Peut-être leur avait-il un petit peu trop bien vendu l’idée, mais désormais il se retrouve à regretter d’avoir accepté un show dans un bar qui se trouve à des kilomètres du centre-ville de Brisbane où ils avaient toujours eu l’habitude de jouer. Le gars les avait appelé et puisque la saison avait terminé en ville, Tad n’avait pas éprouvé d’objection à ce qu’ils se produisent loin de leurs habitudes, même si les redneck n’étaient pas un public de prédilection, dès qu’il avait été question de jouer, il avait dit oui. Ce n’est qu’après que Lou lui avait tapé sur les doigts pour s’être engagé dans un trou paumé où ils n’auraient pas d’autres choix que de prendre la voiture pour se produire. Trop tard l’engagement avait été pris et même s’il en avait pris pour son grade doublé de corvée de pizza pour les dix prochaines années, le groupe avait fait preuve d’esprit d’équipe et décidé de faire le voyage. Deux équipes avaient pris la route, Lou, Anwar & Jack d’un côté. Alfie et Tad de l’autre, au volant du vieux van que Tad emprunte à sa mère pour caler tout le matériel. Et toute cette histoire aurait pu finir comme un classique de road-trip avec de la musique à fond les ballons, une odeur de graillon dans la voiture parce qu’ils auraient pris mcdo au passage et bien sûr l’air chaud qui s’introduit par les fenêtres parce que c’est chose classique dès qu’on entre un peu dans les terres. Bien sûr, toute cette histoire aurait pu … si le van n’était pas une chose toute fragile qui en plus de demander qu’on ne roule pas trop vite avec – Anwar les avait d’ailleurs dépassé depuis bien longtemps avec sa vitesse de fou – exige aussi un arrête toutes les heures pour que le moteur refroidisse. Ce qui est bien, c’est que quitte à aller jouer au pays des fermiers, Tad se retrouve à se rendre sur place au moins aussi vite qu’eux avec leur charrette (comment ça les pécores n’en sont plus à labourer en poussant les bœufs ?) . Une leçon pour le garçon qui au second arrêt prend la résolution de ne plus jamais quitter la civilisation. Au moins, comme à chaque fois qu’il se retrouve dans un plan foireux, il y’en a un qui semble s’amuser. On parle bien évidemment d’Alfie qui semble se complaire dans cette vue sans la moindre trace de building, alors que justement, cela stresse un peu Tad qui s’imagine tomber en rade et mourir là. « On repart, ils doivent être arrivés alors qu’ils sont parti après nous. J’aimerais limiter le temps qu’Anwar va pointer quand il se paiera notre gueule. » Parce que y’a fort à parier que le batteur de la bande soit déjà en train de réflechir à toutes les fçaon de se foutre de lui. De retour derrière le volant, les portes claquent. Tad tourne la clé. Le moteur fait du bruit, mais pas celui qu’on attendrait, ce son mélodieux d’une voiture qui roule non. Plutôt celui d’un van à l’agonie. Ça y’est, son cauchemar se réalise : ils vont mourir ici.
TAD & ALFIE ⊹⊹⊹ Off with your head, Dance 'til you're dead. Heads will roll, Heads will roll, Heads will roll On the floor.
Lorsque la proposition d’aller jouer à l’extérieur de la ville a été soumise – plutôt imposée puisqu’a priori Tad n’a pas réellement attendu l’avis de chacun sur la question – Alfie s’est rangé assez rapidement du côté de son ami, bien que cette perspective l’angoissait autant qu’elle le réjouissait. Quitter la ville s’apparente à une excitation comparable à celle de se rendre à l’autre bout du pays pour lui qui commence sérieusement à avoir cette désagréable impression de tourner en rond quoi qu’il fasse. D’un autre côté, cela voulait dire plusieurs heures de route dans un van qui, s’il avait été un animal, on aurait euthanasié depuis longtemps par respect pour ses souffrances. Mais parce que l’esprit de groupe domine sur tout le reste et que malgré tout Alfie est motivé par l’idée de voir autre chose – quand bien même l’autre chose n’est finalement qu’à une poignée de kilomètres et que la seule nouveauté réside surtout dans la spécialité locale qui remplira son estomac à l’issue du concert – il n’a pas bronché et n’a pas voulu passer pour une Mariah Carey des temps modernes avec ses caprices (car il aurait préféré trouver une excuse du style « ah désolé ce week-end j’ai yoga suspendu » ou « non j’ai une expo sur les ragondins que j’attends depuis des années merci au revoir » plutôt que d’admettre que c’est un flippé de la voiture). Il est toutefois parvenu à se greffer au second convoi, évitant ainsi la conduite d’Anwar qui met sérieusement à mal son estomac (en plus de son espérance de vie). Parce que le van n’est pas susceptible de faire des piques de vitesse à plus de septante kilomètres heure lorsqu’il est chargé, et parce que Tad est toujours de bonne compagnie, Alfie appréhendait de moins en moins le voyage. Peut-être aurait-il dû, puisque sans surprise, il leur faut s’arrêter régulièrement en chemin pour que Stevie le van (parce qu’on lui ôtera pas de la tête que le bruit du véhicule est similaire à celui que fait Stevie Kenarban dès qu’il essaie de former une phrase) puisse respirer entre deux accélérations qui mettent à mal son moteur (et la comparaison avec le personnage fictif est donc d’autant plus adaptée). Quoi qu’il en soit, après une seconde pause qui lui a permis de se dégourdir les jambes, Tad estime qu’il est temps pour eux de reprendre la route, et parce qu’il n’a aucune envie de rester en rade sur le bas-côté (chose qu’il pense Tad susceptible de faire s’il décide de profiter de l’air frais encore quelques minutes ou qu’il décide que c’est le bon moment pour aller pisser alors qu’il avait une bonne dizaine de minutes pour le faire précédemment) il suit le mouvement en regagnant sa place passager (et il est plus que ravi que le van soit à maman Cooper, parce qu’il n’a pas eu besoin de chercher un moyen de se dédouaner du rôle de chauffeur). « Tu sais, au pire, on a qu’à dire qu’on s’est fait coincer par un rassemblement de tintébins. Tu vois, comme ceux des bikers, sauf qu’au lieu de faire la Great Ocean Road, l’idée c’est juste de faire les cinq cents mètres qui séparent la maison de repos de la grande salle où se déroule le tournoi de bridge. » Qu’il divague en attachant sa signature. Et dans sa tête, les scénarios les plus variés et farfelus s’enchaînent pour trouver une explication à leur retard – alors qu’ils peuvent simplement dire que Stevie a fait des siennes, ça marche aussi. « En vrai, j’suis sûr qu’avoir une centaine de vieux qui t’arrive dessus avec leurs déambulateurs c’est tout aussi effrayant qu’une horde de zombies, Anwar aussi serait en train de flipper et d'attendre que Lou se charge d'eux à coup de banjo. » Pour ce que ça vaut, mais bon, il comprend bien que le but est plus de parvenir à reprendre la route que de se chercher une excuse qui, de toute façon, ne calmera pas les moqueries d’Anwar. Quoi que. L’excuse va réellement nécessiter d’être excellente, puisque Stevie refuse de rouler. « J’aimerais bien dire que je suis étonné, mais bon. » C’est pas le cas. Et il croise le regard d’un Tad qui s’imagine déjà le pire. « T’en fais pas, on a fait que dix minutes de pause, il lui faut minimum quinze minutes, on réessayera dans cinq et puis ça… » Qu’il débute, alors qu’il a déjà détaché sa ceinture pour se faufiler hors de la voiture, laissant la portière ouverte, et faisant quelques pas pour se dégourdir des jambes qui, de toute évidence, ont toujours besoin de l’être. Il jette un coup d’œil sur le bas-côté et après quelques instants de silence, c’est presque en hurlant qu’il s’exclame : « TAD Y’A UN PHASCOGALE MORT, C’EST GÉNIAL. » Pas qu’il soit mort, vu que c’est une espèce vulnérable et que c’est franchement triste, on s'entend. « On a qu’à dire qu’il était au milieu de la route et qu’on a voulu le sauver, un tel acte de bonté ne peut que nous mettre en retard. On peut même apporter sa carcasse à Anwar pour qu’il compatisse. » C’est une proposition comme une autre, au moins il aura essayé.
Parce qu’il l’entend d’ici et qu’il sait qu’il aura droit à tout un tas de vannes pourries sur sa conduite de mamie (en même temps, Tad est certain que même Anwar ne blaguerait pas avec un véhicule qui appartient à Mama Cooper) et sur l’état du van qui approche lentement mais sûrement de la mort véritable. L’italien préfère malgré tout rester positif, ils arriveront dans ce trou perdu coûte que coûte et tant que Céline Dion aura des chansons à offrir, ils ne seront jamais vraiment en retard. Malgré tout, il s’empresse de presser Alfie qui semble prendre plaisir de respirer de l’air non pollué (quelle horreur) et qui, quand on y pense, irait presque plus vite en y allant à pieds. « Tu sais, au pire, on a qu’à dire qu’on s’est fait coincer par un rassemblement de tintébins. Tu vois, comme ceux des bikers, sauf qu’au lieu de faire la Great Ocean Road, l’idée c’est juste de faire les cinq cents mètres qui séparent la maison de repos de la grande salle où se déroule le tournoi de bridge. » Propose Alfie, ce qui prend l’espace d’une demi-seconde pour être matérialisé dans l’esprit malade de Tad avant d’être objecté par la réalité qui se présente à eux : qui construirait une maison de retraite ici alors qu’il fait chaud comme pas permis, ce serait presque du génocide que de faire ça là. « En vrai, j’suis sûr qu’avoir une centaine de vieux qui t’arrive dessus avec leurs déambulateurs c’est tout aussi effrayant qu’une horde de zombies, Anwar aussi serait en train de flipper et d'attendre que Lou se charge d'eux à coup de banjo. » Il retient un rire, parce qu’à vrai dire, il n’a aucun mal à les imaginer les deux paniquer devant une horde mais pour ça, il faudrait que ce soit réaliste. C’est ce que Tad s’apprête à répondre avant d’être heurtée par le bruit de son moteur qui ne fonctionne pas, ou du moins qui n’aboutit pas un démarrage. « J’aimerais bien dire que je suis étonné, mais bon. » fait Alfie, ce qui n’est pas le moment et fait donc gonfler au passage une veine sur le front de Tad qui espère vivement que le van va reprendre la route. « T’en fais pas, on a fait que dix minutes de pause, il lui faut minimum quinze minutes, on réessayera dans cinq et puis ça… » Il ne finit pas sa phrase qu’il est déjà dehors, Tad quant à lui observe son volant, réfléchissant plus vite que jamais à une solution si le moteur de ne redémarre pas fissa parce qu’ils sont actuellement trop loin de Brisbane pour faire marche arrière. Voilà qui lui servira de leçon : ne jamais quitter la civilisation, toujours demander leurs avis aux copains. « TAD Y’A UN PHASCOGALE MORT, C’EST GÉNIAL. » s’écrie Alfie, parce qu’il en faut au moins un qui s’amuse et préférant reste optimiste, il se décide à sortir lui aussi du véhicule. De toute, c’est une fournaise à l’intérieur s’il n’y a pas l’air des vitres pour aider à respirer. « On a qu’à dire qu’il était au milieu de la route et qu’on a voulu le sauver, un tel acte de bonté ne peut que nous mettre en retard. On peut même apporter sa carcasse à Anwar pour qu’il compatisse. » Qu’est-ce qu’Anwar aurait à faire du cadavre d’une souris ? A ce niveau là, c’est même pas la crainte de se faire charrier qui apparait mais bien de se faire tuer par Lou parce que le concert ne pas peut avoir lieu s’ils n’apportent pas les instruments et surtout, elle se serait déplacée pour rien. « Je ne suis pas sûre que la vie d’un rongeur suscite l’émotion chez Annie et puis avec la route qui nous reste, il va juste nous empuanter ton opossum. » raconte Tad avant de prendre un caillou, de tenter de le lancer au loin vu que c’est tout ce qu’ils peuvent faire actuellement. « Tu me dis quand ça fait cinq minutes ? » Parce que lui serait tenté d’essayer à nouveau tout de suite.
N’importe quel être humain sain d’esprit se serait abstenu de faire le voyage dans Stevie (contexte) et aurait largement préféré la conduite furieuse – mais à la mort rapide – d’un véhicule confié aux bons soins d’Anwar. Mais parce qu’Alfie n’entre pas dans cette catégorie d’individus, il lui est très vite apparu plus favorable de faire le chemin grâce au van, faisant ainsi abstraction de tout ce qui ne va pas sur ce véhicule (c’est-à-dire à peu de chose près 90% du truc) pour se concentrer sur la vitesse ralentie qu’il permet. Pas qu’il roule comme une grand-mère en temps normal, mais à choisir, Alfie préfère très nettement arriver en retard mais avec un estomac toujours à sa place plutôt que largement en avance avec des vêtements nouvellement décorés de son reste de repas de la veille. De toute façon, la question ne se pose finalement pas puisqu’il ne semble pas prévu d’arriver à destination dans l’immédiat, car Stevie fait – comme d’habitude – des siennes. Il aimerait bien s’en surprendre – et peut-être qu’il aurait dû, en vue de la gueule que tire Tad et pendant un instant, Alfie pense très sérieusement finir empaqueté à l’arrière avec les instruments – mais la vérité c’est que dès le départ, c’était une issue à envisager, le vrai enjeu était de parier sur le moment où ça allait finir par arriver. À la première pause, à la seconde, au milieu de l’autoroute, ou simplement au milieu de nulle part comme c’est le cas. Loin de s’agacer de la situation, Alfie se rend bien compte qu’ils n’y peuvent pas grand-chose ; ils sont dépendants du véhicule et si Stevie refuse d’avancer, ils ne peuvent que s’en accommoder. Taper sur la carrosserie est une solution séduisante, mais dont le seul résultat est de devoir faire leurs adieux à un pare-chocs qui aura définitivement décidé de voler de ses propres ailes (en s’éclatant par terre parce que bon, comme on sait « petit oiseau si tu n’as pas d’ailes »), et pousser le van est absolument inenvisageable vu le chargement et qu’Alfie apprécie quand même le fait de pouvoir utiliser ses bras donc autant éviter de se froisser un muscle parce qu’il s’est cru plus fort qu’il ne l’est réellement. En ce sens, Alfie n’est pas chiant parce qu’il s’accommode de la situation et il sort très vite du véhicule pour permettre à ses jambes de faire encore quelques pas, ayant besoin de s’occuper plutôt que d’attendre comme un agent sous couverture que quelque chose se passe alors que très clairement ce ne sera pas le cas. Le brun fait quelques pas avant que les yeux qui lui servent de radar s’arrêtent sur un animal mort et si dans d’autres circonstances Alfie lui aurait préparé la petite cérémonie qui va avec son état, là, il voit surtout un alibi, qui se heurte toutefois au rationalisme de Tad. « Parce que jusqu’à présent tu crois qu’il sent bon ton van ? » Spoiler alert : c’est pas le cas. Il a l’odeur qui va avec son état, pour dire les choses poliment. « À défaut d’une larme, y’a moyen de noyer le poisson dans la masse. Les mâles ont une espérance de vie vraiment raccourcie et tu sais comment ils meurent, dans la majorité des cas ? Juste après la reproduction, parce qu’ils ont une activité sexuelle trop intense. Qu’Alfie précise en revenant vers un Tad qui s’initie au lancer de cailloux. Ose me dire que tu trouves pas ça étrange mais intéressant. À partir de ce fait qui retiendra forcément leur attention, y’a moyen de broder tout un récit qui leur fera oublier le pourquoi ils ont ouvert la bouche à la base. Et tu me connais, parler pour ne rien dire c’est ma spécialité. » Comme il le fait précisément en cet instant. « Oui, oui, dis toujours que ma compagnie est pénible aussi. » Qu’il ajoute, sans s’en vexer pour autant si c’était le cas. Il sait bien que Tad veut surtout arriver à l’heure, mais il n’empêche qu’il s’impatiente vachement de devoir rester à écouter Alfie pendant les cinq minutes de flottement quémandée par le van. Quoi qu’il en soit, le brun ne demeure pas statique pour autant, et il poursuit ses explorations, finissant par arriver à l’avant du véhicule. « Euh Taaaaad ? » Qu’il l’interpelle, attendant quelques secondes pour qu’il arrive à son niveau. « C’est normal, ça ? » Qu’il demande en désignant la fumée qui commence à s’échapper du capot. Il sait très bien que non, mais comme c’est pas son van et qu’il ne l’a encore jamais conduit, il se dit que Tad étant un habitué de la chose, il sait peut-être comment résoudre le problème qui se dessine.
Tad se retrouve à adopter une attitude aux antipodes de celle qu’il adopte en temps normal : il est sur les nerfs. La première raison serait la voix de Lou qui lui servirait pour une énième fois que ce n’était pas malin de prévoir un lieu aussi loin, que c’était même tout sauf intelligent et sans oublier de lui rappeler que ses neurones ne se connectent pas toujours idéalement. La seconde raison, ce serait sa maman, qui bien que parfaitement au courant que le van dont elle ne se sert même plus et qui a bien vingt-cinq de vie dans la famille, qui lui servira le sermon pointant son manque d’attention envers les affaires des autres. « Parce que jusqu’à présent tu crois qu’il sent bon ton van ? » Bon, ce n’est pas le moment pour argumenter sur le sujet, ou même pour s’offusquer mais, Alfie marque un point. Différentes odeur sont parvenues à se mélanger avec les temps et l’haleine de Stevie peut facilement être qualifiée de fétidé. Malgré que la situation le stresse un peu, il garde la bonne foi de ne pas contredire Alfie même s’il reste hors de question de trimballer son truc mort avec eux. Stevie pue mais ce n’est pas une raison pour en rajouter une couche. « À défaut d’une larme, y’a moyen de noyer le poisson dans la masse. Les mâles ont une espérance de vie vraiment raccourcie et tu sais comment ils meurent, dans la majorité des cas ? Juste après la reproduction, parce qu’ils ont une activité sexuelle trop intense. » Evidemment que le visage de Tad reflète parfaitement l’agacement qu’il ressent, pas vis à vis du blabla d’Alfie mais de la situation, et qu’il peine à garder contenance et à relativiser. C’est que sans Stevie, même la suite des évènements risquent d’être compliquée. Pour le moment, il ne fait que montrer une mine désabusée face aux anecdotes qui dans un autre contexte l’auraient sûrement grandement intéressé mais, erreur de timing … « Ose me dire que tu trouves pas ça étrange mais intéressant. À partir de ce fait qui retiendra forcément leur attention, y’a moyen de broder tout un récit qui leur fera oublier le pourquoi ils ont ouvert la bouche à la base. Et tu me connais, parler pour ne rien dire c’est ma spécialité. » Il tourne son regard vers lui, arrivant à penser malgré tout que, ça pourrait marcher et que si personne n’achète le récit d’Alfie, il réussira effectivement à souler tout le monde de sorte à ce que l’incident soit oublié. Tad prend malgré tout note de présenter une bouteille d’alcool le moment venu afin de n’en rendre que plus efficace le talent d’assommoir d’Alfie. C’est que dans certains cas, il sait être précautionneux. Maman serait fière. « Oui, oui, dis toujours que ma compagnie est pénible aussi. » ajoute Alfie, laissant planer un doute quant à si Tad doit acquiescer ou non, parce que sans dire qu’il est actuellement en train de lui casser les noix (ce serait malvenue venant de Tad) il faut avouer que ce n’est pas le moment pour avoir une conversation futile et vide de sens comme ils ont d’habitude d’avoir. Là, Tad doit réfléchir à la façon dont il va réussir à les amener (avec tous leurs instruments) ou bien les ramener en ville, et surtout comment annoncer les nouvelles aux deux furies de sa vie. Le message semble passer auprès d’Alfie qui s’éloigne pour le laisser un peu en paix le temps de réfléchir à la façon dont il souhaiterait diriger les évènements. Le silence ne dure pas longtemps et à vrai dire, Tad aurait préféré cent fois qu’Alfie continue à parler de raton-laveur mort plutôt que de prendre le ton suivant. « Euh Taaaaad ? » Tout en s’avançant vers lui, l’italien prie intérieurement le ciel qu’il ait pris ce ton juste pour le faire flipper avant de dire une énième connerie, mais apercevant la fumée qui commence à se dégager, il sait que ça ne sera pas le cas. « C’est normal, ça ? » Non, ce n’est pas normal. A-t-il besoin de verbaliser ? A-t-il besoin de souligner à Alfie qu’il sait déjà la réponse à sa question ? Non plus, mais le sarcasme reste un bon moyen de décompression. « Oui, c’est totalement banal. C’est le mode locomotive, tu ne connaissais pas ? » Il tente de prendre l’air plus sérieux possible, mais au lieu de jouer la comédie, l’important reste de régler le soucis ce qui l’amène rapidement à ouvrir le capot, laissant la fumée les inonder avant de tenter de trouver la source du phénomène. « C’est le joint de culasse. » dit-il à titre informationnel à l’adresse d’Alfie, ce qui lui donne un air assez calé en matière de moteur mais à vrai dire, cela relève juste des trois choses qu’il doit savoir en mécanique. « Je peux pas le changer. » soupire t-il avant d’ajouter « Dis-moi, parmi tout les trucs que tu sais faire, j’imagine que les moteurs de voiture restent encore du chinois nan ? »
Il n’est pas stupide, Alfie, il sent bien que la situation agace Tad plus qu’elle ne l’agace lui. Peut-être que le fait que ce ne soit pas son van aide grandement à prendre de la distance parce qu’il sait qu’il ne sera pas celui qui se fera accueillir par sa mère à coup de rouleau à pâtisserie parce que Stevie a décidé de rendre son dernier soupir alors qu’il était sous leur garde. Mais c’est surtout son optimisme à toute épreuve qui lui permet de rationaliser ; et même s’il n’a pas rejoint le groupe il y a si longtemps et qu’il est encore un peu paumé à certain moment, il y a quelque chose qu’il a très vite compris : Stevie est une petite diva qui aime faire des caprices dès qu’on lui demande de participer à l’effort commun. Alors il ne s’inquiète pas plus que ça – pour l’instant – parce qu’il se doute que le van finira par repartir. Jusqu’ici, ça a toujours été le cas, il n’y a pas de raison que ça ne le soit pas encore une fois, sauf si Stevie décide de se vexer pour le commentaire d’Alfie quant à son haleine. Et le voilà déjà qui cherche un moyen de se faire pardonner, de caresser le véhicule dans le sens de la carrosserie, en lui offrant un lavage à la cire premium, en attachant un arbre magique senteur midnight chic ou en prenant soin de le stationner à côté d’un combi pour contrer la solitude évidente de Stevie qui a toujours besoin d’être le centre d’intérêt. Au-delà de ça, la situation pourrait être pire ; Stevie aurait pu décider qu’exploser le moteur à cent sur l’autoroute était une très bonne idée, ou leur faire la blague des « ahah les freins marchent plus » sans que c’en soit une, en fait. De toute façon, ce n’est pas comme s’ils pouvaient faire quelque chose à part attendre les quelques minutes exigées par le van pour se reposer, et dans le cas où il ne repartirait toujours pas, d’autres solutions s’offrent à eux ; Alfie déraille peut-être quant aux sentiments que peut avoir un véhicule, mais ce n’est pas pour autant qu’il ne parvient pas à mettre ses pensées à contribution pour envisager une solution (réaliste – précisons-le) si les choses ne s’arrangent pas. Déjà, il parvient à proposer une option à Tad pour annoncer leur retard aux autres et même si ce dernier semble peu réceptif, ça ne dissuade pas Alfie pour autant qui parviendra sans difficulté à noyer le poisson au milieu d’un récit qui n’intéressera probablement que lui, mais qui aura le mérite de faire passer le retard. Encore une fois, tout cela est à envisager seulement s’ils ne parviennent pas à repartir et… il semblerait que ce soit bel et bien l’hypothèse qui se profile maintenant qu’Alfie s’est rapproché du van et y constate un gros dégagement de fumée. Il interpelle Tad, lui posant une question rhétorique dont la réponse ne manque pas de le faire sourire. « Classe. » Qu’il souffle avec moue à la Grumpy Cat. C’est peut-être pour ça que Stevie fait la gueule, parce qu’on ne lui laisse pas vivre sa véritable destinée de locomotive, mais il s’abstient de le formuler à voix haute au risque de rencontrer très rapidement la vitre du véhicule lorsque Tad se sera réellement agacé de ses commentaires. Il sent que ce dernier est tendu, alors qu’il ne devrait pas l’être tant que ça puisqu’il est en mesure de mettre en évidence le problème qui se pose ; c’est bien qu’il doit pouvoir bidouiller pour leur permettre de repartir, pas vrai ? Fausse alerte, et ils ne sont pas plus avancés, car effectivement, la mécanique ne fait pas partie de ses domaines de prédilection. « T’es sérieux ? Tu te rends compte de l’ascenseur émotionnel que tu viens de me provoquer en mettant en avant le problème pour finalement dire que tu peux pas t’en occuper ? » Ça lui paraît important de le signaler, parce qu’il se rêvait déjà de retour dans Stevie pour poursuivre le chemin – pas que ça le dérange de rester encore en rade, il s’en accommode mieux que Tad. « Et ouais, t’imagines bien. Et puis même si je savais, j’ai pas pensé à prendre ma boîte à outils avec moi. » Qu’il ajoute par la suite, en laissant échapper un léger soupir. « Au moins, ça nous apprends un truc : acheter le guide « la mécanique pour les nuls » et le garder précieusement dans le van. » Pour les prochaines fois, si prochaine fois il y a dans l’hypothèse où ils n’assistent pas à l’agonie définitive de Stevie. « Tout ce que je peux te proposer, c’est de chercher le numéro d’un dépanneur… » Il propose, sortant son téléphone de sa poche, bidouillant quelques instants dessus avant de reprendre la parole. « … dès que j’ai du réseau. » Et là, il fusille Stevie du regard, maudissant celui-ci de les lâcher au milieu de nulle part, s’imaginant déjà lui régler son compte à coups de pied-de-biche – on est loin de la proposition de lui offrir un séjour au spa « tunnel de lavage ». Son dernier espoir réside en Tad sur lequel il porte désormais son regard, priant pour que son téléphone soit un modèle digne de ceux de l’armée qui lui permettrait de passer un coup de fil même en étant six pieds sous terre.
Arrivé à ce moment là où le van dégage assez de fumée pour leur garantir un cancer d’ici le lendemain matin si aucune solution n’est trouvé dans le délai désormais imparti, le naturel de Tad commence à revenir au galop en même temps que le côté fataliste qui veut que de toute façon, ils en ont pour un moment et surtout, ils n’arriveront pas à temps et il entendra bien de ses oreilles les eux sermons qui sont probablement dès maintenant en cours d’écriture dans la tête des deux concernées. Quitte à ce que ça arrive, autant s’y faire et chercher une solution même bien évidemment, Tad n’est pas mécanicien. Si Stevie était une personne, il aurait sûrement eu moins de mal à trouver le problème malheureusement il n’a jamais appris à réparer les tas de ferrailles. « Classe. » répond Alfie à la vanne de Tad, sourire aux lèvres, probablement parce qu’au moins de ce côté-là, ce n’est pas encore la panique. Tad vérifie les deux-trois choses qu’il connait grâce au voisin de maman, un roumain au grand ventre qui a l’air de parfaitement s’y connaitre en voiture si en juge par l’épave qui traine dans son allée depuis des années et qui, contre toute attente, fonctionne au moins autant que Stevie. Le monsieur ne sentait pas bon mais dès qu’il fallait un avis d’expert, c’était vers lui qu’ils se tournaient. Après tout, entre européens, il faut bien se serrer les coudes. C’est ainsi que Tad avait entendu parler du joint de culasse, cette petite pièce de merde qui était en réalité assez importante pour garantir que la voiture n’explose pas en route et qui avaient décidé de montrer des lacunes sur ce trajet-là, en particuliers. Bien sûr, si Tad connait la faille, ce n’est pas pour autant qu’il saurait vraiment quoi faire. Son voisin Dragos, il ne l’avait écouté que d’une oreille. « T’es sérieux ? Tu te rends compte de l’ascenseur émotionnel que tu viens de me provoquer en mettant en avant le problème pour finalement dire que tu peux pas t’en occuper ? » Non mais s’il attendait de Tad qu’il trouve le problème ET la solution aussi ! Il est peut-être gentil mais si elles sont tellement nombreuses à le trouver empoté, ça ne provient pas de nulle part. Il faut que son comportement justifie un minimum la légende. Il hausse les épaules alors visiblement Alfie lui, ne rigole plus. « Et ouais, t’imagines bien. Et puis même si je savais, j’ai pas pensé à prendre ma boîte à outils avec moi. » Bon, voilà qui pose la situation définitive. Tad se remet du coup à cogiter afin d’apporter une solution possiblement viable et hormis celle de réparer la pièce le temps de trouver un garage, y’a pas foule d’idée qui se bouscule au portillon. « Au moins, ça nous apprends un truc : acheter le guide « la mécanique pour les nuls » et le garder précieusement dans le van. » Effectivement, ou alors : prendre un cours de mécanique. Tad proposerait bien l’idée pour la prochaine fois ou Alfie s’ennuie mais il a comme l’impression que ça n’est pas le moment de mettre en route un tel projet. « Tout ce que je peux te proposer, c’est de chercher le numéro d’un dépanneur… » Il hausse les épaules, l’air de lui dire qu’il peut toujours faire ça, mais Alfie finit évidemment par terminer sa phrase. « … dès que j’ai du réseau. » Il prend quelques secondes de silence parce qu’il se sent pas le courage d’annoncer tout de suite une autre vérité à Alfie. Celle-ci doit malgré tout sortir et alors que le brun le regarde l’air de lui suggérer de mettre à profit son propre téléphone, Tad lui annonce une nouvelle couleur. « Cherche pas, ma batterie est partie dans le GPS. » Bah oui, parce que quand il avait accepté ce concert à péte-cul dans le loin-land, il s’était dit que le GPS l’y mènerais sans avoir penser que Stevie le lâcherait en cours de route. « Mais tu peux toujours tenter de faire des signaux avec la fumée. Tu saurais faire ça nan ? » Qu’il suggère, parce qu’après tout, à force d’étudier des sociétés primitives, y’a bien quelqu’un qui aurait appris à Alfie comment on communique non ? Quelque chose lui dit rapidement que ce n’est pas comme ça que les choses fonctionnent. Une nouvelle solution est donc à proposer. « Après, je peux toujours tenter une vidange, de remettre du liquide et croiser les doigts que ça nous porte jusqu’à un expert. » Il doute mais on lui a montré une fois. Il est sûr et certain que s’il retient bien ce qu’il a retiré et où il l’a retiré, ça peut le faire. « Ou bien, on se met en route à pieds jusqu’à ce qu’on ait soit du réseau, soit un autre être humain face à nous, de préférence vivant. » Quoique là, s’ils présentaient un vrai cadavre, il serait sûr que l’excuse serait valable pour qu’Anwar ne se foute pas d’eux.
Parce qu’Alfie a bien d’autres raisons de paniquer en temps normal, il essaie de ne pas se formaliser quant au sale coup que vient de leur faire Stevie. Premièrement parce que ce n’est absolument pas surprenant et que ce qui l’est vraiment, c’est qu’ils aient cru que le van arriverait à destination sans le moindre caprice – parce que dans le milieu des véhicules utilitaires, on ne le surnomme pas Mariah Carey pour rien. Deuxièmement, parce qu’ils ne peuvent rien faire si le van a décidé de ne pas poursuivre son chemin, et que s’agacer ne serait profitable à personne et encore moins à la syncope qui les guette. Il en va de même pour l’autre partie des Street qui est sûrement déjà sur les lieux, ils peuvent hurler autant qu’ils veulent, tenter de les appeler encore et encore pour quémander des explications, lancer Anwar et ses coéquipiers à leur recherche (ou poursuite, dépend du niveau d’agacement de la bande), il n’en demeure pas moins que Stevie. Ne. Veut. Pas. Avancer. Point final, et sans la bonne volonté du véhicule, pas d’instruments, pas de concert. Alfie ne cherche pas plus loin même si évidemment le fait de ne peut-être pas être en mesure de tenir ses engagements l’énerve, mais ce sentiment ne les mènera à rien si ce n’est une dispute parce que la frustration mettra à mal leur raison. Alors il prend la situation comme elle est, même si une petite lueur d’espoir naît dans ses yeux lorsque Tad parvient à identifier le problème. Bien, parce que même s’il se la joue chill pour le principe, il a clairement peur de la furie de Lou et s’il peut s’abstenir d’y goûter, c’est bien volontiers. Mais puisque Tad semble être plus sadique qu’il ne l’a jamais présumé, ce dernier s’est juste fait un petit kiff, à savoir lui provoquer un ascenseur émotionnel digne de celui d’avoir les numéros du Powerball avant de réaliser qu’il s’agit d’un ticket daté d’il y a plusieurs années et non-encaissable. Il est presque tenté d’ajouter un « connard » pour ponctuer ses propos, mais pas de ça entre eux. Et Tad se heurte au scepticisme (et à la difficulté de rester calme) d’Alfie quand celui-ci tente presque de noyer le poisson et de mettre en évidence le manque de compétences d’Alfie dans le domaine ALORS QUE BORDEL C’EST SON VAN ET C’EST LUI QUI IDENTIFIE LE PROBLÈME. Respire, Alfie, n’oublie pas que ça ne sert à rien de s’énerver. Alors non, Alfie ne sait pas s’occuper des vieilles voitures, tout comme il n’a malheureusement pas embarqué sa boîte à outils avec lui en se disant « tiens, pourquoi pas, je sens qu’elle me couve une petite déprime et ça lui fera du bien de voir du pays ». Ce que l’anthropologue note, c’est d’embarquer un manuel avec eux en plus d’une boîte à outils, parce que la seconde est d’une utilité toute relative s’ils ne savent pas où se situe le problème, à part quand il sera question de s’entretuer parce qu’ils n’auront plus la patience de supporter les caprices de Stevie et qu’il faudra passer ses nerfs sur quelqu’un (et Alfie sait très bien que Tad ne s’attaquera jamais au véhicule de sa chère mère et que le coup de clé à molette sera pour sa pomme #fatalité). Dans l’immédiat, ce qu’Alfie peut faire et qui soit à la portée de ses compétences, c’est d’appeler un dépanneur. Toutefois, cela reste de l’ordre du rêve puisque le réseau doit sûrement être une vieille connaissance de Stevie, ce qui justifie qu’il décide à son tour de les mener en bourrique. « Fantastique. » Qu’il rétorque alors qu’il finit par laisser échapper un rire nerveux, ce qui lui permet de se détendre à nouveau. Ça ne peut de toute façon pas être pire. Un sourire réapparaît sur ses lèvres, ce qui lui permet de ne pas se vexer à la réflexion d’un Tad qui rejoint la longue liste de ceux qui ne comprennent rien à son métier et qui ne manquent ainsi pas de le bafouer. La routine. « Ouais, carrément, je l’ai appris durant mon stage avec Bear Grylls, Leonardo, c’est pour toi, mais est-ce que quelqu’un arrivera à décrypter ce que je dis, hm hm, c’est la question. » Faire du feu n’est pas le souci – sur ce point Tad marque un point, il saurait se débrouiller sans difficulté, mais dans le cadre de son travail, il a surtout mis celui-ci à contribution pour manger, ou pour des rituels, mais la communication par fumée, c’est niet, parce que ça n’existe quasiment plus, il faudrait que les gens le comprennent mais Alfie n’a pas la foi de se lancer dans un débat passionné pour expliquer les raisons pour lesquelles ça n’a plus lieu d’être et il sait que Tad n’aura pas la patience de l’écouter. « On va faire ça, plutôt, hein. Qu’Alfie confirme avant de rapidement reprendre. Que tu tentes ta vidange. Hm ? Enfin, celle de la voiture. Et histoire de joindre la parole au geste, Alfie affiche fièrement ses doigts croisés devant lui. Et si vraiment, alors on se mettra en marche. Quoi que, j’ai la dalle, donc à choisir, hein. Il se mettrait en marche tout de suite, jusqu’à la première station-service où il pourrait faire le plein de snacks au quinoa. Du coup, t’as la responsabilité du concert, mais aussi de mon estomac, ça va, tu peux gérer ? » Qu’il demande tandis qu’il s’appuie à côté du capot, bras croisés, attendant que Tad fasse appel à la magie dans ses doigts pour autre chose que d’écrire des lettres d’amour à Céline.
Les rôles semblent s’inverser. Alors que Tad reprend son costume de chillitude inné, c’est au tour d’Alfie de perdre légèrement patience vu que la conjecture ne semble pas aller dans le sens d’une reprise de route rapide et ponctuelle. Autrement dit, cela va prendre du temps de réparer Steven. Si Tad a réussi à deviner quel était le problème – et encore, il l’a dit à haute voix avec une certitude avoisinant les 75% - il connait ses compétences limitées pour ce qui est de le résoudre et ça, ça a des airs de goutte d’eau. Nota bene que de prendre une formation en mécanique pour tous leurs prochains voyages avec Stevie, ou bien de changer de van. Un état des lieux se fait tout de même très rapidement, les amenant à faire face à la réalité et aux options qui se présentent à eux. Stevie en panne. Pas de réseau. Pas de vie dans les alentours. Et un cagnard qui peut avoir très vite fait de leur griller les neurones. D’ailleurs, Tad ne voudrait pas s’avancer mais c’est un processus qui semble déjà être en train de faire effet bien que dans son cas, on puisse douter du fait qu’il y’ait encore quelque chose à griller. Inconscient, Tad s’essaie tout de même à l’humour en invitant Alfie à envoyer des texto à l’ancienne, histoire que Steven ne fume pas pour rien non plus mais étrangement, sa proposition n’est pas prise avec l’humour escompté. « Ouais, carrément, je l’ai appris durant mon stage avec Bear Grylls, mais est-ce que quelqu’un arrivera à décrypter ce que je dis, hm hm, c’est la question. » Il sent une légère pointe d’agacement ponctuant le sarcasme de son amie et pourtant ça ne l’empêche pas de répondre pas une énième connerie, à savoir s’il ne trouve pas un peu de plaisir dans cette situation. « Imagine que ton poto est dans le coin, il pourra te répondre et on est sauvé. » Bon, il aurait aussi pu blaguer sur la probabilité qu’une tribu aborigène pourrait les prendre sous leurs ailes mais là, il imagine qu’une telle blague motivée par un peu d’ignorance ne serait pas passé et si Tad essaie de détendre l’atmosphère, il aimerait bien ne pas causer de précédent. Plongeant donc son regard sur le moteur, il se dit qu’il pourrait toujours tenter des trucs, comme par exemple entreprendre le nettoyage du fameux joint en espérant que ça lui redonne un peu de peps pour tenir jusqu’au prochain garage. (Tad aimerait bien dire jusqu’à destination mais Alfie voudra t-il tenter le diable ?) Ou alors, ils suggèrent qu’ils se mettent en route maintenant en lâchant Stevie à son sort, deuxième option qui le tente moins parce que dans Stevie, il y’a la batterie d’Anwar et que cette chose a presque autant de valeur que Tarek à ses yeux. « On va faire ça, plutôt, hein. Que tu tentes ta vidange. Enfin, celle de la voiture. » Il ne saurait pas dire si cette perspective remonte le moral de son ami mais au moins, ça l’aura amené à faire preuve d’un peu d’optimisme ce qui montre que tout n’est pas perdu. Tad se contente d’acquiescer se préparant à aller chercher dans le coffre les quelques outils qui sont de toute manière plus qu’essentiel quand on a la folle idée que de conduire Stevie. « Et si vraiment, alors on se mettra en marche. Quoi que, j’ai la dalle, donc à choisir, hein. » Donc à choisir quoi ? C’est peut-être le moment de lui demander si pendant ses stages d’anthropologie, il a déjà été amené au cannibalisme. Tad se stoppe dans son élan, doute un peu et reprend le mouvement après avoir décidé qu’il ne poserait pas cette question. « Du coup, t’as la responsabilité du concert, mais aussi de mon estomac, ça va, tu peux gérer ? » demande Alfie alors que la caisse à outil est en main, que la clé de douze sert déjà à dévisser quelque écrous. « Y’a un opossum mort là bas si tu as faim » ajoute Tad en pointant du nez l’endroit où Alfie avait plus tôt trouvé un cadavre. « Après, ça suppose que tu fasses frire notre excuse pour qu’Anwar ne mette pas fin à nos jours, j’espère que tu n’as pas peur. » poursuit Tad, tout en dégageant son chemin jusqu’à la pièce qui leur cause problème. « Allez, ça va pas prendre longtemps. Laisse-moi juste le temps de vider le système de refroidissement, lui mettre un p’tit coup de chiffon et ça Stevie sera comme au premier jour. » Là, c’est Tad qui essaie d’être optimiste parce que bien sûr que ça ne se fait pas comme ça et qu’importe sa bonne volonté, Stevie ne sera jamais comme au premier jour.
Quelle est l’utilité de payer une entrée au prix exorbitant pour passer une journée à Dreamworld quand un Tad Cooper peut vous offrir le même ascenseur cardiaque qu'un manège à sensation forte ? C’est très exactement ce qu’il se passe lorsque son ami annonce avoir identifié le problème avant de tout simplement préciser qu’il ne sait guère comment s’en occuper. Quel genre de personne fait ça ? Tad, vraisemblablement, et tous ceux qui ont un trou béant à la place du cœur pour se jouer ainsi de leurs proches. Parce qu’Alfie, pendant une seconde, se voyait déjà reprendre sa place de passager, tapoter le tableau de bord de Stevie en lui glissant un encouragement pour les mener à destination, alors même qu’il le maudit dans à peu près quatre langues dans sa tête, et surtout, il se voyait rester en vie. Maintenant que Tad a admis qu’il n’en connaissait pas plus que l’anthropologue en matière de mécanique, ce dernier a de nouveau l’esprit noyé sous diverses images toutes plus réjouissantes les unes des autres – de Lou qui le pèle comme une carotte avec ses ongles, à Anwar qui tente une lobotomie avec ses baguettes, au propriétaire du bar qui l’attache au sous-sol au milieu d’une vingtaine de rats ayant la rage pour se venger de leur incapacité à assurer leur contrat. Une visite dans l’esprit d’Alfie suffit à comprendre pourquoi il est essentiel que Stevie reparte, car dans le cas contraire ce dernier ne cessera d’emmagasiner des dizaines, si ce n’est des centaines, de scénarios du même acabit. Alors pour le bien des quelques cellules qu’il n’a pas encore grillées et de son sommeil déjà bien assez perturbé, il est impératif qu’ils se remettent rapidement en route pour arriver jusqu’au point de rendez-vous. Et s’ils ne le font pas pour le concert, qu’ils le fassent au moins pour l’estomac d’Alfie, qui commence à souffrir, son dernier repas remontant à environ quatre heures – une véritable éternité, pour lui. Le voilà qui voit déjà des bâtons de quinoa qui apparaissent devant lui et qui a l’impression d’entendre une rivière de lait de la même pseudo-céréale non loin derrière lui. Un peu plus et c’est un filet de bave qui se met à couler au coin de sa bouche, heureusement éviter par l’intervention de Tad qui lui demande d’y mettre un peu du sien. « Ouaaaaais, il va débarquer avec trois caméras et cent spectateurs, niquel, histoire d’avoir des preuves quant à ton incapacité à réparer ton propre frère. » Qu’Alfie lance, l’air de rien, en haussant les épaules. Il faut dire que vu la manière dont Stevie est traité – autant par la matriarche que par Cooper Junior – on peut sérieusement s’interroger sur la place du véhicule dans la famille Cooper. Alors qu’Alfie mentionne à son ami cette double responsabilité qu’est désormais la sienne, Tad se remet au travail, non sans y aller de son petit commentaire. Alfie jette un coup d’œil à l’animal, insistant sur « un phascogale » sans réellement s’en rendre compte, ajoutant « franchement, il y aurait de quoi en faire un truc, en plus, en se débrouillant avec les moyens du bord et ce que je peux trouver dans le coin. Ouaaaais, carrément, sur un carpaccio de quandong et assaisonné avec un peu de myrte citronné, ça doit pas être si dégueu. Si seulement il était plus frais » qu’il boude avec une légère moue, Alfie Caine estimant l’heure du décès dans une fourchette entre quarante-huit heures et quarante-huit semaines. « Et je peux même pas essayer de l’amadouer en lui faisant déguster la bestiole, mince. » Qu’il ajoute en songeant à Anwar et son végétarisme. « Quoi que si je lui dis que c’est des bonbons, ça devrait passer. » Probablement. Est-ce qu’il va le tester pour autant ? Certainement pas. « Ne me déçois pas, fiston. » Il conclut en référence aux capacités de Tad à faire repartir le véhicule, alors qu’il observe la scène de son poste d’observation, près de la portière passager. Spectateur muet, Alfie observe les soins prodigués à Stevie, scrutant avec attention les gestes de Tad. Ce dernier a la main sur la poitrine de Stevie, et malgré la délicatesse dont il essaie de faire preuve, on voit bien qu’il veut lui donner un coup. Ce n’est pas étonnant, secrètement tous les membres des Street Cats rêvent de piétiner ce véhicule, ils le veulent, par des coups qui pleuvent et des bouteilles qui volent. Les minutes défilent, et la situation ne semble pas connaître d’amélioration. Malgré toute sa bonne volonté, la patience d’Alfie est mise à mal, et il finit par craquer quand Tad relève les yeux, et qu’il interprète son regard comme une tentative silencieuse de lui faire comprendre que Stevie poursuit son caprice, alors qu’il demeure stoïque devant le véhicule. « MAIS POURQUOOOOOOOOOOI. » Qu’il s’adresse à Stevie, mains qui frappent l’air pour finalement s’abattre sur ses genoux. Et puis, l’éclair de génie. « Putain, mais tu déconnes c’est pas comme ça qu’on fait les choses, en fait ! » Stevie a un cœur. Stevie a une âme. Stevie n’aime pas être traité comme une machine, sans délicatesse, sans gentillesse. Stevie veut de l’amour ? Alfie va lui en donner (sans qu’aucun acte tendancieux ne soit impliqué). C’est un grand sourire qui naît sur ses lèvres, maintenant qu’il commence à accepter la fatalité de la situation. « J’ai peut-être pas de talents en mécanique, mais j’ai toujours ma langue de mon côté. » Toujours aucun acte tendancieux mécanophile impliqué dans cette scène. Alfie fait quelques pas, passe sa main sur la portière passager arrière de la voiture pour caresser brièvement celle-ci (TOUJOURS AUCUN ACTE TENDANCIEUX D’ IMPLIQUÉ). « Tout ce dont je me souviens, c’est que tu m’as conquis dès le bonjour. J’ai su directement quand je t’ai rencontré que je ne prendrais pas mon temps. Plus nous faisions de la musique, plus nous devenions fusionnels. Plus je te faisais vibrer, plus tu t’arrêtais de rouler. La dernière chose dont je me souvienne, tu as dit que ces essieux bougeaient. Cela a dû devenir douloureux, car je ne t’ai jamais réparé, mes excuses je te prie d’agréer. » Et il jurerait, en revenant devant la voiture, que les phares de celle-ci semblent soudainement plus brillants. Ou est-ce seulement le soleil qui l’est tout autant et qui commence à lui taper sur la tête. Plus pour longtemps, ceci dit, puisqu’il s’apprêtait à demander à Tad de recommencer son manège maintenant que Stevie a été brossé dans le sens du poil, mais c’est sans compter sur la météo australienne, réputée capricieuse, et pendant qu’ils tergiversaient sur la meilleure manière de redonner une seconde jeunesse à Stevie, le ciel s’est assombrit, et ce sont bel et bien des nuages noirs qui planent désormais au-dessus de leur tête, ainsi que des gouttes qui viennent à leur rencontre, dans un rythme encore modéré. La pluie danse, balance, entre Brisbane et Péquenaudland. Elle pense averse devant les états d’âme de Stevie, elle rêve d’éclaboussures entre Tad et Alfie, elle crie, amère, aussitôt qu'ils envisagent de s'abriter. Elle préfère s’abattre comme sur la mer, dans une question de tempo, elle rêve d’un long déferlement sur deux idiots. « Dis-moi qu’il est convaincu pour repartir là, s’il te plait. » Qu’il supplie Tad, afin qu’elle réessaie quelque chose, n’importe quoi, qui pourrait les aider à déguerpir rapidement. Et il en oublie de prier pour que Stevie ne leur fasse pas un remake inversé de Christine, c’est-à-dire en les empêchant de s’abriter si la pluie vient à devenir plus abondante.
Si Alfie avait été le premier à rigoler quand ils sont tombés en panne, on peut dire que les rôles se sont inversés. Une fois la peur de subir le courroux de sa mère pour avoir casser Stevie effacée, il ne restait à Tad qu’à accepter la possibilité qu’ils passent la nuit-là en attendant que des gens autant perdus qu’eux ne fassent leur apparition. Son flegme naturel était revenu faire son travail, plongeant le guitariste dans un total état de zenitude par rapport à l’avenir. Stevie est vieux. Stevie leur fera toujours le coup. C’était à Alfie de s’y préparer maintenant qu’à chaque fois qu’il met un pied dans le véhicule, il peut s’écouler entre une heure et le reste de sa vie avant qu’il n’arrive à bon port. « Ouaaaaais, il va débarquer avec trois caméras et cent spectateurs, niquel, histoire d’avoir des preuves quant à ton incapacité à réparer ton propre frère. » Tad le regarde l’air de lui demande s’il n’est pas en train de dramatiser actuellement. Qui aurait cru qu’il soit au moins aussi bon que Lou pour faire jouer des violons. Anwar, c’est son poto. Hormis se manger des vannes jusqu’à la fin de leurs jours, il sait qu’il ne portera aucune atteinte à leur intégrité physique. « un phascogale » corrige-t-il, comme si ça avait une importance quelconque, un rat reste un rat, voilà tout. « Franchement, il y aurait de quoi en faire un truc, en plus, en se débrouillant avec les moyens du bord et ce que je peux trouver dans le coin. Ouaaaais, carrément, sur un carpaccio de quandong et assaisonné avec un peu de myrte citronné, ça doit pas être si dégueu. Si seulement il était plus frais » Il observe le ciel et non, le soleil ne semble pas taper tant que ça. Alors qu’Alfie semble de la jouer cuisinier de l’extrême, Tad se dit qu’au moins, le temps qu’il mijote la recette parfait avec les restes du ragondin, il aura la paix pour réparer Stevie parce que s’il n’y connaissait rien en mécanique, il avait encore quelques tours dans son sac, dont le produit nettoyant de joint de culasse que son voisin avait fait acheté à sa mère en lui assurant que ce n’était pas une arnaque. « Et je peux même pas essayer de l’amadouer en lui faisant déguster la bestiole, mince. » Tad ne l’écoute plus en train de râler. Il faut avouer qu’une nouvelle peur vient de naître en lui : celle du courroux de Juliana si Alfie finit cinglé en plein désert. C’est qu’avec ses connaissances sur les tribus primitives, il n’aurait aucun mal à revenir à la vie sauvage. « Quoi que si je lui dis que c’est des bonbons, ça devrait passer. » L’idée serait aussi de commencer à arrêter de suggérer de donner n’importe quoi à bouffer à Anwar pour apaiser sa colère de s’être déplacé loin sans prévenir. « Ne me déçois pas, fiston. » finit-il par dire alors que Tad commence les choses sérieuses, que les pièces du moteur se retrouve au sol pour lui laisser le passage jusqu’à sa vidange. C’est dans ces moments-là qu’il se dit qu’il aurait moins gâcher sa vie à chercher à apprendre comment on répare des voitures plutôt que des gens. Le temps s’écoule pendant lequel la vidange se passe à merveille mais certainement pas assez vite au goût de l’anthropologue qui fait à une réponse négative quand il vient à interroger du regard un Tad-garagiste qui n’a pas finit. « MAIS POURQUOOOOOOOOOOI. » Mais parce que, que Tad se retient de répondre. « Putain, mais tu déconnes c’est pas comme ça qu’on fait les choses, en fait ! » Poursuit Alfie sous le regard interrogateur d’un Tad qui s’apprête à accueillir la moindre proposition d’Alfie quant à la façon de régler cette affaire. Parce que c’est seulement maintenant que mô-sieur a des idées. « J’ai peut-être pas de talents en mécanique, mais j’ai toujours ma langue de mon côté. » Tad fait une grimace, pas du tout certain de qu’Alfie propose mais c’est peut-être le moment de lui dire que le moteur est nettoyé afin qu’il ne vienne fourrer cette langue n’importe où. « Tout ce dont je me souviens, c’est que tu m’as conquis dès le bonjour. J’ai su directement quand je t’ai rencontré que je ne prendrais pas mon temps. Plus nous faisions de la musique, plus nous devenions fusionnels. Plus je te faisais vibrer, plus tu t’arrêtais de rouler. La dernière chose dont je me souvienne, tu as dit que ces essieux bougeaient. Cela a dû devenir douloureux, car je ne t’ai jamais réparé, mes excuses je te prie d’agréer. » Et une nouvelle fois, il observe le ciel pour se rendre compte de si le soleil est si agressive que ça. Ou alors, il a été piqué par une araignée qui rend les gens fou. L’état d’Alfie l’inquiète. « Vieux, tu vas bien ? » Parce qu’il ne comprend absolument rien de la scène qui se joue sous ses yeux hormis le fait qu’Alfie ait perdu la raison. Alors qu’il semble faire sa court, Tad se dirige vers le siège conducteur pour allumer le moteur. « Dis-moi qu’il est convaincu pour repartir là, s’il te plait. » « Laisse juste le temps au produit de faire son effet et réparé le système de refroidissement et on est bon. » précise Tad, encore ahuri de la scène qui se joue. « Après, si tu souhaites continuer à lui chanter la sérénades, tu fais ce qu’il te chante mais d’ici quinze minutes, il devrait être assez bon pour nous ramener vers la civilisation. » Aurait-il la patience ? C’est qu’il avait fallu avec tout ça que la pluie se mette à tomber, de quoi faire soupirer un Tad qui n’avait pas besoin de ça. Rapidement, il grimpe sur son siège. « Alors ? Tu prends l’eau ou tu montes ? »
Il y a des individus qu’il est préférable de ne pas mentionner au risque de provoquer une crise cardiaque prématurée à un Alfie en pleine force de l’âge. Parmi ceux-ci ;
Bear Grylls : l’ennemi public numéro un, devant Scott Morrison (qu’il faut également éviter de mentionner devant lui). Son Némésis, celui qui décrédibilise son métier alors même qu’il n’a rien à voir avec celui-ci, seulement parce que tout le monde persiste à vouloir faire une comparaison entre cet idiot qui se pavane devant les caméras et un Alfie dont le seul point commun est de savoir à peu près se débrouiller en territoire inconnu. On peut le traiter de tous les noms ; connard, enfoiré, enculé, la liste est longue ; on peut lui souhaiter des MST, une maladie grave, un accident ; on peut insulter sa famille, Odie, son futur alpaga, mais on ne peut décemment pas avoir une conversation avec Alfie dans laquelle glisse le nom de Bear (sauf pour mettre en évidence à quel point il est formaté pour être un pur produit de consommation et non pas l’exemple de la liberté qu’on peut se donner) sans s’attendre à ce qu’il ne réagisse pas. Heureusement, Tad est un ami, raison pour laquelle le poing du plus vieux ne rencontre pas le nez du plus jeune. Lou Aberline : Modèle réduit d’un mètre cinquante qui compense ce handicap en s’époumonant sur quiconque aurait eu le malheur de la vexer (c’est-à-dire, dès que quelqu’un a l’idée saugrenue de respirer). Il doit reconnaître qu’elle fait aussi peur qu’elle est capable du pire, et si Alfie apprécie de la charrier constamment, dès lors qu’elle a induit les touches de son piano de beurre, il a compris qu’elle ne plaisantait pas et qu’elle était une folle furieuse en baskets dont il doit se tenir éloigné en dehors des répétitions. Un peu comme les enfants, elle hurle, elle est parfois gentille, mais elle est surtout très bien loin de lui (même si en réalité, il l’apprécie cette folle, mais ne comptez pas sur lui pour l’avouer, ce serait baisser les armes avant elle). Anwar Zehri : Modèle pas beaucoup plus grand que le précédent cité, et tout autant dangereux et capable du pire : vous ne pouvez pas faire confiance à quelqu’un qui se teint les cheveux en blond, c’est un peu le combo ultime du danger avec le prénom Kévin. S’ajoute à cela un métier qui lui permet d’avoir acquis suffisamment de connaissances pour dissimuler un cadavre et ôter toute trace de l’existence de cette personne sur terre pour ne pas avoir envie de jouer avec ses nerfs. Mama Cooper : Entraperçue à de rares occasions, elle relève plus de la légende, d’un fantôme qu’on aperçoit, qui fait flipper mais pour lequel on conserve une certaine curiosité qui empêche de fuir. Mama Cooper, c’est une légende, celle qu’il imagine le frapper à coup de spaghettis parce qu’il aura participé à la panne de Stevie, voire pire. C’est une mama italienne, elle sait forcément utiliser ses mains, et Alfie n’a pas vraiment envie de tester la chose quand le courroux de celle-ci s’abattra sur lui parce qu’il aura bousillé – indirectement – son Stevie chéri, qu’elle aime presque autant que Tad (si ce n’est plus).
C’est suite à l’évocation de ces gens-là qu’Alfie commence légèrement à paniquer et se dire que, quand même, il est trop jeune pour mourir battu à mort par un rouleau à pâtisserie, un perroquet ou un banjo. Il faut qu’ils repartent, vite, et Stevie a décidé que sa mort n’était visiblement pas un problème sans demander son avis au principal intéressé. C’est un problème. Bon, pas dans d’autres conditions, mais là, tout de suite, aujourd’hui, oui, c’en est un. L’heure défile, son estomac grogne, et Alfie perd patience (bon, c’était joué d’avance compte tenu qu’elle est à peu près égale à celle d’un gamin de quatre ans). Stevie poursuit ses caprices et Alfie débute sa crise de nerfs, probablement aidé par le soleil (non), la faim (non) et les neurones qui lui manquent (oui). Puisque la mécanique ne semble pas être un moyen de repartir tout de suite, que la volonté de Stevie est mise au placard, ne reste alors plus qu’une dernière tentative ; les compliments. Stevie est peut-être un objet, mais un objet avec une âme, c’est quelque chose qu’il a compris dès son arrivée dans le groupe. Stevie est le cinquième membre du groupe, et forcément, il apprécierait un peu plus de reconnaissance. C’est à se demander pourquoi ils n’y ont pas pensé plus tôt tant cela semble désormais évident. Alors Alfie se racle la gorge, et prend son rôle à cœur, flattant le véhicule comme il flatterait un bon chien, caressant la carrosserie et murmurant des mots doux à ses rétroviseurs à en rendre jaloux Juliana. « Chuuut, ne nous interromps pas. » Il proteste à l’attention d’un Tad qui s’inquiète de son état alors qu’en soit, Alfie est un peu comme les chats ; il a aussi son quart d’heure de folie (qui s’étend parfois à quinze jours). Une fois qu’il a terminé sa déclaration, il finit par relever les yeux vers Tad, espérant que s’ils y croient à deux, il se passera effectivement quelque chose. « Ou à mes belles paroles. » De faire leur effet, donc, puisqu’Alfie en est convaincu, ce n’est pas seulement une question de système de refroidissement, mais aussi et surtout un besoin d’amour. « Non, c’est bon, j’en ai terminé avec lui, qu’il précise en caressant à nouveau la carrosserie, que Stevie ne se sente pas abandonné pour autant, je vais plutôt réfléchir à celle que je vais te chanter si ça marche. » Sourire victorieux sur les lèvres, l’air de dire « quel petit chanceux que tu es Taddeus » (et rien que pour ce prénom, on peut effectivement craindre mama Cooper qui est également capable de tout). Quelques minutes passent, durant lesquelles la pluie décide de faire son œuvre. À l’interrogation de Tad, Alfie hésite quelques instants, parce qu’il n’est pas spécialement dérangé par la pluie, au contraire, puis il se dit que ça la foutrait mal de débarquer au bar avec des habits mouillés, ce qui l’oblige à rejoindre son ami dans l’habitacle. Et bientôt, ce dernier peut tenter de faire démarrer Stevie… et c’est un succès. « YES JE LE SAVAIS QUE CA MARCHERAIT. » Qu’il s’écrit, en levant les mains et en frappant le plafond ce qui l’oblige à calmer sa joie. « Pardon, pardon, Stevie. » Il s’excuse aussitôt, car il ne manquerait plus que tous ses efforts soient réduits à néants (car oui, on ne lui ôtera pas de l’esprit que c’est bien son amour qui a permis à Stevie de repartir). Se tournant vers Tad, Alfie affiche son sourire d’imbécile sur les lèvres, parce qu’il a aussi mis du sien, quand même et qu’il faut le remercier. « Quant à ta sérénade... » Et Alfie se lance dans une imitation très foireuse d’une Céline Dion dont Tad n’aurait jamais pu être fan, agressant ses oreilles, seulement pour le préparer à celle qu’ils vont subir de la part du reste du groupe, évidemment.