J'ai passé une nuit pénible. Non seulement à cause de ce foutu rhume qui s'est greffé sur ma bronchite que je me suis choppé et qui m'empêche de respirer correctement, me réveillant à plusieurs reprise, mais surtout car aujourd'hui est le grand jour : l'audition de Yoko afin qu'elle intègre la Northlight. Nous avons bosser tous les jours sans relâche, même cette dernière semaine alors que la fièvre et la toux étaient sur le point de m'achever. Je suis venu à la salle, j'ai répété la chorégraphie en détail avec la jeune fille et à chaque fois que je rentrais le soir je priais pour que mes microbes n'aient pas changé de victimes entre temps. Je suis sûr que Charles lui donnerait une deuxième chance et que même à l'article de la mort Yoko se démènerait pour danser, mais j'ai envie qu'elle soit en forme afin qu'elle montre le potentiel qu'elle a.
J'ai choisi une danse assez technique, bien plus que ce qu'elle m'avait montré la première fois. Les débuts étaient difficiles, si bien que je me suis demandé si je n'avais pas monter un peu trop le niveau, mais Yoko s'est montré pleine ressource, avec une motivation incroyable. Elle me surprenait à chaque cession et me surprendra sans doute encore régulièrement. Si bien que j'ai décidé que le temps était venu qu'elle ait sa place parmi nous.
Avalant un cachet pour combattre mon mal de crâne et un autre contre la toux, je me passe les portes du théâtre. Saluant l'homme à l'accueil, je me dirige directement vers la salle d'audition où Charles, Madelyne et Jodie – les deux chorégraphe de la compagnie- ont déjà prit place, je m'avance et dépose discrètement mon sac sur un siège avant de me détourner, tel un ninja qui ne veut pas se faire prendre.
«Clément ! » s'exclame Charles, me faisant tressauter légèrement. «Qu'est-ce tu fais là ? On n'avait pas dit que resterais chez toi pour te reposer ? » me demande-t-il et j'avoue que je ne sais pas si son ton est réellement froid. «Je ...hm... » bégayais-je, montrant la porte du pouce, mon regard passant des trois personnes, à la porte puis à la scène « ce ...c'est juste que je me suis occupé de Yoko et je … j'ai envie d'être là pour elle. Donc...Je ...» Charles soupire et je déglutis, me préparant mentalement à essayer de lui tenir tête si jamais il me mettait à la porte « bon ...» dit-il finalement, résigné «Allez, vas-y, tu peux rester. Mais dès que c'est fini tu rentres, compris ? » Avec un large sourire, j'hoche vivement la tête -regrettant cela tout de suite après, la migraine augmentant tout à coup- puis sort de la salle et me dirige vers celle dans laquelle je sais que je vais trouver ma protégée.
Et effectivement elle est là, assise par terre à faire tranquillement ses étirements d'échauffement et croise mon regard. « Hey» souriais-je, doucement, fatigué « ça va ? Comment tu te sens ?» demandais-je, m'avançant vers elle.
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juillet 2016
C’est quoi dormir ? — aucune idée, surtout en ce jour si particulier ; celui de son audition pour entrer dans la fameuse Northlight Theater Company. Dire que Yoko est stressée est un véritable euphémisme car la jolie coréenne n’a tout simplement pas fermé l’œil de la nuit, bien trop paniquée à l’idée de ne pas se réveiller et répétant inlassablement dans son esprit les mouvements très précis de la chorégraphie. La première fois que Clément lui a présenté la danse, elle a éclaté de rire (bien qu’elle soit loin d’être pessimiste, elle connait son niveau et a évalué en quelques secondes la difficulté bien trop grande des enchaînements) ; la deuxième fois, elle est restée silencieuse tout en étudiant plus sérieusement chacun des pas et des mouvements ; la troisième fois, elle était convaincue — pour réaliser son rêve, elle allait s’entraîner jusqu’à ce que mort s’en suive ou alors, elle pouvait dès à présent reprendre la voie toute bien tracée par papa et maman (être interprète). Écouteurs dans les oreilles comme à son habitude et rythme cardiaque en revanche beaucoup trop élevé par rapport à la normale, Yoko pénètre dans le bâtiment le cœur battant et la respiration coupée — pourtant, un mince sourire mêlant défi et malice se dessine sur ses lèvres parée d’un léger baume à lèvre (trace d’un sauvetage fugace de lippes sèches). Elle doit y arriver ; ce n’est pas une possibilité, ce n’est pas une éventualité — c’est un constat, un fait. Si elle n’est pas prise, elle rentre en Corée. En silence tout en gardant sa musique toujours à fond, elle s’éclipse dans la salle où une feuille ATTENTE AUDITION est maladroitement placardée sur la porte. Coupée du monde, elle ne fait nullement attention à son environnement et se concentre sur son prochain passage ; tout est calé avec harmonie et précision sur chaque note de la musique — un décalage, un retard d’un millième de seconde et tout éclate ; fin du spectacle. Tout en s’étirant pour éviter le moindre froissement musculaire lors de sa représentation, son regard chocolat glisse de son téléphone (posé à même le sol à côté d’elle) pour tomber sur Clément, qui avance lentement vers elle tout en la saluant doucement pour lui demander son état actuel. « Probablement mieux que toi » réplique-t-elle tout en coupant sa musique et en retirant ses écouteurs de ses oreilles, mais sans cesser son échauffement. Elle masque son stress (un peu évident quand même) derrière un commentaire narquois — c’est sa manière à elle de ne pas angoisser et d’éviter la position fœtale dans un coin de la pièce. « Toujours pas mort ? » — façon à la Yoko de demander si ça va mieux ; elle est légèrement inquiète. Pas de risquer d’attraper son rhume (Clément a été plus que prudent durant la dernière semaine d’entraînement pour ne pas la contaminer) mais plutôt que son audition soit la raison de cette crève aussi longue — peut-être que si le jeune homme n’avait pas passé toutes ses journées à l’aider, il serait déjà guéri. Elle ne peut s'empêcher de noter ses traits fatigués et son regard distant — s'il ne se pose pas dans les trois prochaines heures, il va faire un malaise. Elle se penche en avant, pose ses mains au sol et, bien que son visage soit complètement caché derrière ses cheveux noirs (qu'elle compte attacher), continue à parler. « Ils sont comment dans la salle ? » (elle relève légèrement la tête tout en gardant sa position) « D’ailleurs, ils sont combien là ? Dis-moi que c’est moins impressionnant que le jury de The Voice » ajoute-t-elle d’une voix presque suppliante avant de redresser le buste, déroulant lentement son dos. Elle lâche un soupir, marmonne un « J’ai l’impression d’avoir tout oublié, c’est une catastrophe » avant d’entamer un autre étirement. Sans qu'elle ne le réalise vraiment, avoir passé des journées entières avec Clément a effacé au fil du temps la possible gêne existante lors de leur tout premier échange et si Yoko reste toujours aussi respectueuse du travail du danseur professionnel, elle est désormais plus franche et plus ouverte ; comme l’esquisse d’un joli lien amical. Elle entend son cœur battre à tout rompre, ses poumons s'emballer mais pourtant, bien que son stress soit à son niveau maximum et qu’elle est partagée entre la crise de panique ou la nausée, il y a une flamme de détermination qui consume son cœur depuis plusieurs heures — elle va tout donner, quitte à se brûler.
J'ai l'impression que ma tête va exploser. Ça fait des années que je n'ai plus été malade, j'avais complètement oublié à quel point cette sensation d'avoir les sinus bouchés, la gorge en feux et cracher ses poumons était horrible. En vrai, Charles a raison : je devrais être chez moi, bien au chaud dans mon lit, et me reposer correctement. Une bonne nuit voire journée de sommeil, c'est ce qu'il me faut. Mais je ne peux pas rester à l'appartement en ayant bonne conscience alors que je sais que Yoko passe son audition pour la Northlight aujourd'hui. C'est ma mission, c'est moi qui ait insisté auprès de Charles et les autres chorégraphes que Yoko est celle qu'il nous faut, qu'elle sera un atout majeure à notre compagnie. Je ne peux donc pas rester chez moi car je veux savoir ce qu'il en est, je veux être là pour elle et je veux la soutenir.
Alors que j'entre dans la pièce où elle s'échauffe, je murmure à mon corps de tenir le coup au moins encore une heure ou deux et je lui promet de lui donner le repos dont il a besoin, alors que je me dirige vers la jeune danseuse, lui demandant comme elle se sent. Sa réponse sarcastique cache un stress pas mal évident avant qu'elle ne me demande si 'je ne suis pas encore mort'. « Pas encore, non » soufflais-je en me laissant tomber au sol, en face d'elle, fermant les yeux et me massant les paupières avec mon pouce et mon index « Je viens de me faire engueulé par Charles parce que je lui avais promis après la répétition de hier que je resterais chez moi aujourd'hui pour me reposer mais ...» je rouvre les yeux, posant mon regard sur Yoko et fait un signe de la tête en sa direction «...je pouvais pas te laisser seule, pas aujourd'hui alors que l'enjeu est aussi grand » expliquais-je, prenant une profonde inspiration et clignant plusieurs fois des yeux.
Changeant de position, Yoko se penche en avant et me demande quelques informations sur le nombre de personnes présente dans l'autre salle et le niveau de stress qu'il va y avoir «Ils ne sont que trois. Charles, évidemment, ainsi que Madelyne et Jodie, les deux chorégraphes avec qui tu vas devoir travailler plus tard » expliquais-je « Y a pas à t'inquiéter, tu gères la choré et les trois sont adorables. Aussi on a vraiment besoin de quelques danseurs en plus et y a pas beaucoup de personnes qui passent les auditions aujourd'hui. Donc y a moyens qu'ils vous prennent tous » expliquais-je en haussant doucement les épaules, naturel « Et puis, je serais aussi dans la salle. Je n'ai pas de droit de véto, logique, mais je serais là pour observer et te soutenir »
Je lui offre un doux sourire lorsque nos regards se croisent. Se redressant, rejetant ses cheveux noirs en arrière, elle me fait part de ses doutes, disant qu'elle a l'impression d'avoir oublié toute la chorégraphie « C'est normal» assurais-je en me passant une main sur la nuque «Mais tu vas voir, une fois dehors sur scène tu retrouveras facilement et naturellement tous tes automatismes» j'hausse les épaules «Et au pire, si tu te trompes, tu continues. Tu improvises, tu fais un truc cool et tu montre pas que tu t'es gourer » je lui souris et, me penchant vers elle, désigne la porte avec mon pouce « Ils ne connaissent pas la danse qu'on a bossé» dis-je, baissant la voix « Aucun d'eux ne sait sur quoi on a travaillé, donc ils ne sauront pas si tu te trompes. Le tout c'est d'avoir assez de jugeotte pour ne pas qu'ils remarquent la faute. Parce que crois moi, Jodie c'est un pro. Elle a travaillé en tant que chorégraphe à Broadway pendant plusieurs années, donc elle s'y connaît.» je souris doucement « Elles ne vont pas te demander d'être parfaite, ton but à toi c'est de leur montrer de quoi t'es capable, que tu sais ce que tu vaux et combien t'es motivé» Je soupire et me recule, prenant appuie sur mes mains placées derrière moi « j't'ai pas dit mais ils risquent aussi de te poser des questions »
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juillet 2016
Parler vite, noyer l’autre sous les questions, paniquer — ça, c’est toujours Yoko face à toute situation qu’elle juge être une grande échéance dans sa vie ; et cette audition en fait clairement partie. Plus elle pense à la chorégraphie, moins les pas semblent distincts et moins elle se sent capable de la réaliser devant ce jury qui sonne pour elle comme la grande inquisition. Pourtant, la jeune nippone n’en est pas à sa première audition, au contraire — désirant toujours pousser plus loin dans la danse, elle n’a cessé de postuler, de démontrer ses compétences et sa volonté d’apprendre. La seule différence est qu’aujourd’hui, elle n’est pas dans son pays et qu’elle sait, intérieurement, qu’un échec correspond à un aller simple en Corée du Sud ; d’où son stress qui s’amplifie au fur et à mesure que les minutes s’écoulent pour approcher le moment fatidique. Le mal-être évident de Clément luttant contre son rhume chasse cependant ses propres pensées — elle fronce délicatement les sourcils, pose son regard chocolat sur la peau pâle du jeune homme et n’est absolument pas surprise que Charles l’ait engueulé de s’être pointé ici (si elle n'avait pas été aussi stressée, elle aurait fait pareil). Un léger sentiment de culpabilité s’empare d’elle mais elle ne dit rien, pinçant simplement les lèvres et hochant la tête tout en continuant son échauffement ; l’enjeu est en effet très grand. Elle l’écoute attentivement alors qu’il lui explique la composition du jury et intérieurement, elle ne peut s’empêcher de noter que Clément la connait bien — certes, Yoko est aussi facile à lire qu’un livre ouvert mais tout de même, le jeune danseur a compris comment lui donner les informations nécessaires sans accroître son stress (qui a déjà atteint son niveau maximum). « J’ai essayé de pas trop calculer les autres » (elle laisse échapper un rire car elle n’a quand même pas pu s’empêcher de glisser des regards curieux) « Et c’est— merci » — de rester dans la salle, d’être là en soutien ; ça la touche bien plus qu’elle ne l’admettra jamais. Yoko est toujours maladroite pour exprimer ce genre de remerciement. « Mais si tu sens que tu vas faire un malaise, tu rentres— me vole pas la vedette aujourd’hui » (son sourire est malicieux et son commentaire sarcastique mais son regard est très sérieux ; elle accepte son soutien mais refuse qu’il fasse passer sa santé avant, bien que ce soit de toute façon déjà le cas). Tout en attaquant son autre étirement, elle croise son regard et mime son sourire alors qu’il lui assure que c’est normal ; tout artiste a toujours cette redoutable sensation. Elle hoche la tête, prenant note des conseils de Clément. En cas de doute, de trou noir ou de blanc total, elle improvise — elle trouvera toujours des pas pour combler l’originale que seule elle connait, contrairement aux membres du jury. C’est un point pertinent relevé, qui calme légèrement les battements de son cœur. « J’vais compléter avec des mouvements de danse coréenne, tu vas me faire de grands gestes dans le fond en mode stop le massacre parce que ça collera pas à la musique » — rire et penser absurde la détend un peu plus mais ça reste de courte durée lorsque Clément précise qu’un des membres du jury (une certaine Jodie) a travaillé en tant que chorégraphe à Broadway. Yoko écarquille les yeux. « C’est mort, elle va cramer direct si j’me plante » grimace-t-elle mais le sourire de Clément et son assure sur sa réussite et le fait qu’elle doit simplement montrer son niveau et sa motivation font balance — Yoko est à l’heure actuelle un surprenant mélange de confiance et de détresse. Elle s’assoit au sol, écarte ses jambes en grand écart facial et allonge son torse sur le parquet pour continuer son échauffement mais relève brutalement son buste à l’annonce d’éventuelles questions. « De— pardon ? Tu blagues là ? Sur quoi ? Attends, j’ai rien révisé, je sais rien, je savais pas » (la panique est clairement présente dans sa voix) « Genre sur l’histoire de la danse en Australie ou des trucs comme ça ? Mais j’viens de Corée, je connais pas le passé ici. Ou c’est sur les danseurs connus dans votre pays ? Oh mon dieu, c’est sûr, c’est ça et j’en connais aucun ». Elle replie ses jambes, se tourne d’un quart de tour et saisit son téléphone pour faire une rapide recherche Wikipédia avant de s’arrêter, son état de stress ayant dépassé son maximum. Sa voix tremble et son regard est presque suppliant lorsqu’elle demande « Dis-moi que tu m’fais marcher » — et voilà, elle va se planter à l’épreuve des connaissances.
la honte franchement
Dernière édition par Yoko Lee le Sam 11 Mai - 10:06, édité 1 fois
S'il n'y avait eu que la répétition de théâtre ce soir, je ne serais clairement pas venu. De toute manière Charles n'aurait pas accepté que joue dans l'état dans lequel je suis. Mais aucun rhume ou autre maladie n'aurait pu me tenir éloigné de l'audition de Yoko. Alors, même si le malaise est proche, que ma tête est sur le point d'explosé et que ma gorge est en feu tant que je ne cesse de tousser, je suis là, devant ma jeune protéger, à lui fournir les quelques explications en plus et à la rassurer. Elle connaît la chorégraphie sur le bout des doigts, elle la gère comme je voulais qu'elle la gère et je sais aussi qu'elle serait, dans le pire des cas, capable d'improviser quelque chose. Mais je sais qu'elle ne se trompera pas.
Je rigole doucement lorsqu'elle me menace d'inclure des pas de danse coréenne si elle ne se rappellera plus des mouvements à exécuter « En vrai ...ça montrera le côté polyvalent de celle qui n'a pas peur de prendre des risques» haussais-je les épaules, presque sérieux «bon je dis pas que tu devras le faire, hein ! » reprenais-je rapidement en secouant les mains «Mais....voilà. Ils aiment ça, ici. Qu'on prenne des risques, qu'on fasse des choses qui sortent de l'ordinaire. Tout en restant dans le thème principal, évidemment » je roule des yeux « Genre tu vas commencer à improviser des lignes sur le soleil et le beau temps en plein milieu d'un monologue qui parle de la mort, tu vois ? Faut rester cohérent dans ce que tu veux montrer et ...non mais ça va aller t'inquiète pas, je crois en toi » me penchant en avant, je lui enfonce amicalement mon poing dans l'épaule et lui adresse un clin d’œil complice, avant de me redresser.
Regardant vers la porte, je perds une occasion de me taire. Pendant tout ce mois, je n'ai jamais dit à Yoko qu'elle devra sans doute répondre à des questions. Hors, je la vois paniquer sous mes yeux, à sortir son portable et à emmètre plein d'hypothèses sur quoi pourraient porter les questions. J'arque un sourcils puis me penche vers elle et attrape son portable. « relaxe Yoko» Doucement, je le retire de ses mains «Ce n'est pas la culture générale d'Australie qui les intéresse, mais c'est toi ! Toi et toi seule les intéresse» je souris doucement «Ils voudront sans doute connaître ton parcours, ce que tu as fait jusqu'à présent et pourquoi tu veux entrer dans cette compagnie, ton but, tes attentes et tout » j'incline légèrement la tête pour capter son regard « Ne panique pas, reste naturelle, reste toi-même et tout ira bien» je pose une main sur son épaule « Je te promet que tu vas y arriver tu va ...»
Une quinte de toux m'oblige à me redresser et me détourner. Un bras entourant mon torse et appuyant contre mes côtes, l'autre cachant ma bouche, je laisse la crise passer, essayant de la contrôler en respirant profondément. Les yeux fermés, je fini par déglutir et soupire en me passant une main sur les yeux pour en essuyer les larmes qui menassent de couler à cause de ce brusque effort. Je me prends encore d'inspirer plusieurs fois profondément avant de me retourner vers Yoko « désolé» m'excusais-je d'une voix rauque avant de toussoter légèrement « Enfin, tout ça pour dire que ça va aller, que t'as pas besoin de t'en faire » reprenais-je afin de la rassurer.
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juillet 2016
La décomposition la plus totale — si Clément meurt littéralement sous sa grippe, Yoko s’enfonce dans son stress immense ; c’est la catastrophe. A l’instant où le jeune homme lui annonce qu’elle devra répondre à d’éventuelles questions de la part du jury, son cœur rate un battement et elle s’imagine déjà recalée (pire cauchemar !). Si les mots de son jeune professeur l’ont rassurée quelques minutes plus tôt sur la possibilité qu’elle fasse de la danse coréenne en cas d’oubli de la chorégraphie (ça lui a même arraché un joli sourire sur son visage un peu crispé), tout s’effondre dans sa tête à l’idée de l’interrogatoire car c'est littéralement ainsi qu'elle songe à la scène. Clément se penche vers elle, attrape son portable et tout en le lui retirant des mains, lui intime de se détendre — relax, Yoko. Elle s’arrête dans son geste, hoche la tête tout en tentant de reprendre un rythme respiratoire viable. « Ok, ok… » souffle-t-elle alors qu’elle écoute les paroles bienveillantes du danseur — ah, Clément la connaît bien ! Ils ne se fréquentent que depuis quelques mois mais très rapidement, la petite nippone a bien vu qu’il l’a cernée avec une facilité déconcertante. Petite boule d’énergie solaire qui s’emballe et se noie sous la panique lors d’événements importants où elle n’a pas tous les éléments. Pourtant, elle a appris — à gérer le stress, à se calmer pour ne pas se laisser déborder. Mais en Australie, tout est si différent qu’elle peine à combler le gap culturel et les enjeux professionnels. Elle hoche de nouveau la tête alors qu’il penche la tête pour capter son regarde ; croiser ses iris chocolat la calme légèrement — si Clément dit que tout va bien se passer, c’est que c’est le cas (elle n’a pas d’autre choix que de le croire !). Elle peut le faire ; elle a travaillé dur (vraiment, vraiment très dur) pour en arriver là, pour réussir à exécuter cette chorégraphie bien différente de son style habituel. « Je devrais réussir à dire quelques trucs, j'suppose » dit-elle en tentant vaillamment de se rassurer. Elle s’apprête à poser une nouvelle question lorsque Clément pose sa main sur épaule mais il est alors pris d’une violente quinte de toux. Ses sourcils se froncent d’inquiétude pendant qu’il essaye vainement de gérer sa crise ; elle s’en veut, se sent coupable — il aurait du rester chez lui à se reposer. Elle a la douloureuse impression de lui avoir volé le peu d’énergie dans son corps lors de leurs ultimes répétitions. Peut-être qu’ils auraient du ralentir, attendre la prochaine session d’audition — peut-être, peut-être… ah, c’est si compliqué ! « Clément, si— si t’as besoin de rentrer, fais-le, genre vraiment » (elle pose sur lui un regard sincèrement inquiet) « Te sens pas obligé de rester pour moi » — elle ne précise pas qu’elle est ravie qu’il soit là, que sa présence lors de son passage va forcément être un atout majeur (un support silencieux, une motivation muette) mais elle trouve ça si égoïste qu’elle ne peut s’empêcher de lui réitérer sa proposition (cette fois-ci sur un ton bien moins humoristique). Elle se relève, récupère son téléphone que Clément a posé au sol avant sa quinte de toux et le range dans son sac ; elle saisit son élastique attaché à son poignet (un éternel porte-bonheur qui ne la quitte jamais) et s’attache les cheveux en une vague queue de cheval ; les coiffures et Yoko, c’est tout un air bâclé. Au même moment, un inconnu (mais qu’elle suppose être Charles) pénètre dans la salle et indique que les auditions vont commencer. Respiration coupée, Yoko laisse glisser ses iris sur les autres candidats présents — c’est maintenant ; et c’est elle la première. Quand elle entend son nom résonner dans la pièce, elle ne réalise pas vraiment et reste silencieuse quelques secondes avant de s’exclamer, la voix un peu tremblante « Euh— oui, c’est moi ! Lee Yoko— non mer— euh Yoko Lee » (ah, mauvais réflexe de se présenter par son nom de famille en premier, culture coréenne encore ancrée dans ses habitudes) ; elle se tourne vers Clément, lui lance un sourire mi-stressé mi-rassurant et discrètement, lève son pouce dans sa direction. C’est un petit signe, rapide, presque imperceptible mais bien présent — elle va tout donner, tout déchirer parce qu’elle n’a pas le choix, la jolie petite coréenne ! C’est maintenant — ou jamais. A partir de cet instant, plus rien ne compte ; il n’y a plus un son dans son esprit, uniquement les pas de la chorégraphie — silence pour réfléchir, se concentrer une dernière fois, limiter la moindre erreur ou le moindre faux pas. Tremblante mais assurée à la fois, elle accède à la scène, avance (un peu timidement, légèrement hésitante) au centre de la salle ; elle est le soleil du système solaire aujourd’hui et elle doit briller — briller si fort à en brûler les ailes des autres, rayonner pour être acceptée. Avant de commencer, elle remarque Clément sur le côté ; petite étoile rassurante dans le ciel étoilé — c'est maintenant Yoko, qu'il faut tout donner comme si ta vie en dépendait.
Ce n'était aucunement voulut de faire paniquer Yoko de cette façon. La pauvre, elle n'a pas besoin de stress en plus que ce qu'elle est entrain de vivre ! Je connais ça, le stresse des auditions et des casting, en ayant déjà passé quelques uns. On n'a, littéralement, pas besoin de quelqu'un qui nous avoue, maintenant, une chose pas mal importante : ce moment où les gens du casting poseront des questions. J'essaie rapidement de la rassurer du mieux que je peux, lui dis que tout se passera bien, qu'elle doit rester naturelle, que même si elle se trompe il faut qu'elle continue comme si de rien n'était. C'est ce qu'ils recherchent, ici, des gens qui savent autant reconnaître leur erreurs que passer outre. Avec un sourire rassurant, je pose une main sur son épaule, la sert légèrement et m'apprête à dire autre chose, lorsque mes poumons mes lâchent et que je suis pris d'une sacré quinte de toux.
Voilà que Yoko s'inquiète pour moi, me disant que si vraiment ça va pas je peux rentrer et elle est presque sérieuse. Mais pour rien au monde je ne l'abandonnerais maintenant ! Alors secouant doucement la tête je me redresse et me passe une main sur le visage «Non, y a pas moyen que je parte maintenant » assurais-je alors que Yoko se lève pour ranger son portable dans son sac et s'attacher les cheveux. Je prends une profonde inspiration, essaie d'évaluer rapidement l'énergie qui me reste, puis me lève à mon tour, rejoignant la jeune asiatique au moment où Charles arrive dans la salle. Je croise son regard puis offre un sourire d'encouragement à Yoko lorsque celle-ci est appellé. « you got this girl» lui soufflais-je à l'oreille avant de la laisser sortir de la pièce, le cœur serrer, alors que le stress me submerge comme si c'était à mon tour de danser. Je m'approche du côté de la scène, caché par les rideaux et observe ma petite protégée qui s'avance dans la lumière des projecteurs. Lorsqu'elle croise mon regard, je lève les deux pouces en l'air et lui fait un large sourire d'encouragement, priant pour que mes poumons ne viennent pas tout gâcher.
Après quelques rapides paroles, quelques questions, la musique commence et je lance un coup d'oeil vers Charles dont le léger sourire approbateur veut tout dire : je savais qu'avec cette chanson je mettrais toutes les chances du côté de Yoko. Maintenant, j'espère que la Chorégraphie soit à la hauteur de la perfection de cette chanson. Mais la jeune japonaise me rassure dès les premiers pas : elle utilise son stress et sa panique parfaitement bien, transformant ces deux états d'esprits en une incroyable énergie. Ses pas sont maîtrisés, ses gestes fluides. Deux ou trois petites erreurs se glissent dans la chorégraphie mais Yoko ne laisse rien paraître et lorsqu'elle s'arrête, mon cœur est gonflé d'une réelle fierté. J'ai envie de courir sur scène en laissant éclaté ma joie mais c'est une audition. Ça ne se fait pas. Alors je me retiens comme je peux, trépignant sur place .
Toutefois, après quelques questions en plus, Yoko est renvoyé à l'arrière de la scène et je ne peux m'empêcher de la prendre dans mes bras, la serrant fort contre moi « c'était Gé-ni-al !!!» m'exclamais-je en l'attrapant par les épaules «Parfait, super, incroyable ! Aaah j'ai pas les mots tant je suis fier de toi » encore une fois, je la sers contre moi, totalement si ça se fait ou pas dans sa culture. Je suis tellement heureux, que j'en oublie même ma migraine «Avec tout ça, tu ne peux que réussir, je te jure ! Et s'ils te prennent pas, crois moi que je vais aller me plaindre ! » menaçais-je la northlight avec humour en offrant mon plus large et joyeux sourire à la jeune femme.
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juillet 2016
Quand Yoko danse, elle oublie tout jusqu’à sa propre existence — elle danse, danse, danse, sans prendre conscience de ce qui l’entoure, sans s’arrêter sur ce qui se trouve à ses côtés ; car Yoko ne vit pas pour danser mais danse pour vivre. Sa mère l’a répété des années ; la petite nippone au regard déterminé et au sourire malicieux a su danser avant même d’apprendre à marcher. Après tout, c’est tellement plus facile (plus naturel !) à ses yeux d’enchaîner les mouvements, d’avancer avec grâce et précision. Etoile solaire dans la nuit, la pratique de ce sport la maintient en vie — comme elle est éteinte quand elle ne danse pas, comme elle est si fade quand elle ne s’envole pas dans une danse sans faux pas. Sur cette estrade dont elle ne connait rien encore, la jeune fille tente vaillamment de garder son calme, de ne pas se laisser emporter par la vague de stress qui déferle dans ses pensées ; se concentrer, ne pas réfléchir — absence totale d’élément parasite. You got this girl — les mots se figent dans son esprit, unique image autorisée. Elle n’a le droit de songer à rien d’autre, excepté les pas qu’elle va devoir exécuter les prochaines minutes. Son regard chocolat un peu timide et mal à l’aise remarque le geste encourageant de Clément et un sourire s’esquisse sur ses lèvres. Si Clément y croit, elle y croit aussi — ils ont travaillé trop dur, trop longtemps pour qu’elle gâche tout maintenant. C’est Charles qui brise le silence, d’une voix douce et rassurante, après avoir présenté le jury présent face à elle. « Avant de commencer, parle-nous un peu de toi, Yoko » (elle prend une inspiration, hoche la tête — Clément avait raison, l’interrogatoire n’est nullement sur ses connaissances artistiques mais simplement sur elle, son âme de danseuse et sa motivation profonde). Alors, d’un ton incertain au début mais de plus en plus affirmé au fil de ses paroles, Yoko parle d’elle ; pas trop non plus, juste assez — pour parler de son enfance à Séoul et son coup de foudre pour la danse, pour évoquer ses rêves et ses envies, pour avouer ne pas avoir de nombreux styles à montrer mais une détermination à toute épreuve. La confession un peu enfantine fait sourire le jury (mais ce n’est pas de sa faute, elle n’a que dix-huit ans !) et ça a le mérite de la détendre légèrement, bien que son stress soit encore apparent. « Pourquoi danses-tu ? » — la question est posée par Jodie, la chorégraphe professionnelle à Broadway. Elle hésite une seconde, troublée mais la réponse lui vient naturellement, sans réflexion. « Pour m’exprimer. Quand je danse, c’est— je dis plein de choses en silence » ; elle complète ses mots par une expression mi-gênée, mi-affirmée. Elle a simplement énoncé une évidence, décrit une réalité ; Yoko s’exprime bien plus facilement par les mouvements que par les paroles, a le don de trouver les pas justes au lieu des mots parfaits. Et puis, la musique emplit la salle, indiquant à la petite coréenne que le spectacle commence — tout s’enchaîne avec aisance, sans accro ! Clément avait raison en affirmant qu’elle retrouverait tous ses automatismes une fois sur scène, que tout lui apparaîtrait aussi clair que de l’eau de roche. Son stress se transforme en énergie positive, en tremplin pour s’envoler si haut, si loin, sur cette chorégraphie qu’elle a tant de fois répétée. Il y a certes des erreurs, des pas où elle se retient de grimacer (oh ! comme elle est obnubilée par la perfection, le zéro défaut) mais elle se rattrape, change un pas quand elle ne le sent pas ; astre dans les constellations, elle est l’étoile qui brille le plus fort aujourd’hui. Le temps semble s’être arrêté, comme suspendu dans l’espace et lorsque les dernières notes de musique s’échappent de la sono, Yoko ne réalise pas immédiatement que tout est terminé — voilà, elle a tout donné dans cette représentation (sa volonté, son âme, l’intégralité de ses émotions). Son cœur bat frénétiquement et elle reprend son souffle alors que Charles murmure un énigmatique « Intéressant choix musical » dont elle ne saisit pas tout le sens avant de poser de nouveau des questions plus techniques auxquelles Yoko répond plus ou moins bien mais du mieux qu’elle peut. Sa jeunesse et l’écart culturel la trahissent, elle en a parfaitement conscience ; elle espère simplement de tout cœur que c’est sa danse qui les a touchés — pas sa façon de s’exprimer oralement. Quelques minutes plus tard, l’audition est finie et elle rejoint l’arrière de la scène dans un état indescriptible (soulagement, émotion forte, envie de hurler et d’exprimer son ressenti — c’est le bordel dans son esprit !). Clément s’empresse de la rejoindre et de la prendre dans ses bras en lui assurant qu’elle avait été géniale, incroyable — elle a réussi, malgré les difficultés. Son sourire est contagieux et Yoko laisse échapper un rire joyeux, cristallin et heureux. Il y a une euphorie indescriptible entre les deux, si intense que les mots ne peuvent exprimer leur ressenti ; au pls profond d'elle même, Yoko a le sentiment que Clément n'est pas prêt de disparaître de sa vie, bien au contraire. « Ils vont forcément m’accepter du coup, ils vont avoir trop peur des représailles » réplique-t-elle alors qu’il assure aller se plaindre si elle n’est pas prise. Elle reprend petit à petit une respiration moins erratique et ajoute « Je sais pas si je serais prise mais j’ai tout donné » (elle note ensuite l’état de Clément, douleur masquée par l’enivrement) « J’vais aller me passer un coup d’eau et comater trois jours chez moi maintenant. Quant à toi— » (elle pointe du doigt le jeune homme et appuie son index sur sa poitrine) « —tu vas m’faire le plaisir de rentrer et de te soigner sinon, j’appelle le 911 » conclut-elle en prenant un air faussement menaçant et en prenant la direction des toilettes. Juste avant de disparaître, elle se retourne vers Clément et dans un sourire qui veut tout dire, elle lui lance en silence un joli Merci — sans lui, elle n’aurait pas réussi.
c'est bien la première fois qu'elle dit merci sincèrement à un garçon