on ne connaissait absolument pas, car c’était bien connu, la cigarette était un bon moyen de se sociabiliser. « Je vais pas m’excuser pour avoir voulu lancer un défi à Shawn… » Commança la brune, légèrement sur la défensive. « Mais si j’ai été trop loin, saches que ce n’était pas mon intention. J’me suis laissée emporter… Comme si je contrôlais plus vrament ce que je disais. » Lança-t-elle sur un ton plein de sous entendus. Une jolie référence à la manière dont Rae l’avait droguée à son insu. Les deux amies s’observaient et Leah ignorait sur quel pied danser. Finalement, Rae sembla faire abstraction de ce la petite mésaventure d’il y a quelques minutes et retrouva son sourire. Le temps de terminer leur cigarette et de discuter dans un atmosphère plus légère, le taxi qu’avait appelé Tobias sur demande de Mademoiselle Blackwell était arrivé. Sans plus attendre, leur petit groupe rassembla leurs quelques affaires et prirent le chemin de la maison de Raelyn. La brunette se laissa aller dans les bras de Tobias, soulagée de ne pas avoir été nextée de la suite des évènements. Elle savait très bien que si elle l’avait voulu, son amie aurait tout aussi bien pu lui demander gentiment de reprendre son propre taxi pour rentrer chez elle, seule. Une aubaine donc. Elle n’avait jamais mis les pieds chez la jeune femme, et était plutôt impatiente de découvrir l’endroit. Connaissant l’apôtre, ça devait être le genre de lieu qui traduisait l’opulence de sa propriétaire.

AVENGEDINCHAINS

The shadows of the past
mars 2012

J’aimais jouer avec les gens, et sous couvert de rapprocher mes deux jeunes amis, je laissais libre court à mes pulsions de manipulatrice aigue. Certains auraient pu me prêter des intentions louables, s’imaginant que je voulais simplement rapprocher deux jeunes gens qui se tournaient autour sans oser sauter le pas et se rapprocher plus encore, que je jouais ainsi parfaitement le rôle d’entremetteuse ou de cupidon des temps modernes, mais la vérité était tout autre. Ceux qui me connaissaient savaient parfaitement qui j’étais, à quel point j’aimais manipuler, créer des situations, jouer aux marionnettes avec ceux que j’appelais amis. La vérité, c’était que si ce soir je semblais d’humeur à créer des rapprochements, j’aimais tout autant initier de la discorde, et que j’avais peu de scrupules à manœuvrer dans le dos de mes fréquentations. Pour une fois, le vent semblait cependant avoir tourné en faveur de Tobias, et dans une moindre mesure de Leah, puisque ni l’un ni l’autre ne semblait avoir quelque chose à redire à un rapprochement physique.

J’aimais être défiée, challengée, mais je détestais l’idée que Leah cherche volontairement à me tourner en ridicule, à me faire perdre la face. On avait dépassé le stade du challenge, et à mes yeux, elle cherchait la guerre en agissant de la sorte. C’était incontrôlable, c’était irrépressible, mais je ne pouvais pas me ramener à la raison, et je savais que dans ce genre de cas, il fallait mieux que j’arrive à m’éloigner le temps de redescendre. Leah ne semblait pas satisfaite de son effet, puisqu’elle en rajouta une course lorsque Shawn botta en touche. « Mais bien sûr. » Si mes yeux avaient pu tuer, elle serait étendue par terre. Elle semblait tout mettre en œuvre pour me faire sortir de mes gonds, et je détestais l’admettre et ne l’aurais jamais fait à voix haute, mais elle y parvenait. M’imaginer l’attraper par les cheveux pour lui plonger la tête dans le sceau de glace parvenait à me calmer, mais je me surpris à ressentir une vraie envie de passer à l’acte, moi qui était généralement plutôt du type reine des glaces.

Lorsque je me levai pour attraper mon sac, je sentis la main de Shawn se poser doucement sur mon poignet, tentant de me retenir, mais sans y mettre trop d’ardeur, puisque finalement il me connaissait assez pour savoir qu’il risquait plus à réellement entraver mes mouvements qu’à me permettre de m’éloigner quelques minutes. Je dégageai donc ma main, un air agacé sur le visage plus destiné à la brune qu’au jeune homme, avant de leur fausser compagnie. Le bruit d’une flamme de briquet, les grésillements de la cigarette et l’air frais réussirent à me ramener sur terre, et les effets de la MD m’attiraient clairement plus vers l’euphorie et une envie irrépressible de contact physique que vers la violence et la rancœur. J’avais beau conserver une part d’amertume qui resterait certainement toujours dans un coin de ma tête – je n’avais jamais eu le pardon facile – j’avais du mal à cet instant à rester fâchée. « Non, désolée de te décevoir. » Un sourire toujours un peu en demie tête, j’avais secoué la tête, amusée, avant d’attendre qu’elle ne poursuivre. A mes yeux, c’était elle qui me devait des excuses, ou au moins un premier pas dans ma direction, et pas l’inverse. « Je vais pas m’excuser pour avoir voulu lancer un défi à Shawn… » Je levai un sourcil, assez surprise de l’entrée en matière pour laquelle elle s’était finalement décidée. « Mais si j’ai été trop loin, saches que ce n’était pas mon intention. J’me suis laissée emporter… Comme si je contrôlais plus vraiment ce que je disais. » Portant ma cigarette à mes lèvres, j’avais soupesé son regard un instant, donnant certainement l’impression que je réfléchissais à quelle sauce j’allais pouvoir la cuisiner, quel sors j’allais lui réserver. Elle faisait l’innocente, et malgré tout, cela ne me plaisait pas. Je restais persuadée que l’attitude qu’elle venait d’avoir envers moi, elle l’avait eu tout en connaissance de cause, et que ma réaction était au fond l’effet qu’elle recherchait. Mais finalement, je m’étais contentée de hausser les épaules. « Je m’en fous. » Prenant une latte supplémentaire, j’avais détourné la tête le temps d’expirer la fumée, avant de replonger mes yeux dans les siens. « C’est un grand garçon, il fait bien ce qu’il veut. » Foutaises et mauvaise foi. Je n’en n’avais pas rien à faire, et ma réaction le prouvait, mais il était hors de question pour moi de l’admettre et de perdre la face. Surtout pas face à Leah. Je me donnais un genre, et je me donnais des airs, mais parfois comme ce soir, j’étais bien plus facile à lire que ce que je ne l’aurais voulu. J’étais vexée, voilà tout. Sans me départir de mon sourire amusé, j’avais continué. « Mais je pense pas que ça soit vrai. Je pense que tout s’est déroulé exactement comme tu l’espérais. Je pense que tu caches bien ton jeu Baumann. » Laissant quelques secondes de pauses, je m’étais appuyée contre le mur en brique, avant de reprendre, un sourire plus franc aux lèvres ce coup-ci. « Tobias avait l’air enchanté en tout cas. »

Une fois ma cigarette consumée, je l’avais jeté par terre de façon nonchalante, avant de reprendre la direction de la table. Shawn et Tobias étaient tous les deux levés, en train d’enfiler leurs vestes. En nous voyant, Shawn attrapa la mienne pour me la tendre. « Le taxi est là. » Le temps que chacun attrape sa veste et son sac, nous étions dehors, de nous nouveaux joyeux et prêts à continuer la soirée. Shawn s’installa à l’avant alors que je montais de mon côté à l’arrière avec les tourtereaux, avant de donner mon adresse à Spring Hill au conducteur. Le luxueux quartier n’était pas bien loin de Fortitude, adresse de la boite de nuit, et nous aurions même pu y être à pied en une vingtaine de minute, une demie heure tout au plus, mais j’avais l’habitude de prendre des taxis pour rentrer chez moi quelle que soit la distance à parcourir. Et de toute façon, hors de question de marcher perchée sur des talons aiguilles de 13 centimètre. Moins de dix minutes plus tard le taxi se garait devant un grand immeuble vitré, d’une modernité et d’un luxe typique du quartier, et après que j’eus réglé la course, tout le monde monta dans l’ascenseur direction le douzième étage. Leah n’avait jamais mis les pieds chez moi, contrairement aux garçons, et à peine entrés dans la loft Shawn se dirigea vers le bar en bois et au revêtement gris clair qui séparait la pièce principale de la cuisine et s’y affaira, sortant verres et alcools forts en tout genre.

L'appartement dans lequel je vivais était globalement d'un blanc éclatant, le mur gris et le parquet en chêne venant apporter une touche de couleur discrète. Le mobilier que j'avais choisi mélangeait également bois et nuances de blanc / gris, et la décoration était simple, pour ne pas dire quasiment inexistante. Propre, net, de bon goût, et finalement assez impersonnel, la seule chose qui pouvait indiquer aux visiteurs que quelqu'un vivait dans cette pièce était le petit cadre posé sur le meuble télévision, montrant un couple souriant et enlacé, seul vestige de ma relation avec Aaron dont je n'avais jamais réussi à me séparer. La pièce dans laquelle nous nous trouvions était un immense salon, la totalité du loft présentait de toute façon de belles et grandes pièces luxueuses, et alors que Shawn revenait vers nous avec verres et bouteilles, je me posai sur le canapé en jetant ma veste dans un coin, observant Leah qui jetait des coups d’œil autour d’elle. « Ce à quoi tu t’attendais ? » Je souris en la regardant, alors que Shawn s’assit à mes côtés, me volant même un baiser langoureux au passage, que je prolongeai quelques secondes avant de reculer mon visage et d’attraper un verre pour le remplir de Whisky, ma boisson favorite. Le jeune homme s’autorisait généralement plus de rapprochements physiques lorsque nous étions en privé – ou presque – qu’entourés par des dizaines d’inconnus. Il me connaissait, et savait qu’ainsi il ne risquait pas d’être repoussé. J’avais déjà eu l’occasion de constater qu’il supportait mal le rejet, lui qui avait toujours eu ce qu’il voulait en sortant le chéquier de papa. « On se calme l’étalon. » Je réprimandais, mais le cœur d’y était clairement plus, et le sourire sur mon visage affichait clairement le contraire. La drogue qui courrait dans mes veines me rendait prompte à chercher le contact physique, et si je résistais à l’idée de lui sauter dessus, c’était aussi parce que l’attente rendait les choses plus intéressantes encore.

Reposant mes yeux sur Leah, qui s’était à nouveau appuyée contre Tobias, je leur avais adressé un sourire. L’orage était clairement passé. « Et bien, je vois que les barrières sont tombées… » Je les taquinais, amusée par la situation, avant que Tobias ne s’adresse à moi. « Ton sac est où ? » Etonnée, mais ne me risquant pas à la moindre remarque, je n’étais pas sa mère, je le lui désignai d’un signe de la tête, l’observant se lever pour l’attraper en s’enfiler une friandise supplémentaire. De nous tous, Tobias avait toujours été le plus gros consommateur, mais ce soir, il semblait bien décidé à se fusiller le cerveau en un minimum de temps. Shawn comme moi étions habitués à le voir se droguer à l’excès, et ni l’un ni l’autre n’étions vraiment perturbés de le voir agir de la sorte. Pour ma part, j’enlevai mes chaussures pour étendre mes jambes et appuyer mon dos contre mon partenaire de soirée. Leah de son côté, semblait plus perturbée. « Respire Leah, personne n’est mort. »

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THE SHADOWS OF THE PAST

Brisbane - 2012

Même si faire tourner les gens en bourrique était sans conteste l’activité favorite de Raelyn –l’une d’elle en tout cas, on aurait pu ajouter d’autres actions répréhensibles à la liste – elle n’avait pas l’air d’apprécier quand on lui retournait la faveur. Si Leah faisait tout pour se retrouver dans les bonnes grâces de la blonde, ce n’est pas pour autant qu’elle acceptait de se faire écraser par cette dernière. La brune avait toujours eu un caractère bien trempé, et même si évoluer dans les hautes sphères en compagnie de Raelyn Blackwell lui donnait l’impression d’être quelqu’un, elle ne se prosternerait jamais à ses pieds sans rien dire comme d’autres avaient pu le faire avant elle. Et pour quoi au final ? Se faire jeter de la soirée comme de vulgaires inconnues comme venaient de l’expérimenter les deux sœurs ? C’était tout simplement hors de question. La jeune femme savait qu’elle avait déjà dépassé certaines limites, en mentant sans vergogne sur sa vie afin de paraître aussi intéressante que les personnes côtoyant la blonde. Cependant, elle réalisait qu’elle avait sans doute été trop loin en mêlant Shawn et leur histoire à ce jeu stupide de défis. Après tout, Rae était quelqu’un de relativement secret et Leah ignorait à quel point elle pouvait ou non être attachée à son compagnon de fortune. Elle avait une façon bien à elle de se lier aux gens et de montrer son affection, difficile de suivre parfois. Ce milieu était tout en démesure, et la brunette avait parfois bien du mal à se rappeler de ce qui était normal ou non. Se faire droguer à son insu n’avait finalement été prit que comme une petite blague sans importance, tout comme humilier les personnes avec qui on avait commencé la soirée était devenu d’une banalité sans nom. Cela dit, son instinct lui souffla d’aller rejoindre Rae à l’extérieur afin de mettre les choses à plat et de prendre la température. Elle fut accueillie par une boutade dont seule Raelyn avait le secret, mais le ton avait l’air amusé et ses yeux ne donnaient plus l’impression de vouloir la fusiller sur place comme une condamnée à mort. C’était déjà bon signe. La brune se lança dans ce qui était un savant mélange d’excuses et d’explications qui visaient à apaiser le courroux de la blonde d’une manière pour le moins inventive. Les secondes qui suivirent furent pour le moins chargées en suspens tandis que le regard de Rae s’attardait sur elle dans le silence le plus complet. Leah s’était préparée à passer sa dernière soirée en leur compagnie, mais au moins elle avait dit ce qu’elle avait à dire. « Je m’en fous. » Haussant les épaules avec dédain, la jeune femme répondit ce quelques mots dans l’indifférence la plus complète. On y croirait presque. « C’est un grand garçon, il fait bien ce qu’il veut. » Hum. La brune ne croyait qu’à moitié les dires de son interlocutrice, mais elle avait suffisamment fait preuve d’initiatives mal placées face à une Raelyn qui n’allait pas tarder à perdre patience. Elle allait donc garder ses pensées pour elle et faire comme si elle avalait ses mensonges. « C’est ce que je pensais… » Mentit Leah avec un petit sourire en coin, profitant des faux semblants de Rae pour assurer sa position. « Mais je pense pas que ça soit vrai. Je pense que tout s’est déroulé exactement comme tu l’espérais. Je pense que tu caches bien ton jeu Baumann…Tobias avait l’air enchanté en tout cas. » La brune déglutit légèrement et cacha son malaise en inspirant une nouvelle bouffée de fumée, se gardant bien de répondre à cette affirmation. Le sourire amusé de Rae laissait entendre que les choses étaient plus ou moins cool entre elles, et ça lui suffisait. Elle veillerait simplement à garder son verre à proximité pour éviter toute nouvelle tentative de sabotage. C’est de nouveau dans le silence – bien que moins pesant – que les deux jeunes femmes retournèrent à l’intérieur de la boîte. Le taxi était arrivé, sonnant officiellement la fin de leur soirée dans le club et le début d’une nouvelle chez Raelyn. La brunette était impatiente de découvrir le lieu où vivait la jeune Blackwell. Cela ne pouvait qu’être impressionant, à l’image de la propriétaire des lieux. Ils se dirigeaient vers Spring Hill, ce qui indiquait déjà un certain niveau de vie. Leah était de plus en plus persuadée que Rae trempait dans des trucs pas nets tant sa jeunesse contrastait avec son train de vie. Ca ou alors c’était une jeune héritière qui n’avait de comptes à rendre à personne. La brune était curieuse de nature, mais c’est bien évidemment une question qu’elle s’asbstiendrait de poser à la principale intéressée. Assez de boulettes pour ce soir. Le trajet ne fut pas bien long et ils arrivèrent enfin à destination. La jeune femme observa l’immense bâtisse qui se dressait sous ses yeux avec un air ébahi, surprise par la modernité et le luxe de la façade. Si c’était déjà si impressionant de l’extérieur, elle se demandait bien ce qui l’attendait à l’intérieur. Elle n’allait de toute façon pas tarder à le savoir. Dans une atmosphère tout en légereté, le petit groupe se dirigea vers le douzième étage, empruntant un ascenseur – ce que Leah détestait par dessus tout mais elle tenta de le cacher sous un sourire crispé – aussi moderne que le reste de l’environnement. Une fois à l’intérieur, la brune ne fut pas déçue. La décoration était à la hauteur de celle qui l’avait choisie : un mélange discret de classe et de sobriété, avec une décoration relativement absente, ce qui amenait une touche de froideur et d’impersonnel au tout. Cependant, ce qu’elle voyait était harmonieux et elle aurait tué pour vivre dans un loft comme celui-ci, qu’on se le dise. La jeune femme ne savait plus où regarder tant ses yeux se promenaient partout, l’endroit était immense. Bien trop grand pour une jeune femme seule. Le regard de Leah accrocha une photo de Rae avec un autre homme, et la pensée fugace que la Raelyn de la photo était bien différente de celle d’aujourd’hui lui traversa l’esprit. Elle détourna d’ailleurs le regard, de peur de se montrer trop envahissante et choisi d’observer avec intérêt ce que trafiquait Shawn qui semblait parfaitement à l’aise dans les lieux. « Ce à quoi tu t’attendais ? » La voix de Raelyn la sorti de ses pensées et Leah se tourna vers elle avec un sourire avant de prendre place à son tour dans le canapé, très vite suivie par Shawn qui déposa ses trouvailles sur la table basse. « C’est encore plus beau. » Lança-t-elle en toute honnêteté avant de détourner la tête face au geste entreprenant de Shawn. Il commençait vraiment à se sentir en confiance lui. « On se calme l’étalon. » L’interrompit Rae avec une moue amusée, se servant un verre de whisky avant de s’intéresser à elle et Tobias, qui était venu se coller à elle à son tour. La brunette appréciait son contact, mais ne pouvait s’empêcher de ressentir une certaine gêne tant qu’elle resterait dans le radar de la blonde. C’est comme si elle attendait systématiquement que le couperet tombe, que Raelyn invente un nouveau jeu qui finirait de l’humilier devant lui. « Et bien, je vois que les barrières sont tombées… » La jeune femme avait l’air sincère, sans doute ravie d’avoir participé à ce rapprochement. Si Leah n’était pas de si mauvaise foi, elle aurait bien fini par avouer que le coup de pouce de Rae avait effectivement débloqué la situation, mais comme elle était bornée, ça ne risquait pas d’arriver. La brunette laissa un petit rire s’échapper tout en regardant Tobias avec un regard complice, mais ce dernier semblait avoir son attention portée sur tout autre chose. « Ton sac est où ? » D’un geste du menton, elle lui désigna le sac en question tandis que Leah suivait l’échange, les sourcils froncés. « Encore ? » Ne put-elle s’empêcher de demander à voix haute, inquiète de le voir avaler ces trucs avec autant d’insouciance. Ce que Raelyn lui avait donné à son insu faisait encore effet alors que Tobias en avait déjà ingéré le triple… La brunette s’inquiétait et ça n’échappa pas à l’œil avisé de la jeune Blackwell. « Respire Leah, personne n’est mort. » Le ton de la blonde était nonchalant, comme d’habitude. La brunette se sermonna, réalisant qu’elle était la moins aguerrie dans cette pièce lorsqu’il s’agissait de stupéfiants. Elle décida de se détendre et de faire confiance à son amie, au moins sur ce sujet qu’elle avait l’air de maîtriser à la perfection. Laissant retomber ses épaules, elle se servit à son tour un verre qu’elle avala cul sec, avant de s’en resservir un deuxième. Elle n’avait pas très envie que la fête s’arrête maintenant et n’avait pas non plus envie de redescendre. Joueuse, elle reporta son attention sur Rae en penchant légèrement la tête sur le côté. « C’est quoi la suite ? » Demanda-t-elle simplement, curieuse de savoir ce que Rae réservait pour la suite de la soirée. Parce qu’elle avait toujours quelque chose en tête, une longueur d’avance sur eux tous.

AVENGEDINCHAINS

The shadows of the past
mars 2012

Leah me laissa mentir, ou en tout cas me remplir la tête de faux semblant d'un simple « C’est ce que je pensais… » Bien sur que je mentais, et même avec le brouillard qui entourait mon esprit et rendait toute concentration difficile, j'en étais consciente. Je cherchais à me convaincre que je m'en foutais, que ce n'était qu'une question de fierté mal placée, mais si je ne ressentais aucun sentiments amoureux pour Shawn, j'avais toujours été d'une possessivité exacerbée. Je finissais souvent mes soirées avec lui depuis plusieurs semaine, c'était familier, rassurant, facile. C'était comme ça que je fonctionnais, j'aimais charmer mais préférais le contact d'un corps que je connaissais contre le mien, et si je ne m'attachais plus profondément à un autre individu, il était faux de dire que je me foutais complètement de ce que Shawn faisait sous mes yeux. Les nombreuses soirées que j'avais passées avec lui me poussaient à le considérer en quelque sorte comme ma propriété, et je ne sais pas comment j'aurais pris qu'il m'échappe, et aille sous mes yeux se rapprocher de quelqu'un d'autre. Bêtement je jouais avec le feu, persuadée de pouvoir reproduire le schéma d'un couple sans la privation de liberté et l'attachement qui vont avec. Shawn n'était pas à moi, et je n'étais certainement pas la seule jeune femme a me lover dans ses bras, mais au fond j'avais besoin qu'il m'en donne l'illusion, le temps de ces soirées. Et si Leah ne me connaissait pas assez pour savoir tout de comment je fonctionnais, sobre j'aurais tout de même clairement compris qu'elle choisissait délibérément de me laisser croire que je trompais mon monde, mais dans l'état d'ébriété dans lequel je me trouvais je fus soulagée de voir que j'avais réussi à la berner. En tout cas, elle ne fit pas plus de commentaire, ni ne posa de question.

La petite troupe que nous formions était d'une composition assez amusante à étudier finalement, entre Tobias, le camé en chemise Marc Jacobs, Shawn, le fils à papa richissime dont les poches débordaient d'argent, mais qui avait autant confiance en lui qu'un adolescent, moi, la dealeuse slash petite blonde décolorée à la personnalité et aux éclats de rire dissimulant une certaine solitude, et pour finir Leah, que j'avais encore du mal à lire parfaitement, mais qui souriait beaucoup trop tout le temps pour que l'on ne se doute pas qu'elle jubilait d'appartenir à ce groupe. Quoi qu'il en soit, aux environs d'une heure du matin la petite troupe était en route pour mon appartement, ou plutôt le loft mis à disposition par le Club pour Aaron, dans lequel j'avais vécu, et que Mitchell m'avait laissé continuer à occuper. A vrai dire, je n'avais même pas la moindre idée de combien pouvait coûter le loyer d'un tel endroit dans un quartier comme Spring Hill, mais n'étant pas née avec une cuillère en argent dans la bouche, j'étais consciente que n'importe quelle paye de job légal n'aurait pu me permettre de vivre ici. La version officielle que je donnais lorsqu'on me demandait ce que je faisais, c'était que je travaillais dans la filiale import / export d'une grosse boite de luxe et cosmétiques. En soit j'étais sur un semi mensonge, puisqu'on peut dire que je bossais bien en quelque sorte dans l'import / export, m'occupant juste d'une marchandise un peu différente.

Observant Leah dont les yeux se posaient dans tous les recoins de la pièce, je ne pus m'empêcher de lui demander ce qu'elle pensait de l'endroit. « C’est encore plus beau. » A vrai dire, mon objectif n'avait jamais été d'en mettre pleins les yeux à ceux qui pénétrait dans la pièce. J'avais hérité du loft un peu par hasard, et aimait les intérieurs épurés, blancs et avec des grands espaces parce qu'ils étaient le contraire parfait de la toute petite maison dans laquelle j'avais grandie, et qui aurait tenue dans la pièce principale de l'appartement. Du temps d'Aaron les touches de personnalités étaient moins rares, mais aujourd'hui j'avais fait disparaitre tout ce qui pouvait me rappeler cette époque, à l'exception donc de la petite photo encadrée. « Faudrait surtout que je te fasse jeter un oeil au dressing. Si y'a bien un truc pour lequel je peux pas m'empêcher de jeter de l’argent par les fenêtres c'est bien ça ... » A ce niveau là j'aimais les belles choses, que cela soit pour m'acheter des vêtements, accessoires, chaussures ou bijoux, j'étais difficilement capable de me contrôler. « Si tu veux faire le tour du propriétaire, fais comme chez toi. » Je fis un signe de la main vague, la faisant tourner autour de mon poignet pour accompagner mes paroles, et surtout lui faire comprendre que j'allais pas lever mes fesses maintenant que j'étais installée.

Tobias, en bon camé qu'il était, me demanda rapidement de quoi planer encore plus haut. De mon côté j'aurais pu savoir qu'il commençait à forcer sur les doses, mais j'avais perdu toute notion du temps qui s'était écoulé depuis ma première prise, et toute notion de ce qui était raisonnable ou ce qui ne l'étais pas. Leah de son côté fut un peu plus surprise, et surtout réticente à l'idée de nous voir enfiler les stupéfiants comme des bonbons haribos. « Encore ? » Roulant des yeux, je m'étais adressée à la jeune femme d'un ton nonchalent, avant de passer à autre chose, encore une fois bien incapable de rester concentrée quelques secondes sur quoi que ce soit. « C’est quoi la suite ? » Réfléchissant quelques choses, j'avais tourné les yeux vers Shawn, qui était plus proche que moi du meuble télévision. « Tu m'attrapes la télécommande de la sono ? » Hochant la tête, il avait tendu le bras pour attraper la télécommande en question, avant de me la tendre. Faisant un ultime effort de concentration pour allumer le système son, j'attrapai mon téléphone avant de lancer le premier titre que je trouvai, avant de le reposer sur la table basse. De mon côté, avec de l'alcool, de la musique, et la tête réposée sur le torse de Shawn, je n'avais pas besoin de grand chose de plus. Mais Shawn fini par prendre la parole. « Je vais attraper des cartes. » Il joint le geste à la parole, avant de se lancer dans des explications beaucoup trop compliquée de règles qui variaient en fonction de la carte que chacun tirait. Il vint à bout de ma patience rapidement, et je lui adressai un sourire un l'interrompant. « C'est bon tu m'as larguée, tu nous expliqueras au fur et à mesure. » Haussant les épaules il m'avait tendu les cartes en éventail pour que j'en attrape une, et je saisis un quatre de coeur, avant de lever un sourcil interloqué vers lui. « Tu bois, quatre gorgées. » Et bien voila, c'était pas compliquée finalement, pas besoin de longues explications. « Ça c'est un jeu comme je les aime. » Je portai mon verre à mes lèvres sans me faire prier, avant de le reposer sur la table. Mes pensées commençaient à être sérieusement trop désordonnées et sentant que j'étais déjà sur le point de perdre le contrôle que je chérissais tant, je ne pris que de petites gorgées. Shawn, excité comme un enfant, s'était déjà tourné vers Leah pour qu'elle pioche à son tour. Elle s'exécuta et retourna un valet, jetant à son tour un regard interrogateur vers notre ami. « Le valet c'est une vérité, je vous l'ai déjà dit. Tu peux poser n'importe quelle question, à n'importe qui. Tu choisis. » Un sourire aux lèvres, j'avais reporté mon attention sur la brune, assez impatiente de voir pour quoi elle allait se décider.

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THE SHADOWS OF THE PAST

Brisbane - 2012

Leah fut ravie de constater que Raelyn ne lui en voulait pas pour toute cette histoire. Du moins en apparence. Peut-être que la blonde préparait déjà un plan d’attaque pour se venger, à ce stade ci, la brunette s’attendait à peu près à tout venant de sa part. Mais ça aurait été injuste, sachant qu’elle n’avait rien dit alors même qu’elle s’était faite droguée à son insu. Dans tous les cas, la jeune femme espérait que les coups bas n’iraient pas en escalade, sinon cette soirée allait se terminer par un meurtre, d’une manière ou d’une autre. Sans doute que l’alcool mélangé aux substances qu’elles avaient consommées rendaient les choses moins dramatiques qu’elles ne l’étaient en réalité, et Leah appréciait assez ce sentiment de plénitude et d’euphorie. Elle décida de ne pas rebondir, laissant croire à Raelyn qu’elle avait été convaincue par sa version de l’histoire. Après tout, autant profiter du calme qui régnait à nouveau entre elles, la soirée n’était pas terminée. Une fois leur cigarette terminée, les deux jeunes femmes reprirent leurs affaires et la direction de la sortie, accompagnées des deux garçons pour continuer cette petite soirée chez la blonde. Leah était plutôt impatiente de découvrir à quoi pouvait ressembler l’intérieur de la jeune femme, et se sentait relativement chanceuse de pouvoir y mettre les pieds. Une fois sur place, elle resta silencieuse, mais admirative. Le loft était extrêmement luxueux, et elle ne pu s’empêcher de se demander comment Rae pouvait s’offrir un palace pareil. Bien entendu, la blondinette lui avait déjà expliqué en quoi son travail consistait. Mais certains trucs ne collaient pas, en tout cas une fois qu’on côtoyait la jeune femme d’un peu plus près. La brune s’était déjà étonnée de quelques détails, mais n’avait jamais exprimé ses doutes à haute voix. Le principal étant qu’elle avait toujours de la drogue sur elle, à toute occasion, et qu’elle vivait principalement la nuit et non le jour… Ce qui était plus qu’étrange pour le travail qu’elle se targuait de faire. Dans tous les cas, Leah s’était abstenue de faire le moindre commentaire sur la question… Ce que Rae faisait de sa vie lui importait peu finalement. Si elle pouvait s’offrir toutes ces choses, tant mieux pour elle. La blonde avait l’air plutôt fière de tout ça, tandis qu’elle demandait à la brunette ce qu’elle en pensait, avec un petit sourire. La jeune femme choisi d’être honnête, affirmant que c’était encore plus beau que ce à quoi elle aurait pu s’attendre avant d’entrer. Et c’était vrai. Leah n’avait pas un caractère envieux, mais il était difficile de ne pas ressentir une pointe de jalousie en côtoyant Raelyn Blackwell. Elle donnait l’apparence de vivre une vie de rêve, mais Leah avait la sensation que ce n’était pas tout à faire le cas. Son intuition lui soufflait que Rae n’était pas tout à fait le personnage qu’elle affichait en public, mais encore une fois, elle préférait garder ça pour elle. Nul doute que la moindre parole de ce genre à l’égard de la blonde lui donnerait un aller-simple vers la vie banale qu’elle menait avant de la rencontrer. Merci mais non merci. « Faudrait surtout que je te fasse jeter un oeil au dressing. Si y'a bien un truc pour lequel je peux pas m'empêcher de jeter de l’argent par les fenêtres c'est bien ça ... » La brune éclata de rire en secouant la tête. Rae avait beau être à part, elle avait le même défaut que toutes les femmes de ce monde. « J’y compte bien. » Lança-t-elle finalement dans un petit rire avant de la suivre en direction du salon. « Si tu veux faire le tour du prioritaire, fais comme chez toi. » Leah suivit son geste des yeux avant de secouer la tête et de prendre place à son tour sur le fauteuil. Jamais de la vie elle n’irait se promener seule chez quelqu’un de cette façon, c’était carrément gênant. « Non ça ira, j’aurais trop peur de me perdre. » Plaisanta-t-elle à la place en fronçant le nez avant de laisser un petit rire s’échapper de ses lèvres. Elle commençait à se détendre et à oublier ce qui avait bien pu se passer lorsqu’ils étaient encore dans la boîte de nuit : les deux sœurs, la drogue à son insu, sa propre mesquinerie… L’atmosphère ici était différente, bien plus propice au chill. C’était le cas jusqu’à ce que Tobias demande à nouveau à Rae de quoi planer, alors même qu’il avait déjà pris de quoi faire à deux reprises depuis qu’ils étaient arrivés en boîte. Leah n’était pas du genre à porter des jugements, encore moins sur des sujets qu’elle ne maîtrisait pas, mais c’est l’inquiétude qui parlait. Cependant, elle était bien la seule à s’en faire pour lui, les autres étant occupés à trouver de quoi occuper le reste du temps. Finalement, la brunette se laissa retomber contre le dossier, décidée à lâcher l’affaire. Ils n’étaient pas mariés, et il était assez grand pour savoir ce qu’il faisait. « Tu m'attrapes la télécommande de la sono ? » Shawn s’exécuta, permettant à la blondinette de lancer un peu de musique. Leah en profita pour s’approcher de Tobias, lui chuchotant à l’oreille : « T’es sûr que t’abuses pas là ? » Au diable les bonnes résolutions, Leah restait égale à elle-même ; inquiète pour les gens auxquels elle tenait. « T’en fais pas, il en faut plus pour me mettre KO. » Répondit le brun avec un air malicieux, avant de venir chatouiller son cou de ses lèvres, ce qui eut le mérite de la faire rire et de changer de sujet pour de bon. Il avait l’air de gérer, effectivement. « Je vais attraper des cartes. » Shawn se leva avant de se réinstaller près de la blondinette, se lançant dans des explications dont il était probablement le seul à comprendre la signification. Pour Leah, c’était du chinois. Et a priori, Raelyn la rejoignait là dessus : « C'est bon tu m'as larguée, tu nous expliqueras au fur et à mesure. » Merci mon dieu. Leah adressa un sourire complice à Rae, mimant un geste de soulagement avant de se reconcentrer sur le jeu qui venait donc de commencer sans que personne ne connaisse ou comprenne les règles, sauf Shawn. Prometteur. La blonde se lança la première, tirant un carte au hasard et la montrant à son compagnon de fortune, l’air interrogateur. « Tu bois, quatre gorgées. » « Ça c'est un jeu comme je les aime. » Le duo Leah/Tobias éclata de rire face à cet échange tandis que Rae avalait ses quatre gorgées avec parcimonie. « J’espère avoir autant de chance. » Grimaça Leah en tirant une carte, ne pouvait s’empêcher de sourire face à l’entrain dont faisait preuve Shawn en tant que maître du jeu. Un valet. Elle haussa un sourcil dans sa direction, dans l’attente de savoir ce qui allait lui tomber dessus. « Le valet c'est une vérité, je vous l'ai déjà dit. Tu peux poser n'importe quelle question, à n'importe qui. Tu choisis. » Hum. Cela n’avait l’air de rien, mais Leah jugeait cette carte comme trop de responsabilités à son goût. Elle ne pouvait pas interroger Raelyn, sinon elle allait vraiment croire qu’elle lui cherchait misère gratuitement. Mais en même temps, elle ne voulait pas lui faire croire qu’elle avait peur de se confronter à elle. La brunette tergiversa quelques secondes (la preuve que cette carte était vraiment foireuse) avant de se décider et de se tourner vers Raelyn. « Est-ce que c’était la première fois que tu embrassais une fille ? Tout à l’heure. » Précisa-t-elle, faisant ainsi référence à leur petit épisode d’il y a quelques heures à peine. Le ton était bon enfant, et elle lançait un sujet un peu chaud. Rien dans tout ça ne pourrait vexer la blondinette, elle l’espérait en tout cas. Elle se mordit la lèvre avec un regard amusé, prouvant ainsi à Rae qu’elle était dans un esprit joueur.

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The shadows of the past
mars 2012

J’étais une jeune femme orgueilleuse, avec une assez bonne estime d’elle-même, mais pourtant je ne tirais pas de fierté particulière de l’appartement que j’occupais. Je n’étais pas du genre à me pavaner et à faire visiter le loft, qui était luxueux certes mais avant tout un espace de vie pour moi. Si la décoration était réduite au minimum c’est parce que j’avais préféré aller à l’essentiel plutôt que pour adopter un mode de vie minimaliste ou suivre une mode particulière, et finalement parce que je n’aimais pas l’idée que l’on puisse apprendre trop de chose sur moi en posant les yeux sur mes murs. Donc si je m’enorgueillissais de lire l’envie et l’admiration dans les yeux de Leah en découvrant l’endroit où je vivais, je n’étais pas de celle qui en font des tonnes pour en mettre pleins de yeux à ce niveau-là. En terme de vêtements et accessoires c’était une autre histoire, et je partageai ma pensée avec Leah. Oui le dressing était certainement la seule pièce qui n’était pas dépourvue de touches de gaité et de couleur, quand bien même cela venait plus des pièces que j’y stockait que de la décoration en elle-même. « Non ça ira, j’aurais trop peur de me perdre. » Je laissai échapper un sourire amusé, avant de me déconcentrer rapidement du sujet qui ne m’intéressait pas tant que ça. J’observai alors la jeune femme s’installer, et Tobias la rejoindre instantanément derrière elle pour se coller au plus près d’elle. J’observai la parade amoureuse avec intérêt, oubliant presque la présence derrière fois de Shawn, qui comme un enfant tentait à présent de nous expliquer les règles d’un jeu auquel nous avions certainement déjà joué des dizaines de fois.

J’avais toujours eu un peu de mal à porter de l’intérêt à ces choses-là qui me donnait plus l’impression de participer à une soirée universitaire, mais Shawn et Tobias était le genre d’adolescents attardés bien déguisés qui adoraient ça et ne pouvaient pas s’empêcher de dégainer des cartes à la première occasion. J’avais appris à prendre mon mal en patience, ne mettant que suffisamment d’intérêt à la chose pour qu’ils ne se vexent pas systématiquement et ne se demandent quel Alien pouvait ne pas aimer les jeux d’alcool. Je buvais parce que j’aimais le goût et la brulure du Whisky autant que pour m’abrutir, pas pour faire enrager papa et maman et je n’avais pas besoin de cartes pour le faire. Parfois j’avais l’impression de vivre à des années lumières par rapport à tous ces enfants avec lesquels je partageais mes soirées. « J’espère avoir autant de chance. » Je croisai le sourire amusé de Leah, qui piochais à présent sa première carte. Le droit à une question donc, que Leah ne sembla pas savoir à qui adresser dans un premier temps, avant de se décider pour moi et, croisant son regard, il me sembla voir à nouveau une légère étincelle de défi s’y allumer. « Est-ce que c’était la première fois que tu embrassais une fille ? Tout à l’heure. » Mes lèvres esquissèrent un sourire. Que cherchait-elle à prouver, ou plutôt à se prouver ? Que j’étais finalement moins délurée et plus conventionnelle que ce que je cherchais à laisser penser ? A vrai dire je n’étais pas allée à l’université, cette période où l’on apprend à repousser ses limites et essayer tout ce qui nous semblait drôle, et je n’avais toujours été attirée que par des hommes, donc à ce niveau-là, on pouvait effectivement dire que dans un sens j’étais conventionnelle. Volage certes, mais je répétais toujours le même schéma. « Et si je te disais que oui ? » Portant mon verre à mes lèvres, je l’avais observé se mordre la lèvre, comme pour me provoquer, alors qu’un rire s’échappa des miennes. « Désolée de te décevoir mais c’est pas la peine d’essayer de me faire du charme. L’expérience était intéressante, mais pas assez pour me faire changer de bord. » Je savais qu’elle ne faisait que jouer et provoquer, et moi de mon côté je ne faisais que rentrer dans son jeu.

Les cartes circulèrent encore pendant une petite heure et la soirée avançant, c’était la drogue qui dictait nos paroles et actes. Les verres s’enchainèrent eux aussi tout comme les rires, les provocations et blagues idiotes. Tobias était clairement et totalement sous l’emprise de stupéfiant, j’avais de mon côté arrêté de compter combien de pilules de MD il s’était enfilé, et profitait de la bonne humeur de Leah pour se rapprocher d’elle de minutes en minutes. Je les observais en avalant un shooter quand j'avais senti le souffle de Shawn contre ma nuque, venant me chatouiller en murmurant près de mon oreille. « J’ai envie de toi. Viens. » Sans cérémonial il s'était levé du canapé, chancelant au passage avant de retrouver l’équilibre, pour finalement poser un regard voilé sur moi, me tendant une main. Provocatrice, j’avais levé un sourcil, et plutôt que d’attraper sa main pour me lever je m’étais enfoncée dans le canapé, étendant même mes bras sur les rebords, comme si je n’avais pas la moindre intention de bouger, alors que le désir commençait également à montrer chez moi depuis un certain temps aussi. Le sourire aux lèvres, j’avais soutenu son regard, mais peu décidé à accepter un refus, il s’était contenté de se pencher vers moi pour m’attraper et me soulever du canapé, me passant tête en bas sur son épaule et attrapant de sa main l’arrière de mes genoux, alors que je fis mine quelques secondes de me débattre pour finalement éclater d’un rire franc. Il sonnait la fin de soirée, et je n’avais au fond pas envie de l’en empêcher. Il s’était alors dirigé vers la chambre, sans prendre le temps de souhaiter une bonne fin de soirée aux deux tourtereaux, et entre deux éclats de rires je ne réussis pas non plus à adresser le moindre mot à Leah et Tobias. De toute façon j’avais toujours été plus du genre à m’éclipser lorsque je le décidais sans prévenir qui que ce soit qu’à faire le tour de la salle pour dire au revoir à tout le monde. Lorsqu’il m’avait déposée sur le lit les battements de mon cœur s’était accélérés, et alors qu’il avait pressé son corps contre le mien et déposé ses lèvres sur ma clavicule, me faisant la promesse silencieuse d’une nuit agitée, j’avais totalement oublié la présence des deux autres dans l’appartement, m’offrant totalement à lui. Je m’étais toujours sentie bien plus en vie à travers les yeux des hommes qu’à aucun autre instant.

❈❈❈❈

Quand un hurlement me tire de mon sommeil, je mets quelques secondes à atterrir, ne réalisant pas tout de suite que quelque chose est en train de se passer. Pas du genre câline, sous l’effet des stupéfiant j’ai pourtant laissé Shawn passer un bras autour de ma taille et coller son torse contre mon dos, et pendant quelques secondes encore, je me surprends à profiter de la chaleur de son corps nu contre le mien. Un second cri se fait entendre, auquel Shawn ne réponds que d’un grognement, alors que je fronce les sourcils. Mais avant que je n’ai le temps d’analyser quoi que ce soit la porte de la chambre s’ouvre, et c’est Leah qui apparait dans le cadre. La brume autour de mon esprit se dissipe et la soirée de la veille me revient, alors que je me rappelle l’avoir laissé en bonne compagnie sur le canapé la veille. Instinctivement je remonte le drap jusqu’à ma taille. « Putain Leah qu’est-ce que tu fous là ? » Je sors progressivement du sommeil et mon regard croise le sien avant qu’elle ne m’ait répondu quoi que ce soit. Et la terreur que j’y aperçois suffit à me glacer le sang.

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THE SHADOWS OF THE PAST

Brisbane - 2012

La soirée prenait une tournure différente, mais toujours aussi amusante. S’ils n’étaient plus entourés d’une foule d’inconnus se trémoussant sur de la musique à plein volume, ils étaient maintenant dans une atmosphère plus calme, mais toujours propice au jeu. Les défis lancés lorsqu’ils étaient encore dans cette boîte de nuit semblaient les avoir suivis jusqu’ici, puisque Shawn se décida à sortir un jeu de carte de son chapeau. Ce genre de jeux, Leah y avait déjà joué des milliers de fois à l’université. Les règles changeaient constamment, mais le principe restait le même ; se raconter des vérités et boire. Les seuls ingrédients vraiment nécessaires pour passer un bon moment. La brune se laissait aller, profitant de l’ambiance qui était toujours relativement bon enfant, sur un petit fond de musique. L’alcool était encore de la partie, tout comme la drogue que Tobias n’avait cessé de consommer tout au long de la soirée. Si la brunette avait commencé à gagner en endurance lorsqu’il s’agissait d’ingurgiter des quantités astronomiques de spiritueux, elle se demandait comment lui faisait pour tenir la distance avec les substances qui parcouraient son organisme. Après tout, il était plus tactile avec elle, mais c’était tout. Il était encore capable de tenir une conversation – bien qu’ils ne discutent pas non plus de sujets à portée hautement philosophique – et c’était bien la seule chose qui retenait Leah de paniquer et de lui faire la morale. Lorsque ce fut son tour de choisir une carte, elle fut désignée pour demander une vérité à la personne de son choix. Raelyn fut à nouveau sa cible, sans forcément avoir d’arrières pensées cette fois-ci, et elle lui demanda avec un air mutin si elle avait été la première fille à l’avoir embrassée. C’était une vraie question, même si la réponse lui importait peu. Elle voulait simplement s’amuser. Que ça soit le cas ou pas, ça n’allait rien changer à sa vie, après tout elle-même n’était absolument pas pour les filles – même si Shawn voyait les choses d’un œil différent. « Et si je te disais que oui ? » Raelyn avala une gorgée de sa boisson avant d’éclater d’un rire franc. « Désolée de te décevoir mais c’est pas la peine d’essayer de me faire du charme. L’expérience était intéressante, mais pas assez pour me faire changer de bord. » Leah leva les yeux au ciel avant de se mettre à rire à son tour. « Dommage. » Lâcha-t-elle en haussant les épaules, dans un soupir fortement exagéré. Comme si. « C’est bon je déconne, détends toi. » Ajouta-t-elle en voyant à nouveau l’air exaspéré de Shawn à son égard. Même si elle s’était montrée relativement délurée durant sa courte période universitaire, elle n’avait pas embrassé tant de filles comme ça non plus. Mais c’était marrant de le laisser croire. Après ce petit interlude, la partie de carte continua encore l’espace d’une heure, même si Leah avait l’impression que ça faisait beaucoup moins. La notion du temps était altérée lorsqu’on était sous l’emprise de la drogue, surtout ci cette prise était mélangée à l’alcool, comme c’était son cas. Celui de tout le monde en fait. Finalement, Shawn décida d’annoncer la fin de la soirée en s’empara d’une Raelyn au regard provocateur, la chargeant sur son épaule comme si elle n’était qu’une poids plume. Le sourire aux lèvres, elle les observa disparaitre dans le couloir, probablement vers la chambre de la blondinette où la soirée allait continuer de leur côté. Leah se tourna ensuite vers Tobias, réalisant soudainement qu’ils n’étaient plus qu’eux deux dans le salon de la blondinette. « On peut rester ici tu crois ? » Lui demanda-t-elle en s’étirant doucement. Il était extrêmement tard, et elle n’était pas franchement en état de rentrer chez elle, taxi ou pas. La tête lui tournait et elle n’avait pas vraiment envie de bouger, mais elle se sentait un peu mal à l’aise de rester ici sans la présence de la maîtresse des lieux. « T’inquiètes, c’est cool. » Répondit Tobias en haussant les épaules, se laissant aller contre le dossier de l’énorme fauteuil dans lequel ils se trouvaient. Ce canapé était pratiquement aussi confortable qu’un lit, et à ce stade de fatigue, la brunette se fichait bien de s’avoir où elle allait dormir. Elle hocha simplement la tête et se cala un peu plus confortablement contre lui, happée par le sommeil. Si le duo s’était considérablement rapproché pendant la soirée, Leah ne se sentait pas encore prête à passer à une quelconque supérieure avec lui, et sincèrement le jeune homme ne semblait pas en pleine mesure d’accomplir le moindre exploit ce soir. Déposant un baiser chaste sur ses lèvres, elle ferma les yeux sans plus de cérémonie.

D’un coup, la jeune femme se réveilla en sursaut, se demandant l’espace d’une seconde où elle se trouvait. Son environnement n’avait rien de connu, mais elle se remémora vaguement quelques bribes de la veille et se rappela qu’elle se trouvait chez Raelyn. Dans un léger soupir, elle se demanda quelle heure il pouvait bien être. L’obscurité était encore totale et sans doute était-ce le milieu de la nuit, mais elle n’en était pas sûre. Sentant le corps de Tobias à ses côtés, elle laissa un sourire élargir ses lèvres. « Hey, t’es réveillé ? J’sais pas où j’ai foutu mon portable, t’as une idée de l’heure ?... » Lâcha-t-elle en se relevant légèrement à la recherche du dit portable. Un mal de tête lancinant lui martelait les tempes, et elle sentait qu’elle avait fortement besoin de s’hydrater. Rien d’étonnant compte tenu des frasques de la nuit passée. Se levant, elle se dirigea à pas de loups vers la cuisine ouverte sur la pièce de vie, à la recherche d’un interrupteur qui lui permettrait d’y voir plus clair. A tâtons, elle parvint enfin à déclencher un interrupteur qui apporta une douce lumière au plan de travail, et c’était déjà ça. Laissant ses yeux s’habituer à la luminosité, elle s’empara d’une bouteille d’eau dans le frigo avant de revenir sur ses pas. Un coup d’œil à son téléphone – qui était en fait simplement posé sur la table – lui indiqua qu’il était plus de quatre heures du matin. Elle s’était assoupie l’espace de deux bonnes heures à tout casser. Mais bizarrement, elle ne se sentait plus très fatiguée. « Tobias, réveille toi me laisse pas toute seu… » Elle s’interrompit en relevant les yeux vers son ami dont le visage était tout juste éclairé par le faible halo émanant de la cuisine. Les yeux ouverts, injectés de sang, le jeune homme était pâle comme un linge et des traces de régurgitations parsemaient son t-shirt. Horrifiée, Leah poussa un petit cri en se dirigeant vers lui, le secouant par les épaules. « Tob, réveilles-toi bordel, s’il-te-plaît… » Des larmes de terreur parsemaient ses joues et lorsque le corps sans vie du brun retomba sur le côté, elle sursauta en hurlant. Putain, c’était pas entrain d’arriver. Tremblante, elle se releva et se dirigea vers le couloir où elle avait vu le couple disparaître la veille. Ouvrant les portes les unes après les autres – on avait pas idée d’avoir autant de pièces en vivant seule – Leah cédait doucement à la panique. Finalement, elle ouvrit à la volée la porte qui donnait sur la chambre de la blonde, observant son amie sans parvenir à trouver quoi dire.« Putain Leah qu’est-ce que tu fous là ? » La brune peinait à formuler la moindre parole tant les larmes envahissait sa gorge, l’empêchant de parler à voix haute. « Tobi.. Tobias. Il… Il… » Il est mort. « Je crois qu’il… qu’il ne respire plus. » Lâcha-t-elle finalement, en proie elle-même à des difficultés notoires pour respirer correctement. « Rae… » Ajouta-t-elle sur un ton suppliant avant de fondre en larmes, l’image de Tobias encore bien trop nette dans son esprit.

AVENGEDINCHAINS

The shadows of the past
Raelyn Backwell & @Leah Baumann - Mars 2012

Pendant quelques minutes, ces quelques minutes où le hurlement qui provient du salon ne s’est pas imprimé dans mon esprit, je profite de la peau de Shawn contre la mienne, grisée comme toujours par la sensation à laquelle je suis peut-être plus accro encore qu’à n’importe quel stupéfiant. Son souffle régulier me chatouille le cou, et si je ne me l’avouerai probablement jamais, c’est bien là ma façon à moi de combler ce besoin incontrôlable de compagnie, cette peur de la solitude que je dissimule derrière soirées, alcool et drogues. Pendant une poignée de seconde, j’envisage de le réveiller pour réclamer de nouvelles étreintes, poussée par la drogue toujours présente qui décuple mes sensations. Il n’existe rien de mieux – j’en suis intimement persuadée – que de partager des relations intimes sous ecstasy, tant les sensations sont amplifiées. Le moindre baiser, le moindre toucher et le moindre frôlement, je le ressens dans ces moments comme si ma peau était en feu. Je suis parfaitement capable d’avoir des relations sexuelles sobre, mais rien ne vaut ces sensations grisantes. Alors que je réfléchis encore, bien incapable de dire quelle heure il est, le second hurlement me ramène à la réalité, mais émergeant encore de mon sommeil, je n’ai pas le temps de rabattre complètement le drap sur Shawn et moi avant que Leah n’entre dans la chambre. Pourtant son arrivée n’a pas été des plus discrètes, j’ai entendu son pas rapide depuis le salon ainsi que les portes du loft claquer brusquement comme vient de le faire celle de la chambre, mais dans mon état mes réflexes ne sont pas encore au meilleur de leur forme.

Ses yeux écarquillés, sa respiration courte et la panique que je lis sur son visage, tout cela suffit à me mettre une claque immédiate et à mes faire sortir de ma torpeur. « Tobi.. Tobias. Il… Il… » Elle balbutie, et alors que je me redresse, portant instinctivement le draps contre ma poitrine, je sens Shawn remuer à côté de moi et s’asseoir à son tour. « Je crois qu’il… qu’il ne respire plus. » La phrase vient faire éclater la dernière brume formée autour de mon esprit, me faisant brusquement dessaouler. C’est Shawn finalement qui est le premier à sortir du silence et à réussir à prononcer quelques mots. « Qu’est-ce que tu racontes ? » Sentant dans la voix de mon amant que la panique de Leah commence à être contagieuse, sans lâcher complètement le draps que je tiens toujours collé contre moi, je pose une main sur le torse du jeune homme, sans quitter Leah des yeux. Moi aussi au fond, j’aimerais qu’elle précise sa pensée, j’aimerais qu’elle me dise que tout ça n’était qu’une blague, de très mauvais goût certes, mais une blague quand même, et que nous puissions tous en rire une fois le choc passé. Mais la jeune femme ne fait rien de tel, et au contraire m’adresse une supplication en fondant en larmes. « Rae… » Je reste quelques secondes sous le choc, sans trop savoir comment réagir, avant que mon naturel calme et froid ne reprenne le dessus. J’ai toujours eu cette faculté singulière d’être capable de ne faire preuve que peu d’empathie ou de remords, et surtout de me détacher complètement d’une situation pour la rationnaliser. Etape numéro un donc, vérifier ce que Leah raconte, avec un peu de chance c’est une erreur de sa part, même si je n’y crois que peu. Etape numéro deux, prendre les choses en mains. Sans un mot je me lève de mon lit, avant d’allumer la lumière de la chambre, finalement peu préoccupée d’être complètement nue. Je ne suis pas d’une pudeur excessive, et à cet instant il s’agit du cadet de mes soucis. J’enfile rapidement mes sous vêtement qui trainent autour du lit, attrapant également au passage le boxer de Shawn pour le lancer dans sa direction. « Bouge toi. » Exit la jeune femme délurée et insouciante. Je suis consciente que ni Shawn ni Leah n’ont jamais rencontré la personne qui vient de prendre les rênes à sa place. J’ouvre la porte de mon dressing pour y disparaitre quelques secondes seulement, avant de ressortir de la pièce avec un kimono en satin noir sur le dos, sans que je n’ai pris le temps de le nouer. Shawn a enfilé son sous vêtement mais semble toujours sous le choc, alors que Leah continue de pleurnicher, et je ne leur adresse pas un regard avant de me diriger vers le salon.

Et Tobias est là, yeux ouverts et injectés de sang, baignant plus ou moins dans son vomi. La première chose qui me vient à l’esprit, c’est que je vais devoir faire nettoyer mon canapé. La seconde, c’est que soit Leah est stupide, soit elle essaye de se bercer d’illusions quelques secondes de plus, je n’ai même pas besoin de poser ma main sur son torse pour constater que son cœur ne bat plus, ou de la mettre sous son nez pour constater qu’il ne respire plus. Pas peut-être, pas je crois. Il est mort, sans l’ombre d’un doute. Et de ce qui est, encore une fois sans qu’aucun doute ne soit permis, une overdose. Mon cerveau se met en route rapidement. Tobias ne vit pas chez ses parents et ne donne que peu de nouvelles, nous avons un peu de temps devant nous avant que quiconque s’inquiète. Finalement, sans le toucher, je me retourner vers Leah et Shawn pour m’adresser à la demoiselle. « Effectivement Einstein. Il est mort. » Et on ne peut plus rien pour lui. Je m’abstiens de le rajouter, parce que cela me semble légèrement insensible. Un peu trop pour qu’ils ne soient capable de l’encaisser. Evitant le regard qu’ils posent tous les deux sur moi, comme si j’étais la seule adulte capable de prendre une décision dans la pièce, je fais le tour du canapé pour attraper mon téléphone sur la table basse, avant de composer le raccourci pour appeler Mitchell. Avec un peu de chance, il ne dort pas. « Mitch, j’ai un problème. » Ma voix est calme et ne tremble pas. « Un type est mort, sur mon canapé. Je vais avoir besoin de Jim, ou d’Erik. Tu peux voir lequel peut ramener son cul chez moi le plus vite possible ? » Mitch ne demande pas de détail, parce que c’est une professionnel et parce que la mort ne l’a jamais ému particulièrement. Pas plus qu’elle ne me secoue. Ou en tout cas j’arrive à m’en détacher, à oublier que c’est Tobias sur le canapé ou même que c’est une personne. Je n’ai jamais tué personne, mais si ce genre de chose n’arrive pas toutes les semaines, ce n’est pas la première fois que je vois un cadavre. Il me met en attente, alors que j’évite encore soigneusement le regard de Leah et de Shawn, et fini par reprendre la ligne pour me confirmer que l’un des deux hommes arrivent. Sans prendre la peine de leur adresser un regard, je lance quand même à voix haute une phrase pour les informer de ce qu’il va se passer. Prévenante comme fille. « Quelqu’un arrive. »

Je raccroche, avant de finalement me diriger vers le bar qui sépare la pièce de vie, pour allumer la cafetière et poser ma tête dans mes coudes. Finalement, je relève enfin les yeux vers mes deux amis, me doutant qu’ils sont certainement l’un et l’autre plus chamboulés que moi. C’est Shawn qui sort de sa torpeur le premier, s’approchant finalement du bar en essayant de ne pas regarder le corps de son ami. « Raelyn t’es sérieusement en train de … De te servir un café ? » Mes yeux ne quittent pas les siens, alors que je lui réponds. « Et qu’est-ce que tu veux que je fasse, que je me mette à chialer ? Je vous ai dit que quelqu’un arrivait. » J’aimais bien Tobias, c’était un type drôle. Mais le pleurer comme une madeleine, comme Leah est en train de le faire ne le ramènera pas. J’interpelle d’ailleurs la demoiselle. « Qu’est-ce qu’il s’est passé ? » Je pose les yeux sur Tobias quelques secondes, avant de les rediriger vers Leah. « Est-ce que vous avez … ? » Savoir si Tobias a trempé le biscuit avant de rendre l’âme je m’en fous, même si ça serait certainement un peu plus gai pour lui. Non, j’anticipe seulement les questions que posera l’homme de main de Mitch en arrivant, d’ici une demie heure d’après ce que le boss m’a confirmé, pour définir la conduite à adopter. Et j’imagine, sans être une experte en la matière, qu’un rapport intime laisse une sorte de trace ? J’en sais rien en fait. La question ne semble pas être au goût de Leah, qui semble maintenant hésiter entre continuer à pleurnicher ou me coller une baffe. Ok, c’était peut-être un peu insensible. J’attrape trois tasse et y verse du café, portant la mienne à mes lèvres, attendant donc qu’elle se décide. Shawn de son côté se laisse glisser contre le mur le plus proche de lui, avant de prendre sa tête entre ses mains. « Putain, putain, putain... » Pour le coup, je me retiens de lever les yeux au ciel.

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THE SHADOWS OF THE PAST

Brisbane - 2012

Effondrée, Leah avait du mal à réaliser qu’elle avait passé une bonne partie de la nuit à côté d’un cadavre. D’ailleurs, elle ne parvenait même pas à se persuader qu’il était bel et bien mort, parce que ce genre de truc n’arrivait que dans les films ; pas à elle. Si la brune avait été tétanisée en découvrant le corps sans vie de son ami, un cri ne tarda cependant pas à percer sa gorgée pourtant nouée. Les larmes coulaient tandis qu’elle se demandait quoi faire, comment réagir. Raelyn. Sans savoir pourquoi, elle se disait que la blonde saurait exactement quoi faire dans cette situation. Non pas qu’elle ait le choix, après tout c’était dans son canapé que Tobias était mort, et à cause de la drogue qu’elle lui avait fournie de surcroît. Choquée, la brunette ouvrait toutes les portes à la volée, cherchant après son amie qui n’avait encore aucune idée du drame qui était entrain de se dérouler. Enfin, elle déboula dans sa chambre, les joues ruisselantes de larmes, peinant à expliquer ce qu’elle venait de voir ; Tobias, sans vie. Pourtant, elle n’osa pas prononcé ces mots à voix haute, de peur de rendre la chose bien trop réelle une fois énoncée de cette façon. A la place, elle souffla simplement qu’il ne respirait plus… Un bel euphémisme façon Baumann. Peinant elle-même à respirer convenablement, elle observait le couple qui la fixait avec étonnement, attendant une réaction de leur part. Finalement, Shawn se décida à rompre ce silence pensant. « Qu’est-ce que tu racontes ? » La brunette se tourna vivement vers lui, l’air dire dire ; tu te fous de ma gueule ou bien ? « Je te dis qu’il ne respire plus bordel, vous attendez quoi ! » S’énerva-t-elle soudain, poussée par l’adrénaline de ce moment absolument horrible. La vision de Tobias baignant dans son propre vomi dansait devant ses yeux dès qu’elle battait des paupières, et l’idée de retourner seule dans le salon ne l’enchantait pas vraiment. Réalisant que le brun ne serait pas d’une grande aide, Leah se tourna vers Raelyn qui n’avait toujours pas dit un mot, attendant d'elle qu'elle réagisse enfin, répétant son prénom sur un ton presque suppliant. Après un court instant, son amie se leva enfin du lit pour se rhabiller, faisant abstraction totale de sa nudité. La brunette détourna le regard avant de plonger sa tête dans ses mains, cherchant une contenance au milieu de tout ce bordel. « Bouge toi. » Intima Rae au brun en lui lançant ses sous-vêtements au visage, empruntant un ton calme et froid qui surprit Leah. Comment pouvait-elle rester stoïque alors qu'un type était mort chez elle? Interloquée, la jeune femme accompagnait du regard chacun de ses mouvements, les yeux embués par les larmes. Finalement, ils se dirigèrent ensemble vers le salon, Leah traînant le pas derrière eux, pas vraiment prête à refaire face à la vision d'horreur qui les y attendait. Elle s'arrêta d'ailleurs à quelques mètres, croisant les bras tout en portant sa main droite à sa nuque par moment, mal à l'aise au possible. Même si elle voulait l'éviter, son regard ne décrochait pas de Tobias, ce garçon avec qui elle avait passé bon nombre de soirées à flirter sans jamais aller plus loin. Ils s'entendaient bien, elle avait eu envie de prendre son temps... Et maintenant il était là, étendu à moitié sur le fauteuil, les yeux injectés de sang, le regard vide. Un frisson d'effroi la parcourut, et Leah se remit à faire les cent pas, sans quitter Raelyn des yeux. « Effectivement Einstein. Il est mort. » La brune ne releva pas le sarcasme, mais se demanda à nouveau comment elle faisait pour réagir de cette façon. Comment rester de marbre face à un cadavre, sérieusement? A cet instant, Leah commença à se demander ce qu'elle foutait ici, dans la maison de cette femme qui s'entourait volontairement de mystère en dépit de son apparence fêtarde et sociable. Avec le temps, la brunette s'était déjà demandé dans quoi pouvait bien tremper Rae, peu convaincue par le discours habituel qu'elle donnait à qui voulait l'entendre. « Mitch, j’ai un problème. Un type est mort, sur mon canapé. Je vais avoir besoin de Jim, ou d’Erik. Tu peux voir lequel peut ramener son cul chez moi le plus vite possible ? » Muette, Leah écoutait cette conversation téléphonique qui la confortait dans ce qu'elle pensait. Toute personne normale aurait appelé la police, mais ce Mitch n'avait sûrement rien d'un flic. « Quelqu’un arrive. » Fronçant les sourcils, la jeune femme essuya d'un geste vif les larmes qui parsemaient ses joues, et s'avança vers Rae d'un pas mal assuré. "Quelqu'un arrive? Mais putain Rae c'est quoi ce bordel? C'est la police qu'il faut appeler, pas tes potes." Lança-t-elle, peu convaincue elle-même par ses propres paroles. Ils avaient tous de la drogue dans le sang, pour peu qu'on leur fasse des analyses, ils pourraient tout aussi bien être accusés de meurtre ou une connerie du genre. La brune plongea ses mains dans ses cheveux, s'avançant vers une des chaises hautes de la cuisine pour s'y assoir, assommée par ce qu'il était entrain de lui arriver. Une soirée normale, était-ce trop demandé? Peut-être était-ce le karma, après tout elle n'avait pas toujours été la gentille jeune femme sympathique qu'elle s'efforçait d'être au jour le jour. Leah se replongea vaguement dans ses souvenirs, tentant de trouver une épisode de sa vie qui justifierait le retour de flamme qu'était la mort de son presque-petit-ami par overdose. Et elle repensa à ses premiers mois à l'université, alors qu'elle désirait plus que tout s'intégrer au sein de ce groupe de filles qui représentaient typiquement tout ce qu'elle avait toujours détesté au lycée. Elle s'était ajustée à leur comportement, et avait même été jusqu'à humilier une pauvre fille qui n'avait pourtant rien demandé, si ce n'est de pouvoir elle aussi se sentir inclue à ce clan de filles populaires. La brunette s'était fait passé pour son amie, poussée par l'influence des autres, afin de savoir ce qui elle avait des vues, la poussant à faire des choses pour attirer l'attention du jeune homme qui faisait battre son coeur. Et comme si ça n'était pas suffisamment méchant, elle lui avait fait croire que ce garçon partageait ses sentiments et qu'il l'attendait à une soirée organisée par les filles. Autant dire qu'une fois arrivée à la fameuse soirée, la pauvre avait vite déchanté en se faisant jeter comme une malpropre et elle était partie aussi vite qu'elle était arrivée, pleurant toutes les larmes de son corps. Lorsqu'elle y repensait, la jeune femme se dégoutait. Autant de comportements qu'elle avait adopté dans l'espoir de satisfaire à une idéal qui n'était finalement propre qu'à des pestes, et elle réalisait que quelques années plus tard, elle reproduisait le même schéma en suivant Rae comme un petit chien, prête à faire pratiquement ce qu'elle voulait pour avoir la chance de graviter autour d'elle. Mais ce soir, le rideau tombait. La blonde cachait définitivement quelque chose, et Leah sentait que tout cet environnement était malsain. Depuis quand une jeune femme d'une vingtaine d'année savait qui appeler pour se débarrasser d'un corps? Hésitant entre s'enfuir et rester figée sur place, la brunette se contenta de regarder Raelyn se servir une tasse de café, agissant une nouvelle fois avec un flegme tout simplement impressionnant. « Raelyn t’es sérieusement en train de … De te servir un café ? » Leah fut soulagée de constater qu'elle n'était pas la seule à être choquée par le comportement froid et distant de son amie, mais s'abstint de tout commentaire. « Et qu’est-ce que tu veux que je fasse, que je me mette à chialer ? Je vous ai dit que quelqu’un arrivait. » 'Peut-être de montrer que t'en as quelque chose à foutre." furent les paroles qui arrivèrent en premier à l'esprit de la brune, mais qui ne franchirent jamais la barrière de ses lèvres. « Qu’est-ce qu’il s’est passé ? » La jeune femme fronça les sourcils en la voyant passer de Tobias à elle, comme si elle pouvait bien avoir quelque chose à voir avec ça. « Est-ce que vous avez … ? » Secouant vigoureusement la tête, Leah se mordit la lèvre en sentant les larmes monter à nouveau, complètement déboussolée. "Non Raelyn, si tu veux tout savoir, on n'a rien fait. Il était trop défoncé pour ça..." Lâcha-t-elle sans cacher le ton accusateur de sa voix. En effet, elle avait passé la soirée à leur demander si Tobias n'exagérait pas, mais personne n'avait semblé se soucier des quantités qu'il s'était envoyé, et elle avait finit par se convaincre qu'elle devait arrêter de faire sa rabat-joie en s'inquiétant de la sorte. Il était beau le résultat. Détournant la tête, elle se laissa tomber à moitié sur le plan de travail de la cuisine, ignorant avec superbe la tasse de café fumante que la blonde avait avancé vers elle. L'odeur lui donnait la nausée, et sa gorge était nouée. « Putain, putain, putain... » Leah observa avec tristesse le brun, qui venait de perdre son meilleur ami. Le visage défait, il ne parvenait pas à quitter le triste spectacle que donnait Tobias, sans vie sur ce canapé. Un silence pesant s'installa, et ils restèrent ainsi dans ce qui semblait à Leah être une éternité. Finalement, deux coups secs à la porte d'entrée la firent sursauter, et elle releva la tête avec curiosité, même si ses yeux eux débordaient d'inquiétude. Elle était sûre que ce qui allait suivre ne serait pas très légal. Rae s'empressa d'aller ouvrir, revenant quelques secondes plus tard, accompagnée d'un espèce de mastodonte de deux mètres qui s'avérait être le fameux Erik, sans doute que Jim était occupé à creuser un trou dans une forêt quelque part? Leah secoua la tête pour chasser ses pensées macabres , observant avec méfiance le nouveau venu. "Fais moi le topo." Lança-t-il froidement en direction de Rae avant de s'avancer vers Tobias pour l'examiner.

AVENGEDINCHAINS

The shadows of the past
Raelyn Backwell & @Leah Baumann - Mars 2012

Finalement, avant même que l'information ne me monte au cerveau j'ai compris ce qu'il s'est passé, alors que Shawn semble encore digérer l'information. Il me faut un peu de temps pour réellement réaliser ce que ça implique, ce que je vais devoir faire pour gérer ça dans les prochains minutes, mais j'ai compris. Parce qu'honnêtement, ça lui pendait au nez à Tobias, mais il me payait ce qu'il consommait, donc à mes yeux ce n'était pas mon problème. J'appréciais le jeune homme, ça ne remets pas ça en question, je l'appréciais comme je suis capable d'apprécier mes compagnons de soirées, et il est dommage qu'il ait trouvé la mort ce soir, mais je suis capable de compartimenter les choses et de me détacher de la situation. J'étais sa dealeuse, mais ce qu'il ingérait n'était pas mon problème, et ne me causait en tout cas aucun état d'âme. C'était un adulte, un grand garçon et il était bien libre de faire ce qu'il voulait. Donc pendant quelques secondes j'espère que c'est une blague, mais déjà la partie la plus froide et détachée de ma personnalité commence à prendre les rênes, alors que Leah semble encore sur le point de faire une crise cardiaque. « Je te dis qu’il ne respire plus bordel, vous attendez quoi ! » Il va falloir qu'elle se calme et se détende, parce que l'excès de la veille me tape contre le crâne, et alors que je me redresse je sens la pièce tourner autour de moi. Il est beaucoup trop tôt pour gérer ce genre de chose putain.

Quand j'arrive au salon, je constate que Leah, qui tremble toujours comme une feuille et Shawn, qui a eu assez de présence d'esprit pour enfiler son caleçon mais pas assez pour fermer la bouche et affiche à présent un air choqué, m'ont suivie. Il aurait été plus simple de gérer les choses sans les deux jeunes gens, j'aurais fait appel à quelqu'un du Club, qui se serait débarrassé de lui en mettant au point une histoire crédible avec moi, et je serais retournée à ma nuit. Non, avec eux il va falloir jouer les psychologues et surtout s'assurer qu'ils sont capable de la fermer et de prétendre que rien ne s'est passé ce soir. Je les apprécie tous les deux attention, mais je ne prendrais pas le risque de tomber pour eux, ni pour personne. J'espère pour Leah qu'elle sait la fermer, et qu'elle saura me convaincre qu'elle sait le faire, et il en va de même pour Shawn. Je n’ai rien envie qu'il leur arrive. « Quelqu'un arrive? Mais putain Rae c'est quoi ce bordel? C'est la police qu'il faut appeler, pas tes potes. » Je relève les yeux vers Leah, qui arpente le salon en laissant les larmes couler sur son visage - et ruiner son mascara, c'est d'assez mauvais goût - et qui semble partagée par l'envie de me sauter à la gorge et celle de s'accrocher à moi comme à une bouée de secours. Va falloir qu'elle se décide. « Personne va appeler la police Leah, utilise ton cerveau s'il te plait. » J'ai presque l'air condescendante et je le sais, mais je ne peux m'en empêcher. Elle a de la drogue dans le sang elle aussi, alors si j'étais elle, je me contenterais de faire ce qu'on me dit. « Laisse les grandes personnes gérer. » Bon ok, cette fois ci c'était peut-être de trop, méchante Raelyn. Elle connait ma propension au sarcasme, mais pour elle ce n'est peut-être pas le moment. J'évite le regard choqué et teinté de dégout que Shawn pose sur moi, et que me secoue un peu plus, et tente de me plonger dans ma tasse de café pour oublier leur présence à tous les deux.

« Non Raelyn, si tu veux tout savoir, on n'a rien fait. Il était trop défoncé pour ça... » Ok, si elle le prend comme ça elle le prend comme ça. Mais un nettoyeur du Club va arriver, et il sera beaucoup moins patient et doux que moi, elle ferait mieux de répondre à mes questions. Je secoue la tête doucement, comprenant que je n'arriverais à rien avec eux si je ne m'adoucis pas un peu. « Bon ok, je vous explique. Le type qui va arriver sera pas là pour faire dans la dentelle, et des questions il va vous en poser. Vous allez lui dire la vérité, et vous allez faire exactement tout ce qu'il vous dit de faire. » J'essaye de les préparer, mais moi même au final j'aurais préféré être ailleurs qu'ici, donc la tâche n'est pas forcément agréable. C'est la deuxième fois que quelqu'un trouve la mort dans ce salon, et si je ne ressens rien pour Tobias ce n'était pas le cas la première fois et je n'ai qu'une envie, fermer les yeux et de m'abrutir pour ne pas admettre que des flashes de la mort d'Aaron s'impriment sur ma rétine. Je n'ai pas envie de gérer une Leah et un Shawn bouleversés. J'avale une gorgée de café bien trop chaude pour me faire réagir, et un silence pesant fini par s'installer.

Un silence qui est rompu lorsque trois coups frappent contre ma porte, sans délicatesse aucune. Je jette un regard à mes deux amis, pour essayer d'évaluer l'impression qu'ils donnent, avant de poser ma tasse de café sur le bar pour me diriger vers la porte, peu gênée par le fait de ne rien porter de plus que des sous-vêtements et un kimono de soie par-dessus. Ce n'est pas le moment de me découvrir de la pudeur. Erik entre dans la pièce, toujours aussi impressionnant, la balaye du regard et pose ses yeux sur moi. « Fais-moi le topo. » J'acquiesce d'un signe de la tête, avant de lui désigner le corps de Tobias du menton. « Overdose, de la MD. Je sais pas combien il en a pris, mais beaucoup. C'est moi qui la lui refile. » En deux enjambées il se retrouve à côté du canapé, et je le rejoins en cinq alors qu'il observe le corps innanimé. Ses yeux se posent pour la première fois sur Leah et Shawn avant qu’ils ne les reposent sur moi. « Leah et Shawn, on a tous les trois passé la soirée avec lui, Tobias Moore. Il vit seul à Spring Hill, mais je connais pas l'adresse. Il doit avoir ses papiers sur lui. » Erik hoche la tête, sort une paire de gants en plastique qu'il enfile avant de fouiller les poches de Tobias sans ménagement, pour en sortir le dit portefeuille. Alors qu'il l'ouvre et lit l'adresse, je jette un oeil en coin à Leah, le temps de la voir devenir plus blanche encore. « Ils sont fiables ? » L'armoire à glace reprend la parole, avant de remettre le portefeuille à sa place. Je pose à nouveau mes yeux sur Shawn, puis sur Leah, hésitant un court instant. « Raelyn ? Ils sont fiables ? » C'est pas un grand bavard, le Erik. Je n'ai pas prévu de lui mentir, parce que je n'ai pas envie de voir mes fesses se retrouver derrière les barreaux. « J'en sais rien. » Je réfléchis un instant, avant de me tourner vers mes compagnons d'infortune. « Tobias est pas rentré avec nous, c'est clair ? On était tous les quatre à la soirée, mais il avait trop bu, il ne se sentait pas bien alors au dernier moment il est rentré chez lui et on a pris le taxi tous les trois. » Je regarde à nouveau l'homme de main, qui hoche la tête d'un signe approbateur. Je n'ai pas besoin qu'il prenne les commandes. « Le taxi. C'était Black and White Cabs, la compagnie. Paye le chauffeur, si besoin. » Il était capable de le retrouver, je ne voulais pas savoir comment, mais je savais que c'était le cas, et il me le confirme d'ailleurs d'un signe de la tête, avant, de poser les yeux sur Leah et Shawn. « Vous deux, sur le canapé. » Je leur jette un œil aussi, m'assurant qu'ils obéissent à l'injonction, mais je pense qu'Erik joue assez bien son rôle de type effrayant. Ils finissent par s'asseoir, se positionnant le plus loin possible du corps de Tobias. « Qu'est-ce qu'il s'est passé ce soir, si on vous le demande ? » J'observe les yeux bouffis de Leah, et Shawn dont le doux visage semble toujours en état de choc. Ils me font un peu de peine tous les deux, dans la mesure du possible. Ils ont mis les pieds dans un monde dont ils ne soupçonnaient pas l'existence, et s'en rendent compte aujourd'hui de la plus violente des manières. Je ne sais pas pourquoi, mais Leah me semble, malgré les sanglots qui l'agitent, la plus à même de répondre la première. « Leah s'il te plait. Réponds-lui et rentre chez toi comme si cette soirée n'était qu'un mauvais rêve. » J'évite le regard de mon amant pour l'instant, consciente qu'il s'agit du corps de son meilleur ami, qui gît sur mon canapé dans son vomi.

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THE SHADOWS OF THE PAST

Brisbane - 2012

Après quelques secondes de blanc où les trois amis se regardaient sans dire un seul mot, tentant de rassembler leurs esprits encore trop embrumés par l'alcool et la drogue qui étaient présents dans leurs veines, Raelyn fut la première à réagir en sortant de son lit pour se vêtir et se rendre dans le salon. Ils la suivirent avec plus ou moins d'assurance, même si Leah savait parfaitement ce qui l'attendait dans cette pièce, et elle n'était pas vraiment pressée d'y faire face. Après une rapide vérification, la blonde confirma ce que la brunette avait annoncé; Tobias était bel et bien mort. Et alors que la jeune femme et Shawn étaient tous les deux abasourdis, sous le choc, Rae se dirigea vers la cuisine pour leur servir du café. Comme si le fait qu'un cadavre trône en plein milieu de son sofa était d'une banalité sans nom. Sans les regarder, elle leur annonça que quelqu'un allait venir. Sans détails supplémentaires. Leah commençait à réaliser qu'elle était tombée dans un milieu bien plus sombre que ce qui ne paraissait en surface, et les récents évènements ainsi que l'attitude de Raelyn ne l'aidaient pas à penser différemment. Commençant à perdre son calme, la brune s'emporta un peu, explicitant à voix haute son incompréhension face à tout se bordel. « Personne va appeler la police Leah, utilise ton cerveau s'il te plait. » Le visage noyé par les larmes, la brune ne savait plus quoi faire ni penser. Personne ne lui avait jamais donné le manuel du "Comment réagir face à l'overdose du type avec qui vous prévoyiez de sortir; en dix leçons." et franchement, elle en aurait bien eu besoin. Parce que là, à part se demander comment elle allait se sortir de ce merdier, la jeune femme nageait dans le flou total. Le ton emprunté par Rae lui déplut fortement, mais elle n'était plus à ça près venant de sa part, pas vrai? "Tu m'excuseras de pas avoir les idées claire alors qu'il y a un type mort à deux mètres de moi." La brune trouva la force de répliquer assez froidement, avant de se laisser tomber sur une chaise en posant son menton dans ses mains, fixant Raelyn avec un mélange de colère et d'incompréhension. « Laisse les grandes personnes gérer. » A ce moment là, Leah lui aurait volontiers envoyé son poing en plein visage, mais à la place, elle se contenta de rester dans son mutisme, au bord de l'implosion. Son regard s'échoua sur Shawn qui lui semblait au moins aussi touché qu'elle, si pas plus. Perdu face aux réactions froides de Raelyn, il observait la blonde comme s'il la découvrait pour la première fois. Trouble in paradise. Rae fut la première à rompre le silence afin de lui demander sans le moindre tact s'ils avaient passé un cap ou non la veille, donnant une nouvelle fois à Leah l'envie de l'étriper. Irritée, la brunette lui répondit avec sarcasme à son tour, sachant que Tobias avait eut l'esprit trop embrumé pour penser à faire quoique ce soit la veille. La faute à la drogue qu'elle lui avait fournit, et qui avait eu raison de lui. Les insinuations de la jeune femme étaient claires, et Rae sembla enfin se radoucir quelque peu; même si ça pouvait n'être qu'une façade. « Bon ok, je vous explique. Le type qui va arriver sera pas là pour faire dans la dentelle, et des questions il va vous en poser. Vous allez lui dire la vérité, et vous allez faire exactement tout ce qu'il vous dit de faire. » Leah brûlait de lui demander d'où elle sortait ce "type qui n'allait pas faire dans la dentelle" mais elle s'abstint de tout commentaire, détournant le regard afin d'observer un point invisible, toujours plus intéressant que Raelyn buvant sa tasse de café comme si ce réveil était absolument normal. Ils restèrent ainsi quelques minutes, murés dans un silence de plomb, jusqu'à ce que plusieurs coups sur la porte d'entrée les firent sortir de leur torpeur. La brunette releva la tête, interloquée, avant de se rapetisser sur sa chaise en voyant apparaître dans son champ de vision un espèce de géant qui aurait pu jouer dans Jack et le Haricot Magique. L'homme les observa sans rien dire, le regard perçant, avant de se tourner vers Rae et de lui demander avec froideur de lui faire un topo. Ce mec était un robot. Du KGB. Effrayant. « Overdose, de la MD. Je sais pas combien il en a pris, mais beaucoup. C'est moi qui la lui refile. » Commença la blonde, alors que le petit groupe observait Erik se diriger vers le corps sans vie de Tobias afin de l'inspecter sans délicatesse, déclenchant la nausée chez la brunette dont les émotions jouaient aux montagnes russes depuis la veille. L'attention du géant se reporta sur eux, et Leah ne put retenir un frisson d'effroi. Une énorme cicatrice balafrait son visage, déformant quelque peu son profil déjà pas franchement engageant. « Leah et Shawn, on a tous les trois passé la soirée avec lui, Tobias Moore. Il vit seul à Spring Hill, mais je connais pas l'adresse. Il doit avoir ses papiers sur lui. » Leah observait la scène, pâlissant à vue d'oeil alors qu'Erik sortait le portefeuille de Tobias afin d'en détailler le contenu. Ses mouvements étaient vifs et précis, à croire qu'il faisait ça tous les jours et depuis longtemps. Creepy. « Ils sont fiables ? » D'un seul coup, il se tourna dans leur direction, l'air menaçant. Fiable? Evidemment qu'elle était fiable! Pourtant, Raelyn semblait hésiter quand à la façon de répondre à l'interrogation de l'armoire à glace, faisant déglutir difficilement une Leah qui n'en menait pas large. « Raelyn ? Ils sont fiables ? » « J'en sais rien. » What?! « Tobias est pas rentré avec nous, c'est clair ? On était tous les quatre à la soirée, mais il avait trop bu, il ne se sentait pas bien alors au dernier moment il est rentré chez lui et on a pris le taxi tous les trois. » La brune avait l'impression de vivre un cauchemar; on lui demandait donc de mentir sur les circonstances de la mort de son ami. Elle se referma comme un huître, observant Rae sans réagir. « Le taxi. C'était Black and White Cabs, la compagnie. Paye le chauffeur, si besoin. » Rae continuait de donner des informations purement factuelles à l'homme de main, tandis que Leah se sentait de plus en plus enveloppée dans un espèce de brouillard. Tout ceci était tellement irréel. « Vous deux, sur le canapé. » La brunette sursauta une nouvelle fois, avant de regarder Shawn, puis Rae, et enfin le Erik qui n'avait pas l'air d'avoir envie de rester avec eux plus que nécessaire. Machinalement, elle se releva et se dirigea vers le-dit canapé, ignorant comme elle pouvait le corps de Tobias qui gisait, inerte, et s'installant aussi loin que possible de lui, ramenant ses fesses aussi proches du bord que possible. « Qu'est-ce qu'il s'est passé ce soir, si on vous le demande ? » Putain. La jeune femme resta sans voix, tant sa gorge était serrée par l'émotion provoquée par les évènements. S'étouffant dans un sanglot, elle ne réagit pas directement. « Leah s'il te plait. Réponds-lui et rentre chez toi comme si cette soirée n'était qu'un mauvais rêve. » La brune se figea, et releva d'un coup la tête vers Raelyn, son sang ne faisant qu'un tour. "Un mauvais rêve? Est-ce que tu te fous de ma gueule, sérieusement? Vous êtes là, à vous la jouer comme dans American Gangster, comme si tout était absolument normal. Sauf que y a RIEN de normal." Sans s'en rendre compte, Leah s'était levée, et s'époumonait, laissant libre court à la rage et l'injustice qu'elle ressentait en cet instant. Qu'allaient-ils faire de son corps, hein? "Tobias, le mec avec qui on passe nos soirées depuis des semaines, est mort. Mort, putain!... Vous êtes vraiment tarés..." Lança-t-elle, avant de réaliser qu'ils l'observaient tous comme si c'était elle qui n'avait plus toute sa tête, et le Erik n'avait pas l'air d'apprécier. "... Désolée." Marmonna-t-elle en reprenant sa place, maintenant que sa colère avait été exprimée à voix haute, avant de joindre ses mains sur ses genoux et de réciter sa tirade comme une enfant qui aurait apprit son poème par coeur; "On a passé la soirée tous ensemble, mais Tobias a préféré rentrer parce qu'il était trop bourré et qu'il se sentait pas bien. Du coup on a juste pris le taxi tous les trois pour venir ici." Elle releva les yeux vers eux. "Ca vous va? Je mens assez bien à votre goût?" Sans attendre de réponse, elle se releva à la hâte et se dirigea d'un pas rapide vers la porte, espérant de toutes ses forces que le méchant Erik ne la poursuive pour la réduire au silence d'une manière moins conventionnelle que prévue. Il n'en fit rien, et la brunette passa la porte - embarquant au passage son sac à main - sans se retourner ni prononcer la moindre parole. L'air frais lui fit du bien, et elle se hâta d'appeler un ami qui viendrait la chercher et la sortir de cette galère qu'elle voulait à tout prix oublier. Au fond d'elle, elle regrettait d'avoir un jour croisé la route de Raelyn Blackwell.

AVENGEDINCHAINS

The shadows of the past
Raelyn Backwell & @Leah Baumann - Mars 2012

J’aurais pu être plus douce, plus compréhensive, et le temps m’apprendra peut être à feindre ce genre de sentiments pour mieux amadouer mon interlocuteur. Mais pour l’instant je suis jeune impatiente et assez intransigeante, et je n’ai pas encore réellement appris à me faire passer pour un mouton blanc aux yeux de mes interlocuteurs. Alors tant pis, cela sera le loup, et me voilà qui lève les yeux au ciel devant ce que je considère comme de la bêtises, l’idée de Leah. Appeler la police, mais elle réfléchit parfois ? Elle veut vraiment gâcher sa petite vie, qui était déjà bien triste avant que je n’y fasse une apparition ? Je ne suis pas idiote, j’ai compris depuis que mes yeux se sont posés sur le corps de Tobias que c’est certainement la dernière fois que ma route croisait celle de la brune, et c’est bien dommage, parce que je ne m’étais pas encore lassée d’elle. Et Shawn ? Mes yeux se posent sur lui, essayant de le raccrocher à moi, à la réalité. La vérité c’est que je ne le sais pas encore, mais je l’ai aussi définitivement perdu cette nuit-là. Nous nous reverrons, une fois, deux fois, mais les choses ne seront plus pareilles. Il ne me verra plus jamais pareil, et peut être que c’était l’électrochoc dont il avait besoin lui aussi, pour réaliser que je n’étais pas une personne qu’il voulait dans sa vie. Peut-être qu’il se mariera à une gentille fille, lui fera cinq enfants et adoptera deux Golden Retriever. Je n’en sais rien, et je m’en fous, plus personne ne le fera vibrer comme moi, jamais, j’en suis persuadée. « Tu m'excuseras de pas avoir les idées claires alors qu'il y a un type mort à deux mètres de moi. » Mes yeux se posent à nouveau sur Tobias. Il n’aurait jamais pu devenir quelqu’un de toute façon, ce fils à papa drogué que toutes les idiotes s’arrachaient en boite de nuit. Sa fin était inévitable, mais au moins je le trouvais distrayant. Je me contente de hausser les épaules, ne réalisant pas à quel point ce simple geste peut être choquant pour quelqu’un dont l’esprit n’est pas aussi noir que le mien. Pour quelqu’un capable d’éprouver des sentiments dans la norme.

Lorsque Erik arrive, la tension monte d’un cran encore. Il finit par faire asseoir Shawn et Leah sur le canapé, alors que je reste debout à côté de cette armoire à glace qui mesure quarante centimètre de plus que moi. J’ai l’air un insecte à côté de lui, mais les apparences sont souvent trompeuses, nous sommes sur un pied d’égalité. Finalement face à ma remarque ce qui devait arriver arrive, et Leah explose, parlant en "vous" mais me crachant de toute évidence à moi sa haine au visage. Qui pensait-elle fréquenter, une bonne samaritaine ? « Un mauvais rêve? Est-ce que tu te fous de ma gueule, sérieusement ? Vous êtes là, à vous la jouer comme dans American Gangster, comme si tout était absolument normal. Sauf que y a RIEN de normal. » Mon regard reste fermé, insensible lorsqu’elle nous fait le coup des personnalités multiples. Continue à pleurer dans ton coin Leah, ça te va mieux que les aboiements. « Tobias, le mec avec qui on passe nos soirées depuis des semaines, est mort. Mort, putain !... Vous êtes vraiment tarés... » Il est mort, on est tous d’accord sur ce point-là, on peut avancer maintenant ? Comme elle je ne voulais pas sa mort, Tobia était plutôt un type sympa, mais que pouvait-on y faire à présent ? Devenir hystérique, pleurer, hurler, en vouloir à la terre entière, rien de toute ça ne le ramènerait. Devant mon mutisme et mon air parfaitement détaché elle finit par se rasseoir, les mains tremblantes. Même si je voulais lui expliquer tout ce qu’il se passe ici, je ne pourrais pas le faire. « ... Désolée. » Je pose un regard appuyé sur elle, en hochant la tête, et l’invitant à continuer. Ce qu’elle fait, les yeux qui fixent le sol, un air penaud sur le visage comme une enfant détruite. « On a passé la soirée tous ensemble, mais Tobias a préféré rentrer parce qu'il était trop bourré et qu'il se sentait pas bien. Du coup on a juste pris le taxi tous les trois pour venir ici. » Voilà, gentille fille. Je jette un œil à Erik, qui hoche la tête, et fixe à nouveau mon attention sur Leah. « Ça vous va? Je mens assez bien à votre goût ? » Je ne sais pas si elle n’a pas saisi la gravité de la situation, qui j’étais ou qui était Erik, mais elle ne semble pas tenir à la vie puisque sans me laisser le temps de répondre elle se lève d’un bond pour se diriger vers la porte d’entrée sans un dernier regard pour moi. Quelle idiote, elle savait que quelque chose n’était pas normal chez moi mais fermait les yeux parce qu’elle se sentait grisée d’avoir le privilège d’appartenir à mon monde. Les choses se corsent et voilà qu’elle décide de jouer la fille surprise. Avant qu’elle n’atteigne la porte Erik esquisse un geste en sa direction, mais je pose ma main sur son bras pour l’en arrêter. Qu’il la laisse partir, elle n’aura jamais les tripes d’aller expliquer aux forces de l’ordre ce qu’il s’est réellement passé. Je le sais. Et si un jour quelqu’un doit régler ses comptes avec la brune, cela sera moi. L’homme de main s’arrête et pose les yeux sur moi, alors que je retire ma main quand Leah claque la porte derrière elle. « J’espère que tu sais ce que tu fais Raelyn. » J’hoche la tête doucement, avant de me retourner vers Shawn et d’aller m’installer à ses côté. Je sais qu’il faut le prendre d’une façon bien différente, surtout après le petit numéro de Baumann, alors j’attrape son menton entre mes doigts pour détourner ses yeux du corps de Tobias et l’obliger à accrocher les miens. « Shawn, ce qu’il s’est passé c’est pas de ta faute, c’est de la faute de personne. Laisse pas ça gâcher ta vie, laisse pas ça gâcher ma vie. » Le ton presque suppliant, l’air doux sur mon visage, je le manipule et je le sais. Quand ses bras s’enroulent autour de mon corps et qu’il niche sa tête dans mon cou, je sais que j’ai gagné. J’adresse alors un simple signe de la tête à l’homme de main, qui attrape Tobias pour le charger sur son épaule, alors que de mon côté je pose une main derrière la tête de Shawn pour qu’il garde son visage contre moi et ne regarde pas Erik emporter le corps de Tobias sur son épaule et quitter à son tour l’appartement. Je sais ce qu’il va se passer. Il va le déposer chez lui, au fond de son lit, et reviendra ensuite ici nettoyer toute trace du drame. Tobias n’aura jamais mis officiellement les pieds ici cette nuit, et la vie continuera. Nos chemins se sépareront certainement bientôt, Shawn ne me regardera plus jamais pareil et je n’aurai aucune envie de continuer à lire la douleur dans son visage, mais pour l’instant je donne une dernière performance d’actrice, caressant doucement ses cheveux et le serrant dans mes bras, me garantissant ainsi son silence pour l’éternité.

fin du sujet Throwback - The shadows of the past (Leah&Raelyn) - Page 2 1949770018

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