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 yasmine + you can count on me

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Message(#)yasmine + you can count on me EmptyMer 20 Mar 2019, 23:56

YOU CAN COUNT ON ME
like one two three, I'll be there
Caelan avait toujours pris son rôle de grand frère très au sérieux. Autant en terme de chamaillerie que de protection, que d'apprentissage et complicité. Mais cette impression avait pris une toute nouvelle tournure le jour où il avait appris que son beau-frère s'était fait tué durant l'exercice de ses fonctions. Pourtant, il était le grand frère de Norah que de quelques minutes seulement, mais pour lui ça ne changeait pas grand chose : il était le grand frère, point barre. Il servait de relais pour ses deux autres frères qui s'inquiétaient pour Norah et qu'ils ne voulaient pas bombarder d'appels téléphoniques et de messages pour avoir des nouvelles. Bien sûr, ils étaient proches et restaient régulièrement en contact. Le décès de Frank avait resseré ces liens fraternels. N'ayant pas eu de nouvelles de sa soeur la veille, Caelan s'était décidé à l'appeler avant qu'elle ne commence sa journée. Cela faisait bien une vingtaine de minutes qu'elle se trouvait devant l'entrée de l'hôpital à discuter avec lui. Pendant cette discussion, elle regardait le nombre de fumeurs qui se trouvaient aux mêmes niveaux qu'elle. Les plus grands consommateurs de tabac ne se laissaient guère intimider par des chemises d'hôpital mal fermées à l'arrière, aux perfusions et autres tuyaux auxquels ils pouvaient être raccordés. Non, ils avaient besoin de leur dose de nicotine horaire pour tenir le cap. Pour mieux respirer, comme disaient certains. Ben voyons. Il y avait eu une période où Norah avait été plus tenté qu'autre chose de s'y mettre. Durant une période où elle n'était plus capable de grand chose que de se laisser couler. Elle mentirait si elle disait qu'elle n'y avait pas touché, loin de là. Elle avait acheté le seul paquet qu'elle avait achetée quelques jours après s'être occupée d'un patient d'une quarantaine d'années, qui se retrouvaient en fin de vie à cause d'un cancer de la vessie en phase terminale. Le fait qu'il avait commencé à fumer à l'âge de treize ans n'était guère anodine. "Il faut que j'y aille, je dois y aller." dit-elle au bout d'un moment, lui souhaitant une bonne journée et lui promettant que oui, ils iraient bientôt manger indien ensemble. On avait demandé à Norah de venir remplacer en pédiatrie. Ce n'était pas le service qu'elle préférait. Il lui était parfois difficile de se positionner en tant que mère de deux enfants, lorsqu'elle voyait des petits atteints de cancer, de méningite, ou de fièvre dont on ne connaissait pas l'origine. Cela n'atténuait pas sa compétence au travail, elle se sentait surtout lessivée en fin de journée. Une grande charge mentale qu'elle aimait bien évacuer par un bon footing, lorsqu'elle le pouvait. Le service était décoré en conséquence, avec des motifs enfantins permettant aux bambins de voir autre chose que tous ces appareils qui pouvaient effrayer. Par automatisme, ayant un peu d'avance malgré l'appel de son frère, elle se dirigeait vers la salle de pause pour se servir un café, agrémenté de (beaucoup) de lait et de sucre. Suite à quoi, elle rejoignait ses collègues du matin pour prendre la relève. C'était avec grande surprise qu'elle réalisait à ce moment là qu'elle allait pouvoir travailler avec une amie qui lui était chère. Il n'en fallait pas plus pour égayer sa journée. "Je commençais à croire qu'on ne voulait plus nous faire bosser ensemble." dit-elle avec un léger sourire une fois que les filles du matin étaient parties. En effet, cela faisait quelques semaines que Norah n'était pas revenue en pédiatrie, et cela tombait étrangement sur les joues où Yasmine était en repos. Cela ne les empêchait pas de se voir à l'extérieur, mais il était toujours plus plaisant de travailler avec quelqu'un avec qui on s'entendait très bien. Le service était loin d'être plein, ce qui leur laisserait certainement quelques occasions de discuter depuis qu'elle s'étaient vues pour la dernière fois. "Si j'avais su, j'aurais fait un gâteau." dit-elle ensuite, un brin agacée de ne pas y avoir soongé plus tôt dans la journée. Mais elle avait encore des cartons qu'elle n'avait pas pris le temps d'ouvrir et de ranger depuis son déménagement. Il était grand temps de finaliser tout ceci et elle avait profiter du fait qu'Aidan et Julie soient à l'école pour tout ranger. Ce n'était pas une étape si facile à franchir que ça. C'était une finalité à ce nouveau départ et se fixer de nouveaux objectifs suite à cela étaient loin d'être évidents. Du moins, elle n'y était pas encore parvenue, trop occupée à se laisser emporter par le courant de son quotidien qui ne manquait jamais vraiment de rebondissements. "Alors, docteur, tu as avancé dans ta réflexion pour reprendre les études ?" demanda-t-elle finalement d'un air taquin, pendant qu'elle jetait un oeil aux dossiers de leurs petits patients. Elle connaissait le projet de Yasmine, qu'elle trouvait ambitieux, mais elle ne doutait absolument pas de ses capacités. Elle avait beau la taquiner à ce sujet, la belle brune savait très bien qu'elle pouvait compter sur l'appui de son amie, qu'importe la décision qu'elle puisse prendre au final.
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Message(#)yasmine + you can count on me EmptyDim 07 Avr 2019, 11:52

you can count on me
norah & yasmine


Yasmine souffla férocement sur la mèche épaisse et légèrement ondulée qui lui barrait le front. Sortant d'une salle de soins, gants en latex encore enfilés sur ses mains délicates, elle fit claquer l'un des élastiques sur son poignet droit, un peu comme un coup de fouet bienvenu, avant de les retirer tout aussi férocement pour les enfoncer profondément dans une poubelle médicale. Arrivée à l'angle du couloir du service pédiatrique, elle s'arrêta, mains sur les hanches, dans une imitation parfaite de la lassitude de sa propre mère face aux mauvais comportements de ses enfants, et une nouvelle fois, elle expira d'un bloc. S'attirant aux passages les regards interrogateurs des aides-soignantes, ces dernières n'étaient pas habituées à la voir dans cet état d'impatience, les yeux lançant des éclairs par intermittence. Seulement, il fallait bien avouer que, parfois, il y avait des petits patients qui étaient particulièrement imbuvables. Rien n'y faisait, la douceur n'avait aucun effet sur eux, et parce qu'ils se croyaient tout permis avec leurs parents, ils pensaient que tout le monde cèderaient à leurs caprices sous le prétexte qu'une majorité de gens étaient sincèrement désolés pour eux. C'est vrai, quoi de pire que de tomber malade aussi jeune ? La question méritait d'être posée, aussi la réponse était évidente : rien de pire ne pouvait arriver, jamais, à personne. Oh, lorsqu'elle s'aventurait dans le service pédiatrique du St-Vincent's, délaissant pour quelques heures les couloirs agités des urgences générales, elle savait que c'était quitte ou double. Pourtant, elle s'obstinait, de quoi se demander si elle ne cachait pas des travers bien enfouis de masochistes de base. Combien de fois était-elle tombée sur des enfants persuadés que leur statut de malade leur permettait de traiter le personnel soignant comme leur domestique ou leur nounou ? Elle ne saurait le dire, tant ça lui était arrivée de nombreuses fois, surtout depuis qu'elle était rentrée d'Afrique, et ça la forçait à établir un comparatif injuste, mais criant de vérité. Fermant brièvement les yeux, Yasmine inspira cette fois-ci, puis coinçant sa mèche de cheveux volage derrière son oreille au conduis rougit par la tension, elle resserra sa queue de cheval haute avec détermination, se disant que, la prochaine fois qu'elle viendrait dans ce service en particulier, elle pourrait se délasser en côtoyant des enfants moins conscients d'eux-mêmes, plus ouverts au partage malgré les dures épreuves qui les touchaient de près, et qui sauraient apprécier ses efforts pour leur changer les idées le temps d'un conte ou d'un coloriage.

En tachant de trouver dans cette pensée une dose de réconfort et de motivation pour terminer son service, elle se somma de vérifier le planning des bénévoles avant de s'occuper de son prochain patient, histoire de s'assurer que son nom était bien inscrit à l'un des ateliers de fin de semaine. En même temps, elle réussit à se raisonner quant à l'idée que ça n'avait aucune espèce d'importance si elle tombait sur Ginny et Hassan à cette occasion ; elle avait passé trop de temps à les éviter, et pour pas grand-chose, puisque ne pas les côtoyer la rendait plus grognon qu'à l'accoutumée. Elle qui s'était toujours targuée d'avoir la tête sur les épaules, d'être mature et raisonnée, elle avait manifestement régressé depuis le mois de mai dernier, et ça la dérangeait de plus en plus, d'autant que chaque fois qu'un poids s'allégeait dans sa poitrine, sa dernière rencontre avec Joanne ayant eu un vrai effet fulgurant et positif sur son état d'esprit, elle avait l'impression que celui qui concernait sa prise de distance avec Hassan prenait davantage de place, s'immisçant partout comme un poison lent, mais efficace. Alors, c'était décidé : elle mettrait ses révisions de côté le temps d'un weekend pour le passer dans le service de pédiatrie, côté salle de d'activités ludiques et lectures. Et elle ne reviendrait pas dessus. Elle devrait juste prévenir Sloan qu'elle lui laissait quartier-libre cette fois-ci, et tant pis pour leur glace hebdomadaire, aussi savoureuses qu'elles étaient à chaque fois. Se regonflant graduellement, elle opina du chef comme pour appuyer ses réflexions immédiates, et exécuta enfin un pas salvateur pour rejoindre la salle de pause où une dose de théine bien méritée finirait sans doute de la rebooster.

Ses lèvres venaient à peine de toucher le bord bouillant de sa tasse de thé épicé lorsque Norah fit son entrée dans la pièce. Immédiatement, elle fût rassurée, persuadée que son cauchemar venait bel et bien de se terminer. Yasmine avait toujours aimé travailler avec Norah, elle avait toujours aimé Norah tout court, son flegme naturel l'ayant toujours impressionnée, voire même inspirée pour devenir la valeur sûre qu'elle était aujourd'hui "Tiens, une revenante." lança-t-elle avec goguenardise, et elle appuya le bas de ses reins sur la tablette où la machine à café, diverses sortes de sucres, de tasses et de bocaux à bonbons étaient disposés en prévision des pauses gourmandes du personnel. Elle tendit le menton pour que ses lèves viennent tremper dans son thé, mais les propos suivants de Norah la firent s'arrêter en bon chemin ; le mouvement en suspens, elle se composa une fausse mine tranchante "Dans ce cas, je refuse de bosser avec toi aujourd'hui. Tu sais que j'accepte les binômes à condition d'un échange de bouffe, c'est écrit dans mon contrat. En tous petits caractères, mais quand même." Elle dodelina, haussant les sourcils en même temps pour donner une portée plus véridique à ce qu'elle racontait pour la blague, quand le coin de ses lèvres pleines s'affaissa, et qu'elle avoua sur un ton momentanément lointain "Tes gâteaux me manquent tellement." Et elle but une gorgée chaude, qu'elle fit passer en claquant la langue contre son palais. Puis, prenant la tangente pour se diriger vers la jeune femme, elle piqua sa joue d'un rapide baiser de bonjour.
Le temps de s'asseoir sur un meuble, Yasmine laissa un rire fuser "Je vois que les nouvelles vont vites." Autant les bonnes que les mauvaises, puisque visiblement, tout le monde savait déjà qu'elle était indécise, qu'elle prenait son temps. Cette constatation fit naître de charmantes petites rougeurs sur le haut de ses pommettes saillantes "Je passerai l'examen d'admission à la fin de cette année. Le temps de choisir quelle université me conviendrait le mieux et bien me préparer pour ne pas débarquer sur les bancs de la fac, la trentaine passée, comme un cheveu sur la soupe." Un an de plus au compteur depuis un mois à peine, de quoi lui filer davantage de complexes, mais la question n'était pas là, alors elle haussa les épaules "Je veux faire les choses bien, c'est ce que j'ai toujours voulu faire." Tout le monde le savait, ça aussi – à croire qu'elle était plus transparente entre les murs de l'hôpital qu'en dehors. Marquant un temps, elle tendit de nouveau le menton pour boire une goutte de sa boisson chaude. Une question lui frôla alors l'esprit – la même qu'elle avait posée à Hassan huit mois plus tôt, lorsqu'ils étaient encore capables de partager leurs doutes sans tourner autour du pot, et à laquelle il avait répondu avec toute la franchise et l'objectivité qu'elle lui connaissait. Pour autant, elle se demanda si Norah n'était pas la mieux placée pour y répondre du point de vue d'une professionnelle de la santé. Après une hésitation prolongée par la dégustation de son thé, elle lui demanda enfin en relevant le nez "Tu penses que je suis folle de me lancer là-dedans ?"
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Message(#)yasmine + you can count on me EmptyLun 08 Avr 2019, 12:22

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Les pâtisseries de Norah avaient, il fallait le dire, leur petit succès. Elle n'en rapportait pas à toutes les équipes, où à chaque fois qu'elle allait travailler dans un autre service. Elle avait déjà eu des accrochages avec certains soignants pour qui elle ne ferait pas de petites douceurs. Disons qu'elle n'appréciait pas trop les personnes qui se tournaient les pouce parce que leur secteur était calme alors que celui d'à côté (alors que c'était le même service), les soignantes n'avaient pas eu l'occasion de s'asseoir dix secondes depuis le début de leur poste. Par chance, la pédiatrie n'était pas concernée par ce genre de manque de conscience professionnelle, surtout lorsque Yasmine était dans les parages. "Je me disais bien que je commençais à vous manquer." rétorqua-t-elle avec un fin sourire. A une autre époque, Norah aurait été plus touchée qu'autre chose par le commentaire de son amie, mais ce temps là était passé. Et puis, comme cela venait de la brune, elle savait très bien que ce n'était qu'une plaisanterie et qu'il s'agissait avant tout d'un signe d'affection. "Je me rattraperais la prochaine fois, c'est promis. Si tu es sage." Les douceurs sucrées ne faisaient jamais long feu dans un service. Certains jouaient même la précaution en cachant leur part quelque part en salle de soins ou en l'emballant dans une serviette et en mettant leur nom dessus. "Ou tu peux venir une fois à la maison.  Là-bas, tu n'auras comme concurrents que deux estomacs bien plus petits que le tien." Julie et Aiden avaient beau raffolé des desserts de leur mère, leur appétit ne valait pas (encore) celui d'un adulte, surtout d'une adulte aussi gourmande que Yasmine. Celle-ci salua sa collègue plus correctement par un léger baiser sur la joue que Norah avait discrètement automatiquement tendu quand elle la voyait s'approchait vers elle. Ses yeux clairs la suivaient ensuite s'installer sur un meuble pendant qu'elle disait qu'elle avait appris pour son projet professionnel. "Si tu veux qu'une nouvelle se répande vite, autant le faire dans un hôpital." La moindre rumeur pouvait prendre des ampleurs considérable en deux murmures et trois soupirs. Beaucoup d'employés étaient avides de ce genre de scoops, tout ce qui est capable de faire scandale ou de faire quelques vagues. Norah l'observait d'un air presque attendri. Elle voyait bien qu'elle était toujours incertaine, qu'elle n'osait pas. Que quelque chose la bloquait. "Tant que tu ne pars pas trop loin." dit-elle avec un ton léger. Quoi qu'intérieurement, Norah serait peinée de voir son amie qui lui était si précieuse partir une nouvelle fois pour une longue durée. "Tu sais, il y en a qui reprennent les études à un âge plus avancé, en plein reconversion professionnelle, qui ne connaisse rien du corps de métier choisi." dit-elle en toute simplicité, avec un haussement d'épaules.  "Et tu feras les choses bien." La voix de Norah était constamment posé, d'un calme parfois déconcertant. Songeuse, la belle brune restait murée dans ses pensées pendant un long moment. Elle semblait hésitante, à nouveau, ce qui fit froncer les sourcils de Norah. Elle sirotait son café au lait d'un geste nonchalant. "J'ai toujours dit que les hôpitaux se porteraient beaucoup mieux si les médecins étaient dans la peau d'une infirmière ne serait-ce que pendant une semaine." commença-t-elle, sur un ton plaisantin. Quoiqu'elle pensait vraiment ces mots là et ne s'en cachait. Mais certains médecins et chirurgiens en valaient mieux que d'autres. "Quand tu es infirmière, tu es au plus proche de tes patients. Et tu remplis les tâches de plein d'autres corps de métier sans que tu n'en aies véritablement le choix. Psychologue, aide-soignante, diététicienne. Et à la longue, à force d'avoir de la bouteille, tu deviens même capable de poser un diagnostic en observant la clinique de ton patient. Et qui doit normalement faire ça ? Le médecin." dit-elle alors. "Je ne dis pas qu'on a la science infuse, que ce que l'on pense est toujours juste, loin de là. Il y a des symptômes qui m'échappent encore parce que je n'ai pas l'apport théorique. Mais on apprend sur le tas, on le voit, on le constate. C'est bien plus concret que les descriptions qu'on lit dans les bouquins." Les données assimilées en cours étaient une bonne base, mais elles ne préparaient pas vraiment pour le terrain. "Ton expérience en tant qu'infirmière te facilitera largement la tâche, comparé aux autres qui seront dans ta promotion. Tu sais déjà comment les choses sont réellement dans un centre hospitalier. Tu sauras tout de suite ce qu'il faut faire quand une infirmière viendra te dire qu'elle a un mauvais pressentiment par rapport à un patient." Ce genre de sixième sens inexplicable que les soignants. Il y avait quelque chose, on ne savait pas trop quoi, ça ne se voyait pas, mais on sentait que quelque chose n'allait pas. Ca prenait aux tripes, et la limite du métier d'infirmières pouvait rapidement devenir exaspérant en voyant les internes se tourner les pouces, peu enclins à faire même l'effort de se déplacer et d'ausculter un patient, surtout quand on faisait appel à eux au milieu de la nuit. La manière dont Yasmine avait posé sa question laissait tout de même perplexe son amie. "A te voir, j'ai l'impression que tu n'as pas eu l'approbation des personnes à qui tu en as parlé. Je me trompe ?" demanda-t-elle finalement, afin de percer l'abcès. Norah la savait proche de sa famille et de personnes qu'elle considérait comme telle. "Il n'y a rien de fou à vouloir évoluer dans sa carrière. Si tu en ressens le besoin, si tu sais, au fond de toi, que c'est ce que tu veux véritablement faire, tu devrais te lancer." l'encouragea-t-elle en harponnant son regard afin que la belle brune ne s'en détache pas un seul instant. "On travaille dans un corps de métier où on a tendance à facilement s'oublier. Certains aiment placer ça sous la conscience professionnelle, mais à mes yeux c'est encore autre chose. On met notre organisme à rude épreuve avec les horaires décalées, c'est un travail qui demande beaucoup de manutention, on encaisse tous les jours les soucis des patients, leurs réactions face à la maladie dont ils doivent faire face. Et à la longue, si les barrières ne sont pas mises quand il le faut, on s'oublie." Et les burn-outs allaient ensuite bon train. "Que toi tu aies réussi à te remettre en question, à te demander si tu ne voulais tout simplement pas aller plus loin et te rapprocher d'un autre boulot qui te convient plus, qui te rendrait plus heureuse, ça prouve déjà beaucoup. C'est pas une décision anodine et tu sembles y avoir déjà beaucoup réfléchi." Norah lui esquissa un discret sourire attendri. Il était inutile de lui rappeler combien cela pouvait être difficile de retourner sur les bancs de l'université, d'assimiler tout un tas de cours pour une flopée de partiels. Elle n'avait pas à lui dire que ce métier là était difficile et qu'il pouvait être aussi éreintant. Ca, Yasmine le voyait tous les jours en côtoyant médecins, chirurgiens et internes. Et malgré cela, elle voulait se lancer là-dedans. "Alors lance-toi. C'est pas moi qui vais t'en empêcher."
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Message(#)yasmine + you can count on me EmptyVen 19 Avr 2019, 21:38

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Juchée sur son perchoir, Yasmine usa d'une moue qui signifiait clairement que malgré ce que Norah insinuait sous couvert de l'humour, s'il y en avait bien une qui était toujours sage, c'était elle – sur ce terrain-là, et ce même à 30 ans passés, ses parents n'avaient rien à lui reprocher. Dégustant son thé épicé du bout des lèvres, elle ne réussit pas à se départir de l'idée qu'il aurait été bien meilleur accompagné d'une douceur concoctée par son binôme préféré, mais sitôt que le liquide réchauffa sa gorge, elle mit sa gourmandise de côté. Norah se remit à parler, aussi la façon dont Yas s'enfonça dans sa réflexion la rendit pataude, soudain trop occupée à démêler l'embrouillamini qui se jouait au centre de son cerveau constamment mis à l'épreuve ces derniers temps. Levant doucement les yeux pour suivre les mouvements de la jeune femme, elle se laissa bercer par sa voix, si douce et posée, mais ferme et déterminée à la fois. Délaissant un instant son thé fumant qu'elle posa tout à côté d'elle, elle se permit de laisser l'arrière de sa tête cogner contre le mur sur lequel elle s'appuya. Les jambes croisées, elle joignit les mains sur ses genoux qu'elle sentit se raidir sous le pantalon en toile rose foncé qui constituait le bas de sa tenue de travail "Je resterai en Australie pour mes études. J'envisage de repartir faire de l'humanitaire pour quelques mois à un moment donné, mais je ne sais pas encore où exactement. J'ai… oui, j'ai plein de projets." confessa-t-elle à mi-voix, un peu hésitante, donnant le sentiment à quiconque posait son regard sur elle à cet instant-là qu'en fait, elle s'excusait de faire preuve d'autant d'ambition ; en parlant, elle avait tout doucement baissé la tête pour venir triturer la bordure d'un ongle peint en bleu très clair, l'écaillant volontairement pour se donner bonne contenance. D'une goulée d'air prise profondément, elle se ressaisit, et à la manière dont elle déplaça ses mains sur ses cuisses, on pouvait déceler à quel point elle avait la sensation désagréable que tout ça, ses fameux projets qu'elle avait en tête, lui paraissaient dans impossibles à réaliser dans le fond. Malgré les bons retours qu'elle avait obtenus de ceux à qui elle en avait parlé, et de leur assurance qu'elle avait raison de se lancer à l'âge qu'elle avait, qu'elle était faite pour autre chose que ce qui l'avait fait vivre pendant toutes ces années, elle peinait à se l'enfoncer une bonne fois pour toute dans le crâne ; un peu comme si elle se raccrochait éperdument à ses craintes les plus profondes pour ne pas avoir à se lancer tout de suite, trop inquiète d'échouer – surtout, trop inquiète de décevoir.
C'était ça, le plus gros problème de Yasmine. Elle avait beau voir son avenir de façon concise, l'ayant rêvé à de maintes reprises, elle n'était pas sans savoir que ses décisions, aussi minimes qu'elles étaient parfois, avaient souvent un impact certain sur son entourage, et sur ses parents, en premier lieu. Si elle n'avait pas été aussi consciente de ce qu'ils attendaient d'elle, elle n'aurait pas hésité à basculer davantage dans l'égoïsme, et à définitivement valser à contretemps sur la mesure entêtante imposée par leurs croyances et leur vision un peu trop étriquée du rôle de la femme au sein de la société. Encore plus que son incapacité à tenir le rythme imposé par les cours et son inquiétude vis-à-vis de ses finances qui ne lui permettraient peut-être pas de suivre le chemin qu'elle convoitait tant, décevoir sa famille était un faux-pas qu'elle ne pouvait pas se permettre, qu'elle refusait même tout bonnement de commettre. Elle avait vu comme Sohan avait été mis à l'amende pour avoir voulu s'extirper du carcan qu'on lui avait imposé toute sa vie, elle était témoin de comme tous en souffraient encore aujourd'hui, trop fiers pour assumer leurs fautes, ou jeter l'éponge sur un conflit stérile, inutile encore plus. De son côté, bien qu'elle admirait Sohan d'avoir réussi à se débarrasser du poids qui lui avait tant pesé, elle ne se sentait pas assez forte pour décevoir autant ses parents.

Même si elle partageait l'opinion de Norah sur le rôle des infirmières au sein de l'hôpital, Yasmine n'intervint pas, néanmoins. Elle préféra opiner du chef, s'abreuvant de la chaleur que lui procurait son avis, et souriant timidement en prenant conscience qu'elle avait bien fait de quémander son approbation. Norah savait de quoi elle parlait, et même si Hassan avait fait preuve d'objectivité, c'était plus facile pour Yasmine de se fier à la parole de quelqu'un qui ne la connaissait pas aussi bien. Baissant de nouveau la tête pour cacher la sourire gêné qui remonta ses pommettes, elle prit un temps avant de la relever et s'arrêter sur la question qu'elle venait de lui poser. Une longue seconde passa avant qu'elle ne consente à s'extirper de sa bulle. Elle se leva du meuble duquel elle s'éloigna, son thé à la main "C'est pas ça, ils l'ont plutôt bien pris, c'est juste…" Elle frotta le coin de sa bouche avec la petite bosse qui surplombait son index, puis se mordant de nouveau la lèvre inférieure, elle s'installa sur une chaise, se faufilant juste au coin de la table installée au milieu de la salle de repos "Tu sais, mes parents aimeraient que je me marie et que j'ai des enfants. D'aussi loin que je me souvienne, c'est quelque chose qui leur a toujours tenu à cœur. Je sais que si je me lance dans cette reprise d'études, je serais pas en mesure de leur faire plaisir, alors que ce serait si simple." Elle posa sa tasse de thé devant elle. Yasmine l'entoura avec ses deux mains lorsqu'un petit rire gêné pointa "J'ai l'impression de faire un caprice d'enfant en refusant de me plier à leurs traditions, d'être une fille indigne." Ils avaient beau prétendre être fiers de ce qu'elle avait accompli à qui voulait bien l'entendre, vantant son abnégation, celle si chère à leur cœur, elle n'était pas sans se douter que les sourires qu'ils lui accordaient n'étaient pas aussi francs qu'ils l'auraient été si elle leur avait annoncé avoir trouvé l'homme idéal. Et il n'était pas si difficile à trouver, toutefois, Yasmine n'y avait jamais prêté plus d'attention que ça, trop occupée ailleurs, convaincue aussi que la perfection dixit Amjad et Fatima ne s'accommoderait pas à la sienne – ça, c'était une évidence, si seulement ils savaient. Elle ne marqua pas de temps dans son discours, continuant en faisant remuer ses sourcils comme elle s'exprimait avec une agitation mesurée "Ça me contrarie, parce qu'ils ne sont plus tout jeunes, que mon père a déjà eu des soucis de santé, et que ma mère espère rencontrer ses petits-enfants suffisamment tôt pour en profiter avant de s'en aller. Je sais pas, je me sens horrible." Et cette conclusion n'était pas uniquement liée à ce qu'elle ressentait à l'égard de ses parents, c'était un constat général qui lui tordait le ventre, titillant sa honte et sa culpabilité. Yasmine rit une seconde fois, puis s'accoudant d'un seul bras à la table, elle vint soutenir son front dans la paume de sa main, ajoutant avec une bonne humeur vacillante "Ça, plus tellement de choses à côté, même si j'y ai beaucoup réfléchi, oui, j'ai la sensation que ma décision est dictée par une espèce de folie latente… ça me fait peur." Ce n'était pas la première fois qu'elle exprimait ce sentiment de peur, c'était même récurrent finalement, s'aperçut-elle en perdant son regard dans les profondeurs de son thé à demi-entamé, et tandis qu'elle secouait la tête pour chasser une idée qui lui traversa brièvement l'esprit, elle ajouta, levant les yeux vers Norah avec l'impression d'en avoir trop dit, mais ne pouvant se raisonner quant au fait de s'arrêter-là ; elle était lancée "Peut-être que quelqu'un devrait m'en empêcher justement." fit-elle, et elle rompit le contact visuel pour battre plusieurs fois des cils, avant de porter sa tasse à ses lèvres en quête d'un peu de sucre, histoire de soulager l'amertume qui commençait doucement à parcheminer sa langue.
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Message(#)yasmine + you can count on me EmptyDim 05 Mai 2019, 11:16

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Bien que Yasmine était une femme déterminée et parfois assez têtue, il semblerait qu'elle émette toujours certaines réserves quand elle prenait de grandes décisions. Comme si on la forçait à revenir en arrière, à moins qu'elle ne se retienne toute seule. Norah savait que sa famille était particulièrement proche des traditions, qu'il fallait remplir certaines conditions pour avoir une vie réussie, et qu'il fallait atteindre ces objectifs dans un certain ordre. L'empreinte religieuse demeurait un symbole fort sous certains toits, et bien que Norah ait été baptisée dans une église catholique, ses parents n'allaient pas lui reprocher de ne pas être croyante et de ne pas aller à l'église tous les dimanches. Au contraire, elle ne cachait pas son scepticisme à son sujet et se plaisait souvent à dire qu'elle était comme Saint-Thomas : je ne crois que ce que je vois. Toujours est-il qu'elle savait que la confession de Yasmine était encore très ancrée dans sa famille. Cela pouvait être autant stimulant qu'éreintant, à la longue. Malgré tout, son projet d'évolution semblait très bien ficelé jusqu'à son terme, à l'entendre dire qu'elle avait de nombreux projets. Norah ressentit un léger pincement au coeur. Elle était déjà peinée à l'idée de devoir voir son amie la plus proche s'échapper une nouvelle fois pour de nouvelles aventures. Elle ne l'y empêcherait pas, bien au contraire, elle serait la première à l'y encourager, mais avec une certaine amertume. La brune avait déjà perdu son mari, et il lui fallait reconnaître qu'elle avait depuis une peur certaine de perdre d'autres de ses proches. "Il n'y a pas de mal à avoir plein de projets." souligna Norah en croisant les bras. "Au contraire, c'est plutôt une bonne chose pour continuer à se motiver. Car tu vas bien en avoir besoin, de motivation." Elle la fixait du regard, analysant ses moindres faits et gestes. Les deux jeunes femmes avaient des avis similaires sur leur corps de métier, sur l'importance qu'elle pouvait avoir au sein d'un établissement de santé. L'expérience de Yasmine en la matière ne pourrait que lui être bénéfique pour la reprise de ses études. Et malgré tous ses atouts, tous ces faits qui étaient de son côté, elle était comme coincée, indécise. Le chemin était pourtant donc tout tracé, et Norah avait la ferme intention de deviner pourquoi. Et quand Yasmine s'était lancée, non sans hésitation, dans ses explications, Norah aurait presque surprise d'avoir deviné auparavant les véritables raisons de cette réserve. "Tu sais, à l'époque, si ça ne tenait qu'à nous, Frank et moi aurions eu des enfants plus tôt que ce qu'on a fait." confessa-t-elle après quelques instants de réflexion une fois qu'elle avait entendu tout ce qui travaillait son amie. "Mais être étudiante infirmière ne paie pas forcément bien et même si lui avait commencé à bosser plus tôt que moi, financièrement, ça n'aurait pas suivi. Ou du moins, les premières années, nous n'aurions pas pu offrir aux petits la vie qu'on voulait qu'ils aient. Mais si nous n'avions pas eu cette limite financière là, je n'aurais pas hésité une seule seconde, ça ne me faisait absolument pas peur." Mais Norah voulait jouer les prolongations dans son cursus pour se spécialiser en soins de réanimation parce que c'était ce qu'elle adorait faire. Mais elle voulait devenir maman jeune, histoire de pouvoir profiter de ses enfants et dee faire des activités variés ensemble même lorsqu'ils seront grands. Peu de personnes savaient que Norah et Frank auraient adoré en avoir un troisième. Il lui arrivait par moment de culpabiliser, de se dire que, s'ils s'étaient écoutés, le troisième bambin serait là. Et qui sait, Frank peut-être aussi. "Après, la première question qui devrait se poser est : est-ce que tu en as envie toi ? Tu me parle d'une famille, d'enfants, mais pas de l'homme avec qui tu rêverais construire ce genre de choses. Le fait de construire une famille ne doit pas venir du fait que tes parents t'y poussent. Il faut rencontrer la bonne personne pour ça. Celle avec qui, à force de passer du temps avec, te concilie dans l'idée de fonder une famille avec." La famille, les enfants, étaient une sorte de finalité, qui signait en même temps un nouveau départ. Le processus complet était long et il fallait profiter de chaque instant. Il semblerait que Yasmine en oublie déjà certaines étapes. "Il faut que tu te fasses plaisir à toi d'abord, Yas. Il faut que tu en aies envie. Autant que tu as envie de devenir médecin. Est-ce le cas ?" la questionna-t-elle. Norah n'était pas vraiment du genre à mâcher ses mots. Elle partageait ses pensées et ses opinions avec une spontanéité parfois déconcertante, surtout venant d'une femme que l'on avait connu peu loquace ces trois dernières années. "C'est pas ça qui te rend indigne d'être leur fille. C'est pas ça qui te fait sentir horrible." Le service étant relativement calme, elles avaient le temps de se plonger dans cette conversation là. Pas de messes ou de mots dits à la volée, Norah tenait à ce qu'elle assimile ses paroles et deviennent de nouveaux arguments méritant de plus amples réflexions. "Je suis aussi maman de deux petits, et même s'ils en sont encore loin, je dirais que oui, moi aussi un jour, plus tard, j'adorerais avoir des petits-enfants. Mais je veux avant tout qu'ils soient heureux. J'aimerais aussi qu'Aiden soit un peu moins maladroit et qu'il se casse un peu moins la binette parce que je sais qu'un jour il finira le pied dans le plâtre malgré mes efforts. Il y a beaucoup de choses que j'aimerais pour eux, parce que je pense que ça pourrait être le meilleur pour eux. Mais... Malgré tout ce qu'il s'est passé ces derniers temps, ils sont heureux. Ils vivent leur vie, et s'épanouissent. Et plus je les vois, plus j'ai envie de les encourager dans ce qu'ils ont envie de faire, de devenir. Parce que quoi qu'ils fassent, je les aimerais toujours tout autant, de plus profond de mon coeur. Ca prend aux tripes. Je ne les aimerais pas moins parce qu'ils veulent se lancer dans une carrière qui me laisse perplexe. Je ne les aimerais pas moins si un jour ils se pointent avec une mauvaise note à l'école. Je ne les aimerais pas moins s'ils m'avouent un jour qu'ils ne veulent pas forcément avoir d'enfants, ou s'ils me disent que ce sera plus tard, peut-être." L'on pourrait croire que Norah s'emportait de trop, mais son ton n'avait absolument pas changé durant son discours, ni sa tenue, ni l'expression de son visage. Son self-control déroutait, parfois. "Ce que je veux dire, c'est que oui, je pense bien qu'un jour tes parents adoreraient avoir des petits enfants. Mais je pense qu'une partie d'eux le désire parce qu'ils pensent que c'est ça, ta clé du bonheur, le meilleur moyen d'être accompli, que sais-je. Que si tu le leur demandais pourquoi est-ce qu'ils voulaient autant des petits-enfants, ils diront d'abord que c'est pour pouvoir les gâter, mais en creusant un peu, je serai prête à parier qu'une des autres raisons, c'est parce qu'ils pensent que c'est ainsi qu'ils voient une vie réussie, qu'ils pensent que la tienne le sera en franchissant cette étape là." Il y avait aussi tout un contexte culturel et traditionaliste qu'il ne fallait vraiment pas négliger, surtout dans la famille de Yasmine. Mais c'était un fait qu'il était inutile de rappeler à la belle brune. "Je pense qu'ils veulent surtout te voir heureuse." conclut-elle, ses yeux fixant l'infirmière dont le doute semblait toujours régner dans son esprit. "Et si tu n'avais pas peur de te lancer là-dedans, c'est que tu ne te rendrais pas compte de ce que ça implique. Donc, en soi, c'est une bonne chose. Tu sais pertinemment ce qui t'attend." Un discret rictus étirait ses lèvres. "C'est normal, d'avoir peur. C'est l'une des émotions les plus désagréables à vivre. Mais ça fait toute la différence entre quelqu'un qui est doté d'humanité et de bon sens et un robot. Il n'y a rien de fou dans ça." Yasmine baissait finalement les yeux, presque honteuse de son ambition qu'elle percevait comme un caprice, à abattre un projet par elle-même alors qu'il avait été mûrement réfléchi. Sa collègue le savait, elle ne prenait pas de décisions à la légère et chaqu étape demandait tout un processus dans lequel Yasmine semblait particulièrement bien engagé. Et pourtant. "Tu te mets des bâtons dans les roues toute seule, là, Yas." fit remarquer Norah après un long moment d'un silence qui devenait un petit peu pesant. "Et ce n'est certainement pas moi qui vais t'empêcher à te lancer là-dedans. Même si, pour être honnête, ça va me fendre le coeur de te voir beaucoup moins, je sais que c'est qui te plaît, que tu en as vraiment envie, que tu t'y voies, que tu te projettes là-dedans." Quand il s'agissait de partager ses opinions, Norah ne se gênait pas. C'était certainement sa force tranquille qui faisait quasiment tout passer avec une certaine facilité. Mais tourner autour du pot, passer par quatre chemins, ce n'était pas vraiment son genre. "Je pense qu'il faut que tu fonces. Et comme je t'ai dit tout à l'heure, si tu rencontres l'élu de ton coeur d'ici là, tu en auras, des enfants. Si c'est ce que tu veux." Les études de médecine se voulant particulièrement longue, surtout lorsqu'on se lançait pour être chirurgien, il n'était pas vraiment rare de voir des internes enceinte. Leur statut entre étudiant et médecin avait des avantages et des inconvénient, mais ces femmes là étaient la preuve-même de celles qui ne se laissaient pas freiner par leur quotidien chargé pour assouvir un de leur désir les plus chers. Et vu le caractère de Yasmine, si elle le voulait vraiment, elle parviendrait à gérer cette vie rythmée et bien remplie haut la main et s'en sortirait certainement bien mieux que d'autres.
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Message(#)yasmine + you can count on me EmptyMar 07 Mai 2019, 23:23

you can count on me
norah & yasmine


Yasmine releva le nez, et posa sur Norah un regard par-dessous ses longs cils. C'était toujours un petit exploit de l'entendre parler de son défunt mari, et chaque fois qu'elle le faisait, la jeune femme ne pouvait retenir un sourire en biais. Cette fois encore, elle en laissa poindre un tout petit, et pendant quelques instants, il flotta sur ses lèvres pleines avec une pudeur qui lui appartenait. L'histoire de Frank et Norah auraient eu sa place dans la liste de celles que Yasmine jalousait en secret, et ce de façon tout à fait saine, simplement parce qu'elle savait combien elle était pure et sincère. Malgré le drame qui y avait mis brutalement fin, elle ne pouvait se résoudre à ne pas la trouver belle ; elle l'était d'autant plus que Norah n'était plus vraiment la même depuis qu'elle avait perdu sa moitié. Bien que d'un côté, Yasmine lui enviait d'avoir connu quelque chose d'aussi fort, elle ne réussissait cependant pas à s'imaginer à sa place, à devoir subir, impuissante, les affres du Destin avec autant de force et de dignité. Sans nul doute que c'était aussi pour cette raison qu'elle la respectait autant : Norah avait su rebondir face à l'inimaginable, sans perdre de vue ses responsabilités, et relevant la tête pour affronter le restant de sa vie avec l'impression d'avoir perdu une partie d'elle-même. A sa place, Yasmine n'aurait pas eu la même volonté.

Elle l'écouta d'une oreille attentive, baissant de nouveau les yeux pour les laisser baigner dans les vapeurs odorantes de son thé épicé qu'elle remua en le faisant tourner entre les paumes de ses mains, devenues légèrement moites. Elle savait bien que les paroles de sa collègue n'avaient pas fonction de la complexer, pourtant en l'entendant ainsi raconter son histoire, Yasmine ne put s'empêcher de trouver, qu'encore une fois, elle avait un train de retard sur les autres. Ses pommettes se colorèrent d'une nuance qui, même si elle ne jurait pas avec son teint caramel, était un peu trop soutenue pour ne s'agir que d'un coup de blush, qu'elle se sommait toujours d'appliquer avec le plus de légèreté possible. C'était un fait récurrent, ça aussi, cette impression incessante qu'elle avait de traîner des pieds, préférant bousculer l'ordre originel des priorités de tous êtres humains qui se respectaient pour qu'il corresponde à sa propre vision des choses. Jusqu'à présent, elle avait toujours pensé que sa famille était sa priorité, mais au plus elle prenait de l'âge, au plus elle s'apercevait que c'était son travail qui occupait cette place désormais, et quelque part en elle-même, elle se sentit honteuse de s'être ainsi perdue dans l'espoir vain de prouver aux sceptiques qu'elle réussirait. Elle ne se savait pas si dépendante de l'avis des autres, et plus que n'importe quoi, elle détestait ça. Alors que Norah lui posait une question qui la fit lâcher un rire soufflé, elle secoua la tête "Je suis peut-être célibataire et sans enfants, mais je sais quand même comment on bâtit une famille, tu sais." fit-elle. Pince sans rire face au ton légèrement infantilisant employé par Norah, elle arqua un sourcil tout en replaçant sa longue natte entre ses omoplates, la tenant d'abord pour en flatter le bout comme on flatte un pinceau sec. Elle laissa son rire s'amenuir tout doucement, et après un instant de réflexion durant lequel elle passa rapidement en revue son passé sentimental, désastreux au demeurant, elle finit par concéder avec franchise "J'ai jamais rencontré quelqu'un qui m'aies donnée envie de devenir maman. Je sais pourtant que c'est quelque chose que j'envisage dans un futur plus ou moins proche. C'est vrai, je suis plutôt douée avec les enfants." affirma-t-elle sans trop de difficulté, ne craignant même pas de paraître présomptueuse, parce que c'était un fait avéré : nurse Khadji avait la côte avec les petits – et avec les moins petits, d'ailleurs, mais le sujet n'était pas là. Elle reprit sans faire de pause "Je crois au grand amour, vraiment. Je suis sans doute un peu vieux jeu à ce sujet, ça doit me faire défaut, mais… j'ai pas envie d'avoir des enfants avec le premier venu sous le prétexte de devoir répondre au tic-tac de mon horloge biologique." Ou de devoir répondre à la vision archaïque d'une famille trop ancrée dans les traditions, en l'occurrence "Une relation, ça prend du temps à construire, et même quand elle paraît solide, il y a toujours des surprises auxquelles je suis pas sûre de vouloir être confrontée."Et là, elle pensait à Hassan et Joanne qui étaient l'exemple parfait que l'amour ne suffisait parfois pas à faire fonctionner une relation de couple. Elle se ressaisit "Pas dans l'immédiat, en tout cas." conclut-elle, et en même temps qu'elle rajoutait ça, elle s'aperçut que ses paroles auraient très bien pu concerner l'histoire de Frank et Norah. Cependant, elle ne prit pas le temps de s'excuser de la potentielle bévue qu'elle venait de faire, s'enfonçant de nouveau dans le récit chargé d'amour maternel de la jeune femme qu'elle dévora du regard, et à qui elle finit par sourire pour faire bonne mesure "Bien sûr qu'ils veulent me voir heureuse, j'en suis sûre." Alors où était le problème finalement ? C'était simple : il était dans cette impression qu'elle avait de mentir continuellement à Fatima lorsqu'elle se risquait à l'asticoter sur sa vie sentimentale, prétendant qu'elle n'avait pas le temps de s'en occuper simplement pour ne pas avoir à lui avouer qu'elle avait bien quelqu'un en tête, et que s'il répondait au moins de moitié à l'image qu'elle se faisait du gendre parfait, elle n'était pas sûre que cracher le morceau ne vienne apaiser ses craintes. Au contraire, à vrai dire. Si Yasmine était certaine de pouvoir vivre encore longtemps avec le poids de ce qu'elle ressentait pour Hassan sur les épaules, elle ne savait rien de la réaction de sa famille si un jour elle se décidait à leur dire que, pour elle, il correspondait davantage à l'illustration parfaite de ce qu'elle recherchait chez un homme que tous ceux avec qui elle était sortie ; même elle n'y pouvait pas grand-chose, en définitive.

N'empêche que ça la terrifiait autant que ses grands projets d'avenir, et qu'en écho à ses nerfs à vif, elle sentit ses genoux s'agiter sous la table à laquelle elle s'accouda enfin, repoussant son thé dont elle n'avait plus envie, et qu'elle délaissa sur le coin de la table à l'instant même où Norah reprenait la parole "Je le sais." répondit-elle d'une voix blanche, attaquant l'ongle verni de son pouce avec la férocité d'une crève la faim. Prenant conscience que ses tergiversions étaient insupportables, et qu'elle se provoquait elle-même des angoisses en ressassant ses pseudos soucis sous le prétexte qu'elle manquait de cran, Yasmine remit de l'ordre dans son fil de pensées en inspirant une grande goulée d'air tiède qu'elle bloqua dans un moment dans sa poitrine douloureuse, avant de la relâcher et de dire, la voix départie d'un peu du stress qui l'avait fait vibrer à de trop nombreuses reprises au cours des dernières minutes "J'imagine que suis trop impliquée pour abandonner maintenant de toute façon." Et elle pensa à ses séances de révisions avec Sloan, à ses projets de visiter quelques campus du pays pour se faire une idée plus concrète des programmes qu'elle pourrait rejoindre lorsque qu'elle aurait passé l'examen d'admission, et de ses démarches courageuses pour prévenir tout son entourage que cette fois, c'était du sérieux. De quoi aurait-elle l'air si elle revenait sur sa décision maintenant, à ce propos ? D'une girouette, en plus d'une sombre idiote, et Yasmine n'en était pas une : même si elle avait toujours manqué de confiance en elle, persuadée que ses proches, de leur côté, manquaient cruellement d'objectivité quand ils s'évertuaient à lui trouver des qualités, quand elle voulait quelque chose, elle l'obtenait, même si c'était difficile, et qu'elle devait se battre. Le conflit n'était peut-être pas sa tasse de thé, elle savait toutefois très bien s'y prendre pour faire valoir son intelligence, c'est pourquoi elle était parvenue à   devenir une valeur sûre au sein des urgences du St-Vincent, alors que tout le monde pensait au fond qu'elle ne tiendrait pas le rythme, la route, encore moins.
Restant un moment avec la bouche dissimulée dans la paume de sa main, elle se redressa brusquement, et tendant le bras en direction de Norah, elle lui attrapa la main pour la serrer très fort entre ses doigts "Tu m'as manquée, collègue."
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Message(#)yasmine + you can count on me EmptyDim 12 Mai 2019, 20:43

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like one two three, I'll be there
Frank lui manquait. Tous les jours, à tout à heure. Parler du futur de Yasmine, de son avenir quoi qu'il en soit, lui rappelait combien de projets elle avait eu avec son mari. Et comme tout avait basculé, du jour au lendemain. La brune en avait aussi, des rêves plein la tête. Elle avait la chance d'avoir des proches qui tenaient à elle et qui étaient tous là pour la soutenir, et il semblerait qu'elle ne soit finalement que son propre nemesis. "Je sais, oui." répondit Norah d'une manière particulièrement neutre. Peut-être que son amie cherchait à rendre la conversation plus légère par une petite plaisanterie, mais pour Norah, c'était surtout un moyen de relativiser, de faire comme si de rien n'était. On n'était jamais vraiment à l'aise lors d'une conversation sérieuse et qui parlait d'une situation qui lui tenait beaucoup à coeur. Elle ne savait pas comment jongler entre les attentes de sa famille, ses rêves à elle, et ce qui lui semblait réalisable ou non.  Norah, en s'utilisant comme exemple, voulait lui faire comprendre que ce n'était pas impossible, et qu'elle devait suivre ses sentiments pour cette nouvelle voie. "C'est pas vieux jeu." lui assura-t-elle, quand la brune parlait du grand amour. Norah l'avait connue avec Frank et elle savait que c'était le plus beau sentiment qui soit. Même s'il lui avait fait de la peine plus d'une fois, trop pris par sa passion pour son travail, même si elle n'hésitait jamais à s'affirmer et à lui tenir tête, cela finissait toujours par une réconciliation. Quand il était encore en vie, elle aurait dit à n'importe qu'elle ne pourrait pas vivre sans lui, car il était à ses yeux l'homme idéal, celui qui lui correspondait le mieux. Et même parfois, ces derniers temps, elle se demandait comment elle avait pu survivre jusque là. Comme à ce moment là, perdue dans ses pensées, Norah se questionnaiit encore sur les raisons qui lui avaient permis là, de se retrouver à discuter avec une amie qui lui était proche. Elle fut prise d'une grande tristesse, à songer au fait qu'elle aurait voulu un troisième enfant avec lui. "Quand tu rencontreras cette personne là, je peux t'assurer que toutes ces envies là viendront d'un coup. Tu sauras." lui certifia-t-elle, pensive et particulièrement nostalgique. "Tu sauras." répéta-t-elle plus bas, la gorge serrée, se souvenant du jour où elle avait recroisé le chemin de Frank une fois qu'elle était étudiante. "Si tu pars avec ce postulat là, tu n'oseras jamais t'engager avec qui que ce soit." répondit-elle alors. Elle haussa les épaules.  "Même si on m'avait dit, la veille de mon mariage, que j'allais perdre mon mari de cette façon-là, j'aurais quand même signé." ajouta-t-elle après un moment de réflexion, songeuse. Ses yeux  brillants se relevaient ensuite pour fixer le regard de Yasmine. "Ca vaut le coup." Norah aurait pu s'élancer dans le plus long des discours. A dire que même si elle connaissait l'issue de sa relation avec Frank, elle aurait accepté de l'épouser, elle aurait tout fait pareil tellement elle avait adoré ces années-là. Elle lui aurait que la douleur était proportionnelle aux sentiments et à l'implication dans le couple. Et que même si elle n'était plus que l'ombre d'elle-même depuis cette nuit-là, elle dirait que ça en valait la peine. Elle avait deux adorables enfants qu'elle aimait plus que tout, fruit de leur amour, qui, grâce à eux, ne s'éteindra jamais. "C'est pas ça non plus qui doit te freiner." se contenta-t-elle en baissant le regard à nouveau. "Il y a quelque chose d'autre qui te retient ?" finit-elle par demander. Elle posait cette question un peu par hasard, pour savoir s'il y avait autre chose qui pouvait la bloquer sur cette voie-là. Car Yasmine avait absolument tout pour elle. Elle avait de nombreuses qualités, était d'une grande beauté et d'une belle gentillesse, mais il semblerait qu'elle n'ait pas encore trouvé chaussure à son pied. "Ce n'est pas trop tard. Si tu veux changer d'avis, tu le peux encore, tu le pourras toujours. Il faut te dire que de toute façon, quoi qu'il se passe, tu as déjà un diplôme en poche. Tu ne pars pas sans rien et tu ne reviendras pas sans rien non plus. Si tu te décides d'arrêter à un moment donné, tu auras eu  l'impression de perdre des années, des frais, d'autres choses. Mais c'est qu'il y avait besoin de ce parcours pour comprendre ce que tu désirais réellement.  Si au contraire, tu t'y retrouves et que tu as envie d'aller encore plus loin, il n'y aura qu'à foncer. Il n'y a pas à se forcer, à se contenir. Tu auras déjà bien assez de doutes durant tes études pour s'encombrer du reste. Mais ne te dis pas que tout est joué d'avance de toute façon, parce que ce n'est pas vrai." Norah voyait bien le rythme de vie des étudiants en médecine. Il était éprouvant et il fallait être doté d'une sacrée force mentale pour y parvenir. Yasmine l'avait, ce pouvoir là, elle ne se faisait pas trop de soucis pour elle. Elle savait déjà que si elle avait besoin d'en parler, Norah serait toujours disponible. Sa franchise était tout aussi connue que sa bonne oreille. Yasmine se remit soudainement sur ses jambes et s'approcha de sa collègue afin de lui serrer la main. "Toi aussi." lui répondit-elle avec un fin sourire. Norah se décida de se lever également. Elle saisit l'élastique qui rassemblait ses cheveux afin de faire une queue de cheval plus convaincante que celle qu'elle avait actuellement. Elle devait admettre que le déménagement l'avait fatiguée, autant moralement que physiquement. C'est pourquoi, une fois qu'elle avait fini par boire sa première tasse, elle s'en servait un deuxième qu'elle prenait avec elle pour poursuivre sa journée. "Je compte me remettre au sport." finit-elle par dire. Norah avait une silhouette plutôt athlétique de base, mais elle savait que sa cardio n'était vraiment plus ce qu'elle était. "Mon frère a cru à un miracle quand je lui ai demandé qu'à l'occasion, il garde les enfants durant ces moments-là." Car Norah était plutôt indépendante de base. Elle ne s'était pas octroyée de temps pour elle depuis le décès de Frank, trop noyée par son deuil et par ses responsabilités quotidiennes. "Mes footings ne se résumeront enfin plus aux allers-retours dans les couloirs." Elle s'en réjouissait plutôt, même si elle ne le montrait pas forcément. Elle en avait besoin, et grâce à Alfie, elle allait pouvoir se permettre d'avoir un peu de temps pour elle. "Je dis pas que je retrouverai mon niveau universitaire non plus. Mais j'en tirerai forcément quelques bénéfices." Le jour où elle faisait des footings matinaux avec Rhett plusieurs fois par semaine lui semblait particulièrement lointain. Norah avait fait partie de l'équipe féminine de handball le long de ses études. De quoi se défouler après une journée compliquée ou s'occuper quand Frank n'était pas là. "Aidan grandit et devient moins maman-dépendant. Je me suis rendue compte que je commençais à avoir un tout petit peu plus de temps libre." Il avait quatre ans désormais et devenait enfin un peu plus autonome, c'était ce qui avait permis à Norah de songer à prendre soin d'elle. Elle ne l'admettrait à pas beaucoup de monde, mais elle se sentait épuisée, presque à bout. Elle misait énormément sur ces courses à pieds avec Alfie pour se défouler et libérer un peu la pression. Depuis la disparition du policier, elle n'avait pas arrêté : elle gérait ses enfants principalement seule tout en contenant son propre chagrin, elle avait décidé de déménager car c'était pour elle le seul moyen de ne pas totalement perdre la tête. Et voilà qu'elle ressentait l'après-coup, à juste titre..
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Message(#)yasmine + you can count on me EmptyLun 13 Mai 2019, 12:03

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norah & yasmine


C'est un sourire timide que Yasmine adressa à Norah lorsqu'elle lui assura que, le moment venu, elle saurait reconnaître les signaux qui lui donneraient l'envie de construire une famille ; avec ce quelqu'un, cette ombre qui s'emboîterait parfaitement sur la sienne, qu'on lui laissait sans cesse miroiter. Pour l'heure, tout lui paraissait flou, brouillé par nombre d'interférences qui, si elles persistaient dans le temps, sifflant à ses oreilles comme le font les acouphènes, lui feraient sans doute perdre la raison et prendre des risques inconsidérés pour sortir du carcan entravant de ses croyances et de ses secrets. Elle laissa un court silence retomber dans la salle de repos des infirmières. Etonnamment, il faisait tout aussi calme à l'extérieur de la pièce. Elle qui craignait tant les ragots de couloirs eut soudain la sensation désagréable d'être trop exposée aux oreilles indiscrètes du service, mais quand bien même elle en aurait eu envie, il était trop tard pour mettre un terme à la conversation. Yasmine tira sur les manches de son sous-pull harmonisé à sa tenue de travail, et après que Norah lui ait dit que ça valait le coup de souffrir, de prendre des risques inconsidérés justement, elle eut un léger mouvement de sourcils, et les coins de sa bouche tressaillirent pour laisser échapper un rictus mi-figue mi-raisin. Elle n'avait peut-être pas de point de comparaison suffisamment parlant pour comprendre ce que la jeune femme lui affirmait sans ciller, n'ayant ressenti que du soulagement lorsqu'elle s'était extraite de sa relation avec Edge dont l'infidélité lui était apparue comme une porte de sortie toute trouvée pour recouvrer sa liberté, néanmoins elle saisissait sans mal ce qu'elle tenait à lui faire passer comme message. De nouveau, elle s'étonna à quel point le fait de tomber amoureux relevait en fait d'un masochisme atroce – mais souffrir un peu au milieu du bonheur, ça permettait de gagner en humilité, et d'assimiler la notion du rien n'est jamais acquis. Pourtant, malgré sa compréhension sommaire des faits rapportés par Norah, elle baissa de nouveau la tête pour mettre en avant un constat qui lui serra le ventre à l'instant où elle ouvrit la bouche avec hésitation "Je sais pas être courageuse dans ce genre de circonstances, Norah." Et il était là, le grand paradoxe de la plus jeune des Khadji. Elle n'hésitait pas une seconde à partir huit mois dans une région du monde prise d'assaut par des barbares, mais elle ployait sous le poids de ce qu'elle ressentait et finissait par perdre tous ses moyens, ballotée entre plusieurs états d'âme et ne sachant comment agir raisonnablement pour préserver la paix précaire qui régnait au sein de son entourage.

Elle se racla la gorge avec l'impression d'avoir beaucoup trop parlé pour aujourd'hui. Yasmine avait soif, mais son thé l'écœurait désormais, et encore un peu, elle le mit de côté pour échapper à son odeur sucrée. Délaissant en même temps les manches étirées de son sous-pull, elle retrouva rapidement sa manie de triturer son verni à ongles écaillé pour parfaire sa petite comédie de celle qui n'avait rien à cacher. Mais au fond, que risquait-elle à l'admettre devant Norah que, si elle prenait autant de pincettes pour s'occuper de cet aspect là de sa vie, c'était parce qu'elle couvait quelque chose de plus profond qu'une grosse angoisse mal prise en charge ? Elle aurait pu gruger un peu, se reposer sur le traumatisme de son agression, survenue quelques années auparavant, pour expliquer à quel point les contacts physiques la rebutait depuis, et lui faire accepter et comprendre le fait qu'elle n'avait plus la foi d'expliquer à quiconque, surtout par à un potentiel prétendant, qu'il lui fallait du temps pour ne plus considérer les hommes comme une menace. Mais autant ça avait été vrai durant sa précédente relation, autant elle avait appris à faire la part des choses, notamment grâce à Sloan qui s'était avéré être un soutien particulier, en plus d'avoir soufflé un vent de fraîcheur bienvenue sur sa perception des relations homme/femme, et à retrouver un semblant de confiance lorsqu'elle était confrontée aux inconnus, même si sa pudeur s'était accrue ; mais plus que tout, elle ne voulait pas mentir à Norah. Yasmine roula ses lèvres l'une sur l'autre, chassant par la même les restes sucrés de son thé qu'elle regarda d'un œil peu amène pendant quelques secondes. Puis, se radoucissant, elle releva la tête pour affronter le regard de sa collègue dans l'espoir qu'elle y décèle quelque chose qui la ferait battre en retraite un moment, le temps qu'elle se décide d'avouer tout haut ce qu'elle gardait pour elle depuis si longtemps Tout doucement, avec une voix mal assurée, elle lui demanda "J'ai pas envie d'en parler pour l'instant. Mais quand je trouverai la force, tu voudras bien m'écouter ?" Comme elle verrouillait son regard au sien, elle prit conscience combien il devenait urgent pour elle de trouver la force de mettre à plat ce qu'elle avait découvert au Niger, éloignée de sa famille et du tableau peint par les circonstances depuis qu'Hassan était entré dans sa vie.

Tendre la main vers Norah, au sens propre comme au sens figuré, la réconforta momentanément, et alors que la jeune femme l'encouragea de nouveau, Yasmine lui répondit "Merci." Ses doigts serrés autour des siens, elle ajouta, cherchant son regard en penchant la tête "Merci de ne pas arrondir les angles pour me rassurer. C'est le problème avec la famille et les amis, ils ont tendance à dire ce qu'on a envie d'entendre… mais pas toi. J'en avais besoin." admit-elle, et la voyant détacher ses cheveux pour les rassembler en une queue de cheval, elle secoua la tête d'un air de faux reproches, laissant poindre un pincement de lèvres empreint d'un gentil jugement "Hum-hum, ça tiendra pas longtemps comme ça. Laisse-moi faire." Après s'être levée de sa chaise, Yasmine la laissa se prendre une nouvelle tasse de café. Enfin, quand Norah la rejoignit, elle releva les manches de son sous-pull, se plaça derrière elle pour démolir sa queue de cheval, et passa son élastique à son poignet droit pour commencer à séparer ses mèches avec le doigté qui lui permettait de s'occuper de sa propre tignasse tous les matins. Quand on avait son épaisseur de boucles sur la tête, il fallait savoir y faire. Même si elle avait toujours su s'en accommoder, bien éduquée par Fatima qui s'était toujours fait un plaisir de la coiffer et de lui apprendre comment le faire, son séjour en Afrique lui avait toutefois permis de s'affirmer dans ce domaine. Aussi laissa-t-elle ses doigts dégager le visage de la jeune femme pour s'affairer autour de ses mèches qu'elle traita avec la douceur qu'on lui connaissait, tandis qu'elle répondait à ses paroles avec un sourire affiché de biais sur son visage concentré "Un tout petit peu plus de temps libre que tu t'empresses d'occuper, je te reconnais bien là." fit-elle un air de dire incorrigible Norah "On court souvent avec mon frère, c'est devenu un petit rituel depuis mon retour." Ils passaient davantage leur temps à se défier de battre le record de l'autre et à saliver par avance sur l'orgie de donuts qui les attendaient à chaque fin de sessions, n'empêche que ça leur permettait de garder leur lien intact. C'était probablement la seule chose qui n'avait pas changé depuis que Yasmine était rentrée, elle avait même l'impression que sa relation avec son frère aîné s'était affirmée et qu'elle était plus forte que jamais – elle l'aurait été davantage s'il ne s'était pas obstiné à repousser autant ses tentatives de le faire passer de nouveau le seuil de la porte de la maison familiale, mais il avait déjà réussi à renouer avec Hassan, alors tout espoir était bon à prendre, même si ça lui paraissait bien trop longtemps à son goût. Yasmine dégagea son propre visage des quelques petits cheveux qui s'étaient échappés de sa natte en soufflant dessus, continuant à faire tricoter ses doigts aguerris pour nouer les mèches de Norah entre elles "Si tu as besoin de partenaires de course, n'hésite pas à te joindre à nous." Arrivant au bout de sa tresse en écailles de poisson, elle releva les yeux, fixant momentanément le mur devant elle "Et si tu as besoin d'une baby-sitter pour Aidan et Julie, je me porte volontaire. Je sais qu'ils ne me connaissent pas bien, mais je pourrais toujours les faire participer aux ateliers de l'hôpital. J'ai souvent besoin d'assistants pour le bénévolat, je suis sûre que ça leur plairait d'intervenir et de se faire de nouveaux amis – montre-moi." Elle se départit de l'élastique passé à son poignet pour nouer le bout de sa tresse bien serrée, et se décalant d'un pas en arrière, elle attendit que Norah se tourne dans sa direction pour plaquer délicatement les petits cheveux qui encadraient son visage "Beaucoup mieux. Au moins t'auras pas à penser à tes cheveux jusqu'à la fin de ton service."


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Message(#)yasmine + you can count on me EmptyMar 14 Mai 2019, 20:58

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Norah avait parfaitement conscience que, depuis la mort de Frank, beaucoup idéalisait sa relation avec lui. Ou, du moins, qu'on mettait leur amour un peu trop sur un piédestal alors que pour elle, c'était naturel. Elle n'était pas la plus grande romantique qui puisse exister, mais elle savait qu'un amour sincère n'arrivait pas sans querelles et sans sujets électriques. Une relation ne pouvait être saine que si tout était dit, que les contrariétés n'étaient pas laissés de côté afin d'éviter toute situation conflictuelle. Frank était un homme bon, cela allait sans dire. Mais il restait campé sur ses positions lorsqu'il s'agissait de son métier, pour lequel il était passionné. Norah s'inquiétait énormément pour lui et ce sentiment s'était décuplé depuis la naissance de leur premier enfant. Elle connaissait la dangerosité de son emploi, et lui aussi. Peut-être avait-il eut un maigre aperçu de ce qu'elle pouvait ressentir durant l'une de ces fois où elle s'était faite agressée par un patient ivre alors qu'elle faisait un remplacement aux urgences. Plus de peur que de mal, Frank était avant tout contrarié que l'on puisse s'en prendre au corps médical – que l'on soit ivre ou non. Norah l'aimait plus que tout et ses sentiments persévéraient même à titre posthume. "Avoir peur ne signifie pas que l'on n'a pas de courage." répondit calmement Norah. "Ca fait très parole de sage, mais c'est pourtant vrai. Je trouve que c'est plutôt courageux d'admettre ce genre de choses." Elle haussait les épaules : il ne s'agissait que de son avis. Elle ne comptait pas forcer la main de Yasmine, surtout pour ce genre de choses. Elle ajoutait volontiers son grain de sel, mais Ô grand jamais elle n'imposerait sa volonté pour bousculer ce que le Destin avait initialement prédit. Norah l'observait mettre sa tasse de thé de côté, comme écoeurée par son parfum. Discuter de sujets aussi personnels la rendaient visiblement nerveuses. "Bien sûr. Quand tu veux." lui assura-t-elle avec un léger sourire, assurant ainsi à la belle brune qu'elle se montrerait présente le jour où elle aura besoin de parler de ses amours. Pour qu'elle bloque à ce point, c'était certainement une situation très particulière, difficile à gérer pour elle. Yasmine était une femme solide, qui ne se laissait pas facilement déstabiliser. Alors sa situation devait être très complexe. C'était du moins les conclusions qu'en tirait Norah. Sa collègue appréciait beaucoup chez elle sa franchise. Elle disait ce qu'il fallait être dit. Elle n'était pas non plus brute de décoffrage, mais Norah savait trouvé les bons mots pour partager ses pensées et pour que sa franchise ne passe pas pour de la méchanceté. "Comment Werber le dit déjà ? Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire..." Norah adorait cette citation et elle était si vraie que c'en était déstabilisant. "Entre ce que tu as envie d'entendre, et besoin d'entendre." dit-elle afin de réajuster la citation à son amie. Celle-ci jugeait bon de prendre en charge la coiffure de Norah afin qu'elle n'ait plus besoin d'y toucher pour le reste de la journée. La jeune femme se laissait faire sans dire mot. "Je ne me permettrais pas de m'incruster dans vos activités familiales." Même si ce n'était qu'une simple course à pied. Norah ne connaissait le frère de Yasmine que de nom et elle ne se voyait pas s'immiscer ainsi. Si ce n'était que Yasmine, pourquoi pas. "Avant, ça me permettait de me vider la tête, de relâcher la pression, tu vois ? J'ai bon espoir pour que ça fonctionne cette fois-ci aussi. Et j'ignore comment sera l'après-coup. Si l'endorphine sera au taquet et que je ressentira le bien-être, ou si le fait de lâcher prise ne fasse ressortir des choses dont je n'aimerais pas que n'importe qui en soit le témoin." admit-elle avec une gêne certaine. Elle savait que Yasmine comprendrait. Elle savait que son amie était pudique lorsqu'il s'agissait de partager ses émotions, ses sentiments. Elle ne les divulguait pas à n'importe qui et ne voudrait pas que le frère de Yasmine, qu'elle ne connaissait pas, le découvre après leur séance de footing.  "Je vais le faire avec un ami. Mais j'adorerais le faire avec toi, si un jour ton frère n'est pas disponible. Histoire de ne pas avoir à attendre que l'on travaille à nouveau ensemble pour se revoir, sinon c'est pas gagné" Elle espérait qu'elle ne soit pas vexée de décliner l'invitation de courir avec son frère, pour une raison ou pour une autre. Norah était persuadée qu'elle comprendrait. La belle  brune proposait même de garder les petits pour que sa collègue s'accorde plus de temps pour elle. On se bousculait aux portillons pour s'occuper des enfants pour que Norah s'accorde une pause. Seuls Anwar ou Caelan avaient osé s'imposer pour la garde, afin qu'elle puisse sortir quelques heures d'un quotidien qui la bouffait de trop. Les premières fois, elle ne savait pas quoi faire. Au contraire, ne pas voir l'esprit occupé laissait place à sa peine et son chagrin. Et ces moments là étaient particulièrement difficilement à vivre. "Merci beaucoup. J'y penserai pour les fois où j'aurai besoin de quelqu'un pour les garder." dit-elle alors qu'elle se retournait pour que Yasmine puisse regarder le résultat de la coiffure qu'elle venait de lui faire. Norah la remercia une nouvelle fois une fois qu'elle en avait fini avec sa coiffure. Elles sortaient toutes les deux de la salle de pause pour migrer vers la salle de soins. Il fallait de dire, même là-bas, il n'y avait pas beaucoup d'activités, ni beaucoup de monde. La journée s'annonçait particulièrement tranquille. "Je le dis à pas mal de personnes en ce moment, mais tu devrais venir voir la maison, quand tu en auras l'occasion. Nous n'habitons pas si loin que ça, si je ne me trompe." reprit Norah avec un brin d'enthousiasme. Elle avait souvenir que Yasmine logeait chez ses parents le temps de retrouver ses marques à Brisbane. "Je découvre encore le quartier, tu pourras me montrer les coins les plus sympas. Et si ça tombe sur une journée où les petits ne sont pas à l'école ou à la crèche, tu ferais plus amples connaissances avec eux." Yasmine avait la cote auprès des plus jeunes et il n'y avait pas vraiment de raisons pour que Julie et Aidan n'en fassent pas partie. Ils étaient tous les deux très sociables et sa collègue trouvait toujours les bons mots pour les aborder. "J'avoue que je n'ai pas vraiment eu le temps de faire un plus grand tour pour trouver mes repères, depuis le déménagement. J'ai eu... beaucoup à faire." Notamment tout le processus d'acceptation de cette étape de sa vie, à trouver toutes les bonnes raisons de sa décision afin de ne pas culpabiliser à terme. Un exercice très difficile. "Le tout pourrait se conclure par un thé chez moi, avec un... cheesecake ? Ou un brownie ?" proposa-t-elle après un moment de réflexion, réalisant qu'elle n'avait pas fait cette recette là depuis longtemps.
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Message(#)yasmine + you can count on me EmptyJeu 23 Mai 2019, 11:24

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Un rire fusa de la bouche de l'infirmière. Un rire gêné, un peu sec, non moins charmant, qui s'évapora nonchalamment une fois qu'elle ouvrit de nouveau la bouche "J'imagine qu'on a tous notre propre définition du courage." rétorqua Yasmine, d'une petite voix mal assurée, faisant sonner, aussi délicatement que possible, la fin du débat dans lequel elle s'était gentiment lancée avec sa collègue, il y a quelques longues minutes plus tôt. Elle n'était pas du tout à l'aise avec les compliments, encore moins lorsqu'ils mettaient en exergue des traits de sa personnalité qu'elle prenait soin d'amoindrir par pure modestie, pas pur esprit de contradiction également, même si elle faisait en sorte de ne jamais le présenter de cette façon. De légères plaques rouges vinrent surmonter ses pommettes qu'elle fit saillir grâce à un sourire bouche fermée, faisant doucement éclore sa timidité sous la chaleur réconfortante des jolis mots de Norah. Puis, elle baissa la tête, posant enfin les yeux sur le chantier qu'elle avait commencé à abattre pour éviter à la jeune femme d'être ennuyée par ses cheveux qu'elle avait simplement attaché à la va-vite. Ainsi, son visage de poupée serait dégagé, laissant place à la petite constellation de tache de rousseur qui piquetaient son nez retroussé, et ses yeux auraient tout le loisir de laisser irradier leur couleur translucide. Concentrée sur les mailles épaisses qu'elle tricotait du bout de ses doigts plein de dextérité, Yasmine resta silencieuse un petit instant, un peu comme pour faire le point sur ce que la jeune femme venait de lui dire. Elle savait dans le fond qu'elle avait un côté téméraire, c'était même de notoriété publique qu'elle ne rechignait pas à jouer les casse-cous quand l'occasion lui était donnée. Finalement, si elle avait toujours idolâtré la princesse Jasmine, ce n'était pas pour rien, car comme chez l'héritière du royaume d'Agrabah, être précieuse ne faisait pas partie de la personnalité de l'infirmière, aussi surprotégée et choyée qu'elle était, retranchée dans le palais, certes modeste, fait sur-mesure pourtant par Amjad et Fatima qui s'obstinaient à la considérer comme plus fragile qu'elle ne l'était. Des cicatrices résultant de ses expéditions dans le quartier pour suivre le rythme de son frère, et prouver à ses parents qu'elle aussi avait le droit d'explorer le monde, qu'elle n'avait pas peur de tomber, elle en avait des tas, en vérité. Que ce soit sur les genoux ou sur les bras, elles servaient à cartographier les fois où elle avait voulu jouer avec le feu, et affirmer son envie d'être logée à la même enseigne que ceux qui lui servaient de modèles ; sautant des ravins deux fois plus haut qu'elle et dévalant les collines de Logan City en courant sans craindre de s'échouer à plat ventre une fois arrivée en bas, portée par la vitesse de ses pas et par l'écho de son rire qui se joignaient à ceux des garçons. Non, durant son enfance, Yasmine n'avait jamais vraiment ressenti la peur – celle qui paralyse de haut en bas, annihile le bon sens, et fait perdre tous ses moyens. Mais elle avait grandi, affrontant des épreuves aussi difficiles qu'éprouvantes au travers des destinées des Jaafari, de Sohan et de son propre père. A partir de ces moments-là, elle avait commencé à craindre de ne plus être assez armée pour affronter ce qui lui tomberait dessus, comme toutes ces choses qui leur étaient tombées dessus ; outre le manque de moyen de ses parents à l'époque, l'empêchant de mener son grand projet de médecine, c'était sans doute pour cette raison qu'elle avait choisi de devenir infirmière pour s'épanouir : de cette manière, Yasmine s'était assurée d'apprendre certains rudiments pour apporter son aide si jamais quelque chose de grave finissait par de nouveau leur arriver. Aussi, depuis son retour d'Afrique, elle était exagérément prudente, moins attirée par le danger, plus soucieuse des conséquences que de l'effet immédiat de ses décisions prises sur un coup de tête – sa reprise d'études en était la preuve irréfutable. De ce fait, à ses yeux, le courage était devenu une vaste notion qu'elle avait l'impression d'avoir perdue, même si elle avait toute sa vie était entourée d'individus qui lui avaient donnés des leçons en la matière, lui apprenant les grandes lignes de cette grande qualité qu'elle avait décidément le sentiment désagréable d'avoir remisé dans un coin de sa personne qu'elle ne consultait plus ; trop apeurée, trop angoissée.

Secouant la tête pour reprendre le fil de la conversation, elle tira peut-être un peu trop fort sur la mèche qu'elle tenait entre ses doigts. Pourtant, elle fit comme si de rien n'était, proposant à Norah qu'elle rejoigne le petit squad de coureurs qu'elle formait avec Sohan. Ce qu'elle refusa pour des raisons qui se valaient, et que Yasmine comprit sans qu'elle n'ait besoin d'expliciter "Les crises de larmes en public, ça a tendance à rendre les gens mal à l'aise. Pas de problème, je comprends." A raison, d'ailleurs, puisque tout le monde ne savait pas comment réagir ; elle repensa à ses propres larmes face à Ginny, et de nouveau, elle secoua la tête tout en demandant à Norah de lui montrer le résultat de ses quelques secondes où elle s'était glissé dans les souliers d'une coiffeuse "Magnifique." fit-elle avec appréciation du profil souligné de la jeune femme. Elle plaqua les paumes de ses mains sur les petits cheveux qui encadraient le haut du front de Norah "Tu devais rejoindre l'escouade des bénévoles en pédiatrie, on aurait davantage l'occasion de se croiser." laissa-t-elle échapper avec malice, puis elle reprit "Mais j'accepte d'être la relève si ton ami te fait faux bond. J'aurais qu'à annuler avec mon frère, je suis sûre qu'il m'en voudra pas." Un clin d'œil raté plus tard, et elle se dégagea de derrière la chaise de Norah pour la laisser passer. Puis, elle la suivit de près pour déambuler à ses côtés dans le couloir beaucoup trop calme à cette heure de la journée. Les yeux plissés, elle lui répondit "C'est vrai. J'ai pas le souvenir de t'avoir croisée dans le quartier." Elle ne lui fit pas l'affront de lui demander ce qui l'avait tant occupée ces derniers mois, ayant une nette idée du quotidien qu'elle avait dû mener depuis la disparition de Frank. Ça la plongea dans un sentiment de tristesse fugace, de penser à la détresse dans laquelle la jeune femme s'était retrouvée sans jamais s'en plaindre, mais elle se hâta de le faire passer en levant le regard au plafond, portée par ses pieds qui connaissaient si bien les recoins de l'hôpital, qu'elle n'avait pas l'impression de devoir les commander pour qu'ils l'amènent là où elles devaient se rendre "Tu rates quelque chose en termes de commérages, ma mère se ferait un petit plaisir de te mettre au parfum. Si l'envie te dit de passer un de ses jours, elle est plutôt douée pour la pâtisserie, elle aussi. Et on a un super jardin avec une balançoire, une balancelle… Aidan et Julie devraient apprécier." Et en attendant que sa propre fille pouponne, ça ravirait Fatima d'avoir des enfants à proximité pour faire exploser son potentiel de grand-mère extraordinaire. Elle tourna la tête vers Norah, un sourire fendant son visage en la voyant tenter de la soudoyer avec des douceurs. Une occasion que Yasmine ne laissa pas filer, tandis qu'elle disait "Ou les deux. Sans me vanter, mon estomac peut supporter beaucoup de choses, tu sais."


Dernière édition par Yasmine Khadji le Dim 02 Juin 2019, 10:00, édité 1 fois
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Message(#)yasmine + you can count on me EmptyLun 27 Mai 2019, 22:24

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La modestie de Yasmine devait servir d'exemples à certains médecins et autre soignants de cet établissement. Quoi que dans ces cas-là, il était impossible pour Norah de déterminer si elle acceptait oui ou non les compliments que l'on pouvait lui donner. Elle avait l'impression qu'ils coulaient sur elle comme une goutte d'eau sur les plumes d'un canard. Mais son sourire, bien que timide, laissait penser que les qualités que Norah utilisait pour la décrire avait fait une petite percée. Peut-être qu'elle portait beaucoup de crédit aux paroles de sa collègue. Beaucoup pensait que le calme de Norah venait de sa sagesse, mais il s'agissait tout simplement de son tempérament naturel. Il suffisait d'un regard pour laisser comprendre que ce n'était pas le moment de lui chercher des noises. Certes, elle avait de l'expérience dans le métier, mais elle avait des collègues qui en avaient plus qu'elle. Jamais elle ne viendrait se comparer. Quoi qu'elle ne se gênait pas pour faire des commentaires sur les négligences de certaines d'entre elles. Yasmine s'attelait donc à faire une tresse avec les cheveux de son amie, pendant qu'elles continuaient à discuter. A simplement prendre des nouvelles, étant donné qu'il était devenu rare qu'elles travaillent ensemble. Norah la devinait songeuse, silencieuse. Elle ne s'était jamais vraiment permise de la sortir de ses pensées quand elle la voyait ainsi. Yasmine l'avait déjà fait avec elle, en revanche. Depuis le départ de Frank, la belle brune avait rapidement su qu'il n'était jamais trop bon de la laisser trop longtemps dans ses pensées, surtout selon les mots qui avaient pu la plonger dans cet égarement. Sans qu'elle ait besoin d'argumenter davantage, Yasmine comprenait rapidement les raisons pour laquelle elle ne se sentait pas capable de courir avec la fratrie Khadji. Certes, elle n'aimait pas montrer sa faiblesse en public, surtout à des personnes qu'elle ne connaissait pas. Satisfaite de la coiffure qu'elle venait de faire, la brune n'hésitait pas à l'exprimer non sans enthousiasme. Enfin, Norah pouvait à nouveau lui faire face. "Si j'avais le temps pour ça, je t'assure que je les aurais rejoins depuis longtemps." lui assura-t-elle avec un rire plus léger. Mais sa collègue savait que Norah faisait déjà des heures supplémentaires pour arrondir les fins de mois, pour permettre d'offrir des cadeaux et des sorties à ses enfants. "Pas la peine qu'il me fasse faux bond. On peut très bien se programmer ça ensemble, si nous avons de la chance d'avoir des jours communs sur nos plannings." lui assura Norah. "Ca pourrait devenir comme... une obligation hebdomadaire de se voir. Au moins ça." Elles ne seraient pas contre se voir un peu, car leur emploi du temps n'allait pas vraiment dans leur sens pour espérer passer quelques heures ensemble. Norah avait besoin de passer du temps avec des personnes qui la voyaient encore comme étant Norah, pas comme la veuve du flic qui s'est fait tué sur le terrain. Elle ne voulait pas de leur pitié, ça ne lui était d'aucun secours. Au contraire, c'était avec les personnes qui se comportaient avec elle le plus naturellement qu'elle était sujette à se confier et à lâcher un peu prise. "Ce serait une manière originale de découvrir un quartier, cela dit." dit alors Norah avec un léger rire en entendant Yasmine de parler de sa mère. "Connaître les rumeurs avant les bonnes adresses du quartier, ça peut être intéressant." La brune semblait avoir déjà bien en tête la façon dont se déroulerait les choses si Norah était menée à franchir le seuil de la porte des Khadji. Elle esquissa un sourire reconnaissant. "J'en ramènerai moi aussi alors, quelques gourmandises. Je goûterai les siennes, elle goûtera les miennes, et les enfants et toi, vous goûterez certainement tout." Elle rit bouche fermée tout en glissant ses mains dans les poches du haut de sa tenue d'infirmière, dans lesquels on pouvait toujours y trouver un petit carnet de notes, une paire de ciseaux et une paire de pince Kocher – le minimum syndical pour son métier. "Mais l'idée me plaît." finit-elle par dire avec plus de sérieux, ses yeux rivés sur son amie. "Pas que je veuille m'incruster, mais... Je ne serais pas contre faire de nouvelles connaissances, me familiariser avec le voisinage." S'ouvrir aux autres, aussi. On ne pouvait pas dire que Norah avait fait beaucoup de nouvelles rencontres ces trois dernières années. Certes, elle semblait aller mieux comparé à quelques mois plus tôt, mais elle ressentait dernièrement l'épuisement causé par son acharnement à la tâche. Les enfants, la gestion de la maison, le travail, les soucis, le deuil. Tout un ensemble qu'elle devait encore gérer. "Revenir à la normale, en somme." Elle esquissa un sourire un peu triste. "Même si je suppose que ce ne sera jamais vraiment le cas." Il y aura toujours ce vide en elle, qu'elle ne pensait jamais pouvoir combler à nouveau un jour. Elles auraient pu continuer à marcher dans le couloir désert. Mais Norah s'arrêta net, alors que Yasmine avait fait un pas supplémentaire avant de s'arrêter à son tour. "Il me manque, Yas." souffla-t-elle. Qu'il était frustrant de faire remonter ces émotions-là sur son lieu de travail. Quoique Norah n'était pas non plus en larmes, à hurler au milieu du couloir. Une expression neutre, un regard vide, rien de plus. Rien qui ne pouvait véritablement traduire sa détresse malgré les années. C'était une phrase qu'elle avait énoncé des centaines de fois, seulement à certaines personnes désignées. Anwar y avait droit à chacune de ses visites, depuis le début. Lui aussi, souffrait beaucoup de l'absence de son coéquipier. "J'avance, c'est pas ça le problème. C'est juste que..." Elle secoua la tête. "Il me manque, c'est tout. Et les psys qui disent qu'un deuil dure en moyenne deux ans ont sacrément tort. J'ai un doute sur ses différentes étapes aussi." dit-elle en tentant d'ironiser, faisant référence au cours de psychologie que tout infirmier avait eu droit durant sa formation. Le déni, elle l'avait eu, et un sacré. Elle s'était pointée à son travail le surlendemain comme si de rien n'était, comme si tout ceci n'était qu'un mauvais rêve. C'était un ami à elle, le médecin du service de réanimation, qui avait eu la très lourde tâche de la faire revenir à la réalité. "Malgré tout, je me sens encore déconnectée. Comme si tu voyais le monde continuer sa vie comme si de rien n'était, bien plus vite que moi je ne le peux." Et elle se sentait impuissante face à cela. Elle poussa un long soupir, avant de retrouver le sourire. Celui-ci était quelque peu forcé, cela dit. "Alors je ne serais vraiment pas contre quelques pâtisseries, un thé, et quelques  commérages du quartier ne peuvent que me faire le plus grand bien." Et sûrement l'aider à se sentir un peu plus en phase avec ce monde qui l'entourait.
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Message(#)yasmine + you can count on me EmptySam 01 Juin 2019, 15:35

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norah & yasmine


"C'est une super idée." répondit Yasmine avec enthousiasme, pointant sur Norah ses deux index qu'elle avait collés entre eux. Faisant immédiatement mine de réfléchir à son planning, qui était plutôt chargé depuis son retour d'Afrique, elle se tourna vers elle, l'imitant sans y penser lorsqu'elle plongea ses deux mains dans les poches de sa tenue d'infirmière et qu'elle se mit à tâter du bout des doigts les petits trésors qui y étaient enfouis "Il faudra juste que je ralentisse le rythme de mes séances de révision pour l'examen d'entrée à la fac. De toute façon, je crois que j'ai pas autant besoin que ça de me plonger dans les bouquins, c'est de la superstition." admit-elle, l'air de rien. Puis elle se redressa, faisant de fait balancer sa longue natte entre ses omoplates, légèrement tendues pas le stress constant qui pesait dessus "Alors, je valide la rencontre hebdomadaire avec plaisir. Je dois de me changer les idées, moi aussi." conclut-elle, et des fossettes finirent par se creuser au coin de ses lèvres qui s'étirèrent sur une rangée de dents bien entretenues. Une sécurité inutile, voilà ce que représentait en vérité ses soirées passées en compagnie de Sloan, à revoir des notions acquises tout au long de son parcours au St-Vincent. Surtout, une assurance qu'elle faisait tout son possible pour mettre les chances de son côté afin de parvenir à son but, et cela même si ça voulait dire qu'elle en faisait beaucoup trop, mettant entre parenthèses certains aspects de sa vie pour mieux réussir celui-là. Négliger sa famille, négliger ses amis, négliger sa propre santé, négliger tout ce qui n'avait pas un rapport direct avec ce qu'elle prévoyait de faire bientôt, Yasmine avait conscience que ça lui porterait préjudice au fil du temps. Mais pour une fois qu'elle s'occupait de quelque chose qui la concernait de près, on pouvait difficilement lui reprocher quoi que ce soit – si ce n'était les secrets qu'elle semblait garder jalousement, et qui commençaient à peser trop lourd sur sa conscience. S'étant un court moment perdu dans ses pensées, elle reprit sur le même ton enjoué, secouant la tête d'un même mouvement "On vérifiera nos plannings respectifs et en fonction de ça, on décidera de la meilleure façon d'occuper ces petits moments toutes les deux. Par exemple, s'il faut tester de nouvelles recettes, je veux bien endosser le rôle de goûteuse officielle, mais ce n'est qu'une proposition..." Le running gag mettant en scène sa gourmandise faisait toujours son petit effet, et après un rire lâché très spontanément, elle s'emboîta de nouveau dans la conversation, prenant un air plus sérieux pour répondre à la jeune femme "Oh, elle n'en laissera pas une seule de côté, tu peux me croire. Elle s'en est donnée à cœur joie quand je suis rentrée du Niger." Elle rit, roulant des yeux avec tendresse en se représentant sa mère, assise à la table de la cuisine, pépiant en arabe pour lui raconter combien le nouvel occupant du quartier lui semblait bien trop sûr de lui pour être honnête "J'ignore rien de ce qui s'est passé pendant mon absence et pourtant, je suis quand même partie huit mois." Il y avait des potins dont elle se serait bien passé, ceci étant. Yasmine n'en parla pas cependant, ravalant doucement son rire. Arborant alors une mine plus sévère quand la jeune femme mentionna une pseudo-incruste dans le quotidien des Khadji, elle fronça les sourcils "Norah, c'est moi qui te propose. Je t'assure, elle adorerait faire ta connaissance." Fatima était un animal sociable, Yasmine tenait ça d'elle. Elle avait beau être un peu timide de son côté, sa bonhommie était un avantage non négligeable, et sa facilité à détendre l'atmosphère était une qualité qu'elle ne renierait jamais tenir de sa maman adorée ; en revanche, le goût de la rumeur n'était pas ce qu'elle préférait, même si elle s'avérait être plus curieuse qu'elle ne l'admettrait jamais.

Prenant une légère inspiration lorsqu'elles tournèrent à l'angle du couloir du service de pédiatrie, Yasmine baissa la tête, se mordant la lèvre lentement. Le froncement de ses sourcils s'accentua un peu, devenant plus marqué et douloureux, réagissant d'eux-mêmes à la révélation que Norah laissa échapper. Son cœur se serra en même temps que sa gorge. Du gâchis, voilà ce que lui inspirait la disparition de Frank, et chaque fois, elle se surprenait à trouver toute cette histoire si injuste, qu'une douce colère faisait briller son regard vert émeraude "Je sais." murmura-t-elle tout de même, et dans un élan réconfortant, elle sortit les mains de ses poches pour venir crocheter le bras de la jeune femme de qui elle se rapprocha, l'écoutant sans l'interrompre en frottant son bras. Elle ne lui donnerait pas son avis sur les psys, ne tenant pas à se montrer plus virulente qu'il ne fallait sur cette branche de la médecine qu'elle s'était mise à abhorrer depuis que le sien, de psy, avait posé son diagnostic la concernant, l'accusant sans détour de se complaire dans son angoisse et ses secrets ; tu parles, elle avait préféré claquer la porte de son bureau que d'admettre qu'il avait peut-être raison, et aujourd'hui, consulter un thérapeute était une option qu'elle refusait d'envisager de nouveau, qu'importe les menaces qui planaient sur sa santé mentale, sur sa  santé tout court. Elle fit une pause, rassemblant toute sa bonne foi pour ne pas déborder dans la mauvaise direction, et avec des mots bien choisis, elle lui dit "C'est normal, il te manquera toute ta vie. Même si c'est horrible à dire de cette façon, t'apprendras à vivre avec… ce sera plus facile certains jours, ce le sera moins certains autres, mais ça fera bientôt autant partie de toi que lui quand il était encore là." Elle n'avait jamais vraiment perdue quelqu'un, mais elle avait une vague idée de l'horreur que ça représentait quand on avait l'impression de vivre sa vie en slow-motion, en marge de ceux qui réussissaient à se relever et à se réinsérer pour reprendre le rythme effréné de la vie : il n'y avait rien de plus frustrant de constater que d'un côté, on n'était pas assez fort pour faire comme tout le monde. Comme tout le reste concernant cette histoire, ça lui brisait le cœur de s'apercevoir que Norah en était elle aussi à ressentir ce sentiment-là ; Yasmine ne le souhaitait à personne. Elle se racla la gorge pour reprendre sur elle, et tandis qu'elle accueillait le sourire un peu triste de Norah, elle lui en rendit un qui se voulait plus naturel et chaleureux. Après lui avoir frotté le bras une dernière fois, elle la lâcha doucement "J'aime mieux ça, nurse Lindley." laissa-t-elle échapper pendant que ses yeux se plissèrent, réduisant son champ de vision pour mieux se concentrer sur ce qu'elle dit avec un sourire en biais "Je serais pas étonnée que maman ressorte les vieux albums pour te montrer à quel point j'étais adorable quand j'étais petite. De quoi te changer complètement les idées, et me mettre la honte jusqu'à la fin de mes jours, si on considère les choix discutables que j'ai fait en matière de fringues." Elle laissa sa tête basculer légèrement en arrière, et elle posa son regard complice sur Norah qui était derrière elle désormais "Mais ça restera entre nous, hein ?" Il n'était pas exclu qu'elle exige un serment du petit doigt pour sceller cet accord de ne jamais parler des images qu'elle verrait dans les pages des albums familiaux des Khadji – mais ça pouvait largement attendre qu'elle y soit confrontée pour de vrai.
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Message(#)yasmine + you can count on me EmptyDim 02 Juin 2019, 18:33

YOU CAN COUNT ON ME
like one two three, I'll be there
Sortir de son quotidien ne pouvait être que bénéfique. Cela permettait de ne plus avoir la tête dans le guidon pendant quelques minutes, ou quelques heures. De sortir un petit peu la tête de l'eau pour faire le point sur ce que l''on était en train de faire pour mieux reprendre, pour corriger les erreurs. Ne serait-ce que pour prendre une grande bouffée d'air pour retrouver un peu plus de courage. Parfois, il n'en fallait pas plus que ça. Que Yasmine approuve totalement de convenir d'un rendez-vous hebdomadaire. Les plannings et les affectations n'étant pas de leur côté, il fallait un peu forcer les choses pour qu'elle puissent se voir autant qu'elles le voudraient. Une fois par semaine était un très bon début, utopique comparé à la fréquence de leurs entrevues ces derniers mois. "Ca te fera justement la pause de tes révisions, quand on se verra." répondit-elle avec un léger sourire. "On discutera de cas cliniques concrets autour d'une tasse de café, ça sera plus enrichissant que de laisser ton nez plongé dans un bouquin d'anatomie." renchérit-elle. Il y avait certes beaucoup d'informations et de connaissances à gober en très peu de temps, mais l'expérience de Yasmine allait lui permettre de passer cette étape plus facilement que les jeunes qui sortaient tout droits du lycée. "Tu as une longueur d'avance, il faut que tu en profites." lui dit-elle d'un ton encourageant. "Je ne t'invite pas à lézarder de trop non plus, loin s'en faut." Un léger rire s'échappa de sa bouche. "Mais tu as toujours eu des facilités, et tu sais très bien comme les utiliser pour que ça devienne un véritable avantage." Yasmine était studieuse, rigoureuse, au moins tout aussi perfectionniste que son amie. Toutes les deux, il fallait le dire, elles formaient un sacré duo. Compétentes sans pour autant se prendre la tête ou tout prendre trop au sérieux, elles formaient un binôme exclusif. Mais Yasmine tenait à rester à la pédiatrie tout comme le coeur de Norah restait attaché à la réanimation même si elle allait souvent aider ailleurs. Mais quand leurs chemins se croisaient, ce n'était que du bonheur. "Tu seras toujours la bienvenue pour un goûter alors, mais il faudra partager avec Julie et Aidan." dit-elle avec un léger sourire, ravie que Yasmine soit aussi prête à s'investir pour qu'elles puissent se voir plus régulièrement – surtout si ça lui permettait d'avoir des pâtisseries en cadeau bonus. La belle brune était certaine que sa mère recevrait leur nouvelle voisine (et amie de sa fille, qui plus est), sous son toit, à partager des plats gourmets. Il était de notoriété commune que les plats maghrébins étaient copieux et que les personnes qui lui cuisinaient adoraient les partager avec ses convives, jusqu'à ce que les plats soient bien vides. "Eh bien, je viendrais volontiers." assura Norah, lui lançant un regard reconnaissant. Alors que cette conversation prenait fin, une sensation plus que familière pour Norah prit soudainement le dessus, venu de nulle part. Il n'y avait pourtant rien autour d'elle qui lui rappelait Frank. Il n'avait pas eu le temps de passer par l'hôpital pour quitter ce monde. Et cette tristesse, bien que pesante, la faisait sentir plus en vie qu'elle ne l'était durant cette période où elle n'était véritablement plus que l'ombre d'elle-même. Une coquille vide, dépourvu d'émotions, qui l'empêchait de réaliser ce qu'il s'était passé. Et Norah savait que Yasmine était aussi affectée par le décès du policier. Elle était plus contrariée qu'autre chose, ressentant peut-être un peu d'injustice, au milieu de la peine qu'elle semblait vouloir parfois retirer des épaules de son amie, qu'elle soit soulagée ne serait-ce qu'une fraction de secondes. Mais c'était impossible. Elle ne pouvait que la comprendre, l'écouter. "Je suppose que lorsque l'on arrive à vivre avec, c'est quand on parvient à en finir avec son deuil." répondit Norah, le regard perdu, pendant que Yasmine caressait toujours tendrement son bras en guise de soutien. "Il m'arrive encore à me réveiller des matins, où je vois qu'il n'est pas avec moi au lit, et pendant une fraction de secondes, je me dis qu'il a encore passé toute la nuit sur une intervention, qu'il reviendra peut-être bientôt. Jusqu'à ce que tout revienne d'un coup et que je réalise qu'il ne reviendra pas." Norah força un sourire. "Ca ne dure vraiment pas longtemps, mais à chaque fois..." Elle secoua la tête dans l'espoir de dégager ces souvenirs-là, de ces matins douloureux. Ses enfants encaissaient bien mieux qu'elle, c'était certain. Elle entendait Yasmine s'éclaircir la gorge. Même pour elle, c'était dur à encaisser. Norah aurait juré avoir un léger éclat de colère dans son regard, par rapport à la disparition du policier. Elle l'avait déjà vu dans les yeux d'autres, notamment de son frère aîné. Son acolyte faisait certainement partie des personnes qui rêvait de connaître l'assassin de Frank. Mais Norah ne manquait pas de volonté même si elle se sentait ailleurs. Elle tentait au mieux de se raccrocher à la réalité, tentant de se sociabiliser comme elle pouvait le faire avant. Et Yasmine l'y aidait volontiers. "Promis." lui dit-elle en forçant un sourire, maigre tentative de se remettre de ses émotions. "Quand j'ai commencé à faire l'album des miens, je me suis dit qu'ils réagiront pareil quand ils les regarderont quand ils seront plus grands." Elle en avait plusieurs pour les deux. Frank et Norah aimaient beaucoup faire des photos, il suffisait de regarder la taille de l'album qu'ils avaient pour leur voyage de noces. Alors quand leurs petits bouts de chous se sont pointés, ils n'avaient pas lésiné. "Au début, j'avais peur d'en faire trop, d'être comme toutes ces mamans complètement gagas de leur progéniture." Mais Norah n'était pas de celles à filmer quoi qu'ils fassent. Elle profitait de l'instant présent, et prenait des clichés quand ça lui semblait approprié. "Mais maintenant, je me dis qu'ils ne pourront qu'être heureux de voir toutes ces photos, eux avec Frank surtout. Aidan pourra mettre un visage sur son père et comprendre combien il lui ressemble, et pour Julie, ça lui permettra d'entretenir les souvenirs qu'elle a de lui." Norah affichait là un sourire sincère. "Et ça, c'est une très bonne chose." Elle avait encore du mal à ouvrir les albums de son mariage et de son voyage de noces, c'était encore trop difficile pour elle bien que les souvenirs qui y étaient liés étaient magnifiques. Les deux jeunes femmes reprirent leur chemin dans le couloir, croisant parfois un internet ou d'autres soignants qui déambulaient autant qu'elles. C'était étrange que tout soit aussi calme. Bizarre, mais on ne peut plus plaisant, et les deux amies en profitaient tout simplement pour se retrouver, se raconter les dernières nouvelles, même les plus futiles.
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