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Tad & Harvey

C’est intéressant de constater combien un simple passage dans un centre commercial peut prendre des allures d’études anthropologique. Ces grandes places bourrées de boutique, c’est drôle la façon dont les gens vont et viennent avec chacun leurs habitudes, chacun leurs façon de faire en se préoccupant que d’eux et non du fait qu’ils sont entourés d’un sacré nombre de personne. Le petit plaisir de Tad, ce serait d’épier les conversations afin de se rendre compte qu’au final, tout le monde est bien banal. Nota bene pour lui que de prendre Alfie avec lui un jour, dans ce genre de sortie. Très probablement que la pile électrique n’aurait pas de mal à lui apprendre un truc ou deux sur cette chose qu’est l’être humain. Son programme de la soirée n’a rien de fantasque et comme des centaines d’autres, il vient là pour trouver de quoi se remplir le ventre tout en cherchant de quoi s’occuper. Netflix serait bien évidemment la réponse à tout, mais ne pouvant pas feuilleter le catalogue de son application préférée, c’est au rayon dvd qu’il se perd, se demandant de combien les ventes avaient pu baisser depuis l’apparition du géant et surtout, quels sont les profils de personnes qui viennent acheter des dvd, qui sont ces rescapés du siècle dernier, ceux qui n’ont pas encore cédé devant le géant d’internet. Qui sont-ils ? Que font-ils dans la vraie vie ? Semblerait-il que le musicien se soit mis à prendre un petit peu trop au sérieux cette histoire d’anthropologie et que maintenant, ce soit la curiosité qui le pousse à enquêter pour trouver réponse à sa question. Bêtement, on trouverait à dire que seules les personnages âgées achètent encore des dvds et pourtant, le seul gars présent a l’air à peine plus vieux que lui et en parfaite santé mentale. Peut-être offre-t-il un cadeau ? Mais cela soulèverait la question de qui offrent encore des dvd à l’heure d’aujourd’hui alors que tout est en ligne ? Réalisant qu’il se pose trop de question à la fois, Tad barre mentalement, marchant comme si de rien était dans le rayon pour zieuter subrepticement derrière l’épaule du gars pour observer le dvd qu’il tient en main. Il essaie de faire des devinettes en s’disant que c’est probablement un porno, vu que netflix n’en propose pas et que l’intérêt du dvd, c’est qu’il n’est pas plein de virus. Une bonne solution pour les gens qui n’ont pas envie d’attendre le samedi soir quand l’heure du couché est arrivé. Surprise, c’est tout l’inverse que le mec tient dans ses mains – ou pas, ça dépend du profil – et c’est là qu’il se décide finalement à intervenir parce que clairement, si le gars veut se la donner, c’est pas devant Cinquante Nuances de Grey qu’il le fera. « Excuse-moi, je peux me permettre un avis ? » demande Tad, un peu peureux de s’en manger une dans la tronche quand il réalise que le gars en face est un mastodonte. « Tu devrais pas regarder ça, c’est un film pour les mamans. Le bdsm y est très mal dépeint en plus. » Non pas qu’il soit pratiquant, là, il ne fait que répéter les discours que son ex lui a servi pendant des mois après avoir vu le film.

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Ça doit faire plus de vingt minutes que je bug devant le rayon des DVD sans arriver à faire le moindre choix. Je suis crevé, je n’ai pas réussi à dormir correctement ce matin et ma concentration est impossible. Mes neurones ne se connectent plus vraiment entre elles, et en vérité je suis totalement à l’ouest. Je prends les DVD au hasard, regarde leurs résumés sans les lires, les repose dans le rayon et recommence mécaniquement mon cinéma. Pitoyable.

Le choix est minable qui plus est. Outre tous les films d’actions vu et revus de Bruce Lee, Schwarzenegger, les Die Hard, Arme Fatale et autres trilogies d’action assommantes, il n’y a guère le choix. Parmi les nouveautés, j’hésite entre des histoires d’amour vampiriques, un truc fantastique de labyrinthe et celui que j’ai dans la main : Cinquante Nuances de Grey le phénomène à voir absolument. Je suis assez dubitatif devant la jaquette cependant. Je n’arrive pas à comprendre s’il s’agit d’un film à l’eau de rose ou d’un film de cul.

Je relève brusquement la tête lorsqu’un mec m’apostrophe pour me donner son avis. Peu habitué à ce qu’on m’interpelle ainsi, je recule d’un pas et dévisage l’homme face à moi. Châtain plutôt clair, les yeux bleus, de taille moyenne, une sorte de bonhomie se dégage de lui. Je me détends automatiquement et hoche la tête simplement pour l’autoriser à me donner son avis donc.

- Tu devrais pas regarder ça, c’est un film pour les mamans. Le bdsm y est très mal dépeint en plus.

Ma bouche forme un ‘O’ alors que je fixe la jaquette devant moi. En effet, un bdsm hétéro, ça ne m’attire absolument pas – encore moins s’il est mal fait. Je repose le DVD rapidement, comme s’il s’agissait d’une œuvre sale qui m’aurait souillé les mains et plonge ses dernières dans les poches de ma veste ensuite.

- J’croyais que c’était un film d’amour… En tout cas, c’est LE phénomène de la boutique, le seul qu’ils ont en triple. Le bdsm se popularise faut croire, en version Maman mais c’est toujours ça.

Je souris comme un con. Pourquoi ? Aucune idée. La gêne sûrement. C’est pas tous les jours que je cause films de cul avec un inconnu. Remarquant que nous sommes seuls dans la boutique, hormis le vendeur qui lit un manga yaoi derrière sa caisse, j’en profite pour poursuivre la conversation. Toute façon, je n’arrive pas à faire un choix alors, s’il peut m’y aider !

- T’as des conseils à fournir pour un type en manque de sommeil ? Films d’actions, ça me gonfle. Puis je les ai tous vu…  

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Il ne réalise que trop que ce n’est pas ainsi que l’on apostrophe les gens en observant la tête du gars qui n’avait certainement pas prévu d’être interrompu par un inconnu et surtout avec ce dvd-là précisément dans les mains (parce qu’après tout, même si Tad n’y a pas pensé, ça peut être son film favoris et là il aurait l’air bien con). Son mouvement de recul – dieu merci – ne se termine néanmoins pas par un geste violent ou toute autre réponse verbale dans le même genre. Peut-être qu’il a simplement compris que Tad voulait discuter, donner son opinion et c’est normalement là qu’est placé le temps de silence dans le but de lui répondre que cette dernière n’est pas la bienvenue et qu’il peut continuer son chemin. Tad imagine aisément que s’il avait en face de lui une mère de cinq mômes qui n’a plus aucune attirance pour son mari et vice-versa, sa tentative de se moquer de ce choix de film n’aurait pas été accueilli de la même façon. « J’croyais que c’était un film d’amour… En tout cas, c’est LE phénomène de la boutique, le seul qu’ils ont en triple. Le bdsm se popularise faut croire, en version Maman mais c’est toujours ça. » ajoute le garçon, qui fidèle aux propos de l’étiquette collée sur la boite marque un point, c’est bien LE phénomène de la boutique, seulement dans le sens que l’on voudrait. « Je suis pas sûr que ce soit le bdsm qui les fasse regarder mais plutôt le six pack de l’acteur qui leur donne envie de coucher les enfants pour se faire un tête à tête avec la baignoire. » suggère Tad avant de se reprendre, se sentant très jugeant pour le coup bien qu’il soit certains de dépeindre une réalité. « Non pas que je leur reproche. La vacuité scénaristique peut être une forme d’expression.» précise t-il, c’est juste que quitte à réaliser ce genre de film pour ce public là, autant l’assumer et ne pas faire croire que c’est autre chose. Ce pauvre bonhomme a bien failli se faire avoir (bien que Tad aussi) . Finalement la boite a retrouvé son étalage. Un instant de gêne se forme parce qu’ils sont malgré tout deux inconnus à parler de bdsm, mais dans la mesure où Tad a sûrement connu pire, la gêne passe sans difficulté. « T’as des conseils à fournir pour un type en manque de sommeil ? Films d’actions, ça me gonfle. Puis je les ai tous vu… » demande la gars, rendant Tad interdit un instant, se demandant s’il est train de lui demander des conseils pour un vrai film ou pour du porn (dans la mesure où lui aime bien en mater pour dormir justement) « Je te dirais netflix par pragmatisme. » suggère Tad malgré qu’il eut deviné que le gars ne serait pas là s’il avait été abonné. « Des séries, t’as regardé ? » Il demande comme ça, mais peut-être aussi que tout l’monde n’est pas à fond sur le binge watching. « Après si tu cherches à dormir, l’idiot en moi te dirait que tu as la collection dvd du National Geographic sur la reproduction des coccinelles. » Et dans un sens, on reste malgré tout sur le thème de base.

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Tad & Harvey

- Je ne suis pas sûr que ce soit le bdsm qui les fasse regarder mais plutôt le six pack de l’acteur qui leur donne envie de coucher les enfants pour se faire un tête à tête avec la baignoire. Non pas que je leur reproche. La vacuité scénaristique peut être une forme d’expression.

J’esquisse un sourire en écoutant les explications de ce drôle de type. Je secoue la tête, amusé par sa franchise mordante et repose le DVD en répondant

- C’est une jolie façon de dire que c’est d’la merde.

Je lui fais un clin d’œil et me marre. C’est assez étonnant de voir à quel point cet inconnu a su détendre l’atmosphère entre nous. D’ordinaire, je n’engage pas facilement la discussion avec ceux que je ne connais pas, ni ne la poursuis. Mais là pour le coup, j’apprécie son intervention, et encore plus s’il m’évite un navet. Du coup, j’en profite et j’abuse en lui demandant conseil.

- Je te dirais Netflix par pragmatisme. Des séries, t’as regardé ? Après si tu cherches à dormir, l’idiot en moi te dirait que tu as la collection DVD du National Geographic sur la reproduction des coccinelles.

Je grimace. J’ai abusé de tous les mois gratuits possibles en me créant des faux emails dans tous les sens mais maintenant il va falloir passer à la caisse et je n’en ai pas envie. Puis, je fais une petite moue, peu séduit par la reproduction des animaux en général et je finis par hausser les épaules.

- Je pense que je vais miser sur un bon vieux action. Ça ne vieillit pas l’arme fatale non ? On revient toujours aux classiques au final…

Malgré le nombre de films sortants dans les salles chaque année, je galère toujours autant à en regarder de nouveau. J’attrape alors le DVD et tend ma main vers le mec pour me présenter.

- Harvey. Tu loues quoi toi ? T’es d’ici ?

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Tad & Harvey

« C’est une jolie façon de dire que c’est d’la merde. » En somme, oui. La conclusion du colosse résume parfaitement le propos de Tad, même si celui-ci est bien tassé derrière des mots servant à ne pas être trop jugeant envers la communauté qui aura apprécié cette entité audiovisuelle et qui ne mérite pas d’être ridiculisée en raison du peu de goût dont elle fait preuve même si bien sûr, des fois, on aura beau déguiser la merde comme on veut, ça ne cachera pas l’odeur qui sera toujours bien présente. Haussant les épaules, Tad finit par offrir un « Si tu veux un résumer plus rapide, tu peux dire ça aussi, oui ! »en croisant les bras alors que le boitier retrouve sa place et que son nouvel ami lui regagne la case départ. Devrait-il se satisfaire de l’avoir sauvé d’une bouse mais de ne pas l’avoir aidé pour autant ? Probablement pas. Le mec se marre, Tad aussi. Ça continue bien. Il rebondit sur des conseils à savoir ce qu’il pourrait bien regarder. Netflix est évidemment la première réponse vu que ça coute le prix d’un unique dvd, mais la technologie et dans le fond, le fait d’être face à trop de choix, Tad peut comprendre que ça ne convienne pas.  « Je pense que je vais miser sur un bon vieux action. Ça ne vieillit pas l’arme fatale non ? On revient toujours aux classiques au final… » dit-il en sélectionnant son dvd et en lui présentant sa main, que Tad serre bien évidemment. « Harvey. Tu loues quoi toi ? T’es d’ici ? » Il reste pantois. Tad ne loue rien, il ne fait que se balader dans les rayons pour observer les gens. C’est pas l’occupation la plus glorieuse. « Tad. Ouaip, j’ai jamais quitté Brisbane. » répond t-il en évitant un peu la seconde question qui ne se répond par un simple oui ou non mais qui va faire gros s’il ne dit rien, surtout après avoir donné un avis non-demandé. « Moi, je loue rien. Je suis juste un curieux qui observe les gens et qui se balade. » Explication simple. Devrait-il ajouter qu’il le fait pour se moquer ? Peut-être pas. « T’es sûr que tu veux regarder ça ? » demande t-il en pointant du nez le dvd que le gars lui a fait comprendre avoir vu un paquet de fois. Non pas que Tad juge mais vu que ça a pas l’air de l’enchanter, autant chercher autre chose. « T’aime bien les vieux nanar ? Les films au scénario tellement mal ficelé et gonflé de ridicule qu’ils en sont géniaux ? Parce que tu as tous les sharknado là bas ? »

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Tad & Harvey

- Tad. Ouaip, j’ai jamais quitté Brisbane. Moi, je ne loue rien. Je suis juste un curieux qui observe les gens et qui se balade.

Drôle d’explication. Je regarde le type en fronçant les sourcils, cherchant la blague mais il a l’air d’être sérieux. Occuper son temps en observant les gens qui se baladent, quelle drôle d’idée ! Ce type n’a pas l’air d’être déséquilibré – mais là encore, la devanture peut être trompeuse ; je m’interroge du coup sur les motivations qui le poussent à faire ça. Ça me paraît si étrange.

- T’es sûr que tu veux regarder ça ?

Surpris, car j’étais en pleine réflexion, je baisse le regard vers l’Arme Fatale – vu des dizaines de fois – et je hausse les épaules. Vaux mieux ça qu’un truc bdsm hétéro qui risque de me faire vomir toute la nuit.

- T’aime bien les vieux nanars ? Les films au scénario tellement mal ficelé et gonflé de ridicule qu’ils en sont géniaux ? Parce que tu as tous les sharknado là-bas ?

A nouveau, je me marre et secoue la tête. Ce type m’embrouille plus qu’il ne m’aide au final. Cette rencontre incongrue est plutôt plaisante.

- J’en sais plus rien. A la base, je cherchais juste un truc sans prétention à mater, et puis ça me fait une excuse pour sortir de chez moi aussi, venir ici. Mais là, tu me donnes envie de changer mes plans. J’ai l’impression que quoi que je choisisse, je vais faire une erreur ou tomber dans un piège.

Mes yeux glissent sur les DVD alignés et j’en saisis un au passage. Un film pour adolescents, je le brandis devant lui en disant

- Tiens ça par exemple, ça a l’air cool non ? Je paris que tu vas me dire que c’est de la merde ! Pourtant, le Labyrinthe, ça a l’air flippant. Adapté d’un best-seller. L’acteur a une belle gueule en plus, il est mignon, ça peut être plaisant. Alors… Ton verdict ? Tu connais ?

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Tad & Harvey

Il finit par relancer le garçon, pointant du nez son choix de dvd qui semble dépendre plus du dépit que de la réelle envie de revoir un classique pouvant potentiellement figurer au panthéon de ses œuvres préférés. Tad émet des doutes et parce qu’il se sent concerné maintenant, essaie de déterminer auprès du garçon si c’est vraiment ce qu’il veut. Après tout, il n’a pas une vie ultra passionnante et s’il le faut, passer une heure à aider Harvey à trouver son bonheur, ça peut se faire. Ce sera sa façon bien à lui de jouer les héros, même si ça n’en a pas l’air au premier coup d’œil. « J’en sais plus rien. A la base, je cherchais juste un truc sans prétention à mater, et puis ça me fait une excuse pour sortir de chez moi aussi, venir ici. Mais là, tu me donnes envie de changer mes plans. J’ai l’impression que quoi que je choisisse, je vais faire une erreur ou tomber dans un piège. » Contrairement à ce qu’il aurait pensé, Tad avait plus semé le doute dans l’esprit d’Harvey qu’autre chose en lui donnant son opinion sur le cinéma. Peut-être aurait-il dû le laisser s’emmerder devant un nanar pour ménagère. En pleine réflexion, Harvey finit par sélectionner un nouveau film. « Tiens ça par exemple, ça a l’air cool non ? Je paris que tu vas me dire que c’est de la merde ! Pourtant, le Labyrinthe, ça a l’air flippant. Adapté d’un best-seller. L’acteur a une belle gueule en plus, il est mignon, ça peut être plaisant. Alors… Ton verdict ? Tu connais ? » Il a raison, Tad serait pas prêt à lui répondre que c’est de la merde. Pas parce qu’il aurait vu le film mais parce que la mention « adaptée d’un best-seller » n’est celui pas un gage de qualité. N’oublions pas que la majorité de la planète est stupide et que par conséquent, son opinion l’est aussi. A-t-il cependant envie de continuer à le perdre ? Non. Haussant les épaules, tout ce que Tad à en redire c’est « Au moins, y’a pas de loup-garou ou de fétichiste millionnaire. » Parce qu’après tout, c’est ça les médianes qu’il faut fuir ? « Puis, le personnage principal est un mec, le point de vue ne devrait pas trop niais. » Est-ce que pour autant devrait-il le prendre ? Tad ne fait que pointer les points positifs.

@Harvey Hartwell

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- Au moins il n’y a pas de loup-garou ou de fétichiste millionnaire. Puis le personnage principal est un mec, le point de vue ne devrait pas être trop niais.

Je souris et hoche la tête. En effet, ça n’a pas l’air d’être un film qui va changer le cours de ma vie. Je suis une personne assez éclectique à ce niveau-là, capable de regarder un peu de tout. Je n’aime pas les romances à l’eau de rose, surtout celles qui finissent bien, ça a tendance à m’énerver car ça vend de l’illusion aux gens. Mais les films d’actions ne se concentrent que rarement sur cet aspect-là, l’important restant les effets spéciaux et la mise en scène des bagarres à défaut du scénario généralement prévisible. Au moins, ce genre de films a l’honnêteté de ne pas te mentir dans la bande-annonce, c’est ce que j’apprécie. Concernant celui que j’ai entre les mains, je m’attends à du suspens, du fantastique et un rythme assez trépidant. J’espère ne pas être déçu, on verra bien ! Curieux, avant de régler ma location, je demande à Tad

- C’est quoi le film qui t’a le plus marqué toi ? Genre qui a forcément influé dans ta vie ensuite…

Je ne sais pas si on a des points communs, mais c’est une bonne façon de le vérifier. Je ne suis pas le genre de type à m’intéresser aux autres, mais puisque Tad est venu m’interpeller et bien… Autant découvrir le personnage en profondeur, si possible. Je me mordille la lèvre en réfléchissant à ma propre réponse. Le film qui m’a le plus marqué, je crois que c’est Retour vers le futur. Le concept m’a fait vibrer quand j’étais gosse et j’ai toujours rêvé de conduire une dolorean !

- Moi j’dirais Retour vers le futur, ouais. Le voyage dans le temps c’est LA base de tout, non ?

Je vais passer pour un gros beauf mais j’assume. Après tout, il y a certains films comme celui-là qui ont marqué des générations entières et qui ont changé le game. Retour vers le futur c’est un incontournable, tu ne peux pas être passé à côté, c’est ainsi. Je crois que Lonnie l’aimait bien aussi ce film, mais je n’en ai aucune certitude. Je ne lui parlais déjà plus à l’époque. Combien de fois je me suis imaginé remontant le temps pour arrêter les gestes de mon père ? Pour l’éloigner de cette bouteille et lui éviter de sombrer ? Oh comme j’aurais aimé rentrer plus tôt des cours ce jour-là et empêcher ma mère de commettre l’irréparable ! Arf, les rêves des gosses parfois…

- T’as mangé ? Un fish & chips ça te tente ?

Changement de conversation, virage sec. J’ai faim, je m’en rends compte et rien ne m’empêche d’inviter Tad partager un fish & chips et une bonne bière. Ce type est cool alors autant profiter de sa présence.

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En demandant à Tad quel était son film préféré, j’étais bien loin de m’imaginer sa réponse. Lorsqu’il m’avoue qu’il s’agit de Dirty Dancing, un sourire amusé, et légèrement moqueur, m’échappe. Il faut dire que ce n’est pas vraiment commun comme choix, pour un mec j’veux dire. Ou alors peut-être que c’est assez commun mais que ça ne se dit pas, par peur de manquer de virilité en l’avouant. En l’écoutant poursuivre son explication, mon sourire s’élargit et je pouffe un peu en comprenant que je viens de plonger en plein fantasme. Décidément cette rencontre n’aura rien eu de normal ! Mais, qu’est-ce que c’est appréciable ! Tad a l’air d’être le genre de mec qui ne se prend pas la tête, qui a un petit grain aussi faut l’avouer, mais qui est sincère. Car pour annoncer à un inconnu que tu kifferais être Patrick Swayze, il faut être habitué à dire la vérité, toute la vérité.

- Tu peux toujours prendre des cours de danse.

Que je laisse échapper comme ça, naturellement. Et non, ça ne me semble pas étrange à moi qu’un mec prenne des cours de danse. Si cela lui fait plaisir, pourquoi pas ? Je lui confie à mon tour mon film préféré et cette fois, j’éclate de rire en l’entendant.

- Sa mort y est sûrement pour quelque chose tu sais ? Il était au sommet de son art quand il a disparu, malheureusement.

Oui je fais partie de ces gens qui pensent à l’effet papillon. Changer le passé modifierait forcément le futur et si on enlève James Dean de l’équation et je suis bien trop trouillard pour m’imaginer quel serait le présent s’il n’avait pas existé. Ou remplacé par Tad. Appréciant ce moment, je cherche à le prolonger en me rendant compte que c’est l’heure de manger. Je lui propose un fish & chips, mon alimentation principale depuis mes années à Dublin (ça et la panse de brebis, mais il n’y en a pas en Australie. Oui, j’adore ce plat typique.)

Tad me demande si je suis sûr de mon choix. Je baisse la tête sur le DVD que je tiens encore dans les mains. Le labyrinthe, film de science-fiction. J’ai l’impression que c’est le meilleur choix que je pouvais faire, ouais.

- Ouais, ça peut être cool. Je te dirais ce que j’en ai pensé après l’avoir vu, si tu me files ton numéro.

Non, ce n’est pas une technique de drague pourrie, car j’ai bien compris que Tad était hétéro et je ne saute pas sur tout ce qui bouge comme un affamé. J’aurai juste bien besoin d’un ami avec lequel simplement discuter, des films qu’on aime, des choses dont on rêve comme de pouvoir danser à la Patrick Swayze. Parce que c’est léger, parce que ça fait du bien de ne pas se prendre la tête et d’avoir une conversation quasi- normale. Je paie la location du film, repars avec ce dernier sous le bras et Tad à mes côtés afin de prolonger cette rencontre cool autour d’une bonne bière. L’Irlande a eu ma peau à ce niveau.



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