Je suis complètement paniquée à l’idée que le cadeau que j’ai prévu pour Alfie ne lui plaise pas. Je sais, ce n’est qu’un cadeau et je lui ai franchement consacré énormément de temps donc ça ne peut que lui faire plaisir. Malgré tout, je n’arrive pas à être satisfaite, j’ai l’impression que ces trois ans sont une sorte de charnière, le début d’une nouvelle étape pour notre couple. Est-ce que j’y accorde trop d’importance ? Sûrement, et je sais pertinemment qu’en ayant cette vision là d’un anniversaire qui, pour Alfie, est peut-être similaire aux précédents, je risque d’être déçue. Malheureusement, c’est plus fort que moi, je ne peux m’empêcher d’espérer et ce n’est que lorsque je l’aurais vécu que je serais fixée et que je pourrais arrêter d’imaginer des tonnes de choses complètement fausses. Je crois que j’attache trop d’importance à mes rêves en fin de compte et qu’à cause d’eux, je m’empêche de vivre le moment présent. Toutefois, ça ne m’a pas empêché d’être venue me perdre dans cette librairie aujourd’hui, espérant trouver dans les livres l’idée miraculeuse pour rendre Alfie particulièrement heureux de fêter ces trois ans avec moi. Je crois que je suis un OVNI. La plupart des gens normaux auraient sûrement fait une recherche Google pour obtenir les réponses à cette question mais, sans être absolument anti technologie, je fais partie de ces rares personnages qui préfèrent trouver les réponses à leurs questions dans des ouvrages. Je fonctionne comme ça au quotidien, j’ai des tonnes de livres de cuisine, des livres de méditation, des livres sur les meilleures destinations de voyage à deux, etc. Aujourd’hui, ma recherche est nettement plus complexe car trouver un livre correspondant à une demande aussi spécifique est particulièrement ardue. Toutefois, je ne désespère pas et après dix bonnes minutes de recherches infructueuses, je continue tout de même à parcourir les rayons en laissant mes yeux glisser sur les couvertures colorées et attirantes qui me permettent rapidement de savoir si le livre que je cherche fait partie de cette catégorie. C’est en arrivant dans la section développement personnel que je m’arrête enfin, persuadée que je vais y trouver mon bonheur. Après avoir vu « guérir du mal de l’amour », « les langages de l’amour » et « attirer l’amour par la loi de l’attraction », je commence à me dire que finalement j’ai été un peu trop ambitieuse pour ce coup-là. Ma monte m’indique qu’il me reste à peine trente minutes de pause déjeuner et je dois compter le temps de trajet pour retourner à la bibliothèque. Rentrer bredouille m’ennuierait vraiment, alors je finis par attraper « Comment s’aimer toujours » en me disant que de toute façon, même si ça ne nous aide pas pour notre anniversaire, peut-être que ça me permettra d’apprendre des trucs intéressants.
En me dirigeant vers la caisse, lisant la quatrième de couverture tout en marchant, levant la tête seulement pour éviter de rentrer dans quelqu’un, je suis surprise de tomber d’un seul coup sur un visage connu. Stephen. Je crois que ça fait un bon moment que nous ne nous sommes pas croisés et encore moins en étant seulement tous les deux puisqu’en général, Alfie et moi allons le voir tous les deux ou alors je laisse les garçons entre eux et je fais autre chose de mon temps libre pour ne pas les déranger. Un large sourire apparait sur mon visage alors que je l’interpelle, absolument ravie de cette étrange coïncidence. « Stephen ! » En m’approchant de lui, je constate immédiatement qu’il a les bras chargés de guides de voyages en tous genres. Il est facile pour moi de reconnaitre un livre rien qu’en fonction de la manière dont la couverture est présentée. Cette constatation me permet heureusement de me rappeler du propre livre que j’ai en main et j’en profite pour le tenir de façon à ce que le titre ne soit pas parfaitement lisible. Ce serait trop la honte si le cousin par alliance de mon amoureux se rendait compte que j’essaye de faire en sorte que nous passions le cap des trois ans en prenant dans des livres des conseils d’illustres inconnus. « Ca fait super longtemps ! Je suis contente de te croiser ici, comment vas-tu ? » C’est très sincère, voir Stephen est toujours un réel plaisir et depuis qu’il a l’air d’aller enfin mieux et de reprendre plus sereinement le cours de sa vie, c’est encore mieux parce que je n’ai plus le cœur qui se serre à chaque fois que je constate sa tristesse et son désarroi. Je crois que Stephen aura toujours une place spéciale dans mon cœur parce que j’ai pu assister au long cheminement de deuil qu’il a vécu et l’épauler dans cette épreuve. Maintenant, il semble avoir avancé et je suis évidemment ravie pour lui. Certes, tout n’est pas encore rose dans sa vie et je suis sûre que certains soirs encore, se retrouver devant le lit conjugal dans lequel ne s’endormira jamais plus sa défunte épouse doit être une réelle épreuve. Je me souviens très bien, petite fille, avoir attendu longtemps que mon papa revienne s’assoir dans le fameux fauteuil en cuir près de la télévision en sachant pertinemment qu’il ne le ferait jamais. « Tu prépares une excursion ? Petit cachotier ! Je ne savais pas que tu prenais des vacances. » Evidemment, j’aimerais lui demander où il va et avec qui, mais est-ce une demande bien légitime. Certes, j’estime que nous sommes assez proches pour que je me permette ce genre d’interrogation sans paraitre intrusive ou déplacée mais ma conscience me permet souvent de bloquer ma curiosité maladive avant que j’aille trop loin. En tout cas, il est étrange qu’Alfie ne m’ait rien dit à ce sujet s’il était au courant, en général, il a tendance à me tenir au courant. Bizarre.
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Son dernier rendez vous de la journée venait d'être annulé, et même si d'un point de vue déontologique Stephen aurait sûrement du regretter de ne pas avancer sur le traitement du petit Raphael, dans les faits, il était heureux à l'idée de quitter le cabinet bien plus tôt que d'ordinaire pour faire quelques emplettes. Bien décidé à mettre la main sur des guides de voyage sur le Cambodge, ses futurs congés organisés autour d'une mission de bénévolat dans ce pays, le brun avait sauté dans sa voiture pour rejoindre Toowong et une petite librairie dont il savait qu'il y trouverait l'objet de sa quête. Le trafic congestionné des heures de déjeuner l'avait à peine gêné, la chaleur écrasante qu'il évitait tant d'habitude n'était plus un souci. Il était de bonne humeur. D'une foutue bonne humeur qui ne le quittait plus depuis que son pied avait foulé le sol ce matin et que la vie s'était décidée à -enfin- lui offrir une journée ou tout roulait parfaitement depuis des mois entiers. C'avait commencé avec un planning léger qu'il s'était octroyé : une matinée de travail sans complexité. L'après midi était réservée à Anabel qu'il avait réussi à enlever à ses grands parents, officiellement pour une longue séance de kiné, officieusement pour une longue séance de chill à l'appartement. Leah lui avait assuré avoir été chercher l'équivalent du poids de la fillette en sucreries, et bien qu'il sache que ce n'était pas des plus recommandés pour une enfant de cinq ans, il s'en fichait royalement. Jamais Stephen ne se serait imaginé se réjouir à ce point de passer son après midi à jouer à la poupée au beau milieu de bâtonnets Milka, et pourtant, presque quatre ans après leur rencontre, la fillette et son père de substitution formaient un duo inséparable. Ils ne s'étaient plus vus depuis de longs jours déjà, et autant dire que cette rencontre, le brun l'attendait de pied ferme. Son petit saut à la librairie ne durerait que quelques minutes, du moins, c'était l'estimation qu'il s'en était faite. Si tôt le pas de la boutique franchi, il s'était rué vers les guides de voyages, en entassant quelques uns dans ses bras. Tout ce qui comportait le mot "Cambodge" filait entre ses doigts, et alors qu'une dizaine d'ouvrages se pressaient désormais contre son torse, Stephen jugeait qu'il était bon de faire une sélection. Next les gros livres, les pavés qui contaient l'histoire du pays dans toute sa longueur. Intéressant peut être, mais peu utile lorsqu'il était question d'appeler une ambassade ou de trouver les meilleurs restaurants. Zappés aussi les guides qu'il trouvait trop insolites pour son conformisme, et finalement, son dévolu se porta sur deux classiques et un précis de conversation (au cas ou). Alors qu'il se dirigeait vers la caisse pour régler ses achats, une voix qu'il aurait reconnue d'entre mille le sortit de ses dernières interrogations. "Stephen !" Relevant le menton pour chercher à la ronde le minois de Jules, le brun se fendit d'un large sourire lorsqu'il la vit s'approcher de lui d'un pas léger. « Ça fait super longtemps ! Je suis contente de te croiser ici, comment vas-tu ? » qu'elle lui demandait d'un ton qu'il jugeait sincère. La brunette s'était toujours montrée concernée par son histoire, celle d'Anabel, et par extension, celle de Rachel. Au fil des mois, le soutien qu'elle leur avait témoigné lui avait réchauffé le cœur, et bien que le décès de la jeune maman ait été un coup de massue, elle n'avait pas cessé de lui témoigner de l'affection à sa mesure. "Jules. Qu'est ce que tu fais ici ? T'en avais pas assez de vivre dans une bibliothèque il faut que tu passes ta pause déjeuner dans une librairie ?" qu'il demandait en retour, se penchant pour l'étreindre maladroitement de son bras libre. Un vague sourire lui naissait au coin des lèvres alors que par réflexe, son regard balayait ce qu'elle tenait dans ses bras ; un ouvrage assez sobre sur lequel il ne s'attardait pas.... tout l'inverse du butin qu'il tenait fièrement contre lui et dont les paysages asiatiques étaient mis en valeur par la blancheur de son tshirt. « Tu prépares une excursion ? Petit cachotier ! Je ne savais pas que tu prenais des vacances. » Bim, Holloway. Stephen n'avait prévenu personne de son futur voyage au Cambodge. Sa mère avait vaguement été informée de cette décision qu'il avait prise sur un coup de tête. Ses beaux parents le seraient ce soir. Rebecca au dernier moment pour éviter de subir son courroux. Alfie ... Stephen avait prévu de le lui dire, déjà car il était persuadé que ce dernier approuverait cette décision de délaisser son Australie chérie, qu'il y verrait même une pointe de satisfaction d'avoir contribué à décider l'éternel stressé qu'il était lorsqu'il était question de voyages, mais il ne se sentait pas encore de lui dire que Leah serait de la partie. Stephen repoussait ce moment à mesure que sa volonté de ne rien précipiter pointait ; et c'était stupide. "Je ... euhm, ouais. Gros coup de tête. Un mois au Cambodge dans quelques semaines. J'avais pas envie de passer mes congés à Brisbane." qu'il soufflait en fronçant les sourcils, le regard rivé sur les ouvrages qu'il tenait contre lui. Finalement, alors qu'il remontait les yeux vers elle, l'ombre d'un sourire lui était revenue au coin des lèvres, puis il ajoutait : "Je passerai pour vous expliquer tout ça cette semaine, j'ai encore rien dit à Alfie... j'ai rien dit à personne." sur un ton qui soulignait encore son propre étonnement : Stephen complètement flippé Holloway avait booké des billets d'avion pour une destination hors des sentiers battus.
Dernière édition par Stephen Holloway le Mar 9 Avr 2019 - 8:48, édité 1 fois
Voir Stephen me fait toujours plaisir, nous n’avons pas vraiment l’occasion de nous croiser et je ne fais pas spécialement d’effort pour essayer de nous organiser de nombreux têtes-à-têtes. Je pense qu’il sait parfaitement l’affection que je lui porte et j’imagine que si nous avions seulement l’occasion de nous voir une fois tous les six mois, ça ne changerait absolument rien au lien qui s’est créé entre nous depuis le terrible drame qui s’est abattu sur lui. Sa peine, je l’ai partagée à tel point que je crois bien l’avoir même ressentie, elle m’a renvoyée à mes souvenirs de petite fille, à toute la souffrance que j’ai pu éprouver en vivant cette expérience traumatisante. J’ai conscience que peu importe l’âge et l’expérience de vie, la disparition d’un proche avec qui on pensait avoir encore de longues années à vivre est certainement la pire chose qui puisse se produire. Femme, mari, parents, enfants, je suis persuadée qu’une telle perte est affreusement difficile à traverser et j’ai vu Stephen sombrer dans la spirale infernale de la douleur et de l’incapacité à faire son deuil. Fort heureusement, ça fait un moment maintenant que le jeune homme a recommencé à sourire. Je suis certaine qu’il ne va pas bien pendant cent pour cent de la journée, mais j’ai l’impression qu’il a enfin réussi à avancer dans sa vie et à se reconstruire. Au départ, je crois que j’ai eu du mal à me montrer enjouée et enthousiaste lorsque je me trouvais à ses côtés, j’avais l’impression que mon bonheur n’était pas légitime face à la lourde peine qu’il venait de subir. J’ai finalement fini par comprendre que ce n’était pas de ma pitié dont il avait besoin mais bien d’une amie, d’un soutien, d’être entouré. J’ai arrêté de m’apitoyer sur son sort et je me suis comportée de manière bien plus naturelle, je l’ai écouté, épaulé, je lui ai tendu des boites de mouchoirs, j’ai évoqué mes souvenirs d’enfance et je lui ai promis des tonnes de fois que ça irait mieux, qu’il lui fallait du temps mais que le temps atténuait toutes les peines. J’ignore complètement encore aujourd’hui l’impact que j’ai eu dans son deuil et à dire vrai je m’en fiche, j’ai juste été l’amie que je devais être et que j’avais envie d’être. J’espère que cette épreuve est la dernière que Stephen aura à subir, je sais qu’il est encore en conflit avec les grands-parents de sa fille de cœur et ce combat doit être particulièrement éprouvant, il n’a pas besoin de drame supplémentaire, il a largement eu sa part. J’ai parfois la nette sensation que le sort s’acharne sur une personne. Pourtant, ce n’est pas du tout mérité, Stephen est certainement l’homme le plus gentil que je le connaisse, je ne vois pas ce qu’il a pu faire pour mériter un tel sort. Certes, j’ai bien conscience que ce n’est pas une question de mérite et que c’est simplement le hasard mais c’est tellement injuste. Difficile de ne pas être en colère contre les coups du sort qui touchent des personnes innocentes et heureuses.
Lorsque Stephen me demande ce que je fais ici, je sens évidemment le rouge me monter aux joues. C’est terrible comme je peux perdre toute contenance en une fraction de seconde, j’aimerais faire partie de ces personnes qui donnent facilement le change et au travers desquelles on ne peut pas lire comme dans un livre ouvert. « Euh… Je… On va fêter nos trois ans avec Alfie, bientôt et j’essaie de trouver des idées pour marquer le coup… Je sèche un peu. » Je suis nulle d’être déjà à court d’idée au bout de trois ans, pire, je suis à court d’idées alors que les années précédentes, nous n’avons pas non plus déployés des moyens faramineux pour fêter ces douze mois ensemble. Mais cette fois, parce qu’Alfie instaure une distance déplaisante entre nous, j’ai vraiment envie de lui rappeler que notre couple est important, que je ne fais pas partie des meubles de notre appartement et que j’ai besoin d’un minimum d’attention et de soutien si on veut aller jusqu’à notre quatrième anniversaire. Evidemment, ce n’est pas comme ça que je vais lui présenter les choses, je n’ai pas la moindre intention de le quitter mais j’aimerais que lui aussi n’ait jamais cette idée alors je veux trouver un moyen de lui rappeler pourquoi on est tombé amoureux au départ. C’est sûrement quelque chose qui devrait me paraitre simple et évidemment mais à l’heure actuelle, je nage dans le brouillard. Tout ce que j’ai, c’est ce bouquin ridicule qui ne m’apprendra certainement rien du tout. « Tu sais, une librairie et une bibliothèque, ce n’est pas du tout la même chose ! Il y a une atmosphère différente, une odeur différente… Je crois que je suis accro aux deux. Le seul souci, c’est que dès que je mets les pieds ici, j’ai souvent tendance à faire disparaitre ma paye à une vitesse folle du coup je limite mes passages. » Il faudra que je demande à Alfie si on peut mettre une deuxième bibliothèque dans le salon, je galère à faire entrer tous les livres que je possède dans celle que nous avons. Quand il sera détendu et de bonne humeur, je sauterais sur l’occasion pour lui en parler mais je le sens préoccupé en ce moment et cette bibliothèque n’est clairement pas une priorité. J’ai retrouvé ma zone de confort en abordant le sujet des livres, bien plus agréable que celui de nos trois ans d’amour, mais je suis tout de même heureuse quand Stephen se retrouve à sur la sellette à ma place et il n’a clairement pas l’air plus à l’aise que moi. « Un mois ?! Carrément ?! Tu ne fais pas les choses à moitié. » Je suis heureuse pour lui, sincèrement, il retrouve des projets, des objectifs, il s’autorise à vivre sa vie et je ne peux que l’en féliciter. « T’as intérêt à prendre plein de photos et à m’envoyer une carte postale. » Je suis très old school à ce niveau-là, j’adore les cartes postales et tout ce qui permet encore de déchiffrer les jolies écritures manuscrites si rares de nos jours où la technologie prend une place de plus en plus importante. « Est-ce que ça signifie que je ne dois rien dire à Alfie en attendant que tu viennes lui annoncer toi-même la nouvelle ? Je crois que je peux tenir ma langue mais à deux conditions. » J’ai toujours été totalement transparente devant Alfie, je ne lui dissimule jamais rien et je m’attends à ce qu’il fasse pareil, ça évite les non-dits et les rancœurs, alors il va me payer cher ce petit service. « Première condition, tu viens le plus vite possible, tu sais que j’ai horreur de lui mentir même par omission, alors le plus tôt sera le mieux. » Sinon je risque de devenir dingue à devoir tenir ma langue comme ça, ça va être horrible. Déjà, je sais qu’en rentrant ce soir je ne pourrais pas dire à Alfie que j’ai croisé Stephen à la librairie et ça, ça va être dur. Bon, en réalité, je sais quand même un peu mentir puisque je ne vais pas lui dire non plus que j’ai acheté un livre ayant pour objectif de faire vivre notre couple plus longtemps. Je pense qu’il se foutrait bien de ma gueule. « Deuxième condition, tu m’en dis un peu plus sur ce voyage, pourquoi le Cambodge ? Tu pars seul ? » Je suis un peu trop curieuse, j’en ai bien conscience, mais c’est plus fort que moi et il me doit bien ça.
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Si à l'instant présent, c'était la surprise qui prenait pas sur la joie, Stephen était pourtant bel et bien heureux d'avoir croisé Jules aujourd'hui. Il considérait cette rencontre imprévue comme un coup de chance -ou un coup de pouce du destin selon interprétation-, alors même s'il était pressé, une conversation de quelques minutes avec celle qui était devenue au fil des mois une véritable amie s'imposait d'elle même. L'irlandais irradiait d'une bonne humeur qui tranchait définitivement avec sa névrose habituelle, si tant est qu'il n'avait pas hésité une seule seconde à entamer la conversation d'un ton définitivement différent de celui dont il faisait usage ces derniers temps. Il n'avait pas utilisé de filtres lorsqu'il avait demandé à la jeune femme ce qui l'amenait dans une librairie alors même qu'elle était déjà entourée de livres quotidiennement ; à en juger par le rose qui lui était rapidement monté aux joues, il aurait dû. « Euh… Je… On va fêter nos trois ans avec Alfie, bientôt et j’essaie de trouver des idées pour marquer le coup… Je sèche un peu. » Sérieusement Jules ? l'amusement étirait le coin de ses lèvres ; ces cadeaux d'anniversaire étaient des attentions dont il ne s'était jamais vraiment encombré. Sûrement qu'il l'aurait fait si son mariage avait dépassé l'année, mais pour le reste... le romantisme n'avait jamais fait son nid dans son tempérament, alors cette volonté qu'avait Jules de bien faire l'attendrissait. "Trois ans c'est un cap. Enfin, il paraît, c'est ce qu'on dit" qu'il répondait finalement dans un demi sourire, sans se rendre compte que la vérité n'était pas si éloignée. A ses yeux, les joues colorées de Jules n'étaient dues qu'à cette rencontre totalement improvisée.. pas curieux pour un sou, le brun n'avait pas encore compris de quoi il en retournait. « Tu sais, une librairie et une bibliothèque, ce n’est pas du tout la même chose ! Il y a une atmosphère différente, une odeur différente… Je crois que je suis accro aux deux. Le seul souci, c’est que dès que je mets les pieds ici, j’ai souvent tendance à faire disparaître ma paye à une vitesse folle du coup je limite mes passages. » Il n'y avait décidément qu'une passionnée pour prononcer ces mots. Stephen n'avait jamais été sensible au plaisir que pouvaient provoquer la lecture et la sensation de tenir un livre entre ses doigts. Il était passé à la tablette depuis des années maintenant et ne se contentait le plus souvent que de revues de kinésithérapie... on était bien loin des choix de la brunette qui semblaient remplir des bibliothèques entières. "Ce n'est pas avec ça que ta paie disparaîtra .." d'un mouvement du menton, Stephen désignait le livre que tenait Jules contre elle sans grande conviction... et s'était arrêté net en prêtant davantage d'attention au titre. ".. t'as pas l'air grandement inspirée, Rhodes." qu'il soufflait finalement en haussant le sourcil. Oh que non. Il lui aurait semblé plus logique que la jeune femme montre bien plus d'entrain à l'idée de dégoter un nouvel ouvrage, mais visiblement elle semblait être au bord d'une crise existentielle comme l'objet de sa quête le laissait sous entendre. "Tu prends de l'avance sur les passages de cap ?" qu'il se risquait à demander d'un ton informatif, presque pour plaisanter et ne pas rendre cette situation gênante. Il n'avait pas voulu en découvrir autant en un coup d’œil, car pour lui, ce qu'il tenait était de nature bien plus légère. Il n'avait pas tergiversé pour trouver ses guides de voyage. Un passage express réglé en quelques secondes à peine dans le rayon, et les voilà embarqués vers un sujet de conversation pour le moins riche en surprises. « Un mois ?! Carrément ?! Tu ne fais pas les choses à moitié. » que s'était exclamée la jeune femme. Lui même encore ne prenait pas bien toute la mesure de ce mois loin de Brisbane. Une première qui l'angoissait encore un peu. « T’as intérêt à prendre plein de photos et à m’envoyer une carte postale. » Commentaire qui lui fit instantanément lever les yeux au ciel : vingt et unième siècle Juliana. "Tu seras donc la seule à recevoir une carte postale." qu'il concédait néanmoins dans un sourire amusé. En un mois il aurait bien le temps de sélectionner l'une de ces cartes dans un endroit touristique et de la lui poster à temps. « Est-ce que ça signifie que je ne dois rien dire à Alfie en attendant que tu viennes lui annoncer toi-même la nouvelle ? Je crois que je peux tenir ma langue mais à deux conditions. » Outch... et voilà la vif du sujet qui lui revenait en plein visage. Avait il été naïf au point de croire que cette information puisse demeurer anecdotique et sans grand intérêt auprès de la jeune femme ? Sans doute. « Première condition, tu viens le plus vite possible, tu sais que j’ai horreur de lui mentir même par omission, alors le plus tôt sera le mieux. » Hochant la tête d'un air entendu, Stephen ne releva pas cette partie ci. Il savait pertinemment qu'il faudrait qu'il passe par la case Alfie avant de poser ses fesses dans l'avion. Se faire reprendre par Jules ne le gênait absolument pas sur ce coup là. Au mieux, ça lui mettait une pression supplémentaire. « Deuxième condition, tu m’en dis un peu plus sur ce voyage, pourquoi le Cambodge ? Tu pars seul ? » On y était. Le moment fatidique. Stephen voyait immédiatement l'occasion de tester sa capacité à assumer qu'il commençait à tourner la page avant de passer par l'étape tant redoutée, aka. Alfie. Mais il avait beau savoir qu'il ne serait pas jugé d'avoir voulu se réapproprier sa vie suite à la disparition de Rachel, il n'en demeurait pas moins nerveux. De déménager, voyager et reprendre un rythme normal au travail était une chose, mais en ce qui concernait sa colocation-qui-n'en-était-plus-vraiment-une c'en était une autre. "Le Cambodge car l'hôpital m'a donné les contacts d'une association de kinésithérapie locale la bas et que j'ai décidé de me rendre utile en pédiatrie." qu'il commençait avant de, lui aussi, sentir le rouge lui monter aux joues. "... et j'y vais avec Leah" Le choix de ses mots était précis. Il ne parlait pas d'une amie, d'une colocataire, d'une connaissance... mais bel et bien de Leah. Son histoire avec la petite dernière des Baumann ne datait pas de quelques mois au point que le temps des présentation ne presse, mais cela faisait une bonne année maintenant qu'elle occupait son quotidien et qu'il se disait qu'il était grand temps qu'elle entre enfin dans son monde. Elle qui avait été initialement la patiente à problèmes s'était fondue dans sa vie sans même qu'il ne s'en aperçoive vraiment. Elle l'avait forcé à remonter la pente en imposant sa spontanéité, avait lutté à ses côtés pour qu'Anabel obtienne un cadre de vie stable, elle était bien plus que la simple nouvelle copine. Son visage était familier à la fillette, il le serait d'autant plus maintenant qu'elle viendrait vivre chez eux à chaque weekend où il en aurait la garde. Il était plus que temps d'informer Alfie de son existence, mais entre la théorie et la pratique il y avait un monde. Stephen avait encore bien du mal à associer Leah à son mariage avec Rachel. Il lui était encore compliqué d'assumer au grand jour faire le deuil de son grand amour, même si c'était un raisonnement complètement stupide. Pour lui il y avait deux mondes distincts, et c'était le moment de les rassembler. "... je sais pas comment dire ça. Mais c'est plus simple de commencer par toi. Excuse moi pour les deux secrets que je te demande de garder avant ma visite. Je te promets de passer dans la semaine pour lui expliquer." qu'il soufflait presque, un sourire à peine crédible sur les lèvres. La nervosité dont il était en proie aurait pu suffire à le liquéfier sur place, mais quelque chose en son for intérieur lui donnait l'impression que Jules ne le jugerait pas de commencer à tourner la page.
Le cap des trois ans. J’en ai évidemment entendu parler et plusieurs fois, et je ne suis vraiment pas prête à affronter ça, d’autant plus que l’attitude d’Alfie ces derniers jours est en tous points conforme avec les craintes que j’aurais des raisons d’avoir à l’approche de cette période charnière. Je note que Stephen a décidé de piétiner sans respect toute notion de tact et de délicatesse, préférant ne pas m’épargner la réalité qu’il me balance sur un ton parfaitement neutre. Les hommes et les émotions, une si belle histoire. « Si un jour j’ai besoin d’être rassurée, je ne manquerais pas de me souvenir de ne jamais m’adresser à toi. » Le sourire ponctuant cette phrase bourrée d’ironie prouve que je plaisante simplement, il ne pouvait pas savoir qu’il venait de mettre les pieds dans le plat. En plus, je ne sais pas encore à quel point mes inquiétudes sont fondées, peut-être que je me fais simplement de gros films et que je réaliserais dans quelques jours que je me suis montée la tête toute seule et l’attitude légèrement distante de mon petit-ami n’était que dans ma tête. En attendant, mieux vaut prévenir que guérir et c’est pour cette raison que je vais tenter le tout pour le tout en partant à la pêche aux informations dans de stupides ouvrages écrits certainement par des auteurs qui se faisaient sacrément chier au quotidien. Evidemment, penser que Stephen puisse passer indéfiniment à côté de mon achat était un peu trop ambitieux et le rouge de mes joues s’accentue alors qu’il achève définitivement le tact qui avait éventuellement pu survivre à son piétinement précédent. « Fais comme si tu trouvais mon idée merveilleuse même si je constate que c’est le truc le plus ridicule que tu aies jamais vu. » Perspicace. Il me prend pour une véritable extra-terrestre, c’est certain. En même temps, il est vrai qu’il n’est pas dans mes habitudes d’aller chercher des informations sur la vie de couple dans des bouquins. Normal, ma relation avec Alfie ne m’a jamais semblé prendre une vraie mauvaise direction avec ces dernières semaines. Je vogue donc sur le radeau du désespoir à la recherche de la moindre piste me permettant de rejoindre la terre ferme. « C’est juste que j’aime bien maitriser chaque situation… Et tu me connais, je considère que les livres sont une source de savoir inépuisable, alors je m’informe, tout simplement. » A ce stade, j'ai définitivement sorti les rames. Je suis une piètre menteuse, je sens parfaitement que moi-même je ne crois pas à la désinvolture dont j’essaie de faire preuve. Cependant, je n’ai pas trop le choix, je ne peux pas laisser Stephen se douter de mes inquiétudes, j’ai bien trop peur qu’elle finisse par remonter aux oreilles d’Alfie, ce serait regrettable. Déjà, j’espère vraiment que Stephen aura assez de jugeote pour taire cette histoire de livre sans que j’ai besoin de lui demander, ce qui n’est pas sûr vu qu’il ne semble pas du tout se rendre compte qu’il a mis les pieds dans le plat.
Le voyage au Cambodge de Stephen est donc une véritable bouffée d’oxygène pour moi mais visiblement pas pour lui puisqu’il n’a pas l’air d’en mener très large. Décidément, cette rencontre n’a pas lieu dans les meilleures circonstances. Je suis pourtant très heureuse de revoir celui que je considère désormais comme un ami, c’est juste que nous avons eu la mauvaise idée de passer de sujet gênant en sujet gênant et même le petit intermède cartes postales ne suffit pas vraiment à nous mettre à l’aise. « Avec Leah. » J’insiste, en écho avec ses paroles, comme s’il n’avait pas déjà eu assez de mal à prononcer ces mots. « Tu veux dire, ton pitbull de « colocataire » ? » Je mime avec les doigts les gros guillemets que j’applique spécialement à ce mot qui n’est pas du tout approprié à la situation. Je n’ai aucun mal à comprendre que Leah a passé sous silence notre petite entrevue, sinon il ne serait pas aussi gêné en m’apprenant son existence. Enfin, il croit m’apprendre son existence, alors qu’il n’en est rien. Dommage que je ne l’ai pas croisé quelques jours auparavant, nous aurions évité cette rencontre légèrement gênante. « Relax, tu es tout excusé. » Et en vérité, j’ai presque envie de sauter dans ses bras avec des exclamations digne d’une fan hystérique qui a obtenu des billets pour le concert de son chanteur préféré. Mais je vais épargner cette extériorisation d’émotions un peu trop violente pour le pauvre Stephen qui ne gère pas si bien que ça les effusions de joie. « Tu peux te détendre, personne n’est… » Je m’arrête juste à temps, en me rendant compte que j’allais faire une boulette internationale en clamant haut et fort que personne n’était mort et je me reprends bien vite. « Je veux dire, je suis vraiment très contente pour toi Stephen, elle a l’air super chouette ta Leah. » Indépendamment du fait que j’ai cru qu’elle allait essayer de m’achever à coup de casseroles après m’avoir invitée à entrer dans son appart telle la méchante sorcière de Blanche Neige. Une fois le choc de la rencontre un peu passé, je dois reconnaitre qu’elle m’a fait plutôt bonne impression. « Et Alfie sera heureux pour toi, lui aussi. » De toute façon, il n’a pas le choix, s’il ne fait pas l’effort de partager le bonheur de son cousin, je pense que je lui ferais bien comprendre qu’il a plutôt intérêt à changer d’attitude ce qui ne manquera pas de lui faire affreusement plaisir. Alfie adore qu’on lui dise quoi faire, tout le monde sait ça. « Par contre… Pour la partie Leah, il est possible qu’il soit déjà un tout petit peu au courant. » Ne me frappe pas Stephen, ne me frappe pas. En même temps, comment voulait-il que je sache que je ne devais rien dire ? Forcément, après ma rencontre avec Leah, je me suis empressée de tout raconter à Alfie. Quel boulet. J’aurais peut-être dû deviner que s’il ne nous avait rien dit, c’était pour une bonne raison. « Mais du coup, ce sera moins stressant pour toi, il n’y a que la partie Cambodge qui sera réellement une surprise. » Je me raccroche aux branches, essayant de voir le positif de la situation que j’ai moi-même causée sans le vouloir. « Je te jure que c’était involontaire… Je voulais juste t’amener des cookies. » Etrangement, je suis vraiment inquiète qu’il le prenne mal et considère que je me suis montrée trop intrusive dans sa vie privée. D’un autre côté, pour qu’il parte en voyage avec cette fille, c’est que leur relation ne date pas d’hier, peut-être aurait-il dû se douter que nous parler plus tôt permettrait qu’on ne découvre pas tout ça par nous-mêmes. Trop tard Stephe, une simple boite à cookies a précipité ton annonce.
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Stephen avait toujours entendu parler de cette théorie des caps sans vraiment pouvoir s'en faire une idée aboutie. L'union de ses parents n'avait pas tenu (si l'on pouvait déjà la qualifier d'union), son mariage n'avait pas dépassé l'année ... le désastre sentimental lui était familier, et pourtant, alors qu'il voyait Jules rosir avec ce livre dans les bras, il ne pouvait s'empêcher de ressentir une pointe de curiosité le piquer. « Si un jour j’ai besoin d’être rassurée, je ne manquerais pas de me souvenir de ne jamais m’adresser à toi. » qu'elle lui rétorquait dans un sourire dont il ne savait pas trop quoi penser. S'il avait lancé cette banalité d'un ton qui se voulait purement informatif, Jules se chargeait de le remettre à sa place avec amusement. Qu'importe, Stephen optait pour un hochement de tête vaguement réprobateur en guise de réponse. « Fais comme si tu trouvais mon idée merveilleuse même si je constate que c’est le truc le plus ridicule que tu aies jamais vu. C’est juste que j’aime bien maîtriser chaque situation… Et tu me connais, je considère que les livres sont une source de savoir inépuisable, alors je m’informe, tout simplement. » Pas sûr que tu t'en sortes avec un livre pour comprendre Alfie. Stephen ne pouvait s'empêcher d'y songer. Tous les êtres au monde étaient différents, chacun à leur manière. La vérité ne pouvait pas se trouver dans un bouquin, surtout lorsqu'elle concernait l'alchimie de deux êtres si singuliers. "Tu t'informes hein... " qu'il soufflait dans un demi sourire, attrapant de sa main libre l'ouvrage dont il parcourait avec rapidité la quatrième de couverture, au moins histoire d'appuyer ses propos à venir : "... tu viens de reléguer mon avis au dernier plan, mais ... si deux couples sur quatre se brisent dans la souffrance et la violence, se séparent dans le désarroi ou se désunissent parfois par lassitude, c’est souvent parce qu’ils n’ont pas su créer et vivre une relation de partage, d’échange, d’amplification mutuelle pour permettre à chacun d’exister à part entière... bla bla bla, sérieusement ?" le sourcil relevé, Stephen rendit son dû à la brunette, balayant ensuite d'un revers de la main le peu de sottises qu'il venait d'en lire. "... enfin tu fais comme tu veux, mais à ta place je miserais sur des copines et une bouteille de tequila pour t'informer à ce sujet." qu'il glissait dans un haussement d'épaules. Loin d'être un expert en la matière, Stephen avait finalement une vision assez cinématographique des choses, mais la vérité ne devait pas être bien loin de son imaginaire. Lorsqu'il était question de sentiments, ce combo était toujours gagnant, même s'il concevait que la brunette souhaite agir différemment. D'aussi longtemps qu'il s'en souvienne, Stephen avait toujours connu Jules avec un livre, et il lui semblait qu'elle devait en posséder un pour chaque situation, et c'est pour cette raison qu'il ne poursuivait pas davantage dans le questionnement. Il se disait qu'elle se renseignait plus qu'elle n'avait de problèmes, voilà tout. Stephen se disait d'ailleurs vaguement que si elle avait un ouvrage qui expliquait comment gérer ses émotions, c'était le bon moment pour elle de le lui sortir. « Avec Leah. » qu'elle répétait tandis qu'il venait de lui confier que sa nouvellement petite amie était de la partie pour ce voyage au Cambodge. Il était temps pour lui de commencer à assumer cette liaison au grand jour. Stephen était pourtant à des lieues de s'imaginer qu'il n'avait plus l'exclusivité de ce secret qu'il pensait avoir mieux gardé ... « Tu veux dire, ton pitbull de « colocataire » ? » mimant avec exagération un terme qui n'était plus du tout d'actualité, il n'en fallut pas plus au brun pour se vider de toute couleur. Livide, il balbutiait à peine quelques sons inintelligibles que Jules coupa rapidement en tentant de le rassurer : « Relax, tu es tout excusé. Tu peux te détendre, personne n’est… » Oh seigneur. Pile quand les choses ne semblaient pas pouvoir être pires, la brunette mettait les pieds dans le plat de façon magistrale. Mort. Personne n'était mort. "Comment ?" qu'il parvenait à formuler d'une voix traduisant toute la détresse émotionnelle dont il se sentait prisonnier. Comment était il possible que Jules soit au courant pour Leah et lui alors même qu'ils n'avaient encore rien assumé publiquement ? La petite brune avait beau rayonner, Stephen ne se sentait pas vraiment soulagé à l'idée qu'elle ait pu être informée sans qu'aucun mot ne soit sorti d'entre ses lèvres... « Je veux dire, je suis vraiment très contente pour toi Stephen, elle a l’air super chouette ta Leah. » Se passant une main sur le visage pour essayer tant bien que ma de réordonner ses pensées et de reprendre contenance, Stephen commença à faire silencieusement un inventaire de toutes les possibilités qui auraient pu amener Jules à être mise au courant, et une seule ressortait. "... tu l'as vue. Tu l'as vue et elle t'en as parlé." qu'il déduisait d'un ton presque accusateur. Les choses n'auraient jamais dû se dérouler de cette façon, et est ce que .. « Et Alfie sera heureux pour toi, lui aussi. » Nous y voilà. "Jules.." Les sourcils froncés, Stephen allait commencer à redemander à son amie de ne rien livrer concernant cette liaison, pas encore, pas maintenant. Il était loin de s'imaginer que c'était déjà trop tard. « Par contre… Pour la partie Leah, il est possible qu’il soit déjà un tout petit peu au courant. » Quoi ? En l'instant, Stephen ne savait pas bien si la jeune femme plaisantait ou non. Est ce qu'elle en avait vraiment touché un mot à Alfie ? "Dis moi que t'as pas fait ça ..." Est ce qu'il espérait encore ? L'air qu'arborait Jules en disait pourtant déjà long. « Mais du coup, ce sera moins stressant pour toi, il n’y a que la partie Cambodge qui sera réellement une surprise. Je te jure que c’était involontaire… Je voulais juste t’amener des cookies. » Avec nervosité, sa main échouait au sommet de sa chevelure, comme si ce geste suffirait à lui rendre les idées claires. C'étaient deux mondes opposés qui se trouvaient confrontés et il n'était clairement pas prêt à ça. "Qu'est ce que tu lui as dit ? A Leah, et qu'est ce qu'elle t'as dit à toi ? Et qu'est ce que t'as dit à Alfie ? Tant qu'on y est.. " qu'il demandait avec une pointe d'agacement. C'était pourtant sa faute si la situation en était rendue à ce point. Communiquer n'avait jamais été son point fort, mais dans le cas présent... ça lui aurait évité de se trouver dans une telle situation.
Cette rencontre n’aurait pas pu se dérouler d’une pire manière. Si quelqu’un avait voulu me faire comprendre que ma présence ici aujourd’hui était une très mauvaise idée, il n’aurait pas pu s’y prendre autrement. J’ai sorti les rames pour m’en sortir comme je peux et Stephen n’a absolument rien remarqué – caractéristique typiquement masculine – et continue à m’enfoncer comme si de rien n’était. Chaque seconde qui passe me donne davantage envie d’adopter la si répandue politique de l’autruche afin de faire abstraction de cette horrible conversation que j’aurais préféré ne jamais avoir à vivre et encore moins avec quelqu’un d’aussi proche d’Alfie. Si tout cela venait à sortir malencontreusement d’ici, je crois que j’aurais beaucoup de mal à apporter une véritable justification à mon comportement car si je peux encore parvenir à faire croire à Stephen que je recherche de simples informations, je doute de parvenir à berner Alfie aussi facilement. De toute façon, je n’ai plus vraiment le choix à présent alors je sors les rames, priant pour pouvoir me sortir de là dans les plus brefs délais. « C’est très à la mode les bouquins de développement personnel… Et la quatrième de couverture n’est pas toujours représentative de la qualité d’un contenu. » En tout cas, je l’espère, parce que franchement, vu le résumé pas folichon que Stephen vient de me lire, je pense que je vais mourir d’ennui en lisant l’ensemble du livre. Ai-je vraiment envie de le faire de toute façon ? Je ne sais même pas pourquoi cet ouvrage est entre mes mains actuellement et je regrette carrément de l’avoir pris avec moi par défaut. « Tu trouves beaucoup de réponses durant tes discussions avec les bouteilles de Tequila, toi ? » Je plaisante mais c’est surtout pour noyer le poisson, évidemment que c’est ce que je devrais faire, m’adresser à une personne de confiance mais ça signifierait rendre ces difficultés plus réelles que je ne veux l’admettre. Pour l’instant, elles n’ont pas encore atteint le stade d’hypothèses, je me contente de les envisager de loin, comme le bourdonnement d’une mouche un peu agaçante mais pas assez désagréable pour que je me lève afin d’ouvrir les fenêtres. Renier l’existence des problèmes permet de ne pas avoir à se demander comment les résoudre, c’est mieux comme ça pour tout le monde. Pour le moment, tout ce que je veux, c’est passer à autre chose. Pitié. « A partir de combien de verres les copines deviennent-elles de bon conseil ? » Toujours ce ton de la plaisanterie, on ne change pas une équipe qui gagne. Lors de ma dernière relation, c’est justement une de ces fameuses copines à qui je demandais conseil que j’ai retrouvé dans le lit de mon mec, alors j’ai une confiance toute relative en la capacité des proches à nous épauler sincèrement sans d’abord servir leurs propres intérêts. Au moins, un livre n’en a rien à faire que je sois heureuse ou non, il reste factuel et c’est pour ça que j’ai nettement plus tendance à chercher des conseils manuscrits plutôt que d’écumer les forums bourrés de préjugés que l’on peut trouver sur internet.
Je pensais sincèrement que la situation ne pouvait pas devenir plus dramatique mais j’ai clairement sous-estimé ma capacité à mettre les pieds dans le plat et à m’enfoncer encore et toujours plus. Je ne sais pas comment j’ai fait pour ne pas réaliser à quel point la relation toute fraiche de Stephen avec Leah était essentielle à ses yeux et donc l’annonce qu’il avait certainement prévu de faire à son sujet. Il ne s’agit pas d’une amourette d’adolescent mais bien de la personne qui vient prendre une place difficile à assumer en sachant le drame que Stephen a dû vivre. Et moi, je me comporte avec une désinvolture naturelle, comme si tout ceci était parfaitement normal alors que l’angoisse du jeune homme se lit sur son visage. Pire que tout, j’entraine Leah dans ma chute puisqu’apparemment elle ne lui en parlé, chose que je n’avais pas vraiment anticipé. Peut-être qu’elle avait été tout simplement un peu moins bête que moi et avait estimé que c’était à Stephen d’aborder le sujet le premier. « Oui… Mais elle n’a pas eu le choix, je suis venue chez toi en pensant te trouver et je suis tombée sur elle… Ce n’est pas de sa faute. » Je défends la jeune fille parce qu’elle n’a vraiment rien à reprocher dans cette histoire et dans le même temps, je réalise petit à petit que j’ai sacrément merdé et que ce n’est que le début des ennuis. Je vais devoir m’expliquer, avouer que je n’ai pas réfléchi autant que je l’aurais dû et que j’ai probablement ruiné ses chances de gérer les choses comme il aurait aimé pouvoir le faire. Quelle sotte. Alors je déballe tout, parce que je n’ai pas le choix, parce que ma maman m’a appris qu’il valait mieux arracher un sparadrap d’un seul coup et parce que je sais que si je ne le fais pas maintenant, je n’aurais sans doute pas le courage de le faire plus tard. Mon air enjoué s’estompe progressivement alors que Stephen se décompose davantage à chacune de mes phrases. « Si… Je suis désolée, Stephen. » Je souffle, incapable de trouver autre chose à dire. Je n’ai pas vraiment d’excuse, pas de justification à apporter. Au moment où je l’ai raconté à Alfie, il me paraissait évident que c’était ce que je devais faire, parce que si la situation avait été inversée, j’aurais aimé qu’il m’en informe lui aussi. Mais je réalise également que ce n’est pas la même chose, que dans l’histoire, c’est moi la pièce rapportée et que je me suis immiscée sans le vouloir dans leur relation. Je me liquéfie, honteuse de ne pas avoir connecté suffisamment mes neurones pour me rendre compte avant de là où je mettais les pieds. « Je… Rien… Enfin, j’étais surprise, je m’attendais à tomber sur toi… Je ne me souviens pas vraiment… » Au secours. Pourquoi Alfie n’est jamais là quand on a besoin de ses blagues pourries pour alléger l’atmosphère ? « Je crois que je lui ai juste demandé pourquoi elle était là, du coup elle a dû m’expliquer et je me suis présentée aussi… On a un peu discuté, c’est tout. » Reprends-toi, Jules. Stephen va être en colère, il en a parfaitement le droit vu que j’ai bien merdé sur ce coup-là, mais ce n’est pas une raison pour que je me comporte comme une enfant qui craint une punition. « Concernant Alfie… Je lui ai dit que tu avais rencontré quelqu’un… J’étais enthousiaste, je voulais partager avec lui cette bonne nouvelle… Je n’ai pas réfléchi. » Ah bah ça, il n’y a pas de doute, et si j’avais pris la peine de penser au lieu de foncer, je me serais sans doute rendu compte que je lui avais coupé l’herbe sous le pied. « Je ne voulais vraiment pas… » Etre indiscrète ? Ruiner son annonce ? Lui voler un moment important ? Un peu tout en même temps ? « Désolée. » Je ne sais pas quoi dire d’autre ni comment me racheter.
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Si pour Jules cette rencontre était le summum de l'inconfort tant elle avait l'impression d'avoir plongé la tête la première dans une situation délicate, aux yeux de Stephen -qui n'avait pas remarqué qu'il mettait les pieds dans le plat avec brio- elle était pour le moment une énième occasion de se moquer gentiment de son amour pour les livres. Ses lectures à lui oscillaient entre la kinésithérapie et la reine des neiges, on était bien loin de la philosophie inspirée par l'ouvrage qu'elle avait sélectionné ... « C’est très à la mode les bouquins de développement personnel… Et la quatrième de couverture n’est pas toujours représentative de la qualité d’un contenu. » Certes. Prenant le parti de ne pas répondre, Stephen la laissait poursuivre après avoir eu pour réaction un vague geste du bras, signe qu'il concédait. « Tu trouves beaucoup de réponses durant tes discussions avec les bouteilles de Tequila, toi ? » Pas vraiment. Stephen n'avait jamais tenu l'alcool, il n'était pas le mieux placé pour parler de ce point de vue... bien au contraire. Malgré tout, il lui avait toujours semblé que l'alcool était un excellent liant social. Du moins, toujours plus fun qu'un bouquin écrit par un type aux cheveux grisonnants. "Disons que je suis pas le meilleur exemple. Mais pour beaucoup de monde, ça fonctionne." Haussant doucement les épaules, il tentait vaguement de noyer le poisson.. mais mauvaise pioche pour lui. « A partir de combien de verres les copines deviennent-elles de bon conseil ? » Alors la. A vouloir s'improviser conseiller en carton, le brun ne récoltait que ce qu'il semait. Fronçant les sourcils d'un air dubitatif, il se mit à faire cogiter ses neurones sans grand succès. "Tout dépend de la copine ? Non en fait j'en sais rien. Mais dans tous les cas je pense que c'est toujours mieux que ça." qu'il soufflait dans un demi sourire en désignant le bouquin du menton. On avait vu mieux lorsqu'il était question de se tirer d'une situation gênante, mais de toute façon, Stephen était encore loin d'imaginer que la situation allait encore empirer un peu plus..
« Oui… Mais elle n’a pas eu le choix, je suis venue chez toi en pensant te trouver et je suis tombée sur elle… Ce n’est pas de sa faute. » L'idée demeurait encore abstraite dans son esprit. Jules. Jules était venue lui rendre visite et c'était Leah qui avait ouvert. Les deux ont discuté. Et ce n'était même pas dans un univers parallèle. "Attends, rien n'est la faute de personne." Ou peut être la sienne. Même si pour lui rien ne servait de précipiter les choses et d'avertir la terre entière qu'il était avec quelqu'un d'autre maintenant. « Si… Je suis désolée, Stephen. » Jules soufflait, comme décomposée. Stephen tentait vaguement de lui redonner contenance en faisant un petit geste de la main, comme s'il laissait sous entendre que tout allait bien. Il était loin de se douter que les traits de son visage laissaient transparaître toute la panique désormais bien installée dans son esprit. Qu'es ce qu'Alfie pensait de toute cette histoire ? Le considérera t-il toujours comme un membre de la famille s'il tournait la page ? Il connaissait bien sur la réponse, mais les doutes arrivaient dans d'énormes vagues qui annihilaient tout le bon sens en sa possession. « Je… Rien… Enfin, j’étais surprise, je m’attendais à tomber sur toi… Je ne me souviens pas vraiment… Je crois que je lui ai juste demandé pourquoi elle était là, du coup elle a dû m’expliquer et je me suis présentée aussi… On a un peu discuté, c’est tout. » Elle ne se souvenait pas vraiment ?! Si la jeune femme ne semblait pas à deux doigts de faire pénitence devant lui, Stephen aurait sûrement perdu patience en lui intimant de se faire fonctionner sa mémoire avec plus de bonne volonté. Ce n'était même pas contre elle qu'il était en colère. Plutôt contre lui. Il tournait la page, et c'était quelque chose qui avait été concrétisé bien malgré lui. « Concernant Alfie… Je lui ai dit que tu avais rencontré quelqu’un… J’étais enthousiaste, je voulais partager avec lui cette bonne nouvelle… Je n’ai pas réfléchi. Je ne voulais vraiment pas… Désolée. » une conclusion suivie d'un silence de plomb qui dura quelques longues (très longues) secondes. Stephen se pinça brièvement l'arrête du nez, prit une grande inspiration avant de poursuivre d'une voix bien plus sèche qu'il ne l'aurait souhaitée. "Ça commence à aller mieux avec l'oncle et la tante d'Alfie... dis moi que eux.." dis moi qu'ils ne savent pas que je tourne la page sinon je peux faire une croix sur Anabel. Il n'y avait aucune raison qu'ils ne le soient. Mais la panique le gagnait petit à petit. De façon générale, tout ce que Stephen ne contrôlait pas le rendait nerveux à outrance. Jules en avait une démonstration en bonne et due forme.
J’envisage très sérieusement de ne plus jamais remettre les pieds dans cette librairie une fois que j’aurais enfin réussi à en sortir. Pourtant, j’aime vraiment beaucoup Stephen et je suis ravie d’avoir de ses nouvelles après tout ce temps passé sans le croiser. Je crois juste que j’aurais aimé que cette rencontre se fasse dans d’autres circonstances ou alors qu’il fasse semblant d’ignorer le livre que j’ai en main et entretienne une conversation normale durant laquelle il m’aurait donné de ses nouvelles sans nécessairement prendre des miennes ou alors sans insister sur le naufrage potentiel de mon couple sur le point de passer un cap stratégique. Malheureusement, le tact typiquement masculin dont fait preuve Stephen me met dans une position ô combien inconfortable qui me demander d’user et d’abuser de l’humour pour garder un minimum de contenance. « Ça ne marche pas parce que tu ne tiens pas l’alcool ou parce que tu le tiens trop bien ? » Ne pas réussir à noyer son chagrin dans la boisson, ça doit être triste. D’un autre côté, parce que j’ai du mal à boire deux verres sans avoir la tête qui tourne, je sais que j’aurais bien aimé être capable de boire sans être la première à être bourrée en permanence. J’imagine que ma petite corpulence ne m’aide pas à augmenter mon seuil limite avant d’être totalement incontrôlable. En plus, je n’ai jamais été une grande adepte des boissons alcoolisées, loin de là même, ce qui n’aide pas à augmenter mon seuil de tolérance. En vieillissant, c’est même de pire en pire, probablement parce que les soirées se font de plus en plus rares. « Je penserais aux copines alors, si jamais j’ai des soucis un jour. » Tu vois Stephen, je n’ai absolument aucun problème à l’heure actuelle. Si nous avions été dans un vrai débat, je lui aurais dit que je préfère largement continuer à prendre des conseils un peu foireux dans les livres parce que eux, au moins, ne risquent pas de porter un jugement sur mon couple ou de faire preuve d’impartialité, mais comme j’essaie surtout de faire en sorte que ce sujet ne soit bientôt plus d’actualité pour éviter que Stephen n’ait la très mauvaise idée de creuser un peu pour savoir quel genre de problèmes je pourrais bien rencontrer en ce moment. Je me connais, ma capacité à mentir étant plus que pitoyable, je me retrouverais forcément à rougir en bégayant un truc totalement incompréhensible que je regretterais sûrement dans les minutes suivantes parce que je n’aime pas du tout l’idée de me confier au sujet d’Alfie à quelqu’un qui est plus proche de lui que de moi. C’est un peu comme si j’apprenais que mon copain était allé parler de moi à ma sœur, ça me ferait sacrément chier. Je continue donc à essayer de noyer le poisson, attendant patiemment que l’on passe à autre chose.
Finalement, lorsqu’on considère le deuxième sujet abordé entre nous, je regrette presque de ne pas avoir voulu insister sur mes problèmes de couple. Je me hâte de défendre Leah que j’ai l’impression d’avoir enfoncée sans le vouloir, rassurée de voir que Stephen ne la tient pour responsable de rien du tout. Malheureusement pour moi, ça ne veut pas dire qu’il n’est pas fâché contre moi et ce que j’ai pu dire ou faire. La situation s’aggrave complètement lorsque je lui apprends que j’ai un peu vendu la mèche à Alfie – certes je ne pensais pas mal faire mais à la réflexion c’était quand même sacrément stupide, on ne va pas se mentir –. Il me demande des éclaircissements, je lui en donne, ou en tout cas j’essaie de lui en donner. La panique me fait un peu perdre tous mes moyens, au fur et à mesure que j’explique ce que j’ai dit, j’ai l’impression de me rendre compte à quel point c’était stupide et je regrette évidemment de ne pas l’avoir réalisé avant. Stephen aimait profondément Rachel et je me doute que se reconstruire sans elle, aussi agréable que ça doit être de ne plus se réveiller en pleurant tous les matins – doit réveiller un bon nombre de doutes chez lui. Lorsque mon père est mort, je me souviens que les jours où elle allait mieux, ma mère disait qu’elle avait l’impression de le trahir en étant capable d’être heureuse sans lui. Malgré tout, j’aurais aimé qu’elle y parvienne davantage. Encore aujourd’hui malgré les vingt années écoulées depuis sa disparition, je ne reconnais toujours ma maman. Elle peut être très enjouée et se murer d’un seul coup dans le silence, parce que le sujet abordé lui a remis en tête un souvenir qu’elle a du mal à gérer ou parce qu’elle a simplement dépassé son quota de bonne humeur quotidien. Longtemps, j’ai cru qu’elle allait avoir un déclic, qu’elle finirait par aller mieux, mais maintenant j’ai arrêté d’espérer parce que je sais pertinemment qu’elle ne se remettra jamais de la mort de mon père même si elle fait de gros efforts pour notre famille. Je sais très bien que si elle est encore parmi nous, c’est parce qu’elle estimait avoir un devoir envers ses enfants et non pas parce qu’elle avait envie de poursuivre sa vie sans lui. Je ne lui en veux pas, elle a toujours fait le maximum. Alors, même si je ne peux pas comprendre ce que vit Stephen parce que je pense qu’on ne peut le comprendre que lorsqu’on l’a soi-même vécu, je ne peux qu’être ravie de réaliser que, contrairement à ma mère, il ait une nouvelle vie heureuse après le décès de sa femme. « Non ! Bien sûr que non ! » Je m’empresse de confirmer alors que Stephen semble à deux doigts de la crise cardiaque. « Je ne leur ai rien dit du tout… Je ne me serais jamais permis de… Ils ne savent rien. » Pour Alfie, c’est différent, j’ai l’habitude d’être sans filtre avec lui, mais pour ce qui est de sa famille, évidemment, je ne me permets pas de me mêler de la vie des uns et des autres. J’aurais clairement dû en parler à Stephen bien avant aujourd’hui, au lieu de le mettre bêtement devant le fait accompli comme si c’était une simple banalité. Je m’en veux terriblement. « Je suis sincèrement désolée, Stephen. » C’est la millième fois que je lui présente mes excuses et pourtant ce n’est pas encore assez. Finalement, au lieu de prendre un livre destiné à m’aider à gérer ma vie de couple, peut-être aurais-je dû en prendre un sur les relations humaines en général parce qu’apparemment je ne suis pas très douée pour ça.
Juliana & Stephen ⊹ your mother warned you there'd be days like these but she didn't tell you when the world has brought, you down to your knees and i'll be there for you
Que Jules se rassure, Stephen n'avait absolument rien compris de toute la subtilité dont la jeune femme faisait preuve en tentant de dissimuler les raisons qui l'avaient poussée à acheter l'ouvrage qu'elle tenait contre elle. C'était sans doute son côté binaire, et toute la confiance qu'il lui portait qui faisait que pour lui, Jules s'informait juste sur un sujet qui l'intéressait. Pour le moment, il n'avait pas fait le lien avec Alfie, et c'était sans doute aussi puis-qu’à ses yeux leur relation était pérenne. « Ça ne marche pas parce que tu ne tiens pas l’alcool ou parce que tu le tiens trop bien ? » Une grimace étirait ses lèvres. Stephen aurait vraiment aimé avoir quelque chose de plus constructif à lancer qu'une vague allusion à un imaginaire collectif. "Je suis ivre au bout de deux verres. C'est très humiliant, mais c'est un fait avéré." qu'il soufflait presque avec amusement, se frottant la nuque dans un sourire. ".. tout ce que j'en disais c'était que plutôt que de lire un bouquin poussiéreux écrit par un type qui se sent la science infuse, boire un peu ça peut limiter tes questionnements intérieurs sans te retrouver avec un mal de crâne carabiné." Ou peut être que si. Ferme la Holloway, tu t'embrouilles. Cette conversation virait doucement à un gigantesque mal entendu où aucun des deux protagonistes ne semblait réussir à dire ce qu'il avait en tête, et ça n'allait pas en s'arrangeant ... « Je penserais aux copines alors, si jamais j’ai des soucis un jour. » Et c'était préférable, qu'il songeait sans même penser un instant à ce que l'inverse puisse être vrai. Stephen se focalisait sur le malaise qui régnait dans cette conversation plutôt que sur le fond de cette dernière. Il était pourtant loin de s'imaginer que la situation n'allait faire qu'empirer. D'apprendre que Jules avait rencontré Leah l'avait fait pencher à nouveau dans les névroses, et ce plus vite qu'il ne le fallait pour le dire. Le brun avait bien du mal à associer sa vie passée à sa vie présente. A ses yeux, les deux jeunes femmes n'auraient jamais dû se rencontrer, et ce pour une raison toute simple : il n'était pas encore prêt à assumer. Faire le deuil de son mariage avait été une chose bien trop compliquée, et il ne faisait pas l'ombre d'un doute qu'il n'était pas sur la voie de la rémission totale. Qu'on lui ait forcé les choses ainsi ne le rendait pas serein tant il n'avait aucune idée des conséquences que cette rencontre improvisée aurait pu avoir. Un sentiment de panique l'envahissait, agrémenté d'une pointe de colère qu'il réussissait à tempérer du mieux qu'il le pouvait (c'est à dire pas beaucoup) en voyant la brunette se confondre en excuses : « Non ! Bien sûr que non ! Je ne leur ai rien dit du tout… Je ne me serais jamais permis de… Ils ne savent rien. Je suis sincèrement désolée, Stephen. » Stephen balayait ses excuses du revers de la main. Le visage fermé, il lui fallut une bonne dizaines de secondes pour oser ouvrir la bouche sans que ses mots ne puissent se transformer en couteaux bien aiguisés. "C'est rien. Mais ... par pitié n'en parle plus. A personne." Plus un ordre qu'une demande. Stephen avait toujours eu cette façon assez abrupte de passer d'un état à un autre, et en l’occurrence, c'état désormais une colère sombre et froide qui l'animait, bien qu'il ne tente de faire redescendre la pression. "C'est juste comme ça, c'est pas important.. j'veux dire, t'emballes pas." qu'il mentait. A ce moment, Stephen ne savait pas bien s'il minimisait l'importance de sa liaison avec Leah pour se laisser le temps de trouver des explications à fournir à l’entourage de Rachel, ou s'il minimisait les faits car face à des gens qui avaient été si proches de sa femme, il n'osait pas assumer tourner la page. La petite dernière des Baumann avait beau avoir sa place auprès de lui, il n'en demeurait pas moins que le poids d'une alliance qu'il ne portait plus pèserait toujours plus lourd sur la balance. "Ouais, c'est juste ... ça compte pas." qu'il répétait sans savoir ce que la brunette avait pu dire à Jules. Qu'importe. S'enfonçant dans le déni, il préférait taire les choses maintenant qu'elles devenaient trop sérieuses. C'était sans doute lâche, et peut être même que le mensonge se lisait sur ses lèvres, mais qu'importe. Il avait été pris de court par cette discussion et se dépatouillait comme il le pouvait avec son esprit complexe et étriqué.
La confidence de Stephen me fait évidemment rire, je l’imagine parfaitement être à moitié couché sous la table après avoir bu seulement trois bières. A dire vrai, c’est plutôt mignon qu’il avoue une chose pareille, même si ça met forcément un sacré coup à sa virilité. Au moins, j’ai l’impression d’avoir un allié puisque moi aussi je ne gère pas forcément la consommation de boissons alcoolisées, mais pour une fille, ça passe toujours mieux que pour un homme – même si j’ignore complètement pourquoi parce que ce sont des préjugés débiles –. « C’est le manque de pratique, ça. » J’affirme en essayant de garder un ton sérieux. Suis-je en train de lui suggérer de picoler plus souvent pour prendre l’habitude ? Oui, tout à fait, et c’est probablement le pire conseil que j’aurais pu lui donner mais ce n’est pas pire que celui de trouver du réconfort dans l’alcool plutôt que dans les livres alors j’imagine qu’on est quittes lui et moi. « Tu évites peut-être le mal de crâne le jour-même, mais ce n’est pas dit pour le lendemain, je ne suis pas sûre que ce soit mieux. » Mais là encore, c’est parce que je tiens très mal l’alcool que je m’imagine sans peine avec un énorme mal de crâne le lendemain d’une soirée un peu trop arrosée. Je me vois également très bien penchée au-dessus des toilettes la veille, à regretter amèrement de ne pas avoir été plus raisonnable. Non, définitivement, je doute que cette idée soit la meilleure que je puisse avoir. Malheureusement, dans la série des idées pourries, je me pose là aujourd’hui parce qu’après avoir acheté un bouquin minable qui ne résoudra aucun de mes problèmes et essayé de noyer le poisson avec celui qui est assez proche d’Alfie pour que j’évite de lui en dire trop sur ma vie amoureuse, voilà que je mets les pieds dans le plat en parlant de la jolie Leah que j’ai rencontré quelques jours auparavant. J’ignore totalement pourquoi elle a passé sous silence notre rencontre et à dire vrai, je ne m’y attendais pas du tout, mais quand je vois la réaction de Stephen face à tout ça, je me dis vraiment que j’aurais dû me taire moi aussi. Peut-être aurions-nous dû nous mettre d’accord Leah et moi, ça aurait évité bien des emmerdes. En attendant, Stephen a clairement l’air d’être au bout de sa vie ce qui ne me rassure absolument pas pour la suite de cette conversation. Je déteste les conflits et encore plus quand j’en suis un élément central et encore davantage quand je l’ai provoqué. Aussi, il m’est facile de me hâter de promettre de tenir ma langue, je ne tiens pas à m’attirer les foudres de monsieur Holloway. « Promis, je n’en parlerais plus jamais, je t’assure. » Même Odie n’entendra pas parler de cette fameuse Leah, j’attendrais bien sagement que leur relation soit dévoilée au grand jour pour pouvoir de nouveau mentionner la jeune fille. En attendant, motus et bouche cousue, je ferais comme si je n’avais jamais rencontré Leah. En revanche, même si j’avoue que j’ai totalement merdé en me permettant des confidences qui ne m’appartenaient pas, le reste des explications de Stephen me fait hausser un sourcil et chasse, l’espace d’un court instant, la gêne que je peux ressentir pour laisser place à une certaine incrédulité. « Pas important ? » J’insiste en appuyant sur chacun des deux mots choquants que je viens d’entendre comme si ces derniers sonnaient faux à mes oreilles. Et c’est le cas, ça ne me parait pas du tout crédible, je ne vois pas Stephen se lancer dans une histoire à l’arrache avec tout ce qu’il a à gérer en ce moment dans sa vie. Il essaie peut-être de s’auto-convaincre que cette relation n’est pas aussi importante qu’elle en a l’air, mais s’il pense réussir à me convaincre moi, il se met le doigt dans l’œil. « Stephen Holloway. » J’enchaine, sur un ton de reproche. « Tu vis avec cette fille, tu ne peux pas dire que ce n’est pas quelque chose de sérieux, je ne te croirais pas de toute façon. » Et puis, ça ne ressemble pas à Stephen. Certes, je ne connais pas tous les détails de sa vie privée, mais sa relation a évolué très vite avec Rachel, je ne le vois pas du tout comme quelqu’un de réfractaire à l’engagement alors si Leah vit déjà chez lui, ou plutôt s’il vit déjà chez Leah, c’est qu’il se passe réellement quelque chose entre eux. « J’étais sérieuse quand je te disais que j’étais contente pour toi, je le suis réellement, tu n’as pas besoin de tout minimiser. » D’autant plus qu’avouer qu’il est allé habiter chez une fille sans importance est clairement bien moins reluisant comme image que celle d’une vraie relation stable. « Pourquoi t’as rien dit avant ? » Il a dû avoir des dizaines d’opportunités de parler de Leah, de faire en sorte que son secret n’en soit plus un et pourtant il n’a rien fait. J’admets que ça me laisse sceptique.
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Le rire de Jules remplissait le silence gênant qui aurait pu suivre sa révélation ; Stephen ne pouvait pas s'enorgueillir d'être le cliché du mâle, celui d'une autre époque qui enchaînait les whisky sans ciller, bien qu'honnêtement, il s'en fichait bien. Il faisait partie de ces types modernes avec un mode de vie plus ou moins sain, et c'était très bien comme ça. « C’est le manque de pratique, ça. » que lui glissait en retour la jeune femme d'un ton qu'elle peinait à garder sérieux, et pour toute réaction, il haussait le sourcil avec amusement. Bien sûr Jules, on ira se faire des virées dans les tréfonds des bars de la ville pour se faire la main. « Tu évites peut-être le mal de crâne le jour-même, mais ce n’est pas dit pour le lendemain, je ne suis pas sûre que ce soit mieux. » Le souvenir de son adolescence lui revenait en plein visage, et le pire étant qu'à cette époque, il ne se posait pas des questionnements aussi profonds sur la vie. D'un vague mouvement du bras, il tentait vainement de mettre fin à cette conversation dans laquelle les deux s'embourbaient. "Bon ok Rhodes, t'as définitivement plombé l'image que je me faisais d'une soirée entre filles à la Bridget Jones." qu'il soufflait avec un amusement, pourtant de courte durée. Le vague sourire qui traînait jusqu'alors sur son visage s'envola bien trop rapidement à son goût. La brunette venait de lui livrer autant de révélations qui faisaient l'effet de bombes dans son cerveau étriqué et enclin à la névrose. Leah lui avait caché avoir déballé leur histoire à Jules. Alfie savait. Et tout ça s'était déroulé hors de son contrôle ; la crise cardiaque était proche. Passé l'énervement et les presque éclats de voix, Stephen en était arrivé à demander à la jeune femme de ne plus parler de cette histoire à qui que ce soit, et à en juger par la hâte dont elle fit preuve pour accéder à sa requête, il se disait qu'il avait peut être vu rouge trop rapidement. « Promis, je n’en parlerais plus jamais, je t’assure. » qu'elle concédait, et lui hochait la tête en retour comme pour acquiescer tacitement ; ce sujet était clos. Enfin, presque. Stephen tachait tout de même de minimiser l'importance de Leah dans sa vie, ne serait ce que pour limiter la casse. Ou peut être aussi que c'était sa propre conscience qui avait encore du mal à tourner la page. Toujours est il que c'était désormais à Jules de se mettre en colère. « Pas important ? » qu'elle s'étranglait presque, et lui levait le regard pour éviter de lui faire face. Bien sûr que Leah était importante. « Stephen Holloway. » Le ton était donné. C'était la première fois que la jeune femme se montrait aussi autoritaire avec lui, et preuve était que ça fonctionnait. D'instinct il baissa le regard, histoire de lui faire face à nouveau. « Tu vis avec cette fille, tu ne peux pas dire que ce n’est pas quelque chose de sérieux, je ne te croirais pas de toute façon. J’étais sérieuse quand je te disais que j’étais contente pour toi, je le suis réellement, tu n’as pas besoin de tout minimiser. » D'un claquement de langue réprobateur, Stephen montra son mécontentement d'avoir été percé à jour d'une façon si stupide. Leah n'avait pas droit de révéler ce genre d'informations sans lui en avoir parlé. Et Jules n'avait pas droit non plus de s'être immiscée de la sorte dans sa vie privée. Et pourtant, d'une certaine manière il se sentait soulagé de ne pas avoir été jugé. « Pourquoi t’as rien dit avant ? » De longues secondes planaient sans qu'il ne trouve vraiment les mots justes. Ses lèvres avaient beau s'entrouvrir, aucun son intelligible n'en sortait. Pourquoi ? C'était pourtant si simple. " ... On est amis depuis longtemps. Ça fait plus de quinze ans qu'on se connaît. Enfin jamais comme ça, hein. On avait perdu contact, et l'année dernière ..." elle s'est faite tabasser par son ex copain, on l'a retrouvée au bord de la mort, et j'ai été son kiné. "Disons qu'elle a eu des problèmes. Qu'on s'est trouvés au bon moment. J'avais pas envie de lui imposer ma vie cabossée... et j'étais pas prêt à ce qu'elle entre dans la mienne non plus. J'avais prévu de trouver le bon moment mais visiblement j'ai été devancé.." qu'il terminait en grommelant presque.
Etonnamment, la perspective d’une soirée alcoolisée en compagnie de Stephen devient presque tentante sachant que, dans ce domaine, nous sommes sur le même pied d’égalité. Moi qui pensais que mon incapacité à tenir l’alcool venait de mon petit gabarit et de ma faible corpulence, j’imagine que ce ne sont pas les seuls éléments qui entrent en compte car Stephen ne se rapproche pas vraiment de la femme fragile. L’idée me fait presque sourire, cependant, mettre le visage de Stephen sur un petit corps frêle pourrait être un Photoshop amusant que je devrais sans doute suggérer à mon stagiaire. « Jolie référence. » Non pas que je considère que Bridget Jones n’est pas une référence dont il faut user et abuser en toutes circonstances, mais le niveau culturel reste tout de même plutôt faible. Malgré tout, je préfère largement que ce soit cette jolie femme pulpeuse qui se soit invitée dans notre conversation plutôt que le possible prochain naufrage de mon couple, envisagé très sereinement par Stephen un instant plus tôt. Je peux enfin me détendre, savourant cette petite victoire quant à l’évitement d’un sujet de conversation qui aurait pu m’être fatal. Bien entendu, si la situation perdure, je sais pertinemment qu’il faudra que je finisse par me confier à quelqu’un, ne serait-ce que pour y voir un peu plus clair dans ma tête, mais je suis encore dans cette période merveilleuse où l’espoir me pousse à croire que les choses finiront par s’arranger d’elle-même et que je n’ai aucunement besoin de ce livre. Je veux poursuivre sur ces conversations légères, sans prises de tête, qui me permettent d’éviter de me confronter à une réalité que je ne suis de toute façon pas prête à essayer d’analyser pour le moment. De toute façon, je ne suis pas sûre d’être en capacité de le faire avec le peu d’élément à ma disposition. Je vais trouver une super idée de cadeau pour ces trois ans qui ne seront pas le dernier anniversaire que nous fêterons ensemble puisque ce cap va super bien se passer et que rien ne va venir bouleverser notre si parfait équilibre. Mon subconscient n’est peut-être pas forcément très convaincu par mes pensées actuelles, mais je relègue son insupportable petite voix dans un coin de ma tête et me contente de m’auto convaincre. C’est la meilleure chose que je puisse faire, de toute façon, et ce n’est pas à Stephen que je vais demander quoi que ce soit à ce sujet.
La suite de la conversation me fait presque regretter que le sujet Alfie n’ait pas été abordé, finalement. Je ne pensais sincèrement pas que mettre Leah sur le devant de la scène allait être un si gros problème et après m’être confondue en excuses pour avoir révélé des informations qui n’auraient pas dû être en ma possession, je me retrouve face à un Stephen fermé qui nie une relation qu’il semble avoir du mal à assumer. Evidemment, je ne peux pas le laisser dire une chose pareille et le laisser penser que j’y crois, ce serait une énorme blague. Et alors qu’il me parait presque normal de lui demander pourquoi il ne nous a rien dit avant, il élude un peu la question, évoquant des retrouvailles récentes avec une amie de longue date pour qui il n’a pas éprouvé de sentiments avant, comme s’il souhaitait justifier le fait qu’il s’était toujours montré loyal envers Rachel. Je n’en doute pas une seule seconde pourtant, je l’ai vécu à travers lui, il s’est accroché à cet infime espoir jusqu’à la fin, ou en tout cas c’est comme ça que je l’ai perçu. Ce n’est pas parce qu’il a de nouveau quelqu’un dans sa vie que je vais considérer qu’il oublie la jeune femme, je serais monstrueuse de penser une chose pareille. « C’était un pur hasard. » Je ne cesserais jamais le de répéter, parce que c’est la vérité, je suis arrivée pleine de bonnes intentions devant une Leah complètement perdue qui a mis beaucoup de temps à se décoincer réellement. Finalement, nos échanges sont restés assez succinct alors j’espère que Stephen n’aura pas envie de me la cacher indéfiniment, je veux sincèrement apprendre à la connaitre. « Tu comptes nous la présenter officiellement, quand même, ou elle va rester cachée encore un moment ? » Après tout, c’est à lui de décider ce qu’il compte faire maintenant. Je l’ai peut-être devancé en rencontrant Leah de manière imprévue, mais je ne compte pas répéter mes erreurs. J’avancerais désormais à son rythme, parce qu’il vaut mieux que je le laisse contrôler cette situation qui a l’air déjà de le mettre bien trop mal-à-l’aise comme ça. « Je sais que c’est facile à dire, mais tu devrais pas te mettre autant de pression, je veux te voir heureux, alors je suis sûre que je vais l’adorer ta Leah. » Et c’est valable pour toutes les personnes proches de Stephen, parce qu’on ne va pas se mentir, je sais bien que ce n’est pas mon avis qui importe le plus dans l’histoire, je suis juste la première marche à franchir avant des obstacles un peu plus importants.
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Finalement, ce début de conversation gênant s’essoufflait sur une note inattendue que Jules releva avec amusement : « Jolie référence. » Mouais. Stephen, dont le machisme et la virilité s'étaient déjà évaporés lorsqu'il avait évoqué sa faible résistance à l'alcool, ne relevait pas, laissant au passé cette conversation un brin gênante dont il en avait presque fini par en oublier le sujet initial. De toute façon, ce n'était pas cette information qui retenait le plus son attention, mais plutôt celle de la rencontre improbable entre sa désormais sa petite amie et son interlocutrice. Passé par plusieurs émotions, Stephen avait d'abord été sujet à la panique, puis à l'agacement... et maintenant c'était une pointe d'inquiétude qui l'accablait. « C’était un pur hasard. » Jules avait beau tenter de le rassurer quant au côté non planifié de cette rencontre, l'idée que les deux jeunes femmes aient pu se parler alors même qu'il n'avait aucun contrôle sur quoi que ce soit à ce propos le rendait nerveux. Il aurait été tenté de la noyer sous une demie dizaine de questions, au lieu de quoi il s'obstinait à vouloir se justifier sur le pourquoi du comment cette liaison en était arrivée à naître. Il y avait de fortes chances que ce soit le cas encore un moment. Face à Jules, le brun n'en menait pas large. Ce n'était pas qu'il n'assumait pas Leah, au contraire. Elle était son réconfort, sa lumière. Elle le poussait à sortir de sa coquille, lui qui s'était tant renfermé depuis le décès de sa moitié. Elle occupait une place particulière dans sa vie, mais ce serait mentir que de dire qu'il savait exactement quelle place lui donner tant il avait l'impression que son statut n'était pas encore bien défini. « Tu comptes nous la présenter officiellement, quand même, ou elle va rester cachée encore un moment ? Je sais que c’est facile à dire, mais tu devrais pas te mettre autant de pression, je veux te voir heureux, alors je suis sûre que je vais l’adorer ta Leah. » Un sourire nerveux au coin des lèvres, Stephen se passait une main dans les cheveux dans un signe qui trahissait la pointe de stress dont il était en proie actuellement. "Je te promets d'organiser quelque chose." qu'il concédait finalement pour la forme. "... et je suis heureux. Vraiment. Mais c'est pas évident d'y voir clair. Je voulais prendre mon temps pour les choses officielles." .... et j'aurais aimé être décisionnaire de la présentation en bonne et due forme. Même il ne se risquait pas à relancer la machine et à voir de nouveau la jeune femme lui rappeler qu'elle n'y était pour rien. Stephen ne pouvait pourtant pas s'empêcher de s'en vouloir, et de maudire le destin de lui avoir forcé la main par la même occasion, car il était désormais placé devant le fait accompli. Alfie était au courant, et maintenant que Leah l'était elle aussi quant à la présence dans sa vie de l’entourage proche de Rachel, il ne faisait pas l'ombre d'un doute qu'elle se sentirait blessée d'un tel manque de confiance. Elle qui lui disait absolument tout, qui lui confiait ses plus grandes craintes avait été mise à l'écart d'une partie aussi grande de la vie de l'homme avec lequel elle entamait tout doucement une idylle. "... Je vais devoir y aller. J'ai laissé Anabel toute seule avec Leah." Un demi mensonge. En vérité, il avait besoin de prendre l'air, de se poser pour laisser une amorce de répit à ses cellules grises. En l'espace de quelques minutes, Jules avait précipité une sorte de cataclysme dans son esprit encore bien trop habitué à fonctionner dans un contrôle permanent du cours des événements. "Mais je suis content de t'avoir vue aujourd'hui. Vraiment." Se penchant pour l'étreindre de son bras libre (une chose qu'il ne faisait habituellement jamais, mais qui aujourd'hui lui semblait vraisemblablement nécessaire) Stephen fit un pas de plus vers les caisses de la librairie, tenant contre son torse les ouvrages qu'il avait sélectionné pour ce prochain voyage. "Tu le prends ton roman finalement ?" Du menton il désignait le petit livre choisi par Jules et dont il en avait oublié le titre.
La promesse de Stephen me satisfait, pour le moment, de toute façon je crois que je vais éviter de reparler de sa relation avec Leah ou même de croiser de nouveau la jeune femme avant qu’il soit prêt à faire ces présentations officielles. J’ai l’impression d’avoir déjà largement assez merdé comme ça – même si ce n’était évidemment pas volontaire – et je préfère désormais rester en retrait. Seule la malchance a été responsable de cette rencontre que Stephen aurait préféré éviter mais en revanche, c’est de ma faute si Alfie est au courant et c’est bien sûr ce qui panique le jeune homme. A dire vrai, j’aurais vraiment pensé que Leah se soit confiée à lui après mon départ précipité et je suis sincèrement étonnée qu’elle ne l’ait pas fait. Evidemment, ce n’est pas quelque chose que je peux confier au jeune homme sans avoir l’air de rejeter la faute sur sa nouvelle copine ce que je veux à tout prix éviter puisque je ne l’estime coupable de rien du tout. Les non-dits peuvent faire bien des ravages, nous en avons la preuve aujourd’hui et c’est sûrement pour ça que le cap des trois ans devrait encore plus me faire peur, car je sais que je ne partage pas toujours tout ce que je pense avec Alfie, de peur d’aborder parfois un sujet tabou, mais je me rassure en me disant qu’il sait tout de moi et que ces quelques petits non-dits ne sont pas suffisants pour créer une véritable faille dans notre couple. Il me parait d’ailleurs évident que l’inverse est totalement vrai et que s’il n’est pas forcément à cent pour cent transparent avec moi, je le connais suffisamment pour ne pas souffrir d’une affreuse désillusion au bout de toutes ces années. C’est ce qui m’est arrivé avec Julian, alors forcément, cette peur restera toujours présente dans un coin de ma tête, parce que se rendre compte que la relation que l’on croit vivre n’est qu’une mascarade géante est extrêmement douloureux, mais Alfie a réussi à me faire comprendre dès le début de notre relation qu’il était différent et je lui accorde toute ma confiance. C’est à se demander pourquoi j’ai attrapé ce bouquin sur son étagère, c’était certainement l’acte le plus stupide que j’ai fait ce soir, il m’est tellement facile de me convaincre que mes doutes sont infondés et que nous nageons dans le bonheur. « Je comprends et je te promets de rester en dehors de tout ça jusqu’à ce que tu décides que c’est le bon moment. » Et je tiendrais cette promesse, le voir aussi mal et aussi paniqué me suffit à ne plus vouloir m’immiscer dans sa vie privée sans son consentement, même de manière involontaire. Je ferais nettement plus attention à l’avenir.
Prétextant devoir retrouver Anabel et Leah, Stephen finit par mettre un terme à notre conversation, et je dois reconnaitre que j’en éprouve un certain soulagement. Evidemment, je suis contente de le voir, je suis toujours ravie d’avoir de ses nouvelles et apprendre qu’il va bien ne peut pas me faire plus plaisir mais le malaise qui s’est installé entre nous dès le début de la conversation et a perduré tout au long de celle-ci. « Moi aussi je suis contente de t’avoir vu. » La brève étreinte qu’il initie entre nous ne me met pas forcément plus à l’aise et le fait qu’il revienne sur le sujet du livre que je tiens à la main n’est pas non plus quelque chose qui me permet d’effacer toute la gêne que je ressens. Il a raison, cependant, je ne devrais pas lire ce livre, parce que ce n’est pas une illustre inconnue et ses phrases bateaux qui m’aideront à passer cette période charnière. Tous les couples sont différents, tout comme les personnes qui les composent et c’est pour cela que de banales généralités ne peuvent pas s’appliquer. Je regarde une dernière fois la quatrième de couverture et les énormités qu’on peut y lire avant de prendre une décision qui s’impose. « Non, je vais le reposer. » Ce que j’aurais certainement dû faire depuis le début. En plus, si je ne prends pas ce bouquin, je peux espérer que Stephen décide de ne pas en parler à son cousin par alliance ce qui m’arrangerait grandement. D’ailleurs, pour m’assurer que cette conversation reste entre les murs de la bibliothèque, je finis par le demander, tout simplement. « Ça peut rester entre nous ? » Pour ce qui est de minimiser l’importance que j’attachais à ce livre, c’est raté mais quitte à continuer dans le malaise, autant faire en sorte que celui-ci soit total mais surtout qu’il ne parvienne pas aux oreilles des mauvaises personnes. « Bonne journée, Stephen. » Et alors qu’il se dirige vers les caisses, je tourne les talons pour reposer le livre à l’endroit exact où je l’ai pris avant de quitter la librairie, non sans un signe de main en direction du jeune homme qui attend toujours dans la queue. Je vais devoir retourner travailler à présent mais je doute que ma concentration cet après-midi soit excellente.