| (joassan) take it back before it all went wrong |
| | (#)Mar 2 Avr 2019 - 18:58 | |
| joanne & hassan take it back before it all went wrongIt's been a while since the two of us talked, about a week since the day that you walked knowing things would never be the same, with your empty heart and mine full of pain. But everything we talked about is gone, and the only chance we have of moving on was trying to take it back before it all went wrong. ☆☆☆ Au-dessus d’eux, la pluie s’abattait sans discontinuer sur le toit de l’amphithéâtre depuis plus de deux heures, depuis que le dernier cours de la journée avait commencé – à la fois pour le professeur et pour ses élèves. La concentration faisant peu à peu défaut d’un côté comme de l’autre tandis que l’air semblait se charger du trop-plein d’humidité que l’extérieur lui renvoyait, Hassan avait jeté un coup d’œil au cadran de sa montre et décidé que dix minutes ne valaient pas de se lancer dans un nouveau chapitre, aussi mettant un point final au précédent il avait annoncé « Bon, je vois que vous ne tenez plus en place et que ça bavarde dans le fond, alors on va en rester là pour aujourd’hui. » avec l’air d’être aussi arrangé que son audience par l’idée de terminer avec un peu d’avance. Les élèves rangeant prestement leurs affaires pour quitter les lieux avec la délicatesse d’un troupeau d’éléphants, Hassan avait terminé ce qu’il lui restait d’eau au fond de sa bouteille et fouillé le fond de sa besace à la recherche de ses pastilles pour la gorge – un indispensable de tout professeur qui se respectait, tant le métier sollicitait les cordes vocales à longueur de journées. Le dernier étudiant dehors, le brun s’était autorisé un long soupir en savourant le silence que seule la pluie venait troubler. Peut-être aurait-il cessé de pleuvoir d’ici à ce qu’il rentre chez lui … Il espérait, devoir sortir Spike et Bandit sous la pluie n’était un exercice agréable ni pour lui, ni pour eux. Pour l’heure le professeur avait remballé ses affaires et pris soin de fermer l’amphithéâtre à clefs, lesquelles avaient été rendues au secrétariat du bâtiment, après quoi il s’était engouffré dans les escaliers pour rejoindre son bureau deux étages plus haut. Comme chaque mardi, Hassan prolongeait sa présence dans les murs de l’université de deux heures supplémentaires passées dans son bureau, donnant ainsi la possibilité aux étudiants qui le souhaitaient de venir poser leurs questions, réclamer un éclaircissement sur un point de cours, ou solliciter son avis sur un devoir ou l’avancement d’un mémoire. Les années passant le brun avait développé la certitude que certaines interrogations étaient plus simples à formuler de vive-voix qu’à travers un email. La mèche de cheveux lui tombant devant les yeux remise à sa place, il déambulait dans les couloirs avec habitude, l’averse qui continuait dehors donnant à l’atmosphère des reflets jaunâtres qui passaient à travers les fenêtres, laissant présager que le temps ne comptait pas s’améliorer – l’automne, en somme. Un temps à boisson chaude, aussi, et les poches de jean lestées de monnaie dont il ne savait que faire il avait bifurqué en direction du coin pause du deuxième étage, estimant que ses dix minutes grappillées en fin de cours pourraient bien justifier l’achat compulsif d’un Mars ou autre Sneakers pour accompagner son thé. Le soupir impatient et l’impatience maniée face au distributeur de friandises lui étaient parvenus juste avant d’arriver à destination, mais plus habitué qu’il ne le fallait aux caprices de la machine – pourtant neuve, mais bien moins coopérative que l’antiquité qui l’avait précédée – Hassan n’avait pas tant été surpris qu’elle ait gobé la monnaie d’une nouvelle victime que de l’identité de la victime en question. Fut un temps où – et il n’était pas fier de l’admettre – il aurait probablement fait demi-tour avant que Joanne n’ait eu l’occasion de se retourner et de s’apercevoir de sa présence, et si le léger apaisement dans leurs relations au cours des dernières semaines l’avait persuadé de ne pas céder à cette basse facilité, son assurance n’était pas entièrement naturelle lorsqu’il était arrivé à sa hauteur en proposant « Tu permets ? » un sourire néanmoins bienveillant s’étirant au coin des lèvres. Récupérant la monnaie que le distributeur recrachait en semblant ne pas en vouloir, il avait inséré à nouveau les pièces dans la fente, s’armant de gestes moins hésitants que ceux de la blonde quelques instants plus tôt et convaincant ainsi le distributeur de coopérer. Laissant Joanne récupérer son dû, il s’était fendu d’un « Il est un peu capricieux, il faut avoir le coup de main. » tranquille en guise d’explication, et fouillant dans les poches de son blouson pour récupérer sa propre monnaie il avait opté pour le Mars tant attendu. « Tu veux boire quelque chose ? C’est moi qui offre. » Machine à café se dressant juste à côté du distributeur dans le combo parfait de l’étudiant – ou du professeur – en proie au coup de barre de dix heures, Hassan y avait sélectionné un thé noir pour lui et laissant à Joanne le choix de ce qu’elle préférait, caféine et théine probablement proscrites aux vues des circonstances. « Alors, comment on se sent de l’autre côté de la barrière ? À la place du professeur. » Il savait comme la chose pouvait être source de stress, lorsque l’on n’y était pas habitué. Des dizaines de paires d’yeux rivées sur soi, attendant au tournant de voir si vous connaissiez votre sujet ou bien s’ils allaient pouvoir vous manger tout cru ; Il se rappelait encore de l’angoisse et de la peur de ne pas être à la hauteur lorsqu’il avait pour la première fois troqué son costume d’élève contre celui de professeur. Il y repensait avec un brin de nostalgie désormais, il ne s’en était pas si mal sorti.
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| | | | (#)Jeu 4 Avr 2019 - 16:06 | |
| TAKE IT BACK BEFORE IT ALL WENT WRONG it's been a while since the two of us talked | |
Toutes ces pairs d'yeux captivés suivaient le moindre mouvement de lèvres de la jeune femme. Elle ne s'attendait certainement à ce que les étudiants soient aussi attentifs. C'en était presque intimidant, parfois. Marius avait très bien du savoir ce qu'il faisait en faisant commencer la carrière d'enseignante à Joanne à lui attribuant les promotions qui terminaient bientôt leurs études. Le tri avait été fait depuis longtemps au fil des semestres, et il ne restait plus que ceux qui en voulaient vraiment. Elle était toujours un brin impressionnée lorsque dès qu'elle donnait de nouvelles informations, ou qu'une nouvelle diapositive ne s'affichait sur l'écran de la salle de classe, les étudiants frappaient à toute vitesse sur le clavier de leur ordinateur. A leur place, quelques années plus tôt, Joanne écrivait le tout à la main. Elle n'avait pas vraiment les moyens durant cette période de s'acheter un ordinateur, et de toute façon, elle avait plus de faciliter à assimiler les informations lorsqu'elle les écrivait avec sa propre main. Bien que son dos commençait à s'endolorir, elle tenait à rester debout tout du long. De temps en temps, sa main venait masser un peu ses lombaires tout en continuant de parler. Au fil de ses interventions, elle avait fini par trouver ses aises. Du moins, il y avait une nette évolution depuis son tout premier cours, où elle avait eu l'impression de se décomposer, encore plus lorsqu'elle croisait le regard de son mentor. Il était tout aussi bienveillant qu'exigeant et sa présence était autant un soutien qu'un élément de pression. Elle voulait qu'il soit satisfait de la décision qu'il a prise, en l'incluant dans son équipe. Parfois, certains regards lancés par les étudiants la suppliaient presque de s'asseoir, ne pas se faire plus mal avec sa condition. Mais Joanne était têtue et tenait à gérer jusqu'au bout. Une fois que la salle de classe était vide, en revanche, elle n'attendait pas bien longtemps pour soulager sa colonne vertébrale. La jeune maman passait une main sur son ventre, un fin sourire satisfait sur son visage. En guise d'anniversaire de mariage, Jamie lui avait offert un terrain pour la maison de leur rêve, et elle, le sexe de leur deuxième enfant en mettant autant de décorations et d'objets roses possibles dans le séjour, avant qu'il ne rentre du travail (quoi qu'il était systématiquement celui qui rentrait le plus tard depuis de nombreux mois). Il était on ne peut plus heureux d'avoir bientôt une petite fille, lui qui désirait plus que tout en avoir une (et, idéalement, qu'elle soit le portrait craché de sa mère). Ce n'était qu'après de longues minutes d'appréciation du calme qui régnait dans la pièce que les hormones faisaient des leurs. Les envies alimentaires compulsives des femmes enceintes n'étaient pas vraiment une légende. Et avec cette grossesse là, Joanne tombait facilement sur les mets chocolatées. Cette fois-ci ne faisait . D'habitude, elle emmenait toujours une barre chocolatée ou un fruit dans son sac à mains, mais elle avait oublié. La petite blonde si peu habitée à utiliser les distributeurs de nourriture, mais là, son envie de chocolat ne pouvait vraiment pas attendre le retour à la maison. Elle rassemblait donc ses affaires et quittait la salle de classe. Elle récupérait quelques pièces de monnaie dans son portefeuille tout en marchant. Un long soupir s'échappait de sa bouche lorsque la machine ne comptait pas lui donner la barre chocolatée qu'elle venait tout juste de payer. Du moins, ses pièces ne semblaient pas lui convenir. Si ça ne tenait qu'à elle, elle serait partie résignée, sans aller se plaindre où que ce soit. Ne s'attendant absolument pas à ce que quelqu'un puisse venir à son concours, elle sursauta légèrement lorsqu'elle entendit une voix masculine plus que familière à côté d'elle. Elle lui rendait le même sourire , véritablement ravie de le revoir. L'atmosphère était bien moins pesante qu'avant. Tout n'était pas encore derrière, la rancoeur ayant la peau dure, mais les efforts commençaient à payer. Néanmoins, cette amertume ne dissuadait pas le beau brun d'aider son ex-femme. Elle acquiesça d'un timide signe de tête lorsqu'il l'aidait avec le distributeur. "Merci beaucoup." lui souffla-t-elle, véritablement reconnaissante, avant de récupérer sa barre chocolatée. "Tu dois certainement bien plus l'habitude que moi. D'habitude, j'ai toujours ce qu'il faut pour le goûter, mais ce matin, c'était un peu la course et j'ai complètement oublié." expliqua-t-elle tout en le regardant opter pour un met du même ordre que celui qu'elle avait pris. Le professeur lui proposait d'accompagner leur encas fort diététique avec une boisson chaude. Joanne acceptait volontiers. Bien que la consommation de thé et de café était à limiter durant la grossesse, une petite tasse de temps en temps ne faisait pas non plus de mal. Surtout qu'elle doutait fort que le thé servi dans cette machine soit véritablement délétère pour elle et son bébé. "J'étais tétanisée, à mon premier cours." avouait-elle. Quoique cela n'avait rien de surprenant devant Joanne. "Je le suis toujours un peu d'ailleurs." Elle rit nerveusement, comme pour se décharger un peu. "Je veux dire, c'est vraiment génial de pouvoir partager, apprendre à ces jeunes. Ca me plaît. Mais ça ne m'a pas empêchée de me demander comment tu arrives à faire depuis tout ce temps." Pour cela, Joanne avait toujours été admirative de l'emploi de son ex-mari. Elle se souvenait encore très bien des fois où elle s'immisçait au sein d'autres étudiants rien que pour assister à ses cours (ou surtout pour l'admirer et le narguer). Jusqu'à ce qu'on leur suggère vivement de faire attention à ne pas trop étaler leur amour sur le campus. Les relations professeurs-étudiants n'étaient pas tolérées à l'université, même si le professeur en question sortait déjà avec l'étudiante en question avant qu'il n'obtienne son poste d'enseignant. "Marius a tenu à être là pour mon premier cours, j'ai cru que j'allais me décomposer sur place. Tous ces regards rivés sur moi... Ca m'a vraiment effrayée, sur le coup. J'avais l'impression que je n'avais pas le droit de faire de gaffes." En dehors de nombreux bégaiements, elle ne s'était pas ridiculisée. Mais ne pas avoir de retours des étudiants avait quelque chose d'angoissant. Ils ne disaient pas si le contenu leur plaisait, les intéressant. Certes, ils prenaient de nombreuses notes et posaient des questions, mais Joanne se demandait si c'était par intérêt ou que ses cours manquaient cruellement de données. Marius lui en aurait fait la remarque, si c'était le cas. "J'aurais droit de corriger mes premières copies bientôt, aussi." dit-elle, laissant échapper un rire nerveux, en haussant les sourcils. "Ca occupera mes journées une fois que le bébé sera là." Joanne souffla sur la surface d'un thé qui était bien trop chaud pour elle. "Marius n'est pas très enthousiaste à ce sujet. Il est vraiment fixé sur sa carrière professionnelle et je pense qu'il voit ma grossesse comme... un frein. Même si je sais qu'il est heureux pour moi. Mais on devine qu'il grince un peu des dents quand je lui rappelle que le moment où je devrais me mettre en congés maternité arrive à grand pas." La jeune femme arrivait durant cette période où la fatigue se ferait de plus en plus ressentir. D'autant plus qu'elle se rendait régulièrement chez un kinésithérapeute pour soulager ses maux de dos. Et à côté de ça, il y avait son quotidien habituel à gérer. "Mais parle-moi de toi." finit-elle par dire, se rendant qu'elle était particulièrement bavarde. "Tu as eu des nouvelles de l'assistante sociale qui était venue me voir ? Et pour l'adoption, il y a eu des avancées ?" s'intéressa-t-elle, véritablement soucieuse de son bonheur. Ils avaient échangé par message. Joanne l'avait rapidement contacté une fois qu'elle avait passé son entretien avec l'assistante sociale, afin de lui faire un rapport détaillé de cette rencontre. Elle avait fait au mieux pour mettre en avant les capacités d'Hassan à adopter, à pouvoir être un incroyable père. Elle savait que ce genre de demandes prenait des mois, voire des années, avant d'être acceptée. Joanne tenait être à l'affût de la moindre nouvelle, afin de savoir si elle pouvait l'aider ou le soutenir une nouvelle fois durant ce long processus.
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| | | | (#)Mer 1 Mai 2019 - 10:14 | |
| Jamais, lorsqu’il avait entamé ses études, Hassan ne se serait imaginé un instant continuer de fouler le sol de cette université dix-huit ans plus tard. Curieux par nature, probablement atteint par le spectre de l’hyperactivité que les années – et la santé – n’avaient que vaguement ensommeillé, le brun avait été de ces jeunes adultes dévorés par mille et une envies qu’une seule vie n’aurait pas été suffisante pour assouvir. Les mois passés à Téhéran lui avaient donné envie de voir le monde, de trouver un moyen d’y poser sa propre pierre, lui avaient donné le goût des voyages … Et pourtant il était là. Près de deux décennies plus tard, les moindres recoins de l’université n’ayant plus aucun secret pour lui, et la certitude bien ancrée qu’il n’échangerait sa carrière pour rien au monde. Il était dans son élément ici, porté par une carrière dont la révélation ne lui était venue que sur le tard, une fois un doigt mis dans l’engrenage et le « virus » attrapé ; Sa connaissance des combines pour apprivoiser les distributeurs automatiques du campus n’en était qu’un très mince aperçu. « Tu dois certainement avoir bien plus l'habitude que moi. » avait d’ailleurs fait remarquer Joanne après l’avoir remercié de son coup de main « D'habitude, j'ai toujours ce qu'il faut pour le goûter, mais ce matin, c'était un peu la course et j'ai complètement oublié. » Récupérant son Mars dans la fente de la machine, Hassan avait poliment proposé un thé à la blonde et en avait donc quémandé deux à la machine devant son acceptation. « Ce distributeur est un sauveur de vie quand j’enchaine ABC et l’université sans avoir eu le temps de manger. » Fait qui se vérifiait d’autant plus depuis la rentrée, sa participation à la dernière campagne de la chaîne semblant l’avoir propulsé au rang de visage désormais un brin familier pour les téléspectateurs, et le rythme de ses interventions s’en état retrouvé plus important. S’appuyant légèrement contre le socle en croisant les bras le temps que leurs boissons soient prêtes, il avait tenté de surfer sur la vague d’une conversation normale avec son ex-épouse en la questionnant sur le tout nouveau rôle qu’elle occupait de temps à autres sur le campus. « J'étais tétanisée, à mon premier cours. Je le suis toujours un peu d'ailleurs. » lui avait-elle alors avoué, un brin de nervosité transparaissant dans la voix. « Je veux dire, c'est vraiment génial de pouvoir partager, apprendre à ces jeunes. Ça me plaît. Mais ça ne m'a pas empêchée de me demander comment tu arrives à faire depuis tout ce temps. » Un léger rire lui échappant, le professeur avait tendu à Joanne son gobelet de thé et désigné les quelques petits fauteuils et minuscules tables installées à proximité des distributeurs, pour la persuader de s’y installer. « Tu as l’air d’avoir oublié à quel point j’étais terrorisé avant mon premier cours. J’en avais pas fermé l’œil les deux nuits précédentes, tellement j’étais stressé. » L’aisance n’avait rien eu d’innée, elle lui était venue avec le temps, mais elle avait définitivement été le déclencheur lui ayant permis de réaliser que l’enseignement faisait pour lui figure de vocation. « Les choses deviennent plus facile une fois qu’on intègre que les élèves ne sont pas là pour scruter la moindre faiblesse – et puis à cet âge-là, s’ils sont encore en cours c’est qu’à priori le sujet les intéresse. » Hassan le voyait d’autant plus en donnant des cours de soutien au lycée, intéresser des élèves qui savaient pourquoi ils étaient là était une promenade de santé comparé au fait de tenter de capter l’attention d’adolescents qui rêvaient d’être ailleurs, partout sauf dans les murs d’un lycée dont ils se sentaient prisonniers. Mais c’était un challenge, dans un sens, et Hassan était homme à aimer les défis à relever. « Marius a tenu à être là pour mon premier cours, j'ai cru que j'allais me décomposer sur place. Tous ces regards rivés sur moi ... Ça m'a vraiment effrayée, sur le coup. J'avais l'impression que je n'avais pas le droit de faire de gaffes. » Tirant sur l’emballage de son Mars pour l’en débarrasser, le brun avait questionné « Mais puisque tu es encore là, j’en conclus que les choses se sont bien passées ? » de manière assez rhétorique. Marius était un homme rigoureux lorsqu’il était question de son travail, il n’acceptait ni l’à peu près ni l’amateurisme, et toute femme enceinte qu’elle était Joanne n’aurait probablement pas eu le droit à une seconde chance si elle n’avait pas su faire ses preuves. « J'aurais droit de corriger mes premières copies bientôt, aussi. Ça occupera mes journées une fois que le bébé sera là. » Pas la partie la plus palpitante de l’enseignement, du moins c’était son point de vue, mais avant qu’il ne puisse le partager la blonde avait repris d’un ton qu’il devinait un brin préoccupé « Marius n'est pas très enthousiaste à ce sujet. Il est vraiment fixé sur sa carrière professionnelle et je pense qu'il voit ma grossesse comme ... un frein. Même si je sais qu'il est heureux pour moi. Mais on devine qu'il grince un peu des dents quand je lui rappelle que le moment où je devrais me mettre en congés maternité arrive à grand pas. » Haussant vaguement les épaules, et tâchant au mieux de ne rien laisser paraître de la tristesse que lui inspirait la maternité de son ex-épouse quand il la comparait au désert de sa non-paternité, il avait assuré avec un semblant de certitude « Marius est bien trop professionnel pour envisager faire une réflexion à ce sujet. Peu importe ce qu’il en pense à titre personnel. » Et s’il se révélait ne pas l’être, Joanne aurait tout intérêt à se défaire de leur collaboration … Mais encore une fois, Warren était un homme droit lorsqu’il s’agissait de son travail. Sentant peut-être qu’elle monopolisait la conversation, la blonde avait de son côté décidé de changer de sujet « Mais parle-moi de toi. » suggéra-t-elle alors, avant de reprendre d’un intéressé « Tu as eu des nouvelles de l'assistante sociale qui était venue me voir ? Et pour l'adoption, il y a eu des avancées ? » sans se douter du malaise que sa question jetterait sur Hassan. Semblant hésiter sur la réponse à donner, visiblement mal à l’aise, le brun avait détourné le regard et admis dans un souffle « Non, je … Enfin oui, si, j’ai eu de ses nouvelles, mais … » Mais là n’était plus la question, désormais, ou du moins avait-il fini par s’en persuader tel le canasson qui refusait de se mesurer à l’obstacle en le pensant hors de sa portée. « Je ne suis plus certain de vouloir présenter mon dossier. C’était probablement une erreur, j’ai pas … je pense que j’ai été un peu trop ambitieux de vouloir me lancer là-dedans. » Il doutait de tout, désormais. De sa légitimité, de ses capacités, et même des raisons qui l’avaient en premier lieu décidé à sauter le pas – une bêtise, sans doute.
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| | | | (#)Mar 7 Mai 2019 - 15:39 | |
| TAKE IT BACK BEFORE IT ALL WENT WRONG it's been a while since the two of us talked | |
Joanne n'avait jamais caché l'admiration qu'elle avait pour son ex-mari par rapport à ses capacités en matière d'enseignement. Elle s'était immiscée plusieurs durant ses cours alors qu'elle était encore étudiante, alors qu'elle n'avait rien à faire en leçon de géo-politique, juste pour l'observer amoureusement. Elle avait devant elle un bloc notes et un stylo pour ne pas paraître venir en touriste, mais ne prenait aucune note. Elle l'écoutait, tout simplement. Joanne se devait de reconnaître qu'elle s'y rendait aussi pour le taquiner un peu, peut-être pour le perturber (juste un peu aussi). Cela mis à part, la jeune femme se disait à l'époque que jamais elle ne se sentirait capable de ce qu'il faisait et elle avait à nouveau eu une très forte pensée pour lui le jour de son premier cours. Comment Hassan ferait ? Une question qu'elle s'était posée avant d'avoir à prononcer les premiers mots de son cours minutieusement préparée devant ses étudiants, qui eux, étaient bien curieux de connaître ce petit bout de femme en cloque. Il était vrai qu'elle avait occulté les nuits qui avaient précédé le premier cours d'Hassan à l'époque. La jeune femme avait fait au mieux pour le rassurer, pour le rendre plus serein. Elle savait qu'il allait exceller, et le résultat était là depuis. Cela n'avait pas empêché Hassan de compter les heures toute la nuit durant pendant que sa compagne avait fini par s'assoupir bien malgré elle alors qu'elle aurait bien préféré lui tenir compagnie le reste du temps pour discuter avec lui, prendre soin de lui. "Mais tu t'en es très bien sorti." finit-elle par dire. A croire que cette immense dose de stress lui avait tout de même été bénéfique, d'une manière ou d'une autre. "Je t'ai toujours admiré pour ça." admit-elle, soudainement bien timide de lui faire cette confession, étant donné l'état actuel de leur relation. Elle baissait les yeux, un brin gênée. Marius avait tout de même accordé à Joanne une solution de facilité en lui permettant d'enseigner pour les étudiants en fin de cursus. A ce stade, il était certains que ceux qui restaient étaient des passionnés et qu'il y avait bien peu de chance qu'elle mette Joanne en difficulté. Un petit coup de pouce au milieu des nombreuses exigences et attentes de son mentor. "J'ai toujours beaucoup aimé encadrer les stagiaires qui débarquent au musée, mais jamais je ne me serai attendue à atteindre l'étape supérieure." Les stages étaient difficiles à obtenir. Il y avait beaucoup de demandes pour peu de places et ceux qui les obtenaient se devaient de prouver qu'ils en voulaient. Joanne avait rapidement compris qu'elle aimait apporter sa connaissance aux autres et jusqu'alors, le fait que ce ne soit que ponctuel lui convenait. Enseigner à une plus grande échelle n'avait jamais été véritablement un objectif dans sa vie professionnelle, mais elle s'y plaisait beaucoup. Et Marius laissait largement deviner qu'il avait de très nombreux projets en tête avec l'équipe qu'il s'était construit. "Mais je m'y retrouve." finit-elle par dire après avoir été dans ses songes durant quelques minutes, surprise elle-même de constater combien ça pouvait lui plaire. "C''est une nouvelle motivation pour moi de faire de plus amples recherches de mon côté et les étudiants m'ont l'air d'être vraiment intéressés par ce que je dis, ce qu'ils peuvent apprendre. Parfois, il y a de de véritables échanges qui se font." Joanne était de nature curieuse. Si elle s'interrogeait sur une notion particulière en rapport avec l'art ou l'histoire ou les deux, il n'était pas rare de la voir devant l'écran son ordinateur, une bibliothèque ou un musée jusqu'à ce qu'elle trouve la réponse à ses questions. Si Hassan ne la trouvait pas sur le dans sa chambre sur le campus ou à leur chez eux à l'époque, il savait qu'il pouvait la trouver à la bibliothèque universitaire, plongée dans de gros livres d'histoires de l'art. "Tout s'est bien passé, oui." approuva-t-elle, peinant à dissimuler sa fierté par rapport à ce qu'elle considérait comme un exploit. "Du moins, rien de ce que je pouvais craindre le plus ne s'est passé." Ce qui, en soi, était la plus belle des victoires à ses yeux. Cependant, Joanne était plus inquiète de l'attitude de son supérieur par rapport à sa grossesse, qui allait bientôt lui demander plus de repos qu'autre chose. "Je dois avouer que ça me touche malgré tout. J'ai l'impression qu'il ressent comme une sorte d'aversion ? Comme si j'étais malade." Il n'avait certainement pas la même vision de la famille que Joanne, ou même Hassan pouvait avoir. Mais elle trouvait cela particulièrement déroutant et bien qu'elle s'était bien positionnée sur la question, elle vivait ce ressenti plutôt mal. La petite blonde avait noté que son ex-mari était particulièrement touché par le fait qu'elle parle de sa grossesse. C'était ce qu'ils auraient pu avoir ensemble, il y a longtemps. Et c'était quelque chose qu'il ne pourrait jamais vivre, si ce n'est d'envisager la paternité grâce à l'adoption. C'est pourquoi Joanne avait rapidement embrayé le sujet sur le dossier qu'il était en train de monter afin d'espérer pouvoir élever un enfant qu'il considérerait pour le sien. Hassan fut d'abord hésitant de partager les nouvelles, peut-être parce que c'était Joanne, peut-être parce que c'était un sujet très personnel pour lui. Peut-être un peu des deux. Le regard fuyant, il partageait avec hésitation ses doutes et ses incertitudes sur ce projet qui lui tenait indéniablement très à coeur. La petite blonde l'observa longuement, avec une grande bienveillance. Une partie d'elle était tentée de se montrer un peu plus tactile, en guise d'affection et de soutien, mais elle doutait fort qu'il l'accepte. Elle ne voulait pas créer un malaise alors que c'était la première fois depuis très longtemps qu'ils parvenaient à avoir une conversation relativement normale. Mais elle ignorait comment faire d'autre pour attirer son attention, pour lui montrer qu'il avait son soutien durant les étapes difficiles de son projet. "Hassan..." souffla-t-elle en déposant délicatement et avec hésitation sa main sur celle posée sur son genou, avec autant de douceur et de bienveillance que possible. Qu'il accepte son toucher ou non, Joanne accepterait dans tous les cas sa préférence et elle ne s'en sentirait nullement offusquée. "Tu as toujours été ambitieux, et tu le seras toujours." Elle parlait à voix basse, comme si elle craignait que quelqu'un n'épie leur conversation, ce qui apportait un soupçon d'intimité à leur conversation. "Et ça reste une qualité que j'admirerai toujours chez toi. Et d'autant que je sache, tu voulais et tu veux toujours être père." Peut-être pas de la manière dont il l'espérait, dans un monde parfait, mais ce désir, ce besoin, était toujours bien présent. Et malgré ses hésitations, Joanne le voyait. "Toi qui aime les challenges, je t'assure qu'éduquer un enfant, c'en est un." Mais c'était un défi qui rendait heureux, qui motivait chaque début de journée à se dérouler dans les meilleures conditions possibles. "Je t'ai dit que je t'aiderai d'autant que je le peux pour ça, et je le ferai. Je te le promets." Et la première étape était apparemment de remotiver les troupes. Son regard bleu était plongé dans ses yeux bruns, et s'assurait qu'il ne s'en détache pas. "Qu'est-ce qui te fait douter ?" Cela le poussait un peu à la confidence, Joanne avait parfaitement conscience qu'il pouvait se refermer comme une huître par crainte d'être à nouveau blessé par son ex-épouse. Mais celle-ci avait besoin de ces réponses pour pouvoir l'aider et trouver les solutions aux problématiques qui se présentaient à lui. Malgré sa curiosité, son ton n'était pas insistant, mais intéressé."Il y a toujours des moments où on doute de tout. Au moment même où une incroyable opportunité nous ouvre grand les bras." C'était un pas vers l'inconnu, vers beaucoup de responsabilités, une pression et une attente qu'il fallait savoir gérer afin de ne pas perdre pied. "Ce n'est pas trop ambitieux, Hassan. Je t'assure. Pas pour toi. C'est un très beau projet. Qui demandera des efforts, qui fera peut-être même suer et pleurer. Mais ça en vaut tellement la peine." Lui-même n'avait pas pensé survivre à une maladie qui comptait déjà bien trop de victimes à son actif, et pourtant le voilà à prévoir des projets sur le long terme qui ne lui apporteraient qu'un peu plus de bonheur. "Tu le mérites, plus que quiconque." lui dit-elle après avoir marqué une pause. "Et je ne voudrais pas que tu viennes à le regretter plus tard, si tu préférerais ne pas déposer ton dossier." Elle lui adressa un sourire sincère et bienveillant. Elle n'était peut-être pas la meilleure placée dans l'histoire, mais c'était pourtant à elle, à ce moment précis, qu'Hassan avait fini par lui partager ses doutes. Ce n'était pas rien, ce n'était pas anodin qu'il lui en fasse part alors qu'il aurait très bien pu éviter la question, estimant qu'elle n'avait pas à en savoir plus sur l'avancement de son projet.
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| | | | (#)Lun 10 Juin 2019 - 15:40 | |
| La phase de découverte par laquelle Joanne passait actuellement, Hassan l’avait connue lui aussi au tout début de sa carrière professorale. Un mélange de stress et d’angoisse, couplé à une volonté de travail bien fait, et finalement la sensation agréable de partager un savoir pour lequel l’audience avait un réel intérêt. Pour lequel, même, les élèves étaient curieux et demandeurs, les moins timides n’hésitant pas à poser des questions pour approfondir un point où obtenir un éclaircissement quelconque. Il y avait là-dedans quelque chose d’incroyablement gratifiant, en plus de la chance que représentait selon Hassan le fait de gagner sa vie en parlant de choses qui le passionnait. Son baptême du feu désormais derrière elle, Joanne avait avoué « Tout s'est bien passé, oui. » dans un sourire. « Du moins, rien de ce que je pouvais craindre le plus ne s'est passé. » Et si de ce fait, la suite du programme aurait dû lui sembler moins épineuse maintenant qu’elle avait fait le plus dur, à savoir se lancer, un détail malgré tout semblait faire de l’ombre au tableau. Un détail qui répondait au nom de celui qui en premier lieu l’avait embarquée dans cette nouvelle perspective. Si Hassan ne s’en étonnait qu’à moitié – Marius Warren ne semblait pas être de ces hommes qui accordaient à la vie personnelle une importance équivalente à celle professionnelle – il peinait néanmoins à croire que son collègue puisse décider de tenir rigueur à Joanne de ne pas en faire de même, de quelque façon que ce soit. « Je dois avouer que ça me touche malgré tout. J'ai l'impression qu'il ressent comme une sorte d'aversion ? Comme si j'étais malade. » Un court instant, le brun fut tenté de croire que les suppositions de son ex-épouse étaient peut-être amplifiées par sa tendance naturelle à l’angoisse, et par la fluctuation de ses hormones. Mais conscient que le faire remarquer ne serait ni correct ni délicat de sa part, il s’était contenté de lui assurer avec calme « Je suis sûr que ça n’est pas contre toi. Certaines personnes ne sont simplement pas très branchées famille. » Et pour autant qu’il sache, le professeur Warren n’avait pas d’enfants de son côté. Que ce soit par choix ou parce que la vie en avait décidé ainsi, en revanche, Hassan n’en savait rien et n’en était pas curieux – il avait déjà bien suffisamment à faire avec ses propres désirs contrariés de paternité sans avoir besoin de se questionner sur ceux des autres. Et comme si elle était parvenue à suivre le cheminement intérieur qui l’avait amené à passer de l’opinion d’un collègue sur la fondation d’une famille à ses propres tracas sur le sujet, Joanne avait fini par le questionner à ce sujet. Mais loin de ses grandes résolutions de la fin de l’année, le brun nageait – ou se noyait, plutôt – désormais en pleine mer d’angoisses et de désillusions, rattrapé par les incertitudes et les remises en question perpétuelles qui faisaient son quotidien depuis que le big C était venu redistribuer les cartes. Sa légitimité à vouloir se lancer dans un tel projet semblait maintenant lui faire défaut, et il se retrouvait désormais à justifier maladroitement de son probable revirement. « Hassan ... » Un peu dérouté par la manière dont elle avait posé une main sur son genou, il avait néanmoins conservé silence et immobilisme tel le condamné à mort attendant avec résignation que l’on confirme sa sentence. « Tu as toujours été ambitieux, et tu le seras toujours. Et ça reste une qualité que j'admirerai toujours chez toi. Et d'autant que je sache, tu voulais et tu veux toujours être père. » Et c’était vrai. Mais il n’était pas question de sa volonté, ici ; Ce n’était pas elle qui le faisait douter, et remettait tout en question. Joanne, de son côté, avait repris « Toi qui aime les challenges, je t'assure qu'éduquer un enfant, c'en est un. Je t'ai dit que je t'aiderai d'autant que je le peux pour ça, et je le ferai. Je te le promets. » Aussi touchante était la volonté de la blonde de lui offrir son aide, particulièrement à la lueur de ce qui n’avait eu cesse de les déchirer ces cinq dernières années, Hassan se sentait mal à l’aise. Mal à l’aise à l’idée de devoir compter sur elle à quelque niveau que ce soit pour tenter de mettre sur pieds une famille qu’il aurait tout donné pour construire avec elle, fut un temps. Et ce regret-là, s’il avait fini par vivre avec, ne disparaitrait jamais complètement. « Qu'est-ce qui te fait douter ? » avait de son côté repris la jeune femme, loin des questionnements intérieurs qui secouaient son ex-époux. « La légitimité ? La peur de me prendre un gadin monumental ? Entre les deux mon cœur balance. » s’était-il alors entendu répondre avant que ne lui échappe un bref rire nerveux. Mais la vérité c’est que si gadin il y avait, il n’était pas certain qu’il pourrait s’en relever ; Il n’était pas certain que ce ne serait pas l’échec de trop. « Il y a toujours des moments où on doute de tout. » avait alors enchaîné Joanne, pleine de certitudes qui manquaient assurément au professeur. « Au moment même où une incroyable opportunité nous ouvre grand les bras. Ce n'est pas trop ambitieux, Hassan. Je t'assure. Pas pour toi. C'est un très beau projet. Qui demandera des efforts, qui fera peut-être même suer et pleurer. Mais ça en vaut tellement la peine. » Il avait tellement envie d’y croire en écoutant Joanne, tellement envie d’y croire que sa gorge s’était serrée avec émotion, une émotion à laquelle se mélangeait malgré tout un brin de tristesse en réalisant que ces mots-là, il aurait souhaité les entendre d’une autre bouche. Trop ambitieux, là aussi. « Tu le mérites, plus que quiconque. Et je ne voudrais pas que tu viennes à le regretter plus tard, si tu préférerais ne pas déposer ton dossier. » Son thé refroidissant dans sa main sans qu’il ne s’en préoccupe plus, Hassan avait semblé fixer un point invisible quelque part au loin, et paraissait toujours à demi-perdu dans ses pensées lorsqu’il avait répondu à voix basse « Plus le temps passe plus j’ai l’impression que c’est sans espoir, et que ça ne sert à rien que je m’inflige une déception pareille. » Avait-il vraiment besoin de ça ? Probablement que non. « Faut voir les choses en face. J’approche des quarante ans, je suis seul, je n’ai pas de famille à proprement parler à proximité, ma santé est ce qu’elle est, j’ai deux tentatives de suicide au compteur … Aucune personne censée ne me confierait un enfant. » Le reste ne comptait pas. Sa bonne volonté n’était pas un argument, la parole de ceux qui avaient accepté de plaider en sa faveur ne pèserait sans doute pas aussi lourd qu’il l’aurait voulu, sa rémission n’était pas une guérison, Qasim était loin, quant aux Khadji … « Yasmine m’évite, depuis que je lui en ai parlé. Je suppose que c’est plus simple que d’admettre qu’elle trouve l’idée ridiculement mauvaise. » Et l’amertume, jusque-là cachée derrière une dose de fatalisme, de pointer le bout de son nez. « Et puis, Qasim et Olivia ont l’air tellement débordés depuis la naissance de leur petit dernier. Alors qu’ils sont deux, et qu’ils sont déjà passés par là … Comment, moi, j’ai pu avoir la prétention de penser que je pourrais être à la hauteur tout seul ? » Sa voix avait déraillé légèrement sur la fin de sa question, et ravalant précipitamment sa frustration Hassan avait secoué lentement la tête. « J'ai l'impression d'être un gamin qui réclame un chiot pour son anniversaire mais qui n’a aucune idée de comment s’en occuper correctement. » Et il se sentait bête. Égoïste, et tellement bête.
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| | | | (#)Sam 15 Juin 2019 - 16:15 | |
| TAKE IT BACK BEFORE IT ALL WENT WRONG it's been a while since the two of us talked | |
Depuis toujours, Joanne avait été trop réceptive aux impressions des autres. Ses parents ayant pendant longtemps estimé mieux savoir ce qui était le mieux pour elle, leur influence avait empêché à la jeune femme de se forger une carapace imperméable au moindre regard de travers, au moindre soupir. Hassan l'avait connue alors qu'elle dégoulinait encore de naïveté et d’innocence, alors qu'elle entrait dans une phase où ces deux traits avaient tendance à s'évanouir pour laisser place à des traits de caractères plus prononcés, faisant de chacun une personne unique. Hassan faisait partie de ces personnes qui avait réussi à dompter cette partie d'elle, à la rendre peut-être un peu moins niaise sans pour autant lui retirer ce qu'elle était. Et Marius, lui, était vraisemblablement réfractaire à une vie de famille. Contrairement à Joanne et à son ex-mari, qui avait aspiré à une vie que le professeur d'Histoire de l'Art ne semblait guère enthousiaste pour. Les paroles du brun l'avaient rassurée, suffisamment pour qu'elle n'ait pas l'envie de rebondir sur le sujet, considéré désormais comme clos. Joanne avait ensuite embrayé sur un sujet plus sensible, plus personnel, qui aurait peut-être pu ruiner toute cette entrevue s'il avait refusé de s'ouvrir un petit peu à elle. Elle ne lui en aurait pas voulu, s'il avait refusé de s'épancher sur le sujet. Mais le brun semblait avoir besoin de partager ses doutes et ses appréhensions, même à son ex-femme. Celle-ci fit alors au mieux pour lui trouver des paroles d'encouragement. Bien qu'elle était incertaine qu'Hassan ne soit réceptif à la main posée sur la sienne, Joanne s'y était risquée. Et pourtant, à sa plus grande surprise, il ne l'avait pas rejetée. Peut-être qu'il s'était sensiblement raidi, lui-même perplexe par cette approche aussi soudaine qu'imprévue. Mais il ne voulait pas se déloger de son contact. "La légitimité ?" reprit-elle d'un air interrogatif. "Tu te sens moins légitime qu'un autre de pouvoir adopter, d'avoir un enfant dont tu t'occuperais quotidiennement ?" Joanne craignait qu'il ne réponde à cette question de manière positive. L'adoption était un véritable engagement. Quelque part, une sorte de sacrifice aussi. C'était un don de soi, une dose infinie d'amour à injecter pour un être qui ne demandait que cela. Une dose infinie de courage pour venir à bout de toutes les épreuves, de tous les tests, de toute la paperasse administrative. Et de tout cela, Joanne restait fermement convaincue qu'il en était capable. "Tu as besoin de t'investir pleinement dans un projet, dans quelque chose qui donnera une nouvelle orientation à ta vie." Car, peut-être que c'était ce qu'il se cherchait, au fond. Une véritable raison de vivre. Un nouveau fil conducteur. "Tu as envie d'être père." Son regard cherchait le sien, afin qu'il ne puisse pas s'en détacher. Pas une seule seconde. "Et rien que pour ça, tu es tout aussi légitime que n'importe quel homme rêve de l'être." Certes, son passif avait toute son importance pour remplir son dossier administratif pour sa demande d'adoption. Mais aux yeux de Joanne, il y avait là une certaine injustice. Les juges, les assistants sociaux ne connaissaient pas autant Hassan qu'elle pouvait le connaître. Sa parole avait un poids dans le dossier, certes, mais ça n'allait pas tout résoudre. "J'ai connu plus du double de fausse-couches que de grossesses que j'arrive à mener à terme." Joanne avait une santé physique et psychique rapide. Difficile pour elle de ne pas faire transparaître sa peine face à ces pertes. "C'était à chaque fois la pire des déceptions. Et pourtant, je reste entêtée. Je voulais réessayer. Je savais ce qui m'attendait derrière, je connaissais les risques." Sa voix tremblaient sensiblement. Cela restait toujours difficile à évoquer pour elle. Joanne était connue pour être têtue : une fois qu'elle avait une idée en tête, il était très compliqué de l'en défaire. "Mais je le voulais, je le voulais tellement." dit-elle en levant les yeux au ciel, émue aux larmes, qui étaient venues border ses yeux. "Et je me suis dit que le seul moyen d'y parvenir, c'est d'essayer. A chaque fois je me disais, allez, encore une fois. Même s'il y avait ces moments où j'avais envie de dire stop, de tout arrêter tant la souffrance, à chaque fois que j'en perdais un, était insupportable." Ce n'était pas le genre de douleurs dont on pouvait prendre l'habitude. "Je te dis ça, parce que je sais que tu es pareil." Quand ils avaient commencé à essayer, quand ils étaient mariés, ils ne se laissaient pas décourager. Ils se disaient que ce n'était pas le bon moment, que c'était peut-être le stress de ne pas y arriver, qu'il fallait persévérer. "Et peut-être que tu as changé ces dernières années, et moi aussi. Mais je reste convaincue que cette partie de toi, là, n'a pas changé. Que tu en veux toujours autant. Et que s'il doit y avoir déception, autant l'avoir tout en sachant que tu as tout donné pour que ça fonctionne, que tu aies mis toutes tes cartes en jeux, que tous les moyens possibles et imaginables aient été mis en place pour que tu puisses espérer adopter un enfant." C'était comme un match de rugby, avec une victoire plus que désirée. Si l'équipe d'Hassan et Rhett avaient perdu tout en sachant qu'ils n'avaient pas donné le meilleur d'eux-même durant le temps imparti, ils auraient été déçus d'eux-mêmes, frustré parce qu'ils savaient qu'ils auraient pu faire mieux. La défaite aurait été moins amère s'ils savait qu'ils avaient tout donné durant ce match. Une finalité douce-amère, mais moins insupportable à vivre, sûrement. La situation pouvait aisément se retranscrire sur le dossier d'inscription à l'adoption. La jeune femme resta figée lorsqu'il mentionnait ses deux tentatives de suicide. Ce n'était pas tomber dans l'oreille d'une source, et de le savoir l'ébranla au plus haut point. Il était si désespéré, tant à bout, qu'il avait attenté à sa vie deux fois. C'était déjà deux fois de trop. "Alors je suis une personne insensée." dit-elle, au bord des larmes. "Pour autant que ça puisse valoir à tes yeux. Mais moi, j'y crois." Joanne ne changerait pas d'avis. Têtue, vous dis-je. Pour autant, elle était peinée de voir que son ex-mari se sente aussi isolée. Déjà enfermée dans son propre vécu, pleinement conscient qu'il pouvait rechuter, il semblerait que ses proches n'aient pas la disponibilité d'entendre le soutien dont il avait terriblement besoin. Quand Joanne s'en rendait compte, elle ne fut que plus noyée par les regrets qui avaient suivi son attitude avec lui. Hassan laissait remonter tout un long de frustration et peut-être même de rancoeur qu'il ne pensait pas lui-même évacuer un jour. Peut-être était-ce la goutte qui faisait déborder le vase. "Parce que tu le peux. Parce que tu en as le droit." répondit-elle tout naturellement. Elle avait tant envie de le prendre dans ses bras, de le convaincre de reprendre les démarches là où il les avait arrêté. "Tu les voix vivre leur vie, évoluer vers cet objectif de vie qu'ils se sont fixés. Toi aussi, tu as le droit d'avancer, de te lancer dans des projets qui te semblent insurmontables." Le brun voulait calquer sa vie sur celle des autres, trouver une raison de vivre. C'était ainsi qu'elle le ressentait. "Et tu es bien plus réfléchi qu'un petit qui veut à tout prix son labrador pour Noël. Tu connais les enjeux, les contraintes, les difficultés que tu risques de rencontrer. Ce n'est pas une décision qui est prise à la légère, et je me doute bien que tu as du penser à chacun des aspects. Peut-être un peu trop, au point de douter de tes démarches." Maintenant qu'elle avait plus d'informations sur sa situation, elle comprenait un peu mieux pourquoi il y avait eu ce changement soudain de décision. "Pourquoi Yasmine trouverait-elle l'idée mauvaise ?" finit-elle par demander, perplexe que la femme qu'il considérait comme une soeur soit aussi réfractaire à la perspective de rendre Hassan plus heureux. "Tu sais comment gérer les enfants. Tu as toujours eu un bon contact avec eux. Sinon tu n'entraînerais une équipe de petits et tu n'y prendrais pas plaisir." dit-elle avec un sourire encourageant. "Je vais reprendre ce que tu m'as dit tout à l'heure, au sujet de Marius. Certaines personnes sont faits pour fonder une famille, d'autres, un peu moins. Et toi, tu rentres dans la première catégorie, c'est une certitude." Doucement, Joanne serrait un peu plus la main d'Hassan avec la sienne. Ce n'était pas un geste forcé, ni agressif. On y retrouvait la douceur et la délicatesse que l'on retrouvait naturellement chez Joanne. "Si je peux me prendre en exemple encore une fois. J'ai été aussi mère célibataire, pendant un temps. Ce n'était peut-être qu'à peine plus d'un an, mais c'était avec un enfant en bas âge, avec un boulot à tems plein, deux chiens, et une maison fraîchement acheter à entretenir. Je pense que beaucoup pensait que j'aurais besoin d'aide, que jamais je n'arriverais jamais à m'en sortir seule comme ça, tous les jours. Et je pense sincèrement que durant cette période, je m'en suis plutôt bien sortie." admit-elle non sans fierté. "Du moins, la maison est toujours entière, les chiens sont toujours là, Daniel est heureux, et même mes plantes vertes m'ont survécue." dit-elle afin d'apporter un peu de légèreté à leur conversation avant de reprendre son sérieux. "Alors que j'étais la dernière personne à croire que j'en étais capable. Moi, la petite Joanne qui fait n'importe quoi et qui doute de tout ce qu'elle fait." Celle qui tombe malade si l'air devient trop frais, ou qui fait des erreurs bien plus grandes qu'elles, d'autant plus difficiles à rattraper. "Et tu es bien plus solide que moi, bien plus déterminé, au moins tout autant organisé, avec une volonté qui dépasse l'entendement." D'autres traits qu'elle admirait chez lui. Elle s'en émerveillait encore, si bien qu'elle en avait toujours des étoiles plein les yeux. Il avait surmonté un cancer qui était incurable pour les médecins à ce stade, il a résisté à deux tentatives de suicide, il est allé au-delà de ses peines de coeur, de ses dépressions, de tous ces coups difficiles que la vie avait osé lui infliger. Le sort s'acharnait sur lui sans raison. "Je sais pas si tu te rappelles ce que ma grand-mère avait dit, une de ces fois où nous étions allés la voir." reprit-elle calmement. "Que ce qui nous entoure, ils peuvent nous infliger toutes ces mauvaises choses, d'autant qu'ils le veulent. Parce qu'elle restait convaincue qu'il y avait une loi de juste retour. Qu'on pouvait nous infliger autant de mal que l'on voulait, l'univers nous rendrait mille fois plus ce qu'on nous a fait vivre, en de belles choses. Mais que parfois, il fallait attendre." Elle haussait les épaules. "Elle me le répétait. Je crois qu'elle l'a inventée, cette loi de juste retour." Une vérité qu'elle réalisait des années plus tard. "Mais je m'y tiens toujours. Ca m'évite de me décourager durant les moments difficiles. Je me dis qu'un jour, on me le rendra bien, à juste titre." Elle acquiesça d'un signe de tête, convaincue par ses propres paroles, et ceux de sa défunte grand-mère qu'elle aimait tant. "Alors pour toi, imagine que la clé, c'est cette adoption." dit-elle, pleine d'optimisme. "Je te promets que le rire d'un enfant joyeux te fait oublier beaucoup de peine. Tu le lui rendras bien en étant un père qui réponds à ses besoins, qui lui montrent les limites quand il le faut, qui le soutient durant les moments difficiles. Et là aussi, il te le rendra mille fois plus tous les jours." Joanne ne perdait plus son sourire encourageant, son regard toujours plongé dans celui de son ex-mari. "Alors finalise ce dossier, Hassan. Et envoie-le." répéta-t-elle d'un ton déterminé. "Fais-le."
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| | | | (#)Ven 19 Juil 2019 - 5:10 | |
| Bien sûr, qu'il doutait de sa légitimité. Et pas uniquement parce que les personnes les plus proches de lui avaient semblé prendre ce projet avec des pincettes et sans l'enthousiasme qu'il avait espéré y voir. Pas simplement parce qu'une partie de lui resterait toujours persuadée que son incapacité à procréer avait pesé dans la décision de Joanne d'enterrer définitivement leur histoire. Pas seulement parce que son statut d'homme célibataire lui fermait déjà nombre de portes sur ce simple fait … Malgré tout cela il restait son propre ennemi, son plus grand ennemi. Lui qui jadis n’avait jamais manqué de confiance en lui ne se sentait désormais plus à la hauteur de quoi que ce soit, plus légitime de rien, et face à d’aussi grandes incertitudes l’idée de se lancer seul et sans filet dans le grand bain de l’adoption lui semblait en fin de compte ridiculement inconsciente. « Tu as envie d'être père. Et rien que pour ça, tu es tout aussi légitime que n'importe quel homme qui rêve de l'être. » Avait de son côté fait valoir Joanne, comme pour remettre ses idées en perspective. Mais le brun justement, prenait peu à peu conscience qu’il ne suffisait pas de le vouloir pour être à la hauteur de la tâche, et que sa volonté d’être père n’en faisait pas automatiquement un candidat taillé pour le rôle, ne lui en déplaise. Et n’en déplaise à Joanne, que la sincérité et la volonté de bien faire n’empêchaient pas de comparer l’incomparable, le cœur d’Hassan se serrant un peu d’entendre ainsi sa voix trembler, de penser à ces enfants qu’elle n’avait pas eu – au leur, surtout – mais néanmoins conscient que leurs situations respectives différaient trop pour qu’elle lui serve d’exemple ; Son ventre arrondi en témoignait. « Et peut-être que tu as changé ces dernières années, et moi aussi. Mais je reste convaincue que cette partie de toi, là, n'a pas changé. Que tu en veux toujours autant. Et que s'il doit y avoir déception, autant l'avoir tout en sachant que tu as tout donné pour que ça fonctionne, que tu aies mis toutes tes cartes en jeux, que tous les moyens possibles et imaginables aient été mis en place pour que tu puisses espérer adopter un enfant. » Les doigts se resserrant autour de son gobelet de thé, le professeur avait baissé la tête avec abattement et laissé échapper un bref soupir avant de s’autoriser une gorgée ; La boisson était tiède, et lui avait arraché une vague grimace. « Mais dans ton cas c’est Mère Nature qui a pris sa décision. Pas un juge ou une assistante sociale. » Et si la nature l’avait abandonné, Hassan lui en tenait toujours moins rigueur qu’à ceux qui jugeraient de ses capacités à être un parent sur des critères aussi triviaux que le montant de son salaire, le résultat de ses dernières analyses sanguines ou le nombre de mètres carrés que comptait la chambre dans laquelle il envisageait d’accueillir cet enfant aux contours encore trop incertains. Difficile dès lors de savoir si le brun se faisait plutôt l’avocat du diable pour s’éviter une déception programmée, ou pour justifier le fait qu’il manquait simplement de courage – comment demander à quiconque de croire en lui, s’il n’était pas capable d’y croire lui-même. « Alors je suis une personne insensée. Pour autant que ça puisse valoir à tes yeux. Mais moi, j'y crois. » Ce n'était pas suffisant. Ce n'était pas suffisant et pourtant cela comptait, plus qu'Hassan lui-même ne l'aurait imaginé ; Peut-être parce qu'elle aurait été la mère de ses enfants, dans une autre vie. Cela comptait et, la gorge serrée et le regard brillant, il avait posé une main par-dessus celle qu'elle avait elle-même posé sur son genou. « Parce que tu le peux. Parce que tu en as le droit. Tu les vois vivre leur vie, évoluer vers cet objectif de vie qu'ils se sont fixés. Toi aussi, tu as le droit d'avancer, de te lancer dans des projets qui te semblent insurmontables. » - « Qasim et Olivia ne sont pas tous seuls, ils peuvent compter l'un sur l'autre. » Lui n'aurait que lui-même sur qui compter, et devant l'ampleur de la tâche il n'était pas certain de s'en sortir – si tant est qu'en hauts lieux on décide déjà qu'il était apte. « Si on me fait confiance pour me lancer là-dedans et qu'au final je suis pas à la hauteur ? Si je gâche la vie d’un gamin parce que je n’ai pensé qu’à moi et à ce que je voulais ? » À force d’y songer en permanence, à force de ne penser qu’à cela, il en brûlait des étapes et s’angoissait déjà pour des choses qui n’avaient peut-être aucune chance de se produire, donnant raison à Joanne lorsqu’elle affirmait « Ce n'est pas une décision qui est prise à la légère, et je me doute bien que tu as du penser à chacun des aspects. Peut-être un peu trop, au point de douter de tes démarches. » et prouvait qu’elle le connaissait encore trop bien, malgré le temps passé. « Pourquoi Yasmine trouverait-elle l'idée mauvaise ? » avait-elle finalement repris, et à cela le brun n’avait pu qu’hausser les épaules avec impuissance. Il n’en savait rien, des tas d’hypothèses se bousculaient dans sa tête sans qu’il ne sache où se situait la désapprobation de l’infirmière au milieu de tout cela ; Les choses étaient simplement ainsi, avec la dose de non-dits adéquate pour ajouter aux autres incertitudes et désillusions déjà présentes. « Tu sais comment gérer les enfants. Tu as toujours eu un bon contact avec eux. Sinon tu n'entraînerais une équipe de petits et tu n'y prendrais pas plaisir. Je vais reprendre ce que tu m'as dit tout à l'heure, au sujet de Marius. Certaines personnes sont faits pour fonder une famille, d'autres, un peu moins. Et toi, tu rentres dans la première catégorie, c'est une certitude. » Le gonflant d’espoir l’espace de quelques secondes, l’assurance avec laquelle Joanne avait prononcé ces mots lui avait fait plus de bien encore que le geste de main attentionné qu’elle avait eu un peu plus tôt. Un espoir néanmoins aussi fugace qu’il n’avait été réconfortant, et dont Hassan tentait sans succès de garder quelques bribes alors que son ex-épouse s’armait à nouveau de sa propre expérience pour prouver son point. Force était pour lui d’admettre qu’il avait fait partie de ces gens qui craignaient de la voir échouer, de ne pouvoir qu’être témoin lorsqu’elle mettrait un genou à terre ; Il aurait été là pour l’aider à se relever, il se l’était promis, mais en définitive la blonde avait prouvé n’avoir besoin de personne pour mener sa barque, et lui n’en avait été que plus admiratif. Il en avait payé le prix fort ensuite, il avait souffert des tâtonnements de Joanne et les conséquences que ses indécisions avaient eues sur lui et sur la valeur qu’il se donnait comme conjoint, comme époux, resteraient des cicatrices indélébiles … Mais la jeune femme s’en était sortie, elle, et les rancœurs du brun ne l’empêchaient pas de ressentir une certaine fierté à son égard en repensant à l’adolescente gauche et timide qu’elle était à leur première rencontre. « Alors que j'étais la dernière personne à croire que j'en étais capable. Moi, la petite Joanne qui fait n'importe quoi et qui doute de tout ce qu'elle fait. » pouvait-elle alors grossièrement résumer, désormais certaine que sa propre réussite signifiait qu’il ne pouvait pas en être autrement pour l’homme qu’elle avait aimé, fut un temps. « Et tu es bien plus solide que moi, bien plus déterminé, au moins tout autant organisé, avec une volonté qui dépasse l'entendement. » Et de l’entendre si déterminée à le lui faire entendre, elle, Hassan en avait laissé échapper un rire nerveux, dont le son s’était craquelé sur la fin comme l’expression d’un sentiment que l’on n’assumait pas. Elle avait cinq ans de retard, Joanne, de s’imaginer encore le brun sous un tel jour quant lui ne se sentait plus que l’ombre de lui-même, sa solidité ébréchée par la maladie, sa détermination craquelée par la désillusion de leur amour l’un pour l’autre, l’organisation sacrifiée sur l’autel de ses maigres tentatives pour redonner du sens à son existence, et une volonté malmenée au gré de ses incertitudes, de ses angoisses, de ses doutes et de toutes ces choses face auxquelles le Hassan qu’elle avait en tête ne s’était jamais senti acculé mais dont le Hassan d’aujourd’hui ne savait plus comment se défaire. Cinq ans de retard et les illusions d’une grand-mère aujourd’hui disparue plein la tête, dont les adages avaient le même goût amer de l’injustice que lorsque Joanne avait mis sur le même plan son cancer et sa certitude que le Destin en avait décidé ainsi – une vision qu’il respectait comme on respectait une croyance, mais qui lui avait fait du mal. « Je crois qu'elle l'a inventée, cette loi de juste retour. Mais je m'y tiens toujours. Ça m'évite de me décourager durant les moments difficiles. Je me dis qu'un jour, on me le rendra bien, à juste titre. » en avait-elle en tout cas conclu, lui offrant un sourire bien plus doux que l’auto-dévalorisation à laquelle se livrait le brun en sous-texte. « Alors pour toi, imagine que la clé, c'est cette adoption. Je te promets que le rire d'un enfant joyeux te fait oublier beaucoup de peine. Tu le lui rendras bien en étant un père qui répond à ses besoins, qui lui montrent les limites quand il le faut, qui le soutient durant les moments difficiles. Et là aussi, il te le rendra mille fois plus tous les jours. » Car tout ne se résumait qu’à cela, au fond. Hassan voulait être père pour toutes ces raisons et pour des tas d’autres encore, il voulait sécher des larmes et soigner des bobos, raconter des histoires et en écouter d’autres, partager les moments de joie et les moments de doute d’un humain miniature qui avait besoin qu’on le guide jusqu’à l’âge adulte et qui compterait sur lui pour y arriver … « Alors finalise ce dossier, Hassan. Et envoie-le. » Attendant de capter toute son attention, Joanne avait planté son regard dans le sien avec détermination. « Fais-le. » Ravalant sa salive, et avec elle la boule d’angoisse et d’incertitudes qui lui serrait douloureusement la gorge, le professeur avait observé la blonde de longues secondes dans un silence quasi-religieux. Elle le mettait face à ses incertitudes mais également face à ses possibilités, ramenant la totalité de la situation à une simple décision de sa part, une décision qu’elle l’encourageait à embrasser mais que ni elle ni personne ne pourrait prendre à sa place. « Quinze ans plus tard et toujours là pour me croire capable de choses dont personne d’autre ne me croirait capable. » Personne pas même lui – surtout pas lui. Le sourire alourdi d’une pléiade de sentiments contradictoires, mais néanmoins plein d’une sincérité et d’une reconnaissance timides à l’égard de la jeune femme, le brun avait resserré une seconde encore sa main autour de celle de Joanne avant de la libérer, laissant échapper un bref soupir au moment de terminer ce qu’il lui restait de son thé. « Ça va paraître un peu étrange, mais … Quand j’étais plus jeune et que je pensais à ce à quoi pourrait ressembler ma vie d’adulte, j’étais incapable de me projeter dans une vie de couple quelle qu’elle soit, mais je me suis toujours imaginé avec des enfants. Je saurais pas dire pourquoi, c’était juste … les choses me venaient à l’esprit comme ça, par réflexe. Et maintenant que j’en suis là où j’en suis, une partie de moi ne peut pas s’empêcher de se dire que c’était peut-être … Je sais pas, un signe ? De la clairvoyance ? » Comme si des années en arrière et encore incapable de savoir de quoi serait fait son quotidien de trentenaire puis de quarantenaire, une partie de lui avait inconsciemment prédit que les choses étaient censées se dérouler de cette manière … « J’ai prévenu que ça allait paraître bizarre. » s’en était-il alors défendu avec une pointe d’amusement, d’où transparaissait un brin de nervosité. Quittant finalement sa place pour aller jeter son gobelet vide dans la poubelle toute proche, il avait laissé passer quelques autres secondes puis repris « Merci. Pour tout ce que tu as dit. » Et pour être la première à lui donner réellement l’impression de croire en ses chances, plutôt que de craindre son échec – de ça aussi il voulait la remercier, mais sans trouver les mots pour le faire.
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| | | | (#)Dim 21 Juil 2019 - 18:57 | |
| TAKE IT BACK BEFORE IT ALL WENT WRONG it's been a while since the two of us talked | |
Si Joanne n'était guère optimiste par rapport à elle, quoi que cette facette là de sa personnalité était en nette amélioration depuis quelques temps, elle savait très bien l'être pour les autres. Et qu'importe son passif avec son ex-mari, la rancune demeurant, elle comptait bien le convaincre de poursuivre ses démarches coûte que coûte. Ses doutes étaient plus que légitimes, en revanche, qu'il ne pense pas mériter l'accès à un si beau projet, l'étaient moins. Certes, la leucémie qui l'avait anéanti mentalement avait noirci ses idées tout comme Joanne avec leur divorce, elle ne pouvait le critiquer de se montrer si pessimiste face à son avenir alors qu'elle avait fait la même chose il n'y a pas si longtemps que ça. Alors oui, leur situation respective différait en de nombreux points, peut-être un peu trop, mais il y avait des axes parallèles, d'une étrange similitude. Elle n'avait pas traversé la moitié de ce qu'il avait vécu, et pourtant, quelque part, elle s'identifiait. Peut-être parce qu'elle le connaissait, qu'ils avaient passé dix ans de leur vie en étant un binôme inséparable, toujours présent l'un pour l'autre. Et même si Joanne misait sur la carte de la persévérance, attaquant de front avec une positivité que tout le monde voudrait voir de façon quotidienne, elle était peinée de le voir si anéanti. Cet homme dont elle était tombé éperdument amoureuse au premier regard avait déjà bien trop vécu pour son âge, et les séquelles étaient juste là. Une âme éreintée par trop de difficultés, trop de combat, trop de trop. Et bien qu'il avait attenté à sa vie plusieurs, il était toujours là. Comme tout le monde, il avait le droit de baisser les bras, d'avoir un coup de désespoir et de déprime. Joanne ne voulait pas le voir atteindre un nouvel extrême. Et dire que tout dépendait désormais de quelques signatures et de personnes lambda qui ne savaient rien de lui. Joanne trouvait cela injuste, au fond. Ce n'était pas à eux, de juger. "Tu n'es pas tout seul." lui dit-elle avec douceur, en saisissant délicatement la main qu'il avait posé sur la sienne. "Tu as des personnes sur qui tu peux compter." Les Khadji ne le laisseraient certainement pas à la dérive s'il avait besoin d'un coup de main, Qasim aussi. Joanne ne se comptait pas d'abord parmi ces personnes, convaincue qu'il ne ferait pas forcément appel à elle s'il avait besoin d'un coup de main. Mais elle se risquait tout de même à ajouter, non sans hésitation, de peur qu'il ne lui réplique qu'il ne préférait pas s'en référer à elle. "Et tu peux compter sur moi." Ses yeux brillants scrutaient la moindre expression qui donneraient un indice de sa réaction. "Je sais ce que tu vas me dire, que j'ai déjà bien assez à faire et que bientôt j'aurai un nouveau bébé à m'occuper. Mais si tu as besoin d'un coup de main pour la suite des papiers à remplir, ou même pour plus tard, pour des conseil, un peu d'aide pour... Je ne sais pas, de garde, aussi, par exemple." Elle esquissa un sourire. "Même si je reste persuadée que tu géreras toute situation avec brio. Mais, si un jour, c'est un jour sans, et qu'il y a un coup dur, je veux que tu saches que tu peux compter sur moi." Pour ce que ça vaut, encore une fois. C'était un long processus, qui ne s'arrêtait pas le jour où il allait accueillir un enfant chez lui. Joanne voulait être là pour la suite aussi, en cas de besoin. Comme une roue de secours, ou même n'être qu'un soutien moral pour les journées plus compliquées. Tout rôle était bon à prendre. "Tu sais, à mon sens, ce genre de questionnement prouve que l'on ait fait pour être parent." Et c'était à peu près ce que tout le monde se disait. Que les plus dangereux étaient ceux qui pensaient être capables de tout gérer tout le temps leur petit bout de choux. "Tu es fait pour ça." lui confirma-t-elle, sans même qu'il ait eu l'occasion de poser la question. Joanne continuait de dégainer tous les arguments qu'elle avait en tête afin de le convaincre de signer ce dossier. Personne d'autre ne pouvait poser le stylo sur le papier à sa place pour y laisser sa marque, mais au moins, elle pouvait le pousser à aller dans ce sens. Parce que c'était ce qu'il désirait le plus, au fond, et c'était une nouvelle porte pour lui, une nouvelle vie. Une vie qu'il méritait. "Il y a certaines choses qui ne changeront définitivement pas." répondit-elle à Hassan, après qu'il ait constaté qu'il y avait des traits de son ex-femme qui ne s'étaient pas effacés depuis qu'ils se connaissaient. Joanne fut tout particulièrement touchée par ses paroles, elle ne saurait dire pourquoi. Peut-être parce qu'elle voyait ces mots comme un compliment, ou que par cette phrase il laissait comprendre qu'il ne se renfermait pas totalement quand elle s'approchait. Non, il laissait une ouverture, sous le couvert d'une certaine nostalgie, mais aussi surtout parce qu'il semblerait qu'elle ait prononcé les bons mots. Des mots pourtant évidents aux yeux de la petite blonde, qui compris que jusqu'ici, personne ne les lui avait prononcé. "Tu as peur de paraître étrange à mes yeux ? En voilà, une drôle d'idée." répondit-elle avec amusement. C'était elle qui avait des croyances étranges et qui respectaient celles des autres. "Que tu y resonges maintenant, à ce que tu te disais à l'époque : il est peut-être là, le signe." souleva Joanne, pour qui c'était évident que les chemins que voulaient emprunter Hassan l'amenaient à la même direction : l'adoption. Joanne ne put s'empêcher de ressentir une nouvelle fois ce fond de culpabilité, celui de ne pas avoir pu garder l'enfant qu'elle portait alors qu'ils essayaient d'en concevoir depuis un moment déjà. Pour toutes ses fausse-couches, elle avait un pincement au coeur. Elle ne saurait expliqué pour moi, c'était une sensation différente pour ce bébé-là. Pas moins douloureux, mais différent. Qu'est-ce qu'elle aurait adoré lui offrir ce bonheur-là, que d'avoir un enfant à eux, qu'ils fussent divorcés ou pas. "Il est temps." Temps qu'il finalise ce dossier, qu'il ait un enfant, qu'il réalise un rêve qui lui avait toujours été très cher. Enfin, Hassan se levait pour se débarrasser de son gobelet vide, alors que la petite blonde n'avait même pas fini le sien. Mais froid, la boisson avait encore plus mauvais goût, ce pourquoi elle s'en débarrassa également. Hassan laissait flotter quelques secondes avant de remercier sincèrement son ex-femme. Celle-ci lui rendit le plus adorable des sourire. "C'est normal." lui souffla-t-elle tout bas. Par un élan d'affection, Joanne se permettait de le prendre quelques secondes dans ses bras. Elle ignorait si elle en avait le droit, si c'était apprécié, mais, à ce moment précis, elle en avait envie. C'était à la fois simple et sincère, sans aucun artifice. En lâchant son étreinte, elle se risquait même à déposer un baiser timide sur sa joue. Il lui avait manqué, tout simplement. Suite à quoi, elle reprit une distance plus raisonnable et certainement plus acceptable avec un sourire gêné. "Ecris-moi, d'accord ?" lui demanda-t-elle, le regard brillant, nourrissant de seconde en seconde l'espoir de le revoir plus rapidement que toute la période où ils ne s'étaient plus vus. "Donne-moi des nouvelles. De toi, de l'avancée de tes démarches." Quelque part, elle voulait veiller sur lui, être là pour lui. Etre l'ange gardien qu'elle n'avait su être ces dernières années. "Et si tu fais un pas en arrière, je mettrai tout en oeuvre qu'après, tu en fasses trois en avant." Si Joanne n'était que de petite détermination dans ses projets personnels, elle pouvait s'avérer l'être un peu trop, au point d'être têtu, lorsqu'il s'agissait de projets que ses proches avaient en tête. Elle les encourageait, les poussait au moment les plus critiques. C'était un trait qu'Hassan connaissait bien chez elle, et qui, Joanne l'espérait, allait avoir de grands effets bénéfiques sur lui.
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