Le concert avait battu son plein et c’est une grande respiration qu’il avait pu prendre au moment où la musique s’était tu définitivement pour laisser place à la playlist prévu pour occuper le reste de la soirée. L’été était fini mais le climat australien semblait promettre une seconde saison avec cette chaleur douce qui semble régner dernièrement en ville et ça avait donné envie à plusieurs bars de poursuivre l’exploitation de leur terrasse et de proposer des divertissements. C’est la période parfaite pour Tad, celle qui lui donne envie de sortir, de voir du monde et de se tenir bien loin de son canapé, compagnie habituelle de fortune. Les gars – et Lou, mais celle-ci ne faisant rien par sens de la préciosité – avait eu vite fait de ranger le van qui servait de transport à leurs instruments afin de pouvoir profiter de l’ambiance du bar dans lequel ils étaient plus longtemps. Il faut avouer que ce lieu était cool, un peu huppé, le genre de lieu qui montre que tu prends du galon si tu y joues, bien que ça ne soit pas dans l’optique de Street que d’avoir une renommée flamboyante. Tant qu’on leur promettait un bon technicien et des verres à profusion après le chaud, tout était matière à contrat, le reste important peu. Il sait malgré tout qu’ils sont là à cause de cet allongement de saison et du besoin rapide de groupe pas trop dégueulasse pour succéder à la programmation de malade qui était venu cet été. Tad avait donc fini par quitter le reste de la team, occupés à faire ce qu’ils font toujours, se mélanger de leur côté, croiser leur proche, rencontrer du monde. Ce soir, il se rend compte qu’il avait attiré pas mal de regard et la raison lui avait vite sauté aux yeux : cela était en rapport avec le tee-shirt qu’il portait, son porte bonheur enfilé pour cette occasion spéciale, celui à l’effigie de cette chère Céline, véritable propriétaire du cœur de Tad et idole de sa vie. Forcément qu’à ses yeux, une telle beauté allait attirer les regards mais ce soir, c’est cadeau, il offre à la foule le droit d’observer le vêtement le plus classe. Bien sûr, par habitude des railleries, il se doute bien que les doigts pointés en sa direction ont une part moquerie, que soit il est cool, soit il est minable. Mais Tad est une bonne pâte alors il ne s’offusque pas. Il s’en amuse même. Posant ses coudes sur le bar, il commande comme à son habitude une bière, prenant d’observer son entourage, faisant un rapide signe de main à quelques personnes qu’il reconnaitrait et faisant fuir d’autre visiblement. Il prend un grand souffle, plus occupé à se reposer finalement qu’à chercher comment meubler le reste de cette soirée. Une bonne gorgée de bière lui remet les idées en place, le pousse à scruter la pièce quand son regard tombe sur une rouquine qu’il a l’impression d’avoir déjà vu en train de le montrer dans la foule. Elle est à côté de lui et parce qu’après tout, il reste un être sociable, il engage la conversation avec un « Bonjour ? » qui a plus des airs de questionnement parce qu’à en juger du regard qu’elle lui offre, il a pas l’air de l’épater.
Villanelle n’avait pas eu l’occasion d’aller à un concert depuis bien trop longtemps (une dizaine de jours, au moins !) et lorsqu’elle a entendu parler de la visite des Street Cats dans un bar du coin, elle n’a pas pu résister. Elle avait déjà eu l’occasion de les écouter il y a quelques temps bien qu’elle ne saurait dire combien exactement. Ce petit groupe est rafraîchissant, les écouter lui fait du bien. Ses cours de la journée finissaient tard, elle a a peine eu le temps de passer à l’appartement pour se laver et le voilà repartie pour de nouvelles aventures. Ses cheveux qu’elle adore tant se trouvaient réduits à une simple queue-de-cheval haute. La voilà cependant ici, elle n’aurait voulu rater cette soirée pour rien au monde et lorsque celle-ci a touché à sa fin, elle était plus triste qu’autre chose. Les quatre joyeux ont tout donné ce soir et cela s’est ressenti. L’ensemble du bar était comblé ! Tout le monde a surtout parlé du tee shirt qu’un des membres arborait fièrement. Loin de se vexer des railleries peu discrètes, il en a même joué. Les personnes sachant rire d’elles même fascinent Villanelle pour la simple et bonne raison qu’elle se vexe à la moindre remarque. A la fin de leur concert (ce que le temps passe vite !) le bar se vide un peu et l'atmosphère devient plus vivable. Charlie, qui n’avait rien commandé jusque là, retourne près du bar pour commander un Four X. Elle ne veut pas rentrer tard ce soir, demain sera à nouveau une longue journée. Elle estime cependant qu’après avoir profité du concert, elle se doit au moins de consommer une boisson. Il serait dommage de s’en priver. A peine ses fesses posées sur la chaise et sa boisson commandée, un homme vient l’accoster. Elle allait lui décocher un regard noir et lui tourner le dos lorsque son tee shirt l’a sauvé d’un accueil aussi froid. Céline. « Alors tu es le fameux Street Cat fan de Céline Dion dont toutes les légendes vantent les mérites à la guitare ? Je pensais qu'il ne s'agissait que d'une légende. » Le regard froid est devenu des yeux souriant et un petit rire accompagné d’une gorgée de bière. Il est mignon, même s’il est fan de Céline. Tout le monde sait que Freddie restera le meilleur (il y a vraiment besoin de comparer les deux ?). Personne n'est parfait après tout. « Vous êtes bons. Sur scène. » Elle lui tend la main joyeusement, écartant légèrement ses longs doigts fins. « Charlie. Quel est votre prénom, monsieur Dion ? » Elle se moque beaucoup mais elle fait parti de ces millions de gens ayant écouté les chansons de la canadienne par delà le monde.
Tad n’allait pas s’offusquer pour quelques blagues et même s’il sentait quelques téléphones pointés dans sa direction, près à l’immortaliser pour montrer à quiconque recevra le récit de cette histoire que la personne qui raconte ne ment pas, il garde le sourire. Indéfaisable ce garçon tel un témoin de Jéhovah qui n’a absolument aucune peur de ce qu’on lui dirait tant sa foi est féroce. C’est dans cet état d’esprit qu’il s’avance au bar, prêt à ce que Lou surgisse pour se foutre de lui un p’tit peu quand même, mais celle-ci semble bien plus occupée de son côté et well, Tad ne s’en plaint pas. Cela fera au moins un après-concert où il n’aura pas à jouer les baby-sitters. Il se décide donc d’en profiter pour aborder des filles et au premier coup d’œil, la curiosité le pousse bien évidemment à s’intéresser à la propriétaire de cette magnifique queue de cheval rousse. « Alors tu es le fameux Street Cat fan de Céline Dion dont toutes les légendes vantent les mérites à la guitare ? Je pensais qu'il ne s'agissait que d'une légende. » Semblerait-il qu’il n’ait pas à se présenter, leur contraire aurait été étonnant puisqu’après tout, il y’a trente minutes de ça, il était encore sur scène à la vue de tout le monde. Un sourire se dessine sur son visage dès qu’elle prononce le mot « fameux » alors que lui aurait trouvé un adjectif bien moins flatteur. L’heure est peut-être à ce qu’il se rappelle que tout le monde ne voit pas tout de suite combien il est idiot. « Non, ça, c’est Jack ! » dit-il en pointant du pousse derrière lui le quarantenaire qui lui, n’a pas perdu de temps avant de se lancer dans le grand bain des rencontres. Il pointe Jack par modestie, par tentative d’humour aussi parce qu’il ne se reconnait pas autant dans « celui dont on vante les mérites à la guitare » « Je plaisante, c’est moi. Il est canadien, mais il s’en moque royal de Céline. » Et c’est un crime, une ignominie à son sens, mais il en reparlera plus tard, le but étant de ne pas faire peur à la jeune fille, pour une fois qu’il ne prend pas de veste au bout de deux secondes. « Vous êtes bons. Sur scène. » Qu’elle précise, provoquant un acquiescement de sa tête en signe de remerciement avant de verbaliser la chose. « Merci, on était un peu tendu de jouer là. » due à la réputation du lieu, d’ordinaire, ils sont dans de plus petits bars. « Charlie. Quel est votre prénom, monsieur Dion ? » dit-elle, un brin moqueuse en lui proposant de lui serrer la main. Tad se saisit de l’occasion immédiatement en répondant. « Taddeus. Mais Tad fait l’affaire. » précise t-il, pensant déceler un œil à nouveau moqueur à l’annonce de son vrai prénom. « Des fois que tu sois en train de te poser la question, oui, ça m’arrive encore de me poser la question si ma mère savait ce qu’elle faisait quand elle m’a appelé comme ça. » assure t-il avant d’ajouter par sens de l’autodérision. « Tu me le dis surtout dès que tu trouves que je commence à cumuler les tares. »
N’hésitant pas à pointer du doigt un de ses camarades pour ses propres erreurs, ce guitariste n’est sûrement pas un bon choix s’il s’agit de former une équipe de survie pour la fin du monde. Comme dans ce film de seconde zone où deux adultes doivent échapper à des adolescents tueurs, et tombent dans un trou. La femme l’aide à sortir en lui faisant la courte échelle et lui … il court. Du coup, sans surprise, elle est tuée et lui se retrouve tout seul comme un con. Du coup, il meurt aussi. Fin de l’histoire. Enfin, j’exagère peut être un peu. Le petit guitariste blaguait, pas ce gars dans ce film dont j’ai oublié le nom. Charlie se retourne quand même sur le coup, piquée par la curiosité de savoir sur qui le mauvais sort est tombé. Il est bien plus vieux que le guitariste, encore plus si on le compare avec Villanelle. Mais pour un dinosaure, il reste bien conservé. La musique doit être son botox. En tout cas, papi semble aimer être entouré. Il y avait encore deux autres membres sur le groupe mais Charlie n’a pas le temps de les retrouver dans le foule pour savoir si eux aussi sont adeptes des bain de foule. Au lieu de planter son couteau et de s’excuser ensuite, l’inconnu a sa méthode bien à lui : planter le couteau, s’excuser, le planter autre part. Il ne reste qu’à espérer que ce Jack lui ai au moins fait un coup de travers pour qu’il s’en prenne autant en si peu de temps ! Tout ceci a au moins le mérite d’amuser la rousse. Cela lui change de ses soirées habituelles n’ayant pas vraiment de sens. A son tour, elle se moque avec délicatesse de son prénom. « A quelques 90 années près tu aurais pu faire fureur avec ce prénom là. Tu peux toujours tenter dans les maisons de retraite ceci dit. » Heureusement, l’initiative du diminutif est bien trouvée. Tad devient soudainement un joli prénom. « C’est toi qui le dit, pas moi. Mais je pense qu’il reste encore un peu d’espoir pour toi … » Lâchant sa bouteille, elle se tourne vers lui. Il est temps d’en apprendre plus et d’effectivement savoir s’il cumule les tares ou non. « Bon, voyons voir si tu as tellement de tares qu’il y paraît ! Tad, êtes vous aussi guitariste à la lumière du jour ? » On pourrait aussi parler de cette fameuse tare appelée “je suis fan de Céline”, mais les meilleures blagues sont les plus courtes. De toute façon, rien ne peut altérer la joie de Charlie si la discussion tourne autour de la musique.
Sa tentative d’humour n’a pas l’effet escompté. Bon, cela ne le défait pas plus que ça parce qu’il a l’habitude que ses blagues tombent à plat et puis, peut-être que la jeune femme n’apprécie pas la façon dont il essaie d’attirer l’attention sur Jack, le papi du groupe, même si c’est juste pour la boutade parce que d’ordre général, tout ce qui devrait se rapporter à l’érable et la chanteuse canadienne, ça devrait être lui. Il passe à autre chose rapidement et c’est sans difficulté puisqu’à peine aura-t-il prononcé son prénom que c’est un autre sujet qui semble amuser la jeunette : son prénom. Là encore, c’est une question d’habitude, parce que Tad avait toujours eu droit à des railleries sur son prénom qui ne collait pas à son âge. Combien de fois à t-il regretter de ne pas s’appeler Matteo ou Dylan ? Un de ces prénoms que les mamans collent à tout le monde en s’pensant originales mais qui finit très lambda. « A quelques 90 années près tu aurais pu faire fureur avec ce prénom-là. Tu peux toujours tenter dans les maisons de retraite ceci dit. » Son idée vaut réflexion. Avec une idée pareille, il pourrait presque se faire passer pour un papi qui a trouvé la fontaine de jouvence et monter toute une arnaque à la crème magique qui efface les rides. Seul hic : le bon fond de Tad qui fait que l’imaginer est drôle, le réaliser est impensable. « C’est toi qui le dit, pas moi. Mais je pense qu’il reste encore un peu d’espoir pour toi … » qu’elle assure, alors que le seul espoir qu’il voit lui, ce serait de vieillir tout de suite et d’avoir l’âge qui va avec son prénom. Curieux, il s’empresse de rebondir sur ce qu’elle a en tête. « Et quels genres d’espoir ? » demande t-il, tout ouïe, tout sourire avant d’ajouter « Parce que si tu es la marraine la bonne fée que j’attends depuis trente ans, tu es en retard ! » souligne t’il en plaisantant alors qu’elle semble un air beaucoup plus sérieux. « Bon, voyons voir si tu as tellement de tares qu’il y paraît ! Tad, êtes vous aussi guitariste à la lumière du jour ? » A la lumière du jour, c’est-à-dire, est ce que ses talents disparaissent après minuit comme s’il était un genre de Cendrillon, la question le rend suspicieux, ce qui se voit sur son visage. « Disons que c’est une étiquette indélébile. J’ai encore jamais réussi à oublier comment jouer pour m’en souvenir après, mais je dois t’avouer, je ne comprend pas où tu veux en venir ».
Elle aurait aimé apprendre à jouer d’un instrument, quel qu’il soit. Piano, violon, harpe, … quelque chose de doux sans doute, cela lui correspondrait plus. Son grand père lui demandait souvent de se mettre à la musique puisque, je cite, “on a pas de musicien dans le famille et t’as des doigts longs”. Le premier argument est loin d’en être un bon, le deuxième se rapproche plus de quelque chose de valable. On dit souvent à Villanelle qu’elle a des mains d’artistes, de pianiste plus spécifiquement. C’est sûrement dû au fait qu’elle n’est pas manuelle, ses mains ne connaissent pas la rigueur de quoi que ce soit. C’est sans doute mieux ainsi. Bien que jamais brillante, elle a toujours été davantage intellectuelle que manuelle. Elle se mettra peut être au piano un jour, la véritable question sera de savoir si elle aura la patience nécessaire pour tenir un apprentissage si long (la réponse sera non). « Il reste tout genre d’espoirs, toujours, sans aucun doute. Désolée j’ai rangé ma baguette magique pour la soirée, après je me retrouve à exaucer les voeux de tout le monde et ça tourne toujours mal ! » Avec une gueule d’ange, il reste toujours un moyen de s’en sortir. Sur ce point là, Tad a été plutôt bien servi. Dame Nature devait se douter du coup foireux qu’allaient faire ses parents, elle a anticipé avant que les dégâts soient irréparables. Au final, c’est plutôt bien réussi. Ce qui est moins réussi cependant, c’est la question de Charlie créée autour de métaphores. SOS Houston nous avons un problème, la dignité et l’humour de charlie villanelle ont été perdus, je répète nous avons un problème. Donc nota bene pour la jeune femme : essayer d’être drôle, c’est bien ; essayer de formuler une question autour d’une métaphore, c’est bien ; faire tout ça et y arriver, c’est essentiel. Elle perd quelque peu ses moyens l’espace d’une seconde, il lui en faut peu décidément. Il a pourtant été gentleman en répondant à la question qu’il n’avait apparemment même pas compris. « Oh non, je voulais juste te demander quel était ton métier … de jour du coup, parce que là … c’est la nuit … et je pense que pas tu puisses vivre de ta passion … » Repli Charlie, repli. « Enfin tu vois quoi. » Hm non, sûrement que non. S’il s’avère qu’il a le malheur de pouvoir vivre de passion, nous devrons procéder à un massage cardiaque sur le corps sans vie de Charlie. Elle aurait du s’en tenir aux moqueries sur Céline.
D’un premier abord, il semble cumuler les tares : fan de Céline, un prénom pourri, il ne comprend pas l’humour. Les gens à côté d’eux doivent certainement être en train de parier sur le temps qu’il reste à cette conversation avant que la demoiselle ne s’éloigne vers de plus verts pâturage, auprès d’un type qui a plus qu’une apparence normale parce que Tad ne se présente pas sous son meilleur jour, ou peut-être est-ce simplement l’alignement des astres qui lui fait de l’ombre. Ce sera matière à réfléchir quand il rentrera chez lui. Pour le moment, il tient le cap et essaie de rebondir. « Il reste tout genre d’espoirs, toujours, sans aucun doute. Désolée j’ai rangé ma baguette magique pour la soirée, après je me retrouve à exaucer les vœux de tout le monde et ça tourne toujours mal ! » Qu’elle finit par avouer, non sans attirer un faux regarde de déception sur le visage du Cooper qui voyait bien là tous ses problèmes se résoudre d’un coup de baguette magique. « Je vois, t’es un genre d’Amandine Malabul. Je vais donc accepter de continuer à galérer dans la vie si ça peut nous prévenir de risques cataclysmiques. » Il fait le prince avec un grand sourire, laissant cette conversation se poursuivre sous le signe de l’humour ce qui finit par capoter quand elle lui parle de la lumière du jour. Peut-être que c’est maladroit de sa part de lui avouer très sincèrement ne pas avoir compris, peut-être même que c’est la phrase qu’il manquait pour qu’elle prenne ses clics et ses clacs. Toutefois, il préfère se dire qu’il se sera épargner d’avoir l’air complètement stupide s’il venait à ne pas saisir la suite non plus. « Oh non, je voulais juste te demander quel était ton métier … de jour du coup, parce que là … c’est la nuit … et je pense que pas tu puisses vivre de ta passion … » Effectivement, son cerveau avait bien eu un problème, parce que ça parait logique maintenant qu’elle le dit. La mention du fait qu’il ne puisse manifestement pas vivre de sa musique le fait toutefois exploser de rire de par sa maladresse et le fait qu’elle soit totalement accurate. « Enfin tu vois quoi. » Il est certain que le rire de Tad doit être en train de creuser le malaise que ressent la pauvre Charlie, malaise qui risque d’être encore plus profond en apprenant sa profession réelle qui elle, n’a rien de glamour. « Je vois, j’ai compris. » assure t’il en riant encore un peu, faisant un peu durer le suspense avant de la rassurer sur le fait qu’elle ait eu bon en ce qui concerne sa vie professionnelle. « Je te rassure, je ne vis pas de ça, c’est que du fun. » Il décide de la rassurer afin qu’elle se détende un peu avant de finalement choisir de ne pas totalement lui avouer que son métier consiste à découper des cadavres pour voir ce qui a causé leur mort. Il en est sûr, ce sujet sonnera le glas de cette conversation qu’il se prend à apprécier. « Seulement, si je te dis ce que je fais dans la vraie vie, je serais obligé de te tuer. Je suis sous couverture. » C’est peut-être même le moment pour lui de lui faire sa meilleure interprétation de James bond ? Il hésite. « Mais toi, dis-moi, j’espère que tu n’occupes pas tes journées en disant la Bonaventure parce que j’émet des doutes sur tes pouvoirs là ».
Finalement la conversation continue son cours sans plus d’embûches (pour le moment), Tad est plutôt bon public et a un don certain pour mettre la bonne ambiance et rendre les gens confiants. De plus, la comparaison avec Amandine Malabul est plus que bien vue, Charlie étant la personnification même de la maladresse. « Pour la survie de l’humanité, tu as fait le bon choix ! » Cette conversation essentiellement axée sur le second degré est plaisante, surtout quand il n’y a pas de malentendu. Le temps d’une soirée aussi, la compagnie du guitariste l’est tout autant. Elle reprend confiance petit à petit, maintenant qu’elle sait qu’il ne vit pas de ses talents de guitariste tout va pour le mieux ! Enfin non, pas pour lui, ç'aurait été mieux qu’il puisse en vivre. Mais pour l’instant précis et pour leur discussion, mieux vaut qu’il ne puisse pas en vivre. En dehors de cette bulle de gênance, la fête bat son plein. Tout le monde crie … chante, pardon. Tout le monde danse. Tout le monde sourit. Cette bonne ambiance générale est la raison pour laquelle Charlie aime tant les fêtes. Peu importe qui vous êtes de jour, tout s’efface à la nuit tombée. Au lieu de tomber, les masques se créent. Le monde de la nuit est véritablement un autre monde où chacun peut devenir celui qu’il a toujours rêvé d’être. Les excès ne sont que partie remise, la plupart du temps une bonne nuit de sommeil suffit à tout régler. Parfois, les excès mènent à un sommeil éternel, mais ça, c’est un autre problème qu’il vaut mieux ne pas aborder. « T’es pas en train de griller ta couverture en disant que t’es sous couverture ? » Elle se remet à rigoler sincèrement. « Et maintenant que je sais que t’envisages de me tuer je vais me méfier ! » Attention à toi Dexter, Charlie a vu les quatre vingt seize épisodes de la série, même la fin atroce. Plus rien ne peut lui faire peur … quand elle est derrière l’écran à moitié endormie, des m&ms dans la main et une bouteille de coca dans l’autre. Peut être que dans la réalité elle ne serait pas aussi sereine. « Maintenant que tu commences à tout avouer, tu peux me le dire qu’être fan de Céline fait parti de ta couverture. » Charlie ? Lourde ? Jamais. Heureuse qu’ils aient pu éclipser tout malentendu, elle reprend une gorgée de sa bière, le sourire aux lèvres. « T’as tout à fait raison, je serais clairement la pire Madame Irma du monde ! » Elle est même pas foutue de prédire comment sa soirée va se terminer, alors prédire l’avenir des autres ce serait une sacrée aventure. « Mais pour de vrai je suis étudiante en sciences politiques. C’est beaucoup moins classe qu’être diseuse de Bonaventure mais bon faut faire avec ! » La discussion est repartie. Villanelle est heureuse d’avoir rencontré Tad, il dégouline de sincérité et de sympathie.
Tad avait malgré tout fini par jouer les mystérieux. Non pas qu’il serait en train de jouer un rôle face à la jeune demoiselle mais parce qu’il a le sentiment que s’il en dit trop, cette conversation pourrait se finir bien plus vite qu’il ne le voudrait. Et puis, dans les faits, changer de sujet plutôt que de répondre à une question n’a rien à voir avec le mensonge. Il tente simplement de ne pas créer plus de malaise entre elle et lui. Fort heureusement, elle semble être dotée des mêmes références que lui et capable de saisir son humour sans trop de difficulté, ce qui ferait presque oublié leurs premiers échanges. « T’es pas en train de griller ta couverture en disant que t’es sous couverture ? » demande-t-elle, perspicace face à un Tad qui regarde de gauche à droite, l’air de vérifier que personne n’écoutera le secret qu’il s’apprête à lui confier. « Je n’ai pas dit que j’étais un bon agent. » Véridique. Il le sait, la casquette du James Bond de ces dames n’est pas faite pour lui et il n’a aucune aptitude pour le job si ce n’est cette belle gueule qui perd de son charme avec les années. « Et maintenant que je sais que t’envisages de me tuer je vais me méfier ! » ajoute t-elle, enterrant une bonne fois pour toute la fausse couverture du garçon. « Cela veut dire que si je t’offre un verre, tu le refuses ? » Sa proposition est directe. Un peu osé il dirait mais il sent qu’il ne se mouille pas trop si refus il y’a, il sait qu’ils pourront toujours le placer dans le rythme de cette conversation loufoque et faire comme si de rien. Qui a dit que dire des bêtises n’était pas le meilleur remède pour cacher sa timidité. « Maintenant que tu commences à tout avouer, tu peux me le dire qu’être fan de Céline fait partie de ta couverture. » Et voilà qu’elle revient sur le sujet, mais Tad n’en démordra pas et la main sur le cœur, il répond. « Céline est la seule composante commune à chacune de mes identités. » Il essaie d’adopter un ton qui ne porterait pas à croire qu’il ne vit que pour la star mais l’intention est de répondre que oui, il est fan, et non, ça ne sera jamais une blague. Mais plutôt que de continuer à monopoliser cette conversation, il se décide à finalement retourner ses questions à la jeune femme, à proposer d’apprendre à la connaitre parce qu’après tout, il imagine qu’elle fait autre chose de ses journées que de tenter de prédire l’avenir sans succès. « T’as tout à fait raison, je serais clairement la pire Madame Irma du monde ! » Bon, sans dire la pire parce qu’il n’aimerait pas non plus la vexer. Disons qu’il y mettrait pas une fortune. « Mais pour de vrai je suis étudiante en sciences politiques. C’est beaucoup moins classe qu’être diseuse de Bonaventure mais bon faut faire avec ! » Il hausse les épaules, la politique n’a jamais été la tasse de thé de Tad et dans la mesure où il ne pense pas grand-chose et qu’à ses yeux, tous les politiciens sont des véreux malhonnête, elle peut à contrario de raconter la Bonaventure, dire des boniments. C’est toujours ça de pris. « Je te dirais, tout dépend de la politicienne que tu as envie de devenir. Qu’est-ce qui t’as fait choisir cette voie ? » Il est franchement intéressé. Entendre des jeunes avec des rêves pleins les yeux, ce serait ce dont il a besoin.
Ok, ce gars est définitivement beaucoup trop cool. Sur l’échelle de la coolitude, allant de Donald Trump à Yoko (niveau 10), il est au moins au niveau 8,5. Elle pourrait lui accorder un neuf mais la soirée est loin d’être terminée et il veut peut être la tuer, donc il vaut mieux attendre un peu. Sa note pourra évoluer au fil de la discussion, avec sûrement un point bonus s’il lâche Céline. Charlie est bête de faire une fixette sur elle, mais maintenant qu’elle a commencé il est sans doute trop tard pour avouer à Tad qu’elle écoutait Encore un soir en boucle il n’y a pas si longtemps. Se présentant comme pas très doué, un peu loufoque mais néanmoins très attachant, elle ne peut s’empêcher de faire le rapprochement avec Dirk Gently. Les deux n’ont rien à voir, et pourtant. « Si tu me prends pas les sentiments, je ne peux pas refuser. Je vérifierai juste que personne ne verse d’arsenic à l’intérieur, juste au cas où tu vois. » Sait-on jamais, il aurait pu faire croire à ce que sa couverture était grillée pour en finir plus facilement avec la rousse ; pas folle la guêpe. Elle regarde trop de séries policières pour se faire avoir aussi facilement ! Personne ne devrait vouloir la tuer non plus, il n’y a pas de cadavre sous le tapis du salon. La seule qui pourrait toujours lui en vouloir c’est Lily, à qui elle a volé un Petshop il y a dix ans (mais ça en valait la peine). Le souvenir de cette anecdote la fait sourire sans qu’elle ne s’en rende compte.
Charlie ne peut cacher une certaine déception lorsque la discussion se focalise sur sa petite personne. De suite, c’en est beaucoup moins drôle. Elle n’a rien à cacher mais pas de double vie d’agent secret à exposer non plus, dommage, elle aurait bien aimé être Elizabeth Jennings. Cette fois ci, on est reparti pour un discours offert sur le futur incertain mais empli d’espoir de Charlie Villanelle. Avant de se lancer dans son histoire à corps perdu, elle commande un Black Russian. La soirée se doit de continuer dans l’alcool. « L’envie de changer le monde. Rien que ça, ouais. » Elle émet un rire gêné et pose les yeux vers son verre. C’est le genre de phrase qu’un enfant pourra sortir et que tout le monde trouvera mignonne, mais à 24 ans il serait temps d’avoir les pieds sur terre. « Scott Morrison n’a rien à craindre de moi, j’aimerais apporter mes connaissances à une ONG, pas à ce doux monde qu’est la politique. » Entre coup bas et trahison, elle serait de capable de se mettre à pleurer en plein direct s’il n’y a plus d’eau dans son verre. Ca lui ferait pas vraiment une très bonne image et sa carrière s’arrêterait aussitôt qu’elle aurait commencé. « Peut être l’ONU. Ou Survival International. Ou toutes les ONG du monde à la fois. Si le Père Noël peut donner tous les cadeaux en une nuit, mon projet est tout autant réalisable. » Le cocktail arrive rapidement, ressemblant étrangement à du coca servi dans un tout petit verre avec un maximum de glaçons. Le secret des bars pour s'enrichir, personne n'en doute. Heureusement que ce faux coca est teinté de beaucoup de vodka. « En tout cas, t'es le plus cool agent sous couverture que j'ai croisé. » Oui bien sûr que Charlie en croise un tous les matins en sortant son chien, quelle question. « Comment ça se fait que t'ai rejoins ce groupe ? Et les autres aussi. Vous paraissez tous venus de milieux opposés. » Un étrange assemblage qui fonctionne à merveille ceci dit.
Est-ce que le moment où elle le suspecte de potentiellement en avoir après sa vie est le meilleur pour lui proposer officiellement de lui offrir un verre ? Certain dirait que c’est maladroit, pas dans la blague du tout et pourtant, Tad et son sens de la rhétorique trouve que c’est tout trouvé et c’est un signe qu’il fait en direction du barman pour qu’il prenne la commande de Charlie qui suit le discours suivant. « Si tu me prends pas les sentiments, je ne peux pas refuser. Je vérifierai juste que personne ne verse d’arsenic à l’intérieur, juste au cas où tu vois. » Il lève les deux mains en signe qu’il n’y voit pas d’inconvénient et que c’est tout à son honneur avant de répondre simplement. « Tu sais, j’ai dit que je serais obligé de te tuer mais j’ai pas dit quand, ça peut être maintenant comme dans dix ans. C’est la magie de l’épée de Damoclès. J’espère que tu n’as pas du tout la pression, parait que de se savoir en danger, ça pousse les gens à faire ce qu’ils remettent toujours à plus tard. » Ce qui peut vouloir tout dire et en même temps rien du tout, parce que si certains procrastinent le fait de rendre leur vie vachement plus enrichissante, ce que Tad met toujours au lendemain, c’est juste le ménage dans son appart. Poser la question à Charlie, la première chose qu’elle ferait si elle se sentait condamnée l’effleure mais ça a un sens un peu privé maintenant qu’il y pense et il préfère rebrousser chemin pour poser une question bien plus bateau sur ce qu’elle fait, elle, dans la vraie vie. Et ce qui la motive à le faire. « L’envie de changer le monde. Rien que ça, ouais. » Il acquiesce en s’disant qu’après tout, quelle meilleure raison pourrait-elle trouver à ce qu’elle veut devenir ? « C’est modeste. » lâche t-il, poliment, le sourire en coin parce que la réponse n’est pas dénuée de sens comique alors qu’elle poursuit. « Scott Morrison n’a rien à craindre de moi, j’aimerais apporter mes connaissances à une ONG, pas à ce doux monde qu’est la politique. » Il est vrai qu’il a très vite fait un lien qui n’aurait dû avoir lieu d’être. Il réalise qu’effectivement, il faut des études pour faire partie d’une ong et changer le monde, et non se contenter de simplement s’attacher à un arbre en criant assassin au premier péquenot qui passe. « Peut être l’ONU. Ou Survival International. Ou toutes les ONG du monde à la fois. Si le Père Noël peut donner tous les cadeaux en une nuit, mon projet est tout autant réalisable. » Elle le fait sourire parce qu’elle a vraiment des airs d’enfant qui croit dur comme fer que les rêves se réalisent. C’est beau à observer et en même temps que Tad la jalouse un peu de ne pas être devenue une adulte pragmatique, il réalise que lui-même n’est plus aussi chill qu’il ne l’était. Voilà quelque chose dont il devrait remédier. « En tout cas, t'es le plus cool agent sous couverture que j'ai croisé. » dit-elle, le sortant de ses pensées alors qu’il réfléchit au moment où il est devenu un vieux con. En sortant avec Ariane probablement. « Comment ça se fait que t'ai rejoins ce groupe ? Et les autres aussi. Vous paraissez tous venus de milieux opposés. » finit-elle par demander son nouveau verre à la main. Son regard se pose naturellement sur le reste du groupe qui vaque à ses occupations. « Et bien, au départ, c’était juste Lou et moi, on avait envie de fonder un truc et je gratouillais dans mon coin. De base, je me suis mis à la guitare parce que le môme de ma meilleure amie adorait ça et on arrivait à l’endormir que comme ça. Puis, je m’y suis pris, j’ai rencontré Polly Pocket – aka Lou – on a fondé le groupe. On a passé une annoncé pour Anwar et Alfie, on s’est rencontré via une ex commune et comme ce gars est une pile électrique, il a rejoint la bande aussi. » explique en y allant très sommairement. « Mais, c’est vrai que vu du premier plan, on fait du tout assorti. Pas comme ces groupes où les mecs ont clairement acheté leur fripe chez le même discounteurs. Enfin, ça fait quelques années que ça marche. » Et probablement que ça marchera encore un peu, parce que la recette est simple, le groupe aussi et que Tad a toujours l’envie de faire tourner la machine. « Je te propose de trinquer ? » dit-il en pointant le verre du nez. « A la voyante la plus politisée qui soit et à l’agent secret en carton. »
Cette rencontre est anodine, elle ne va bousculer la vie d’aucun des participants et pourtant Charlie ne l’oubliera certainement jamais. Au delà d’avoir rencontré et d’avoir pu parler à un des membres des Street Cats, elle apprécie réellement Tad pour la personne qu’il est. Il reste un total inconnu, la seule chose qu’elle a réellement appris c’est son amour pour Céline Dion. Et pourtant. Il dégage une chaleur, une douceur. Dit comme ça elle semble tombée amoureuse de lui, mais promis ce n’est pas le cas. A défaut de l’aimer, elle l’admire réellement lui et son humour particulier. Même s’il veut la tuer entre maintenant et la fin du monde, ce n’est pas si grave que ça. Elle devrait pouvoir continuer à vivre sa vie de façon à peu près normale avec cette épée de Damoclès planant au dessus d’elle. Il n’y a que peu de choses qui attendent d’être accomplies, seul le fameux “réussir ma vie” fait exception. Elle se contentera donc de commencer demain avec le même état d’esprit qu’elle a débuté aujourd’hui. Lui l’oubliera dès les premières lueurs de l’aube, une fan parmi beaucoup, mais pour elle ce sera plus compliqué. Elle espère secrètement que leurs chemins se recroiseront à nouveau bien qu’elle ne forcera pas le destin non plus. Arrivera ce qui doit arriver. Un épigraphe de Stephen King dans IT disait qu’on ne doit pas faire le con avec l’infini, ça doit aussi marcher avec l’avenir. C’est ce que tentent de nous enseigner la plupart des films de science fiction, et pourtant personne ne les écoute. Elle se contente d’écouter la formation du groupe avec attention et d’ajouter des hochements de tête lorsqu’elle pense en avoir besoin. Finalement leur histoire reste simple, mais ils ont tous matché. L’image d’un Taddeus baby sitter perdu utilisant la guitare comme seul moyen d'apaiser un enfant en furie la fait sourire à nouveau. Elle se dit qu’elle elle serait bien perdue, mise à part jouer du triangle ses talents artistiques s’arrêtent là. Si elle se met à chanter, les enfants fuiront. « Vous auriez été cools en 5 Seconds of Cats. J’suis sûre que faire la première partie des One Direction a dû faire parti de vos objectifs à un moment. » Ironise-t-elle enfin suite à sa blague sur les groupes homogènes. Ils sont ennuyants, eux, contrairement au meilleur groupe de Brisbane.
Finalement la rousse attrape son cocktail à demi entamé, quelle malpolie, et fait vibrer le verre avec celui de son camarade d’un soir. « Santé. » A Damoclès et Denys, donc. Puissent-ils se revoir un jour, peut être.