Marcher, être capable de mettre un pied devant l'autre pendant plus de 20 minutes sans me fatiguer, est sans doute ma plus grande réussite depuis cinq mois. Bien que mon rythme est encore lent et parfois un peu irrégulier, je sens que mes jambes sont à nouveau capable de me tenir et que les progrès sont là. Même si j'essaie de faire en sorte de regarder vers l'avant, je ne peux empêcher mon esprit de divaguer encore régulièrement vers le passer. Non pas pour me mettre dans un état de dépression dans lequel je me traite d'idiot et incompétent, mais bel et bien pour me rendre compte d'où je viens et du chemin que j'ai parcouru depuis décembre dernier. Être alité pendant presque 1 mois, sans pouvoir bouger, dépendant de tout le monde, nous oblige à revoir tout ce que nous tenions pour acquis. Non seulement physiquement, mais aussi mentalement et au niveau relationnel. Il y a des amitiés qui ont disparue, d'autres, comme celle avec Ambroise s'est pas mal effritée avant de se reconstruire sur des bases assez instable.
Et puis il y a Primrose. Venue à l'improviste treize jours après mon hospitalisation, elle a réussie à prendre une place importante dans mon cœur. Je l'ai toujours beaucoup aimé, mais là je me suis réellement rendu compte de la chance que j'ai que cette jeune femme soit arrivé dans ma vie. Elle m'a soutenu autant que mes plus proches amis alors que je l'imaginais avoir envie de prendre ses distances. En vrai, je ne sais pas si elle se rend réellement compte à quel point elle m'a aidé à m'en sortir de cette situation, mais je lui en serais éternellement reconnaissant.
A tel point que j'ai décidé de l'inviter voir le spectacle de la Northlight aujourd'hui. J'avoue que j'ai longtemps hésité avant de ce faire, non pas parce que j'avais des doutes sur l'envie de Prim de m'y accompagner, mais plutôt parce que je ne sais pas comment je réagirais en voyant mon remplaçant sur scène. Mon esprit rationnel me dit que c'est normal, que la compagnie se doit de se maintenir à flot sans moi, mais mon côté émotionnel ressent de la frustration et même une certaine trahison. Mais au final, mon envie de revoir mes amis et leur faire la surprise de ma venue inopinée est plus grande. Je suis aussi plus que certain qu'aux côtés de Primrose je pourrais supporter tout cela sans problème.
Ainsi donc, je lui ai donné rendez-vous à l'entrée du théâtre ce soir à 18h30. J'avais hésité à sortir le costard et cravate mais je me suis bien rapidement souvenu que ce n'est pas forcément le genre de la maison. D'autant que le spectacle n'est pas du théâtre pur. Du coup, j'ai opté pour une tenue plus décontractée et normale, des vêtements dans lesquels je serais aussi à l'aise pour me rendre à pied au Southern Cross où j'arrive pile à l'heure.
Apercevant Primrose, c'est un large sourire qui s'affiche sur mon visage tandis que je lui fait un signe de la main et monte les escaliers pour la rejoindre à la porte. « hey » la saluais-je en allant la prendre dans mes bras « C'est super cool que t'ai pu venir » la remerciais-je, avant de la relâcher et me reculer d'un pas, fouillant la poche arrière de mon pantalon pour en sortir deux billets. «Parfaitement bien placé, au milieu de la salle. Je connais ces places et je te promet que ce sont les meilleures ! » ajoutais-je alors que je me dirige avec Primrose afin de faire la queue pour rentrer dans la salle.
Pendant que nous attendons, je croise pas mal de visages familiers mais aucun comédien ni Charles. Ni même Andreï qui est d'ailleurs le seul de la compagnie à être au courant de ma venue aujourd'hui. Je l'ai dit à lui afin d'être sûr que mes collègues seraient là pour leur faire la surprise. Plusieurs d'entre eux sont venu me voir assez régulièrement à l'hôpital, mais un bon nombre ne l'ont pas fait. Toutefois, j'ai décidé de ne pas leur vouloir, ils devaient avoir leur raison.
Au final, les portes s'ouvre et j'entraîne Primrose vers les places qui nous sont réservés. Une fois installé confortablement, content d'avoir maintenant presque deux heures de repos avant de devoir rentrer à nouveau à pied, je me tourne vers mon amie et l'observe quelques instants. Notant mentalement à quel point cette coiffure lui va bien, je décide de briser le silence « on va boire un coup après ?» demandais-je, sincèrement désireux de faire en sorte que cette soirée continue même après le spectacle «Il y a un bar vraiment très sympas pas très loin d'ici » expliquais-je avant d'hausser les épaules. Nous continuons de discuter encore un bon moment jusqu'à ce que le spectacle ne commence.
Je suis très rapidement plongé dans l'histoire, m'étonnant chaque minutes un peu plus de la qualité de ce que nous montre les acteurs et les danseurs. J'avoue que je suis pas abasourdie par la performance de Yoko. Elle a manqué pendant plus d'un an suite à une fracture de la cheville et tout le monde était persuadé qu'elle ne pourrait plus revenir danser pour nous. Mais elle nous a, à tous, prouvé le contraire et la voir virevolter sur scène me rempli d'une joie extrême, une fierté fraternelle, car je la considère comme ma protégée. C'est un peu grâce à moi qu'elle a pu entrer dans cette compagnie et elle a tout de suite été un solide avantage.
A la fin, lorsque les comédiens et les acteurs ont droit à une standing ovation en bonne et due forme, je n'ai qu'une seule envie : aller rejoindre Yoko à l'arrière de la scène, la prendre dans mes bras et lui dire à quel point je suis fière d'elle. «Vient, je vais te montrer à quoi ressemble les coulisses ! » dit-je, enjoué, à mon amie. L'attrapant par la main, je la tire derrière moi afin de ne pas la perdre lorsque nous nous frayons un chemin à travers le public qui se hâte vers la sortie. Marchant à contre courant, je pousse une porte sur laquelle figure un 'passage interdit' et, sans lâcher Prim malgré le fait que nous somme seul dans ce couloir, je marche rapidement vers une autre porte qui nous emmène derrière le rideau.
Ralentissant légèrement, le pas en voyant le groupe de la Northlight se serrer dans les bras et se taper dans le dos, je relâche la main de Prim, sans me départir de mon sourire, celui-ci se fait d'ailleurs plus grand lorsque je reconnais le dos de Yoko. Discrètement, je m'approche d'elle, faisant signe à ceux qui m'ont aperçu de se taire, puis pose vivement mes mains sur les épaules de la jeune asiatique. « Je savais qu'un jour l'élève dépassera le maître» lui susurrais-je à l'oreille. Lorsqu'elle se retourne, c'est sur un visage des plus radieux que mes yeux se pose et, répondant à cette joie, j'entoure ses épaules de mes bras et la sert fort contre moi « T'étais géniale» dis-je sur un ton presque émotionnel « T'imagine même pas à quel point je suis fière de toi !» avec un regard emplie de fierté réelle et de pure sincérité, je me recule légèrement, l'observe puis la sert à nouveau contre moi dans une étreinte un peu plus douce.
Accompagner Clément au prochain spectacle de sa compagnie de danse est certainement la pire idée que j’ai pu avoir de toute ma vie et pourtant, je suis bien devant le Southern Cross, ce soir, cinq minutes avant l’heure donnée par mon ami pour ce rendez-vous. Je suis une véritable boule de nerfs, je ne crois pas avoir déjà été aussi stressée de toute ma vie et plusieurs paramètres entrent évidemment en compte pour justifier la pression que je mets sur mes propres épaules. Premièrement, cette sortie s’apparente cruellement à un rencard, chose dont je n’ai nullement l’habitude et que je ne maitrise pas. Deuxièmement, je vais passer la soirée avec le garçon qui me plait – de plus en plus même, depuis que j’ai pris l’habitude de lui rendre visite régulièrement à l’hôpital et que j’ai appris à le connaitre – et je ne sais pas trop quelle attitude adopter face à lui. Troisièmement, et c’est sûrement le pire, je n’ai pas pu demander conseil à ma meilleure amie au sujet de cette soirée car il s’avère que je lui ai affreusement menti sur Clément et que, sachant que j’ai parfaitement conscience qu’ils appartiennent à la même compagnie, je sais que Yoko sera aussi là ce soir. Il aurait donc été particulièrement judicieux que je l’informe, avant de me retrouver au pied du mur, du mensonge que je lui avais raconté. J’ai essayé d’ailleurs, je lui ai écrit ce fameux « hey, tu vas rire, Will n’existe pas, il s’agit de Clément. On vient voir ton spectacle ce soir, bisous » mais je n’ai jamais réussi à l’envoyer alors à l’heure actuelle, la jeune fille ignore toujours que je lui ai raconté des salades. Je me suis également bien gardée de parler de Yoko à Clément qui ignore également tout de notre amitié. En sachant qu’en venant ici, j’ai quatre-vingt-dix pourcents de chance de tomber sur ma meilleure amie, je pense qu’on peut considérer que je me jette dans la gueule du loup ce soir. C’est la raison pour laquelle, même en ayant étudié ce rendez-vous avec beaucoup de soin, choisissant ma robe et mes chaussures comme si j’allais passer à la télé, me coiffant à l’aide de vidéos trouvées sur YouTube jusqu’à trouver le look parfait, je suis dans un état d’anxiété tout bonnement incontrôlable. Mes mains tremblent autour du sac à main que je tiens fermement serrés telle une bouée de sauvetage au milieu de l’océan secoué par la tempête et les secondes qui s’écoulent défilent à une lenteur insoutenable.
Dix-huit heures trente. Clément franchit les marches le séparant de moi pour me serrer dans ses bras alors que j’essaie de faire bonne figure, oubliant le drame qui s’annonce. « Je suis contente d’être là. » Faux, archi faux, même si son étreinte valait sans doute que je fasse le déplacement, une probable embrouille avec ma meilleure amie au sujet de la nullité dont j’ai fait preuve surpasse de très loin tous les avantages. Pourtant, son enthousiasme est presque contagieux et je le suis de bonne grâce dans la foule qui se presse à l’entrée du théâtre pour assister à cette représentation qui promet d’être somptueuse. Et elle l’est, chaque mouvement de Yoko sur cette scène me fait presque monter les larmes aux yeux de fierté, déjà parce qu’elle est brillante mais aussi parce que je sais mieux que personne qu’elle revient de loin et qu’à un moment donné, elle n’avait plus espéré pouvoir être à cette place un jour. Je suis extrêmement fière d’elle et de son parcours et pendant un court instant, je parviens à oublier l’épée de Damoclès qui plane au-dessus de ma tête. Pourtant, il m’a un peu rassuré en me proposant d’aller boire un verre après le spectacle. J’envisage déjà que nous partions d’ici dès que la représentation sera terminée pour nous rendre dans le bar du coin, évitant ainsi une possible rencontre gênante. En plus, le fait que Clément veuille prolonger cette soirée devrait me réjouir, moi qui guette chaque signe qui me permettrait de croire qu’il s’intéresse vraiment à moi. Sauf que ce soir, j’en suis tout bonnement incapable.
A la fin de la représentation, je me lève comme tous les spectateurs, applaudissant à tout rompre la performance de Yoko et de ses partenaires – mais surtout de Yoko –. L’ambiance dans la salle prouve à quel point la performance était bonne et je suis vraiment ravie pour elle, mais alors que Clément m’attrape par la main en me proposant – ou plutôt en m’imposant – de venir voir les coulisses, je me décompose intérieurement. Ma main se crispe instantanément dans celle de mon ami et j’ai l’impression que tout air a brusquement quitté mon corps, me faisant instantanément céder à la panique. Non, non, non, pas ça. C’est une véritable catastrophe mais je ne peux pas reculer. Je suis comme un zombie alors que je suis Clément qui se fraye un chemin parmi la foule. Je cherche une échappatoire, les idées se bousculent dans ma tête mais rien ne me vient. Nous nous retrouvons seuls dans le couloir derrière la scène et pendant un instant, j’envisage de l’arrêter, de lui dire que je ne me sens pas bien ou n’importe quoi d’autre qui puisse nous faire rebrousser chemin mais il a l’air tellement heureux et enthousiaste, je ne peux pas lui faire ça. Je me souviens encore parfaitement de l’expression de son visage lors de son treizième jour d’hospitalisation, il a du bonheur à rattraper à présent et je ne peux pas lui enlever ça. Je sais pertinemment ce qui m’attend et l’idée me terrifie parce que je ne sais pas comment je vais gérer la situation et comment je vais pouvoir l’expliquer, surtout. Chaque pas supplémentaire me rapproche inexorablement des ennuis et j’ai la sensation que mon corps va lâcher à tout moment.
En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, elle est là, devant moi, ou plutôt dos à moi. Je n’ai pas besoin de voir son visage pour la reconnaitre, nous nous connaissons depuis si longtemps maintenant. Sa voix est mélodieuse, elle a cette capacité à éblouir une pièce et à donner le sourire à tous ceux qui l’approchent. Pour le coup, je dois bien être la seule à ne pas éprouver la joie qui semble habiter tout le monde. Clément me lâche la main pour s’avancer vers Yoko et je m’arrête net au milieu du couloir, incapable d’avancer davantage alors que je le regarde étreindre la jeune fille avec une affection qui ne me parait pas suffisamment amicale. Je fais un pas en arrière, au ralenti, espérant presque qu’avec des mouvements aussi discrets, Yoko ne me verrait pas. Je me déteste d’être venue ici, je me déteste de ne pas avoir eu le courage d’avouer mon mensonge à mon amie avant ce soir et je les déteste de se prendre dans les bras depuis ce qui me semble faire une éternité. Je m’apprête à faire volte-face pour rebrousser chemin à toute vitesse. Tant pis pour Clément, je lui dirais que j’ai eu une envie pressante, que je me suis sentie mal ou n’importe quoi d’autre, mais je croise le regard de Yoko et je reste tétanisée, incapable de faire le moindre mouvement que ce soit pour avancer ou reculer. Je n’aurais tout simplement pas dû venir ici.
CLÉMENT & PRIMROSE & YOKO ⊹ The best way of keeping a secret is to pretend there isn't one.
avril 2019
« Dix minutes, les gars !! » — le cœur de Yoko bat à mille à l’heure en entendant l’annonce résonner dans les couloirs en effervescence et elle se demande si elle ne va pas faire un arrêt cardiaque dans les trente prochaines secondes. C’est aujourd’hui — c’est aujourd’hui que la petite nippone à la cheville auparavant brisée mais à la motivation intacte remonte sur les planches de cette scène qui lui a tant manqué ; la scène de la Northlight Theater Company. Elle n’en a jamais douté pourtant ; son corps, sa psy, ses proches, oui mais elle, jamais. La danse, c’est sa vie ; elle ne s’imagine même pas vivre sans. Retouchant une dernière fois sa coiffure avant de quitter la loge, Yoko croise pendant quelques secondes son propre regard dans le miroir et s’adresse alors un clin d’œil — tu vas gérer girl — ça va le faire, sans aucun problème. Sans aucun problème, sauf un, du nom de Joshua et qui apparaît brusquement dans son champ de vision alors qu’elle esquisse un pas pour rejoindre les coulisses. Si le diable avait un visage, il aurait le sien et bien qu’il soit loin d’être vilain, son âme est en revanche détestable aux yeux de l’asiatique. Hautain, se sachant doué et supportant mal les critiques, il est insupportable et elle prend constamment sur elle pour ne pas le remballer violemment (de retour dans la compagnie depuis seulement quelques mois, hors de question qu’elle se retrouve forcée de la quitter pour une histoire d’ego malmené). « Ah, Yoko ! Prête ? Te refais pas mal hein » dit-il sur un ton qui se veut probablement humoristique mais qui glace le sang de la jeune fille — Joshua n’avait pas encore intégrée la compagnie lors de l’accident mais il a dès son arrivée été mis au courant. Elle lui adresse un large sourire et réplique d’une voix douce mais qui pourrait trancher un mur « Trop chou de t’inquiéter mais t’en fais pas, je compte pas te laisser briller tout seul ! » avant de disparaître pour rejoindre les coulisses et sa place attitrée, prête à attendre son tour. Les dernières minutes restantes se passent dans la frénésie fiévreuse d’un début de spectacle. Il y a des murmures, des mots de courage et des taquinerie de dernier instant tout en gardant un sérieux professionnel — il n’y a pas le droit à l’erreur. Yoko s’échauffe une énième fois la cheville, lui chuchote de tenir le coup et que promis, elle ne fera aucun effort important pour les trois prochains jours puis lâche une longue inspiration alors que les premières notes jaillissent dans la salle, emportant son stress pour le noyer dans l’ivresse — de l’histoire, de la danse, de tout ce qu’elle peut transmettre à travers des mouvements gracieux et des gestes tout en finesse. Et quand elle danse, Yoko ; oh ! quand elle danse, elle oublie tout. Elle exécute, réalise, s’immerge totalement dans cette chorégraphie qu’elle a répétée avec acharnement ; des heures, des jours, des semaines d’entrainement pour tenter de retrouver son niveau d’avant. Lorsque la dernière note résonne sur la scène, clôturant le spectacle, Yoko est rayonnante — le souffle court mais le regard brillant, les joues rosés mais le sourire pétillant. Elle voudrait que le temps s’arrête, qu’elle soit figée à jamais dans cet instant saisissant ; elle, petit astre lunaire ayant quitté pendant un temps le système solaire revient prendre sa place au milieu des autres planètes et comètes — briller comme les autres. Perdue dans l’euphorie générale, elle en aurait presque les larmes aux yeux, elle qui cache pourtant si bien ses émotions primaires. Entre embrassade et démonstration de bonheur et d’allégresse, Yoko aperçoit Charles lui adresser un simple pouce levé auquel elle répond un sourire complice ; pas besoin de mots pour comprendre son message — welcome home, Yoko. Et alors que plusieurs danseurs (sauf Joshua, thanks God) l’entourent pour la complimenter sur sa jolie performance de retour, elle sent brusquement deux mains se poser sur ses épaules — sa respiration se coupe, elle sursaute et lorsque s’échappe d’un inconnu une voix qu’elle connait si bien, un cri de surprise (mais ô combien heureux) traverse ses lèvres ; « Clément !! ». Il l’enlace contre lui et elle se niche au creux de ses bras, plus que ravie — car si Clément la complimente sur sa danse et lui avoue être très fier d’elle, cela sous-entendu qu’il était là, dans la salle, à poser ce regard confiant qui a tant de fois rassuré la petite nippone parfois hésitante. Elle ne trouve pas les mots adéquats pour décrire ce qu’elle ressent mais espère que son regard brillant traduit ses pensées — s’il existait un meilleur cadeau au monde pour Yoko, Clément venait de le trouver. Il se recule légèrement et, retrouvant un peu ses esprits après cette surprise, elle parvient à glisser un « T’es trop modeste, raconte pas des bêtises non plus ! Le maître est imbattable sur certaines danses » avant de l’enlacer de nouveau. Il lui a manqué, terriblement. Comme un pilier, il est la raison même de son entrée dans cette compagnie, de l’esquisse d’un début de rêve qui s’éveille et se réalise. « En revanche, ton remplaçant t’a pas dépassé » chuchote-t-elle au creux de son oreille, comme une confidence et lorsqu’elle se recule, elle a sur le visage un sourire narquois — Joshua ne remplacera jamais Clément. Mais ce sourire, ce si joli sourire mêlant victoire et fierté, bonheur et légèreté s’éclipse comme la lune peut cacher le soleil un beau jour d’été lorsque son regard croise un visage qui lui est familier, plus que familier même. Primrose, sa meilleure amie, la sœur australienne que la vie ne lui a pas donnée en Corée du Sud. Des émotions contradictoires la traversent — elle est ravie de la voir, dans un moment où tout va bien, où elle n’est que rire et euphorie, pour partager tout cet élan de félicité et de joie — mais elle est aussi surprise ; mais pas comme pour Clément. Car si le jeune homme est un habitué de ce lieu, Primrose n’est (à ce qu’elle sache) jamais venue ici. Elle hausse un sourcil, se détache légèrement de Clément pour mieux se tourner vers la jeune femme, qui se cache presque dans les ombres. « Prim ? » — son ton est particulier, indescriptible — un que fais-tu ici s’affiche sur son expression pourtant comblée d’avoir les deux personnes auxquelles elle tient le plus réunies autour d’elle pour la soirée. « C’est— c’est trop cool de te voir ! Ça t’a plu ? » ajoute-t-elle, curieuse. Mais son cœur bat légèrement plus vite, son regard chocolat glisse de Primrose à Clément — quelque chose lui échappe mais elle ne saisit pas encore quoi.
il y a des secrets qui peuvent briser des cœurs et noyer des âmes
Spoiler:
ok c'est la pls totale je pleure d'avance
Dernière édition par Yoko Lee le Mer 17 Avr 2019 - 14:57, édité 1 fois
Je m'étonne moi-même de voir à quel point je reste calme et serrein pendant toute la durée du spectacle. Jamais, à aucun moment, je ne ressens de la jalousie ou de la frustration, non. Ce que je ressens n'est que bonheur et bienveillance pour mes camarades de la compagnie. Je reconnais sans mal la qualité de celui qui a reprit ma part et j'avoue être pas mal étonné par la façon dont il gère le tout. Cela prouve bel et bien que je ne suis pas irremplaçable et, si quelques mois plus tôt, je l'aurais extrêmement mal prit et je n'aurais pas supporter de le voir se pavaner sur la scène, ce n'est qu'avec un léger pincement au cœur que je l'observe se mouvoir avec qualité. Son duo avec Yoko m'a prit aux tripes et émeu mais surtout parce qu'il s'agit là du grand retour de l'asiatique. Ma fierté est tout aussi énorme, sinon plus, que lorsqu'elle a passé l'audition pour entrer dans la compagnie il y a trois ans.
Et c'est pour ça, pour la féliciter et pouvoir la serrer à nouveau dans mes bras après tant de mois d'absence, que je décide d'embarquer Primrose aux coulisses. Bien évidemment, la joie et l'excitation de revoir tous mes amis est bien trop grande, à tel point que je ne prends pas en compte le malaise de mon amie. Si j'avais pris le temps de l'observer d'avantage et de réellement lui poser la question de si elle veut venir ou non voir l'arrière de la scène, j'aurais sûrement eu une réponse négative. Toutefois, je n'y pense pas, imaginant qu'au contraire chacun serait excité à l'idée de pouvoir voir ce qui se trame en coulisse !
En apercevant le groupe de comédien et surtout Yoko de dos, je lâche la main de Primrose et m'avance vers la jeune asiatique. Posant mes mains sur ses épaules, la félicitant chaleureusement, elle se retourne avec un cris de joie et vient se nicher facilement dans mes bras. Mon sourire ne faisant que s'agrandir, j'ignore mon prénom qui passe sur les lèvres des gens, tantôt dans un souffle d'étonnement, tantôt dans un murmure enjoué, et profite pleinement de mon étreinte avec Yoko. La relâchant quelques instants, je lui fais comprendre à quel point je suis fière d'elle puis la sert à nouveau contre moi.
Nous finissons par nous séparer à nouveau alors que les autres comédiens et danseurs s'approchent, les uns avec hésitations comme si j'étais une petite chose faible, les autres me prenant dans leur bras sans pouvoir cacher leur joie. Heureux de ressentir leur amour, je ne remarque que Yoko s'adresse à Primrose seulement lorsqu'elle lui demande si le spectacle lui à plus et que, me retournant, je la vois fixer mon amie.Surpris dans un premier temps par cet échange, mon regard passe de l'asiatique à l'australienne et vice versa avant de s'arrêter sur Yoko «Vous vous ...ah mais oui ! Elle m'avait dit qu'elle avec une pote dans la compagnie !! » m'exclamais-je, enjoué. Mon regard se pose à nouveau sur Primrose dont le malaise est caché par la pénombre relative, avant que je ne m'avance vers elle. «Allez vient, reste pas là !» Sourire rassurant sur les lèvres, je prend sa main dans la mienne et la tire derrière moi «Vous vous connaissez d'où ? » demandais-je, curieux lorsque nous arrivons au niveau de Yoko, sans lâcher la main de Primrose.
Mon surnom résonne dans le couloir et je me liquéfie instantanément. Ça y est, je suis officiellement dans la merde. J’aurais dû envoyer ce putain de texto, arrêter de penser que je pouvais parfaitement bien m’en sortir alors que c’était tout à fait aussi probable que l’invasion prochaine de la terre par des extra-terrestres. Les galères, ça me connait, je dirais qu’elles rythment mon quotidien et c’est un peu normal parce que je crois que l’activité pour laquelle je suis la plus douée dans la vie est bien celle de faire les mauvais choix. La preuve, j’ai réussi à m’enticher d’un mec beaucoup trop bien, à le cacher à ma meilleure amie qui le connait très bien et à accepter un regard à un endroit où j’étais presque sûre qu’on finirait par se retrouver tous les trois. Oui, mais voilà, c’est justement ce « presque » qui m’a fait espérer pendant les longues heures précédentes que je pouvais encore m’en sortir sans en passer par là. Maintenant que Yoko me dévisage, manifestement intriguée par ma présence, tout en étant encore à moitié dans les bras de mon Clément qui n’est autre que le Will sur lequel je lui ai affreusement menti, on ne peut pas nier que la situation se complique pour moi. C’est sûrement la raison pour laquelle je reste plantée-là, incapable de sauter dans les bras de ma meilleure amie pour lui dire à quel point je suis fière d’elle, de son parcours, de sa convalescence rapide et de son travail acharné. Pourtant, je le pense, voir tous les efforts de Yoko payer ne pourrait pas me faire plus plaisir. Plus que quiconque, elle méritait la standing ovation à laquelle elle a eu droit quelques minutes auparavant. Elle revient de loin, mais elle s’est battue, elle n’a jamais lâché l’affaire et elle a donné une belle leçon à tous ceux qui n’y croyaient pas. Bien sûr, il y eu des coups de mou, des régressions, des difficultés mais elle a toujours su rebondir et évidemment je suis ravie d’avoir été là à chaque étape que ce soit pour la faire rire, pour relancer pour la quatrième fois de suite love actually, pour inventer des chorégraphies à béquilles au milieu de son appartement ou encore pour détailler la composition des cochonneries que nous avalions histoire d’estimer approximativement l’âge de notre décès. Yoko peut compter sur moi, à chaque instant, j’ai toujours été là pour elle, et l’inverse est totalement vrai. Alors pourquoi ne lui ai-je pas tout simplement dit la vérité pour Clément ? Sur le moment, ça me paraissait normal, parce que j’avais peur qu’elle s’en mêle, parce que je savais qu’il ne s’intéressait pas à moi, parce que… Je ne sais plus trop dire vrai mais j’avais tout un tas de bonnes raisons qui me paraissent complètement stupides à l’heure actuelle. Je suis incapable de reprendre mes esprits en plus, je ne la complimente pas, je ne la serre pas dans mes bras, je ne donne pas le change en lançant une des blagues nulles que je pourrais avoir en tête. Je reste simplement là, plantée au milieu de ce couloir, telle une poupée de chiffon inerte. Je veux mourir.
Clément aurait pu venir à mon secours, c’est d’ailleurs ce qu’il fait, rompant le silence que je suis incapable de combler mais en aggravant, sans le vouloir, la situation. Non, Yoko n’est pas « une pote », elle est ma sœur, ma confidente, ma moitié, ma meilleure amie et je la connais assez pour savoir que le fait que je l’ai présentée de cette manière puisse vraiment la faire tiquer. Est-ce que si je m’enfuis en courant pour éviter de devoir affronter plus longtemps cette situation, je peux encore réussir à me sortir de ça ? Je ne crois pas, malheureusement, il va bien falloir que j’assume mes bêtises. Clément m’attrape par la main pour me pousser à m’approcher et je serre ses doigts dans les miens, un peu trop fort, comme si le simple fait de m’accrocher à lui puisse être d’un quelconque secours. Arrivée devant mon amie, je soutiens son regard pendant quelques secondes avant de me lancer, rassemblant le peu de courage que je possède. « Tu as été formidable, comme toujours. » Je souffle avant de me détacher de Clément pour la prendre dans mes bras, chose peu habituelle, je n’ai pas l’habitude de démontrer mon affection pour Yoko de cette manière. « Je suis très fière de toi. » Et c’est la vérité, je n’ai peut-être pas répondu à sa question précédemment et pas réagi assez vite lorsqu’il s’agissait de la féliciter mais pourtant j’ai vraiment été subjuguée par sa performance. Avant de me détacher d’elle, je profite de cette proximité pour murmurer un « désolé » à son oreille, espérant que ça lui suffise à comprendre tout en sachant pourtant pertinemment que ça ne serait pas le cas. Je connais Yoko par cœur, les relations humaines, ce n’est vraiment pas son truc, alors pour qu’elle fasse le rapprochement entre Clément et Will sans mettre les pieds dans le plat, il faudrait certainement un miracle. Je pourrais la prendre à part, lui expliquer les choses maintenant, mais je ne me vois pas faire ça au pauvre garçon qui n’a rien demandé à personne. Alors je recule, laissant ma meilleure amie respirer pour me retrouver de nouveau aux côtés de Clément que j’évite bien soigneusement de regarder alors que je rectifie un peu les choses, essayant tant bien que mal de me sortir de la merde dans laquelle je me suis mise seule, comme une grande. « Yoko est ma meilleure amie, en fait, on s’est rencontré à la fac il y a… longtemps. » Très longtemps. Avec les années, elle est devenue ma moitié amicale, je n’imagine pas ma vie sans qu’elle soit à mes côtés, mais je tais cette partie volontairement, les grandes déclarations, ce n’est vraiment pas mon truc. « Depuis on est inséparables. » Par contre je ne lui ai pas du tout parlé de toi et de ce qu’il y a entre nous, déjà parce que je ne sais pas ce qu’il y a entre nous, et en plus parce que je suis vraiment super nase mais je n'ai pas envie que tu l'apprennes alors si tu pouvais la fermer et m’emmener boire un verre comme prévu, ce serait vraiment super cool. Voilà exactement ce que je pense et ce que j’aurais pu ajouter. J’ai suffisamment repris mes esprits pour tenter de sauver ce qui peut encore l’être, mais je sais bien que je ne pourrais quand même pas éviter la catastrophe si l’un ou l’autre décidait de creuser un peu trop. Help.
CLÉMENT & PRIMROSE & YOKO ⊹ The best way of keeping a secret is to pretend there isn't one.
avril 2019
Une pote dans la compagnie — ça retentit dans son esprit telle une sentence, ça déchire son petit cœur empli de confiance ; une pote. Pas une amie proche, pas une sœur de cœur mais simplement une connaissance, comme si leur plus grand échange se limitait à des bonjour dans les toilettes de l’Université, entre deux pipi et un tampon. Yoko hausse un sourcil mais ne montre rien, esquissant un léger sourire. Après tout, ce sont les mots de Clément, peut-être ne retranscrit-il pas tout ce que Primrose lui a dit — pause ; retour en arrière, réécoute. Depuis quand Primrose parle à Clément ? Ce dernier s’avance d’ailleurs vers la jeune fille restée dans l’ombre, saisissant sa main qu’il ne lâche pas par la suite et posant innocemment la question sur leur propre rencontre, à elle. Rien ne lui vient en tête ou plutôt, trop d’émotion se bousculent en elle et Yoko ne fait qu’amorcer une phrase sans réelle sens ni fin qui tombent finalement dans l'oubli — elles se sont rencontrées au cours d’une soirée étudiante et ce joli lien rouge s’est tout de suite dessiné, c'est ça la réponse. Peut-être que de toute ses années à Brisbane, c’est Primrose qui a le plus changé Yoko et dans le bon sens du terme ; elle lui a appris, inconsciemment, à faire confiance, à s’ouvrir aux autres pour créer une solide amitié, une relation sincère basée sur l’honnêteté et la franchise. Tout se dire pour ne rien se cacher. Pourtant, aujourd’hui, alors qu’elle brûlait d’euphorie dans les bras de Clément, si fier de son regard confiant posé sur elle, la petite coréenne sent une distance se creuser avec celle qu’elle voit comme sa sœur — c’est si étrange, si indescriptible que Yoko, maladroite et incapable de gérer cette situation, reste figée lorsque Primrose la sert dans ses bras, n'ayant pas répondu à Clément. Certes, elles n’ont jamais eu de réels élans affectifs (physiques) au cours de leurs longs mois d’amitié, parce qu’elles sont toutes les deux un peu bancales sur le sujet et en temps — oh ! en temps normal, Yoko aurait du être ravie de ce petit pas en avant, de cette démarche volontaire et rassurante — en temps normal. Elle glisse un « M-Merci » hésitant, s’apprête à ajouter qu’elle a eu le soutien nécessaire (en pensant fortement et évidemment à Primrose) pour y arriver mais se trouve coupée par un désolé qu’elle ne saisit absolument pas. Désolé de quoi ? Ses sourcils se froncent délicatement ; quelque chose lui échappe radicalement mais elle ne comprend pas quoi. « Pourquoi tu t’excu— » ; sans le réaliser, elle rature, fait du bruit là où il faudrait rester silencieux. Mal-à-l’aise, elle ne réagit pas comme il faut, ne comprend aucun des signes. Il aurait fallu un miracle pour qu’elle fasse le lien avec Will, qui d’ailleurs pour elle est presque de l’histoire ancienne ; c’était il y a plus d’un an, s’il avait réellement été important, Primrose lui en aurait parlé, avec plus de détail et de volonté. Un peu perdue (et ça se voit à son regard chocolat qui se pose alternativement sur ses deux interlocuteurs), elle est prête à demander même directement — c’est quoi le délire, là ? — mais (heureusement ?) Primrose prend la parole, répond avec une légère hésitation sur ce qui, aux yeux de la petite nippone, aurait du être répliqué résolument, sans réflexion. Et une boule de rancœur se forme au creux de Yoko, qu’elle n’arrive même pas à réellement expliquer. Elle esquisse un sourire, glisse un « Ah, j’ai level up en statut amical ! » (elle est passée de simple pote à meilleure amie) dans un clin d’œil qui dans un autre contexte aurait fait rire Primrose car cette dernière sait ô combien Yoko est naze pour évaluer ses relations, pour mettre un nom sur toutes ses émotions. Mais aujourd’hui, bien qu’elle lâche un rire juste après, il y a une certaine amertume, presque indécelable mais bien présente. Elle se tourne vers Clément pour ajouter, essayant d'être la plus naturelle possible car elle est certaine que le jeune homme n'a rien à voir dans ce malaise « On a fait plein de trucs ensemble ! Faut trop qu'on te raconte tous nos exploits. Mais du coup— » — et là, elle s’arrête, pointe du doigt les deux face à elle et à cet instant, quelque chose se fend. C’est indescriptible et aucun mot ne peut décrire ce qu’il se passe exactement dans l’esprit de la danseuse. Elle a le douloureux sentiment d’être totalement à côté de la plaque, d’avoir raté une information cruciale, un détail important ; comme si les deux personnes les plus importantes au monde à ses yeux se moquaient d’elle ouvertement. « —vous vous connaissez depuis quand ? » ; elle repense aux mains liées qui ne se quittent pas, à la simple présence de Primrose dans ce lieu où elle n’a jamais foulé le moindre pied, depuis le début de leur amitié. Que Clément n'ait rien dit n'est nullement surprenant mais Primrose — pourquoi ce silence ? Elle ne comprend pas et espère que son sourire fait toujours bonne figure, que ses iris ne brillent pas trop ou bien toujours de leur éclat du spectacle, de la magie de cette représentation et pas de la peine qui l’envahie chaque seconde — vous jouez à quoi tous les deux ?
Quelque chose me dit que j'ai fait une gaffe, qu'emmener Primrose dans les coulisses n'était en fait pas une si bonne idée que ça. Mais quoi ? Qu'est-ce qui me fait dire ça ? J'ai comme l'impression de ressentir une certaine tension entre les deux filles -que je devine sans mal être des amies- mais pourquoi ? Primrose me dit d'ailleurs que Yoko est la meilleure amie et qu'elles sont inséparables depuis qu'elles se sont rencontré à une soirée étudiante. Inexorablement je fais le parallèle avec mon amitié avec Ambroise qui a commencé pareille mais qui n'est plus aussi forte qu'avant. Toutefois, si elles sont 'meilleures amies' pourquoi ais-je cette impression qu'un gros malaise est entrain de se former entre elles ? Je soupire doucement, essaie de trouver une solution et les mots justes pour casser cette tension, mais, ne sachant pas d'où vient ce malaise, je suis incapable de pouvoir réparer quoique ce soit.
Debout entre les deux filles, mon regard passe d'une personne l'autre et plus je les observe, plus j'ai l'impression de ne pas être à ma place. Quelque part c'est d'une frustration extrême. Je n'ai jamais aimé avoir cette impression qu'on serait bien mieux sans moi -et dieu sait qu'Ambroise me donnait régulièrement ce sentiment. Mais alors, que faire ? Partir et les laissées régler leur problème seules ? Rester et essayer de comprendre ?
«Clément ! » c'est la voix de Charles qui me sort de ma réflexion, décidant en même temps pour moi. Détachant mon regard interrogateur de Primrose, je me tour vers le metteur en scène qui a tôt fait de me prendre dans ses bras. Instantanément, c'est un sourire bien plus serein qui s'affiche sur mes lèvres alors que je vais me nicher dans les bras du comédien. «je savais pas que je te reverrais ici de ci tôt ! » reprend-t-il alors, se reculant de quelque pas pour m'observer « ça fait tellement plaisir de te voir comme ça» il m'offre son sourire le plus sincère avant de me tapoter amicalement l'épaule «ça veut dire que t'es de retour du coup ?! » l'excitation dans sa voix est bien audible et je grimace légèrement.
« Pas tout de suite» dis-je doucement, presque incertain, mal à l'aise d'avoir l'impression de briser ses rêves «je …. j'ai encore besoin d'un peu de temps et ...Bref, tu seras le premier à être au courant de mon retour de toute manière » lui assurais-je en lui tapotant doucement le bras. « ça fait plaisir de te voir en tout cas. T'es déjà aller faire un tour dans les loges ?» Je secoue la tête et me recule légèrement « Non je suis venu avec mon amie» dis-je en désignant Primrose «Je voulais lui montrer le revers du décors et en venant on a rencontré Yoko et ...enfin voilà, je n'ai pas encore eu le temps d'aller plus loin »
Posant son regard sur Primrose, Charles hoche la tête en lui offrant un large sourire amical «Eh bien ça me semble tout bon tout cas » reprend-t-il en se tournant à nouveau vers moi «Je vais vous laissez du coup. Clément, Yoko, Mademoiselle... » il nous observe tous les trois «Vous savez où me trouver si vous avez des questions ou envie » indique-t-il avant de se détourner. Pendant une fraction de seconde, mon regard passe à nouveau d'une fille à l'autre avant que je ne fasse un pas vers l'avant. « Charles !» interpellais-je le metteur en scène, le rejoignant le plus vite possible «attend, je viens avec toi » je lui emboîte rapidement le pas, sans doute autant pour fuir la situation trop pesante que par pure envie de dire bonjour au reste de la compagnie.
Le malaise s’installe de plus en plus dans cette conversation à laquelle j’aimerais tellement ne pas participer. Yoko ne comprend rien du tout et m’enfonce, Clément fait de même et moi je me liquéfie sur place, incapable de trouver la bonne attitude à adopter. Mon regard oscille de l’un à l’autre, je suis au bord de la crise d’apoplexie et bien que j’essaie de sauver les meubles comme je peux, j’ai l’impression de voir le bateau de ma vie prendre l’eau et de n’avoir à ma disposition qu’une petite cuillère pour tenter de me sauver de la noyade. Autant dire que je ne suis pas dans une situation extrêmement confortable, loin de là. Lorsque Yoko plaisante sur la manière dont notre amitié vient d’être – à tort – décrite, je n’arrive même pas à sourire ou à faire semblant d’apprécier sa plaisanterie, d’autant plus que je la connais assez pour savoir qu’elle doit se sentir affreusement trahie. Yoko est probablement la seule et unique personne dans mon entourage que j’ai réussi à préserver de ma vie bancale parce que son amitié me paraissait trop précieuse pour que je la mette à mal. Il est quand même ahurissant que ce soit finalement une bête histoire de garçon – même si Clément est loin d’être n’importe quel garçon à mes yeux – qui vienne perturber notre équilibre pourtant si solide. Je m’apprête malgré tout à apprendre à la jeune fille que Clément est, à l’origine, mon professeur de danse, espérant que ça lui permette de se rappeler notre vieille conversation et qu’elle ait enfin le déclic que j’attends. Mais je n’en ai pas l’occasion puisqu’un type débarque, sautant sur Clément pour le serrer dans ses bras. Je regarde mon ami lui rendre son étreinte, non sans constater avec amertume qu’il passe beaucoup plus de temps à donner son affection à toutes les personnes qui se mettent sur notre route plutôt qu’à moi. Je chasse bien vite cette idée de ma tête, effarée de constater que même sur le point de vivre ma première dispute avec ma meilleure amie, j’arrive encore à faire preuve de jalousie envers celui qui ne m’a rien promis et ne m’a surtout jamais regardée comme autre chose qu’une simple camarade. Tristesse. Peut-être que je n’aurais pas dû suivre les conseils de Yoko en allant vers lui et qu’il aurait été préférable que je coupe les ponts et m’en tienne à notre relation élève/professeur plutôt que d’entretenir un espoir qui n’a pas lieu d’être.
Clément discute avec l’autre type, que j’identifie comme étant une sorte de directeur artistique, metteur en scène ou tout autre qualificatif du même style. Je résiste difficilement à l’envie de reprendre la main du jeune homme dans la mienne alors qu’il explique avoir besoin d’un peu de temps supplémentaire pour se remettre. Mes très nombreuses visites à l’hôpital m’ont appris à le connaitre davantage et je sais bien qu’il se bat avec des démons intérieurs dont il a du mal à se défaire et qui le bloquent dans l’accomplissement de ses rêves. J’ai essayé de lui apporter mon soutien tout au long de sa convalescence, n’ayant aucun problème à venir vers lui pour l’épauler lorsque je ressentais qu’il en avait besoin. Mais aujourd’hui, je reste en retrait, parce que la situation est gênante, parce que je ne sais pas où est ma place et j’en viendrais presque à regretter la sécurité des quatre murs de l’hôpital où aucun œil extérieur ne pouvait juger ma manière de me comporter avec Clément. Il me présente comme une amie et mon cœur se serre encore davantage. En même temps, à quoi est-ce que je m’attendais ? Ce n’est pas comme s’il était envisageable qu’il me présente comme étant la femme de sa vie, je ne suis rien pour lui, il va falloir que je me le mette dans le crâne une bonne fois pour toutes. C’est à peine si j’arrive à rendre son sourire amical à l’homme qui nous a abordés et ne prends pas la peine de me présenter quand il se tourne vers moi. Je ne cherche pas non plus à retenir Clément lorsque celui-ci émet l’idée de le suivre, me plantant sans même m’adresser un regard. J’aurais pu être ravie de ce tête-à-tête avec Yoko, ô combien nécessaire dans la situation actuelle mais je redoute tellement un éventuel conflit ou pire, la déception qui risque de se lire dans ses yeux, que c’est avec peine que je me tourne vers elle. Je suis livide, mon cœur bat la chamade, mais je dois dire quelque chose, je dois me justifier et plus que tout, je ne dois pas la perdre. « Je suis tellement désolée, je sais que j’aurais dû t’en parler, mais quand tu m’as demandé s’il y avait un garçon qui me plaisait j’ai paniqué et j’ai dit Will un peu au hasard, je pensais que de toute façon on ne serait jamais proches lui et moi que ça ne serait pas important… Et puis après, quand on a commencé à plus se voir et à se parler, j’ai pas osé revenir vers toi parce que je ne savais pas comment te dire que je n’avais pas été honnête dès le début et c’est pour ça que je ne voulais pas venir ici parce que je savais que je ne pourrais pas éviter tout ça… » Je suis à bout de souffle, mes paroles s’enchainent à une vitesse incroyable et pourtant je ne m’arrête pas, désireuse d’éclaircir toute la situation. « J’ai pas voulu te cacher tout ça, mais je savais que vous étiez proches tous les deux et je ne voulais pas rendre la situation encore plus compliquée… Mais tout ce que je t’ai dit à part son prénom est vrai, je sais que je n’aurais pas dû te cacher ça, j’ai été super nulle. » Mon amertume est parfaitement visible lorsque je précise que j’ai bien conscience qu’ils sont proches et je m’en veux de ne pas réussir à accepter cette proximité qui ne devrait pourtant pas m’inquiéter. « S’il te plait, ne me déteste pas. » L’amitié de Yoko est certainement ce que j’ai de plus précieux mais à ce moment où je me débats avec des explications qui n’arrivent même pas à me convaincre moi-même, je ne trouve pas les mots pour lui dire à quel point elle compte.
CLÉMENT & PRIMROSE & YOKO ⊹ The best way of keeping a secret is to pretend there isn't one.
avril 2019
Le Pokémon sauvage Clément Winchester prend la fuite — trop occupée à dévisager Primrose, Yoko ne perçoit pas immédiatement le malaise palpable qui se dégage dans la conversation et qui donne au jeune homme l’envie inexorable de fuir les lieux. Charles l’interpelle, coupant pendant une minute leur échange et les voir tous les deux emplit la jeune asiatique d’une certaine nostalgie mélancolique. Il y a un an — avant sa blessure, avant le départ de Clément — cette scène était des plus classiques. Tous les trois, discutant de chaque mouvement, chaque pas à réaliser à la perfection afin de donner au public le plus beau rendu possible. Son cœur se serre légèrement lorsque Clément évoque un retour hypothétique qui ne compte pas se faire dans les jours suivants. Ses orbes chocolat dévient quelques secondes sur Joshua, qu’elle aperçoit quelques mètres plus loin — c’est pas demain que tout rentrera dans l’ordre (si retour à l’ordre il y a). « Si tu passes par les loges, profite-en pour trier le courrier de mes fans ! » lance Yoko avec un sourire complice alors que Clément emboîte le pas à Charles ; c’est purement ironique mais une touche de sarcasme dans cette ambiance qu’elle trouve de plus en plus pesante semble apporter un vague moment de répit — mais en vérité ne fait que retarder la tempête qui se profile à l’horizon. Il y a un vent froid qui souffle à l’instant où le soleil se masque derrière les nuages du mensonge ; oh ! comme elle voudrait disparaître, la petite nippone, qui les minutes d’avant baignait encore dans un cocon rayonnant. L’expression sur le visage de son ami, les gestes, tout semble lui indiquer que la réponse ne va pas lui plaire — elle va même fortement lui déplaire. Et puis, son cœur rate un battement — littéralement. Son souffle se coupe alors que Primrose lui explique sans s’arrêter, comme si respirer pouvait la tuer, que le fameux Will Turner d’il y a un an n’est en vérité que Clément Winchester. Les mots défilent dans son esprit où elle tente avec peine d’y trouver une logique, une raison ; quelque chose de tangible et stable dans cette explication bancale. Yoko écarquille les yeux, reste muette et Primrose sait à quel point les silences de la jeune fille sont bien pire que toutes ses remarques sarcastiques ou acides — car pour faire taire Yoko, il faut réellement la blesser. Elle ouvre la bouche, ne trouve finalement rien à dire sur le moment et hausse un sourcil lorsque sa meilleure amie lâche dans un souffle, la prie, la supplie de ne pas la détester. « C’est une blague ? » — elle lâche un rire, un rire si particulier qu’il est presque impossible à qualifier ; un rire jaune, un rire ironique. Un rire qu’elle ne donne jamais en temps normal. Elle s’en fiche royalement que le coup de cœur de Primrose soit Clément — car la petite nippone n’a jamais vu le jeune homme autrement qu’amicalement. Un ami proche, probablement le seul être masculin sur cette Terre à avoir sa confiance totale — mais rien de plus. Si un psychologue regardait leur relation, il émettrait probablement l’hypothèse que Yoko transfère le vide dans son cœur suite au départ de son frère par la présence du danseur. Il l'a aidée, soutenue, encouragée dans les moments où elle voulait tout abandonner mais il n'y a jamais eu la moindre ambiguïté. Leurs contacts (physiques) réguliers ne se déroulaient que dans les chorégraphies. Alors qu’importe, si Primrose a des sentiments pour lui — mais pourquoi ne lui a-t-elle rien dit ? Pourquoi ce silence, ce désir de ne rien avouer ? Elle se sent idiote, prise au piège — peut-être même mise de côté. « Will Turner, le mec dont tu m’as parlé il y a— un an, c’est Clément ? Ton prof de danse sur qui tu crush, c’est lui ? Genre, pendant des mois, tu le vois et tu ne m’as rien dit ? ». Son visage se voile d’une expression de tristesse — petite Yoko se sent si démunie, comme si un ouragan avait rayé tous ses sentiments. Tout s’emboîte, tout correspond — les cours de danse, le haut niveau du prof en écho à sa jeunesse. Evidemment, ça ne pouvait être que Clément mais pour le deviner, il aurait fallu que Yoko sache qu’ils se voyaient. A ses yeux, Clément et Primrose ne se connaissent pas ; deux univers parallèles destinés à probablement jamais se croiser. Le silence du premier ne l'étonne pas (il n'avait aucune raison de le lui confier) mais celui de la seconde la peine bien plus qu'elle ne l'aurait imaginé. « Je— je comprends pas, Primrose » (elle emploie délibérément son prénom en entier, elle qui utilise bien plus fréquemment Prim et ses dérivés allant jusqu’à Preum’s) « Ok, c’est Clément mais si tu m’avais demandé de rien dire, j’aurais rien fait— j’ai peut-être l’air d’être la pro des entremetteuses ratées mais pour ça, j’aurais fait des efforts. On parle d’un crush, pas d’un putain de secret de famille. Mais là, j’me retrouve comme une idiote à vous voir vous tenir la main sans rien comprendre. Je trouve la situation bien plus compliquée qu’si tu m’en avais parlé avant, pas toi ? On peut même pas dire que t'as pas eu l'temps » ; elle se mord la lèvre, baisse le regard pour jouer avec son pied gauche et relève finalement la tête. Elle ne veut pas d'histoire, pas d'engueulade alors que tout se déroulait si bien mais c'est inconscient, incontrôlable. « T’avais peur de quoi ? Que j’aille lui dire de but en blanc ? Ou que— » (elle lâche un soupir) « Ou que j’te le pique ? Tu connais pertinemment notre relation entre lui et moi parce que je t’en parle, moi ». Elle laisse un léger silence avant de reprendre, sa voix se brisant à la fin. « J’te déteste pas mais j’ai fait quoi pour pas mériter ta confiance sur une connerie comme ça ? » — des vaguelettes se dessinent dans ses iris sombres.
En temps normal, j’aurais sûrement plaisanté à la suite de Yoko en disant qu’il n’y avait pas vraiment de tri à faire dans le courrier des fans parce qu’en tant que groupie numéro un, je m’étais arrangé pour que les seules lettres qui lui parviennent soient les miennes, ou une connerie dans ce genre. Au lieu de ça, je reste muette, de plus en plus mal en point. J’ai l’estomac noué et le nœud semble se resserrer davantage à chaque seconde qui passe. Devoir expliquer la situation à Yoko est un véritable calvaire, voir la déception dans ses yeux m’achève encore davantage et lorsqu’elle prend finalement la parole, j’ai l’impression que mon cœur va s’arrêter de battre. Yoko est probablement la seule et unique personne que j’ai toujours réussi à préserver, à qui j’ai réussi à ne jamais faire de mal et que je pensais réussir à maintenir dans cette bulle protectrice si parfaite que j’avais construit autour d’elle. Je m’étais félicitée de parvenir – pour une fois – à faire quelque chose de bien de ma vie, je voulais lui prouver que son innocence pouvait être préservée parce que tant que je serais à ses côtés, rien ni personne ne pourrait lui faire du mal. Il faut croire que, malgré tout mes efforts, j’en reviens toujours aux mêmes travers et aux mêmes mensonges qui brisent mes amitiés, éloignent les gens que j’aime et ont pour conséquence que mes proches me tournent le dos les uns après les autres. Parce que ce n’est pas la première fois que je fais des erreurs, ce n’est pas la première fois que je suis incapable de les assumer et ce n’est pas la première fois non plus que je me retrouve dans une situation aussi affreuse parce que je me suis mise dans la merde toute seule en étant incapable de faire les bons choix au bon moment. Et je ne sais pas quoi dire à Yoko quand elle me demande si c’est une blague, parce que non, ça n’en est pas une, oui, j’ai trahi sa confiance et je n’ai pas la moindre excuse pour cela. C’est bête en plus, ça aurait pu être un petit mensonge anodin si j’étais revenue en arrière, si je lui avais avoué les choses, si j’avais osé en reparler de moi-même au lieu d’attendre qu’elle découvre tout de la pire des façons. Il y a un instant, elle avait les yeux qui pétillaient de bonheur, elle était heureuse d’avoir retrouvé la scène et heureuse de pouvoir profiter des félicitations si méritées de son public. J’ai gâché son moment en plus de mettre un énorme coup à notre amitié qui n’en avait jamais eu aucun jusque-là. Et je ne sais pas comment réagir, je suis complètement perdue face à son attitude qui semble osciller entre la déception et la colère. J’aimerais m’expliquer, lui dire que je regrette, parce que c’est réellement ce que je pense mais j’en suis incapable. Elle débite à toute vitesse des paroles laissant apparaitre son incompréhension, laissant sous-entendre au passage que je fréquente Clément depuis un an alors que c’est loin d’être le cas, en réalité. Quand j’y pense, c’est complètement ridicule, j’ai fait de la peine à ma meilleure amie pour un garçon qui me considère comme rien de plus qu’un gentil petit animal de compagnie. Mais j’imagine que ça va très bien avec ma façon de fonctionner, après tout, pourquoi m’attacher à des personnes qui ont réellement de l’estime pour moi alors que je peux courir après celles qui ne me regardent même pas ? L’avantage c’est que, elles au moins, j’ai très peu de chances de les décevoir. Les questions de Yoko continuent à s’enchainer et je reste muette, parce que je ne sais pas de quoi j’avais réellement peur lorsque j’ai inventé ce fameux Will, j’imagine que je ne voulais juste pas qu’il se rende compte de ce que je pouvais vraiment penser de lui. Est-ce que c’est vraiment une question de confiance envers Yoko ou simplement la peur d’être ridicule qui m’a poussée à agir de la sorte ? J’ai du mal à imaginer que j’ai vraiment pu douter de la loyauté de celle que je considère plus comme ma sœur que comme une simple amie. Et pourtant, je connaissais son attachement envers Clément, je crois même que je le jalousais un peu et c’est encore le cas aujourd’hui, je ne sais pas quel lien les unit réellement et je n’ai pas vraiment envie de le savoir parce que j’ai peur que la jolie et brillante Yoko soit nettement plus attirante aux yeux de n’importe quel garçon sain d’esprit que la perdue petite Primrose qui n’a jamais vraiment su où elle en était dans la vie. Elle pose une dernière question qui achève de me crever le cœur et se tait enfin, laissant s’installer un silence entre nous que je devrais sûrement briser. C’est à moi de m’exprimer, à moi de lui répondre, à moi de faire taire ses doutes et de la rassurer. Mais la vérité, c’est que j’ai été nulle, que je n’ai aucune explication à lui apporter et que je n’arrive même plus à la regarder dans les yeux. Les mots se bousculent mais refusent de sortir de ma bouche, j’ai la sensation d’être tout bonnement paralysée. Ce n’est qu’au prix d’un effort qui me parait monstrueux que je parviens enfin à parler. « Rien. » Ce n’est que la vérité, elle n’a rien fait de mal, j’ai tout fichu en l’air toute seule, sans avoir besoin de l’aide de qui que ce soit. Je me replonge dans un mutisme, laissant place au silence que je supporte difficilement. La conclusion à cette conversation s’impose et devient une véritable nécessité. « Je ferais mieux d’y aller, j’imagine que tout le monde t’attend pour aller fêter votre succès. » Et moi, je suis juste celle qui a réussi à lui faire perdre le sourire l’un des soirs les plus importants de sa vie, alors mieux vaut que je n’aggrave pas davantage ma situation. « Tu étais vraiment parfaite ce soir, on ne voyait que toi. » Elle brillait plus que n’importe quelle étoile, même si, à mes yeux, elle n’a pas vraiment besoin d’être sur scène pour briller. « Encore une fois, je suis vraiment désolée. » Et je tourne les talons, prenant le couloir dans le sens inverse, le traversant bien plus rapidement qu’à l’allée, désireuse de quitter cet endroit au plus vite. Tant pis pour Clément, il comprendra, ou pas, mais à cet instant précis, ça n’a pas la moindre importance.
CLÉMENT & PRIMROSE & YOKO ⊹ The best way of keeping a secret is to pretend there isn't one.
avril 2019
Silence — c’est la première fois qu’il n’y a plus aucun éclat de joie entre les deux ; uniquement un éclat de colère, de peine, de tristesse et ça donne envie à Yoko de laisser couler sur ses joues des larmes de déception. A ses yeux, sa relation avec Primrose est toujours apparue comme immortelle, inatteignable — rien, absolument rien au monde ne peut entacher ce si joli cahier de l’amitié. Au-delà d’être celle avec qui la petite nippone partage tout, Primrose est cette grande sœur au regard protecteur, à l’attitude parfois totalement immature mais cependant constamment bienveillant. A chaque pas trébuché, elle n’a jamais cessé d’être là pour la rattraper, la noyer dans un océan de rire quand la situation prêtait bien plus aux larmes. Pourtant, en cet instant — quelque chose se brise dans son cœur d’enfant. Pourquoi ne lui en a-t-elle pas parlé ? Qu’a-t-elle fait de mal pour ne pas être incluse dans la confidence ? Ce n’est qu’un crush, une attache (qu’elle ne comprend pas vraiment car Yoko ne voit pas Clément de cette façon) ; pourquoi n’avoir rien dit, elles qui se disent tout ? Certes, la jeune coréenne est maladroite, a tendance à ne jamais employer les bons mots aux moments adéquats mais sur ce sujet, elle aurait tenté d’être prudente — de minimiser sa bêtise pour ne pas trahir l’aveu. Peut-être aurait-elle lâché par inadvertance quelques remarques étourdies mais rien ne pouvant alarmer Clément — et surtout, ils ne parlent jamais de ça entre eux. Elle aurait probablement essayé de s’en mêler l’espace de quelques jours, glanant des informations inutiles dans le simple but de la taquiner mais le sujet n’aurait pas duré plus longtemps ; car Yoko ne s’attarde pas sur ces choses-là — l’amour, l’attirance, tout cela lui échappe totalement. Alors, pourquoi Primrose ne lui a rien dit, attendant ce moment des plus gênants où Yoko découvre leur relation dans les pires conditions ? Son cœur se serre et sa gorge se noue ; existe-il sur Terre des relations réellement sincères ? Elle déglutit et hurle intérieurement lorsque Primrose finit enfin par lui répondre un rien qui sonne creux — elle n’a rien fait de mal mais pourtant, elle ne lui a rien dit. Aucun mot de franchit les lèvres de Yoko alors qu’elle voudrait lui crier des questions, lui hurler des émotions ; son rythme cardiaque s’accélère et elle ne sait pas, si la peine se noie dans la colère ou vise versa. Tout ce qu’elle ressent, c’est un sentiment de trahison, comme si une brèche s’était ouverte — ce n’est qu’un crush. Sa conscience lui intime d’ajouter quelque chose, n’importe quoi — mais ne pas la laisser partir comme ça ; c’est ta meilleure amie, la seule personne qui sait tout de toi mais qui reste quand même. Ça se brise en elle quand Primrose la complimente, réitère ses propos ; tout cela n’a plus aucun sens, n’est plus aussi beau sans Primrose. Et puis, celle pour qui la petite asiatique pourrait se prendre une balle s’envole, s’efface, disparaît dans les couloirs de la Northlight Theater Company. Muette, incapable de la rattraper, Yoko reste debout, sans mouvement, la respiration coupée. Aurait-elle dû dire une phrase, un mot ? Elle ne la déteste pas — elle ne peut pas. Mais ce n'est pas à elle de la rattraper. C’est Charles qui l’interrompt dans sa réflexion, la coupant de ses pensées sombres ; tout est vide, sans intérêt. Elle n’a presque même plus envie de rejoindre les autres. Pourtant, son masque de bonne humeur s’affiche sur son visage où ses iris trahissent sa peine. Elles brillent mais plus de malice. « Yoko, tu pourras passer demain matin ? Je dois vous voir Joshua et toi » (il passe en coup de vent devant elle, lui adresse un large sourire) « Ah— euh oui, bien sûr ! » ; sa voix tremble légèrement mais elle affiche une expression facticement heureuse. Yoko n’est pas de celle qui s’effondre face à ses problèmes personnels. La seconde suivante, Charles a disparu et la jeune fille prend plusieurs inspirations avant de se rendre vers les loges — elle tapote ses joues de ses mains, tente vainement (vaillamment, notons-le) de faire bonne figure, de ne pas afficher au reste du groupe qu’elle vient de se disputer avec la seule personne sur cette planète qui la comprend mieux que quiconque. Elle réfléchit vaguement à ce qu’elle va pouvoir dire à Clément — j’ai fait planter ton rencard parce que ça m’a blessée qu’elle ne me dise pas que vous vous voyez ; c’est ridicule. Torture intérieure — elle n’en veut pas à Clément, elle ne leur en veut pas de se voir (qu’importe ! ils peuvent bien être en couple qu’elle n’en sera que ravie pour eux) mais elle en veut — à qui, à quoi ? Parce qu’elle se sent comme mise de côté ? Lorsqu’elle pénètre dans les loges, c’est la cacophonie ; elle entend des discussions vives, des altercations qui résonnent dans les murs. Fronçant les sourcils, elle cherche de son regard chocolat Clément, sans savoir ce qu’elle va lui demander — de courir après Primrose ou de rester ? Elle ne comprend pas ceux qui font passer l’amour avant l’amitié, ne saisit pas ce genre de choix sentimental. C’est trop facile, non ? De considérer que l’amitié peut bien être mise de côté car elle est éternelle et que l’on peut toujours compter sur elle. Ah ! là, le voilà — en plein débat avec Joshua. Elle saisit une bouteille d’eau posée sur le rebord d’une table, boit quelques gorgées et lance juste après, d’une voix claire et détachée « C’est quoi le débat ? » — et ses iris croisent celles de Clément ; il la connaît trop bien pour ne pas percevoir sa détresse.
Etait-ce vraiment une bonne idée de partir et laisser les deux filles entre elles ? En les quittant, j'avais réellement l'impression de laisser derrière moi deux personnes des plus frustrées. Peut-être ont-elle carrément commencée à se battre ? Je ne pense pas que ce soit le genre des deux mais ne sait-on jamais. Peut-être devrais-je retourner les voir ? J'avoue que j'aurais fait demi tour si les autres comédiens ne m'avaient pas sauté dessus, me prenant dans leur bras et me disant à quel point ils sont content de me revoir. Quelques un se sont même excuser pour leur comportement il y a quelques mois.
« C'est donc toi Clément.» c'est une voix neutre et calme dans laquelle on peut entendre un certain aversion, qui m'oblige à relâcher Callie. Me reculant légèrement, mon regard tombe sur celui que j'ai reconnu comme étant mon remplaçant et qui me dévisage de cette façon un peu trop intense comme s'il scannait mon âme. Visage fermé et inexpressif, il est impossible pour moi de savoir ce qu'il pense. Bien que je me doute un peu qu'il s'agisse là de la jalousie ou autre ressentiment de ce genre, je décide de jouer la carte de la naïveté et, affichant un large sourire, je m'avance vers lui. « Et toi c'est Joshua, pas vrai ?» question rhétorique alors que je lui tend la main «Andreï m'a parlé de toi et ...woah, ta prestation était géniale ! » je suis sincère : j'ai vraiment trouvé qu'il faisait un solide job et que son talent n'est pas à décrier. « J'ai beaucoup aimé ta partie et ta danse avec Yoko était géniale »
Ce n'est que maintenant qu'il réagit. Alors qu'il se contentait, jusqu'à présent de fixer ma main sans aucune réaction de sa part, je vois passer un voile de dédain sur son visage lorsque j'évoque Yoko. «mouais » grommelle-t-il en détournant le regard «Non, je te promet » reprenais-je « t'étais vraiment bon et ...» je me tais brusquement lorsqu'il relève son regard qu'il plante dans le mien, alors qu'un sourire dédaigneux se dessine sur ses lèvres «Je n'ai jamais dit que c'était moi le problème hein » dit-il sur un ton malicieux et détestable avant de relever légèrement le menton «je sais ce que je vaux, mais si on me met avec une incapable comme elle, je ne peux pas briller comme j'ai l'habitude»
Le choc est réel et violent. Vient-il réellement de dénigrer le travail fourni par mon amie ? Vient-il sincèrement de dire que MA Yoko était nulle ? « bullshit» grognais-je alors que Josh m'interroge du regard «T'es au courant quand même que c'était sa première représentation depuis plus d'un an ? » demandais-je, passablement énervé. «Et alors ? » me répond-t-il avec un haussement d'épaule « Elle doit être au top de sa forme si elle veut rester ici dans la compagnie. Ce ne sont pas les autres qui doivent s'adapter à elle mais elle à nous» reprend-t-il avant de m'observer de haut en bas « Tout comme toi. Ça se voit que c'est pas demain la veille que tu reviendras » Je me fige, toute joie quittant tout à coup mon visage qui devient impassible, ne montrant aucune réaction alors qu'intérieurement la tempête fait rage. Je ne le connais pas, mais je sais déjà maintenant que ce Joshua est le pire des connards avec qui je ne pourrais jamais avoir une discussion normale et civilisé.
Je ne me rend seulement compte que mon poing droit s'est fermé seulement lorsque la voix de Yoko retenti derrière moi. Silencieusement, j'intime à Joshua que s'il dit un seul truc il pourra dire bonjour à mes phalanges d'un peu plus près. Je me prends une ou deux secondes pour remettre mon masque de comédien heureux d'être ici, avant de me retourner vers Yoko.
Mais mon sourire disparaît rapidement en voyant la détresse dans ses yeux. Comment pourrais-je lui avouer la vérité sur la discussion que nous avons eue ? Je lance un coup d'oeil vers Joshua qui a déjà déguerpie vers l'autre bout des loges. «Je lui ai juste dit à quel point il était bon » dis-je, ce qui, en soit, n'est pas un mensonge, avant de froncer légèrement les sourcils, inquiet «ça va ? » demandais-je en m'avançant vers Yoko « Vous avez réussi à vous arranger, Primrose et toi ?» je l'espère sincèrement, même si je commence fortement à en douter.
CLÉMENT & PRIMROSE & YOKO ⊹ The best way of keeping a secret is to pretend there isn't one.
avril 2019
Oh, comme l’ambiance est pesante dès qu’il y a Joshua — trop ambitieux, trop compétitif, trop tout, il a le don d’attirer les tensions. Yoko n’a rien saisi de leur échange quelques secondes auparavant ; son esprit est entièrement accaparé par sa dispute avec Primrose — la première, après toutes ces années ! Elle remarque vaguement que Joshua disparaît (bon débarras) avant que son regard ne revienne au visage de Clément, dont le sourire facticement heureux (mais Yoko n’a jamais su cerner le réel du faux, naïve face au jeu d’acteur excellent du jeune homme) s’efface lorsque leurs regards se croisent. « Oh, pas besoin de le lui rappeler » dit-elle en lâchant un soupir au sous-entendu sarcastique et en reprenant une gorgée d’eau ; se prépare-t-elle mentalement à pleurer, à vider toutes les larmes de son corps juste parce qu’elle se sent peinée ? Elle se déteste, se maudit à l’instant où Clément enchaîne sur le sujet douloureux, évoquant une potentielle réconciliation. Elle le voudrait, elle le voudrait si fort que tout se soit déjà réglé ; une blague un peu douteuse et plus ou moins drôle, des rires et tout cela n’est plus qu’un souvenir. Mais ce soir, elle n’a pas réussi — la petite coréenne à l’humour facile et aux fou-rires communicatifs est incapable de porter le masque de la bienséance, de regarder Clément en face en lui assurant que tout va bien. Quelle ironie, non ? Pendant des mois, elle n’a cessé de clamer au monde entier qu’elle allait bien, que sa blessure n’était rien et que tout reviendrait à la normale mais aujourd’hui, le son de sa voix se meurt, sa gorge se noue et elle est incapable d’émettre le moindre mot. Elle se contente de secouer la tête — il est rare que Yoko montre sa défaite ; rare de voir cet éclat de joie s’éteindre et le pire, c’est qu’elle ne sait même pas pourquoi. Par peur ? D’être abandonnée au profit de l’amour, ce sentiment qui lui est totalement étranger ? Elle se laisse tomber sur une chaise, laisse ses iris chocolat glisser sur son environnement sans rien voir concrètement. « C’est— » ; elle se racle la gorge, reprend. « Je pense que ça va mettre un peu plus de temps qu’une partie d’Overwatch pour se régler » — et les parties d’Overwatch, c’est trente minutes. Elle joue nerveusement avec sa bouteille (qu’elle a volée probablement à quelqu’un de la compagnie), torturée intérieurement — elle ne peut pas en parler à Clément ; elle ne peut pas tout lui déballer car c’est justement ce qu’elle a sous-entendu à Primrose, qu’elle est digne de confiance et qu’elle ne comprend pas son silence. Mais elle a besoin d’en parler, d’extérioriser ; elle a besoin d’entendre une voix la rassurer, lui dire que tout va aller pour le mieux et que ce n’est que passager. Que sa colère sourde va s’éteindre, son amertume se dissoudre — on n’efface pas de son cœur celle que l’on considère comme sa sœur. Ses iris brillent et elle contient ses pleurs ; oh ! comme elle est toute petite l’étoile étincelante du spectacle. Terrible indécision, réflexion violente dans son esprit si flou ; elle ne dira rien. Elle ne dira pas à Clément que Primrose a un crush sur lui et qu’il dure depuis déjà plusieurs mois ; silence sur cette confession — car elle a promis. Elle s’entend hurler à son amie qu’elle n’est pas si maladroite au point de tout balancer. Elle esquisse un sourire, efface de sa joue une trace d’un liquide transparent alors que des vaguelettes se dessinent sous ses longs cils. « Tu m’as volé mon idée, je voulais inviter Primrose à un spectacle » finit-elle par dire avec un sourire narquois (pour masquer son désarroi) tout en relevant sa tête pour le regarder. L’espace de quelques instants, elle se demande si tout est réciproque — s’il est possible que Clément apprécie Primrose plus qu’une simple amie ; « Je— je savais pas que vous vous connaissiez si bien » ; et sa voix est toute petite, toute discrète — si différente des fois précédentes, où en temps normal, Yoko est celle dont la voix porte, éclaire, amuse ! elle est solaire même les pires journées d’hiver. Elle se racle la gorge, se mord la lèvre inférieure. « En fait, elle… je crois qu'elle est carrément partie, je suis désolée. Tu— je vais probablement aller boire un verre avec les autres mais— » ; elle ne termine pas sa phrase mais la suite est évidente — il est tout à fait en droit de ne pas les accompagner. Elle ne va pas l’empêcher de rejoindre Primrose, elle ne va pas être de celles qui demandent un quelconque choix car Yoko n’est pas comme ça. Enfant dans sa tête, encore un peu maladroite dans ses relations, la petite japonaise a simplement le cœur lourd, l’envie irrépressible de pleurer. Elle regrette ; de s’être emportée, de ne pas avoir su contenir ses émotions et sa peur (sa hantise !) d’être mise de côté, que leur amitié ne soit que factice et non intéressée — c’est si triste mais c’est inconscient.
après tout, on lui a toujours appris à ne pas croire aux véritables amitiés
Le regard de Yoko, habituellement si pétillant, joyeux et plein de vie, est tellement différent lorsqu'elle arrive dans les loges. Je l'ai côtoyé quotidiennement pendant des années que je sais facilement lire en elle comme dans un livre ouvert. Mais en vrai même un aveugle saurait dire que la Yoko en face de moi n'est pas celle qu'il connaît. C'est pour cela que mon sourire ce perd. Non pas à cause du soupire sarcastique de la jeune nipponne, mais bel et bien parce que je sais, dans le fond, que ça ne s'est pas arrangé avec sa meilleure amie. La question que je pose s'avère être totalement rhétorique, mon cœur se serrant lorsque la tête de l'asiatique va de droite à gauche. Je me sens mal, comme si c'était de ma faute. N'est-ce pas un peu le cas ? C'est moi qui ait invité Primrose, moi qui l'ait fait venir dans les loges. Bien évidemment, je ne pouvais pas savoir qu'elles se connaissaient. Du moins, pas de cette manière. Je savais qu'elles étaient amies, mais je n'avais aucune idée de la nature de leur relation.
Je lance un coup d’œil vers mes camarades et m'excuse silencieusement pour rejoindre Yoko. Ensemble nous nous éloignons un peu du brouhaha environnant et je reste silencieux, face à elle, me demandant si elle va reprendre la parole pour s'expliquer d'avantage. Je grimace lorsqu'elle me dit que ça va mettre plus de trente minutes à se régler -car je sais qu'une partie d'Overwatch ne dure pas plus de trente minutes en général- et pince les lèvres quand elle m'avoue que je lui ai piqué son idée car elle aussi voulait emmener Prim à un de ses spectacles. « Sorry ...» soufflais-je, comme si c'était réellement de ma faute et que j'aurais dû le savoir.
Je secoue la tête alors que Yoko fini par m'avouer qu'elle ne savait pas que Prim et moi nous nous connaissions aussi bien. «ça fait plusieurs années qu'on se connaît. On s'est connu à l'université puis je lui donné quelques cours de danse et ...au final elle fait parti de ces personnes qui m'ont beaucoup aidé pendant ma convalescence » avouais-je, le frottant légèrement le coude, presque mal à l'aise. « Si je l'ai invité ici c'était pour la remercier duement pour tout ce qu'elle a fait pour moi et ...» et quoi ? Faire en sorte que cette soirée soit, en fait, un date ? Un vrai ? Ce genre où à la fin l'homme raccompagne la femme chez elle, que celle-ci fait genre de chercher ses clefs pour gagner un peu plus de temps parce qu'elle a peur de l'inviter finir la soirée chez elle ? Quelque part c'était peut-être mes attentes car lorsque Yoko me dit que Prim est définitivement partie, je sens la déception me prendre aux tripes et se mélanger avec un certain sentiment de trahison. Bien sûr je ne peux pas en vouloir à mon amie d'avoir choisie de partir, j'imagine que toute cette situation a dû être éprouvante pour elle.
Alors, lorsque Yoko me dit qu'elle va aller boire un coup avec les autres, j'avoue que l'envie n'est pas présente. Cette soirée, j'aurais dû la passer avec Prim. Et même si j'ai follement envie de faire à nouveau une soirée avec les autres, j'avoue avoir du mal à me dire que l'australienne ne sera pas là. « Je vais plutôt rentrée. C'est ce que j'avais prévu de toute façon » mensonge parfaitement caché par mes talents de comédien. Je lance un dernier coup d'oeil vers les gens présent puis m'avance vers Yoko pour la prendre dans mes bras «N'hésite pas à m'appeller si tu as besoin de quoique ce soit » dis-je doucement en la serrant contre moi «Et surtout n'oublie pas que tu as été parfaite aujourd'hui » lui murmurrais-je à l'oreille « Et ne laisse personne te faire croire le contraire» référence à Joshua qui, je l'espère, aura la décence de ne pas se montrer aussi direct face à ma jeune protégée.
Je me redresse ensuite, garde mes mains sur ses épaules et plonge mon regard dans celui de Yoko, l'interrogeant silencieusement, voulant savoir si je peux la quitter en bonne conscience. Après son approbation sans paroles, je me penche légèrement pour déposé un baiser sur son front, lui tapote l'épaule et passe à côté d'elle, sortant des loges sans un mot ni un regard de plus. Une fois dehors, je sort mon portable et remarque avec une certaine tristesse que Prim n'ai pas essayé de m'appeler ni ne m'ait envoyé de message pour me dire qu'elle rentrait. J'avoue que pendant cinq bonnes minutes j'hésite, moi-même, à l'appeler pour voir avec elle si tout va bien, mais au final j'abandonne l'idée et me met en route pour rentrer, me demandant sincèrement comme ça va continuer tout ça.