Tout n’avait pas été toujours facile pour Mitchell qui avait immigré en Australie il y a treize ans. Fuyant un ennemi alors qu’il n’était qu’un novice dans le monde du crime, il avait dû se battre chaque jour pour arriver ou il en est aujourd’hui. Alec, son petit frère, s’était toujours donné un malin plaisir à l’appeler l’Américain aux deux visages, un terme qui le définissait un peu trop bien. Il y avait d’un côté l’homme bon, celui qui se mêlait très bien à la communauté, celui qui pouvait ressentir de la compassion pour son prochain, puis il y avait ce Mitchell, à la tête d’un gang, sans pitié, pensant uniquement à la couleur des billets arrivant dans sa poche à la fin de chaque semaine. Par moment, la balance avait du mal à se positionner et sans grande surprise le mal l’emportait toujours. Du sang, il en avait sur les mains, son âme était bonne à jeter qu’il pensait lorsqu’il se regardait dans le miroir chaque matin. En quarante ans de vie il s’était fait plus d’ennemies que d’amis et cela le rendait morose. Certes, il pouvait compter sur ses fidèles du club, une famille, des amis, mais tout ne tenait qu’à un fil et il le savait, il savait que du jour au lendemain tout pouvait changer, il en avait déjà fait les frais. L’attachement était un élément qu’il préférait éviter, par peur d’être déçu, par peur de montrer son véritable visage qui n’était pas semblable à celui qu’il montrait tous les jours, alors il continuait ainsi, ne laissant aucune place au regret. Des alliés, il en avait quelques-uns, des gens sur qui il pouvait compter tout comme des gens dont il devait se méfier. Parmi eux, il y avait ce flic, quémandant finalement son aide pour mettre à terre l’homme qui avait brisé des vies. Si Zehri faisait cela pour venger la mort d’un collègue, d’un ami, Mitchell lui le faisait pour la fierté, pleurant la perte de billets verts. Ils avaient tout les deux vu un atout chez l’autre et c’est pour cela que contre toute attente, ils étaient devenus alliés dans cette affaire.
En rentrant chez lui ce soir-là, l’Américain avait pas mal cogité, il avait serré la main de l’ennemi sans aucune garantie qu’il ne lui tomberait pas dessus une fois la vengeance établi. La confiance n’étant pas son point fort, il eut le besoin de trouver un moyen de pression et après des jours de recherches, il avait finalement trouvé cette femme. Norah. Veuve du défunt collègue. Le sourire qu’avait eu Mitchell à ce moment-là était rempli de malice, il allait une nouvelle fois faire un pas de plus en enfer en toute aisance. Il avait toutes les informations nécessaires sur cette femme et n’avait plus qu’à trouver un moyen de l’approcher, de gagner sa confiance avant d’annoncer gaiement à l’inspecteur qu’il avait un moyen de le contrer s’il décidait de la lui faire à l’envers.
La chance avait été un très bon allié dans la vie de l’Américain qui jusque-là avait toujours réussi à se sortir des pires affaires. Alors qu’il se tenait devant le comptoir dans son restaurant, il avait observé avec beaucoup de détail la femme qui venait d’entrer levant les yeux au ciel comme pour remercier une force ultime. Elle était là, à quelques mètres de lui, rendant la tâche qu’il s’était confié moins compliqué. Il tournait la tête vers le serveur qui lui servait également de coursier de temps en temps. « Elle est pas mal hein ! Elle vient de temps en temps prendre un latte machiato. » Il ne l’avait jamais vu avant, du moins il n’avait jamais fait attention. L’information donnée utilement par le jeune homme allait lui servir d’appât. Il tournait la tête vers elle, alors qu’elle était arrivée à sa hauteur pour passer commande. « Apparemment, le café est très bon ici, importé tout droit du Brésil ! » Parmi d’autres produit plus illicite. « Laissez-moi deviner… » Il faisait mine de réfléchir avec un sourire en coin. « Un latte Machiato ! » Ce n’était pas sa meilleure approche, mais il espérait que ça allait suffire pour avoir au minimum la sympathie de son interlocutrice.
(c) DΛNDELION
Spoiler:
@Norah Lindley J'ai mis Latte Machiato, mais ça peut être autre chose aussi hein
Il fallait reconnaître qu'avoir un jour de congés en semaine était avantageux. Du moins, c'était ce que Norah pensait. Quand les enfants étaient à l'école, elle avait un temps pour elle. Depuis décembre dernier, elle consacrait principalement ce temps libre à déballer ses cartons, à faire en sorte que sa maison ressemble enfin à une maison, où il y fait bon vivre. Son frère jumeau était venu l'aider, Anwar aussi. Mais le processus, en soi, était quelques chose de très privé, de très personnel. Ses proches ne pouvaient pas s'approprier la maison pour elle, et de toute façon, Norah ne l'aurait pas voulu. Elle avait besoin de ce temps pour elle, pour s'y retrouver. Créer de nouveaux repères, des détails qui faisaient qu'elle se sentirait chez elle. Cette petite maison était un bel endroit pour démarrer une nouvelle vie, avoir de nouvelles bases, y voir plus clair. Et là, maintenant que ses cartons étaient tous déballés, la jeune maman pouvait enfin songer à de nouvelles choses. S'il y avait bien une activité qu'elle n'avait pas faite depuis une éternité, c'était bien le footing. Il lui fallait même un moment de réflexion pour savoir ce qu'elle avait de ses baskets. Le circuit s'inventait au fur et à mesure de ses pas. C'était également une occasion pour elle de se familiariser avec le quartier et le voisinage. Les écouteurs dans les oreilles, elle était dans son monde, elle se concentrait sur sa respiration. Norah était un peu blasée de la perte d'endurance qu'elle avait. Son circuit fut donc plus court que prévu. Après une longue douche – parce qu'avec deux enfants, ce genre de plaisirs n'étaient que très rarement possibles –, sur un coup de tête, elle se décidait de faire un tour en ville. Il y avait ce restaurant, dans lequel elle aimait bien se rendre de temps en temps. Juste pour boire un verre, ou pour manger une pâtisserie (et l'étudier de près si elle l'aimait), avant d'aller au travailler, bien souvent. Sans accorder le moindre regard aux personnes présentes, elle se dirigea machinalement vers le comptoir afin d'y commander la boisson de prédilection qu'elle prenait toujours ici. Elle n'avait pas envie de tester autre chose. La dernière chose à laquelle elle s'attendait était bien d'être abordé par quelqu'un. Elle ne connaissait personne ici et son simple objectif était de boire rapidement une boisson chaude avant de reprendre sa route. Ses yeux glissèrent doucement vers la voix masculine qui s'adressait à elle. Norah ignorait si c'était une tentative de drague ou d'approche quelconque. En tout cas, l'homme inconnu semblait bien sûr de ce qu'il faisait, en venant l'aborder de la sorte. "C'est pour ça que je viens ici, pour la qualité du café. Même s'il est un peu trop fort pour moi à mon goût en expresso. Je le trouve meilleure en allongé." répondit Norah d'un ton neutre, presque las. Quoi qu'elle forçait un très léger sourire afin de pas paraître malpolie. Il voulait à tout prix deviner la boisson que l'infirmière allait commander, et il fallait reconnaître qu'elle était quelque peu surprise qu'il ait directement deviné. "Dans le mile." Cependant, Norah ne pouvait s'empêcher de se demander ce qu'il lui voulait. Si elle cherchait à obtenir d'elle un rencard, elle lui dirait bien que c'était peine perdue et qu'il pourrait aller voir ailleurs, car elle n'était absolument pas réceptive à ce genre d'avance. Et elle ne se sentait pas encore prête. Une partie d'elle avait encore l'impression de tromper Frank, son feu mari, en effleurant l'idée de commencer à fréquenter quelqu'un de nouveau. Rien que d'y songer la faisait légèrement frissonner d'inconfort, et de malaise. Mais son interlocuteur ici présent ne semblait pas être dans cette optique là. Pas de numéro de téléphone demandé ou d'approche disgracieuse avec des sous-entendus peu raisonnables. Juste un rictus au coin de sa bouche qui interrogeait beaucoup. "Les desserts sont plutôt pas mal non plus." renchérit-elle avec un bref haussement d'épaules, après que l'on soit enfin venu réceptionner sa commande. Les coudes appuyés sur le comptoir, ses yeux parcouraient l'ensemble de la décoration du restaurant, qu'elle commençait à bien connaître. "Quoi que certains gâteaux restent à désirer, mais ce n'est que mon point de vue." Que Norah sache ou non qu'il soit le patron du dit restaurant lui importait peu. Quand quelque chose ne lui convenait et que ses commentaires lui semblaient constructifs, elle n'hésitait pas à en faire part. Elle ne se laissait pas impressionner par la stature de quelqu'un, ni par son corps de métier. Cela ne faisait pas d'elle une personne irrespectueuse non plus. "Vous connaissez bien cet endroits, vous ?"
L’approche de l’Américain n’était pas des plus ingénieuses, mais ne paraissait pas déplacée et c’est ce qui comptait le plus finalement, puisqu’elle ne l’envoya pas bouler à la seconde où il s’adressa à Norah. Si le mot “criminel“ était affiché sur son front, beaucoup s’attendraient à rencontrer un homme vulgaire sans savoir vivre et pourtant il était tout l’inverse. Mitchell se comportait comme monsieur tout le monde et ne manquait pas de sympathie dans la vie de tout les jours. Il jouait bien souvent de son charme lors de première approche auprès des femmes et s’était lancé vers Norah qui se trouvait au comptoir pour commander un café avec beaucoup de confiance dans l’idée de jouer la carte de la séduction. Il engageait la conversation en parlant du café servi dans son restaurant, un sujet qui l’importait peu en réalité, il gérait lui-même les choix de graines parmi d’autres éléments, mais c’était selon lui la meilleure façon d’aborder une inconnue qui avait comme seul point commun avec lui, un inspecteur de police, un point qu’elle ignorait bien évidemment. "C'est pour ça que je viens ici, pour la qualité du café. Même s'il est un peu trop fort pour moi à mon goût en expresso. Je le trouve meilleure en allongé." Il se demandait toujours comment les gens pouvaient ajouter de l’eau dans un café, mais ne lui en fit pas part, préférant faire semblant de deviner le choix qu’elle avait fait, le sachant parfaitement puisqu’il avait eu l’information quelques secondes plus tôt. "Dans le mile." Il affichait un large sourire tout en appuyant ses coudes sur le comptoir sans la perdre du regard. Il la trouvait plutôt ravissante et comprenait pourquoi l’inspecteur Zehri tenait autant à venger le défunt époux de cette femme. « Vraiment ? » Qu’il demandait d’un air amusé, faisant semblant d’être surpris. « Je devrais jouer au loto, la chance est avec moi visiblement ! » Qu’il ajoutait d’un ton enjoué bien décidé à poursuivre sur cet élan. "Les desserts sont plutôt pas mal non plus." Il était ravi de l’entendre et comptait bien rapporter ce compliment à son frère Alec qui préparait lui-même les pâtisseries. Alec se donnait beaucoup de mal pour proposer des mets de qualités aux clients, n’ayant jamais fait d’études de cuisine au préalable, il avait tout appris sur le tas et s’était inspiré de vieilles recettes familiale. Au final, il était devenu plutôt bon cuisiner et campait le rôle de chef du restaurant, bien plus que celui du bras droit du boss du Club. "Quoi que certains gâteaux restent à désirer, mais ce n'est que mon point de vue." Il déchantait rapidement lorsqu’elle lui fit part que quelques gâteaux laissaient à désirer, intérieurement du moins, puisqu’il ne faisait pas tapis en affichant son mécontentement d’entendre cela, mais continuait la partie qu’il avait commencée comme si de rien était. « Apparemment, les patrons sont Américains. » Il marquait une petite pause avant de très vite reprendre. « On sait tous que la pâtisserie ce n’est pas leur point fort ! » Il demandait pardon intérieurement à sa patrie de dire cela et espérait qu’elle ne percevrait pas les débits d’accent qu’il pouvait encore avoir après treize ans de vie en Australie. « Il y a beaucoup trop de sucre, de quoi se rendre malade. » Les cafés déposés sur le comptoir, il touillait la cuillère présente dans son expresso tout en l’écoutant. "Vous connaissez bien cet endroits, vous ?" La réponse à cette question qu’elle venait de lui poser aurait pu le trahir s’il n’était pas sûr de sa démarche, il aurait pu lui dire qu’il en était le propriétaire sans même le vouloir. « Oui, je viens souvent, pour leur café justement, bien que je devrai penser à arrêter la caféine, ça a tendance à me rendre nerveux. » Il souriait avant de prendre une gorgée dans sa petite tasse, la sachant dans le milieu médical, il se demandait si elle pouvait lui donner des conseils à ce sujet d’ailleurs, il avait déjà essayé de passer aux infusions, mais n’y trouvait pas son compte de plaisir. « Je m’appelle Mitchell. » Qu’il disait simplement sans se demander si cette information pouvait l’intéresser. « Et vous ? » Ajoutait-il sans perdre son sourire rempli de sympathie.
Norah n'était pas foncièrement gênée d'être abordée par un inconnu. Si ça avait été dans un bar le soir, le cliché aurait été flagrant et elle l'aurait envoyé balader depuis un long moment. Elle disait ce qu'elle pensait, en prenant des pincettes quand elle le voulait bien. Son interlocuteur n'avait pas l'air bien vilain. Et si c'était le cas, il cachait particulièrement bien son jeu. Au premier abord, la jeune femme pourrait même dire qu'elle le trouvait charmant, et agréable à regarder, mais elle ne se faisait pas d'avis trop rapidement car elle savait bien combien les illusions pouvaient parfois être trompeuses. Norah ne se montrait pas méfiante non plus, mais elle restait sur ses gardes. Depuis le décès de son mari, elle était devenu peu loquace et plutôt renfermée sur elle-même lorsqu'il s'agissait de parler de ses émotions. Elle ne s'ouvrait qu'à quelques personnes et cet inconnu n'en faisait pas partie. "Si vous gagnez, nous partageons les gains." rétorqua-t-elle, un brin amusée. Disons qu'elle ne cracherait pas sur de coquettes sommes. Certes, elle disposait encore d'une petite pension suite au décès de Frank, mais elle restait au fond une infirmière qui avait deux enfants à charge et une maison à gérer. Elle n'hésitait pas à cumuler les heures supplémentaires pour arrondir les fins de mois et permettre quelques sorties avec ses bouts de chou. Mais ces derniers temps, les petits trouvaient leur bonheur dans une maison qu'il continuait de découvrir et de s'approprier et savaient larement se contenter des pâtisseries que sa mère faisait régulièrement. Norah était suffisamment douée en la matière pour se permettre d'exposer ses points de vue pour certains mets proposés dans ce restaurant. L'inconnu semblait avoir quelques informations concernant les propriétaires du restaurant, et pas que. Norah arqua un sourcil. "Vous en savez des choses, sur ce restaurant." dit-elle avec un sourire en coin. Elle s'appuyait plus confortablement contre le bar, regardant son interlocuteur. "Ils savent quand même faire quelques pâtisseries particulièrement appétissantes." se permit-elle de répondre. "Loin d'être diététique, par contre." Surtout que celles vendues sur les grandes surfaces ne lésinaient pas en matière d'additifs et de matière grasse. "Je ne suis jamais contre une part de pecan pie, par exemple." Elle avait déjà tenté d'en faire un chez elle, qu'elle avait ramené au travail. Ca n'avait vraiment pas fait long feu. "Je suis d'accord, pour le sucre. Je me permets toujours d'alléger un peu les dosages quand je m'essaie à ce genre de recettes." Au moins, ils étaient d'accord sur ce point là. Norah remercia l'employé qui était de l'autre côté du comptoir lorsqu'il lu avait apporté sa boisson chaude. Elle avait toujours comme réflexe de coller ses mains contre le mug, comme pour se réchauffer (alors que les températures étaient encore bien estivales, même si l'on était bien automne). Le brun révélait qu'il était un client régulier du restaurant et confiait qu'il avait une certaine dépendance à la caféine. Elle se demandait si elle se jouait de lui, en disant cela tout en buvant une gorgée de son expresso. "Vous n'avez pourtant pas l'air de vouloir véritablement arrêter." dit-elle d'un air légèrement moqueur. "Et vous ne me semblez pas plus nerveux que ça." Du moins, de ce qu'elle voyait, il semblait particulièrement détendu, et à l'aise. Sûr de lui et de ce qu'il faisait même. Il ne manquait pas d'assurance, c'était certain. "Si vous parvenez à limiter votre consommation, ce serait déjà un bon début. Sinon, dites-vous que c'est bien moins délétère que l'abuse de tabac, de drogue, ou d'alcool."Norah en avait déjà suffisamment vu pour voir combien les dégâts pouvaient être considérables sur tout un corps humain. Le pire était de cumuler tous les trois. Elle ne pouvait pas lui donner des conseils en plus. Il était connu que le corps médical avait une réputation à avoir une consommation certaine de caféine au fil des heures. Il y avait quelques vaillants rebelles, préférant se désaltérer avec des litres et des litres de thé. Contre toute attente, le bel homme finit par se présenter en toute spontanéité avant de demander le prénom de l'infirmière. "Norah." répondit-elle simplement, avec un sourire tout aussi sympathique que celui que lui donnait le dénommé Mitchell. "C'est loin d'être la première fois que je viens ici, je n'ai pas l'impression de vous y avoir déjà vu." nota Norah. Quoi que depuis quelques temps, elle ne faisait pas trop attention de qui était là ou non. Que si quelqu'un la connaissait, on viendra déjà l'aborder ou la saluer rapidement avant de s'installer à table pour manger. Norah avait pris sa cuillère pour prendre un peu de mousse de lait de son latte macchiato. "Vous avez un très léger accent." Qui n'avait rien de très australien. Norah avait pu faire quelques voyages avec sa famille de par et d'autres d'Australie, certaines prononciations étaient différentes, mais celui de Mitchell ne lui rappelaient rien de cela. Il existait de nombreux expatriés qui désiraient refaire leur vie en Australie, il n'était pas rare de croiser des personnes venant d'autres pays et parfois même, de nations étant à l'opposé du globe. "Si vous complexiez à ce sujet, pas d'inquiétude, c'est assez discret." répondit-elle d'un air amusé. Elle haussa légèrement les épaules. "Je n 'ose même pas imaginer ce que les autres pensent de notre accent à nous." ajouta-t-elle. C'était une note d'exotisme, de différence quelque part. Norah ne critique absolument pas le fait qu'il en ait un, au contraire, elle trouvait ça plutôt charmant, surtout quand c'était aussi discret. "Vous venez d'où ?" Norah se rendait que ça faisait un bout de temps qu'elle n'avait pas pris le temps de se sociabiliser, de faire de nouvelles connaissances. Elle était restée dans un cercle de proches très fermé, n'ayant guère le coeur à fournir un effort supplémentaire. Son emploi l'incitait à se montrer plus bavarde, et son énergie, elle le dépensait dans le relationnel qu'elle avait avec ses patients. Elle avait pris du temps à s'ouvrir à nouveau, à être encline à rencontrer de nouvelles personnes, voir de nouvelles choses. Et sans s'y attendre, et sans qu'il ne puisse le réaliser, Mitchell était la personne qui lui avait fait franchir une nouvelle étape. Tout ça grâce à un latte macchiato.
Mitchell n’imaginait pas pouvoir atteindre sa cible aussi rapidement et facilement, alors qu’il avait demandé à un collaborateur des informations sur la jeune femme pour pouvoir lui tomber dessus et se la mettre dans la poche, il avait été assez surpris de la voir dans son restaurant, à croire que le destin était du mauvais côté et aidait l’Américain à atteindre son but. À ce moment-là, il aurait pu avoir un rire machiavélique pour illustrer la joie qu’il avait à pouvoir mettre son plan en action, mais malheureusement faire cela était uniquement adaptable dans des films ou séries. Son approche avait été plutôt simple, elle ne l’avait pas remballé et c’était déjà un très bon début. Il avait la chance d’avoir un visage qui inspirait la sympathie, lui permettant d’aborder de nombreuses personnes sans qu’ils se doutent une seule seconde qu’il est le diable en personne. Son côté séducteur, l’aidait suffisamment pour faire sourire les femmes et son audace lui permettait de sauter le pas sans hésiter, ce qu’il avait fait aujourd’hui en l’abordant en prétendant deviner ce qu’elle avait commandée pour nouer le contact sans grand mal. Il riait lorsqu’elle lui proposa de partager les gains, alors qu’il affirmait avoir assez de chance pour jouer au loto. « Je pourrai partager, oui, mais il va falloir me convaincre de le faire » Toujours sur un air rythmé par la plaisanterie. Tout était orchestré par son désir d’assurance, mais ne pouvait nier que ça faisait du bien de rire un peu et de découvrir un nouveau visage surtout en ce moment ou la solitude était bien présente pour l’Américain qui avait vu sa femme partir quelques mois plus tôt en claquant la porte et ne donnant aucun signe depuis.
La conversation tournait rapidement sur le sujet de la pâtisserie, Mitchell faisant part à la jeune femme que les propriétaires des lieux sont américain. « Il faut se renseigner de nos jours. » Gardant le sourire. Lui qui avait grandi avec toutes sortes de gâteau plus sucré les uns que les autres, le résultat de deux parents complètement dépassé, ne faisant pas attention à l’alimentation de leurs enfants, il évitait d’en consommer le plus possible, mais avait un grand penchant pour la tarte aux pommes, qu’il élaborait lui-même pour le restaurant. C’était d’ailleurs l’une des rares recette de la famille Strange qui perdurait. « Il me semble qu’il y en a en vitrine, je vous offre une part ? » Qu’il demandait lorsqu’elle affirmait ne jamais être conte une part de pecan pie. « C’est ce qu’il faut, sinon vous arriverez à la cinquantaine avec du diabète ! » Ce qui devait arrivait à bien des Américains, sans parler de l’obésité. Les cafés servis, il prenait une gorgée de son expresso sans trop attendre, alors qu’il confiait abuser du café. « Il ne faut pas se fier aux apparences. » Et c’était le cas de le dire, les apparences pouvaient être trompeuses et c’était déjà le cas. « Ne me jugez pas, mais j’ai également un petit penchant pour la cigarette. » Qu’il disait d’un air angélique. « Mais je suis d’accord avec vous, il faudrait que je limite ma consommation.» Il avait bien intérêt à y penser réellement, surtout que l’alcool était également un penchant qui lui collait à la semelle, mais il se retenu de lui en faire part pour ne pas passer pour un pochtron. Elle se présentait, après qu’il lui ait demandé son nom. Bien sûr, il savait déjà que Norah était son prénom et connaissait même son nom de famille et son adresse. « Ravi de vous rencontrer Norah, c’est un très joli prénom ! » Dit-il avec le sourire. Elle n’avait pas le souvenir de l’avoir déjà croisé, peut-être qu’elle n’avait pas fait attention ou que le patron des lieux était enfermé dans son bureau, ce qu’il faisait souvent durant les services. « Je suis pourtant souvent dans le coin, mais je ne peux pas vous en vouloir, je suis plutôt discret la plupart du temps. » Prenant une gorgée de son café avant de regagner son regard lorsqu’elle lui fit part de son accent. « Est-ce que vous savez garder un secret ? » Qu’il demandait sourire en coin avant de chuchoter. « Je suis américain. » Dit-il. « Moi qui pensai me fondre dans la masse, je suis déçu ! » Qu’il ajoutait. « Même très déçu. » Plaisantant sur le côté dramatique. « Et sinon, que faites vous dans la vie ? Si ce n’est pas trop indiscret. » Bien sûr, il le savait déjà.
Norah se devait d'admettre que son interlocuteur avait un certain charisme. Non pas qu'elle se laissait charmer facilement, loin de là. Mais elle le reconnaissait. Son frère jumeau avait déjà tenté quelques fois de lui faire comprendre qu'elle avait le droit de passer à autre, qu'il n'y avait rien de mal à cela. La brune avait beau toujours prendre très à coeurs les mots de Caelan, mais ceux là étaient encore trop difficiles à entendre et à accepter. Elle restait enfermée dans cette fidélité qu'elle avait encore pour son ex-mari et qui l'empêchait d'avancer correctement. Mais personne ne cherchait à la précipiter, loin de là. Son entourage la soutenait, l'observait, faisait en sorte qu'elle ne finisse pas par se noyer par son propre chagrin. Il semblerait toutefois qu'elle parvienne enfin à remonter un petit peu la pente. Sinon, elle ne serait pas là, à entretenir une conversation avec un inconnu aux allures sympathiques. Elle serait venue boire son latte macchiato, mais avec une tête qui laissait deviner qu'il ne valait pas mieux la déranger. Et que si quelqu'un se faisait insistant, elle ne se gênerait pas pour l'envoyer paître. "Vous ne sauriez pas quoi faire de tout cet argent, autant le partager avec quelqu'un." rétorqua Norah directement, avec un sourire discret et amusé. Elle ne cracherait pas dessus, loin de là. Elle s'en sortait financièrement, mais ce n'était pas évident. Avec le décès de Frank, elle touchait une petite pension et son salaire était loin d'être le meilleur qui pouvait exister. Elle faisait quelques remplacements pour arrondir les fins de mois et offrir le meilleur à ses deux enfants. Leur bonheur n'avait pas de prix et elle se démenait autant que possible pour qu'ils ne se défassent jamais de leur si beau sourire. Un rictus dont Mitchell ne semblait pas vouloir s'en défaire non plus, à aucun moment. Il semblait être particulièrement bien renseigné, chose que l'infirmière avait rapidement remarqué et qu'elle ne manquait pas de partager afin de tenter de décrypter un petit peu ce mystérieux individu. "Il faut se renseigner, certes, mais encore faut-il avoir des informations correctes." se permit-elle de répondre. Car les fausses données était monnaie courante et il fallait savoir trier ce que l'on récoltait. Discerner le vrai du faux. Norah, à force d'expérience dans le métier, devinait facilement quand un patient lui fournissait de fausses informations sur les circonstances d'un accident par exemple. Les soignants n'étaient pas dupes et elle était toujours étonnée qu'il existe encore des énergumènes espérant faire gober des mensonges au moins aussi gros qu'eux au personnel soignant. "Volontiers." répondit-elle après un moment de réflexion quand Mitchell lui proposait de prendre une part de pecan pie. Elle le trouvait particulièrement galant, d'offrir ainsi un met à une personne qu'il venait à peine d'aborder. Et puis, une part de tarte, ça ne faisait de mal à personne. Le brun passait donc commande auprès de l'employé une fois qu'ils avaient eu leur boisson chaude respective. "Je ne juge pas." lui assura Norah avec un certain sérieux. "J'estime que les fumeurs en entendent bien assez autour d'eux pour connaître les effets de la cigarette. S'ils connaissent les risques, c'est déjà ça, mais je ne me permettrais pas de vous faire la moral à ce sujet." Norah haussa les épaules. Les fumeurs étaient grands et vaccinés et les campagne pour la lutte contre le tabac allait bon train dans le monde entier. Ils étaient prévenus, ça n'appartenait qu'à eux de décider de ce qu'ils voulaient faire de ces informations là. Dans tous les cas, Norah respectait leur choix, à condition que leur entourage n'ait pas à subir leur addiction de quelque façon que ce soit. Elle encourageait ceux qui avaient la volonté d'arrêter, mais elle ne se permettait pas de critiquer ceux qui préféraient poursuivre dans une autre voie. "Mais si vous en avez effectivement la volonté, vous avez alors tous les moyens pour y parvenir." lui dit-elle d'un ton calme, le sourire aux lèvres. Elle ne pouvait pas se mettre à sa place. Elle connaissait des outils, des moyens pour compenser le manque jusqu'à ce que ça passe, mais elle ne pouvait pas lui donner la détermination et le courage nécessaire pour parvenir jusqu'au bout de ce long processus. "Merci." répondit-elle au compliment. Mitchell reconnaissait qu'il aimait se faire discret et ne semblait pas particulièrement choqué ou offensé que Norah ne l'ait jamais remarqué. "Je viens bien moins souvent ici qu'avant. Et quand j'y viens, je reste souvent dans ma bulle." reconnut-elle. "Je ne suis pas tous les jours d'humeur très sociale." Depuis 2016, elle avait plutôt tendance à se renfermer sur elle-même et il n'était pas nécessaire qu'elle dise quoi que ce soit pour faire comprendre qu'il ne valait pas mieux l'embêter durant ces moments là. "Mais apparemment aujourd'hui, je le suis, ça fait peut-être de vous quelqu'un de chanceux. J'en sais rien." dit-elle alors, un brin amusé. Trahi par son accent, l'homme se devait d'admettre qu'il était originaire des Etats-Unis. "Les accents ont la peau dure." assura Norah. "Qu'importe la date où vous avez mis pour la première fois le pied en Australie." Norah se souvenait de cette patiente avec qui elle avait un jour discuter. Malgré le fait qu'elle avait quitté sa terre natale, la Sicile, à l'âge de 13 ans, son accent était toujours bien remarquable et elle ne parvenait pas à s'en défaire, même à plus de cinquante ans. "Ca fait une petite touche d'exotisme. Quoi que notre accent doit l'être sacrément pour vous aussi." Il n'était pas le plus délicat qui soit. Celui de Norah n'était pas plus marqué que d'autres, comparé à son père, qui lui avait un accent particulièrement prononcé. "Je suis infirmière. En service de réanimation." Service où les patients étaient dans un état critique et qui nécessitait une surveillance continue, des soins particulièrement techniques avec des appareillages complexes. Beaucoup de fils et de tuyaux, vraiment beaucoup. "Et je fais des remplacements ici et là dans l'hôpital quand il y en a besoin." ajouta-t-elle avec un vague haussement d'épaules, avant de boire une gorgée de son latte macchiato. "Il y a pas mal d'actions et il y a largement de quoi faire, j'aime bien." A dire vrai, Norah ne se voyait pas faire autre chose. Certains parlaient de vocation mais elle n'était pas tout à fait d'accord avec cette idée. Oui, certains étaient faits pour ce métier, et d'autres, pas du tout. "Et vous ?" demanda-t-elle à son tour, estimant qu'elle était aussi en droit de savoir ce qu'il faisait dans la vie. "Et qu'est-ce qui vous à amené en Australie ?" Les Etats-Unis, c'était le rêve américain. La diversité des ses paysages, l'espoir de percer pour avoir une carrière professionnelle incroyable à en rendre jaloux plus d'un. "Je ferai toujours des éloges de mon pays et de Brisbane et je comprends ceux qui veulent venir s'expatrier ici. Mais vous m'avez l'air d'être quelqu'un de plein de ressources, et qui aime être renseigné comme vous me l'avez dit tout à l'heure." commenta-t-elle, le fixant du regard. "Déjà de sacrés atouts pour réussir à faire sa vie dans votre pays natal. Alors, qu'est-ce qui a fait que vous aviez décidé de venir ici, et d'y rester ?" Pour le peu d'informations qu'elle avait, Norah était intriguée par ce personnage. Et elle voulait en savoir plus, par curiosité, pour lever un peu le mystère.
Financièrement, Mitchell n’avait pas vraiment de quoi se plaindre, le restaurant lui rapportait suffisamment pour vivre honnêtement et le Club l’enrichissait chaque jour de plus en plus, faisant de lui un homme plutôt riche, mais il ne s’en vantait pas, il restait discret à ce sujet et ne s’affichait pas avec de grosses voiture valant des milliers de dollars, non, ce n’était pas vraiment son genre, puis il n’était pas assez con pour attirer le regard vers lui aussi bêtement. Il faisait usage intelligemment de son argent en investissant dans l’immobilier après avoir blanchi son argent sale ou en le dépensant au poker, ce qui était moins intelligent, mais qui pouvait lui rapporter gros si la chance était de son côté. Il avait un jour sombré dans le jeu compulsif alors qu’il était allé se perdre dans un casino, lui rappelant par la même occasion son passé à Las Vegas, bien que le Casino australien n’avait pas vraiment de quoi arriver à la cheville de ceux de la capitale du vice. Il s’était installé plutôt confiant pour un tournoi de poker et n’avait pas accepté l’idée de perdre, misant sans cesse jusqu’à que sa conscience le rattrapa au galop le forçant à se stopper. Depuis ce jour, il avait évité les casinos et s’était contenté des tournois de poker clandestin qui avaient lieu une fois par mois à Brisbane. « Ce n’est pas faux et je vous avoue que je n’ai pas envie de faire partie du genre de personne qui dépense tout dans une grande maison, une belle voiture et dans des bijoux, vous voyez le genre, le bon moyen de revenir à la case départ. » Il s’agissait de sa réelle façon de penser, pourquoi mentir là-dessus après tout ? « Du coup, je n’hésiterai pas à partager, si ça peut servir à quelqu’un. » Qu’il ajoutait avec un sourire franc. Mitchell tentait de se racheter une conscience en faisant un don chaque année à une association, anonymement. À croire que cela allait l’aider à lui éviter un séjour en enfer. Séjour réservé depuis déjà bien longtemps.
L’Américain était du genre à être paranoïaque, se renseignant sans cesse sur tout et pour tout. Il avançait dans la vie avec la crainte de se faire avoir, de recevoir un couteau dans le dos et ne pouvait pas dormir sur ses deux oreilles s’il n’avait pas conscience de ce qui se tramait autour de lui. C’est ce qu’il avait fait avec l’inspecteur Zehri, creusant dans sa vie au maximum cherchant de quoi le contrer s’il devait la lui faire à l’envers. Norah fut celle qu’il avait choisie pour occuper le rôle de l’otage dans cette histoire. Mitchell était bien décidé à se la mettre dans la poche et était sur le bon chemin pour y arriver, puisqu’elle ne lui avait pas encore tourné le dos et avait accepté volontiers sa proposition pour une part de pécan pie. Il n’avait pas tardé à passer la commande et avait replongé ses yeux sur les traits du visage de la jeune femme, ne pouvant nier qu’elle était plutôt agréable à regarder, se demandant en même temps s’il y avait quelque chose entre elle et Anwar, ce qui expliquerait la raison qui l’avait poussé à faire un pacte avec le diable. « Vous n’avez pas tort, l’information peut facilement être manipulé.» Les sources n’étaient plus aussi fiables qu’à l’époque, avec internet et les médias, il était vraiment difficile de faire confiance aveuglement aux informations. Le brun prenait une gorgée de son expresso, songeant à en demander un autre durant quelques secondes, alors que la conversation s’était centrée sur la cigarette alors qu’il avait avoué avoir un penchant pour celle-ci, sans entré dans les détails qui aurait fait de lui un stressé de la vie accroc au café, à la cigarette et au whisky, ce qui n’était pas le but, puisqu’il devait se faire apprécier par la jeune femme et non l’inverse. « Les gens devraient s’inspirer de vos pensées au lieu de pointer du doigt toute personne avec une cigarette à la main. » Il la flattait, mais appréciait sa façon de penser, bien qu’il n’insista pas sur ce sujet, puisqu’il n’était pas prêt à mettre un terme à la nicotine.
Mitchell ne faisait pas vraiment attention à la clientèle, étant juste de passage la plupart du temps et sans un coup de pouce du destin, il n’aurait sûrement pas fait attention à la présence de Norah dans son restaurant, ce qui au final n’était pas très surprenant puisqu’elle affirmait être dans sa bulle lorsqu’elle venait et souvent d’humeur peu sociale, mettant le doigt sur le fait qu’il devait être chanceux puisqu’elle était d’humeur à discuter avec lui. « Ah bah vous voyez ! Quand je disais avoir de la chance aujourd’hui. » S’exclamait-il, ne cachant pas l’air amusé qui s’afficha sur son visage. « Ça veut dire que vous m’aurez envoyé bouler si on avait été un autre jour ? » Qu’il demandait en rigolant avant de se faire trahir par son accent américain qui après treize ans était bel et bien toujours là. « Vous venez de gâcher ma journée ! » toujours avec humour. « Mais j’avoue que votre accent me paraissait très étrange à mon arrivée en Australie, mais on s’y fait avec le temps. » Il se souvenait avoir eu du mal des fois à se faire comprendre, alors qu’il s’agissait de la même langue, mais avec une autre prononciation. « Vous œuvrer à sauver des vies, c’est un très beau métier, très utile, mais ce n'est pas difficile quelques fois ? » Il pensait ce qu’il avançait, le corps médical avait bien du courage et devait sûrement faire face à des situations peu confortables. Elle lui demandait ensuite ce que lui faisait dans la vie, devait-il lui mentir ou avouer qu’ils étaient sur son terrain de jeu ? Il terminait son expresso d’une traite. « Je suis chef d’entreprise.» Qu’il disait simplement avant qu’elle lui demande ce qui l’avait poussé à venir vivre en Australie. Les Etats-Unis auraient pu lui ouvrir de nombreuses porte et auraient fait de lui sûrement quelqu’un de respectable, mais la chance n’avait pas été avec lui et la fuite avait été nécessaire. « J’ai quitté les Etats-Unis par amour et je ne le regrette pas, je me sens ici bien mieux qu’aux Etats-Unis, bien que ça me manque des fois. » Oui des fois ça lui manquait la grandeur de son pays natal, mais sa vie était ici maintenant et sa femme était en fuite, donc bon. « J’ai quelque chose à vous avouer. » Qu’il disait, voulant finalement changer de sujet, redoutant surtout qu’elle s’intéresse de plus prêt à cet amour qui l’avait traîné jusqu’ici. Il se penchait vers elle pour lui chuchoter quelques mots. « C’est mon restaurant. » Son aveu fait, il reprenait de la distance espérant qu’elle ne prendra pas mal le fait qu’il n'ai pas dit la vérité tout de suite, bien qu’il n’avait pas réellement menti.
Si une personne lambda était venue dire à Norah quelques jours plus tard qu'elle allait rencontrer une des grandes têtes de la pègre et du commerce de drogue de Brisbane, et devenir un élément de pression si Anwar venait à retourner sa veste après avoir passer un pacte avec le diable, elle vous regarderait avec un haussement de sourcils perplexe et certainement moqueur, n'y croyant pas une seule seconde. Ce genre de scénarios là, ça n'arrivait que dans les films, ou les séries télévisées. Pas dans la vie de tous les ours. Pourtant, elle en vivait, des situations inattendues sur son lieu de travail. L'hôpital était un rassemblement de personnes de toute origine, chacun ayant sa propre histoire. Et quand on finissait à l'hôpital, ce n'était pas pour une simple égratignure (quoique), et il y avait souvent des histoires qui y étaient associées. Des contes improbables, des anecdotes qui rendaient chaque situation, chaque personne, encore plus unique qu'elle ne l'était déjà. Norah se doutait bien que Mitchell devrait avoir sa propre particularité, sa propre histoire, mais elle était bien loin du compte. Pour le moment, elle ne pouvait que dire que c'était un inconnu dont elle faisait connaissance et qui lui semblait sympathique. "Voilà qui serait un geste bien généreux de votre part." répondit-elle avec un fin sourire amusé. Mitchell n'avait l'air d'être quelqu'un de superficiel et il venait de le confirmer par ses paroles. "Personnellement, je serais du genre à en faire profiter les enfants. Mettre une partie de côté pour leurs études plus tard, une autre partie pour rembourser le reste de la maison, et une autre pour nous offrir deux ou trois semaines de vacances quelque part." Sans avoir à regarder le porte-monnaie, sans se dire que le reste du mois allait être compliqué à gérer. Norah mentirait disait si elle ne voulait pas vivre deux semaines avec cette facilité là. Julie, sa fille aînée, n'arrêtait pas de parler de Disney World et son petit frère se lançait parfois dans les mêmes discours. "Le genre de discours que tout parent doit partager, en somme." s'amusa-t-elle à dire. Ce n'était rien de fou, ce qu'elle désirait, au fond. A part ramener Frank à la vie, mais cela relevait de l'impossible. Un souhait inavouable et irréalisable et elle évitait de trop s'attarder sur ce genre de pensées, qui la replongeait souvent dans son chagrin, face à cette perte qu'elle peinait toujours à surmonter. Gérer seule deux enfants n'était pas facile, Norah s'en sortait tant bien que mal, mais au fil du temps, elle ressentait une certaine fatigue, ne se permettant que peu d'opportunités pour lâcher prise et se décharger de ses responsabilités et se permettre d'avoir des instants de faiblesse. Le brun la scrutait du regard, un brin curieux et intéressé. "J'espère que vos sources sont fiables, alors." répondit l'infirmière par rapport aux informations erronées que l'on pouvait entendre. "Les rumeurs vont bon train, surtout celles où on peut tout exagérer, pour que ce soit plus intéressant." Ou pour se rendre plus intéressant, surtout. "Je ne vous raconte pas les énergumènes qu'on peut croiser aux urgences." commenta-t-elle, à la fois lassée et amusée de constater qu'il y en avait toujours qui espérer faire gober aux soignants des mensonges aussi gros qu'eux. "Ils viennent blessés de quelque manière que ce soit, ils inventent un scénario parce que l'original doit certainement être trop embarrassant. Sauf qu'on est pas dupes. Et en constatant les blessures, on peut facilement deviner que ça ne s'est pas passé comme ça." Problème d'ego, de fierté, qu'importe. Les persévérants avaient tendance à amuser Norah. Il lui était déjà arrivé de faire semblant de les croire, jusqu'à ne plus pouvoir s'empêcher de poser une question qui allait court-circuiter le cheminement d'une histoire rapidement inventée. "Les gens ont généralement la jugeote facile et adorent être de grands moralisateurs." dit Norah en guise de réponse. Elle n'était pas là pour sermonner le monde entier sur les méfaits de la cigarette. Certains voulaient se la jouer en insistant, en parlant d'expériences ou de témoignages divers et variés. Cette technique, aux yeux de l'infirmière, était particulièrement contre-productive. "Ca doit leur prodiguer un sentiment de supériorité, quelque chose comme ça." Elle haussait les épaules. Norah n'appréciait pas vraiment les gens là, et cela était apparemment le cas de Mitchell également. Joanne prit une cuillère afin de prendre un morceau de la part de pecan pie que le serveur venait tout juste de leur apporter. Pendant sa dégustation, son visage restait neutre. Non pas qu'elle ne s'intéressait pas aux saveurs de ce met, mais elle prêtait plus d'attention à ce que son interlocuteur lui racontait. "Très certainement, oui." dit-elle sans détour, en réponse à sa question. "Mon frère dit toujours que je n'ai pas besoin de dire quoi que ce soit pour faire comprendre que je n'ai pas envie d'être abordée." Caelan était l'un des mieux placés pour savoir quels étaient les bons moments pour lui parler dans ces cas-là, à repérer les failles, à comprendre pourquoi elle n'était pas d'humeur ce jour là plus qu'un autre. "Je pense que nous n'avons pas le pire accent qui soit." Celui qu'elle aimait le moins était bien l'accent texan. Les Américains vivant dans l'Etat là avaient quelques défauts de prononciations, ce qui rendaient leur discours parfois assez dur à déchiffrer. Comme s'ils ne prenaient même plus la peine d'articuler. Mitchell semblait avoir un véritable intérêt et de l'admiration pour le métier de Norah. "Parfois, oui." lui répondit-elle avec un vague haussement d'épaules. "Tout le monde parle de vocation. Que ce genre de métiers, si on ne l'aime pas, on ne peut pas l'exercer. C'est en partie vrai je suppose." Elle regardait la surface de son latte macchiato d'un air songeur. "Et il y aura toujours des situations qui nous toucheront plus que d'autres, qui nous affecteront parfois pour le reste de notre vie. Mais c'est normal, on est humains, pas des robots. Encore heureux." Ses yeux se relevaient vers lui. "J'ai des collègues qui vivent avec des sentiments d'injustice, voire même d'impuissance. A se demander pourquoi est-ce qu'un enfant aurait un cancer, pourquoi est-ce qu'un jeune adulte en pleine santé s'est-il fait percuter par un chauffard ayant perdu le contrôle de son véhicule, pourquoi est-ce qu'une personnage âgée perd la mémoire au point de ne plus reconnaître ses propres enfants alors qu'une autre, du même âge, parvient encore avec une promenade de plusieurs kilomètres tous les jours, etc." Son regard devint temporairement triste. Elle aussi avait son lot de questions. Pourquoi Frank ? Cette inconnue là la taraudait encore quotidienne. L'injustice qu'elle vivait au plus mal, c'était bien celle-ci. "Je me pose aussi des questions. Comme beaucoup, il y a des éléments dont j'aimerais pouvoir connaître les raisons. Mais la quête d'injustice ne va pas aider ce petit à guérir de son cancer, ce jeune à retrouver peut-être un jour l'usage de ses jambes, cette vieille personne à lui offrir la plus belle vie qui soit pour ses dernières années. Je préfère voir le verre à moitié plein, et que, si ce n'est pas envisageable, d'accompagner patient et famille pour les derniers jours." Norah n'avait pas de soucis avec la mort en tant que tel. Elle n'avait pas vu mourir Frank. Quand elle avait vu sa dépouille, son corps était froid depuis bien longtemps. "Alors parfois, ou, il faut qu'on évacue toute cette charge mentale. Mais on a tendance à oublier les bons côtés." Elle pensait à ses collègues et à Alfie. "Il y a de belles rencontres, des instants de partage, et de rires. C'est un enrichissement personnel. Les patients en bavent déjà assez une fois qu'ils sont hospitalisés et pour certains, nous sommes leur seul lien avec le monde extérieur. Alors, autant leur montrer que tout ne va pas si mal que ça." L'optimisme, Norah le gardait pour les autres, pour ceux qui, à ses yeux, en avaient bien plus besoin qu'elle. Elle était enlisée dans son deuil et cela restait son problème. En dehors d'Alfie, aucun patient ne savait qu'elle était veuve, avec depuis deux enfants à charge. Mitchell, lui, jouait dans une toute autre cour. Le statut de chef d'entreprise lui allait plutôt bien, pour Norah. "Rien ne vous empêche d'y retourner, ne serait-ce que pour deux semaines de vacances." se permit-elle alors de dire lorsqu'il parlait de son pays natal. Ses racines lui manquaient, mais il semblait malgré tout bien le vivre. Le mal du pays n'était pas toujours facile à endurer. Elle se demandait bien quel était sa recette à lui pour affronter ce malaise là. Norah ne put s'empêcher de laisser un tout petit rire s'échapper de sa bouche lorsque le brun lui confessa qu'il était en fait à la tête du restaurant. "Vous devez me haïr alors, moi qui ai osé critiquer les pâtisseries qu'on y sert." s'amusa-t-elle à dire en arquant un sourcil. Si ça avait le cas, Mitchell le lui aurait certainement dit bien plus tôt qu'à présent, donc elle s'imaginait bien qu'il n'allait pas la jeter dehors plus tard. "Donc, pour résumer, vous êtes venu en Australie par amour et vous avez fini par ouvrir un restaurant qui m'a tout l'air de très bien tourné." dit-elle en regardant toute la clientèle présente dans la salle dans laquelle ils se trouvaient. Norah n'allait pas demander quoi que ce soit par rapport à Mitchell et ses histoires d'amour. Elle savait que ça pouvait être un sujet sensible et qui pouvait facilement plomber l'ambiance. Elle ne se voyait pas ruiner cette conversation en précisant que son époux était décédé. Peut-être qu'entre temps, le brun avait eu le coeur brisé, qu'il n'était plus avec sa moitié. De nombreux scénarios étaient plausibles. "Mais vous m'avez l'air d'être quelqu'un qui a envie de plus. Je ne vous connais pas très bien mais j'ai l'intime conviction que vous êtes quelqu'un d'ambitieux. Qu'un restaurant à succès ne vous suffirait pas. Je me trompe ?" lui demanda-t-elle, intéressée de savoir quels pourraient être ses autres projets.
Des fois Mitchell se demandait s’il aurait pu faire un bon comédien, alors que sa vie se résumait la plupart du temps à jouer un rôle. Il pouvait très bien endosser le rôle du méchant, le plus utilisé d’ailleurs, mais également celui d’un homme fort sympathique, ce qu’il était au fond, il n’y avait aucun doute là-dessus, bien que peu le connaissant pouvait réellement le montrer du doigt en affirmant qu’il est du genre à transpirer la sympathie, non, la plupart le redoutait bien assez pour s’aventurer dans ce genre de questionnement, ils le connaissait uniquement comme étant le diable en personne et s’arrêtaient à cette terrible image qu’il se donnait un malin plaisir à communiquer. Oui il aurait sûrement pu prétendre à devenir acteur, un très bon acteur, mais il avait laissé le rêve américain loin derrière lui, se contentant d’utiliser ses atouts dans la vraie vie, comme à cet instant ou il avait approché Norah avec l’unique idée en tête de se la mettre dans la poche, connaissant les grandes lignes de son histoire, ce qui était un atout, puisqu’il pouvait converser avec elle en ayant une longueur d’avance. Il avait connaissance de l’essentiel sur sa vie, il savait qu’elle avait perdu son mari, qu’elle se retrouvait seule avec ses deux enfants à Logan city et qu’elle travaillait à l’hôpital en tant qu’infirmière. De quoi la traquer au maximum. Il aurait pu l’approcher de diverses façons, il aurait même pu l’enlever et la mettre sous le nez de l’inspecteur tel un appât pour s’assurer qu’il n’y avait pas anguille sous roche, mais ce n’était pas assez malin et il en avait conscience. Il devait garder Norah sous le coude le plus longtemps possible, sans en parler au principal intéressé, gagnant sa confiance pour avoir un réel moyen de pression et c’était plutôt bien partie, puisqu’elle ne lui avait pas tourné le dos lorsqu’il l’avait abordé au comptoir. Parler d’argent était courant pour l’américain, mais parler de générosité l’était moins. Il pouvait être généreux, il n’y avait aucun doute là-dessus puisqu’il tendait sa main à de nombreuses jeunes femmes dans le besoin, leur offrant un toit et quelques billets en échange de services de leur part, il faisait un don de temps à temps à une association, un moyen de se racheter une conduite, mais ne mettait pas le mot générosité sur ces actes, c’était plutôt une bonne action pour racheter un pêché, nuance. Lorsqu’elle lui faisait part de ce qu’elle ferait de cette argent, Mitchell ne pu s’empêcher de boire chacune de ses paroles. C’était une femme bien, ça s’entendais. Ses enfants sont une priorité, il n’y a aucun doute là-dessus, il e certain, l’idée de se servir des enfants comme moyen de pression lui traversa l’esprit, mais il chassa très rapidement cette idée de sa tête, c’était hors de question, les enfants il n’y touchait pas, c’était l’unique terrain ou il restait intègre. Avoir des enfants c’était un sujet qui lui traversait l’esprit de temps en temps, mais la réalité revenait très vite au galop, sa vie n’était pas faite pour accueillir un bambin et il ne ferait sûrement pas un bon père de toute façon qu’il se disait. « C’est très honorable, les enfants font partie de l’avenir et pouvoir leur offrir le meilleur ça doit être le désir de chaque parent. » Du moins c’est ce qu’il imaginait. « Vous avez combien d’enfants ? » Qu’il demandait, citant dans sa tête la réponse qu’elle allait lui donner bien avant qu’elle lui réponde.
L’Américain avait pour habitude d’entendre des bruits de couloirs dans son domaine et devait lutter pour faire le tri du vrai et du faux. Il s’était fait avoir une fois, alors qu’une source censée être fiable lui avait fait part d’une trahison à venir d’un de ses collaborateurs, il avait sauté en plein dans la marre et avait voulu lui donner une bonne leçon en faisant un pacte avec un policier ripoux pour lui faire une frayeur. Malheureusement, tout avait mal tourné et l’homme en question qui était le petit ami de sa collaboratrice de confiance : Raelyn, avait voulu faire la malin en pointant une arme vers les policiers et toute l’histoire se termina dans un bain de sang, le sien. Mitchell s’en était énormément voulu et s’en voulait encore et se cachait bien de dire toute la vérité. Jusque-là, il ne savait pas si les désirs de fuite de son collaborateur et ami était vrai et devait vivre avec cette idée, tout ça à cause d’un dire. Il ne pouvait pas nier les paroles de la jeune femme et l’écoutait avec beaucoup d’attention. Alors qu’elle mettait le point sur le fait que de nombreuses personnes n’hésitait pas à mentir sur la véritable raison qui les avaient poussés à se rendre aux urgence, ce qui le fit sourire légèrement. Ça l’amusait un peu, non pas parce qu’il pouvait trouver ridicule ce genre d’inventions, mais bien parce qu’il lui était arrivé à lui-même de devoir se rendre aux urgences suite à un règlement de compte ayant mal tourné et qu’il ne pouvait en aucun cas se confier sur les véritables raisons de ses blessures sous peine d’attirer les interrogations du personnel soignant et de s’attirer des ennuies, ce qu’il ne pouvait bien sûr pas avouer à la jeune femme. « Certaines personnes doivent se blesser tellement ridiculement, que je pense qu’à leur place on inventerait aussi tout un scénario, mais en faisant attention aux détails pour que cela paraisse un minimum crédible. » qu’il confiait sous un ton amusé. « Mais j’imagine qu’à force ça doit être lassant ! » Constatait-il finalement, ne s’imaginant pas une seule seconde supporter la moitié de ce qu’elle devait supporter au sein des urgences. Il acquiesçait de la tête lorsqu’elle lui fit part de ce qu’elle pensait des moralisateurs concernant la cigarette, n’ajoutant rien de plus à ce sujet. Il ne comptait pas arrêter de si tôt de toute façon. Elle confia ne pas être d’humeur sociable la plupart du temps et il ne pu s’empêcher de plaisanter à ce sujet en mettant en avant le fait qu’il avait eu de la chance en l’abordant. A vrai dire, il avait déjà eu de la chance de tomber sur elle par hasard, alors qu’il envisageait tout un stratagème pour l’approcher. Il se doutait des raisons qui pouvaient la pousser à ne pas parler au premier venu, c’était tout à fait logique vu que son époux n’était plus présent. Il gardait ses pensées pour lui et s’intéressa au métier qu’elle pratiquait, ne manquant pas de complimenter celui-ci. Il trouvait qu’il fallait beaucoup de courage pour pratiquer un tel métier et n’imaginait pas les heures de travail qu’elle devait effectuer à œuvrer pour faire le bien, soigner tout ces gens et surtout garder patience face à de nombreuses situation. « Il faut beaucoup de courage pour ce que vous faites, faire face à tout ces patients malades, ça ne doit pas être une partie de plaisir, mais l’important c’est que vous fassiez votre possible pour leur venir en aide et rien que pour ça vous méritez toute la reconnaissance du monde. Alors, oui, tout ne se termine pas toujours très bien, mais c’est la vie qui est ainsi, on y passera tous. » Bien sûr, la plupart du corps soignant ne devait pas faire ça pour s’attirer des louanges. Mitchell n’avait pas peur de la mort, il la côtoyait de très près chaque jour. « Vous devez vraiment aimer ce que vous faites en tout cas. Est-ce que c’est un métier que vous avez toujours voulu faire ? » Qu’il lui demandait, faisant finalement signe au serveur derrière le comptoir pour qu’il lui serve un autre expresso avant de se confier à son tour sur ses origines et son statut professionnel, avouant finalement être le patron des lieux. « J’y pense souvent, mais je me dis qu’il n’y a plus rien pour moi là-bas, ma vie est ici maintenant et je dois avouer que je ne garde pas de très bon souvenirs de ma vie passée là-bas, puis il y a tellement d’autres pays à visiter ! » Il se confiait suffisamment pour apparaître comme une personne de confiance auprès de Norah, mais n’entrait pas plus dans les détails, son passé n’était pas rose et elle n’avait pas besoin d’en savoir plus. « Est-ce que vous voyagez ? » Lui demandait-il avec le sourire. « Ne vous en faites pas pour ça, je suis le premier à les critiquer ! » Il laissait échapper un petit rire, alors qu’il parlait de la pâtisserie américaine forte en glucide. « C’est exactement bien résumé. Je suis ici depuis maintenant treize ans et je m’y sens très bien. Le restaurant ce n’était pas le plus grand rêve de ma vie, mais finalement j’aime m’y investir à fond pour le faire tourner.» Il aurait sûrement choisi d’ouvrir un garage s’il s’était écouté treize ans plus tôt, mais le restaurant était la meilleure solution pour se fondre dans la masse, puis son frère Alec vouait une grande passion à la cuisine. Quant à son histoire d'amour, il gardait le silence à ce sujet, c'était bien trop personnel pour tout déballer à une inconnue. Elle mettait finalement le doigt sur un sujet un peu plus sensible. Son ambition. Certes, le restaurant n’était qu’une partie de ses activités, mais il ne comptait pas lui dire haut et fort qu’il était un chef de gang. « Vous êtres très observatrice ! » Qu’il rétorquait avec le sourire. « J’ai investi dans l’immobilier, un domaine très intéressant si on oublie la chute qui a eu lieu il y a quelques années. » C’est tout ce qu’il comptait lui dire sur ses activités, laissant l’illégal de côté. Il ne comptait pas non plus se vanter de la rentabilité de l’immobilier, il n’était pas là pour ça. « Et sinon, Norah, mise à part le fait d’être infirmière, vous avez des passe-temps dans la vie ? » Qu’il demandait avant de remercier le serveur pour le café qu’il venait de déposer devant lui.
Les enfants de Norah étaient la prunelle de ses yeux. Deux preuves vivantes que la vie valait la peine d'être poursuivies même si chaque jour tentait de prouver les contraire. S'ils n'étaient pas là, la jeune femme aurait été incapable de gérer la disparition de son époux. Ses frères et Anwar auraient à dépenser toute leur énergie pour ne pas la voir couler et n'être plus qu'un corps dépourvu d'esprit. Elle aurait été vidée, sans perspective d'avenir, sans même envisager le fait qu'une fois ses blessures guéries, elle pourrait peut-être trouver quelqu'un qui la rendrait heureuse à nouveau. Elle aurait été anéantie de ne pas avoir eu l'opportunité de fonder une famille avec Frank. Mais Julie et Aidan étaient là, et ils étaient la meilleure raison de vivre qui soit pour leur mère. "J'en ai deux." lui finit-elle par dire, avec un léger sourire. "Une fille, Julie, qui va avoir dix ans." Qui avait plus le physique de sa mère. Brune aux yeux clairs, au tempérament posé qui savait imposer sa volonté. Elle était très facile à vivre, à se plonger dans ses bouquins et s'inquiéter un petit peu trop pour ses résultats à l'école. "Elle a un petit frère, Aidan, qui a cinq ans." Aidan était par contre le portrait craché de son père, en témoignait ses cheveux roux. Il était plus énergique, particulièrement maladroit. Il tombait tout le temps (et Alfie l'y encourageait, en plus). Globalement, ses deux enfants s'entendaient plutôt bien. L'absence de leur père finirait par leur peser un jour ou l'autre. Plus à Julie qu'à Aidan, qui ne devait qu'avoir que très peu de souvenir de lui. Il n'avait que deux ans, le soir du 31 octobre 2016. "On ne s'ennuie pas, avec eux." Tout comme elle ne s'ennuyait pas sur son lieu de travail. Aller aux urgences n'était pas ce qu'elle préférait, mais il fallait dire qu'elle s'amusait parfois des raisons pour lesquels les personnes étaient dans l'obligation de s'y rendre. Des histoires qu'ils ne voulaient pas admettre aux soignants, qu'ils voulaient cacher à leur famille. "Les raisons de leur venue sont multiples et variées, je vous assure." Que ce soit accidentel, expérimental ou voulu, il y avait un petit peu de tout. "Je pense qu'ils ont surtout peur d'être jugés trop ardemment en avouant ce qu'ils ont fait." Elle haussait les épaules. La honte était une émotion difficile à gérer et à ressentir. Le regard des autres pesait constamment. "Disons que c'est surtout le fait qu'ils pensent que nous sommes suffisamment stupides et niais pour croire leurs mensonges." Mais la plupart du temps, ils finissaient par avouer la vérité. Selon les cas, c'était essentiel pour une prise en charge optimale. Cela évitait des erreurs de diagnostics, permettait d'affiner les recherches sur certains domaines. Mitchell semblait particulièrement admiratif du corps de métier dans lequel Norah travaillait. Elle souriait. "Ce n'est pas la mort qui me touche le plus, si c'est ce que vous entendez par quand "tout se ne termine pas très bien."." lui répondit-elle. "La plupart des médecins voient la mort comme un échec. Quand ils ne réussissent pas à guérir. Pour certains, c'est tellement frustrant." Surtout lorsqu'il s'agissait de patient plus jeunes, ou qu'il y a eu des complications suite aux traitement donnés, qu'ils soient médicamenteux ou chirurgicaux. "Parfois, je ressens de l'injustice, peut-être." Elle pensait à ses patients, mais aussi avant tout à Frank. "Mais il faut que ça nous passe, ce n'est pas l'injustice qui va les aider." Elle aurait pu s'étendre sur ses opinions concernant la fin de vie, certaines prises en charge, mais si c'était le cas, Mitchell devrait subir plusieurs heures de débat et d'arguments dont il se passerait certainement bien. "J'ai toujours voulu faire ça, oui. Quand j'étais plus jeune, mon frère jumeau avait été hospitalisé, et je me souviendrai toujours de l'infirmière qui s'occupait de lui. Elle était d'une gentillesse... Et elle était très vite devenue un exemple à suivre pour moi." Caelan avait eu une pneumonie étant petit, jugeant judicieux de suivre ses frères à la mer en pleine hiver et que l'eau n'était pas la plus chaude qui soit. "Et c'est très vite devenu une évidence pour moi. Je ne me voyais pas faire autre chose, et ça me plaît toujours autant à l'heure actuelle." Il lui arrivait parfois de songer à faire autre chose, mais jusqu'ici, dès qu'elle franchissait les portes de l'hôpital, elle se rappelait que venir travailler était l'une des choses qui lui avait permis de maintenir la tête hors de l'eau. Alors que Mitchell se commandait un nouvel expresso, Norah sirotait toujours tranquillement sa propre boisson chaude, qui devait être désormais plutôt tiède. "Ca fait un bout de temps que je n'ai pas mis les pieds en dehors du pays." lui confessa-t-elle. Norah aimait voyager, mais ça ne lui manquait pas pour autant. "Pendant les vacances des enfants, je vais souvent voir mes frères à Sydney, ou eux viennent ici pour qu'on soit ensemble. Pour l'un ou pour l'autre, ça dépayse." Et puis, les vacances, ce n'était pas donné, surtout pour une mère célibataire. Un luxe que Norah n'avait pas eu l'occasion de se permettre depuis le décès de son mari. "Le plus grand voyage que j'ai pu faire, c'était pour mon voyage de noces. Nous étions partis trois semaines en Afrique du Sud. Et quand Julie avait quatre ans, nous étions partis en Nouvelle-Zélande. Nous voulions attendre qu'elle soit suffisamment grande pour avoir quelques souvenirs de son premier grand voyage." Ils désiraient faire la même chose pour Aidan. "En dehors de ça, quand j'étais petite, comme nous étions une famille nombreuse, on restait dans le pays." Norah conservait des albums photos de ses voyages. Des souvenirs heureux. Elle vidait enfin son latte macchiato et prit la cuillère pour finir de déguster la mousse de lait qui était au fond. "C'est plus une intuition que de l'observation, pour le coup." dit-elle en riant. Il dégageait ce quelque chose qui disait qu'il y avait bien plus que ce restaurant. "Vous êtes un véritable business man." s'exclama-t-elle avec un sourire, arquant un sourcil. "Et vous investissez surtout dans les restaurants comme celui-ci, ou vous avez une vision plutôt large sur l'immobilier ?" De la simple épicerie jusqu'au plus haut des buildings de Brisbane. Qui sait. Curieux, il voulait également en savoir plus sur elle. Malheureusement, elle n'aurait pas grand chose à lui mettre sous la dent. "Pas vraiment, non." reconnut-elle avec un rire. "J'ai un boulot à temps plein et deux enfants à charge, ça ne me laisse pas vraiment le temps d'avoir de véritables occupations. Mais je compte me remettre à courir, pour me défouler. En dehors de ça, je n'ai pas le temps à grand chose." Durant son temps libre, si ce n'était pas pour s'occuper des enfants et de la maison, elle voyait son frère jumeau, ou Anwar. "Mes journées sont bien assez chargées comme ça. Et quand les petits sont au lit, en général, je suis devant la télé à regarder un bon film, et je ne fais jamais long feu ensuite." Norah passa une main dans ses cheveux et dégagea les mèches de son épaule avant de s'éclaircir la voix. "Et vous, vous avez des enfants ? Si c'est le cas, vous devriez savoir tout le temps qu'ils nous prennent." dit-elle sur le ton de la plaisanterie. "Mais, à côté, ils nous en donnent tellement plus. Ils deviennent toute une raison de vivre. Tout le monde dit qu''ils ne seraient pas ce qu'ils sont sans moi. Mais la vérité, c'est que je ne serai pas grand chose sans eux non plus."
La famille, rien de plus important que la famille. C’était le cas pour de nombreuses personne et Mitchell en faisait également partie. Il était prêt à tout pour son petit frère Alec et avait déjà autrefois mis une croix sur sa vie pour l’aider. Alec s’était celui en qui il avait le plus confiance, celui pour qui il prendrait une balle. Pourtant l’Américain pouvait compter sur son arbre généalogique deux sœurs, qu’il voyait très rarement puisqu’elles étaient restées à Las Vegas après la mort de leur père. Mitchell ne manquait pas d’envoyer des fonds aux deux jeunes femmes pour qu’elle puisse vivre convenablement, mais ça s’arrête là, aucun appel, aucun sms, juste des visites en période des fêtes lorsqu’il veut bien. Il pensait souvent à elles, mais le temps et la distance avait semé un fossé entre eux et elles n’avaient pas idée de ce que leurs frères faisaient, pensant que le restaurant tourne assez bien pour qu’il puisse leur envoyer de l’argent. Pour elles Mitchell c’est le super héros de la famille, il a su les aider alors qu’elles n’avaient personne sur qui compter, Alexandra osait le comparer à un Superman ou un Batman, œuvrant pour le bien, mais le savait colérique comme Hulk, d’ailleurs à l’époque elle se donnait un plaisir fou à le rendre dingue pour le faire hurler de colère. Au fond, elle savait que son frère avait la générosité de Captain America, l’envie de justice comme Aquaman, mais la fougue de Deadpool ou du Joker, les deux lui vont très bien de toute façon. Des fois, Mitchell a envi d’aller leur rendre visite, mais il n’a pas envie qu’elles sachent ce qu’il est devenu et surtout de quoi il est capable. Il avait tout d’un super vilain, bien que le super n’avait pas vraiment sa place dans la phrase et il savait qu’il pourrait les décevoir et briser en quelques secondes ce qu’elles pouvaient penser de lui. Loin était l’époque ou la famille Strange passait des soirées entières à regarder des dessins animés avec leurs héros favoris, tel que Wonder Woman, Spiderman ou encore Iron man. À présent Mitchell se contentait de regarder seul les aventures de Flash le soir à la télévision, s’imaginant un jour avoir des super pouvoir comme la femme invisible, oh oui, c’est un pouvoir qu’il aurait tellement aimé avoir pour espionner ses ennemies ou encore le pouvoir de Antman pour se faufiler partout, bien que devenir un insecte n’était pas si tentant que ça. Avoir les talents du Dr Strange était également tentant, bien que trop facile puisqu’il lui avait volé son nom de famille. Non son truc c’était de fantasmer sur black window, super girl et sur Gamora, tout en s’imaginant faire partie d’une équipe de super-héros avec Harley Quinn, Thanos et Catwoman, une équipe de choc pour la force et le plaisir des yeux bien sûr avec une bonne dose de méchanceté.
Il comprenait la place qu’occupaient les enfants de Norah dans sa vie et espérait au fond ne pas devoir leur retirer leur mère pour se faire entendre par l’inspecteur Zehri. La vie n’était pas un comics et personne ne serait là pour la sauver. Bien sûr tout menait à croire que Mitchell respirait la pure sympathie lorsqu’il échangeait avec la jeune femme, rien ne laissait à croire qu’une once de méchanceté pouvait faire partie de lui et pourtant, il était sûrement le pire homme qu’elle aurait rencontré dans sa vie. Il prenait le temps de s’intéresser à elle sans la brusquer, elle pouvait lui donner des informations sur sa vie, son travail ou même ses enfants, il ne lui mettait pas de couteau sous la gorge, mais comptait bien s’en servir à l’avenir si nécessaire. Il ne manquait pas le sourire qui s’afficha sur ses lèvres lorsqu’elle lui annonça le nom de ses deux enfants, ce qui l’interpella et le fit sourire, malgré-lui. « J’imagine que ça ne doit pas être de tout repos. » Il imaginait seulement, puisqu’il ne savait pas vraiment ce que c’était d’avoir un enfant. « Je ne suis habitué aux enfants et des fois, j’ai l’impression que je ne suis pas fait pour être père. » Il décidait même de se confier un peu, un moyen d’obtenir d’une part la confiance de la jeune femme pour peut-être la faire parler davantage et pour qu’elle n’ait pas l’impression d’être la seule à parler de sa vie. « J’aurai tellement peur de mal faire, de nos jours les parents ont l'air scruté aux moindres mauvais gestes. » qu’il ajoutait avec sincérité. Avoir un enfant lui avait traversé l’esprit bien des fois, mais son train de vie ne laissait pas vraiment de place pour un bambin rampant au milieu d’argent sale, d’armes et de cadavres. Il était peut-être cruel, mais il n’était pas prêt d’infliger cela à son enfant.
La mort faisait partie de la vie de l’Américain, bien que lui n’était pas du bon côté et n’était pas là pour faire tout son possible pour les sauver, mais plutôt pour s’assurer qu’ils finissent six pieds sous terre, il comprenait ou voulait en venir Norah et restait attentif à tout ce qu’elle pouvait dire. « L’injustice fait partie de notre quotidien. Malheureusement. » Qu’il commentait. La vie avait été injuste avec lui lorsqu’il était plus jeune, en perdant sa mère suite à son suicide qui avait été causé par les violences de son père. Il regrettait encore de ne pas avoir pu la sauver. Parler de la mort n’était pas le meilleur sujet entre deux inconnus et c’est sans attendre que le sujet dévia vers les raisons qui avaient poussé la jeune femme à devenir infirmière et il ne fut pas déçu de ce qu’il pu entendre. Elle avait donc un frère jumeau, parmi ses trois frères dont il avait connaissance, information qu’il n’avait pas jusqu’à maintenant et qui était bonne à savoir, sachant que des jumeaux sont souvent très fusionnel, bien qu’il ne pensait pas aller jusque-là, il n’est pas si terrible.
Le récit de la jeune femme avait laissé Mitchell silencieux, ne voulant pas la couper dans ses explications, il se contentait de hocher la tête avant de finalement prendre la parole. « Il en faudrait beaucoup plus des gens comme vous ! » Des gens qui aiment leur métier et qui ne font pas la gueule dès qu’ils mettent les pieds sur leur lieu de travail. Qui disait travail, disait vacance et il ne tarda pas à lui poser la question sur ses voyages, ce qu’il pensait être un sujet plutôt intéressant pour faire connaissance, considérant que les voyages disent beaucoup sur une personne. « L’Afrique du Sud c’est magnifique, vous y avez fait un safari ? » Qu’il demandait au tac-au-tac, connaissant l’Afrique du sud qu’il avait visité avec sa femme il y a quelques années. « Des fois juste changer de ville suffit à prendre un bol d’air frais. » Commentait-il alors qu’elle disait n’être pas beaucoup sortie du pays en dehors de ces deux voyages. Alors qu’il lui confiait une partie de son activité, elle ne tarda à s’y intéresser davantage en voulant connaître quelques détails, ce qui le fit sourire. « Je ne suis pas du genre m’étaler sur ce sujet, je n’ai pas envie de paraître prétentieux, mais si vous voulez savoir. » Il terminait son second expresso avant de très vite reprendre. « J’ai quelques appartements par-ci par-là, des immeubles dans le centre de Brisbane, de quoi me faire une belle petite retraite. » Sans compter tout ce qu’il avait à côté, bien qu’il n’était pas vraiment sûr d’atteindre la retraite un jour, il finirait sûrement en prison avant ou même mort. Ne voulant pas trop s’attarder sur sa personne, il questionna Norah sur ses loisirs, une question banale qui lui permettait d’en savoir un peu plus sur elle encore une fois. Elle donnait donc toute sa vie à son travail et ses enfants. Il l’apercevait comme la parfaite ménagère, faisant tout son possible pour satisfaire les besoins de sa petite famille et sans pouvoir l’expliquer, il appréciait cela et en venait même à se demander si elle était la meilleure personne pour servir de faire valoir auprès de l’inspecteur Zehri. « Il faut du courage pour courir ! J’ai essayé une fois de m’y remettre après des mois d’arrêts, j’ai cru que j’allais y rester. » Qu’il plaisantait. Il aimait passer du temps en salle de sport, mais courir l’ennuyait très vite. « Mais vous avez raison, il faut prendre du temps pour soi des fois. » Qu’il ajoutait avec le sourire. « Votre mari doit avoir de la chance de vous avoir en tout cas ! » Il mettait le pied dans le plat volontairement. Il avait d’une part compris qu’elle était mère célibataire par la façon dont elle s’exprimait sur ses enfants et elle et d’une autre parce qu’il était déjà au courant de ce qui était arrivé. Il avait envie d’observer la réaction de Norah face à ses paroles et comptait bien manquer aucune miette. Il avait joué bien trop longtemps au gentil déjà.
Norah ne l'avait jamais niée : si elle n'avait pas ses enfants, son deuil aurait été bien plus compliqué à vivre. Anwar et Caelan auraient certainement du être présents quotidiennement afin de s'assurer qu'elle ne se noie pas totalement dans son chagrin et qu'elle ne sombre dans la dépression. Aidan et Julie étaient ses raisons de vivre, une motivation suffisante pour se lever le matin de bonne heure. Si elle n'avait pas eu ses enfants, elle aurait vécu avec le poids de ne pas en avoir eu avec Frank pour le reste de sa vie. Mitchell, lui, ne pensait pas être fait pour avoir des enfants, ou en élever. Norah haussa les épaules. "Vous changerez sûrement d'avis le jour où vous apprendrez que vous serez père." lui assura Norah avec un fin sourire. "C'est vrai qu'il y a différents cours de pensées de la manière dont il faut élever un enfant et j'avoue que, même si ce n'est pas arrivé souvent, j'ai envoyé aller voir ailleurs les personnes qui se permettaient de faire des remarques." Et bien souvent, il s'agissait de parents qui n'étaient vraiment pas exemplaires en la matière, ou, du moins, aux yeux de Norah. "Le fait que vous vous souciez déjà de ça avant même d'en avoir prouve que vous pourrez très bien être un bon père." lui assura Norah. Le plus important y était : l'inquiétude et le souci de bien faire. Les sujets de conversation allaient et venaient assez naturellement au final. Des sujets joyeux, et des sujets qui l'étaient un petit peu moins. Norah n'avait aucun problème a évoqué les décès qu'elle rencontrait au travail. S'il y avait une disparition qui lui était encore difficile d'évoquer, c'était bien celle de Frank. Et dire qu'elle ignorait totalement que son interlocuteur enquêtait indirectement sur le responsable de ce meurtre. Et il devait faire des recherches utilisant des moyens loin d'être très légaux, c'était sûr. "Il y a des injustices pires que d'autres." répliqua-t-elle alors que Mitchell avait à peine eu le temps de terminer sa phrase. Elle savait de quoi elle parlait. Et encore, l'injustice qu'elle sous-entendait, elle était loin d'être celle qui la vivait le plus mal alors qu'elle était aux premières loges. Le brun semblait bien curieux, à interroger les loisirs et le quotidien de l'infirmière. Ne voyant là aucun véritable danger à s'ouvrir davantage, Norah ne se gênait pas pour évoquer, de loin, son voyage de noces. Elle n'en gardait que de merveilleux souvenirs et peut-être qu'elle les idéalisait de plus en plus, d'année en année. "Non, nous préférions les randonnées. Nous restions plusieurs dans différentes villes et nous visitions tout aux alentours, principalement à pied." Bien sûr qu'ils avaient profité de la plage, de ces paysages à couper le souffle et de la végétation verdoyante, quasi paradisiaque. Il avait raison sur un point : l'avantage de l'Australie était qu'il était facile de se dépayser. Juste changer de coin, de villes. Norah avait songé à cela. Juste assez pour décrocher un peu, se détacher d'un quotidien qui devenait de plus en plus pesant. "Sacré patrimoine immobilier." répondit-elle après que Mitchell ait énuméré ses biens. Elle respectait sa modestie, ou plutôt, le fait de ne pas trop s'étaler sur ses richesses. Norah avait horreur des personnes là et n'avait jamais vraiment hésité à leur rentrer dans le lard le cas échéant. Il continuait à recentrer la conversation sur elle. C'en était perturbant, à croire qu'il s'intéressait véritablement à elle pour une raison que Norah ignorait. Il n'était pas dans la séduction. Il restait formel, amical, respectueux, sans de tentatives trop audacieuses. "C'est sûr qu'au début, on regrette de ne pas avoir maintenu sa cardio, mais au bout de quelques fois, on en ressent les bénéfices." assura l'infirmière avec un léger sourire. Du moins, cette activité semblait lui suffire (pour le moment) pour décompresser un petit peu, pour évacuer sa tête trop remplie de pensées. Mitchell abordait un sujet encore bien trop délicat pour la jeune femme et il l'aurait rapidement deviné s'il remarquait sa mâchoire s'était sensiblement crispée. Elle-même ne s'attendait pas à ce que sa gorgée se serre, sentie comme prise de court qu'il parle de lui. "Il n'est malheureusement plus là pour pouvoir en profiter." lui répondit-elle tout bas, sans lui adresser un regard. Et soudainement, son moral en prenait un coup, et une journée qui avait pourtant si bien commencé semblait soudainement se ternir. Les couleurs étaient plus fades, tout le monde devenait muet, même le bruit de la vaisselle était sourd, et les secondes ralentissaient de nouveau. Peut-être était-ce l'alliance et la bague de fiançailles qu'elle portait toujours qui avait induit le bel homme en erreur. Elle n'arrivait pas à s'en défaire. "Il est mort." souffla-t-elle en éloignant sa boisson chaude qui se trouvait devant elle, alors qu'elle ne l'avait pas terminé. "Excusez-moi, je dois y aller, je..." Aucune excuse n'était vraiment valable, mais elle ressentait ce besoin soudain de partir, d'aller marcher, d'être seule, d'essayer de ne pas sombrer dans sa mélancolie à nouveau. "Ce n'est pas un sujet que j'aime aborder." concéda-t-elle, les yeux vides. Surtout avec quelqu'un qu'elle venait à peine de rencontrer. "Ca m'a fait plaisir d'avoir fait votre connaissance. Et puis... Je sais quel café vous fréquentez, maintenant." dit-elle en forçant un sourire tout en réajustant l'anse de son sac sur son épaule. Et dire qu'il en savait bien plus sur elle qu'elle ne pouvait l'imaginer. Une part d'elle-même était en train de se demander si ce n'était pas fait exprès. Pendant tout ce temps, elle n'avait pas parlé une seule fois de Frank et lui lançait tout de suite cette supposition là ? A moins que... Non, Mitchell ne pouvait pas être si vicieux et manipulateur que ça. Avant même de véritablement y songer, l'infirmière balayait cette idée saugrenue de sa tête avant de lancer des salutations polies au brun, avant de s'éclipser pour rentrer chez elle, et s'isoler l'espace d'un instant avant d'appeler son frère afin de prendre de ses nouvelles – ce qui était, surtout, un prétexte de penser un peu à autre chose qu'à cette journée à moitié ruinée par ce vide toujours bien présent au fond de sa poitrine, et que personne ne semblait être capable de véritablement combler pour le moment.
Le brun ne s’attendait pas à fonder une famille dans les mois à venir, il en était loin, bien que son mariage lui avait déjà plus de dix ans d’existence. Un sujet qui n’avait jamais été mis sur la table et qui était resté dans les profondeurs pour ne jamais sortir lors de discutions avec sa femme Mavis puis de toute façon ce n’était pas comme si un enfant était le bienvenu au sein de l’organisation criminelle qu’est le Club. Malgré ça, il ne pouvait pas s’empêcher de sourire lorsque Norah lui annonça qu’il ferait un bon père, par rapport à sa façon de penser et de se soucier de la capacité qu’il avait à détenir ce rôle, qu’il jugeait bien trop difficile pour lui. Comme depuis le début de la conversation, il ne s’était pas trop attardé sur lui et avait lancé la conversation à nouveau sur la jeune femme, toujours pour en apprendre davantage sur elle. Il respectait son rôle à l’hôpital et n’avait pas hésité à lui en faire part. Il tentait d’en savoir plus sur ses loisirs, une question comme une autre en réalité, n’imaginant pas lever la moindre interrogation chez Norah sur la curiosité élevée du brun. Il échangeait avec elle durant un instant avant de finalement laisser sa véritable motivation prendre le dessus et l’interrogea sur son mari, sujet qui n’allait pas passer inaperçu et il le savait.
Il avait fait une gaffe en demandant plus d’informations sur l’époux de son interlocutrice et il en avait pleinement conscience. La réaction de la jeune femme ne se fit pas attendre, alors qu’elle annonçait que son mari était mort. Mitchell ressentait une certaine satisfaction au fond de lui, mais se rendait compte par la même occasion que c’était vraiment cruel et ce même de sa part. « Je suis vraiment désolé. » Dit-il d’un air rempli d’innocence. « Je ne voulais pas … » S’il le voulait, mais jouait très bien le rôle de l’homme mal à l’aise d’avoir mis un sujet “tabou“ sur la table. Il n’en rajoutait pas plus, c’était suffisant pour aujourd’hui, puis la jeune femme décida de s’en aller, ne terminant pas son thé. « J’ai été également ravi de vous rencontrer Norah. » Qu’il disait avec un sourire, avant de la saluer et la regarder quitter les lieux. Il n’y avait plus aucun doute, elle était la cible parfaite pour faire chanter l’inspecteur s’il décidait de ne pas respecter l’alliance récemment conclu. Si tout se passe bien, l’américain n’aurait pas besoin de s’en prendre à cette femme et ses enfants et bien qu’il agissait en général sans réfléchir aux conséquences, il espérait ne jamais avoir besoin d’aller plus loin. Il quittait le comptoir afin de rejoindre son bureau à l’arrière ou beaucoup de travail l’attendait satisfait d’avoir pu mettre son plan en marche.