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 Retrouvailles des frères Hartwell

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Message(#)Retrouvailles des frères Hartwell EmptyMer 10 Avr 2019 - 11:03

Les frères Hartwell
Lonnie & Harvey

Je me masse mes poignets douloureux en entrant dans cette cellule misérable, sans aucun confort et je laisse échapper un long soupire de frustration. Tout ce dont j’ai envie là, c’est d’une clope. Pour décompresser et parce que je suis accro à cette merde. Malheureusement, je vais devoir m’assoir dessus car je ne risque de sortir que demain matin. Passer ma nuit en cellule pour mon seul soir libre de la semaine : génial.

Voilà ce qui arrive quand je sors de chez moi.

Et pour une fois, je n’ai même pas cherché à me battre, voilà l’ironie. J’ai juste trop bu pour être réellement conscient de moi et du monde et j’ai bousculé ce type. J’ai accessoirement renversé ma bière aussi sur lui, ça l’a énervé et une chose en entraînant une autre… Arrêté pour ivresse et trouble à l’ordre publique, placé en cellule de dégrisement, je n’ai plus qu’à ronger mon frein jusqu’à ce qu’on me libère.

Nerveusement, je me ronge les ongles et observe mes compagnons de cellule. La plupart attendent, tout autant blasés que moi, assis par terre, contre le mur du fond. Un taré psalmodie des trucs incompréhensibles dans son coin, un plus nerveux fait les cent pas et me file le tournis, un plus jeune retient difficilement ses larmes et semble effrayé. Les joies de l’incarcération. Je grimace lorsqu’une vieille odeur de vomi envahit la cellule et finit par m’assoir moi-aussi contre le mur, une main sur mon visage.

J’essaie de me couper de tout ça. Il ne faut pas que je relâche de trop la tension pour autant, j’ignore avec qui je suis enfermé et ne fait aucunement confiance à ce genre de type.

Les mêmes que moi en fait.

Je ramène mes genoux contre moi, pose mes avant-bras dessus et commence à jouer avec ma chevalière rayée. Seul vestige de mon passé, je la fait tourner autour de mes doigts un petit moment, avant de la remettre simplement autour de mon annulaire droit, une fois lassé. Faire passer le temps en garde à vue, c’est impossible. Cela me rappelle quelques vieux souvenirs de l’adolescence, lorsque j’étais en foyer et que je fuguais pour traîner dans les rues comme un zonard.

Et comme toujours, mes souvenirs me ramènent à lui.

Lonnie. Que penserait-il de moi, bourré dans cette vieille cellule crasseuse ? J’ai honte, je n’ai pas envie de ressembler à mon père, j’y pense forcément, mais les mauvaises graines n’engendrent pas de jolies plantes, c’est ainsi.

Lonnie. Je crois qu’il bosse dans un commissariat, il était tellement joyeux de me l’annoncer il y a deux ans. ‘Dans la brigade aux affaires familiales’, je suppose que ce choix lui a semblé évident. Moi, ça m’échappe. Pense-t-il faire des miracles en s’occupant de familles flinguées aux parents tordus ? Son enthousiasme n’a pas su me convaincre.

J’ai dans le cœur trop de colère pour me réjouir.

Pourtant, j’aimerai. J’aimerai le soutenir, me réjouir et partager mieux que nos souvenirs écœurants et notre enfance brisée. J’exagère, j’ai des souvenirs lointains d’un temps où nous étions heureux tous les deux. Mais j’ignore si ces souvenirs-là ne me font pas plus mal que le reste. Car, inévitablement, ils me renvoient à cette innocence perdue et au reste.

Il ne faut pas que je chiale. L’alcool me rend dépressif, bordel. J’ai envie de fumer !

Combien de temps s’est-il passé depuis que je suis entré dans cette cellule ? Trente, dix, cinq minutes ? Une, trois heures ? Le temps m’échappe ici. J’observe mes compagnons de cellule d’un air hagard et j’essaie d’imaginer leur vie aussi pourrie que la mienne. Qu’ont-ils perdus eux ? Qu’est-ce qui troue leurs cœurs, déchire leurs âmes et violente leurs esprits ? Ont-ils, eux-aussi, la sensation de suffoquer constamment ?

L’arrière de mon crâne se plaque contre le mur froid et je me mets à fixer les allées et venues des flics, libres de déambuler. Eux-aussi ils passent une nuit de merde, c’est évident. Le commissariat, c’est l’endroit où les miséreux, les déchus, les connards et les abrutis se retrouvent le temps d’une nuit. Et eux sont payés pour supporter ça. Je ne comprends pas comment on peut vouloir faire ce métier. Je n’aurais jamais la patience pour tous ces petits cons. Faut avoir un sacré problème pour kiffer gérer les problèmes des autres, non ? Le lot d’emmerdes quotidien ne suffit pas à certains apparemment.

Petit-frère, dis-moi, pourquoi tu fais ça ? Je ne te comprends pas. J’ai peur pour toi. Tu me manques, mais j’ignore comment revenir vers toi.

J’ai besoin d’une clope, vraiment. Mes pensées divaguent et je déteste ça. Parfois, je veux juste les faire taire, ces voix qui me disent que j’ai merdé sur toute la ligne, que je n’aurai pas dû te laisser et que je me suis totalement fourvoyé en pensant échapper à mon passé. Fuir n’a pas été la solution.

J’inspire profondément. La cellule pue la transpiration, l’alcool, le vomi et la pisse. Ça me dégoûte, mais c’est tout ce que je mérite après tout. Je n’aurai pas dû boire autant et surtout j’aurai dû rester chez moi pour me bourrer la gueule. J’ai envie de sortir, de respirer l’air, le vrai air, celui qui m’accorde quelques secondes de calme et de paix, celui qui me fait du bien, celui qui m’échappe sans cesse…

Boom. Mon cœur a un raté, ma respiration s’accélère et des sueurs froides me font frissonner désagréablement. Je suis figé en apercevant la silhouette de Lonnie de l’autre côté de la cellule. Non, ce n’est pas possible. Mon esprit malade me joue des tours, il ne peut pas être là. Pas lui, pas ce soir. Je me tends entièrement alors que mon esprit réfute la situation qui s’impose lentement à moi. Ce n’est pas possible. Ce n’est pas lui.

Tu n’es pas censé voir ça, merde !

Je déglutis difficilement, ma gorge est sèche et mes yeux implorants. Ne me regarde pas, va-t’en ! Détourne-toi, passe ton chemin !

Mon cœur brisé se fissure un peu plus, et je plonge dans tes yeux clairs qui me hantent à chaque instant. Mon frère…

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Message(#)Retrouvailles des frères Hartwell EmptyJeu 11 Avr 2019 - 21:01

the water's sweet but blood is thicker
So I start a revolution from my bed 'Cause you said the brains I had went to my head. Step outside, summertime's in bloom, Stand up beside the fireplace. Take that look from off your face You ain't ever gonna burn my heart out
 
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Déplaçant soigneusement une pile de dossier sur une partie de son bureau encore inoccupée Lonnie avait déjà l’esprit occupé par le reste de soirée qui ne consisterait qu’en une seule chose : se coucher tôt pour calmer le mal de tête qui avait élu domicile dans son crâne depuis le début de l’après-midi. C’était sans doute parce qu’il enchaînait les journées de façon monotone, sans vraiment d’entrain et surtout sans aucun plaisir, que le policier avait toujours l’envie constante de se laisser tomber dans son lit. L’équipe de nuit avait pris le relais, l’obscurité amenant son lot de petits criminels quotidien que Lonnie n’avait jamais l’occasion de voir même si il n’était jamais le premier sorti du commissariat. Faisant passer sa veste au-dessus de ses épaules pour contrer le vent automnale le Hartwell pris la décision de s’arrêter sur son chemin pour combler son envie grandissante de bouffe chinoise, une comfort food qui lui ferait oublié – le temps d’un instant – tous les emmerdes qui s’accumulaient en ce moment. C’était sans compte Janice, une femme au caractère enfantin qui avait pourtant fini major de sa promotion et qui avait un penchant pour les bavardages et les couettes. « Lonnie ! Qu’est-ce que tu fais encore là ? » Affichant un sourire fatigué le policier avait simplement haussé les épaules, ne remarquant même par que la fameuse Janice venait de poser sa main sur son bras. « J’allais partir justement, mais merci d’avoir remarqué. » Elle n’avait toujours pas retiré sa main, ça commençait à faire long, assez long pour que Lonnie s’interroge sur les intentions de la jeune femme, lui toujours aveugle devant les signes les plus imposants. Le policier hocha la tête poliment pour se débarrasser d’une Janice bien trop collante à son goût qui lui lâcha enfin le bras dans un mouvement brusque. « Au fait, y’a un mec avec le même nom que toi en cellule, Robbie l’a amené il y a une heure. » Il n’avait pas entendu les derniers mots, son cerveau bloqué sur le fait qu’un type avec le même nom de famille se situait quelques mètres plus bas. Estomaqué, le souffle coupé par une information qu’il ne pensait pas recevoir de sitôt, voire de sa vie entière, mais le comportement impulsif d’Harvey mêlé au karma pourri de son petit frère avait créé le cocktail parfait pour cette fin de journée. Sans même prendre le temps d’analyser l’information Lonnie avait rejoint les cellules d’un pas rapide, ignorant les « bonjours » de ses collègues et les rires qui devaient sûrement lui être destinés, pour se rendre le plus vite possible auprès d’un Robbie se pavanant comme un coq dans le bureau. « Robbie, je peux voir un de tes gars deux minutes ? » Le visage carré de l’officier se mua d’un sourire alors qu’il apposa ses mains sur ses hanches. « Pourquoi ? » Ca n’était pas le moment de poser des questions, et Lonnie n’avait pas que ça à faire, pâtir de l’attitude de connard de l’officier qui se prenait pour le roi du monde. « Rapports, pendant un mois. » C’était une proposition qu’il ne pouvait pas refuser, après tout Robbie ne devait même pas savoir écrire correctement, alors le fait d’avoir un scribe à sa botte pour taper les rapports était une offre qu’il ne pouvait pas refuser. Harvey se tenait là, les bras ballants, le regard ahuri, comme si le fantôme de leur père venait de traverser la pièce, et cette expression à la con qui donnait à Lonnie des envies de bagarre fratricide. Robbie avait fait glissé la clé dans la serrure pour la libérer et le Hartwell n’avait pas pris de pincette en tirant Harvey de la cage par le col de la chemise, le forçant à le suivre silencieusement jusqu’à une salle d’interrogatoire annexe. La porte à peine close Lonnie avait fait tomber sa veste sur le dossier d’une chaise avant de se retourner vers son aîné, de retour certes mais de retour dans une cellule. « Qu’est-ce que tu fous ici Havrey ? » Frottant le haut de son front du bout des doigts Lonnie afficha un sourire épuisé. « Pas ici dans un poste de police, parce que ça je peux le comprendre, ici à Brisbane ? » Plus que de sommeil le policier avait maintenant besoin de réponses, ou d’un grand coup de poing dans la gueule pour le tirer de ce cauchemar.

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Message(#)Retrouvailles des frères Hartwell EmptyVen 12 Avr 2019 - 10:59

Les frères Hartwell
Lonnie & Harvey

Pétrifié, je n’ose pas bouger alors que mon petit-frère est en train de s’activer de l’autre côté des barreaux. Je n’arrive pas à croire que nos retrouvailles vont se passer ici, c’est le pire scénario que j’aurai pu envisager. Et pourtant, j’y ai pensé à ces retrouvailles.

Je me suis torturé le cerveau, j’ai retourné la situation dans tous les sens, j’ai hésité longuement et je n’ai pas sauté le pas. Car je ne vois pas comment mon retour à Brisbane pourrait être perçu comme une bonne chose pour Lonnie. Je suis persuadé qu’il m’en veut d’avoir fui – je lui donne raison – et qu’il se débrouille bien mieux sans moi. Je ne lui ai pas laissé le choix en même temps.

Combien de fois aie-je fixé son numéro de téléphone avec hésitation, mon doigt glissant dangereusement vers le bouton d’appel ? Le fait est que je n’ai rien à dire. Car tout ce que je pourrais dire ne fera que plus de mal. Nous ne sommes pas semblables, nos opinions divergent et ce n’est pas incohérent que nous nous retrouvions dans cette situation : lui du bon côté de la loi, moi de l’autre. Je suis un déchet, putain.

Je ne bouge pas, alors que Lonnie s’active pour me faire sortir de ce trou. Il pénètre dans la cellule, me saisit par le col du t-shirt et je me lève, comme un automate sans opposer de résistance. Je dois avoir l’air d’un sacré ahuri, à être aussi docile mais cette situation surréaliste a raison de moi.

Lonnie me guide dans le commissariat qu’il connait comme sa poche, sous les regards intrigués et curieux de ses collègues, sûrement en manque de ragots.  Un vent de colère monte brusquement en moi alors que je réalise que mon petit-frère risque d’être la cible des prochaines rumeurs entre ces murs, du fait de mon arrestation. Putain, tu fais vraiment tout foirer Harvey !

Nous entrons dans une petite pièce au mobilier restreint : une table, deux chaises et un grand miroir sans tain en face. Mon reflet est pitoyable, j’ai l’air d’être passé sous un train. Des mèches de cheveux collent à mon front, mes cernes sont creuses et témoignent de mes nombreuses insomnies, mes pupilles sont éclatées, rouges, mon teint blafard et ma barbe hirsute me donne l’air d’un toxico en manque. Je ne me drogue pas, non. Du moins, pas à ça. La fatigue, la malbouffe et le manque de soleil suffisent à m'abîmer.

- Qu’est-ce que tu fous ici Harvey ? Pas ici dans un poste de police, parce que ça je peux le comprendre. Ici à Brisbane ?

Alors, ça va être comme ça ? Pas d’embrassades chaleureuses, pas de cœur qui se réchauffe, pas d’euphorie. Je sais que je ne les mérite pas, mais la déception me noue le ventre. En même temps, je m’étais imaginé quoi ? Je ne suis qu’un con.

Mon regard se lève et affronte celui de Lonnie. Il a l’air fatigué, épuisé même. Ça m’inquiète, je n’aime pas ça. Mais je suis conscient de n’être qu’un problème de plus pour lui ce soir. Je réponds alors, d’une voix rauque :

- J’veux pas te causer d’emmerdes Lo’. J’pensais que t’aurais fini ton service à cette heure-là. Qu’est-ce que tu fais encore ici à cette heure ?


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Message(#)Retrouvailles des frères Hartwell EmptyMer 17 Avr 2019 - 17:17

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Plusieurs fois il avait imaginé la vie de son grand frère, quelque part dans une ville côtière en train de vider des poissons dans un port grouillant de monde, ou bien dans une ville sordide, accoudé au comptoir d'un bar dans lequel il avait ses habitudes. A chaque fois que Lonnie pensait à son frère il le voyait comme un homme n'ayant rien accompli de sa vie, triste et seul dans un environnement lugubre, jamais il n'avait de pensé positif à propos de Harvey, sans doute parce que sa décision de quitter la vie était toujours resté en travers de la gorge du policier qui, lui, faisait des efforts. Par efforts il entendait "envoyer un message pour les grandes occasions" et ça se terminait toujours de la même façon, le message de Lonnie restait sans réponse. Mais le plus compliqué restait quand même le regard de leur mère, usé par les mensonges que Lonnie lui servait à la pelle en prétextant qu'Harvey allait bientôt passer, qu'il était juste occupé par son boulot et par sa vie. Si maman Hartwell ne disait rien il n'en restait pas moins qu'elle ne croyait pas un mot des conneries de son cadet, sachant pertinemment que Harvey n'avait jamais digéré son entrée en prison, la prenant pour une lâche ayant abandonné sa famille. Alors quand Lonnie avait croisé le regard de son frère aîné, prisonnier d'une cellule en compagnie de plusieurs autres suspect, le sang du policier n'avait fait qu'un tour. Emporté par la colère il avait baissé son pantalon devant un Robbie bien trop heureux de ne pas avoir à taper ses rapports pendant un mois, et avait saisi son frère par le t-shirt avec une force insoupçonnée. Silencieusement il avait tiré le corps tendu de Harvey dans les couloirs du commissariat afin de rejoindre une salle d'interrogatoire annexe qui abriterait leur conversation sans que des oreilles mal intentionnées ne viennent les déranger. Tant pis pour les bruits de couloirs, le policier n'aura qu'à faire avec pendant un certain temps, et puis tout le monde finirait par oublier cette situation pour passer à autre chose. Fermant la porte derrière leurs silhouettes Lonnie avait quasiment projeté son frère sur une chaise avant de déposer sa veste sur l'autre. Ils allaient passer du temps dans cette pièce, autant se mettre à l'aise si jamais l'envie de frapper Harvey lui prenait subitement. « J’veux pas te causer d’emmerdes Lo’. J’pensais que t’aurais fini ton service à cette heure-là. Qu’est-ce que tu fais encore ici à cette heure ? » Lonnie afficha un sourire désabusé avant de hausser les épaules devant la question très stupide de son aînée qui avait trouvé le moyen de ne pas répondre aux interrogations du policier. « Non t'as pas compris, comme d'habitude. » Lonnie avait posé ses mains contre ses hanches, dans une posture qu'il lui donnait un tant soit peu de supériorité par rapport à son frère, du moins dans son esprit. « T'as pas le droit de détourner mes questions et de m'en poser une autre pour éviter de répondre. » Durant leur enfance Harvey avait toujours fonctionné de la même manière, quand il ne voulait pas parler il détournait la conversation, sans doute pour se protéger. « Alors je vais répéter ma question, qu'est-ce que tu fous ici ? » Le policier avait passé un main contre son front fatigué, plissant les yeux pour enfin sortir de ce cauchemar. « Ne me dit pas que tu es revenu pour maman parce que je te colle mon poing dans la gueule. »  Il était prêt à le faire, qu'importe les conséquences que ça pourrait avoir sur sa vie ou sur son boulot, Harvey ne méritait pas le bénéfice du doute, pas après avoir disparu pendant des années, laissant son petit frère seul et complètement perdu.

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Message(#)Retrouvailles des frères Hartwell EmptyJeu 18 Avr 2019 - 11:16

Les frères Hartwell
Lonnie & Harvey



Je vois bien dans le regard de mon petit-frère que je le déçois, encore une fois. Il semble totalement désabusé, et éreinté. Il n’attend rien de moi, plus rien maintenant. Dix ans que je le fuis, dix ans que j’évite de lui parler, dix ans sans quasiment aucune nouvelle… Je ne suis pas le grand-frère idéal, c’est même tout le contraire. Lonnie sait très bien qu’il ne peut pas compter sur moi, et ça depuis toujours… Depuis ce putain de jour où je n’ai rien pu faire. La scène est ancrée en moi, et je la visualise souvent, elle me hante…

    Je reviens de chez Andrew, un camarade de classe car sa maman m’a récupéré à la sortie de l’école. Maman travaille tard ce soir, et Papa garde Lonnie qui est malade. Je rentre à la maison avec la boule au ventre, car je déteste les soirs où on est seuls avec Papa. Ça finit toujours de la même façon : il trouve toujours une raison pour m’engueuler, quoi que je fasse. A force, je m’y habitue mais ce rituel malsain provoque toujours en moi une peur irrationnelle. Je sais ce qu’il va se passer, c’est inévitable mais je le redoute tellement. Où frappera-t-il cette fois ? Ma peau porte encore les marques des coups précédents et s’il frappe ma jambe droite à nouveau, demain je boiterai. Je ne peux pas boiter. Je ne peux pas être ausculté par l’infirmière de l’école. Elle va nous séparer tous sinon, et il est hors de question que je m’éloigne de Lonnie, tout simplement. Je pousse la porte d’entrée ce soir-là, résigné et je me fige. J’entends les pleurs, j’entends les cris et mon sang ne fait qu’un tour. Je me précipite dans le salon et je le vois, en train d’abattre sa ceinture en cuir sur les fesses rouges et en sang de Lonnie, qui pleure et se débat sans comprendre ce qui lui arrive. Il n’a que 5ans. Il est malade. Un père normal l’aurait câliné, consolé, soigné. Le mien le bat, et son visage n’exprime que de la colère. C’est un monstre qui ne se rend même pas compte des dommages irréparables qu’il est en train de causer. Je hurle et me précipite. Mon père me repousse, comme une vulgaire mouche et je tombe sur les fesses. « Chacun son tour, sois patient ! » Ces mots, cette phrase, l’intonation de sa voix et la menace assourdissante. Je suis impuissant et j’assiste sans pouvoir bouger à la punition que reçoit mon frère. J’attends mon tour.


- Non t’as pas compris, comme d’habitude. T’as pas le droit de détourner mes questions et de m’en poser une autre pour éviter de répondre.

Retour au présent, l’attitude de Lonnie me fait sourire. C’est qu’il a pris en assurance le petit ! Malgré le fait qu’il ait l’air épuisé, il n’en reste pas moins bien bâti et force est de constater qu’il a l’ossature des Hartwell. Les épaules et la mâchoire carrée, il en impose, et la situation vient renforcer cette impression. J’ai l’air totalement à la ramasse en comparaison.

- Alors je vais répéter ma question, qu’est-ce que tu fous ici ? Ne me dis pas que tu es revenu pour Maman parce que je te colle mon poing dans la gueule.

Tout cela ressemble à un interrogatoire rondement mené, je réalise que je fais bien face à un flic et la fierté m’envahit. Le petit-frère a bien grandi et il s’en sort tellement mieux que moi ! C’est un soulagement au fond. Mais j’ai toujours su que Lonnie irait exactement là où il l’avait décidé. Cette tête de mule obtient tout ce qu’il veut – parce qu’il s’en donne les moyens. Néanmoins, j’arque un sourcil à sa supposition qui me semble des plus loufoques. Revenir pour ma mère ? Jamais de la vie ! J’ai tiré un trait sur elle depuis un bon moment, elle n’existe plus pour moi. Et même si cette vérité fait mal, je ne m’en cache pas.

- Sois pas con, Maman n’existe plus pour moi, Lo’. J’suis sûrement pas revenu pour elle, non. Dis, t’as pas une clope ? Je meurs d’envie de fumer, ça me rends fou, sans clope je ne peux pas me concentrer et s’il faut qu’on discute, il va me falloir un minimum d’aide.

Toujours le même, provocateur. Je ne sais même pas pourquoi j’agis ainsi avec lui, je ne suis qu’un enfoiré. Je crois surtout que je ne suis pas prêt à lui avouer qu’on m’a retiré mon visa d’études à cause de mes poings et de mon incapacité à gérer ma violence – et mon alcoolisme.


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Message(#)Retrouvailles des frères Hartwell EmptyJeu 25 Avr 2019 - 20:43

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Dans les salles d’interrogatoire il retrouvait souvent les mêmes visages, les mêmes gars paumés qui avaient pour habitude de se retrouver là, sans savoir, sans comprendre pourquoi ils étaient assis sur cette chaise alors qu'il n'avaient "rien fait de mal". C'est le même regard sur le visage de Harvey, la même attitude que les autres, ceux qui ont baissés les bras à un moment ou à un autre et qui ne vivent plus maintenant qu'une vie de rien, de pas grand chose. Pourtant il avait fait des études, l'aîné des Hartwell, avait été le premier de la famille à avoir des ambitions autres que les métiers manuels, et maman avait été fière de ce fils qu'elle ne voyait jamais mais qui restait toujours, à ses yeux, l'une de ses plus belles réussites. Il n'avait rien à foutre là, ni dans cette salle, ni dans cette ville, ni même dans la vie de Lonnie qui avait passé tant de temps à l'attendre, encore rempli d'espoir. Affalé sur sa chaise comme un condamné il avait écouté les mots crachés par son petit frère, fatigué, éreinté de cette situation qui avait à peine commencée mais qui allait déjà enfoncer un peu plus le clou rouillé. Mal au crâne, mal au cœur, ce mal de n'avoir rien d'autres à offrir à Harvey que des insultes et des reproches. Pourquoi t'es parti ? Pourquoi t'as jamais écrit ? Que des "pourquoi" qui ne trouveraient sans doute pas de réponse, parce que l'aînée se débarrassera des questions d'un hochement de tête, d'un haussement des épaules, avant d'enchaîner sur ses questionnements à lui qui ne feront qu'énerver un Lonnie déjà passablement excédé. Le policier prend place sur la chaise, essaie de contenir le tremblement dans ses mains qui ne demandent qu'à venir fouette le visage ridé de son frère. Harvey ne dit rien, reste proscrit, la tête rentrée dans les épaules comme une torture, un chien battu qui attend la punition, la main levée. Le bleu ne veut pas lui donner l'occasion de s'expliquer, préférant tout de suite oublier le fait que c'est son frère qui se tient là, pas n'importe quel voyou qui aurait trop abusé de la bouteille. Mais ça se voit, quand même, que les années ne sont pas passées sur l'aîné comme sur le cadet, il est ridé, à le regard fatigué et la peau terne, comme si un semi-remorque lui était passé dessus, encore et encore jusqu'à la panne sèche. On pourrait croire que c'est Lonnie le plus grand de la fratrie, parce qu'il est sorti de l'adolescence avec des muscles en plus, du charisme aussi, de l'assurance, alors qu'il n'était rien d'autre qu'un gringalet quand ils étaient plus jeunes et qu'Harvey, lui, avait toujours été le plus costaud des deux. Maintenant il paraît plus svelte, moins grand, comme si quelque chose c'était brisé en lui des années auparavant. Sourire usé sur les lèvres Lonnie parle de maman, qui croupie derrière les barreaux d'une cellule trop petite et qui demande, inlassablement, à Lonnie si son frère va enfin de lui rendre visite. Il ne mérite pas son attention, l'amour qu'elle lui porte encore, il ne mérite rien d'elle comme du policier. « Sois pas con, maman n’existe plus pour moi, Lo’. J’suis sûrement pas revenu pour elle, non. Dis, t’as pas une clope ? Je meurs d’envie de fumer, ça me rends fou, sans clope je ne peux pas me concentrer et s’il faut qu’on discute, il va me falloir un minimum d’aide. » Les mots d'Harvey sont durs, tranchants, et Lonnie est sur que du fond de sa cellule maman à le cœur qui rate un battement. Le policier se retient d'enfoncer son poing dans la gueule fatiguée de son aînée, mais ça serait encore plus de paperasse à faire en plus des rapports qu'il a promis de taper à la place de Robbie. Fouillant dans la poche intérieure de sa veste toujours accroché au dos de la chaise le policier en sort son paquet de cigarette à moitié vide qui ne lui sert qu'en cas d'urgence quand il ne peut vraiment pas s'en empêcher. Patch à la nicotine ou non collé sur le bras Lonnie se dit que c'est le bon moment pour s'en griller une. Il fait glisser la cigarette entre ses lèvres avant d'en tendre une à Harvey sans même le regarder dans les yeux, préférant sortir son briquet de l'arrière de sa poche plutôt que de se faire face à son frère. « Elle parle de toi tu sais, tout le temps. » Les larmes aux yeux, impuissant devant les remarques de son aîné, Lonnie frotte son front du plat de la main. « A chaque fois que je vais la voir elle me demande "tu as des nouvelles de ton frère ?", avec une petite voix à moitié éteinte comme si elle savait... » Rejoignant la chaise afin de s'y écrouler Lonnie ne peut s'empêcher de rire devant le tragique de la situation, levant les mains en l'air. « Et à chaque fois je lui mens, droit dans les yeux. Je lui dit que tu vas bien, que tu as un bon travail qui t'empêche de venir la voir mais que tu penses à elle. » Le policier avait levé l'index vers son frère, la cigarette tremblante entre ses doigts. « Mais tu peux pas savoir ce que ça fait hein ? De voir son regard s'éteindre semaine après semaine, de la voir maigrir à vue d’œil, de la retrouver certains jours avec un bleu sur le visage... » Il est arrivé, le moment, le grand déballage de sentiments que Lonnie avait mainte et mainte fois répété dans sa tête afin qu'il soit parfait le jour venu. « Je vais te faire sortir d'ici, et quand tu aura franchi la porte de ce commissariat tu vas faire exactement ce que tu as fait pendant des années, tu vas foutre le camp de ma vie et tu vas pas te retourner. » Lonnie avait grandit sans frère, peu importe les moments partagés durant l'enfance, il était hors de question pour le policier de se faire du soucis pour Harvey, pas après tout ce qu'l avait fait.

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Message(#)Retrouvailles des frères Hartwell EmptyJeu 25 Avr 2019 - 23:48

Les frères Hartwell
Lonnie & Harvey



Silencieux, Lonnie semble perdu dans ses pensées. Je parie qu’il hésite entre m’en foutre une et accéder à ma demande. Et puis, il capitule et sors ses clopes. J’esquisse un léger sourire en coin, impatient de sentir l’effet de la nicotine qui se répand dans mes veines. J’attrape la clope rapidement, le briquet et j’inspire profondément la fumée qui remplit mes poumons, les noircissant un peu plus encore. Concentré sur la sensation, je tressaute lorsque Lonnie reprends la parole. 
 
Elle parle de toi tu sais, tout le temps. 
 
D’abord surpris par cette confidence inopinée, je me ferme néanmoins rapidement en comprenant là ou il veut en venir. C’est l’heure des reproches apparemment. Je tire nerveusement sur ma clope tout en observant Lo’, le regard fixe et les yeux légèrement plissés. Je ne suis pas sûr d’avoir envie d’entendre ce qu’il a à me dire, mais je n’ai pas trop le choix de l’écouter ou non, vu la situation.
 
- A chaque fois que je vais la voir elle me demande "tu as des nouvelles de ton frère ?", avec une petite voix à moitié éteinte comme si elle savait. Et à chaque fois je lui mens, droit dans les yeux. Je lui dis que tu vas bien, que tu as un bon travail qui t'empêche de venir la voir mais que tu penses à elle.
 
Tu devrais lui dire la vérité. Le mensonge n’aide personne, Lo’. Je baisse le regard sur mes mains aux phalanges meurtries, incapable de ressentir de la culpabilité pour ma mère. Oh pour Lo’, j’en ai à revendre toutefois. Je suis coupable de trop de manquements à son égard, beaucoup trop.
 
Mais tu peux pas savoir ce que ça fait hein ? De voir son regard s'éteindre semaine après semaine, de la voir maigrir à vue d’œil, de la retrouver certains jours avec un bleu sur le visage... 
 
Je l’ai déjà vu avec des bleus sur le visage… Des images du passé resurgissent, encore et encore. Je n’ai pas envie de voir ça, je n’ai pas envie de penser à ça, elles me hantent suffisamment les nuits. Mon regard se voile alors que j’encaisse difficilement les reproches.
 
- Je vais te faire sortir d'ici, et quand tu auras franchi la porte de ce commissariat tu vas faire exactement ce que tu as fait pendant des années, tu vas foutre le camp de ma vie et tu vas pas te retourner. 
 
Le couperai tombe et son incision est nette, franche. Je ferme les yeux et inspire lentement pour maîtriser mon corps qui tremble sous l’impact de ses mots. Je les ai mérités, je sais. J’ai honte de ne pas avoir pu te soutenir, Lo’ mais j’ignorais comment le faire. Je l’ignore toujours. Je ne crois pas que je saurais un jour. Agir bien avec toi. Agir bien pour toi. Tout ce que je sais faire au final, c’est fuir. Encore une fois, loin de toi. 



Pendant quelques secondes, je ne dis rien, tête baissée vers mes mains, je laisse la cigarette se consumer seule, oubliée. Puis, je me racle la gorge et relève la tête en répondant :
 
- Si c’est ce que tu veux.
 
Je me redresse alors, et me lève, répondant à son injection. Lonnie me fait bien comprendre que tout ce qu’il ressent pour moi n’est plus que de la colère et je connais trop bien ce sentiment pour insister. Il n’a pas besoin de ça, le petit frère. Il n’a pas besoin de moi. Il n’a jamais eu besoin de moi. Je tire sur ma clope en me levant et je contourne la table, décidé à prendre mes cliques et mes claques comme il vient de me le suggérer. 
 
Toutefois, avant de quitter la pièce pour sortir comme un homme libre, je lève mon regard vers Lonnie et affronte ses grands yeux bleus larmoyants. On a quasiment les mêmes, ces yeux qui trahissent la moindre de nos émotions, ces yeux qui disent tellement plus que nos lèvres... 
 
Ce que je m’apprête à lui dire ne va pas lui plaire mais de toute façon, je n’en suis plus vraiment au stade où je cherche encore à rattraper quoi que ce soit désormais. Nos vies sont ce qu’elles sont, éloignées très certainement pour le mieux. J’ai besoin néanmoins de lui dire que lui et moi, au final, on ne fait que subir ce que nos tarés de parents ont faits.
 
- Tu sais Lo’, si elle n’avait pas appuyé sur la détente ce jour-là, elle serait toujours avec nous. C’est elle qui est responsable de sa situation, elle seule. Et ça, toi et moi on ne peut rien y changer. 
 
Nos choix actuels sont simplement différents. Toi, tu t’efforces de ne pas la maudire. Moi, j’évite de penser qu’elle respire encore, ainsi qu’au mal qu’elle nous a fait. Par désespoir, il n’y a que le désespoir qui pousse à commettre de tels actes... 
 
Et peu importe que tu ailles la voir toutes les semaines, c’est bien elle qui nous a abandonné. Elle qui a décidé que finir sa vie derrière des barreaux était une destinée plus enviable que de voir grandir ses fils et de les protéger. Elle qui a tout fait exploser, par désespoir au milieu d’une crise d’hystérie. Elle qui a tué mon père avant de nous abandonner. 
 
Alors non, je ne peux pas lui pardonner et je ne le ferais jamais. Car si j’ai perdu ma famille, si j’ai tout perdu, c’est entièrement de SA faute. C’est une meurtrière doublée d’une lâche. Pour rien au monde je ne voudrais affronter à nouveau son regard. Je la hais. Si elle se trouvait en face de moi, je ne pourrais pas m’empêcher de lui cracher ma haine à la gueule. De la tabasser, exactement comme lui le faisait, pour me libérer de ces chaînes sur mon cœur. 
 
Lonnie peut me juger pour mes absences, pour mon manque de soutien envers lui ainsi que mon manque de considération de sa personne, mais il ne peut pas me juger en ce qui concerne notre mère. Le choix que je fais de ne pas lui rendre visite m’appartient totalement et je ne le changerai pas même s’il devait me supplier pour ça. Ma mère est tombée avec mon père le jour de sa mort, d’ores et déjà enterrée dans le caveau familial pour moi. Et je me ferais incinérer pour ne jamais avoir à vivre l’éternité à leurs côtés. Plus jamais.
 
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Message(#)Retrouvailles des frères Hartwell EmptyJeu 2 Mai 2019 - 20:12

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Harvey est redevenu un gamin, il est paumé, il cherche ses mots alors que le manque de nicotine creuse son visage minute après minute, et ça dégoute Lonnie qui a passé tant d’années à idolâtrer ce frère qui semblait intouchable. Alors le flic baisse les bras, laisse l’aîné tirer une cigarette du paquet qu’il tend devant lui, le dernier qu’il avait dit, le dernier avant l’arrêt total. Des foutaises, tout comme le peu de mots qu’arrive à sortir son frère, rendu docile par la vie il n’affiche plus le même visage que quand ils étaient gamins, ce visage qui terrorisait Lonnie parfois. Harvey se jette sur la cigarette comme un mort de faim alors que son policier de frère essaye de se ressaisir, expirant entre ses lèvres l’air accumulé dans ses poumons comme si il n’arrivait pas à reprendre son souffle, une apnée soudaine qui lui donne mal à la tête et qui le contraint à s’asseoir devant Harvey qui n’a toujours pas bougé, préférant le réconfort de la clope au regard dur de son cadet. Lonnie évoque leur mère, à qui il doit mentir toutes les semaines pour lui faire plaisir, à qui il sert toujours les mêmes conneries enrobées de sourire et de silences qui ne font plus effet maintenant, parce qu’elle a tout compris du petit jeu de son fils. Il avait voulu lui dire la vérité de nombreuses fois, rassemblant un peu de courage au creux de son ventre pour enfin se libérer du poids des mensonges, mais jamais il n’avait trouvé la force de finir ses phrases tant le regard triste de sa mère faisait pression sur son mental qu’il aurait voulu d’acier. Le temps des reproches et des insinuations était enfin arrivé et Lonnie ne se retiendrait pas devant son frère, peu importe la douleur qu’il pouvait lire dans le regard d’Harvey le policier voulait aller jusqu’au bout des choses, pour lui et pour cette mère qui mourrait dans cette prison et qui n’avait même pas le réconfort de savoir son aîné heureux et en bonne santé. S’en suit le long discours sur cette mère, sur toutes les erreurs qu’Harvey avait pu faire au cours de sa vie et qui avaient eu des répercussions sur Lonnie, lui coûtant parfois la santé, morale comme physique. Le policier n’avait plus de retenu et enchaînait les reproches et les sermons tout se retenant de ne pas éclater en sanglot devant Harvey qui ne disait toujours rien, proscrit sur sa chaise comme un enfant que l’on puni. L’index accusateur levé, tremblant sous la pression et la tristesse, Lonnie avait terminé son discours par une requête, un ordre même qu’il balança d’une voix claire pour bien se faire entendre. Qu’il foute le camp de sa vie Harvey, qu’il prenne la route comme il l’avait si bien fait des années auparavant, sans se retourner. Lonnie n’avait pas de place dans sa vie pour les emmerdes que son aîné avait apportés avec lui, bien trop occuper à gérer ses propres problèmes en plus de s’assurer que maman allait bien. Trop occupé, pas assez de temps pour ces conneries, voilà ce qui résonnait dans la tête du flic maintenant que toutes les choses avaient été dites.

La tête baissée, le corps tremblant et la cigarette se consumant lentement entre ses doigts Harvey encaisse les mots sans savoir les rendre, laissant son petit frère avec rien d’autre que le silence pendant de longues secondes. « Si c’est ce que tu veux. » Qu’il balance pour seule réponse vers un Lonnie qui lève les yeux au ciel devant l’attitude de connard qu’affiche Harvey, pour ne pas changer. Il en aurait presque le sourire aux lèvres le flic, de voir que son aîné n’est rien plus qu’une ombre, un tas de viande sans aucune émotions, sans aucune répartie, mais la vérité c’est que la vision de cet Harvey diminué lui fait mal au cœur, lui qui l’avait connu battant et fiévreux, prêt à tout pour ses proches. « Ouais, c’est ce que je veux. Tu ne devrais pas avoir de mal non ? T’as fait ça toute ta vie. » A ses paroles Lonnie rajoute un haussant d’épaules désinvolte qui traduit pourtant sa tristesse de voir les choses prendre cette tournure. Ça lui fout la gerbe d'avoir à agir de cette façon, comme un connard préférant l'étreinte froide d'inconnu à celle de son propre frère qui aurait du se faire rassurante. C'est ta faute Harvey, tout ça, ce que je suis devenu, ce que j'ai du apprendre à faire à cause de ton absence, ce que j'ai du apprendre à taire car tu n'étais pas là pour m'expliquer les choses. Il n'y avait aucun mal à comprendre que, partout où il allait, Lonnie cherchait toujours une figure fraternel chez les autres. Tant de fois il avait joué le dialogue dans sa tête, il avait rêvé de cette rencontre plus d’une nuit, et maintenant qu’il avait Harvey en face de lui tous les mots répétés en boucle refusaient de sortir. Harvey fait le tour de la pièce et le flic se tend, prêt à répondre à n’importe quelle situation quitte à remplir de la paperasse expliquant pourquoi il avait frappé un suspect dans une salle d’interrogatoire. « Tu sais Lo’, si elle avait pas appuyé sur détente ce jour-là, elle serait toujours avec nous. C’est elle qui responsable de sa situation, elle seule. Et ça, toi et moi on ne peut rien y changer. » Le sang ne fait qu’un tour dans les veines de Lonnie dont le regard est maintenant teinté par une rage folle, destructrice. Il se lève d’un bon, le flic, et pousse violement son frère contre le mur, le bras en travers de sa gorge, tant pis pour la paperasse. « Si elle n’avait pas appuyé sur la détente elle serait morte, et peut-être que toi aussi, ou moi. » La colère lui monte aux yeux, au nez, et c’est les dents serrés que Lonnie s’approche de son frère, faisant pression sur sa gorge alors que la cigarette est tombée au sol. « Tous les jours je la remercie d’avoir buté ce salopard qui as passé sa vie à nous frapper pour le plaisir. » Conscient des risques qu’il prend à laisser ainsi sa rage s’exprimer Lonnie relâche la pression de son bras sur la gorge de son connard de frère, peu importe qu’il le mérite ou non. « Tu penses qu’elle est lâche Harvey, mais c’est la femme la plus courageuse que j’ai jamais connu. » Ramassant la cigarette quasiment éteinte sur le sol Lonnie défroisse sa chemise, renoue sa cravate. « Et toi tu es comme lui, un connard et un faible. » Brisé, le cœur au bord des lèvres le flic passe une main sur son visage marqué par la colère. Fout le camp Harvey, dégage de là, ne pose plus sur ton frère des yeux de chagrin alors que tu n’as plus que des cendres à offrir.

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Message(#)Retrouvailles des frères Hartwell EmptySam 4 Mai 2019 - 19:39

Les frères Hartwell
Lonnie & Harvey



J’ai le cœur au bord des yeux et mes lèvres tremblent. Combien de fois ai-je vécu ses retrouvailles dans ma tête ? Combien de fois les ai-je rêvé, imaginé, pensé, fantasmé même ? Trop de fois pour que je puisse les compter, je le sais. J’ai le cœur au bord des yeux mais les larmes ne coulent pas et j’évite ton regard. A part de la déception, que vais-je y voir ? De la colère ? Elle est légitime. De la rancœur. Elle aussi est légitime. J’ai merdé. Profondément, irrémédiablement, j’ai merdé. Et je n’ai pas les mots pour m’excuser. Je ne sais pas ce qui  peut excuser mon comportement auprès de toi, Lonnie. Je ne sais même pas ce que je me suis imaginé. Ou plutôt je le sais trop bien mais ça n’effacera rien. Je pensais revenir, ou pas, ça dépendait de toi et de ce que tu devenais ça. Je pensais revenir diplômé, t’apporter un peu de fierté et renouer. Aussi bêtement que ça. Aussi connement que ça. Faut croire que les plus diplômés ne sont pas les plus intelligents pour façonner des plans aussi foireux et déséquilibrés. Je m’en veux tellement… Encore là, je m’en veux d’agir comme je le fais, de me détourner et de fuir. Tu as mal, Lonnie, je l’entends dans ta voix et mon cœur s’alourdit alors que je traîne la patte.

- Ouais c’est ce que je veux. Tu ne devrais pas avoir de mal non ? T’as fait toute ta vie !

Ces paroles me terrassent, elles détruisent tout à l’intérieur de moi car c’est la vérité crue qu’il me renvoie. Mon incapacité à gérer mes émotions vis-à-vis de lui, à le soutenir tout simplement en dépit de nos différences. Je suis stupide. En moi, il n’y a plus que du vide à présent et je ne sais pas comment le remplir. J’ai trop honte de celui que j’ai été, de celui que je suis à présent aussi. Est-ce que le jeu est déjà perdu d’avance ? Il me semble n’avoir plus aucune carte à jouer. Mais je ne peux pas partir comme ça, je ne peux pas garder le silence sur la principale raison de notre éloignement : cette mère indigne qui a commis l’irréparable sans penses aux conséquences, cette mère sur laquelle je déverse toute ma haine et ma frustration à chaque occasion, cette mère à qui j’en veux profondément, cause de tous mes tourments. Cette mère qui croupit en prison, misérable jusqu’à sa dernière heure. Cette mère sur laquelle je n’ai pas posé mon regard en plus de dix ans. Je ne peux pas me taire à son sujet, et même si Lonnie ne partage pas mon point de vue, je le lui expose. Car s’il y a bien une chose qui nous rassemble au final, c’est notre douleur. Vive, lancinante, omniprésente. Le passé nous empêche d’avancer et détruit toutes nos possibilités d’avenir. Nous sommes deux fantômes en train d’essayer de se rappeler ce que cela fait d’avoir un cœur qui bat. Deux ombres perdus dans la brume d’un passé violent, insurmontable.

Alors Lonnie me rejoint d’un bond et je vois la lueur de rage briller au fond de ses prunelles. Mon dos heurte violemment le mur tandis que son avant-bras me bloque presque la respiration, en travers de ma gorge. Je déglutis difficilement, juste pour m’assurer que je peux encore le faire et puis je n’ai pas le choix : mon regard plonge dans ces prunelles terrifiantes qui me fixent, et j’y vois tout ce que je redoutais alors. La violence, la colère, la honte, le dégoût, l’écœurement.

- Si elle n’avait pas appuyé sur la détente elle serait morte, et peut-être que toi aussi, ou moi. Tous les jours, je la remercie d’avoir buté ce salopard qui a passé sa vie à nous frapper pour le plaisir.

Je ne bouge pas et j’encaisse sa colère et ses paroles, hermétique à sa façon de penser malgré tout. J’aurai aimé pouvoir la défendre, j’aurai aimé pouvoir le défendre, j’aurai aimé nous sortir de cette merde mais je n’en ai jamais eu les couilles. J’aurai dû prendre un couteau dans la cuisine en pleine nuit, comme je rêvais de le faire, pour venir trancher sa gorge d’ivrogne affalé sur le canapé. Mineur ayant subi des maltraitances, je n’aurai pas écopé d’une peine aussi lourde qu’elle. Mais rien de tout ça ne s’est passé, non. Et mes regrets ne font que m’enliser davantage dans le désespoir. Lonnie me relâche et s’écarte, je respire mieux et en profite pour inspirer profondément. Ce n’est pas tant son geste qui m’a coupé le souffle, c’est son regard. Maintenant que je peux y échapper, je n’hésite pas.

- Tu penses qu’elle est lâche, Harvey, mais c’est la femme la plus courageuse que j’ai jamais connu.

La plus désespérée aussi. La plus irréfléchie. Que croyait-elle qu’il se passerait ensuite ? Qu’on ne l’enfermerait pas pour son geste ? Qu’on ne serait pas exposés à la presse et à tous ces charognards en quête de faits divers ? N’était-elle pas censée nous protéger du monde autour, en plus de notre père ? N’y avait-il pas un autre moyen putain ? Un autre moyen que celui de lui trouer le bide aussi vulgairement et de passer pour une putain de tueuse toute sa vie ! Je perds le contrôle, les mots de Lonnie agissent comme du venin à l’intérieur de moi et mon visage se fissure. La colère monte, la rage crépite et si je ne sors pas tout de suite, je vais faire de la merde.

- Et toi tu es comme lui, un connard et un faible.

Les mots résonnent dans mon crâne, mon cœur s’arrête et ma respiration se coupe. Il n’a pas osé. Il n’a pas pu. Le silence se prolonge, quelques secondes de répit, quelques secondes où la vague enfle et s’apprête à déferler et à tout détruire sur son passage. Mon regard flamboie et accroche à nouveau le sien. Je ne suis plus un homme à cet instant. C’est les démons du passé qui m’habitent alors que je crache violemment en l’empoignant par le col de sa chemise de flic bien repassée et nette :

- Comme lui ? Putain tu peux tout me dire ok ? TOUT ! Mais pas ça ! T’as pas le droit, t’entends ?

Les larmes arrivent, par milliers. Elles inondent mes prunelles et brûlent mes paupières avant de rouler sur ma peau sèche, comme du magma en fusion.

- J’ai essayé bordel ! J’ai essayé de l’arrêter parfois, mais il était trop fort. Tu crois quoi Lonnie ? Que t’étais le seul à subir, que ce que t’as vécu n’est arrivé qu’à toi ?

Je baisse la tête, secoué par les sanglots et je m’accroche à cette chemise froissée désormais tandis que mon corps tremble sous l’impact du choc. J’ai mal, ça fait trop mal d’y penser, trop mal d’en parler. J’essaie de me reprendre, de me calmer mais les cauchemars qui hantent mes nuits reviennent et mes pensées me malmènent.

- Elle aurait dû trouver un autre moyen, putain, elle aurait dû réfléchir davantage bordel de merde !

Mon pied fracasse la chaise, et je relâche Lonnie brusquement. Je m’écarte, vais à l’autre bout de la pièce et m’effondre contre le mur. Je glisse sur le sol, comme une merde, prends mon visage dans mes mains et les serre sur mon crâne. La douleur est fulgurante, aveuglante, je n’ai plus aucun contrôle sur mon corps qui tremble de manière totalement désordonné. Je ne voulais pas exploser, putain. Je ne voulais pas ! Pourquoi faut-il que tout ce que je ne veux pas se réalise ?  
 
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Message(#)Retrouvailles des frères Hartwell EmptyLun 13 Mai 2019 - 20:51

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Elle avalait les somnifères par cinq, consciente des risques et pourtant bien décidée à ne pas éveillée lorsqu’il rentrait du boulot la gueule enivrée et les pas lourd. Juste assez de cachets pour tenir la journée et pour se réveiller au moment où les gamins rentraient de l’école, pour l’empêcher de porter sa main calleuse sur les joues encore roses des enfants, témoins impuissants de cette violence. Mais pas ce jour-là. Lonnie avait cinq ans et avait été mis à mal par une vilaine bronchite qui l’avait contraint à rester à la maison ce jour-là. Sans maman, sans Harvey, le petit avait été le seul défouloir de son père ne supportant pas les plaintes enfantines de son gamin, et la main de ce père avait trouvé la joue du fils, à plusieurs reprises pendant de longues minutes. Les voisins fermaient les yeux devant les cris venant de la maison, les enseignants préféraient ne pas s’imposer dans le foyer alors même qu’ils étaient les témoins de cette descente aux enfers. Des baffes, des coups, des insultes, Lonnie en avait mangé à la pelle avant que sa mère ne décide de mettre un terme à tout ça. Occulté les souvenirs, disparue la douleur lancinante, ne restait que les regrets et cette impression de vide. Harvey avait choisi la facilité pour se débarrasser de ce monde de souffrance, peut-être qu’il avait eu raison de s’enfuir, sans quoi il aurait basculé lui aussi. Mais le flic était aveugle, impuissant devant ce frère qui osait pointer son nez dans la ville, après tout ce temps gâché. Ils ne pourraient jamais retrouver leurs vies d’avant, leur relation, elle aussi partie au bûcher en même temps que les souvenirs. Les mains et les lèvres tremblantes Lonnie extirpe cette rage trop longtemps demeuré silencieuse au fond de lui pour la cracher sur son frère qui n’a pas été là, qui as laissé au cadet tout le poids de ce monde en l’élisant, involontairement, gardien de leur mère. Il aurait dû avoir le choix, Lonnie, et Harvey l’en a privé le jour où il s’est barré. Alors dans ses yeux il n’y a que de la rage, de l’amertume, et une folle envie de claquer la porte sur la silhouette de ce frère.

Il n’en peut plus, de cette douleur, de cette absence qui n’a que trop durer, alors quand Harvey crache les dernière phrases - maudissant une mère qu’il n’a jamais vraiment connu - le policier s’emporter et traverse la pièce d’un seul bond pour venir coller son avant-bras sous la gorge de son frère, le plaquant contre le mur par la même occasion. La colère prend le pas sur l’incompréhension, Lonnie se surprend, lui qui a toujours préféré les mots aux poings. Dans les yeux de Harvey il peut distinguer de la lassitude derrière les pupilles tremblotantes et la marée qu’il essaie de combattre pour ne pas flancher. Serpent trop longtemps tapis dans l’ombre le flic ne contrôle plus les mots qui sortent par cascade de sa bouche pour rependre leur venin sur ce frère qui n’a plus rien d’impressionnant depuis des années. Personne ne peut ainsi bafouer l’honneur de sa mère que Lonnie supporterait aveuglément jusque dans la folie, ni lui ni aucune autre personne bien trop pressée de porter un jugement sur le comportement que la mère a eu des années plus tôt. C’est trop. Trop dur à entendre, trop dur à comprendre. Que des conneries, des infamies qu’Harvey distille en boucle pour se donner bonne conscience. Quand le bras de Lonnie se détache enfin il ne reste plus rien dans l’esprit, vide de sens, vide de larmes. Il en a trop versé pour Harvey, il ne les mérite plus. Un connard et un lâche, Harvey, toute ta vie tu resteras ce frère incapable de voir plus loin que sa propre douleur. Les mots brûlent sa gorge alors que Lonnie est violemment saisi par le col de la chemise, incapable de bouger comme un chaton attrapé par sa mère. « Comme lui ? Putain tu peux tout me dire ok ? TOUT ! Mais pas ça ! T’as pas le droit, t’entends ? » Pour seul réflexe devant les paroles saillantes de son frère Lonnie n’a qu’un sourire et des larmes. « Tu vas faire quoi Harvey, hein ? Tu vas me frapper ? » Il n’était plus le même, avait changé du tout au tout, et nourrissait une folle envie d’abattre son poing dans la gueule dépressive de son frère depuis des années. « J’ai essayé bordel ! J’ai essayé de l’arrêter parfois, mais il était trop fort. Tu crois quoi Lonnie ? Que t’étais le seul à subir, que ce que t’as vécu n’est arrivé qu’à toi ? » Pendant longtemps le flic s’était persuadé être le seul malheureux de cette histoire, le seul qui avait vraiment été touché jusqu’à la moelle par cette situation, incapable de faire assez confiance aux gens pour leur laisser une place dans sa vie, occultant l’image d’Harvey qui avait – lui aussi – subit toute ces conneries. « Quand t’es parti j’ai tout assumé tout seul Harvey… toutes les questions, tous les cauchemars et les nuits sans fin…et maman qui essayait de garder la face devant tout ça… » Il ne voulait pas se débattre, préférant laisser son aîné extérioriser sa colère, dévisageant les larmes qui coulaient sur le visage d’Harvey, des larmes qu’il avait attendu toute sa vie en espérant qu’elles soient pour lui. A bout de nerf, en bout de course, l’aîné est à deux doigts de se fissurer devant le flic qui refoule son envie de famille heureux et soudée, parce qu’Harvey n’a pas le droit de revenir après tout ce temps et de remettre en question la vie de son frère. « Elle aurait dû trouver un autre moyen, putain, elle aurait dû réfléchir d’avantage bordel de merde ! » La chaise s’envole violement sous le coup de pied d’Harvey qui s’effondre, se laisse tomber contre le mur et éclate, enfin, après tout ce temps.

Sans s’en rendre compte Lonnie à les larmes aux yeux, vilaine poussière dans l’œil, corps marqué au fer rouge. « Qu’est-ce que tu voulais qu’elle fasse Harvey ? Aller voir les flics ? » Il avait ramassé la cigarette laissée à l’abandon avant de la glisser aux coins de ses lèves. « Se plaindre aux voisins peut-être ? » Assis sur le rebord de la table le flic avait lancé un regard plein de larmes à son frère avant d’allumer la clope d’un geste. « Elle y a pensé, un moment ... » C’était le moment, le temps des grandes lignes et des mots frappants, le moment pour Lonnie d’enfoncer le dernier clou dans la poitrine de son frère. « Et elle est-même aller les voir, les flics, le jour où il m’a enfoncé un tournevis dans la jambe. » C’était la dernière chose dont il se souvenait, le dernier souvenir de ce père pas encore effacé par la mémoire, par cet esprit protecteur qui l’avait forcé à tout oublier. « Ils ont mis ça sur le dos de l’alcoolisme, à l’époque, et ont simplement dit qu’il fallait qu’il se soigne, que ça irait mieux » Il voulait le rejoindre, se laisser tomber à ses côtés, effacer l’ardoise et repartir à zéro, mais Lonnie avait une rancœur tenace et une tristesse encore trop présente pour se laisser faiblir devant les larmes de son frère. T’as raté ta chance Harvey, tu n’auras plus que des soupirs comme mots, des cendres à la place des embrassades dont ils avaient pourtant tant rêvé. « Un jour j’ai voulu lui dire que t’étais mort… histoire qu’elle arrête de t’attendre. J’ai jamais réussi, toujours persuadé que tu pointerais un jour, comme par magie. » Lonnie avait rangé la chaise à sa place avant de reprendre sa veste pour l’enfiler sur ses épaules, soudain pris d’un frisson face à ses paroles d’une dureté extrême, pas encore prêt à baisser sa garde devant un Harvey qui – pourtant – lui brisait le cœur encore une fois.

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Message(#)Retrouvailles des frères Hartwell EmptyMer 15 Mai 2019 - 22:17

Les frères Hartwell
Lonnie & Harvey



Les mots blessent plus que les poings. Tranchants, violents, accusateurs, ils s’engouffrent dans la moindre faille pour s’établir là où ils ne cesseront pas ensuite de persécuter leur victime. Les mots restent, les cris aussi. Certains continuent de vous hanter et cette voix, rauque et sombre qui n’est plus de ce monde résonne encore parfois, insidieuse et traumatisante, dans ma tête. « Tu n’es rien de plus qu’une merde. Tu as foutu ma vie en l’air. Si j’avais su ce qui m’attendait avec toi, je t’aurais abandonné à la naissance. Bon à rien. Pique-assiette. Assisté. Trouillard. » Le résumé de ma vie. La force des mots est ignorée bien trop souvent et on a du mal à admettre sa puissance. Ce ne sont que des mots, prononcés sous le coup d’un excès de violence, qui ne veulent rien dire, qui ne sont pas pensés, ni réfléchis. Il ne faut pas leur apporter plus d’attention que ça. Ce ne sont que des mots… Et pourtant, qu’est-ce qu’ils peuvent faire mal ces putains de mots ! Trop souvent entendus, répétés, criés. Assourdissants, percutants, terrassants. Les mots mettent à terre plus violemment que les poings, j’en ai été si souvent témoin.

Je tremble, au sol et mes mains cachent mon visage en plein désarroi. Je suis perdu, quelque part entre le passé et le présent, tourmenté par les souvenirs qui s’affolent et se dressent par milliers devant ma lucidité déjà bien atteinte par l’alcool ingurgité ce soir. La voix de Lonnie résonne encore, et frappe. Ta gueule, petit frère. Je ne peux plus le supporter, je suis à bout de tout. Mes mains ne lâchent pas mon visage ni mon crâne alors que l’odeur de la cigarette envahit à nouveau la pièce. Lonnie s’épanche, il est en position de force et il ne s’en prive pas pour me donner le coup de grâce. Je l’ai mérité, je crois. Et peut-être bien qu’il a raison au final, je ne suis peut-être qu’un putain de connard et de lâche car ses propos me sont insupportables. Ils me font suffoquer et m’étouffent, il faut que je sorte et que je prenne l’air. Ces retrouvailles n’ont pas de sens, elles ne mènent à rien si ce n’est à se faire davantage de mal. Un frisson me parcourt à l’évocation d’un énième souvenir terrible. Ce tournevis, logé dans sa jambe. Lonnie hurlait de douleur et de terreur, Maman était dépassée et il ne voulait pas qu’on embarque Lo’ à l’hôpital, de peur d’être dénoncé. Je me souviens de la tension qui avait grimpé, des négociations qui avaient dû être engagées pour réussir à sortir de la maison où s’était tenu le drame tandis que Lo’ souffrait et risquait à chaque instant sa vie. Je me souviens de la peur et de cette sensation d’impuissance. La misère, la vraie. Âmes salies, cœurs déchirés, abusés.

Je pleure. Je n’ai plus que mes yeux pour pleurer sur toute cette douleur qui au lieu de nous avoir rapproché, nous a éloigné. Mes mains glissent dans mes cheveux que je ramène vers l’arrière, les yeux fermés j’essaie de reprendre une respiration correcte. – Un jour j’ai voulu lui dire que t’étais mort… histoire qu’elle arrête de t’attendre. J’ai jamais réussi, toujours persuadé que tu te pointerais un jour, comme par magie. A ses mots, je relève la tête et le regarde. Sans ambages, sans détours, mes yeux brillants d’émotions croisent les siens et les accrochent avec fureur, bien décidé à stopper les frais. Ma voix rauque a du mal à sortir du fond de ma gorge, et je suis obligé de me la racler et de toussoter légèrement pour dire – Et maintenant que je suis là Lo’ ? Il se passe quoi ? Je secoue la tête et me relève alors. D’un geste rageur, j’essuie mes larmes d’un revers de manche et me dresse face à lui, sans aucune animosité. Le désespoir a vaincu, mes épaules sont affaissées et je courbe l’échine. Tu as gagné, petit frère. – Je n’irai pas la voir. Mais je ne t’ai jamais demandé de mentir pour moi, et elle a droit à la vérité. S’il faut que je prenne contact avec son avocat ou la prison pour te faciliter la tâche, je le ferai. Elle a le droit de savoir pourquoi je ne viens pas la voir après tout, et ce n’est pas à toi d’assumer cette charge. Étrangement calme une fois cette résolution prise, je mets mes mains dans mes poches et demande, l’expression lasse et fatiguée – Je peux sortir d’ici ? Ou je dois retourner purger ma peine de dépravé dans une cellule de dégrisement ? Bien que j’aimerai me tirer d’ici au plus vite, je n’attends aucune faveur de sa part et je n’espère rien. Cet échange m’a vidé de toute mon énergie, je n’ai plus la force de lutter.
 
 
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Message(#)Retrouvailles des frères Hartwell EmptyMer 22 Mai 2019 - 21:11

the water's sweet but blood is thicker
So I start a revolution from my bed 'Cause you said the brains I had went to my head. Step outside, summertime's in bloom, Stand up beside the fireplace. Take that look from off your face You ain't ever gonna burn my heart out
 
▼▲▼

Ils auraient dû se foutre sur la gueule plutôt que d’essayer de ce parler, ça n’aurait pas forcément arrangés les choses mais ils auraient au moins pu exorciser la douleur et la colère plutôt que de se balancer des reproches. Harvey avait baissé sa garde, laissant à son frère une chance de tirer son épingle du jeu. Lonnie avait tellement de paroles acerbes en réserve, tellement de souvenirs marqués au fer rouge qui avaient attendus – tapis dans l’ombre – une occasion pour se montrer. Dans sa mémoire Harvey n’était qu’un adolescent en proie à un mal être, luttant intérieurement contre les démons du passé, et – aussi méchant que cela puisse être – Lonnie n’avait pas été grandement étonné de le retrouvé dans une cellule. Harvey le sanguin, le colérique, l’absent. Le feu derrière des paupières lourdes et des traits marqués. Si Lonnie avait maintenant une carrure plus impressionnante il n’en restait pas moins le petit de cette histoire, le minot qui avait pleuré en cachette lorsque son frère s’était barré sans rien dire. Alors de le voir comme ça, à deux doigts de demander qu’on l’achève, Harvey n’avait plus rien du grand gaillard imperturbable. Se foutre sur la gueule, une bonne fois pour toute, ne plus tourner autour du pot en attendant qu’une intervention divine ne les délivre de cette connerie. La cibiche aux coins des lèvres il était resté pantois un instant, incapable de formuler autres choses que des insultes qui n’auraient rien arrangés à la situation. C’était son frère, qu’il le veuille ou non. Mais il avait été un connard durant trop d’années pour que Lonnie efface sa dette du plat de la main. Harvey lui était redevable putain, pour toutes les années où il n’avait pas pris soin de lui, où il lui avait tourné le dos. Serrant des poings contre la table il avait préféré parler de maman, de l’ignorance d’Harvey quant à la situation dans laquelle évoluait sa mère.

« Et maintenant que je suis là Lo ? Il passe quoi ? » Sans redresser la tête Lonnie avait haussé les épaules. Parce qu’il n’en savait foutrement rien. C’était trop con de penser que tout allait s’arranger, trop idéaliste de croire qu’Harvey méritait d’être pardonné sur le champ parce qu’il avait refait surface dans sa vie. Trop con, comme eux. « Tout dépend, tu comptes rester en ville ou bien tu vas te barrer dès quelqu’un te dira quelque chose que tu ne veux pas entendre ? » Le policier avait écrasé la clope contre la table avant de ranger le mégot dans la poche de son pantalon. « Hm ? T’as des projets peut-être ? Une femme et des gosses qui attendent patiemment que tu te remettes dans le droit chemin ? » Mais ça le briserait de savoir Harvey attaché à d’autres personnes alors qu’il n’avait pas été foutu de rester pour lui. « Je n’irai pas la voir. » Lèvres pincés, entrailles brûlantes Lonnie avait accueilli la nouvelle avec un rictus déplaisant. Bien sûr qu’il ne voulait pas la voir, la femme qui a mis terme à ses souffrances n’avait pas assez de mérite à ses yeux. « Mais je ne t’ai jamais demandé de mentir pour moi. » S’en était trop pour Lonnie qui s’était redressé d’un bond pour faire face à ce frère qui lui tenait tête, toujours plus grand que lui, mais beaucoup moins impressionnant depuis qu’il avait vendu son âme au diable. « T’as raison, j’aurai du lui dire depuis le début que tu ne voulais pas la voir… que tu la considérais comme morte… et peut-être qu’elle serait pendue dans sa cellule hein ? Ça t’aurait fait plaisir non ? » L’image d’un corps sans vie au bout d’une corde. Lonnie avait dû se mordre la lèvre au sang pour éviter de s’emporter contre Harvey qui ne méritait pas la patience de son petit frère. « Si il faut que je prenne contact avec son avocat ou la prison pour te faciliter la tâche, je le ferai. Elle a le droit de savoir pourquoi je ne viens pas la voir après tout, et ce n’est pas à toi d’assumer cette charge. »

Dodelinant de la tête, complètement sidéré par les paroles de son frère Lonnie n’avait pu dresser sur un visage qu’une moue désabusé alors que les larmes perçaient maintenant la barrière de ses paupières. « Ok, t’as qu’à appeler la prison pour lui faire passer le message. » Il avait levé un doigt accusateur maintenant posé sur la poitrine osseuse de son aîné. « Mais je te promets que si on m’appelle pour me dire qu’elle a fait une connerie … » Il avait la rage au ventre, les muscles tendus, Lonnie ne répondait plus, avait quitté la pièce un instant pour s’imaginer un avenir sans sa mère. « Je te tue, Harvey. » Tant pis pour les lois, les règles, la justice. Il découvrirait la prison de l’intérieur et n’aurait pas peur d’être vu comme le meurtrier fratricide, le fils de sa mère. « Je peux sortir d’ici ? Ou je dois retourner purger ma peine de dépravé dans une cellule de dégrisement ? » Lonnie avait basculé, laissant un espace à son frère pour qu’il sorte de la pièce, de sa vie. « Non, tu peux sortir. » Les bras croisés sur la poitrine le flic avait assisté à la scène, complètement démuni, complètement brisé, incapable de parler ou de penser. Petit garçon de nouveau abandonné par son aîné, rendu fou par l’absence et le silence.

CODAGE PAR AMATIS

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Message(#)Retrouvailles des frères Hartwell EmptyVen 24 Mai 2019 - 13:32

Les frères Hartwell
Lonnie & Harvey



→ Le désespoir s’abat de nouveau sur moi, et c’est avec renoncement que je l’accueille, le laissant gagner une nouvelle fois face à mon petit-frère que j’ai délaissé il y a trop d’années. Lonnie aurait sûrement eu besoin d’une épaule sur laquelle s’appuyer, d’une oreille pour l’écouter exprimer ses difficultés, sa douleur, juste d’une présence familiale pour lui rappeler qu’il n’était pas seul à vivre ce drame. Je n’ai pas été capable d’assumer ce rôle. Je me suis fermé en me persuadant que c’était pour le mieux. Je n’ai pas pu le protéger enfant, comment pourrais-je revendiquer ma place de grand-frère auprès de lui ? Encore moins avec tout ce temps perdu, toutes ses années d’éloignement qui ont creusé un fossé immense entre nous. Car même si je regrette désormais de m’être autant éloigné, de l’avoir forcé à se faire tout seul et à ne compter que sur lui-même, je ne peux réécrire le passé qui nous lie et je ne changerai jamais le fait que je l’ai abandonné à ses dix-huit ans. Sitôt qu’il a eu l’âge de gagner sa vie, j’ai fui comme un lâche sur un autre continent, pour bien lui faire comprendre qu’il devait se débrouiller. Et il a réussi, de toute évidence, même si je lui trouve un air fatigué et une peau bien pâle malgré le climat australien favorable au bronzage, encore plus avec l’été qui vient de s’écouler. Je ne sais pas s’il est heureux, j’en doute en vérité, mais le bonheur n’est-il pas utopique ? Je ne crois pas que ce soit quelque chose de constant, je pense plutôt que c’est un idéal après lequel on court en y plaçant bien trop d’espoir. Abattu, je me redresse et lui fait face sans aucune animosité. Je capitule, j’abandonne. Ma voix n’a aucune importance, et c’est uniquement de ma faute. Je ne sais même pas comment je pourrais me rattraper, j’ai l’impression que rien ne pourra jamais justifier tous mes manquements à son égard. Alors, je décide d’écourter ses retrouvailles amères, autant pour lui  que pour moi. Pour lui épargner de devoir me faire face davantage, pour m’épargner ses reproches légitimes. Je me flagelle déjà suffisamment, et ça n’y change rien. L’amertume ne me quitte pas, jamais.

– Tout dépend, tu comptes rester en ville ou bien tu vas te barrer dès que quelqu’un te dire quelque chose que tu ne veux pas entendre ? Hm ? T’as des projets peut-être ? Une femme et des gosses qui attendent patiemment que tu te remettes dans le droit chemin ? J’écarquille les yeux malgré moi, surpris par ces mots qui décrivent un idéal auquel je n’aspire pas. Une famille ?  Des enfants ? J’en frissonne de dégoût. Je suis incapable de prendre soin de moi correctement, comment pourrais-je m’occuper d’enfants ? J’ai une véritable aversion pour tout ce qui représente la famille. Peut-être que c’est pour ça que je suis gay. Il serait compliqué de faire des enfants à un homme, ce qui m’arrange bien finalement. Je soupire avec lassitude, avant de secouer la tête, répondant simplement – Il n’y a personne, non. Mais j’vais rester dans le coin. J’affronte son regard en me demandant si nous aurons le droit à d’autres chances et s’il  le souhaiterait. Me revoir. Dans un autre contexte, évidemment. Sur la plage, là où lorsque nous n’étions encore que deux êtres innocents et pleins de vie, nous nous laissions aller à rêver à une vie extraordinaire. J’aimerai tellement que ce rêve-là se réalise. Que nos souvenirs nous rapprochent au lieu de constamment nous éloigner. J’ajoute, poussé par un élan optimiste – J’ai un appart à Fortitude Valley et un job de vigile dans un strip-club à côté. J’enfonce alors mes mains dans mes poches, pas vraiment fier de ce que je fais pour gagner ma vie mais je n’en ai pas honte non plus. Je paie mes factures, j’fais chier personne. Je suis un fantôme. Ces informations ne lui sont pas données au hasard pour autant. Si Lonnie veut me revoir, il saura ainsi où me trouver. C’est ma façon de laisser la porte ouverte et je sais qu’il le comprendra. Trop fier pour dire les choses telles que je les désire. Trop con, aussi.

En ce qui concerne notre mère toutefois, je clarifie une nouvelle fois les choses. Maman n’est pas morte, mais je préfère ignorer son existence et la rendre responsable du désastre de ma vie. Mon cœur noircit par la colère n’a aucune envie de s’ouvrir, et c’est certainement bien plus facile pour moi qu’elle soit enfermée. Je l’évite avec facilité ainsi. – T’as raison, j’aurai dû lui dire depuis le début que tu ne voulais pas la voir… que tu la considérais comme morte… Et peut-être qu’elle se serait pendue dans sa cellule hein ? Ça t’aurait fait plaisir non ? J’arrive à percevoir toute la souffrance de Lonnie quant au sort de notre mère. Je détourne le regard sans trouver rien à redire à cela. Il est évident que je ne tirerais aucune satisfaction d’apprendre sa mort, bien au contraire. Je crois que je m’en voudrais davantage. Cela me fait réaliser aussi que sa situation me donne l’avantage sur elle et me permet d’agir comme je le fais. La honte revient, m’écrase et serre ma poitrine. Je refuse d’aller sur ce terrain-là, radicalement. Appeler la prison pour mettre un terme à tout ça me semble plus raisonnable que d’aller lui rendre visite. Si je la vois… Je ferme les yeux et serre la mâchoire. N’y pense pas, c’est mieux. – Ok, t’as qu’à appeler la prison pour lui faire passer le message. Mais je te promets que si on m’appelle pour me dire qu’elle a fait une connerie… Je te tue, Harvey. Le doigt appuyé de Lonnie sur sa poitrine ne fait qu’imprimer sur mon corps la marque de mes ressentis violents qui se bousculent en moi. Ses larmes me touchent, provoquent l’écoulement des miennes et je hoche simplement la tête, incapable de prononcer le moindre mot. Le doute s’insinue violemment là où il n’était pas invité jusqu’à présent. Je ne sais pas si j’aurai la force d’appeler la prison… Alors je place cette résolution dans un coin de mon esprit, décidant de la traiter plus tard, d’y penser et de trouver la meilleure solution. Pour lui, pour moi et… pour elle..

Soudain pressé de prendre l’air, de fumer une clope et de retourner à ma vie misérable, pour échapper à cette atmosphère qui m’étouffe et m’emprisonne, je demande au petit-frère l’autorisation de sortir. C’est drôle comme les rôles sont inversés ce soir, drôle ou pathétique, lui responsable et moi en pleine perdition. Soulagé lorsqu’il  m’annonce que je suis libre, mes épaules se relâchent. Je serais devenu fou dans une cellule à ressasser tout ce qu’il s’est dit entre nous. Je vais pouvoir sortir, fumer et descendre une ou deux bouteilles pour oublier tout ça et laisser la nuit me happer dans sa noirceur. – Ok. Je passe devant Lonnie et ouvre la porte, marquant un temps d’arrêt avant de m’engager dans le couloir froid à l’éclairage un peu trop fort. Je me tourne vers lui, le dévisage et souffle – J’aurai voulu que ça se passe autrement tu sais… Et puis je soupire, incapable d’en dire plus alors que je crèverai de me jeter à ses pieds et de le supplier de me comprendre, de me pardonner et d’oublier tous mes manquements. Bordel, je t’aime petit-frère. Un peu trop égoïstement. Un peu trop maladroitement. Je secoue la tête, et m’engage dans le couloir. Je ne fuis pas vraiment, je n’en ai plus l’intention. En revenant ici, je savais que je serais confronté à tous mes démons et je me suis préparé à les affronter. En récupérant mes effets personnels, je songe à tout ce qui s’est dit, à tout ce que Lonnie pense de moi et à cette mère dont les souvenirs flous me hantent encore… Non, je n’ai  rien oublié de sa douceur, ni du sourire qui illuminait son visage en dépit de la dureté de sa vie et du désastre de sa vie conjugale. Je n’ai pas oublié l’amour qui brillait au fond de ses yeux lorsqu’elle nous regardait, et je n’ai pas oublié le nombre de fois incalculable où elle nous a protégés de son corps frêle, prenant les coups à notre place. J’inspire profondément, cale une clope entre mes lèvres et sors du commissariat l’air hagard, un peu perdu. La fumée infiltre mes poumons, noircit ma cage thoracique vide et je descends les marches d’un pas lourd avant de retourner à l’anonymat et à l’errance. Le cœur lourd, les paupières chargées et fatiguées, le pas traînant, en proie à de véritables dilemmes intérieurs.

 
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