Tout n’avait pas toujours été très rose dans la vie de Mitchell, son passé qu’il tentait d’oublier à travers sa nouvelle vie en Australie depuis maintenant treize ans avait tendant à refaire surface durant de terribles cauchemars qu’il tentait de vaincre au fil des nuits. Il repensait souvent à ce qu’aurait été sa vie s’il n’avait pas fait les mauvais choix, si sa famille avait été exemplaire et que le sang n’avait pas coulé. Il repensait à sa chère mère qui s’était donné un mal fou à faire d’eux un exemple dans la vie quotidienne, à son père qui avant de tourner à la dérive était un type bien gagnant confortablement sa vie, à ses sœurs qu’il n’avait pas vue depuis de nombreuses années et qui avaient vu leurs frères fuir. Il repensait à cette vie qui finalement n’avait rien à envier, à cette vie de merde qu’il avait eut avant de se créer sa propre histoire ou il ne tenait pas le rôle du gentil. Son verre de whisky à moitié vide lui rappelait qu’il devait se calmer avec l’alcool dont il abuse chaque soir, à croire que le liquide doré allait pouvoir l’aider à oublier. Il soufflait fortement avant de regarder son frère qui se tenait à côté de lui. « Comment on a pu en arriver là. » Il ne regrettait pas d’être là, non, il appréciait cette vie dangereuse, malgré lui. « Si maman savait. » Qu’il ajoutait en terminant son verre d’une traite avant de partager un petit rire nerveux avec son frère Alec. « Des fois Alex me manque. » Il avait changé de prénom quinze ans plus tôt après avoir fui Las Vegas, embarqué dans une merde sans fin par celle qui est devenu ensuite sa femme. Il savait que tout était sa faute au final, il lui en voulait des fois de l’avoir embarqué dans cette vie, lui qui s’imaginait devenir avocat ou encore médecin. C’était avec elle que tout avait démarré, par amour. « Et Mavis qui ne donne pas de nouvelle. » Tout avait été toujours compliqué entre eux, seul l’amour qu’ils avaient l’un pour l’autre les maintenait ensemble, mais tout ce qu’il y avait à côté causait leur perte à petit feu, jusqu’à créer un fossé, les empêchant de se réunir et d’être heureux. Elle était partie avec le chien et ne donnait plus de nouvelle depuis des mois, il espérait au fond que tout allait bien pour elle, mais continuait de vivre comme si elle n’existait pas. L’amour et Mitchell, c’était un autre sujet qui lui donnait le cafard. Il a aimé deux femmes dans sa vie, son premier amour, Beth, lui revenait à l’esprit de temps en temps, il se demandait ce qu’elle avait pu devenir, si elle avait réussi dans la vie. Il se prenait à imaginer ce qu’aurait été sa vie avec elle puis secouait la tête pour faire disparaître cette idée de son esprit. « Tu devrais rentrer et te reposer ça te ferait du bien, Alex. » Alec lui tapotait l’épaule avant de disparaître. L’Américain fixa son verre quelques secondes, se demandant s’il devait s’en servir un autre avant de finalement attraper ses affaires et de quitter le restaurant. Il avait trop bu pour prendre sa bécane et la laissa sur place afin de faire le chemin à pied. Marchant les mains dans les poches, il regardait devant lui avant de poser son regard sur une femme qui lui paraissait familière. Il s’arrêta net, la fixant sans relâche. « Ce n’est pas possible. » Qu’il se disait à lui-même avant d’avancer à grande allure vers elle. « Beth ? » Il observait le regard qu’elle posa sur lui avant de rajouter. « C’est moi .. Mitch … Alex ! » Il se trompait peut-être.
Il était tard. Sûrement trop tard pour être seule dans le noir. La lumière de l’abribus lui donnait une factice sécurité. Ça la rendait plus visible encore, plus fragile aux possibles prédateurs nocturnes de toutes les grandes villes. Tant pis. Elle n’allait pas attendre son bus dix mètres plus loin, elle ne tenait pas à le louper et devoir rentrer à pieds. C’était le dernier. Sa voiture était encore en panne. Elle l’aimait sa vieille auto mais elle semblait être un puits sans fond. De toute façon, elle était un peu trop alcoolisée pour prendre le volant. Pas de quoi être totalement éméchée, loin de là, elle tenait bien debout et ses idées étaient claires mais depuis l’accident de moto de son frangin, sa conscience lui jouait des tours. Benjamin avait peut-être été victime d’un mec alcoolisé, ils ne l’ont jamais su, et le voir régulièrement dans son fauteuil roulant lui rappelait combien il fallait être prudent. Prendre le bus était devenu sa dernière option en partant de la soirée où elle se trouvait. Debout contre la vitre de l’abribus, Deborah avait les mains enfoncées dans les poches de son perfecto. Si les journées restaient chaudes, depuis quelques jours, les nuits devenaient plus fraîches et sortir sans veste n’était pas une option. La brune guettait les alentours, sans angoisse, simple réflexe d’habiter une grande ville. Sans crainte jusqu’à ce qu’un type ne s’accroche et la fixe. Elle feintait d’abord l’indifférence, persuadée qu’il était sûrement bourré et qu’il avait flashé sur une idiotie – peut-être bien une des affiches publicitaires de l’abribus d’ailleurs.
Puis, un nom venait faire vibrer ses tympans. Ils étaient seuls dans la rue, il s’adressait forcément à elle et par réflexe, elle avait posé son regard sur lui. La mauvaise idée… Il s’approchait davantage, à vive allure. Instinct de protection, la jeune femme s’était décollée de la vitre et avait sortie les mains de ses poches. Il semblait la reconnaître mais elle, pas du tout. Mitch… Alex… est-ce qu’il était défait au point de ne pas connaître son prénom ? Un stress relatif venait tordre légèrement l’estomac de l’Irlandaise. Il semblait gentil, même relativement avenant – il aurait pu davantage s’imposer en la prenant dans ses bras ou une connerie dans ce genre quand on reconnaît quelqu’un – mais c’était sa taille imposante qui était impressionnante et cette odeur de whisky qui s’échappait de lui. Rien de très fort mais assez pour savoir qu’il avait bu quelques verres, tout comme elle sûrement. La seule chose, c’est qu’elle ne connaissait pas cet homme et encore moins sa tolérance à l’alcool. Debra gardait une méfiance à son égard et son instinct lui hurlait de faire semblant pour échapper à une possible réaction vive de sa part. « Oh, Alex, excuse-moi, je ne t’avais pas reconnu. » Sourire ravi de circonstances sur le visage, engagement rapide de la conversation. Elle devait à tout prix se souvenir qu’il venait de l’appeler Beth, au moins jusqu’à ce que le bus arrive ou qu’elle s’assure réellement qu’il n’a rien de dangereux. « Ça fait longtemps… Comment tu vas ? » Elle le supposait… elle espérait que ça faisait longtemps que lui et cette Beth ne s’étaient pas vu. Il ne lui aurait pas rappelé son prénom dans le cas contraire. Et ce regard… il semblait tellement surpris de la voir et ravi à la fois, il ne semblait pas avoir de rancœur envers cette femme qu’il croyait voir dans les traits de Deborah, bien au contraire. De quoi détendre un peu la brune, presque peinée qu’elle ne soit pas celle qu’il croit. « Qu'est-ce que tu deviens ? »
Ces derniers temps, l’Américain avait tendance à boire quasiment tous les soirs, il avait cet inévitable besoin de se changer les idées pour une unique raison : le départ de sa femme qui avait laissé place à une grande solitude chez le chef de gang qui se retrouvait à vivre seul dans un grand appartement avec comme simple bruit, celui des voisins du dessus qui venait d’avoir leur premier enfant qui faisait des siennes au milieu de la nuit. Il avait pris la mauvaise habitude de s’endormir devant la télévision, lorsqu’il ne passait pas ses nuits au Club ou en bonne compagnie. Il avait fait un pacte avec lui-même qui consistait à ne jamais ramener d’inconnue dans son appartement, non pas qu’il souhaitait préserver les lieux à tout prix, mais plutôt par sécurité, ne voulant pas prendre le risque d’être trouvable par des adversaires ou par la police. Le contrat de vente avait été signé sous un faux pseudonyme, préférant couvrir ses traces au maximum, seul les personnes en qui il avait véritablement confiance avait l’honneur de se rendre dans l’antre du diable, des personnes qui se comptaient sur les doigts d’une main. Faire confiance n’était pas le point fort de l’Américain qui préférait se méfier de tout et tout le monde avant d’en dire plus à son sujet. Depuis sa sortie de prison, il était devenu bien plus vigilant, suite à la trahison de Lou, qui opérait au sein du Club et qui avait amené la police à lui. Il l’avait encore à travers la gorge et avait beaucoup de mal à calmer sa colère à ce sujet, surtout qu’en plusieurs années, il avait réussi à échapper au radar des forces de l’ordres, et ce, depuis son départ de Las Vegas, ou il avait laissé derrière lui bien des souvenirs, bon comme mauvais.
Alors qu’il avançait les mains dans les poches, sentant son cœur battre un peu plus vite que d’habitude, une réaction qui était sûrement dû à l’alcool, il avait hâte de rejoindre son lit qui l’appelait de loin. Son parcours, qui avait été plutôt banal, fut intercepté par la vision d’une jeune femme qui lui paru être un mirage. Était-il en train de rêver ? Était-il bourré à un point d’imaginer des choses ? Il eut un gros doute durant quelques secondes, ne pouvant s’empêcher d’avancer vers la silhouette qui lui paraissait de plus en plus réelle, jusqu’à pouvoir discerné parfaitement les traits du visage de la brune qui attendait visiblement son bus.
Son approche pu paraître étrange, il ne manquait pas l’air interrogateur de la jeune femme qui devait ne pas s’attendre d'être interpellé à une heure tardive par un homme dégageant une odeur peu agréable, le trahissant sûrement sur le fait qu’il avait dû beaucoup boire. Pourtant, il ne se dégonflait pas et la questionnait sans attendre sur son identité, persuadé qu’il s’agissait de son ex petite amie Beth, son premier amour. Il voulait s’assurer qu’il s’agissait bien d’elle, pensant durant un instant que ce n’était pas possible et fut assez surpris lorsqu’elle répondit positivement à sa requête. Il n’en croyait pas ses oreilles, c’était donc elle. Incroyable ! Il ne trouvait pas ses mots pour exprimer la joie qu’il avait de tomber sur elle, ne l’ayant jamais oublié, bien qu’il était passé à autre chose depuis sa tendre jeunesse, elle restait celle qui avait connu le vrai Alex, avant qu’il ne devienne le diable en personne. Elle le devançait en lui demandant comment il allait et ce qu’il était devenu, des questions qui le fit sourire, bien sûr il n’était pas prêt à lui faire part de sa vie de criminelle, elle n’avait pas besoin de savoir ce genre de détail. « Je vais plutôt bien, je suis vraiment surpris de tomber sur toi après tant d’années ! » Il n’en revenait toujours pas et avait sentit l’alcool redescendre en quelques secondes. « Tu as quitté Las Vegas ou tu es en vacances dans le coin ?» Qu’il demandait avant de finalement répondre à sa question. « Je me suis installé dans le coin il y au moins treize ans, j’ai ouvert mon propre restaurant et j’ai pas mal investi en immobilier… Et toi alors, toujours passionnée par la peinture ? » Il se souvenait qu’elle avait un don incroyable pour la peinture et qu’elle avait toujours voulu en vivre.
Un instant d’appréhension, un moment d’hésitation. Deborah n’avait pas su quoi faire face à cet homme alcoolisé d’une taille imposante. Le mensonge, c’était la première chose qui lui était venu, comme un rempart, une protection mentale à cette intrusion momentanée. Elle aurait pu simplement lui dire qu’elle n’était pas cette Beth mais l’instinct – et la peur, un peu – l’avaient poussé à entrer dans son jeu pour s’épargner une possible réaction vive face à la déception de ne pas être en face de la personne qu’il espérait. Pourtant, elle regrettait presque immédiatement. Premièrement parce qu’elle n’était pas du genre à mentir, bien trop franche en général pour ne pas être piquée par l’envie de gueuler la vérité et deuxièmement, la joie sur le visage de l’homme lui fendait presque le cœur. Il semblait tellement heureux de retrouver cette Beth tout à fait par hasard qu’elle regrettait ses paroles. Peut-être que la déception de l’homme aurait été plus supportable pour le coup. Et maintenant ? Et si elle lui disait la vérité et que l’alcool prenait le dessus ? Sincèrement, à la taille de l’homme, elle ne tenait pas à se prendre une mandale, elle en ferait sûrement trois tours dans son slip sans en toucher les bords comme on dit. Alors comme une idiote, elle s’enfonçait un peu plus dans sa bêtise, empruntait définitivement le chemin du mensonge pour ne plus en sortir.
« Les vacances ! » Précipitation dans la voix, elle avait sauté sur l’occasion pour qu’il ne se fasse pas d’illusion, peut-être un peu trop vite d’ailleurs. Elle reprenait un peu son calme pour ne pas permettre trop suspicieuse. « Je suis là pour les vacances pendant quelques semaines. Ce pays me faisait de l’œil depuis quelques années, c’est d’autant plus étonnant de se croiser du coup. » Un sourire aimable, presque ravi, c’est qu’elle jouait plutôt bien la comédie… facile quand une part de vérité s’y cache. Si elle n’était pas cette Beth venue de Vegas en Australie pour les vacances, elle avait bien quitté son pays d’origine, l’Irlande, pour venir ici, en partie parce que depuis que son frère y avait mis les pieds, le pays des kangourous lui avait donné envie de venir jeter un coup d’œil. Elle aurait aimé que sa venue ici se fasse dans d’autres circonstances que celles qui l’avaient poussé à s’y rendre mais les faits étaient là, elle n’était jamais repartie… un signe qu’elle avait adopté l’Australie.
C’était finalement à la réponse d’Alex qu’elle se rendait compte qu’elle n’était pas face à un alcoolique notoire banal – à moins que l’alcool ne lui fasse dire des bêtises – elle se trouvait nez-à-nez avec un homme d’affaire chevronné. Restaurant, investissement dans la pierre, il savait ce qu’il faisait visiblement. « Wouah. » C’est tout ce qui lui venait à l’esprit sur le moment. Un étonnement sincère, elle qui fuit tant le monde des adultes, lui était plongé dedans jusqu’au cou et il réussissait bien visiblement. Une certaine forme d’administration naissait en elle en dépit du fait qu’elle était loin de tout savoir. « Oui toujours, il y a des choses qui ne changent pas. » disait-elle avec un sourire jusqu’au moment où elle se rendait compte que ça pouvait porter préjudice à son mensonge, il manquerait plus qu’il lui demande une démo, elle serait bien dans la misère. « Mais ça reste de la passion observatrice. J’ai arrêté de pratiquer… un accident de la vie bénigne a fait que j’ai eu le poignet cassé et j’ai perdu en souplesse. Ce sont des choses qui arrivent, tant pis. »
Un haussement d’épaules et de suite, la conversation se tournait de nouveau vers lui. Il valait éviter de parler de cette Beth. « Il se trouve où ton restaurant ? Je pourrais aller y manger un morceau. » ou pas… à voir. A vrai dire, même si l’affirmation se voulait mensongère, tout allait dépendre de la suite. Si l’appréhension avait d’abord pris le dessus, l’homme ne semblait pas bien méchant et l’idée qu’elle puisse vraiment se rendre à son restaurant restait dans l’esprit de la brune une possibilité réelle. Discrètement, ses iris gardaient un œil sur l’horizon derrière Alex. Sur cette route où le bus n’arrivait pas. Même s’il semblait sympathique, c’était préférable que le bus arrive vite, elle ne tenait pas franchement à faire traîner le mensonge. Non seulement parce que c’était un risque de se faire prendre si jamais elle disait une boulette mais surtout parce que ce n’était pas cool pour lui, pas du tout, mais maintenant qu’elle s’était emplâtrée dedans, elle ne se voyait pas en sortir sauvagement. « Je peux t’en offrir une ? » De clope, elle qui venait de sortir son paquet, comme pour gagner du temps en discutant de tout et rien, surtout de rien. « Et sur le plan personnel, ça se passe comment ? » Elle aurait bien demandé s’il était marié, s’il avait des gosses etc. mais elle n’avait aucune idée du temps qui était passé entre la dernière fois qu’Alex et Beth s’étaient vu. Ça pouvait être deux ans comme vingt ans, autant jouer la carte de la prudence.
Le temps avait coulé sous les ponts et la Beth que Mitchell avait connu n’était plus sûrement la même qu’à l’époque, tout comme lui d’ailleurs qui était loin du jeune homme qu’elle avait connu. Avant Mitchell s’était quelqu’un d’ambitieux, qui s’imaginait faire une belle carrière dans une branche professionnelle sérieuse rapportant suffisamment d’argent pour vivre une vie paisible en fondant une famille, mais était loin de s’imaginer devenir un jour un criminel de haut rang, multipliant les activités illégales pouvant le faire croupir à vie dans une cellule. Avant il adulait les super-héros à présent il adorait les super-vilains à l’image du Joker qui était presque devenu un modèle pour lui. Il appréciait l’audace que pouvait avoir ce personnage et la cruauté dont il pouvait faire preuve. Il avait pourtant du mal à cibler dans quelle bande dessinée ou quel film il le préférait, mais ne s’en laçait pas et n’hésitait pas à lui piquer quelques-unes de ses répliques lors d’échange houleux avec des ennemies. Puis bon fallait l’avouer, entre Batman et le Joker, le Joker tire son épingle du jeu par son originalité et ça façon de faire rire. Puis Mitchell, il aime ce côté sadique, parce que lui-même l’est. Bien sûr, Beth devait encore avoir l’image du gentil jeune homme de Las Vegas et c’est dans ce sens là qu’il comptait se comporter à cette arrêt de bus, bien conscient que malgré le fait d’être sorti ensemble à l’époque, aujourd’hui ils étaient deux inconnus et la faire fuir n’était pas son but.
Il lui demandait ce qu’elle faisait à Brisbane, très surpris que le monde soi si petit pour la retrouver comme par hasard dans la ville qu’il a élu domicile, il a quelques années. Il apprenait qu’elle y était pour les vacances, ne tentant pas compte du fait qu’elle avait répondu un peu trop rapidement à sa question comme s’il lui avait soufflé la bonne réponse juste avant. « C’est un pays vraiment très sympa, les gens y sont très accueillant ! » En partie du moins. Il avait réussi à ce faire place au sein de la communauté de Brisbane au bout de quelques mois, grâce à son côté avenant et son air sympathique, mais y avait également trouvé un agréable terrain de jeu pour le crime. « Le monde est petit, c’est hallucinant ! Je n’aurais jamais pensé te recroiser ailleurs qu’à Vegas ! » Tout comme lui ne, c’était jamais imaginé quitté sa douce Amérique. « En tout cas tu n’as pas changé ! J’ai cru rêver en te voyant ! » Qu’il ajoutait avec un sourire montant jusqu’aux oreilles avant de lui faire part d’une partie de ce qu’il fait dans la vie, cachant très bien son jeu bien sûr sur le côté sombre de sa vie. Il ne voulait pas non plus en faire trop en mettant en avant sa réussite alors qu’il ne savait pas ce qu’elle avait fait de sa vie depuis l’époque ou elle était très passionnée par la peinture. Il apprenait qu’elle avait toujours cette passion, mais qu’elle n’avait pu en faire son métier, ce qui le fit légèrement grimacer. « C’est vraiment dommage, tu avais beaucoup de talents, enfin, j’imagine que tu en as encore. » Il n’eut vraiment le temps de continuer à s’intéresser à elle, qu’elle lui posait à son tour une nouvelle question. « A quelques pas d’ici, j’en sors justement. » Qu’il répondait, alors qu’elle lui demandait ou se trouvait son restaurant. « Tu y seras la bienvenue, si tu veux, on peut manger un morceau ensemble avant ton départ, en souvenir du bon vieux temps ! » Ils avaient sûrement beaucoup de choses à ce dire, depuis le temps. Elle lui proposait une cigarette, qu’il accepta sans grand mal, bien qu’il avait un paquet dans sa poche. « Merci. » Qu’il disait avant d’allumer la cigarette qu’il avait planté entre ses lèvres. Puis elle lui demandant comment ça allait sur le plan personnel, bien sûr elle ignorait tout de sa vie sentimentale et il n’avait pas spécialement envie de lui dire toute la vérité. « J’ai été marié, mais ça n’a pas fonctionné, du coup, j’en suis de nouveau à la case départ. » En réalité il était toujours marié, bien qu’il se comportait comme un homme purement célibataire depuis pas mal de temps déjà. Il levait légèrement la tête vers le ciel sentant une goutte lui tomber sur le visage. « Et toi alors, mariée ? Des enfants ? » Tirant sur sa clope avant de rejeter la fumer vers le ciel avant de sentir de nombreuses gouttes tomber de plus en plus. Il grimaçait en tournant la tête vers la jeune femme, se rendant compte qu’il n’y avait pas vraiment d’abri à cet arrêt de bus. « Je sais que tu attends un bus, mais si tu n’es pas pressé, on peut aller se mettre à l’abri. » Suggérait-il ressentant la sensation désagréable de la pluie tombant fortement.
Il la faisait sourire alors qu’il ne s’adressait même pas à elle. Pas véritablement en tout cas. Il s’adressait à ce fantôme du passé qu’il avait reconnu dans les traits d’une Deborah qu’il ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam. Mais il semblait si heureux de revoir cette Beth qu’elle ne pouvait que sourire, sourire d’une certaine tendresse parce que ça le rendait mignon. Comme un enfant face à son amoureuse à la récréation, il semblait pris d’un relent de souvenirs attendrissants et Debra était touchée par ça, un peu malgré elle. Peut-être même qu’une pointe de tristesse se cachait aussi derrière ce sourire parce qu’elle ne connaissait pas ça et que son cœur d’artichaut aurait aimé y avoir droit. Pour le peu qu’elle s’était attachée dans sa vie, les ponts avaient été entièrement coupés. Ces deux hommes et cette femme qu’elle avait aimé, elle ne les avait jamais revus dès lors où elle avait mis fin à leur relation, aussi incertaines avaient-elles été. Alors oui, elle était attendrie et un peu triste aussi sans jamais le laisser paraitre sur son visage, trop peu encline à se laisser aller en général. « Tu m’as surprise pour le coup mais en y regardant de plus près, tu n’as pas changé non plus... quoi que tu sembles avoir pris de la barbe et des muscles. » Un sourire amusé sur le visage, elle ignorait si c’était le cas ou non mais si elle était dans le faux, ça passerait comme de l’ironie sans aucun problème, elle ne s’inquiétait pas pour ça.
« J’ai toujours mon petit coup de pinceau c’est vrai mais ne fait pas cette tête, c’est pas grave si je n’ai pas pu en faire mon métier, je me suis rabattue sur les nouvelles technologies en y alliant ma passion pour la création. Je suis webdesigner. » Et ça, elle n’aurait pas peur de lui faire une démonstration – ou au moins de lui montrer quelques exemples – parce qu’elle était dans la vérité la plus totale. Brody avait bien une formation et un diplôme concernant ce domaine, elle serait donc comme un poisson dans l’eau. M’enfin, elle doutait franchement qu’il veuille voir quoi que ce soit, ce n’était ni le moment ni l’endroit. « Ça serait avec plaisir, tu me donnes ton numéro pour qu’on se prévoit ça ? » Et elle réalisait, une nouvelle fois, qu’elle avait parlé trop vite, qu’elle s’était sentie trop à l’aise et qu’elle était en train de se fourvoyer dans le mensonge. Certes, elle ne serait pas contre l’idée de manger un bout avec lui, il avait l’air sommes toutes sympathique ce mec mais lui, il voulait Beth, pas Deborah et comme une idiote, elle avait accepté comme s’il s’agissait d’elle et qu’ils allaient tranquillement pourvoir parler du passé… passé qui n’existe pas entre eux, bien entendu… Rattraper le coup, elle devait le faire, ou tenter de le faire au moins. « Enfin si tu as le temps bien sûr... entre le restaurant, l’immobilier tout ça, j’imagine que tu as un agenda qui ressemble presque à celui d’un ministre et que ça sera difficile à caser. Je t’en voudrais pas si c’est pas possible… » Non mais c’est sûr Debbie, il a proposé d’aller manger un morceau en connaissance de manque de temps, tout à fait, c’est crédible… imbécile !
« Je suis navrée pour toi et ton mariage. J’aurais aimé que ça marche, tu le mérites. » Elle était à peu près sûre de ça. Si Mitchell était si heureux de la voir, s’il parlait du bon vieux temps, s’il n’était pas choqué qu’elle ne l’envoie pas chier, c’est que l’histoire entre lui et Beth s’était bien terminée en dépit de la séparation et que Beth doit sûrement en avoir de bons souvenirs aussi et vouloir lui souhaiter le meilleur. C’était aussi le cas de Debbie. Loin d’être foncièrement méchante, elle ne connaissait pas cet homme mais de ce qu’elle savait un peu de lui, elle ne pouvait pas lui souhaiter de malheur. Elle était comme ça, Deborah. A se faire sa propre opinion des gens, à la baser sur ce qu’elle voit et ce qu’elle sait. Malheureusement, ça se retournait souvent contre elle mais ça, c’était une autre histoire. « J’ai jamais été mariée et je n’ai pas d’enfant. » Sous ses mots, son regard s’était assombrie comme si elle était triste que ça ne soit pas le cas. La vérité voulait que Deborah avait un flashback de souvenirs douloureux qui lui revenait en tête à l’idée d’avoir des enfants. Elle en avait eu un et elle l’avait laissé derrière elle en quittant la maternité. Un moment d’égarement de quelques secondes, sauvé par le gong de la pluie qui s’abattait de plus en plus fort sur eux. C’était bien sa veine, il pleuvait une fois toutes les 36 du mois et il fallait que ça tombe ce soir. « Oui, je crois que ça va être nécessaire. » Disait-elle dans un rire alors qu’ils pressaient le pas pour aller quelques mètres plus loin, sur le trottoir d’en face où des commerces n’avaient pas repliés leurs stores bannes, un bon moyen de s’abriter si le vent ne se levait pas trop. « Je suis allée au plus près mais tu pensais peut-être à un autre endroit. » demandait-elle en tirant sur sa clope. Un café ou même son resto qui se trouvait à quelques mètres, peu importe. « Tu n’as pas d’enfant toi du coup ? » Parce qu’il avait répondu à la question des relations personnelles mais pas sur celle des enfants. Instinctivement, si Beth lui ressemblait vraiment à ce point, Deborah imaginait la bouille des gosses que cette femme aurait pu avoir avec Alex. « Les nôtres auraient été cute af. » Oups, sans filtre.
La vie était remplie de surprise et bien qu’il avait sauté sur l’occasion pour entamer une conversation avec celle qu’il pensait être son ex petite amie Beth, il avait quand même mal à réaliser qu’elle était bien là, face à lui après tant d’années de passer. Il était heureux de la voir, car ça lui rappelais de vieux souvenirs qu’il pensait avoir enterré depuis bien longtemps. Elle lui rappelait cette fabuleuse époque ou il était lui-même, cette époque avant l’arrivé de Mavis dans sa vie pour le meilleur et pour le pire. Il ne perdait en rien le sourire et ne se retenait pas de lui faire savoir qu’elle n’avait pas changé, il trouvait qu’elle était toujours aussi belle, malgré les nombreuses années passées depuis. Il riait lorsqu’elle mit en avant qu’il n’avait pas bien changé lui aussi, mise à part la barbe et les muscles. Elle n’avait pas tort, il avait sûrement doublé de volume et avait appris à aimer la barbe au fil du temps. « Tu as l’œil à ce que je vois ! » Qu’il disait sur un ton amusé. « La barbe c’est pour paraître plus vieux, parce que sans j’ai tout l’air d’un adolescent ! » bien sûr il plaisantait, sans la barbe il avait toujours l’air de faire son âge, mais un peu d’humour ne faisait pas de mal. « Puis les muscles ça ne déplait pas aux femmes apparemment ! » Haussant les épaules sans perdre ce sourire qui traduisait clairement ses dires comme n’étant pas très sérieux, bien qu’il avait conscience que le physique faisait beaucoup de nos jours.
Comme toute personne croisant une vieille connaissance il s’était intéressé à ce qu’elle faisait dans la vie, se rappelant qu’elle avait une passion à l’époque pour la peinture, espérant qu’elle avait réussi à en faire son métier. Il apprit donc que ce n’était pas vraiment le cas, mais qu’elle exerçait une profession qui ne s’éloignait pas tant que ça de la branche artistique. « C’est aussi un très bon métier ! Le plus important c’est que ça te plait. » Qu’il disait avec le sourire. Il avait envie d’en savoir plus, sur elle, sur ce qu’elle a fait durant toute ces années et c’est avec beaucoup de naturel qu’il lui avait demandé si aller manger un morceau à l’occasion la tentait. Il fut très heureux d’entendre sa réponse et ne le cacha pas en se pressant de lui donner son numéro de téléphone. Peu de temps après ça elle mit en avant l’agenda surchargé de l’Américain. Certes, il avait souvent beaucoup à faire, mais était maitre de son temps et pouvait facilement se permettre quelques heures pour passer du temps avec une femme qu’il pensait être une vieille connaissance. « Ne t’en fais pas pour ça, je gère moi-même mon temps temps libre et je pourrais prendre quelques heures pour passer du temps en ta compagnie, sans aucun problème ! » Qu’il ne tardait pas à se justifier. « Je ne te l’aurai pas proposé si je ne pouvais pas. » Qu’il ajoutait en riant.
Il tentait de se rappeler de la personne qu’était Beth autrefois et se rendait compte que le temps changeait souvent les gens. Elle devait sûrement se dire la même chose à son sujet et ne s’attarda pas d’avantage à ce sujet. Cacher sa relation avec Mavis était devenu une habitude pour Mitchell, la jeune femme s’étant envolé il y a plusieurs semaines, il faisait ce qu’il veut et se considérait comme étant seul. Au final le lien qui les unissaient vraiment c’était ceux du mariage, administrativement du moins. Aurait-il mérité mieux qu’une relation platonique ? Sûrement pas. Il n’était pas fait pour vivre le parfait amour de toute façon, pas avec son tempérament et c’était déjà le cas à l’époque avec Beth, même si leur relation s’était terminé en bon terme, il lui en avait fait voir de toute les couleurs. Elle devait bien sûr ne plus lui en tenir rigueur depuis. « Un jour peut-être qui sait ! » qu’il disait alors qu’elle affirmait ne pas avoir été marié et ne pas avoir d’enfant. Il voulait poursuivre ses questions, mais la météo s’en était mêlé et sans attendre il lui proposa de se mettre à l’abri, s’empressant de rejoindre en premier lieu le trottoir d’en face, bien qu’il pensait plutôt à rejoindre le Club pour patienter autour d’un verre, sûrement celui de trop. Il prit avant toute chose de répondre à sa question concernant les enfants. « Non pas d’enfant et je dois avouer que je ne me suis jamais vraiment posé de question à ce sujet. » Avoir un enfant c’était une grande responsabilité et son train de vie ne lui permettait pas spécialement d’avoir un petit être fragile à ses côtés. Il riait à sa remarque concernant les enfants qu’ils auraient pu avoir, ne s’attendant pas à du tout à ça. « Comme leur mère ! » Qu’il laissait échapper avant de très vite changer de sujet. « Si ton bus met trop de temps à venir, je pourrai t’offrir un verre, mon restaurant est à quelques pas et je t’appellerai un taxi ensuite. » Qu’il lui proposait finalement avant de très vite reprendre. « Ne te sens pas obligé hein, on peut aussi se voir une autre fois. » Il pouvait comprendre qu’elle préfèrerait rentrer.
Les muscles, ça ne déplait aux femmes. Ca la faisait rire mais en regardant de plus près, elle ne pouvait pas lui donner tort. Un homme trop musclé, non, c’était moche, pour Deborah en tout cas mais une carrure maîtrisée, une silhouette bien dessinée, c’était compliqué d’ignorer l’attrait évident pour ces courbes fermes. La preuve en était avec Alex. Si Deborah n’avait pas spécialement les yeux baladeurs, il n’en était pas moins vrai qu’elle comprenait cette Beth de l’époque si l’homme qui lui faisait face avait déjà quelques traits communs à aujourd’hui. Puis la discussion devenait naturellement plus sérieuse. Ce que chacun était devenu, sur le plan personnel comme professionnel. Des questions banales finalement mais que le barbu semblait vouloir développer en sa compagnie un jour prochain, autour d’une table et sûrement d’un bon vin. Si Deborah ne montrait rien, elle n'était pas franchement à l’aise avec l’idée alors que ses doigts tapotaient malgré tout le numéro de son interlocuteur et qu’elle lui donnait le sien. C’est maintenant qu’elle aurait dû lui dire qu’elle n’était pas Beth et qu’il prenait un pseudo rendez-vous avec une inconnue qui lui mentait comme une arracheuse de dents depuis le début. A défaut de courage, elle se disait que d’avoir son numéro lui donnait une porte de sortie. C’était décidé : ce soir, elle était Beth et dès demain, elle lui enverrait un sms pour tout lui expliquer. Ça serait plus simple ainsi, plus lâche aussi. « Tu m’enverras un message pour me faire une petite place dans ton temps libre dans ce cas. » Parce qu’elle n’allait certainement pas s’imposer dans ces circonstances, sachant, de toute façon, que ça risquait de ne jamais arriver.
Tout comme le mariage et les enfants dont ils parlaient. Ce n’était pas le genre de Deborah, ne voyant le mariage que comme un morceau de papier qui arrange bien les choses administrativement parlant et les enfants comme des êtres dont elle serait incapable de s’occuper. Mais Alex avait raison. Un jour, peut-être, en rencontrant la bonne personne, elle accepterait de se marier par amour, elle aurait des enfants dont elle serait capable de prendre soin. Un jour, oui, peut-être. Lointain, très certainement. Une pensée fugace qui disparaissait sous le compliment (presque) caché du brun. Moment qu’il trouvait opportun pour l’inviter à boire un verre dès maintenant. Elle pourrait prendre ça pour de la drague, en temps normal elle l’aurait pris comme tel mais pas dans ce contexte. La pluie, le fantôme du passé qu’il croyait apercevoir dans ses traits, son désir de ne pas la forcer et lui offrir clairement une porte de sortie. Il ne la draguait pas, il cherchait seulement à renouer avec un passé visiblement heureux. Alors pourquoi elle hésitait en connaissance de cause ? Pourquoi est-ce qu’elle n’acceptait pas sans rechigner d’aller se mettre au chaud, à l’abri de la pluie, avec un bon verre et un taxi en prime ? Parce qu’elle n’était pas un monstre et qu’elle refusait, en dépit de son manque de courage à lui dire la vérité, de lui mentir davantage. Lui faire plus de mal qu’elle n’allait déjà lui faire, ce n’était pas son but. Alors dans un soupir gêné, un sourire désolé, elle dédramatisait son refus. « Si tu veux mon avis, entre nous deux, je suis pas celle qui a le plus besoin d’un taxi. » Un rire taquin et elle s’empressait de rajouter. « C’est gentil mais mon bus ne devrait plus tarder mais on aura l’occasion de le boire ce verre. » Habituellement, elle aurait promis mais là, lui donner plus d’espoir encore pour mieux tout détruire derrière, ce n’était clairement pas nécessaire – en plus d’être cruel.
Et en parlant du loup… le bruit significatif du moteur d’un véhicule de taille importante se faisait entendre au loin, de quoi capter l’attention de la jeune femme. Ses phares transperçaient la nuit. Sauvée par le gong. Il s’approchait doucement mais sûrement sous une pluie battante, de quoi donner l’occasion à Deborah de dire au revoir à Alex correctement sans craindre de louper le dit bus. « Il est temps que j’y aille, s’il ne me voit pas à l’arrêt, il serait capable de ne pas s’arrêter. » Son regard se tournait de nouveau vers lui. Elle ne savait pas vraiment comment elle devait se comporter avec lui mais puisqu’il lui avait fait une accolade en arrivant, elle s’octroyait le droit de lui en faire une en partant, saupoudrée de ces derniers mots. « Ça m’a fait plaisir de te revoir. » Ou plus précisément de le connaître. C’était idiot mais c’était vrai. Ce mec, elle ne le connaissait absolument pas une demie heure avant et maintenant, son sourire tendre était véritable quand elle le quittait. « A bientôt et fait attention à toi. » dans un sens général mais surtout pour rentrer. C’était un grand gaillard mais bon, l’alcool, ça pouvait le foutre dans bien des situations malencontreuses. C’était sur ses mots qu’elle avait traversé la rue, de nouveau, rapidement mouillée par les trompes d’eau et pestant presque après le bus d’ouvrir ses portes plus vite. Installée à son siège, elle octroyait un dernier regard à Alex et un signe de la main. A bientôt oui, peut-être.