Je me réveillai en plein milieu de l’après-midi, la tête en vrac, comme si je souffrais d’une gueule de bois, la migraine et l’alcool en moins. Je n’en avais pas ingurgité une goutte, la veille. Si j’étais ivre, c’était d’adrénaline, de solitude et d’angoisse. La seconde, elle m’assaillit dès lors que mon inconnu prit congé. L’environnement était neuf et difficile à apprivoiser. Gagnée par l’insomnie, je me baladai dans toutes les pièces, appréciant la décoration soignée que je supposais féminine. J’ouvris les placards également, effarée de découvrir que la cuisine était achalandée de tous les ustensiles utiles à mitonner de bons petits plats. Je me surpris à imaginer quelle touche personnelle j’y ajouterais pour l’apprivoiser pleinement, au grand damne de mon anxiété. Elle me beuglait de me méfier, de ne pas m’emballer, de préserver une distance de sécurité entre mes rêves et ma raison. Qu’arriverait-il si je n’étais pas à la hauteur, si je me révélais plus gauche qu’à l’accoutumée ? Si j’étais trop « attractive » ou pas assez ? Si je provoquais ma chute malgré moi, faute à une maladresse quelconque ? Devrais-je retourner d’où je viens, la tête basse et la bouche gorgées d’excuses malhonnêtes ? Était-ce, finalement, le plus effrayant ? En toute franchise, je n’en étais pas convaincue. Une part de moi, pour des raisons diverses et variées, redoutait moins l’hypothèse où je gâchais ma chance que celle où je décevais mon bienfaiteur.
La première, je la tenais du traumatisme d’avoir été l’échec cuisant de la vie de mon père. Il déclarait ouvertement qu’il aurait préféré choyer un fils en lieu et place d'une gamine à supporter. La seconde, elle résultait de ce besoin maladif de bien faire, d’approcher la perfection en toutes circonstances, histoire qu’on m’apprécie, au moins un peu, et qu’on me reconnaisse mes qualités. Sous mon mauvais caractère se dissimulait de l’audace de l’ingéniosité, de l’intégrité et des valeurs. Lorsque ma vertu passait inaperçue, j’en souffrais bêtement. C’était grotesque évidemment. On n’append pas à s’aimer à travers le jugement des autres. Mais, je perdis l’ensemble de mes combats acharnés pour me défaire de cette sombre manie énergiphage si bien que j’abandonnai de mauvaise grâce. La troisième, la dernière et non des moindres, elle découlait directement du sentiment que m’inspira mon patron : la sécurité. Je débarquais dans une grande ville les poches à moitié vides. Je n’avais, à Brisbane, aucun point de repère auquel m’accrocher fermement si je perds pied. Mais lui, de par sa rigueur, sa force, cette sympathie qu’il soustrait lorsqu’il parle affaires, mais qui transpire dans un sourire pour un trait d’humour, il me paraît aussi solide qu’un roc. Il m’a plu, mon Santa Claus, plus que je ne l’admettrais jamais tant ça me semblait inopportun, et j’aurais été bête de ne pas souhaiter l’espérer plus ami que responsable hiérarchique… Si tant est que ça soit possible évidemment. Statistiquement, j’y croyais à moins de 25 pour cent. En attendant, nul doute que je réduirais mes chances à néant si je n’étais pas taillée pour l’emploi. Sauf qu’il avait été limpide sur ce qu’il attendait et que ça ne me changeait pas vraiment de ce que j’avais été jusqu’ici. Alors, malgré mon manque flagrant de sommeil, je ne traînai pas à transformer mes craintes en motivation… Une douche plus tard, j’enfilais un jeans et je rassemblais mes économies. Je préparai deux enveloppes - une pour l’acompte, l’autre pour mes dépenses – j’affrontai les rues de Brisbane pour remplir mon frigidaire et trouver, à l’avance, mon lieu de travail. C’était, à première vue, un restaurant… Mais, bien que surprise, je ne m’en tracassai pas. Étonnamment, j’avais confiance…je n’avais pas inventé l’adresse, ça limite les risques.
Quinze minutes avant l’heure dite du rendez-vous, je vérifiai dans mon miroir de poche que mon maquillage n’avait pas coulé et qu’aucune mèche rebelle ne s’échappait de mon chignon. Je m'assurai également que l’ourlet de la petite robe noire, décolletée, mais sans outrage, qui épousait ma silhouette, n’était pas remontée plus haut que la moitié de la cuisse. Il était question d’être attirante, pas vulgaire, raison pour laquelle j’optai pour la simplicité sensuelle et non la sophistication légère. Je n’aurais pas été à l’aise en me déguisant en fille de joie. Je préférais le rôle de la femme fatale, parce que le temps me rôda à l’exercice, chez Hank, malgré le manque de raffinement de sa clientèle que j’estimais néanmoins capable de distinguer le beau du vulgaire. Je supposais que celle de Brisbane ne ferait pas l’exception. Je rassemblai donc tout mon courage, soupira, croisé les doigts et, plus sûre de moi qu’à l’heure de mon réveil, je poussai la porte du restaurant. Je n’eus pas le temps d’ouvrir la bouche qu’une jeune femme, somme toute fort jolie, se pressa à ma rencontre. « Tu dois être la nouvelle ? » s’inquiéta-t-elle en se présentant. Je lui rendis sa politesse tandis qu’elle m’observait de la tête au pied. Elle avait l’air convaincue et finit de me rassurer. « Je te ferai visiter plus tard. Je crois que le boss t’attend. Je vais t’accompagner. »Elle jeta un coup d’œil à sa montre et j’en déduis qu’elle avait reçu des ordres et que ledit patron était à cheval sur la précision. « D’accord. Je te remercie.»
Je lui emboîtai le pas dans le dédale de couloirs qui menait au bureau du chef. Elle frappa, m’annonça et mon cœur s’accéléra sous le poids de ma nervosité. Étais-je supposé patienter dehors jusqu'à ce qu’il vienne me chercher ? M’attendait-il déjà ? La réponse tenait dans la bouche fine et délicate de celle qui, sans doute, était ma collègue. Je respirais à nouveau. « Bonsoir » lançais-je moins timide qu’intimidée. Dans cette pièce, il était plus impressionnant encore que dans un restoroute. Mais, malgré tout, face à mon inconnu, je me confondis dans un sourire sincère. « Tu as vu ? Je suis parfaitement à l’heure.» fis-je remarquer sur le ton de l’humour. Il ne me ferait pas de tort. Entrer dans les détails du contrat de suite élèverait mon taux de pression. Or, j’avais hâte qu’elle s’évanouisse, à l’heure certaine où je servirais mon premier verre. « Toi qui étais pressé de découvrir mes qualités, en voilà une. » La ponctualité, c’était appréciable, mais elle n’était qu’un échantillon de mon tempérament. La malice, dans le sens mélioratif du terme, en était une autre bien plus amusante. Sous mes airs quelquefois guindés qui me servent uniquement de carapace contre le monde entier, je jouissais d’une bonne dose de dérision que j’utilisais surtout avant d’aborder les sujets urgents et délicats tels que l’argent par exemple. « Et, attends, ne me félicite pas pour le minimum syndical. » Rien d’exceptionnel à n’être jamais en retard. C’était la normalité. « Prépare-toi pour le clou du spectacle. » Cette fois, je récupérai dans mon sac une enveloppe Kraft scellée doublement par la colle et du papier scotch. « Deux mille dollars américains. Pas un de moins.» J’avais scrupuleusement compté et recompté encore. « Si tu n’as pas changé d’avis… » Manœuvre habile pour lui offrir une porte de sortir dans l’éventualité… « C’est l’acompte que je t’ai promis. » conclus-je en réalisant que les seuls mots en anglais qui quittèrent mes lèvres rouges étaient destinés à son employée.
Dernière édition par Lubya Abramova le Ven 29 Mar 2019 - 23:29, édité 1 fois
Seul dans son lit, à moitié endormi, Mitchell observait le plafond, laissant ses pensées se bousculer dans son esprit. Il pensait à une commande qu’il devait passer pour le restaurant, à un rendez-vous qu’il allait avoir le soir même avec l’un de ses fournisseurs et principalement à cette rencontre qu’il avait faite la veille au soir. La jeune femme lui avait fait forte impression et il avait hâte de la voir à l’œuvre pour son premier soir au sein du Club et espérait ne pas s’être trompé à son sujet. Il lui avait fait une fleure en lui proposant le poste de serveuse qui s’était libéré, comprenant qu’elle n’était pas prête à faire le trottoir pour s’en sortir, option qu’il aurait proposé à la plupart qui seraient venu toquer à sa porte. Il avait été bon sur ce point-là et avait compatis avec sa situation, lui offrant un poste qui n’était pas accessible aussi facilement, travailler au sein du Club donnait accès à beaucoup d’informations sur les activités illégal qu’il s’y passait et embaucher n’importe qui pouvait être risqué. Il soufflait fortement tout en se redressant, attrapant son téléphone pour passer un coup de fil à son frère qui se trouvait en Europe pour des vacances bien mérité, voulant prendre de ses nouvelles et lui faire part de son nouveau recrutement et de ses doutes « J’espère que je me trompe pas à son sujet. » Les deux frères étaient resté au téléphone durant une bonne heure, parlant de tout et de rien. « J’ai hâte de découvrir cette fille, si tu ne l’a pas fait fuir d’ici mon retour. » Mitchell riait à la dernière remarque de son frère avant de raccrocher et de finalement se lever pour se préparer et rejoindre le restaurant.
Il avait décidé de laisser sa bécane dans le garage et avait pris le chemin à pied, ça ne faisait pas de mal de faire un peu d’exercice qu’il se disait, puis ça lui permettait de se changer les idées par la même occasion. Saluant quelques citoyens sur son passage, il était arrivé assez rapidement au restaurant, saluant les employés sur place avec le sourire avant de se rendre dans son bureau et de s’y enfermer. « Il est de bonne humeur apparemment. » soufflait une serveuse à sa collègue avant de reprendre le travail. Mitchell lui, se concentrait sur les comptes durant quelques heures avant de vaquer à d’autres occupations plus illicite. « Ce soir on accueil une nouvelle dans la famille, tu l’enverras directement dans mon bureau, avec gentillesse ! » Précisait Mitchell à la jeune femme qui était en poste jusqu’au soir avant de disparaitre à l’arrière du restaurant ou se trouvait le fameux bar qui ouvrait uniquement pour la nuit à l’abris des regards.
Les journées dans la vie de Mitchell Strange passait à haute allure, la soirée était arrivé très vite et comme à son habitude, alors que le restaurant était sur le point de fermer ses portes et que les derniers clients venaient d’en franchir le seuil, il s’enfermait dans son bureau pour clôturer la caisse quotidienne, une tâche qu’il confiait à personne d’autre, bien conscient que la moindre erreur pourrait semer le trouble dans la comptabilité qui contrairement à tout le reste était parfaitement clean. Alors qu’il terminait tout juste, une voix féminine raisonna dans la pièce, il levait la tête, faisant faire un détour à son regard vers la montre présente dans la pièce pour s’informer de l’heure. « La nouvelle est là ! » Juliana lui offrait un bref sourire avant de retourner à ses occupations, laissant place à la ravissante Lubya qui venait d’entrer dans le bureau. « Installe toi » Qu’il disait avec un petit sourire, l’écoutant se vanter d’être ponctuelle, lui faisant une piqure de rappel concernant sa hâte de découvrir ses nombreuses qualités. Il était satisfait, mais espérait que ça allait être le cas chaque soir, car courir après les gens n’étaient pas son passe temps favoris. Il soupirait tout en se levant afin de fermer la porte, ce qui se disait dans son bureau ne concernait personne d’autres que son interlocutrice et lui même, puis il savait Juliana plutôt curieuse. « Continue comme ça tous les soirs et tu auras le droit à une médaille.» Qu’il plaisantait en rejoignant son siège derrière le bureau, en lui souriant alors qu’elle mettait sur le bureau l’enveloppe contenant l’acompte demandé. Il la saisissait, l’entrouvrant simplement pour y regarder son contenu avant de la ranger dans un de ses tiroir sans même compter la liasse de billets vert présent. Il était presque ravi d’apercevoir des dollars Américains, la monnaie de son pays natal. « C’est parfait » sortant le fameux contrat qu’il lui avait promis. Le bout de papier avait tout l’air d’un contrat comme un autre, bien qu’il stipulait des choses bien différente. Il s’engageait à lui fournir une nouvelle identité contre 2000 dollars et sa main d’œuvre, les petits caractères quant à eux, précisaient qu’en signant, elle s’engageait à ne pas déguerpir et à ne pas rapporter ce qui se passait au sein du bâtiment à quiconque, sous peine de sanctions, sans entrer dans les détails, il ne tenait pas à faire fuir qui compte souhaitait s’allié au club. Il poussait le dit papier vers elle. « Et voici le fameux contrat ! » Qu’il disait tout en sortant une bouteille de Vodka de sous son bureau. « En Russie on fait affaire avec de la Vodka non ?» Il se levait, attrapant deux shooter sur une étagère, les déposant lourdement sur le bureau en bois afin d’y verser la vodka. « Au faite … » Il s’adossait contre le bureau sans la perdre du regard. « Très jolie robe ! » Il l’avait observé lorsqu’elle avait franchit le seuil de la porte et en avait apprécié la vue. « Dépêche toi de signer, comme ça je peux te présenter au reste de l’équipe et te faire faire le tour des lieux. » Qu’il ajoutait, paraissant d’un seul coup pressé. Il attrapait la veste de costume qu’il avait laissé sur le portemanteau, l’enfilant assez rapidement.
En pénétrant dans son vaste bureau, ce ne fut pas tant son faste que l’homme assis derrière un meuble qui me saisit. Son costume accentuait son charme. Il en imposait, mon bienfaiteur, mais si mon cœur rata un battement, son élégance n’y était pas pour grand-chose. Comme la veille, je trouvai dans ses manières un quelque chose de familier, une ressemblance avec un autre, un être maudit aujourd’hui, que je chéris pourtant jadis, au-delà de l’entendement, que j’adorai, d’antan, plus que moi-même. Cette impression devait tenir à ce sourire. Les lèvres d’Alec en dessinaient un similaire lorsqu’il m’apercevait au sortir du bar après mon service. C’était une grimace flatteuse à mon égard qui trahissait, avec pudeur, sa joie de me retrouver. Or, mon bel inconnu, il n’en était pas là. La sienne présumait simplement qu’il se réjouit de ma ponctualité et de mon assertivité. Il n’avait pas eu à me réclamer mes économies. Elles lui tombaient toutes crues dans la bouche. N’y avait-il pas matière à apaiser sa méfiance, à s’enorgueillir de son instinct, à supposer que, par la suite, tout se passera bien avec cette recrue ? Et, n’était-ce pas la dissemblance majeure entre mon ancien amour et mon nouveau patron. Assurément, oui, et je m’y accrochai à pleine main, à cette différence. La nostalgie d’une histoire révolue depuis mille ans n’avait pas sa place dans cette relation ! il n’était pas question de souffrir d’un transfert pour une vague impression. Ce serait gaspiller mes chances, cracher dans la main tendue du destin. Et quand bien même, un type de son envergure ne s’encombrerait pas d’une serveuse en proie à ses souvenirs, d’une âme en peine qu’on aide par compassion, d’une fille au passé trouble, au présent sur la sellette et au futur plus qu’incertain. Et puis, merde : « Mais à quoi je pense ?» m’invectivais-je brutalement. À l’extérieur, j’affichais une mine de circonstances tandis que je m’asseyais en face de lui, étudiant sa main qui décachetait l’enveloppe Kraft. Je m’étais imaginé qu’il recompterait sous mes yeux. Je l’avais tant et si bien anticipée que je le fis, plusieurs fois, avec dans l'estomac une pointe d’angoisse. Sauf qu’il n’en fit rien sans que je n’y entende grand-chose. Certes, je ne doutais pas qu’il s’y collerait plus tard dans la soirée. Mais, ça ne répondait pas vraiment aux questions que je me posais. Agissait-il par confiance ou était-ce une manipulation planifiée dont le but était d’entretenir le feu de mon angoisse, celle d’avoir commis une erreur involontairement, mais qui renverrait de moi la mauvaise image. Impossible. J’avais travaillé scrupuleusement, méticuleusement, je n’avais rien à craindre pour ma réputation, juste à m’intéresser au contrat qu’il me tendait.
Concentrée sur la lecture du document, il était en tout point conforme aux conditions évoquées dans le restoroute. C’était rassurant, bien plus que l’absence d’identité de mon employeur. J’avais cherché, d’instinct, dans l’espoir d’en apprendre un peu plus, de mettre un prénom sur son visage. Je déchantai. Pourquoi faire tant de mystère ? L’endroit était un restaurant le jour et se transformait en bar à la nuit tombée. Ça n’avait rien d’illégal. Relevant les yeux vers lui, la tête penchée sur le côté, je ne pus lui cacher l’ampleur de ma frustration. J’étais intriguée, je brûlais de curiosité, me consumait du désir de savoir qui il était, ce qu’il était et la vérité qu’il dissimulait derrière les notes de bas de page. Pourtant, tandis que je m’apprêtais à lui poser ouvertement la question, il ravit mon attention. Il m’entraînait avec lui vers des chemins qui me touchèrent, parce qu’il m'emmenait tout droit vers la Russie, vers mes origines, vers les traditions de mon père. « Oui. C’est vrai. Et, on jette le verre par-dessus notre épaule après l’avoir bu aussi. » m’enthousiasmais-je les lèvres vêtues d’un sourire alors qu’il remplissait les contenants d’une Vodka introuvable dans les supermarchés. Sa marque était réputée pour son savoir-faire. Elle provenait sûrement d’une épicerie fine ou du pays. « Tu connais mes coutumes. Tu parles bien ma langue. Tu es marié à une Russe ou tu y es allé souvent pour faire autre chose que du tourisme ? » m’intéressais-je non sans audace et en oubliant l’essentiel : signer le contrat prisonnier de mes doigts. « Tu as aimé, la Russie ? » poursuivis-je ensuite, persuadée qu’il avait bourlingué du côté de la capitale. Peut-être l’avais-je rencontré auprès de mon père. Ça expliquerait tant de choses et me préserverait de tant d’autres que je me surprenais à l’espérer.
Quoi qu’il en soit, mariage ou voyage d’affaires, je ne doutais pas qu’il trouva l’ex-URSS à son goût. C’était, à mon sens, le plus bel endroit de cette fichue planète. Ma robe, à côté, ne valait pas son pesant d’or. Sans son compliment, la comparaison ne m’aurait pas effleurée. C’était aussi idiot que de m’en émouvoir. Je baisai la tête d’instinct pour vérifier l’effet de ma tenue et la relevai aussitôt pour sonder son regard en quête de sincérité. Malheureusement, c’était peine perdue. Ils sont plus impénétrables que les voix du seigneur ou son prénom de baptême. Et, pourtant, j’y croyais en l’honnêteté du propos. J’y croyais parce qu’il ne l’avait pas jeté au milieu de la conversation avec la désinvolture d’un patron satisfait par la docilité de sa subordonnée. Non. Il semblait considérer que l’opinion de l’homme comptait davantage que celui de l'employeur . Il s’était avancé vers moi d’ailleurs, son regard magnétique si fermement planté dans le mien que je fus forcée de le détourner pour un temps. À ma décharge, il était difficile à soutenir puisque je n’en sais pas assez sur lui pour me fier à mon don de clairvoyance. Je pris donc le contrepied, faisant fi de cette timidité inédite dont il est le seul instigateur. « Merci beaucoup. Joli costume aussi. Il te va bien. »
Avais-je dit quelque chose de mal ? Avait-il perçu mon trompe-malaise comme de la badinerie ? Du marivaudage déplacé ? L’avais-je embarrassé ? Convenait-il de chercher à comprendre ? Ça n’avait pas l’air d’être son genre, mais il me parut si pressé de quitter la pièce que je battis des paupières à plusieurs reprises, incrédules. « Oh, euh, oui. Pardon. » Je sortis un stylo de mon sac et je m’exécutai. « Tu n’es pas beaucoup plus patient que moi visiblement. » Référence à l’un de ses commentaires de la veille. « On va y aller tout de suite, mais quitte à avoir servi de la vodka, autant célébrer comme chez moi. C’était le but au départ. » Je m’autorisai à récupérer les deux verres et à lui en tendre un. « On boit à quoi ? À ma robe ? À notre collaboration ? » J’avais mieux et, sans attendre qu’il ne prenne position, j’ajoutai : «Non. Non. On va boire à ce contrat, oui, mais aussi à toi, ta générosité et à tout ce que tu as fait pour moi. Je ne sais pas pourquoi tu l’as fait d’ailleurs, mais ça n’empêche pas de boire à ta santé. » Je levai mon verre et, avant de l’avaler tout de go, comme l’exigeait la tradition, j’attendis un signe de sa part.
La Russie était un pays qu’il appréciait fortement, un pays qu’il avait visité à maintes reprises, principalement pour affaire. Le Russe, il l’avait appris lorsqu’il s’était rendu compte que c’était indispensable s’il voulait occuper une place de choix dans le monde de la pègre, la plupart des affaires qu’il faisait était avec des collaborateurs russes et il y a bien une chose qu’il ne voulait pas : passer pour un con, en passant par un intermédiaire qui lui traduirait comme bon lui semble la langue et qui pourrait se jouer de lui. Celui qui lui avait tout apprit était celui qui était à l’origine du Club, le madré comme il l’appelait, bien qu’il n’est aucune appartenance à la mafia italienne, mais bien Russe, puis l’Américain ne pouvait pas nier que c’était une langue plutôt attirante, qui donnait une tout autre allure à des échanges avec la gente féminine. Il s’en servait beaucoup pour attirer dans son panier ses proies d’un soir et ça marchait à tous les coups. La plupart des recrues pour son business provenaient des pays de l’Est, parler leur langue, c’était gagner leur confiance et il en avait bien conscience et n’hésitait pas à en jouer avec Lubya, bien qu’il y avait une grosse part de sincérité dans l’attitude qu’il avait avec elle, parce qu’il appréciait son tempérament et qu’elle lui paraissait différente.
Il riait lorsqu’elle lui demanda s’il était marié à une Russe. Sa femme avait des origines italienne, bien qu’elle parlait parfaitement l’Américain lorsqu’il l’avait rencontré à Las Vegas. Il repensait brièvement à sa femme qui était au final son ex femme non officiellement puisqu’ils étaient séparés depuis des mois. Il se demandait s’il devait engager des procédures pour divorcer ou s’il devait attendre que ce soit elle qui le fasse, dans tous les cas, il ne disait aucun mot à ce sujet, à personne, mise à part son frère qui était informé de tout ce qui se passait dans la vie de l’ainé des Strange depuis toujours. « J’ai adoré ! » il appréciait la folie des Russes, leur Vodka et les femmes qui y était particulièrement attirantes Elle lui retournait le compliment, sûrement par politesse qu’il se disait tout en arrangeant sa veste, se contentant d’un sourire franc en guise de réponse. « J’ai appris à parler le russe à travers mes voyages et en me forçant à regarder des feuilletons » il avait toujours eu une grande facilité à s’instruire, un avantage qui lui avait permis de croître dans son activité, bien que quelques fois, il se demandait s’il n’aurait pas pu faire quelque chose de différent, quelque chose de plus légal. « Je devrais y retourner bientôt. » Qu’il précisait avant un compliment pour sa robe. Elle lui retournait le compliment, sûrement par politesse qu’il se disait tout en arrangeant sa veste, se contentent d’un sourire franc en guise de réponse.
Il attrapait le shooter qu’elle lui tendait, observant son audace avec le sourire, ce qu’il avait déjà fort apprécié la veille lorsqu’il l’avait rencontré pour la première fois. Il s’était montré impatient à vouloir lui faire signer le contrat rapidement pour la suite et contre toute attente elle lui fit une remarque en référence à celle qu’il avait fait la veille. Son sourire en coin montrait qu’elle l’avait interpellé en disant cela. « La patience, c’est pour les faibles ! » Qu’il disait naturellement pour justifier ce manque de patiente avec un semblant de compliment puisqu’elle lui avait paru comme étant également peu patiente. « A cette aventure qui commence pour toi, en espérant que tu te sentiras bien parmi nous ! » Il faisait tout son possible en tout cas pour que tout le monde s’y sente à son aise, bien qu’il avait tendance à faire régner un peu de terreur au sein de ses rangs. Il trinquait tout en prononçant d’un ton enjoué le fameux « Nasdrovia ! » Avant de boire très rapidement le contenu du shooter avant de le balancer derrière son épaule. « Tu ne diras pas au patron que j’ai fait ça ! » Qu’il plaisantait, alors que le verre de petite taille venait d’exploser sur le sol. « Prête ?» Qu’il demandait par politesse avant s’ouvrir la porte du bureau faisant face à Juliana qui s’apprêtait à venir voir ce qu’il se passait, ayant entendu le verre de briser. « Tout va bien ?» Qu’elle demandait curieuse tout en observant l’intérieur du bureau. « Tu pourras demander à Carlos de passer un coup dans mon bureau quand il arrive.» qu’il disait simplement, ne justifiant en aucun cas, ce qu’il venait de se passer a l’intérieur de la pièce. Il avançait devant la blonde jusqu’au bout du couloir ou une porte dérobée s’y trouvait, la poussant sans attendre, il saluait les deux gros bras qui servait de videur. « Je vous présente Lubya. » Qu’il disait tout en avançant, laissant place à un bar à la décoration inspiré des années 20. « Et voilà ton lieu de travail ! » S’enjouait-il, faisant signe au barman. « John t’expliquera le fonctionnement, puis s’il y a quoi que ce soi, je ne suis jamais bien loin.» Lui adressant un sourire, il saluait les premiers clients qui n’était d’autre que des habitués appartenant à la pègre d’une ville voisine. Mitchell passa une partie de la soirée à discuter avec eux, observant de temps en temps la façon dont Lubya gérait. « Elle est vraiment pas mal ta nouvelle recrue, y'a moyen de l’avoir pour une soirée ? » Mitchell tournait la tête vers son interlocuteur tout en bougeant la tête de gauche à droite. « Non, pas celle-ci, mais j’en ai d’autres à te proposer.» Comme il l’avait annoncé à Lubya la veille, il ne comptait pas la faire user de son corps pour satisfaire des hommes en manque de compagnie, il tenait sa parole préférant poser les limites d’entrée de jeu, bien que sa réponse n’avait pas l’air de plaire à son interlocuteur, il était resté très sérieux à ce sujet.
…
La soirée avait été plutôt bonne, l’alcool avait coulé à flots et les derniers clients quittaient enfin les lieux. Mitchell qui se trouvait installé sur l’un des canapés présent, s’allumait une cigarette tout en faisant signe à Lubya de le rejoindre. « Tout s’est bien passé ? » Qu’il lui demandait en lui faisant signe de s’asseoir. Bien sûr, en l’observant une bonne partie de la soirée, il avait pu se faire une idée de sa façon de travailler et n’avait rien à dire. « Tu n’as pas envie de prendre tes jambes à ton cou ? » Ajoutait-il d’un ton amusé, bien curieux de connaître son ressenti au sujet de sa première soirée qui avait tout de même été mouvementé.
Quiconque foule le sol de Russie en tombe amoureux et, pourtant, il gagna plus encore en sympathie dès lors qu’il admit l’avoir adorée. C’était plus qu’aimer, ça. Rien d’étonnant à ce qu’il ressente l’envie de s’imprégner des coutumes, d’en apprendre la langue et qu’il envisage de s’y rendre prochainement. Aurions-nous été plus proches que je l’aurais supplié de me glisser dans sa valise. Avec lui, je l’aurais bravé, le risque d’être reconnue, pour le plaisir de me sentir à nouveau chez moi quelque part, pour renouer avec mes origines le temps de quelques jours, pour soigner mon mal du pays. Malheureusement, nous étions des étrangers l’un pour l’autre. Certes, nos échanges évoluaient dans le bon sens. Il s’amusait de mon humour et mon audace ne l’irritait pas encore, mais nous étions désormais unis par un lien de subordination, non par l’amitié. La preuve étant, il ne s’attarda pas à relever mon commentaire sur son état civil, ce qui n’était pas grave en soi. Il n’avait rien d’une question franche et ouverte, je n’attendais pas vraiment de réponse. Et, pourtant, parce que mon bienfaiteur fit sciemment le choix de ne pas m’entendre, il m’intrigua. Préférait-il taire un mariage pour convoler sans jugement dans les bras de Raelyn ? Ce n’était pas totalement idiot. C’était même probable, mais qu’importe. Je signai le feuillet sans m’interroger davantage pour finalement lui tendre son verre, que nous portions un toast en son honneur. Il ajouta quelques mots à mon égard. Il me souhaitait le meilleur, en quelque sorte, et la délicatesse me toucha plus encore que ses sourires. « J’ai un bon pressentiment. Nasdrovia » ponctuais-je avant d’avaler ma vodka tout de go. Elle me brûla l’œsophage et j’en grimaçai, légèrement, en secouant la tête et, encouragée par son geste, mon shooter vide se brisa contre le mur derrière moi. « Seulement si tu ne lui dis pas que je t’ai imité et que c’était mon idée. Ça marche ? » conclus-je sans retenir un éclat de rire sincère. Au moins, m’aura-t-il permis de me détendre avant de descendre dans l’arène. Je n’étais pas convaincue d’être entièrement prête. Dans l’absolu, commencer un nouveau job engendre son lot d’angoisses. Elles étaient néanmoins plus muettes et moins étouffantes qu’à l’heure où je poussai la porte du restaurant. J’étais plus à l’aise, alors je le suivis le long du couloir en observant un silence presque solennel. Je ne le brisai que pour saluer mes nouveaux collègues, souhaiter une bonne soirée à mon bel inconnu et interroger le dénommé John sur l’essentiel.
Durant les premières minutes, j’avançai à tâtons, le temps d’assimiler la logique de travail adoptée par l’équipe. En plus de sourire et courtoisie, le mot d’ordre était efficacité. J’utilisai donc mon expérience à bon escient et ne répliquant jamais à la jalousie des rares femmes présentes. Le plus difficile, finalement, c’était de me repérer, quoique sans prétention aucune, je ne m’en étais pas trop mal tirée. Je commis bien une erreur ou l’autre – nul n’est parfait – mais aucun client ne s’en trouva désagréables pour autant, appréciant sans doute mes airs mutins et l’attrait de la nouveauté. Quant à John, le chef de file, il me distribua bien quelques conseils avec patience, mais avec une aménité trahissant son contentement. Il parut d’ailleurs assez satisfait pour m’accorder des félicitations et une tape sur l’épaule en guise de salut. À demain, avait-il dit, et moi, je lui répondis d’une voix faiblarde, les affres du manque de sommeil, de la concentration, l’alcool – on ne refuse jamais un verre offert par un client - et de l’agitation de la nuit m’ayant rattrapés. Je rêvais déjà d’enlever mes talons et de m’endormir pour la matinée entière – la journée peut-être, exceptionnellement – quand mon boss me fit signe d’approcher. Sans doute espérait-il me faire part de ses impressions. Il m’avait épiée à l’occasion et ce n’était pas seulement évident à cause de son rôle. Je le savais parce que nos regards se croisèrent de temps à autre au cours de mon service et, à chaque fois, je fus saisie par un malaise édifiant, le même que subissent les gamines prises en flagrant délit de sensibleries.
Ô, bien sûr, je n’avais commis aucune faute notoire en le cherchant parmi la clientèle. La curiosité ou la peur de mal faire pouvaient à elles seules expliquer cet aveu de faiblesse, mais en mon for intérieur, quoique je tende à l’ignorer, se cachait une tout autre forme d’intérêt. Il était magnétique, mon bel inconnu, et j’y étais sensible. Ça me passerait, évidemment, comme tout le reste, le jour où je parviendrai à ne plus systématiquement me réjouir à l’idée de partager quelques minutes de plus en sa compagnie. « Oui, je crois. » déclarais-je en m’asseyant sur la chaise qu’il désigna d’un geste de la main. « Mais, c’est à John et puis à toi qu’il faut demander. » Soucieuse de ne pas jouer les ingénues et, par là même, le prendre pour un idiot, je dévoilai à mi-mot que j’étais consciente d’avoir fait l’objet d’une attention particulière. « Tu ne regrettes pas de m’avoir fait plus ou moins confiance ? » Je tentai à nouveau de sonder ses pupilles, mais elles étaient d’acier. Les miennes, je les détournai sur le dernier employé – s’il en était – qui prenait congé. Il l’appela par son prénom et j’en déduis qu’il était davantage son ami que son subordonné. « Je dois faire semblant de n’avoir rien entendu ? Parce que je jure que je sais me montrer discrète aussi. C'est pas flagrant, comme ça, mais c’est vrai. » plaisantais-je en levant la main droite et sans sous-entendre que mon insolence ne souffrait d’aucune limite raisonnable. Jamais je ne m’aventurerais à de pareilles familiarités sans autorisation, mais je jugeai inutile de le préciser explicitement. « Pour répondre à ta question, mes jambes me réclament des chaussures plus confortables. Ma tête, un grand verre d’eau et un cachet, mais ni l’une ni l’autre ne prévoient de fuir. » Ma spécialité pourtant. « Tu vois, j’ai plus ou moins survécu. En fait, je ne m’imaginais pas ça comme ça. Je crois que je m’attendais à pire. Tu sais les mains baladeuses, les propositions indécentes… » C’était mon quotidien au Nouveau-Mexique. « Mais, la clientèle est très différente de ce que j’ai connu jusqu’ici. Elle a l’air plus polie…presque trop pour être totalement honnête, mais tu sais ce qu’on dit, moins on en sait, mieux on se porte. » Voir m’avait suffi. Quelques-unes des femmes présentes – je n’avais pas retenu tous les prénoms – tenaient le rôle ingrat de pouceuses à la consommation. Était-ce celui qui lui traversa l’esprit la veille ? Était-ce la vérité cachée derrière ses considérations sur mon physique ? Était-il de bon ton de le lui demander, maintenant, ce qui le fit changer d’avis ? J’estimai qu’il était préférable que je me taise, pour le moment. « Enfin, je n’ai pas cassé plus de verres que celui de tout à l’heure. D’ailleurs, tu sais, j’aurais pu ramasser. Oh, et… On fait quoi des pourboires ? John m’a rien dit sur le sujet.» m’enquis-je finalement en déposant sur la table quelques gros billets.
Mitchell ne tenait pas à se dévoiler énormément auprès de la jeune femme, après tout, il la connaissait depuis un peu plus de 24h et lui confié des détails sur sa vie n’était pas propice à sa façon de penser. Le jardin secret de l’Américain était très dur à franchir, il gardait beaucoup de choses pour lui, partageant uniquement avec la seule personne en qui il a toujours porté une grande confiance en la personne d’Alec, son petit frère. Il montrait ce qu’il voulait montrer et parlait de lui uniquement quand il était de bonne humeur, ce qui était le cas ce soir, puisqu’il lui avait fait part de ses voyages en Russie, bien que ce détail de sa vie ne faisait pas partie des sujets à éviter. Il avait perçu le fait que la blonde souhaitait en savoir un peu plus à travers sa question sur la Russie, elle se demandait sûrement s’il était marié sans le lui demander directement. Le brun se demandait durant un petit instant pourquoi elle se renseignait à ce sujet, imaginant plusieurs raisons qui prononcée à voix haute l’aurait fait passé pour un homme imbu de lui-même. Malheureusement pour elle, le sujet de madame Strange était un sujet très tabou, un sujet qui ne le faisait pas paraître sous son meilleur jour et qui par la même occasion le faisait perdre en virilité, du moins d’après lui. Mavis était partie après une énième dispute qui avait causé leur séparation, non officiellement puisqu’ils étaient toujours mariés aux yeux de la loi. Elle n’était pas rentrée depuis et n’avait donnée aucune nouvelle à Mitchell, qui, comme bien avant leur séparation poursuivait sa vie comme bon lui semblait. Malgré l’amour qu’il lui portait, la fidélité n’avait pas été son fort, principalement durant les dernières années qui étaient assez pesantes pour lui à cause des sauts d’humeur de la blonde. Il lui arrivait de quand même regretté d’avoir perdu autant de temps dans un mariage qui ne lui avait rien apporté au final, il l’aimait certes, mais il n’en restait rien, mise à part des débris de sentiments éparpillé qui étaient bon à jeter. Mavis lui en avait fait voir de toutes les couleurs, et ce, depuis leur rencontre à Las Vegas. Elle l’avait connu alors qu’il était encore innocent et que le seul crime qu’il avait commis était d’avoir volé un bonbon dans une épicerie. Elle l’avait poussé sur le mauvais chemin et avait finalement fait de lui ce qu’il est aujourd’hui, mais tout cela n’empêchait pas le boss de garder de bons souvenir de sa relation avec elle, au contraire, il se demandait souvent comment il réagirait si elle devait montrer le bout de son nez du jour au lendemain, bien qu’il s’était juré de ne jamais se remettre avec elle et qu’il comptait enfin, mettre un terme à ce mariage. Il offrait un sourire à la blonde qu’elle trinquait avec lui, imitant son geste en balançant le shooter contre le mur, un geste qui le surprit sur le moment, il ne s’attendait pas à ce qu’elle fasse la même chose que lui. Il admirait de plus en plus cette audace, en plus de visages très agréable à regarder. Mitchell Strange a toujours eu un grand faible pour les blondes et bien qu’il n’était pas dans l’optique de la draguer, inconsciemment l’attirance était bien présente. « Je ne lui dirai rien c’est promis. » Qu’il rétorquait avec un sourire amusé accompagné d’un petit clin d’œil. Dans d’autres circonstances Mitchell aurait sûrement terminé sa phrase par – Si t’accepte de sortir avec moi un soir- Il y avait pensé, brièvement, mais était très vite revenu à la raison, parce qu’il était le patron, qu’il devait se comporter comme tel et qu’il ne pouvait pas faire du charme à sa nouvelle recrue par simple principe. Il ne sort jamais avec des femmes qui bossent pour lui, respectant ainsi sa propre politique contre les histoires d’amour ou de fesses côté professionnel. Il se devait de montrer l’exemple et devait arrêter de fantasmer sur la blonde qui se trouvait face à lui. Heureusement pour lui, l’heure était venue de lui faire faire le tour de son lieu de travail. Après des brèves présentations avec quelques membres de l’équipe, il avait pris place avec un client pour une bonne partie de la soirée, observant les prouesses de la Russe, qui s’en était plutôt bien sortie.
Lorsqu’elle prit place à ses côtés, il ne perdit en rien son sourire, lui demandant comme ça s’était passé, une simple formalité de politesse, puisqu’il était la personne désigné pour donner son avis sur ce qu’il avait vu ce soir, bien qu’elle était libre de ne pas avoir apprécié sa première soirée au sein du Club. « Je n’ai rien à dire, John est content, il m’a fait part du plaisir qu’il a eu à travailler avec toi. » John était venu le voir durant le service lors d’un creux pour lui donner son avis à chaud sur la blonde. « Puis ce que j’ai vu me va très bien, je suis content.» Oui il était content de lui avoir fait confiance. Elle n’avait pas menti sur ses compétences et c’est ce qu’il retenait. Il avait pu lui faire confiance et ça comptait énormément. Leur conversation fut interrompue lorsque celui qui faisait office de dj quittait les lieux en le saluant et en l’appelant directement par son prénom. Lui qui voulait garder une part de mystère auprès de la blonde, c’était loupé, bien qu’il comptait lui faire part de son prénom un jour ou l’autre. Il levait la main pour saluer l’homme qui quittait les lieux avant de tourner le regard vers Lubya qui ne manqua pas de réagir sans attendre à ce qu’elle venait d’entendre ce qui l’amusa bien plus que l’embêter. « Mon plus gros secret tombe à l’eau … » Qu’il disait sans perdre son sourire en coin. « Je crois que je vais devoir te tuer, j’en suis désolé. » Ajoutait-il d’un ton un peu plus sérieux pour paraître un minimum crédible. Il se levait sans la perdre du regard, passant à côté de la chaise sur laquelle elle avait pris place pour rejoindre le bar où il attrapa une bouteille de vodka et deux verres. « Mais bon, avant je te propose de boire un verre, je ne suis pas si méchant ! » Il riait tout en retournant à sa place d’origine, servant les shooter sans réellement attendre la réponse de la blonde. « On va juste éviter de les casser, cela. » S’adossant contre le dossier de la banquette avant de l’écouter très attentivement au sujet de son premier soir. « Ne te gêne pas, tu peux te mettre à l’aise, enlever t’es chaussure … » Il n’était pas prêt de rentrer et avait envie d’en savoir un peu plus sur elle. « Oh tu sais, c’était plutôt calme ce soir, je ne veux pas te plomber le moral hein, mais tu n’as encore rien vu. » Il était sérieux, ce soir, la clientèle était plutôt bon enfant, mais certain soir les gros dur n’hésitait pas à se faire remarqué, surtout lorsqu’une nouvelle était recrutée. « Et ne t’en fait pas pour ça, à l’heure où on parle il n’y a plus aucun débris de verre sur le sol de mon bureau. » Il buvait son shooter cul-sec juste après l’avoir levé en sa direction. « A demain John ! » Qu’il hurlait à travers la pièce alors que c’était le dernier à quitté les lieux, le laissant en tête-à-tête avec Lubya. « Les pourboires sont pour toi, tu peux en faire ce que tu veux ! » Jetant un œil aux billets présent sur la table rapidement avant de resservir son shooter. « Bon maintenant que tu en sais un peu plus sur moi » - en l’occurrence son prénom « A mon tour de te demander quelque chose. » Ajoutait-il. « Pourquoi avoir quitté la Russie ? Pourquoi avoir fui ton père ?» Il était curieux d’en savoir plus à ce sujet ce n’était qu’un détail parmi la longue liste qui lui trottait dans la tête. « Tu n’es pas obligé de tout me dire, on a tous son jardin secret » Qu’il ajoutait pour ne pas qu’elle se sente brusquer.
Dans son bureau, il s’étonna sans colère de ma spontanéité et de ma bonne humeur naturelle et j’en fus rassurée. Briser un verre, ce n’était pas commun. Il aurait pu s’en vexer. Néanmoins, mon apaisement n’avait rien de comparable à mon enthousiasme tandis que mon patron m’avouait que son chef de file lui souffla quelques mots en ma faveur à l’oreille. Outre la nécessité impérieuse de garder ce job inespéré, j’avais toujours été animée par la volonté de bien faire, d’être presque parfaite en tout point et en toutes circonstances. Petite, j’amplifiais ce trait de mon tempérament dans l’espoir d’être enfin aimée par mon père. A présent, il s’agissait d’un réflexe maladif, d’une habitude à laquelle je m’astreins pour ne souffrir d’aucun remords. Quand l’échec nous met à genoux, quoi de pire que de se reprocher de ne pas avoir été à la hauteur ? Imaginer l’impact sur ma santé mentale me terrorisait, si bien qu’aujourd’hui ne fit en rien l’exception. M’appuyant sur une solide expérience du métier, je donnai le meilleur de moi-même, ne boudant pas devant une remarque suite à une erreur et accordant aux conseils leur juste mesure. John me qualifia de recrue prometteuse, ce qui lui valut un large sourire. Quant à mon bel inconnu, visiblement prêt à me consacrer de son temps précieux, il acheva de nourrir mon enthousiasme par un simple assentiment. Je m’apprêtais à lui confier que j’en étais ravie parce que son contentement, il allégeait le poids de ma reconnaissance, mais je fus court-circuitée par la révélation d’un mystère, un qui m’intéressait au plus haut point.
Je le tutoyais, mais j’ignorais comment le nommer lorsqu’il s’invitait dans mes pensées. Depuis la veille, j’avais l’impression d’en avoir plein la tête. Je me repassais le film de la scène du restoroute, je cherchais un sens à ses choix ou à ses actes. Je me demandais si cet appartement qu’il me prêtait lui servait auparavant de garçonnière. S’il en possédait d’autres ? Si ma voisine potentielle travaillait pour lui… Il était omniprésent depuis ces dernières vingt-quatre heures, voire un peu plus maintenant. Et au lieu de me lasser, je m’égayais qu’il s’amuse de mon humour. Mieux encore, il sautait à pieds joints dans mon jeu normalement anodin. Je ne badine pas. Je ne flirte pas non plus. Mais, je suis sensible à sa répartie et à son charme latent, presque inné puisqu’il ne me semble pas s’en servir contre moi. Il était comme inhérent à sa personnalité et à défaut d’être pleinement séduite par le personnage – que Dieu me garde de pareils ennuis – je l’étais par sa compagnie. Trop à mon goût finalement. « Déjà ? Alors que je n’ai même pas eu le temps de dévoiler l’essentiel de mes qualités ? C’est du gâchis… » plaisantais-je en feignant la peur, la panique et, surtout, la déception. « Est-ce que j’ai le droit à une dernière volonté avant d’emporter ton secret dans la tombe ? » Je faisais mine de le supplier du regard avec un talent tout relatif, celui d’une théâtreuse. Je n’avais jamais été douée pour la comédie. Mickey en était la preuve vivante, il n’avait jamais cru en la possibilité d’un amour réciproque, sans doute parce que je ne fis aucun effort pour le convaincre qu’il existait ou qu’il était envisageable. J’étais de ces authentiques qui préfèrent exprimer leurs émotions par la danse. « Parce que je voudrais goûter à la meilleure de toutes les tartes aux pommes du monde. Le temps que tu la trouves, ça me fera un sursis, non ? » J’étais également de celles bien incapables de conserver leur sérieux bien longtemps et je ris de ma propre bêtise tandis qu’il déposait sur la table de la vodka. Je fus tentée d’ajouter qu’elle ferait un lot de consolation acceptable, mais j’avais du mal à retrouver mon sérieux. La fatigue et les angoisses de ces dernières semaines ne m’aidaient pas vraiment. Je relâchais la pression, j’en avais besoin et c’était tellement plaisant de se sentir en sécurité un minimum. Je n’étais pas un modèle de liberté, mais j’avais un toit sur la tête et de l’argent de poche grâce à la générosité de précieux donateurs. Bientôt, je glisserai dans mon portefeuille des papiers en bonne et due forme. Des faux, mais plus vrais que nature. Alors, s’ouvriraient grand devant moi les portes menant vers les chemins de la liberté. J’en trépignais d’impatience. Mon cœur bondissait sous l’allégresse, car en soit, qu’aurais-je pu demander de mieux ? Si ce n’est, peut-être, qu’il évite les sujets brûlants comme les raisons de mes différentes fugues.
L’avais-je trouvé indiscret ? Pas tout à fait. Je l’avais moi-même interrogé alors que rien, dans sa vie, ne me concernait réellement. Je me l’autorisai à cause de l’intérêt qu’il éveillait en moi. Bien sûr, je me serinais des excuses pour le cacher derrière mes œillères, mais à présent qu’il me renvoie la pareille, il me plaît de croire que je titille sa curiosité. Toutefois, de tels aveux nécessitaient que j’outrepasse ma méfiance maladive au profit de la confiance. Il m’en inspirait à sa manière, Mitchell, mais j’avais peur de son jugement. Je craignais que mes yeux clairs ne soient délavés par les larmes. Je redoutais de faire naître en lui plus de compassion qui, au terme de ma confession, se muerait en pitié. Ce sentiment, je le hais du plus profond de mon âme. Je le déteste parce qu’il nous intime à la honte et, la fierté, quand on la ravale, elle laisse un goût amer dans l’arrière-gorge. « C’est une longue histoire. » soupirais-je en jouant avec le shooter servi plus tôt.
Jusqu’ici, je n’y avais pas encore touché, tout comme j’avais gardé mes talons aux pieds. Or, j’étais tentée de répondre à toutes ces invitations à la fois : raconter, boire et me déchausser pour camoufler mon malaise et ma tristesse. Elle était inévitable lorsque je pensais à cet épisode de ma vie et, relevant les yeux vers lui, confrontés à l’intensité des siens, je me livrai à ma première confession, sans doute aidée par l’alcool que j’ingurgitai au cours de la soirée. Je n’étais pas ivre. Je marchais droit. Je réfléchissais et parlais avec cohérence. Je lâchais simplement prise sur mes secrets. « Pour bien comprendre, il faut se dire que, si j’ai décidé de m'enfuir à cause d’un évènement particulier, il a surtout été le point d’orgue à une situation qui m’a blessée durant toute mon enfance. Comme je te l’ai dit, mon père était un homme politique. Si tu aimes la Russie, tu dois en avoir entendu parler. Il a fait de grandes choses pour le peuple parce qu’il aime les Russes et c’était bien tout le problème. Il les aimait plus que moi. Il ne voulait pas d’enfants. Quand ma mère est tombée enceinte, il a prié que je sois un garçon. Mais, on ne l’a pas entendu. Il s’est retrouvé avec une gamine dans les pattes dont le seul avantage était d’être assez photogénique pour qu’il puisse toucher l’audience en jouant les pères modèles. Mais, tout était faux. Rien de ce qu’il n’a montré à ses électeurs ne correspondait à ma réalité. Il était capable de m’ignorer durant des jours entiers pour se rappeler de mon existence quand j’allais lui être utile. Alors, je ne vais pas cracher dans la soupe, j’ai eu une éducation digne d’une princesse, mais ça non plus, ce n’était pas pour mon bien. » Je l’aurais bien attendu pour boire une gorgée de vodka, sauf que j’approchais dangereusement du nœud du problème. L’émotion prenait peu à peu le dessus.
« Le soir de mes dix-sept ans, il a organisé une fête somptueuse en mon honneur. Il m’a offert une robe magnifique, une parure hors de prix. J’avais l’impression d’être une princesse et naïvement, je m’en suis voulu d’avoir cru qu’il ne m’aimait pas. Je me suis dit qu’il avait peut-être du mal à exprimer ses sentiments. Je ne le pensais pas parce qu’il me couvrait de cadeaux, mais parce qu’il avait vraiment l’air ému que j’aie grandi aussi vite. Sauf que c’était une mascarade, encore une. Le soir même, il m’annonça qu’il allait profiter de sa fête pour me fiancer à un gars que je connaissais à peine, mais ce n’est pas ça qui m’a décidé à partir. C’est ce qu’il a fait quand j’ai accepté puisque, de toute façon, il ne me laissait pas le choix. Ce qui m’a fait le plus mal… » Et, aujourd’hui encore, mon regard éteint et ma voix délaissée par l’allégresse attestaient que la plaie n’était pas cicatrisée. « C'est son geste... Il m’a tapoté la tête en me disant que j’étais une brave fille. Il aurait dit brave bête que ça aurait été du pareil au même. Il s’est comporté avec moi comme on le fait avec un chien et, tu sais ce qu’on fait avec un chien dont on ne veut plus ou qui ne nous sert plus à rien ? On l’envoie à la fourrière. Je me suis barrée avant qu’il termine de me vendre au fils d’un associé qui finançait ses campagnes. Voilà toute l’histoire. » conclus-je absorbée par mes doigts qui s’entremêlaient les uns aux autres. À aucun moment, pendant mon récit, je ne jetai un regard dans sa direction et je refusais toujours de lever la tête. Lutter contre mes larmes me réclamait un effort surhumain et si, par malheur, je reconnaissais sur ses traits, de la commisération, il m’achèverait et je regretterais mon élan d’honnêteté. Je n’avais pas envie de ça. Je n’en avais pas besoin et, dans une tentative éperdue de ne pas m’attarder sur ses souvenirs douloureux, je m'employai maladroitement à changer de sujet. « À mon tour maintenant… Au restoroute, quand tu m’as vue, tu ne m’as pas vu tout de suite dans le rôle de la serveuse. Je me trompe ? Qu’est-ce qui t’a fait changer d’avis ? »
La salle c’était démunie de tout les clients présents et les derniers employées avaient quitté les lieux, laissant leur boss en compagnie de la nouvelle pour ce qui ressemblait en premier lieu à un debrief. Il l’avait observé toute la soirée, était rassuré sur le fait qu’il n’avait pas fait un mauvais choix en lui offrant ce poste sur un plateau, alors que d’autres bataillaient pour simplement se retrouver entre quatre murs et non sur le trottoir à faire languir de potentiels clients pour une heure ou deux. Mitchell avait été bon avec la Russe et ne le regrettait pas, pour le moment du moins. Il avait vu quelque chose de particulier chez elle, en-dehors de son physique qui fallait l’avouer était plutôt alléchant. Il avait conscience que beaucoup allaient penser qu’il l’avait engagé pour son corps attrayant sans chercher à en savoir plus, mais se fichait bien de leurs avis, le boss c’est lui et rendre des comptes n’est pas dans des habitudes. L’américain pouvait être terrible lorsque quelque né lui plaisait pas, bien des fois il avait claqué des doigts pour faire disparaitre un élément indésirable de sa vie, une réaction qui pouvait être abusive aux yeux de certains, mais qui faisait de lui un homme à qui on ne fait pas d'entourloupe. Sa méfiance lui évitait bien des soucis et lui permettait d’avoir toujours un pas d’avance. Ce fut le cas pour son partenariat avec l’inspecteur Zehri, après leur accord conclu il s’était empressé de trouver un moyen de se couvrir, un moyen de lui mettre la pression s’il devait ne pas respecter leur deal. Il n’était pas né de la dernière pluie et faire affaire avec la police signifiait mettre un pied en territoire ennemie, ce qui n’était pas le moyen le plus rassurant de se sentir hors de porté. Heureusement, il y avait cette femme, Norah, la femme du défunt dont la mort avait poussé l’inspecteur à faire affaire avec un gangster. Il ne savait pas ce qui se tramait entre eux, mais savait qu’il tenait suffisamment à elle, ce qui était amplement suffisant pour Mitchell qui avait approché la veuve, bien décidé à se la mettre dans la poche.
Le brun se perdait dans son verre, gardant un œil sur la blonde tout en pensant qu’elle n’avait pas idée d’où elle venait de mettre les pieds. Il se retenait bien de lui faire part des détails ne voulant pas la faire fuir, mais espérait tout de même qu’elle avait conscience que le Club n’était pas un lieu très courtois et qu’il n’y avait pas que l’alcool qui coulait à flot. Il se décidait à blaguer un peu, alors qu’une partie de son identité avait été dévoilé et la réponse de la blonde restait fidèle à la jeune femme qu’il avait rencontré la veille ce qui le faisait sourire d’avantage, bien qu’il avait tenté de garder son sérieux. Elle demandait à avoir le droit à une dernière volonté, ce qui aiguisa la curiosité de l’américain qui la regardait avec interrogation, n’ayant le temps de dire un mot qu’elle se jetait à l’eau en lui faisant part de son envie de gouter à la meilleure des tarte au pomme, dont il avait fait référence la veille.
Une part de tarte au pomme était pour lui comme le saint graal, quiconque voulait sa clémence ou sa sympathie pouvait se risquer à lui proposer une part de tarte afin de l’amadouer et ça marchait ! Il était un tout autre homme avec ce dessert qui lui rappelait fortement le pays d’où il venait, sa douce Amérique. Il n’y avait pas remit les pieds depuis quatorze ans, fuyant un ennemie qui devait surement l’avoir oublié depuis, puis il n’avait pas de crainte à s’y rendre à ce sujet, puisqu’il faisait à présent, largement de poids face à la pègre de Las Vegas ou encore du nouveau Mexique. Qu’est-ce qui l’empêchait donc de s’y rendre ? Pas grand chose à vrai dire, mise à part des débris de souvenirs auxquels il ne voulait pas faire face. « La meilleure de toutes les tartes au pommes ? » qu’il reprenait avec un sourire en coin. « C’est dommage, elle se trouve à seulement quelques pas. » Il ne pensait avoir dans son restaurant la meilleure de toutes les tartes, mais était plutôt confiant que la qualité de celle-ci, puisqu’il la faisait lui-même. Mitchell a toujours apprécié la cuisine et n’hésite pas à se mettre derrière les fourneaux si nécessaire, bien qu’il laissait la plupart du temps la place à son petit frère qui s’épanouissait dans ce domaine. « Mais je suis de bonne humeur et je t’accorde un sursis et si tu es sage je t’offrirai une part de tarte pour que tu me dise ce que tu en penses. » Il levait son shooter en sa direction avant de le descendre aussi vite qu’il l’avait rempli. Il retirait la veste de son costume pour se sentir plus à l’aise alors qu’il souhaitait en savoir plus sur elle. Il écoutait son récit avec beaucoup d’attention et ne s’attendait pas à ce qu’elle lui en dise autant au sujet de son père. Il aurait pu avoir de la pitié lorsqu’elle en arriva à la conclusion, mais ce n’était pas le genre du boss du Club, non, il n’était pas ce genre à prôner la charité considérant que tous le monde en bave un jour dans sa vie et que ce n’était pas en aidant la personne à s’apitoyer sur son sort qu’elle allait s’en sortir. Il remarquait cependant le brin de tristesse présent dans la voix de la Russe. « Et bah, sacré histoire ! » Qu’il disait sans la quitter du regard. « Tout ce que je peux dire, c’est que ton père c’est un sacré enfoiré ! » Un peu comme le sien, mais d’un autre genre. Il ne regrettait en aucun cas le décès de celui-ci, c’était un homme froid, sans cœur qui ne méritait pas de vivre, selon lui et son petit frère avait été assez courageux pour l’affronter. L’erreur de sa vie, qu’Alec regrettait encore aujourd’hui. Il reprenait un peu de vodka tandis qu’elle lui posa à son tour une question concernant son choix de lui proposer le rôle de serveuse. Bien sûr, elle ne se trompait pas, il avait songé à lui proposer un poste d’Escort, parce qu’elle avait un physique avantageux, mais avait été percuté par sa personnalité, ce qui l’avait poussé à lui proposer ce rôle. « Tu n’as pas tord, je t’imaginais plutôt comme call-girl, parce que, tu as le physique pour. » Pourquoi mentir à ce sujet ? Elle avait le droit de savoir. «Ce n’est pas parce que tu m’a demandé de te proposer quelque chose de convenable, je ne suis pas du genre à avoir pitié, mais j’étais dans un bon jour, donc je me suis dit pourquoi pas … puis ta personnalité à beaucoup joué en ta faveur. Tu étais dans la merde et tu savais quand même ce que tu voulais et ce que tu ne voulais pas, c’est le genre de comportement que j’apprécie. » Il avait été sincère avec elle et lui offrait même un sourire à la fin de sa phrase. « Si tu n’avais pas eu toutes ces emmerdes, tu aurais voulu faire quoi de ta vie ? » Qu’il ajoutait sans perdre une miette de son visage.
De ses sourires de plus en plus larges et de son regard interrogateur, preuve que je suis capable de le surprendre – je n’aurais su dire ce que je préférais. Le second, il sous-entendait que j’éveillais en lui un intérêt curieux. Le premier, il supposait qu’il appréciait ma compagnie et je m’en flattais avec déraison. Ce n’était pas notre rôle. J’étais l’employée et lui, le patron. Outre mes compétences et sa générosité, nous devrions rester indifférents l’un à l’autre. Nous serions soucieux de maintenir entre nous une solide barrière. Sauf que Mitchell s’autorisait à transformer cet échange formel en discussion, d’abord mutine et ensuite, intime. Je l’ignorais encore, bien sûr. Au moment où, proche de l’hilarité, je soupçonnais une remise de peine, qu’il ouvrirait béant la porte de la légèreté. Mon rire tintait dans la pièce vide, ricochait contre les murs au point que sa mélodie m’étonna moi-même. De mémoire de ma femme, je n’avais pas souvenir de m’être esclaffée d’aussi bon cœur depuis près de quinze ans. Alec en avait été l’instigateur, mais je refusais de m’en rappeler. Songer à l’abandonnant réveillait la douleur d’une blessure mal cicatrisée. Je regrettais, par ailleurs, qu’il s’invite si souvent dans ma tête depuis ces dernières vingt-quatre heures. Je craignais d’y percevoir une gifle de mon inconscient. Les Hommes sont dangereux pour le cœur des femmes, plus encore lorsqu’ils sont aussi agréables que mon interlocuteur. Ils le sont d’autant plus quand on les connaît à peine et qu’on leur doit beaucoup, assez pour que je gagne en confiance après chacune de ses plaisanteries, assez pour que je rebondisse encore sur la conversation de la veille « Oh, c’était donc de ce restaurant dont tu parlais hier… » répliquais-je en désignant la porte du Club qui menait vers son domaine. « Eh bien, tu auras fini par m’y emmener finalement. Bon, je n’ai pas encore goûté à cette fameuse tarte, mais… je suis toujours très sage. Regarde-moi… » J'englobai l’ensemble de ma petite personne d’un geste ample de la main. « Ça se voit, non ? » Je retins un nouvel éclat de rire, lui préférant quelque chose de plus discret jusqu’à ce qu’il me coupe toute envie de sourire à l’évocation de mon passé.
Une question, une seule suffit à ternir ma bonne humeur, mais Mitchell n’était en rien responsable de l’effet provoqué par mon histoire sur mon moral. J’en parlai grâce à l’alcool qui délia ma langue et à cause de ce sentiment de sécurité qu’il m’inspirait bien malgré moi. À bien choisir, je me serais contentée de la reconnaissance. J’aurais opté pour le détachement et pour le silence. À tout peser, maintenant que j’avais vidé mon sac, je ne regrettais pas. J’étais étonnée, car je n’avais jamais raconté cet épisode malheureux de mon existence jusqu’alors. Même Alec, que j’aimais pourtant de tout mon cœur, ne recueillit de telles confessions. Pour lui, j’étais Natalya, une jeune Ukrainienne. Pour Mitchell, j’étais la vérité nue et, une fois n’est pas coutume, je lui témoignai toute ma gratitude de ne pas avoir creusé davantage. Peut-être réprima-t-il cette envie par délicatesse. Au fur et à mesure de mon récit, je m’éteignais et je doutais sincèrement qu’il ne l’ait pas remarqué. « Ouais ! ça le qualifie plutôt bien. » ponctuais-je en ricanant amèrement. « Parfois, je m’en veux d’avoir si peu d’estime pour lui. Matériellement, je n’ai manqué de rien, mais… » Je haussai les épaules avant de ramener la conversation sur ses choix et non sur les miens. J’étais quelquefois naïve, mais j’avais bien remarqué que certains d’entre nous ne se contentaient pas de servir des bières pression ou autres cocktails. Leur rôle, c’était d’aider la clientèle aux fringues les plus griffées à cracher toujours plus de billets.
J’osais à peine imaginer la somme de leur pourboire et je n’avais pas oublié la remarque de Mitchell à propos de mon physique et de ce qu’il pourrait me rapporter. Je n’étais pas pressentie pour le rôle secondaire de la serveuse, mais pour celui de la figurante qui grimpe dans une chambre après le signe de tête entendu de son boss. « Donc, si je comprends bien. » repris-je appréciant son honnêteté. « Un : j’ai un physique que tu trouves intéressant et, ma foi, merci. Deux : tes humeurs rythment tes décisions, ce qui signifie que tu es quelqu’un d’instinctif. Trois : je dois tout à mes valeurs, ce qui veut dire que tu en as toi-même. C’est ça ? » C’était le genre d’hypothèse qui n’attendait qu’un hochement de tête pour toute réponse. Au terme, nous aurions pu en rester là, rentrer chacun chez soi et reprendre cette conversation plus tard, éventuellement, si elle lui tenait toujours à cœur. Il semblait néanmoins ne pas avoir envie de l’avorter. Il me posa une autre question presque autant personnelle que la précédente. « Très bien. Visiblement, je t’intrigue et je dois admettre que l’inverse est vrai. Alors, voilà ce que je te propose. » Je me redressai sur ma chaise et j’avançai mes coudes sur la table. « Tu peux me poser toutes les questions que tu veux. Toutes, sans exception. En échange, j’ai le droit de le faire aussi. Mais, si toi ou moi, on n’a pas envie de répondre, on boit cul sec un verre. T’es ok ? » J’avais des airs de conspiratrice. Mes yeux, éteins plus tôt par le lest de l’échec – je n’étais pas parvenue à me faire aimer par mon père et j’en souffrais toujours – brillait d’une lueur malicieuse. Or ce n’était pas un traquenard, que du contraire. On n’interroge pas ses employées sur leurs anciennes aspirations. Normalement, c’est le cadet des soucis d’un patron. Alors vu que la scène dépassait largement le cadre conforme du boulot, j’estimais qu’il était de bon ton de jouer le jeu à fond, mais avec dérision. « Ce n’est pas un piège, hein ! Regarde que j’ai même balisé ce petit jeu. On a droit à autant de jokers qu’on est capable d’en supporter. » Parce que ces règles, c’était un coup à finir complètement ivre, à frôler le coma éthylique selon la teneur de notre curiosité.
« Du coup, ça commence maintenant. Quand j’étais gamin, j’ai d’abord voulu être danseuse étoile au Bolchoï. J’étais une élève très assidue d’ailleurs, mais il me manquait le truc. Le talent sans doute. Alors, j’ai continué à danser, mais je me suis dit que devenir politicienne pourrait me rapprocher de mon père, que si je m’intéressais à lui, il finirait par se rendre compte que j’existais, mais non seulement, ça n’a pas marché et ensuite, je n’ai jamais rien vu d’aussi ennuyeux que ces réunions de campagne. Après ça, c’est le flou artistique. Peintre, photographe, conservatrice de musée. Ça, j’aurais adoré. Mais, je me suis barrée et je me suis débrouillée avec ce que j’avais. J’ai pris ce qui tombait et je n’ai plus cherché à faire autre chose que servir des bières. » Admis-je comme un aveu de faiblesse. D’un point de vue extérieur, mes désirs d’avenir n’étaient que des rêves de gamine, des souhaits un peu fous, au même triste que le futur astronaute qui se cachent derrière tous les petits garçons du monde. « Quand on n’a pas de papiers, c’est difficile de se projeter dans l’avenir » me justifiais-je alors. Je ne manquais pas d’ambition et je détestais renvoyer une fausse image de ma personnalité si elle se fourvoie par un cas de force majeure. « Mais, je n’ai pas dit mon dernier mot, je finirai bien par trouver ma voie. J’ai de la ressource. À moi, maintenant. » Je fis mine de réfléchir un minimum, mais je savais parfaitement ce qui se cachait derrière mon point d’interrogation. « Tu vis avec une Russe ? » Sous-entendu, es-tu marié, en couple, lié d’amour à une belle plante intelligente et tentante. Raelyn peut-être ? Je jugeai la question trop fermée et je me repris. « Non, non, c'est pas ça, je recommence. C’est plutôt : qu’est-ce que tu lui dis, à ton épouse, quand tu rentres tard après un service ? Alors ? Boira ou boira pas ? » le défiais-je du regard, priant qu’il se satisfasse de la possibilité d’opposer pour seule réponse un adverbe finalement. Décidément, je ne suis pas douée pour les interrogations ouvertes qui prêtent à la confidence. Il ne reste plus qu’à espérer qu’il soit de bonne composition.
La conversation de la veille ressurgissait au sujet de la tarte au pomme dont Mitchell avait parlé à la Russe. Il ne lui avait pas fait part du lieu, lui précisant uniquement qu’il s’agissait d’un restaurant au centre de Brisbane, ne se vantant pas directement de faire une très bonne pâtisserie. Il n’était pas allé au bout la veille en lui proposant de l’y emmener, parce qu’il ne voulait pas qu’elle pense qu’il l’invite à un rencard ou autre, mais finalement, sans le vouloir il l’y aurait emmené. « Tu ne la mangeras pas seule finalement. » Faisant une nouvelle fois référence à leur conversation de la veille. Il lui promettait une part si elle était sage, un moyen de la faire rire, peut-être même de la séduire. « C’est à moi de juger si tu le mérite ou non.» A vrai dire, il avait qu’à franchir la porte et d’aller en piocher une dans le frigo. « Mais je veux bien te croire.» Bien sûr qu’il la croyait, elle n’avait pas l’air d’être le diable en personne.
Il ne rajoutait rien au sujet de son père, ayant conscience qu’il s’agissait d’un sujet périlleux et qu’il n’avait pas envie de lui donner d’avantage le cafard à en parler. Il ne s’était pas retenu de lui faire de son appréciation au sujet de son physique, bien que ce n’était pas la seule raison qui l’avait poussé à lui donner un coup de main. Des valeurs Mitchell en a toujours eues, une lueur de bonté qui éclairait son côté sombre plutôt imposant sur sa personnalité. Il n’avait pourtant, pas toujours été cet homme, dont les ténèbres avaient pris part, non, Mitchell Strange, autrefois appelé Alexander, était un bon gars et avait toujours fait preuve de générosité, n’hésitant pas à tendre la main au plus démuni et ce même lorsqu’il vivait avec un sous en poche. Il avait grandi dans la ville du vice, observant les touristes venir pour y dépenser leur fric, faire la fête jusqu’aux aurores et buvant jusqu’à plus soif, un monde qui l’intriguait, principalement pour le jeu. Il avait essayé quelques fois de gagner le jackpot, mais n’avait pas conscience à ce moment là que la banque terminait toujours gagnante, jusqu’au jour ou il perdit l’équivalent d’un salaire en quelques minutes. Il comprit ainsi que l’argent avait bien son rôle dans la vie et que sans lui, vivre une vie de confortable n’était pas possible. Il prenait la décision de mettre de côté son côté moral et se lança sur le mauvais chemin, jusqu’à en arriver là aujourd’hui, à la tête d’un gang valant beaucoup d’argent. Il aurait pu perdre complètement la tête Mitchell, l’argent ne cessait de croitre et pouvait très vite monter à la tête. Il en avait fait couler du sang pour l’argent et pourtant, il ne perdait pas sa générosité, sachant par expérience que la vie ne fait pas de cadeau et qu’il faut se battre pour obtenir ce que l’on veut. C’est d’ailleurs ce qu’il apercevait en Lubya, de la détermination à vouloir s’en sortir, un point qu’il appréciait fortement. « Tu m’as percé à jour en quelques secondes ! » Qu’il disait avec un sourire rempli d’amusement. « Mais sinon, oui, tu as très bien compris, je ne peux pas nier que mon regard a beaucoup de mal à regarder ailleurs et oui, il m’arrive de ne pas réfléchir et de le regretter ensuite, mais tous le monde a des défauts non ? » Ajoutait-il avec malice. « Avoir des valeurs c’est ce qui nous permet de survivre dans ce monde de brut et surtout de ne pas oublier qui nous sommes » Lui adressant un sourire tout en terminant une nouvelle fois son shooter, qui manquait à son goût d’un liquide sirupeux, tel qu’un peu de sirop pour adoucir le goût de la vodka qui était de fort caractère. Mitchell n’était pas un petit buveur, loin de là, mais ses préférences en terme de boisson ce tournait plutôt vers le whisky.
Elle le prenait à son propre jeu et lui proposait de faire un jeu ou chacun devait répondre à question ou à défaut boire. L’audace dans toute sa splendeur, ce qui le fit sourire d’avantage. Proposer à son boss un tel jeu pouvait être risqué, mais l’Américain appréciait, bien conscient qu’il n’était pas obligé de lui dire toute la vérité si elle lui posait des questions trop personnelles ou risqués. Il hochait la tête positivement. « Ça me va » Elle l’intriguait et ça allait lui permettre d’en savoir plus sur la blonde sortie de nul part qui ne le laissait pas totalement indifférent. « J’espère que tu tiens bien l’alcool, sinon il va falloir répondre à tout type de questions » Qu’il ajoutait avec un sourire en coin avant qu’elle lui fasse part de ce qu’elle aurait voulu faire de sa vie si elle ne s’était retrouvé face à lui cette nuit. Il l’avait écouté très attentivement et comprenait qu’elle avait dû oublier ses rêves pour pouvoir fuir, un point dans lequel il se retrouvait sauf que lui son rêve il l’avait abandonné suite à une blessure qui sans elle, son avenir aurait été bien différent. Il était pourtant bien parti pour faire de sa passion un métier, mais se contenta de pratiquer la moto durant ses heures perdues par la suite. « En parlant de papier, je devrai les avoirs demain. » Qu’il précisait pour la rassurer. « Tu es encore jeune, tu rebondiras c’est certain, surtout avec tant de volonté à vouloir t’en sortir. » Des paroles d’encouragements ne faisaient jamais de mal à personne.
Son tour de répondre à une question de sa part arriva, il se demandait ce qu’elle allait lui demander et écouta avec beaucoup d’attention ce qu’elle avait comme interrogation à son sujet. Elle lui demandait s’il vivait avec une russe, une question qui l’interpella, se rappelant qu’elle lui avait déjà poser une question de ce genre lors de leur première rencontre ce qui le poussa à s’interroger sur les fondements de cette question. Pourquoi voulait-elle absolument savoir s’il avait une femme dans sa vie ? « Je … » Il n’eut le temps de rebondir, qu’elle modifiait sa question. Il était surpris et ne s’attendait pas à ce qu’elle lui demande ça. Il hésita un instant à prendre en main son verre pour en boire son contenu, ce qui l’aurait mené sur le chemin de l’honnêteté, car oui, il est marié, depuis longtemps, mais l’état de son mariage valait-il le coup d’être complètement sincère à son sujet ? « Je n’ai aucun compte à rendre à personne, pas de femme, pas de Russe, bien que ça ne serai pas de refus. » Qu’il disait en la regardant droit dans les yeux. C’était un mensonge sans l’être, car malgré le fait d’être lié par la mariage à Mavis, il vivait bien seul et ne rendait de compte à personne. Même lorsque sa femme vivait encore avec lui, il se permettait de rentrer à des heures tardives, rendant folle de jalousie la blonde qui avait une dent contre toutes les femmes du Club, de quoi déclencher des disputes interminables, les forçant à passer des jours sans se voir. Leur relation a toujours été très électrique et il appréhendait déjà son retour, s’il devait se faire un jour. Son tour venu, il songea à la question qu’il pouvait lui poser, sans la lâcher du regard et sans perdre son sourire qui était bien présent depuis le début de leur échange. « Je vais rester dans le même registre » Il hésita un instant à lui poser des questions au sujet de son mari, bien qu’il savait déjà qu’elle l’avait fui. « Que s’est-il passé dans ton mariage pour que tu décide de le fuir ? » Il avait déjà tenté d’en connaître la réponse la veille et elle était resté évasive sur la réponse à cette interrogation. Il ne savait pas s’il allait recevoir une réponse de sa part, mais tentait tout de même le coup. « Il était violent ? » Qu’il ajoutait avec un regard rempli de curiosité.
(c) DΛNDELION
Dernière édition par Mitchell Strange le Dim 14 Avr 2019 - 2:32, édité 1 fois
Aurions-nous été des amis de longue date que je l’aurais charrié sur ce qu’il m’y avait finalement emmenée dans ce restaurant où les tartes aux pommes sont divines. J’aurais même surenchéri d’un ton taquin pour le presser à lever le mystère sur ces dernières puisqu’il avait déjà tranché, que c’était perceptible… Je ne la méritais peut-être pas vraiment, cette douceur sucrée. Je n’étais certainement pas la plus sage des jeunes femmes de mon âge. Mais, je n’avais commis aucune erreur susceptible de modifier son jugement. Toutefois, je m’emploie à conserver entre nous un soupçon de distance parce qu’il est mon patron, que je ne le connais pas vraiment, mais qu’il me plait déjà trop. Sans quoi, je lui aurais confié mon sentiment sur ma première soirée et je serais rentrée me coucher aussitôt douchée. Je ne demeurerais pas sourde à la complainte de mon sommeil en retard qui me somme pourtant de mettre un terme à ce petit jeu dangereux. Je n’aurais pas confié comment, une petite Russe de dix-huit ans renonça à son confort pour échapper à un mariage. Je ne serais à peine capable d’effacer mon sourire contenté tandis qu’il admet sans vergogne que mon physique et son regard sont aimantés. Il ressemble à un rictus qui m’aurait poussé à baisser la tête si je n’étais pas séduite par l’idée. Je l’appréciais pour sa réciprocité, mais le confesser à mon tour manquerait cruellement de correction. Il n’était pas question de flirter avec lui. C’était certes tentant, mais ça compliquerait la relation de travail, ça briderait la possibilité de devenir un peu plus qu’une employée. Je ne visais pas le rôle de la confidente, mais j’avais à cœur que la cordialité de ce tête-à-tête improvisé se prolonge dans le temps puisque je ne suis décemment pas vouée à rembourser ma lourde dette d’ici le lendemain. La discrétion est donc de mise et malgré tout, je sous-entends au mépris de ma raison et à la faveur de mon intégrité. « C’est ce qui se dit, que personne n’est parfait et je ne peux pas nier, moi non plus, que je cherche les tiens… J’y mets tout mon cœur d’ailleurs. » Et sans grand succès. La conséquence : je dépose sur la table les règle d’un jeu à boire et Mitchell, il lança les dés imaginaires, amusé par ma témérité. Pas de hasard, pourtant. Juste une bonne dose de sincérité saupoudrée de bonne volonté. Moi, j’en avais à revendre…
Je lui racontai comment je rêvais les yeux ouverts et de quelle manière je n’effleurai jamais mes désirs que du bout des doigts. Il n’y avait pas d’amertume dans le fond de ma voix, car je n’ai pas encore divorcé de mon ambition. J’embrasse peut-être un espoir naïf, mais j’y crois, en mon avenir. Alors, lorsque tomba la bonne nouvelle, j’applaudis à deux mains, enthousiasmée et peut-être même conquise. Pas sentimentalement, non. Je n’ai jamais été de celle qui tombe amoureuse comme elle tombe de leur chaise. Une part de moi, la plus méfiante, s’imagina dans la nuit que tant de bonté pourrait déboucher sur un traquenard destiné à m’appâter pour finalement me coller au macadam d’un trottoir. Je me détestais d’y avoir songé, plus encore maintenant qu’il avait bel et bien tenu sa promesse et qu’il m’encourageait de surcroît. « Trop bien. Merci mille fois. Tu viens d’illuminer ma nuit… enfin, ma matinée. Dis-moi tout, c’est quoi mon nouveau nom de famille ? » Lubya, sur des faux-papiers, c’était acceptable. Mon nom de famille, en revanche, était à proscrire. Mitchell, en homme intelligent, m’avait sans doute inventé une identité sans histoire. « Tu sais quoi, il faudrait qu’on m’invente une histoire. Je ne peux pas me permettre de raconter la mienne aux premiers venus comme ça. » Ne l’avais-je pas fait avec lui ? Était-il toujours un quidam lambda ? « Je suis assez discrète sur le sujet. Ça ne se voit pas forcément de prime abord » Au vu de la facilité avec laquelle il m’arracha la vérité. « Mais, j’ai pas envie d’attirer l’attention ou d’éveiller les soupçons. Je n’aime pas mentir. » Je le fais, quand j’y suis obligée, par nécessité. « Je crois qu’à choisir, je préfère encore la mauvaise foi ou le silence, mais la fin justifie les moyens. Il faut que j’anticipe. Toi, par contre, tu ne devrais pas. Je te rappelle que je suis Russe. Les jours de grands froids, même les gosses commencent leur journée par de la vodka. » Je grossissais le trait, mais c’était assez proche de la réalité. Mon père m’apprit très tôt qu’en société, il n’est pas de bon ton de refuser un verre, quelle qu’il soit. Il ajoutait également que vin rouge, alcool fort et champagne sont synonymes de distinction, que ça comptait autant que la politesse, les bonnes manières et l’élégance. J’en manquai ce soir. Insister pour découvrir si une femme se cachait dans l’ombre du personnage, c’était maladroit.
Bien sûr, je tentai de me reprendre en modifiant la question, mais le mal était fait. Elle offrait trop d’espace à l’imagination, à l’interprétation : soit, je suis intéressée et je tâte le terrain du bout du pied, soit je cherche à m’éviter les foudres d’une petite amie pour l’avoir retenu après le service. De deux choses l’une, aucune de ces hypothèses ne me rassurait à cause de ce qu’elles détiennent en vérité. Prétendre que je ne redoutais pas les deux serait un éhonté mensonge. Je l’idéalisais déjà, Mitchell, en célibataire sans attache. Certes, ma fantaisie ne me suspendait pas à mon bras – ou pas encore - mais qu’il garde littéralement un œil sur moi me lavait de mon inclination à le chercher du regard. D’une certaine manière, ça m’aidait à respecter mes propres serments, en l’occurrence, éviter toute forme de marivaudage. La bonne blague. Il insinue qu’une fille de l’est accrochée à son cou lui siérait bien au teint et j’entends mon prénom, je le lis dans ses pupilles claires qui se cadenassent aux miennes. « Oh, ça, c’est parce que tu ne sais pas à quel point elles sont fatigantes. Elles sont jalouses, elles ont la tête dure. Elles peuvent même se montrer sanguines parfois. Mais, une chose certaine, c’est qu’on ne s’ennuie jamais avec une soviétique. J’en connais une, personnellement et ce n’est pas un cadeau. Mais, elle a de bon côté quand on prend le temps de creuser » Je ne cherchais ni à me vendre ni à céder à l’auto-dérision. Je me protégeais de moi qui répondrait trop favorablement à ce qui n’est peut-être qu’une boutade finalement. « Je peux te filer son numéro, si ça te tente. Elle habite pas très loin d’ici en plus. Mais, tu lui dis pas que ça vient de moi, ok ? »ponctuais-je sans ciller, si ce n’est le temps d’un clin d’œil.
En toute franchise, j’aurais pu aisément deviner qu’il s’attarderait sur l’histoire de mon couple. Fuir, c’était l’option drastique quand les divorces se prononcent autant que les unions de nos jours. Il y avait de quoi intriguer le premier croquant venu. Et, pourtant, mon humeur retomba comme un soufflé. Lui confier le récit de mon enfance, c’était une chose. Parler de Mickey, c’était au-dessus de mes forces. La culpabilité m’étreignait toujours le cœur. Prendre mes jambes à mon cou, c’était mesquin, lâche, indigne de moi finalement. Jugerait-il si je me laissais aller à de pareilles révélations ? Se méfierait-il de moi ? Jouant avec mon verre, j’oscillais entre boire ou parler et je tranchai en avalant tout de go l’alcool blanc. Il me brula la gorge, encore, mais j’en resservis un deuxième parce qu’il y avait deux questions finalement, et ça m’arrangeait bien. Le goût du pêcher d’abandon de famille était amer dans le fond de ma gorge. Il fallait qu’il disparaisse. « J’ai le droit d’en poser deux, maintenant ? » m’enquis-je en me redressant sur ma chaise et en relevant des manches fictives. « A nous deux. Quel serait ton plus grand regret ? » lançais-je en réfléchissant déjà à la suivante. Elles finirent par s’enchaîner et à briller par leur absurdité relative. A force d’abuser de nos jokers, j’avais l’impression de fondre. J’avais chaud. La tête me tournait un peu et, entre deux éclats de rires sans raison de particulière, j’estimai que prendre l’air ne pourrait pas me faire de mal. « C’est moi où il fait étouffant ? » remarquais-je en tentant de me lever. Impossible. Je perdis l’équilibre je me rattrapai brusquement à la table. Elle trembla, mais rien ne chuta, ne se brisa, si ce n’est mon amour-propre. « Oulà. Je viens de me faire peur là. » Mon rire s’amplifia. J’étais hilare, signe que j’étais ivre et que je ne l’avais pas vu arriver à surestimer mon petit gabarit. « Mais, ça va. Je peux marcher. Je ne vais pas être malade non plus. Tu penses, j’en ai vu d’autres. » Je balayai par avance tout commentaire d’un signe de la main, mais dans le fond, je n’osais pas réitérer ma tentative précédente de peur de me rouler dans la farine du ridicule. « Finalement, je trouve pas qu’il fasse si chaud. Je vais me rasseoir sur ma chaise et je ne vais plus bouger. C’est bien ça. Ouais. Je trouve ça même très bien. De toute façon, tu restes avec moi, pas vrai ? »
Les défauts Mitchell les collectionnaient, un peu trop à vrai dire, pourtant, il cachait très bien son jeu lorsque c’était nécessaire, il laissait de côté son côté froid et borné pour faire place à un homme ouvert pouvant se fondre dans la masse au sein de la population. Certain le jugeait comme étant fort sympathique et n’hésitait pas à se fier à l’image qu’il voulait bien montrer de lui. Mitchell se comportait des fois comme un caméléon, passant du gentil au méchant en peu de temps, mais les gens qui le connaisse très bien, savent qu’il n’est pas facile et qu’il ne vaut mieux pas se le mettre à dos. Il communique uniquement ce qui lui semble être fiable de communiquer et reste très discret sur son passé, principalement. Le passé de Mitchell Strange n’a rien de bien glorieux, son passé est fade et sans intérêt, il ne dit jamais grand chose à ce sujet, mise à part qu’il est américain, faute à son accent qui quelques fois le trahis. Il lui offrait un sourire alors qu’elle lui faisait part ne pas trouver ses défauts malgré les chercher. « Tu les découvriras bien assez tôt… » Qu’il répondait avec un sourire en coin. « Malheureusement pour moi. » Qu’il ajoutait avec un regard imitant un fort regret. « J’aurai aimé être parfait vraiment, mais personne ne l’est, n’est-ce pas ? » Elle ignorait bien des choses sur lui et c’était mieux ainsi. Il ressentait comme une envie de la préserver de ce monde dans lequel il évolue, bien conscient qu’elle pourrait être effrayé si elle savait la moitié de ce qui se passait au sein du Club. Au fond, il voulait sûrement lui plaire, inconsciemment, parce qu’elle lui avait tapé dans l’œil, parce qu’elle dégageait quelque chose qu’il n’avait toujours pas réussi à déchiffrer. Mitchell ne passait jamais autant de temps en vingt-quatre heures avec une nouvelle recrue, jamais, et pourtant, il se retrouvait à boire en sa compagnie, alors que le levé du soleil était en train de se lever tout doucement sur la ville de Brisbane. Heureusement, il n’avait ni femme ni enfant qui l’attendait à la maison et était prêt à l’écouter durant des heures.
Mitchell avait beau avoir pleins de défauts, il avait une qualité qui lui était propre : être un homme de parole. Il lui avait promis de faux papiers et avait engendré les démarches avant même de recevoir un acompte de sa part, parce qu’il avait eu un bon pressentiment sur la Russe et qu’elle ne lui avait pas donné l’impression de se foutre de lui. Lorsqu’elle avait franchi le seuil de son bureau et avait déposé l’enveloppe sur celui-ci, ses pensées avaient été confirmées et l’avaient rendu serein pour l’avenir de Lubya au sein de l’entreprise. Elle remerciait avec beaucoup d’enthousiasme lorsqu’il lui annonça la bonne nouvelle, ce qui le fit sourire d’avantage. « Que dis-tu de Sidorenko, Lubya Sidorenko ? » Le choix de son nom avait été fait dans le plus grand soin et n’avait aucune histoire derrière lui. Elle n’avait pas tort lorsqu’elle songea à ce qu’ils lui inventent une histoire. « Oui, c’est ce qu’il faut faire, tu pourrais tomber sur des personnes très curieuses comme moi, mais qui pourraient te poser des problèmes. » Lui-même avait couvert ses traces en venant à Brisbane, il s’était inventé un passé sans histoire pour les quelques curieux qui s’intéresserait à sa vie et évitait de dire la vérité à un maximum de gens, bien que son frère Alec avait tendance à avoir la langue bien pendue. « Lubya Sidorenko, d’origine ukrainienne, fille unique, ayant quitté l’Ukraine pour vivre en Australie … » Il réfléchissait, cherchant une histoire crédible. « Je suis vraiment nul pour ce genre de chose ! » Qu’il disait en riant. « Mais tu trouveras, j’ai aucun doute là-dessus. » Le jeu pouvait commencer, après une petite mise en garde, elle n’avait pas manqué de lui faire part du pouvoir qu’avait les Russes avec la Vodka, ce qui le fit rire. « J’ai passé assez de temps en Russie pour tenir le coup, mais merci de t’en inquiéter. » Il n’était pas grand buveur de vodka, mais il ne comptait pas se laisser impressionner par la jeune femme, ou du moins par ce qu’elle disait.
La suite de la conversation s’était joué sur un tout autre ton, frôlant le degré de séduction et du flirt, Mitchell s’était laissé dire qu’il ne dirait pas non d'avoir une Russe dans sa vie, tendant une perche bien flagrante à la nouvelle recrue. L’Américain avait toujours eu un franc parlé et ne se privait pas de séduire ouvertement une femme. Bien sûr, il ne s’attendait pas à ce que Lubya lui réponde et entre dans son jeu. Tout devenait encore plus pertinent qu’avant et interpellais le brun qui souriait de plus belles. « C’est ce qui est très intéressant chez elles, les Australiennes, sont un peu trop sages, dans la vie, avoir du piment ne fait pas de mal, bien que la jalousie n’est pas la meilleure des qualités. » Il en avait fait les frais avec Mavis qui bien des fois lui avait fait des scènes de jalousie par rapport aux jeunes femmes travaillant pour le Club. Mitchell n’était pas blanc comme neige non plus et n’avait pas spécialement fait preuve de beaucoup de fidélité, mais elle n’était pas censée le savoir. « Je serai vraiment très intéressé d’en savoir plus sur elle et je veux bien son numéro, je lui dirai pas que ça vient de toi, en espérant qu’elle me trouvera à son goût ! » Il l’espérait réellement, mais se rendait compte qu’il était peut-être allé loin en disant cela, bien conscient de la transparence qu’avait cette conversation.
La pression redescendait lorsque ce fut son tour de poser une question. Mitchell espérait qu’elle ne voudrait pas trop en savoir sur lui ou son passé, se concentrant sur son regard puis sur ses lèvres, écoutant attentivement ce qu’elle lui demanda. Son plus grand regret ? Il y en avait, énormément, sa vie avait été bercé par les regrets. Il saisissait son shooter prêt à le boire, mais ne le fit pas, prenant la parole contre toute attente. « Quand j’étais plus jeune, je faisais de la moto en compétition, j’étais très doué, j’avais un bel avenir qui se dessinait et j’aurai pu devenir champion, faire carrière. » Il marquait une petite pause avant de très vite reprendre. « Puis en final, j’ai fait n’importe quoi, je suis tombé de ma moto et j’ai été blessé, deux vis dans le genou ! » Avec le temps, il avait presque oublié qu’il vivait avec deux vis dans le genou, pourtant ça avait été une épreuve difficile à vivre. « Je n’ai pas pu continuer la compétition, la plus grande déception que j’ai vécue et mon plus grand regret. » Il s’était confié pour la première fois à la jeune femme et en avait dit beaucoup plus qu’à d’autres personnes de son entourage. Les questions n’avaient pas cessé d’être posées et la bouteille de vodka ne tardait pas à perdre de son contenu. La chaleur s’était installée et l’alcool était bien présent dans les veines de l’Américain qui observait la jeune femme tenter de se lever avec beaucoup de difficultés jusqu’à se rattraper de justesse sur la table, la faisant trembler par la même occasion. Mitchell par reflex, s’était redressé pour la rattraper au cas où avant de laisser échapper un petit rire. « Je vois que la Russie n’est pas si résistante que ça » Il la taquinait, mais ne s’était pas encore levé et ne ressentait pas encore ce que la vodka pouvait faire. « Si tu veux vomir, c’est aux toilettes que ça se passe. » Qu’il disait, ne voulant pas être témoin d’une telle horreur. Finalement, elle reprenait place, lui demandant s’il restait avec elle. Il observait sa montre avant de se lever, avec beaucoup moins de mal qu’elle. « Bien sûr que je reste avec toi, c’est ma faute si tu es dans cet état. » Il avait conscience que c’était de sa faute si elle avait autant bue, ne voulant pas répondre à ses questions qui pouvaient être trop personnel. « Je vais te raccompagner chez toi, tu as besoin de dormir, je n’accepterai aucun retard ce soir, si t'acceptes de revenir bien sûr » Qu’il plaisantait en attrapant sa veste de costume qu’il déposa sur les épaules de la blonde. « Il fait frais à cette heure-ci. » Il l’aidait à se lever doucement. « Tu ne me vomis pas dessus hein » Qu'il instant avant de lui tendre son bras pour qu’elle s’appuie sur lui. « C’est partie ! » Avançant vers la porte de sortie, prenant le soin d’éteindre les lumières derrière eux. Le vent soufflait légèrement et la température n’était pas des plus chaudes.
Il répliqua : « Bien assez tôt » et une petite voix me susurra à l’oreille : « Ce sera déjà trop tard ». Dans le fond, je ne les cherchais pas vraiment, ses défauts. Lorsque j’en effleurais un du doigt, je m’arrangeais pour lui trouver quelque chose d’appréciable. Son goût pour le mystère, par exemple, il me déstabilisait au plus haut point, mais je le jugeais grisant, inédit, presque charmant. C’était stupide, finalement. Je l’avais rencontré la veille. À ce stade, je m’en méfierais comme de la peste et le choléra réunis. Je ne m’attarderais que sur ce qu’il a de désarçonnant, le fuyant aussi vite que possible au lieu de prendre plaisir à partager de son temps. Normalement, je lui aurais déjà soufflé distraitement qu’une fois ma dette remboursée, ma barque voguerait vers d’autres mers, la mer de l’indépendance. Je lui préciserais également que jamais je n’oublierais sa générosité et que les secrets du club, en mon sein, demeureraient sous l'étroite surveillance de la sentinelle de ma gratitude. Sauf que je le tais et pas seulement parce que je sais que l’idée m’attirerait ses foudres. Je n’en pipe mot, car je ne ressentais pas l’envie oppressante de me tirer après le dernier prélèvement. Je me plais déjà, là où je suis, et je me surprends même à espérer que son intérêt subsiste au temps et à mon tempérament. Quel sort subtil m’avait-il donc jeté, le bougre ? Je parvenais à trouver le nom de famille qu’il m’alloua particulièrement charmant. Il sonnait bien. Je le répétai pensivement à plusieurs reprises et j’étais conquise. « C’est parfait. Ukrainienne. Fille unique. Maman femme de ménage. Papa ouvrier à l’usine. Je suis venue m’installer ici pour…euh… » Je réfléchis à la question et rien ne me vint, sans doute à cause de l’alcool. Ce n’était pas l’heure idéale pour solliciter mon imagination. Je reléguais dès lors le sujet sur ma liste des urgences pour la journée du lendemain et je me concentrai sur ce jeu dont j’étais l’instigatrice. Non contente qu’il se prête à l’exercice, je le défiai sous couvert de mes origines, celles qui, en plus du reste, lui plaisaient. Il ne s’en cachait pas et, si je m’interrogeai un instant sur la possibilité que ma petite personne n’était pas au cœur de ces remarques, je lui récitai mon numéro de téléphone. « Il est provisoire cependant. Je sais de source sûre qu’elle prévoit d’investir dans un abonnement une fois qu’elle aura réglé quelques petits détails. » Une identité nouvelle et lavée de ses méfaits et des soupçons. « Et, tu sais, je la connais plutôt bien. Fais-moi confiance si je te dis que je t’envoie pas dans un traquenard. D’ailleurs, tu devrais vérifier que c’est pas un faux numéro. » Mon téléphone vibrerait alors dans mon sac et tous les doutes seraient levés, absolument tous, sauf peut-être celui que cacherait la plaisanterie. Nous amusions-nous ou traînait-il dans cette conversation une vérité – la théorie des aimants, en l’occurrence - qu’il nous tardait de vérifier ?
Durant un bref moment, le temps sembla interrompre sa course tandis que nous nous observions en chien de faïence, jaugeant sans doute de ce qu’il était convenable ou non de poursuivre nos marivaudages. Il reprit cependant son cours pour honorer une confidence qui me saisit. Je n’avais aucun mal à l’imaginer pilote de moto. Il semblait manier les deux roues avec aisance et dextérité. Ce qui m’effara, c’est qu’il souleva un large pan du tissu de mystère qui l’entoure et j’en fus flattée, touchée, presque émue. « Tu as dû rebondir, donc. Tu as tout de suite su ce que tu ferais ta vie ? » Qu’en avait-il fait, d’ailleurs ? « Ou tu as eu l’impression que, comme tu n’étais bon qu’à ça, ta vie était fichue ? » m’autorisais-je en « hors-jeu », à la fois curieuse et soucieuse de faire honneur à son cadeau. Je signai, à cet instant précis, mon dernier trait de cohérence puisque d’interrogations sérieuses en blagues vaseuses, je levai le coude bien plus souvent que je ne l’aurais souhaité. Bien sûr, je lui rendais la politesse, mais il était plus costaud que moi. D’un point de vue purement scientifique, il tenait mieux la vodka que ma frêle constitution. Sentant approcher le point de non-retour, je mis un terme à la partie, réclamant de l’air et me plaignant de la chaleur suffocante de l’endroit. Lénifiée par l'alcool, je manquai de chuter en tentant de quitter mon siège, l’alarmant au passage. Il était tout prêt à m’accueillir au creux de ses bras si je ratais ma réception. J’atterris néanmoins sur mes fesses et, au comble de l’hilarité, je me défendis de ses taquineries sans grande éloquence. « He, la Russie est assez résistante pour ne jamais vomir quand elle picole un peu trop. Tenez-le vous pour dit, Môsieur. » Mon index levé et mon expression faussement sérieuse contrastaient avec mon large sourire. Au moins, avais-je l’ivresse aussi joyeuse que dans ma prime jeunesse. C’était toujours bon à prendre. « Bah, pas vraiment. J’aurais pu répondre à plus de questions… » Le dédouaner n’était en rien une stratégie idéale. Alors, je me resaisis. « Quoique si, si c’est de ta faute en fait. Et, fais pas genre, j’ai le choix. Je vais revenir et tu le sais, comme tu sais aussi bien que moi que ce sera pas que pour mes papiers.» Je roulai des yeux espiègles et je le gratifiai d’une tape amicale sur l’épaule (je faillis la manquer) « Allez, admets-le que l’idée te plaît bien. » Je ris de plus belle, lui assurant néanmoins que :« Hé, la Russie est toujours à l’heure. » scandais-je avec solennité tandis qu’il m’aidait à me dresser sur mes jambes. C’était ridicule. Demain, j’aurai sans doute honte de m’être mis la tête à l’envers et, si par chance, je ne me souvenais plus que du quart des conneries que je débitais à la seconde, ça me conviendrait d’autant plus que, le nez dans le col de la veste qu’il posa sur mes épaules, je lui glissai. « Elle sent bon. Tu devrais la garder en fait. S’il fait frais pour moi, il fait frais pour toi. » tentais-je pour revenir sur ma proposition dès que le vent matinal frôla mes jambes. « Ouais. Non. Je vais peut-être la garder finalement. » Rien de ce qui sortait de ma bouche ne s’énonçait avec clarté. Les phrases, bien ficelées grâce à un effort surhumain, s’entrecoupaient d’éclats de rire presque contagieux. Je l’obligeai à faire demi-tour pour récupérer mes chaussures juste avant qu’il ne referme à clés derrière moi, toujours en proie à une hilarité agaçante. Je devais me calmer, il le fallait. Plus de blagues stupides, de vannes ambiguës me semblaient être un objectif à atteindre à tout prix, mais c’était tout bonnement irréalisable.
Nous arrivâmes tant bien que mal jusqu’au chez moi qu’il me prêtait gracieusement. Comme j’avais cessé mes expériences destinées à lui prouver que je marchais droit, avec ou sans son bras, j’échouai sur mon sofa, la tête prise entre les mains. Elle tournait de plus en plus vite. Pas de là à me réfugier dans les toilettes, mais assez pour que l’envie de rire me soit passée. « Ça lui arrivait, parce qu’il me mettait tellement hors de moi parfois. Je n’ai jamais été amoureuse de lui. Je n’ai pas toujours fait ce qu’il fallait, mais il était tellement bête. Moi, je ne suis pas plus maligne qu’une autre, mais lui, il battait tous les records. Mais, ce n’est pas pour ça que je suis partie, mais c’est peut-être pour ça que c’est pas forcément facile d’être là. » Sous-entendu, à Brisbane et, accessoirement, dans cet appartement. « Je ne veux pas profiter de la situation et j’aimerais bien payer un loyer, tu sais. Je voudrais bien pouvoir me dire que pour une fois, j’ai fait les choses comme il faut. Je n’ai pas osé lui dire que je ne voulais pas d’enfant d’un type comme lui. Il se défendait bien avec les poings, mais pas assez souvent pour que je décide de me casser. J’aime bien les enfants. Peut-être même que je me suis imaginée avec des gosses, mais pas avec un attardé. Il ne l’était pas tout à fait, mais il était bête… » Je réfléchis – du moins, essayais-je, avant de statuer : je radotais et je jetai à Mitchell un regard à mi-chemin entre la supplique (ne me juge pas) et la détermination (j’ai envie d’être honnête avec toi) « J’ai toujours su que je partirais un jour et je le lui avais dit, souvent même, mais il a fait semblant de ne pas m’entendre ou il n’a pas compris. Je n’ai jamais su. Me demander un enfant, c’était une erreur parce que je ne voulais pas lui en vouloir d’être sa prisonnière. Pas à lui, hein, à cet enfant, mais tu avais compris. Pas vrai ? Ouais, je suis sûre que tu avais compris, parce que tu n’es pas idiot, toi. Tu es même très intelligent. Ça se voit dans tes yeux. Tu crois que j’abuse si je te demande de me servir un verre d’eau ? Enfin, de nous en servir un. Tu es pas obligé de partir tout de suite, sauf si tu es pressé et que je t’agace à force de parler pour ne rien dire. » conclus-je sans avoir pleinement conscience que je traitai de sujets sérieux avec la légèreté propre à l’ivresse. Elle n’était pas lourde, l’ambiance. De mon point de vue, elle s'éventait peu à peu, tout simplement.
Démarrer une nouvelle vie n’était pas chose facile, encore moins lorsque personne ne pouvait nous venir en aide pour y parvenir. Mitchell était passé par là, démarrant à zéro une nouvelle vie, avec une nouvelle identité qu’il avait acheté à l’époque à un homme évoluant dans la pègre du nouveau Mexique qui était en contact avec le garagiste qui l’avait gentiment engagé, lui offrant un toit sous lequel vivre avec son frère en échange de plusieurs services. Tout avait été légal, jusqu’au jour ou son patron lui avait demandé de faire quelques courses pour lui pouvant lui rapporter un peu plus d’argent. Pour un homme comme lui, il s’agissait d’une proposition qui ne pouvait pas être refusé et sans attendre, il avait accepté la mission, recevant une bonne liasse de billets comme promis. C’est ce jour qu’il avait compris qu’il y avait beaucoup d’argent à gagner dans ce monde, risqué certes, mais facile. Il trempait dans des affaires pas net avec espoir de vivre pleinement cette nouvelle vie qui s’offrait à lui, loin de Las Vegas, loin de ses souvenirs sanglant et pourtant, il ne pouvait s’empêcher de penser, quelques fois, qu’il n’avait pas fait les bons choix et qu’il aurait dû en profiter pour se lancer dans une carrière notable afin de gagner de l’argent bien mérité et non de s’enrichir grâce à la fraude. Il avait signé son contrat pour un voyage direct en enfer, lui laissant uniquement sa conscience prisonnière de son esprit qui n’avait pas grande facilité à se faire entendre. Fuir s’était presque devenu banale à cette époque, Brisbane les avait accueillis à bras ouvert, leur laissant une opportunité de faire les choses autrement, de repartir une nouvelle fois à zéro sans commettre les mêmes erreurs et pourtant Mitchell, n’avait pas apprit du passé, du moins pas ce qui paraissait être le plus important pour une vie saine sans histoire. Il intégrait la pègre du coin, grâce à sa femme Mavis qui avait des contacts et sans attendre, il avait réussi à gravir les échelons, à croire qu’il avait vu le jour pour en arriver là. Le nouveau départ qu’il attendait tant, était loin de ce qu’il avait imaginé, mais fermait les yeux à ce sujet parce qu’il était devenu roi, gagnant bien plus d’argent en une journée qu’un salarié honnête en un mois. Il ne regrettait presque plus d’avoir dit adieu à Alexander Strange à son départ de Las Vegas et avait apprit à apprécier son pseudonyme. « C’est un très bon début, une vie banale, tout est réuni pour ne pas attirer l’attention sur toi » Pour Lubya, c’était le même sujet, elle fuyait un élément de son passé et avait besoin d’un nouveau départ, heureusement, elle avait réussi à se faire des contacts qui l’avait mené jusqu’au Club et principalement jusqu’à Mitchell qui n’avait pas tardé à tout lui offrir sur un plateau. Sans lui, elle aurait sûrement eu du mal à trouver le filon pour démarrer cette vie en Australie et il en avait fortement conscience. Bien sûr, tout service donnait place à une compensation, c’était la loi de ce monde qui pouvait très bien aider une âme en détresse et la jeter aux ordures par la suite. La blonde avait fait fort impression sur l’Américain, en plus d’être à son goût – il ne pouvait pas le nier,mais une question persistait pourtant. Pourquoi lui avait-il apporté son aide, alors qu’il ne la connaissait ni d’Adam ni d’Eve ? À vrai dire, lui-même avait du mal à y répondre, car la pitié ne faisait pas partie de l’équation. Il avait trouvé chez elle, quelque chose de semblable à sa propre vie, quelque chose qui l’avait poussé à lui tendre la main, puis il ne pouvait pas fermer les yeux sur le fait qu’il avait été comme hypnotisé par cette femme qui se trouvait face à lui. Il ne savait pas encore ce qu’il espérait vraiment d’elle, si la séduire le temps d’une nuit était ce qu’il y avait de mieux à faire ou si avec le temps, il allait développer encore plus d’intérêt pour elle, si elle allait avoir l’effet d’une nouveauté dans sa vie avant de s’estomper au fil des jours. Il avait grand mal à mettre un mot ce qui définissait son ressenti sur la jeune femme et faisait taire ses pensées pour ce concentré sur les dires de la blonde qui le faisait sourire d’avantage alors qu’elle venait de lui donner un numéro de téléphone, son numéro de téléphone. Elle ne lui facilitait pas la tâche, entrant davantage dans le jeu, lui donnant pas le choix de poursuivre sur ce chemin et de la prendre au mot lorsqu’elle lui suggéra de vérifier s’il s’agissait d’un vrai numéro. Ayant enregistré le fameux numéro sur son téléphone, il laissait son doigt glisser jusqu’à la touche d’appel sans la perdre du regard. Sans grande surprise, il entendait le téléphone de la blonde se manifester. « Maintenant, je sais qu’il ne s’agit pas d’un faux numéro. » Qu’il disait se pinçant légèrement la lèvre inférieure. « J’espère qu’elle acceptera de partager un morceau de tarte avec moi. » Qu’il laissait échapper, se demandant une nouvelle fois s’il faisait bien de poursuivre sur ce chemin. Les questions fusaient en même temps que la bouteille de vodka se vidait, laissant place durant un instant à une confession de la part du brun qui n’en avait pas fait tant que ça depuis le début de leur petit jeu. Il parlait que très rarement de son passé et encore moins de ses rêves oubliés et pourtant, il avait saisi l’occasion pour en faire part à la Russe, pensant peut-être qu’elle oublierait certains détails de sa vie le lendemain. Bien sûr, ce passage de sa vie n’avait pas été facile pour Mitchell, qui avait eu du mal à rebondir par la suite. Il avait songé à reprendre des études pour faire quelque chose de sa vie, mais le destin en avait voulu autrement. « Quand la vie a un plan en tête, il est difficile d’aller contre. » Qu’il commençait. « J’ai pensé à une belle et longue carrière dans un domaine respectable, mais d’autres portes se sont ouvertes et j’ai décidé d’emprunter l’une d’elle pour en arriver là aujourd’hui. » Il était vague, mais n’avait pas envie d’entrer dans les détails, non, il tenait à garder une part de mystère. « La moto, c’était toute ma vie. » Qu’il confiait contre toute attente, alors que le sujet semblait clos et prêt à passer à la prochaine question.
L’heure avait tourné et l’alcool avait pris le dessus sur la blonde qui tenait à peine sur ses jambes. Mitchell, amusé, n’avait pas pu s’empêcher de la taquiner à ce sujet, alors qu’un peu plus tôt elle lui faisait part, qu’étant russe, l’alcool avait un effet moindre sur elle. Il riait de plus belle lorsqu’elle répondit à son “attaque“. « Je veux bien te croire là-dessus ! » Que ça faisait du bien de rigoler et de penser à autre qu’il se disait. « Tu as fait du bon boulot ce soir, il va de soi que j’espère te voir parmi ce soir ! » Bien sûr qu’il voulait qu’elle revienne, il l’espérait même, mais ne doutait pas réellement là-dessus. Il passait sa veste sur ses épaules bien conscient que la température n’était plus la même qu’il y a quelques heures, tel un parfait gentleman. « T’en fais pas pour moi, je suis assez solide pour affronter le froid matinal ! » Oh oui, il l’était et avait affronté bien pire que le froid automnal. Le chemin vers l’appartement qu’occupait Lubya fut riche en rigolade, la jeune femme ne cessant de le faire rire par son ivresse et sa parole facile, il avait fallu une vingtaine de minutes pour rejoindre l’intérieur de l’appartement. Il déposait les affaires de la blonde qu’il avait porté sur la table basse. S’apprêtant à lui dire au revoir, il fut coupé dans son élan par la confession de la jeune femme sur son mari, des paroles auxquels il ne s’attendait pas du tout, bien qu’il lui avait posé la question un peu plus tôt, question qui était resté sans réponse. Il prenait la décision de s’assoir à ses côtés sur le canapé, écoutant chaque mot avec beaucoup d’attention, ne s’attendant pas à ce qu’elle lui fasse un monologue, il regrettait presque de ne pas avoir passé la porte plus tôt, non pas que son passé ne l’intéressait pas, au contraire, mais le sommeil réclamait son dû et ce n’était pas le bon moment pour avoir une conversation de ce genre. De nombreuses pensées traversaient l’esprit de l’Américain, alors qu’elle ne cessait de causer. Imaginait-il un futur avec un môme ? Il n’y avait jamais réellement pensé à vrai dire, pourtant l’alarme de l’âge sonnait et s’il devait avoir une descendance, il n’aimerait pas l’avoir à un âge trop avancé, bien conscient que quarante ans, c’était déjà bien avancé. Comment avait-elle pu vivre avec un homme sans amour ? Elle avait bien fait de fuir, mais pourquoi parlait-elle de loyer maintenant ? Il secouait la tête légèrement afin de se re concentrer sur ses lèvres. Elle le disait intelligent ça le faisait sourire, mais il ne pouvait s’empêcher de se demander quand elle allait arrêter de parler. Lorsqu’elle demanda un verre d’eau, il s’empressa de se lever pour rejoindre la cuisine ouverte sur le séjour, lui servant un verre d’eau bien frais qu’il lui apporta avec soin. « Tu ne m’agaces pas. » Bip ! Mensonge. Il reprenait place sur le canapé, tournant la tête vers elle. « Ça devait être un sacré con ce mec, tu as bien fait de le fuir. » Qu’il disait. Était-il bien placé pour avancer ce genre de commentaire ? Peut-être pas, mais puisqu’elle avait décidé de lui parler, il prenait cette liberté. « Et je t’assure, tu ne me dois rien pour le loyer, c’est un avantage comme un autre. » Ajoutait-il, reprenant le verre de ses mains qu’il voyait atterrir sur le sol dont la manière elle le tenait. « Tu as le temps de songé à fonder une famille ou non, puis le faire avec une personne que tu n’aimais pas aurait été sûrement la pire décision de ta vie. » Il s’adossait plus confortablement contre le dossier du canapé regardant le plafond. « Tu sais que j’arrive bientôt sur mes quarante et un an ? Des fois, je songe à ça, à avoir un enfant, à avoir une vie bien rangée. » Qu’il se confiait sans trop vraiment savoir pourquoi il le faisait.
La conversation se poursuivait durant quelques minutes, jusqu’à l’instant ou l’Américain ne reçut aucune réponse de la part de la jeune femme. Il se remettait dans sa position initiale, tournant la tête vers elle remarquant qu’elle s’était endormi. Il faisait un sourire amusé par la situation, additionnant toutes ses forces pour se lever bien décidé à rentrer chez lui pour dormir quelques heures. Il attrapait la belle endormie délicatement sans grand mal, traversant l’appartement pour rejoindre la chambre où il la déposa sur le lit, prenant le soin de la couvrir. Il l’observa quelques secondes avec silence, et s’en alla sans un bruit pour rejoindre son logement qui ne se trouvait pas si loin à pied. S’écroulant sur son lit, il attrapait son téléphone afin d’écrire un sms à Lubya, puisqu’il avait son numéro. Son état d’esprit quant à lui, se comparait à celui d’un adolescent qui revenait d’un premier rencard, il avait passé une bonne soirée et avait apprécié en savoir plus sur la jeune femme.