Un jour off. Un jour off tout seul. Ouais. Non. Je vais pas rester chez moi à rien faire. Je vais pas juste passer mon temps à texter Honey. Je vais pas passer pour le gars lourd que je suis quand je suis en train de crusher. Je SAIS qu’elle n’était qu’un rebound pendant la tournée. Je le sais et ça plus la rupture. La fin de la tournée. Je suis un peu sans dessus dessous niveau émotions, sentiments. J’en ai pas mal marre. J’ai besoin de prendre l’air. J’ai besoin de m’aérer l’esprit. J’ai besoin de jouer de la musique et de chanter aussi. Et c’est comme ça que je me retrouve dans le train direction Gold Coast avec ma guitare dans son étuis. Je sais pas si je suis inspiré pour écrire mais j’ai de quoi noter, j’ai mon téléphone aussi. Je pourrais m’enregistrer si je fais quelque chose que je juge bon. J’ai hésité à contacter Levi pour qu’il vienne avec moi parce que je sais que la mer c’est son dada, c’est sa maison, c’est son élément, et écrire des chansons avec lui c’est clairement un des meilleurs trucs de la planète. Mais j’avais envie d’être seul pour une fois. Ariane m’a pas laissé beaucoup seul depuis qu’on est rentré et je lui en suis reconnaissant éternellement. Mais faut que j’avance tout seul. Alors je l’ai pas contacté cette fois. Elle doit croire que je bosse. Je sais plus quelles horaires je lui ai donné dernièrement. Oui. Je lui ai envoyé mon planning. C’est un sous entendu qui veut dire ‘quand je bosse pas j’ai besoin de toi’. Souvent elle est chez moi avant moi. Elle a un double des clés. Bien sûr. Quand je suis au boulot, c'est mes collgues qui garde un oeil sur moi. Ils savent la situation. Ils l'ont vu sur mon visage dès le premier shift après la rupture. Et ils s'occupent bien de moi. On rit toujours autant.

Short, t-shirt Unite, je sais qu’on est plus en été mais il fait 20 degrés et un super soleil donc je continue de kiffer ma vie d’Australien. Y’a pas mal de monde dans ce train. Alors je prends la première place que je trouve libre à côté de quelqu’un. Sauf que je galère avec ma guitare qui prend pas mal de place. Je fou un coup à la personne sans le vouloir BIEN EVIDEMMENT je ferai pas ça exprès. Mais je m’en rends compte.

« Désolé. »

Je me dis que ça va, j’ai pas tapé fort. La personne s’en remettra. Mais je continue de galérer avec ma guitare, parce que j’ai pas envie de la mettre dans les trucs du dessus. Je suis un peu parano j’avoue. Et puis en fait ça passerait même pas donc c’est même pas envisageable. Alors je la mets dans l’allée en essayant de déranger le moins de gens possible qui passent ici et là. Ca a l’air d’aller, mais je suis aux aguets.

Je cherche dans mes poches mes écouteurs et je rage quand je me rends compte que je les ai oublié.

« Fais chier. »

Je voulais que ce soit une bonne journée. Ca commence mal. Je soupire fort. Je suis vraiment dég. Genre 1h20 de train sans pouvoir écouter de la musique. Un supplice. Je me vois pas mettre la musique sans les écouteurs. Je veux pas déranger les gens. J’oserai jamais. Mais…

« T’aurais pas des écouteurs que tu te sers pas par hasard ? »

ON SAIT JAMAIS. Oui, je demande à la personne à côté de moi. No shame.

Et le train démarre.

Encore deux fichues journées à occuper à tout prix pour ne pas disjoncter et sombrer un peu plus bas. Je suis fatigué, je ne dors pas bien et c’est pire depuis que j’ai revu Lonnie. Je me déteste pour ce que je lui ai fait. Je me déteste mais je ne peux rien y changer. Je suis une putain de catastrophe humaine, vraiment. Je ne m’en sors pas, je n’ai plus goût à rien c’est un désastre. Je ne me supporte plus à l’appart, il faut que je sorte et que j’aille respirer ailleurs. Ma bécane m’a fait le coup de la panne et ça m’a énervé. Juste avant ces deux journées de vide à combler. Elle est toujours fidèle et ne me laisse jamais tomber, mais faut croire que même elle, elle en a marre de moi.

Alors, je me suis résigné et j’ai pris le train.

Ça ne m’arrive jamais de prendre le train, alors j’ai dû avoir l’air d’un pommé devant le tableau d’affichage que j’ai dû lire dans tous les sens jusqu’à ce que j’y pige quelque chose. C’est dans ces moments-là que je me fais toujours cette réflexion : tu te fais vieux mon pauvre. Il est loin le temps où tu te moquais de ces trentenaires aux airs ahuris et hébétés. C’est toi le trentenaire dépassé maintenant. Je m’en fiche un peu de mon âge. Le seul truc qui me fasse chier c’est que j’ai l’impression de ne pas avoir avancé. J’ai des diplômes inutilisables à cause des raisons pour lesquels mon visa d’études m’a été retiré – qui voudrait embaucher un ingénieur violent ? Je n’ai aucune relation avec mon petit-frère, pas de famille. Je ne suis qu’un pauvre type qui ne sait pas quoi faire de sa vie, ou de ses nerfs et qui essaie de se trouver des distractions pour se tenir éloigné le plus longtemps possible de la bouteille : waouh. Même moi je m’épate. Au final : j’ai ce que j’ai toujours voulu : aucune attache. Je ne savais pas que la solitude pouvait être aussi pesante malgré tout, et cet inconfort me peine de plus en plus.

Je pénètre dans le wagon bondé avec étonnement. Que les sièges sont petits ! Il y a à peine la place pour mes jambes. Je souffle, péniblement et enfonce un peu plus la casquette sur ma tête tout en cherchant ma place numérotée. J’ai l’impression d’être le seul idiot à chercher sa place d’ailleurs. Les gens ont l’air de royalement s’en foutre d’où ils s’assoient. Au bout d’un bon quart d’heure de recherche, je finis par trouver et je prends place contre la vitre, un air maussade et peu accueillant sur le visage. 1h20 jusqu’à ma destination : Gold Coast. J’ai envie de me détendre au bord de l’eau et de ne penser à rien. Les plages, l’air iodé, le sable et l’ambiance : tout cela m’ont manqué. Il faut dire qu’en Irlande, pour se baigner il ne faut pas être frileux ! ça n’a absolument rien à voir. Tant que je suis là, autant que je profite de ce que mon pays natal a à m’offrir.

Quelque chose tape dans mes cotes. Je relève la tête en grimaçant de douleur. Il ne peut pas faire attention lui ! Je n’ai jamais aimé la proximité avec les gens, et c’est pour ça que je préfère largement la moto que les transports en commun. Mais aujourd’hui, pas le choix. Je l’observe faire avec sa guitare et fronce les sourcils. Il ne peut pas la ranger en haut, là où c’est prévu ? Il a peur de quoi ? Qu’elle tombe ? M’ouais, ça a l’air sécurisé quand même. Je ne sais pas. Je ne prends jamais le train. Si ça se trouve, il a déjà cassé une guitare en la faisant tomber de là-haut et là, je peux comprendre son appréhension. Je retourne mon attention vers la vitre, en attendant le départ.

- Fais chier… t’aurais pas des écouteurs que tu te sers pas par hasard ?

C’est à moi qu’il parle ? Ah bah surement vu qu’il me fixe avec un air ennuyé. Sur le coup, je mets du temps à comprendre sa demande. Puis, il faut que je réfléchisse et le train démarre. Je bafouille alors, bêtement

- Je… Non, j’crois pas… Va falloir que tu fasses sans pendant 1h20, désolé.

Je m’excuse. Je m’excuse car je n’ai pas d’écouteurs. Ah ouais, dans le genre débile je crois que j’obtiens la palme là. Et puis, pour ne pas m’arrêter dans une si bonne lancée, vu que j’ai la sensation de lui être redevable (de quoi ?) je désigne sa guitare et demande

- T’es musicien ?

Il est hésitant dans sa réponse. Je me demande s’il m’a vraiment écouté ou s’il a compris ma requête. Le coup du « je crois pas » ou « je sais pas » ça marche toujours quand t’as pas vraiment entendu ce qu’on t’a demandé. Je sais. Je l’ai pratiqué longtemps. Je le fais encore quand j’ose pas faire répéter les gens. Jamais pendant le travail bien sûr. Là faut que tout soit bien clair. Je fais même répéter trois ou quatre fois quand besoin est. Aucune place à l’erreur. Ou le moins possible. On reste tous humain. Mais quand il ajoute que je vais devoir faire sans pendant 1h20, je em rends compte qu’il a très bien saisi. Ca veut aussi dire qu’il n’a vraiment pas de quoi me dépanner. Tristesse. Je sais pas comment je vais faire… Enfin si je sais. Je vais squatter les réseaux sociaux sur mon téléphone mais bon, sans musique de fond que les bruits des alentours c’est moins fun. Surtout que je commence à entendre un gosse qui braille pas loin. C’est sûr qu’il va finir par faire un breakdown et à se mettre à pleurer ou crier pour une raison ou une autre. J’avais envie que ce soit une bonne journée, ça ne va pas trop dans ce sens là pour l’instant. Rien n’est perdu. J’espère. J’essaie de rester optimiste. J’essaie vraiment. Et puis quand mon voisin me demande si je suis musicien, j’ai une petite lueur d’espoir qui me vient. Peut être que lui aussi ? Ce serait trop parfait. Pouvoir parler de musique pendant 1h20. Je prends. Mais je suis conscient que tout le monde n’est pas autant passionné que moi. Je sais. Des fois faut que je me contienne, je peux faire peur avec mon enthousiasme. Alors j’essaie de me la jouer chill en lui répondant.

« Ouais. Je joue de la guitare. »

No shit Sherlock. Ca doit se remarquer avec mon étuis qui est juste à mes côtés. Mais ouais, je suis captain Obvious.

« Je me sens un peu inspiré alors j’ai décidé d’aller à Gold Coast pour profiter d’une belle vue en plus de tout. Histoire d’être encore plus inspiré et tenter de faire un beau truc. »

Alors je voulais rester chill mais je viens de lui raconter mes plans un peu trop en profondeur. Je sais pas. Je le sentais comme ça. Après j'ai pas non plus été dans le détail de ma meuf qui m'a largué et ma BFF qui me chaperonne ces derniers temps parce que je déprime doucement mais très sûrement.

« Tu joues de quelque chose ? »

Je tente de rester soft de nouveau et ne pas lui sauter à la gorge à lui demander ce qu’il écoute comme genre de musique. J’ai pas envie de lui faire peur ou de le saouler. Si faut il est pas du tout là dedans et il m’a juste poser cette question par politesse. Ce que j’apprécie. Du coup je fais gaffe. Je suis pas là pour saouler les gens. Je vais voir s’il est open à la conversation avant de continuer dans un sens ou dans l’autre.

- Ouais. Je joue de la guitare.

Réponse évidente. Après tout la question était relativement conne, il me faut bien l’admettre. Il est rare de voir quelqu’un se promener avec une guitare juste pour le style, c’est plutôt encombrant faut dire. (Après, selon le degré de folie de certaines personnes, tout est envisageable et je ne pense pas ça pour me dédouaner, non !) Je souris comme un con du coup, genre ‘j’ai vu juste’, tout en sachant pertinemment que tout le monde dans le wagon aura identifié mon compagnon de trajet comme guitariste.

- Je me sens un peu inspiré alors j’ai décidé d’aller à Gold Coast pour profiter d’une belle vue en plus de tout. Histoire d’être encore plus inspiré et tenter de faire un beau truc.

Je hoche la tête. Un truc d’artiste donc. Je n’y comprends pas grand-chose, ne l’étant pas moi-même. La seule chose pour laquelle je suis doué c’est me servir de mes mains. La mécanique n’a aucun secret pour moi, j’aime réparer les choses. Créer par contre c’est autre chose. Je ne suis pas créatif, je me contente d’appliquer bêtement et méthodiquement ce que d’autres ont pensé avant moi.

- Tu joues de quelque chose ?

- Oh non, j’ai jamais essayé mais ce serait un massacre c’est sûr. J’ai quelques problèmes de rythme. Même si j’adore me défouler sur les dance-floor quand même.

Avec trois grammes d’alcool dans le sang, mais je vais éviter de préciser ça. Passer pour un gros alcoolique quand on rencontre quelqu’un, c’est un peu limite, je suppose.

- Mais je n’ai pas vraiment l’oreille musicale… Par contre, j’ai toujours admiré ceux qui savent jouer d’un instrument, quel qu’il soit. Je pourrais regarder et les écouter jouer des heures, ils ont de l’or entre les doigts. Faudrait que tu me fasses écouter…

L’endroit ne s’y prête pas vraiment. J’observe le wagon, hausse les épaules et grimace.

- Fin ce n’est peut-être pas le meilleur endroit pour, remarque. Peut-être si t’accepte un public amateur quand on s’ra arrivés à destination.

Je lui fais un clin d’œil. Puis je me rends compte que mes propos pourraient être interprétés de diverses façons et je détourne le regard, un peu gêné. Je parle tellement sans filtre parfois, après je regrette, comme un idiot. J’espère qu’il n’a pas pris ça pour des avances, car ce n’en est pas. Même s’il est plutôt mignon dans son genre, il faut bien l’avouer. Je me racle la gorge et demande du coup, pour masquer la gêne et embrayer sur autre chose

- Et du coup tu joues quoi ? Fin quel style ?

Spoiler:

Tristesse quand il annonce qu’il joue de rien. Qu’il a jamais essayé. Mais il est sûr qu’il ne serait pas doué. Moi je dis, tant qu’on a pas essayé on peut pas dire. Mais c’est vrai que si tu sais déjà pas taper des mains et chanter en même temps à un concert t’as quand même moins de chances d’y arriver. C’est assez complexe la guitare. Je mets toujours le chant au milieu alors que pas forcément en fait. Juste pour moi ça va forcément ensemble ou pas loin. Je souris quand il avoue sans mal se défouler sur les dance floors. Le gars il aime donc quand même la musique. Ce qui est assez commun dans un sens. J’ai déjà rencontré des gens qui sont pas du tout dans la musique d’une quelconque façon et je trouve ça complètement fou. La musique ça aide tellement aux maux de l’âme. Encore une fois, on est pas tous fucked up. Mais beaucoup d’entre nous quand même. Faut pas se leurrer.

Wow il veut écouter ce que je fais ? J’ai bien compris ? Il est encore en train d’être poli ou il est sérieux ? Il est le genre de gars qui fait plaisir aux inconnus sans raison ? Je le connais pas du tout donc j’ose espérer qu’il fait pas ça juste pour mon bien être. Ou alors c’est un gars super généreux. N’empêche que ça me fait sourire cette proposition. Le pire c’est qu’il confirme qu’il peut prendre du temps une fois arrivé parce que c’est clair que là dans le train c’est pas le plus pratique. C’est faisable. Mais pas optimal. Surtout que les autres personnes dans le wagon ont rien demandé. Je veux pas les déranger. Même si objectivement je joue bien.

Le gars il me fait un clin d’œil et j’ai l’impression de voir un de mes plus proche ami qui essaie de me mettre dans son lit depuis aussi longtemps que je m’en souvienne. Mon sourire se fait un peu plus grand de penser à lui. Mais je ne prends pas son geste à mon voisin de siège de cette façon là. Ou peut être que je devrais ? Peu importe. Je suis pas offensé. Je kiffe même un peu. Je remarque même pas qu’il a un moment de gêne.

 « Si t’as rien de spécial à faire en arrivant tu peux me suivre sur la plage. Je te joue un truc. »

Je suis pas contre le sérénader. Peut être qu’avoir un public c’est ce qu’il me faut aujourd’hui. Peut être qu’être seul c’est pas la solution. Je sais pas. Je vais au feeling. Où le vent me mène. Mais une chose est sûr j’ai envie de voir comment je me sens sans mes amis autour. Mais wow ok le gars il s’intéresse vraiment à ce que je fais ça me touche.

« Je fais surtout des balades. Mais c’est parce que j’ai zéro matos pour faire électrique ou quoi. Mais je suis sûr que y’a moyen de tourner mes versions acoustic en quelque chose de plus heavy. Je serai pas contre. Faut tester. Faut le fric aussi. »

Même si j’ai des amis dans le milieu, je suis pas du genre à demander des faveurs. Je préfère me débrouiller tout seul.

« Mais niveau paroles c’est le grand écart entre le dark et le lover. J’ai été bien inspiré par mon ex. Maintenant je la déteste et c’est ça que j’avais envie de voir aujourd’hui. Si je peux sortir un truc bien négatif sur elle... »

Parce que ça me fait trop chier que certaines de mes meilleures chansons soient associés à elle à jamais.

« T’écoutes quoi comme genre ? T’as quelques noms de groupes ou artistes qui te viennent direct ? »

Ma question favorite que je pose à tout le monde que je croise. Quand je vois que les gens sont autant passionnés que moi je demande plutôt leur album favoris. Mais j’ai été surpris de voir que beaucoup n’ont aucune idée des albums des artistes qu’ils apprécient.

Spoiler:

Je ne suis qu’un fichu paradoxe, sociable et solitaire à la fois, et lorsque je ressens la possibilité de passer un moment agréable avec une autre personne, quelle qu’elle soit, je m’y engouffre sans réfléchir. Comme si ces moments qui tuent la routine, brisent l’ennui et me laissent entrevoir autre chose que du désespoir étaient essentiels à ma survie. Des bouffées d’oxygènes. Des instants précieux où je peux être celui que je veux, en fonction de mon interlocuteur. Des instants où on ne me juge pas à cause de mes actes passés, où l’abandon de mon petit-frère n’est pas remis sur le tapis, où l’emprisonnement de ma mère à cause d’homicide de mon père ne sont pas évoqués. C’est ce qui s’apparente le plus pour moi à la liberté. Et je saisis chaque occasion d’en profiter car cela me procure toujours un bien fou. Voilà pourquoi je ne cesse de me rendre à Gold Coast : la proximité de l’océan rend les gens plus sympathiques, plus détendus et plus propices à passer un bon moment. Loin du centre-ville, de la pression du travail et des obligations qui nous mettent la tête sous l’eau, ici je respire mieux, je vis mieux… Je n’aurai jamais les moyens de m’y installer, mais je me contente de ces quelques instants de liberté, volés et chéris précieusement, Frivolité appréciable. Douce fantaisie.

Il était inconcevable pour moi de rester enfermé dans mon appartement sur mon jour de repos. Je n’ai pas envie de ressasser, seul, dans le noir… Ma bécane ne fonctionnant plus, je me retrouve à discuter avec un bel inconnu dans le train. Et c’est plutôt agréable. Le mec a l’air carrément passionné par sa musique, cela me fait doucement sourire. Les gens passionnés donnent du baume au cœur, ils ont ce petit émerveillement dans leur regard, cet enthousiasme débordant qui finit généralement par déteindre sur les autres et ils sont entraînants. C’est agréable et bienvenu. Ma bouffée d’air est déjà là, grâce à lui. Je respire mieux, je savoure cet échange futile mais ô combien précieux finalement. Ça ne semble rien, deux inconnus qui discutent dans le train. Et pourtant, la vie est faite de rencontres, ce sont ces rencontres qui nous enrichissent dès lors qu’on porte un peu d’attention à ceux qui nous entourent. Ma démarche est égoïste car il ne se rend même pas compte de tout ce qu’il fait, tout ce qu’il me donne, juste en me parlant et en s’enthousiasmant sur sa musique. Devrais-je pour autant m’en désintéresser ? Si lui aussi y trouve son compte, alors je dirai qu’on part sur un échange sain et équitable. Et ce trajet sera bien moins chiant si nous discutons tout du long, c’est un fait.

- Si t’as rien de spécial à faire en arrivant tu peux me suivre sur la plage. Je te joue un truc. Je fais surtout des balades. Mais c’est parce que j’ai zéro matos pour faire éclectique ou quoi. Mais je suis sûr que y’a moyen de tourner mes versions acoustiques en quelque chose de plus heavy. Je serai pas contre. Faut tester. Faut le fric aussi.

Je n’y connais absolument rien dans l’univers musical. Comment une maquette se crée, quel matériel est nécessaire pour obtenir un meilleur son et s’améliorer. Je suppose qu’il a raison, et que comme pour tout, c’est une affaire de fric. Il faut du talent, mais le marketing, la publicité et le fait de se vendre c’est aussi une grosse partie du job il me semble. Maîtriser tous les outils à disposition c’est compliqué et je crois que je suis un peu trop vieux pour capter le rythme de vie des influenceurs et autres personnalités du web. Je sais juste que c’est une autre façon de percer. Je lui en parle d’ailleurs, en acceptant sa proposition de l’écouter jouer car j’en ai envie et que je n’ai aucun programme d’établi. J’aime me laisser porter par le vent, ne rien décider à l’avance et faire en fonction des opportunités qui se présentent.

- T’as une chaîne YouTube ou ce genre de trucs ? ça peut être un boost si t’as vraiment envie de gagner ta vie grâce à ton talent. J’y connais rien, mais j’ai entendu parler des success-story par les réseaux sociaux… Et ouais, carrément, j’te suis, j’ai pas vraiment de programme. Je suis libre comme l’air aujourd’hui.

Je souris. Cette affirmation vibre en moi. Libre comme l’air. C’est tellement plaisant de prononcer ces paroles. Je suis de plus en plus détendu et j’ignore si c’est mon camarade de wagon qui me fait cet effet ou le fait qu’on s’approche de la destination finale. En tout cas, je m'apaise et commence à profiter positivement de la journée.

- Mais niveau paroles c’est le grand écart entre le dark et le lover. J’ai été bien inspiré par mon ex. Maintenant je la déteste et c’est ça que j’avais envie de voir aujourd’hui. Si je peux sortir un truc bien négatif sur elle…

Oh, je vois... Je fais une drôle de moue, réfléchissant à ce qu'il vient de dire. Voir s'il peut sortir un truc négatif sur elle... Pour extérioriser les mauvais sentiments, ceux qui restent sur le cœur et qui pèsent trop lourd, ceux qu'on traînent derrière soi et qui tirent vers le bas. Il met tout ça dans la musique, un peu comme moi avec mes poings quand je pense à mon père, à ma mère et à tout le désastre que leur relation conflictuelle a engendré. Avant que je ne réponde, il me devance en me demandant mes goûts. Je souris en pensant à mes goûts totalement éclectiques pour la plupart, avec une préférence malgré tout pour les balades sombres

- T’écoute quoi comme genre ? T’as quelques noms de groupes ou artistes qui te viennent direct ?

- Ouais, j'aime la pop pour danser et j'kiff Katy Perry pour le double-sens de ses chansons surtout. Puis les incontournables : Madonna, Michael Jackson, Prince... Les années 80 aussi, j'kiff. A vrai dire, n'importe quoi qui me permet de m'évader un peu. J'aime bien les ballades dark par ailleurs, j'suis sûr que j'vais kiffer ce que tu fais.

Il parle direct de chaîne YouTube et ça me trigger. Peut être que je devrais vraiment le faire… J’hésite tellement depuis quelques années. La peur me prend au ventre sans que je comprenne vraiment pourquoi. Je ne cherche pas non plus la véritable raison de cette peur absurde. J’ai pas envie de comprendre le pourquoi du comment. Je préfère faire comme si je savais pas. Je n’ai pas envie de savoir. La vérité ça fait peur. J’hausse une épaule quand il assume que je veux gagner ma vie par mon talent.

« J’ai d’autres talents. »

Et voilà que je suis déjà en train de me défiler au milieu de sa tirade. Et il confirme qu’il veut m’entendre. J’hoche la tête, ne relevant pas sa remarque sur la chaîne YouTube. C’est un sujet qui est sensible chez moi et je sais pas pourquoi je sens que le mec est du genre à insister là dessus. Ou peut être je suis juste très parano ? J’ai quand même fait des vidéos de qualité pro avec une photographe à la fin de l’année dernière mais je les ai juste sur mon disque dur. Comme un con. J’en fais rien. J’ose pas. Paralysé par la peur.

Heureusement la conversation suit son court et je découvre les artistes qui le font kiffer. Je souris de l’entendre dire qu’il aime danser. J’aime aussi beaucoup ça. Même si mes mouvements sont tout ce qu’il y a de plus approximatif. Mais ça me fait penser à John qui me fait littéralement kiffer quand il se laisser aller sur scène. Le gars il kiffe, il en a rien à foutre du regard des autres. Ou du moins c’est comme ça que je l’interprète et j’aime beaucoup trop ça pour imaginer autre chose. Parce que je m’identifie à lui. Beaucoup. Trop. Oui beaucoup trop. Dans la liste qu’il énumère y’a que des légendes - à part Katy Perry s’entend. Il l’a nommé en premier donc elle doit avoir la plus grande place dans son coeur. Consciemment ou non. Il aime les balades dark et ouais, c’est un très bon point ça.

« Je t’en jouerai quelques unes qui vont te plaire alors. Des reprises. »

Je commence déjà à m’éloigner du but premier de ma venue à Gold Coast. Je suis en train de faire la poule mouillée. Je dis que je déteste Wendy mais je me sens incapable d’écrire un truc méchant à son égard. Ou peut être que si ? Faudrait que je boive pour aider les mots à sortir tout seul, sans que je me sente coupable de le faire. Mais elle mériterait tellement les pires vers à son encontre. Pour l’instant j’arrive qu’à me défouler avec les chansons des autres. Je réfléchis à relancer la conversation et je pense à parler du documentaire sur Michael Jackson qui est sorti y’a pas longtemps mais je vais m’abstenir. J’ai pas envie d’entrer en guerre avec le gars et j’ai même pas vu le documentaire de toute façon.

« Si j’ose je te jouerai ce que j’ai déjà fait… Mais… Je les ai jamais fait comme ça, juste devant une personne. C’est très intimidant. Parce que tu vas te sentir obliger de faire un commentaire et si t’aimes pas je risque de m’en rendre compte. Sauf si tu mens bien. »

Je ris un peu et puis je reprends en étant quand même très sérieux.

« Mens bien s’te plaît. »

J’ai pas besoin d’être blessé plus que je ne le suis déjà. C’est vraiment pas la forme depuis la fin de la tournée. J’avais au moins ça pour m’occuper bien l’esprit. Et cette fille super fun aussi… J’avoue. Elle a beaucoup aidé. Mais elle est anglaise. Je la reverrai sûrement jamais.

→ C’est étrange comme une atmosphère peut brusquement changer. A peine ai-je prononcé le mot ‘youtube’ que je sens mon homologue se tendre, comme si évoquer ce fameux moyen de communication, qui a fait ses preuves de nombreuses fois le mettait mal à l’aise. Il se rétracte, se ferme et décrète – J’ai d’autres talents. Je souris, me voulant rassurant et réponds calmement – Je n’en doute pas. Car c’est un fait : je n’en doute pas. Je ne connais rien de ce type, ni de ce qu’il fait pour gagner sa vie et au fond je m’en fiche aussi. Porté par son dynamisme, j’ai eu une brusque poussée enthousiasme et j’ai voulu échanger plus profondément sans me douter que je pouvais toucher une corde sensible. S’il avait eu une chaîne youtube, il aurait sans nul doute été heureux de me la filer. Ce n’est pas le cas, tant pis. Je ne suis pas du genre à insister lourdement, alors je laisse tomber et considère le sujet clos.

J’évoque mes goûts musicaux, et sans honte je parle de Katy Perry. Ses clips délirants et ses chansons pop entrainantes m’ont toujours plu, je ne saurais pas expliquer pourquoi. Peut-être qu’avec un bon joint, ses clips psychédéliques me font kiffer, peut-être que c’est comme ça que ça a commencé. Au fond je m’en fous, je n’ai pas honte de mes goûts. Ils sont éclectiques, j’aime un peu tout, je ne suis pas fermé comme type. Ouvert à tout genre, je suis capable d’assister à un concerto de musique classique ou à me retrouver en plein festival de métal. Je vis l’instant. Le moment présent, car c’est tout ce que j’ai. Ces quelques minutes de répit bénéfiques qui me permettent d’avancer, encore et toujours.

- Je t’en jouerai quelques-unes qui vont te plaire alors. Des reprises. Si j’ose je te jouerai ce que j’ai déjà fait… Mais… Je les ai jamais faits comme ça, juste devant une personne. C’est très intimidant. Parce que tu vas te sentir obligé de faire un commentaire et si t’aime pas, je risque de m’en rendre compte. Sauf si tu mens bien. Mens bien s’te plait.

Je suis surpris par son discours. Si jusqu’alors le mec me semblait bien dans ses baskets, à vivre son rêve d’artiste et à kiffer ça, j’ai l’impression que son assurance a disparu aux oubliettes et qu’il doute carrément de lui maintenant. Je fronce les sourcils en l’observant, percevant sans difficulté son malaise. Néanmoins, je souris et lui assure alors – Je suis un excellent menteur. C’est totalement faux. Le mensonge est un art que je ne maîtrise pas et que je déteste même. S’il y a bien une chose que je suis c’est honnête. Je dis ce que je pense, quitte à ce qu’on me déteste pour ça – et je n’en ai rien à foutre par ailleurs, tant que je suis en accord avec mes propres valeurs, les jugements des autres ne m’atteignent pas vraiment. – Mais tu devrais t’en foutre de ce que pensent les autres au fond tu sais. L’important c’est de faire passer ton message, celui que tu as dans le cœur et qui a besoin de sortir. Y’aura toujours des connards pour critiquer et dire d’la merde, mais y’aura aussi des gens bien qui adoreront ce que tu fais et t’aideront à t’améliorer en te soutenant. Si tu laisses le doute t’empêcher de faire ce que tu aimes, t’avanceras pas comme tu veux. Et c’est moi qui dispense de sages conseils maintenant. Je ne les applique pas, je le sais bien. Mais il  n’est pas question de moi là, c’est de lui dont on parle. De sa musique. De ce qui le fait vibrer. Ce qui sort de ses tripes. – Je crois qu’aucun artiste ne pensait trouver le succès à la base. Ils ont juste cru en eux, ou du moins ils ont voulu partager ce qu’ils ressentaient avec les autres. La musique, c’est une histoire de partage, c’est donner un peu de soi à qui voudra bien le recevoir. Et sur ces belles paroles philosophiques, je hausse simplement les épaules, comme si ce que je viens de dire va de soi et qu’il n’en est pas autrement. Parce que je le pense sincèrement de toute façon. – Si t’as envie de cracher sur ton ex, fais-le. J’suis sûr que tu trouveras plein de monde en total accord avec ce principe-là. Je conclue, pour l’inciter à aller vers son idée première, à ne pas renoncer. Si tu ne crois pas en tes rêves, qui y croira pour toi ?

Son sourire et la confirmation qu’il est un bon menteur me font du bien. Il est cool. Il a compris que j’étais pas à l’aise et il s’efforce à ce que ça aille mieux. Il va dans mon sens alors qu’on se connait pas du tout. J’apprécie. Mais il a pas dit son dernier mot. Il dit des trucs qui sont tout à fait vrai. Je le sais. Mais ouais, avoir du vrai feedback ça me fait peur. Je sais pas si je supporterai les gens qui disent des trucs négatifs sur mes chansons. Parce que les gens sont cons. Ils disent pas « j’aime pas » ils disent « c’est de la merde » et mon coeur est trop fragile pour lire ce genre de truc. Je pense pas être capable d’encaisser. C’est pour ça que Youtube… Ca me fait beaucoup trop peur. Parce que la partie commentaire c’est clairement l’enfer pour la santé mentale. Je veux pas me faire subir ça. Là je suis encore moins en mode motivé pour ça vu que ça va pas des masses. J’ai vraiment pas besoin de ça pour m’achever. Je m’achève tout seul avec mes playlists de chansons tristes. En vrai je me sens pas l’âme d’une star. Je suis un suiveur plutôt qu’un leader. Je suis là pour soutenir les gens, pas pour être au devant de la scène. Je chante juste pour m’amuser. Ca me détend. Ca me fait du bien. J’ai pas besoin de gagner ma vie à chanter sur une scène. Je veux pas me mettre de pression. Je veux juste m’amuser. Et cracher sur mon ex. J’hoche la tête.

« Ouais… »

Je suis un peu perdu dans mes pensées. Je soupire doucement mais je me laisse pas aller. Je suis pas seul. Je veux pas briser l’ambiance. Il a rien demandé ce gars là. Je l’ai déjà cassé. Mais je vais tout faire pour pas empirer les choses. Qu’est ce que je réponds de plus à ça ? Je sais pas. Ca me fait cogiter tout ses mots. Il me connait pas mais il prend le temps de me dire tous ces trucs. C’est un type bien. Vraiment.

J’ai tant de mots qui me viennent en tête. J’ai envie de lui dire combien je ne connaîtrais jamais le succès parce que ça se saurait déjà si j’avais un truc spécial. Non. Juste je joue, je chante. J’avoue j’écris des trucs pas moche mais c’est pas assez. C’est pas exceptionnel. Pas suffisant pour se placer en haut sans effort. Et les efforts, j’ai pas la force de les faire. J’ai pas les épaules pour. J’aime mon métier. J’aime ma vie telle qu’elle est. Je joue de la musique pour m’amuser. Pas pour me mettre la pression d’une maison de disque qui t’a fait signer pour trois albums que tu dois lui pondre par magie. Tu contrôles pas l’inspiration. Je pourrais juste pas. Ca me bloquerait tout net. Je remarque que ça fait un moment que je suis silencieux parce que le train arrive au terminus. Gold Coast. Wow ok. Je tourne la tête vers mon voisin.

« Tu me suis je te joue mes chansons ? »

Je sais pas pourquoi j’en ai vraiment envie maintenant. Je me lève de mon siège, valise à la main, dans l’allée à présent.

« J’en ai pas tant que ça… Juste sept. »

Alors que je joue de la guitare depuis aussi longtemps que je me souviens. C’est pas beaucoup. C’est vraiment pas beaucoup. Mais ça m’a demandé tant d’oser écrire. D’oser créer. Quand tu vis entouré de musiciens, de gens qui écrivent des chansons, tu te compares forcément et je me compares tout le temps. Me trouvant jamais aussi bon qu’eux. Bien évidemment. Y’a vraiment que deux chansons dont je suis le plus fier. Les deux que j’ai écrit en une poignet de minutes. Les deux que j’ai écrit, très inspiré par Wendy.

→ Putain, faut croire que la seule chose pour laquelle je suis assurément doué c’est plomber l’ambiance. Bien malgré moi, je n’arrive pas à obtenir autre chose qu’un simple ‘ouais’ de la part de mon compagnon de trajet et je me fustige intérieurement : ‘T’aurais dû fermer ta gueule, tout simplement, car dès que tu l’ouvres, ça fous la merde, toujours’. A croire que je n’apprends jamais de mes erreurs, ou qu’en dépit de mon caractère revêche, j’ai terriblement besoin d’un ami dans ma vie. Pitié, je fais pitié. Le mutisme de mon camarade m’atteint plus que je ne le souhaite et l’arrière de mon crâne repose contre le dossier du siège alors que je fixe d’un air contemplatif et totalement perdu la chevelure noire de la jeune femme assise devant moi, qui tombe en cascade jusqu’à son coude. Le silence envahit le wagon, perturbé par les cris des enfants intenables qui rendent fous leurs parents désemparés. Ces derniers redoublent de ‘shhhh, on est bientôt arrivés’ pour tenter de contenir leurs petits montres bien trop excités par la journée à la plage qui s’annonce. Je ne leur en veux pas, j’étais pareil à leur âge, et j’aurai rêvé que mes parents nous amènent à la plage mon frère et moi. Ça n’a jamais été le cas. Notre père préférait se noyer dans l’alcool plutôt que dans l’océan, à notre grand désespoir. J’y ai emmené Lonnie parfois. Il s’installait en équilibre sur le guidon du vélo emprunté à des copains et je pédalais à tout rompre pour rejoindre la cote. Deux heures de vélo, aller et retour, pour profiter de la plage et de l’immensité de l’océan. Je chéris ces souvenirs précieux, les plus heureux de mon enfance. Tout s’est dégradé après ça.

Je sors de mes pensées lorsque mon voisin s’adresse à nouveau à moi et je remarque par la même occasion que nous sommes arrivés à destination. –Tu me suis je te joue mes chansons ? Un peu décontenancé par cette question alors que j’étais persuadé deux secondes avant qu’il ne voulait plus m’entendre causer, je mets un peu plus de temps que nécessaire à répondre. – J’en ai pas tant que ça… Juste sept. Pourquoi il me fait sourire ? Je n’en sais rien. Peut-être parce qu’au final, il a l’air aussi maladroit que moi dans la prise de parole. Alors je me lève et hoche la tête, décidé à le suivre. – Je te suis, ouais. Sept c’est pas mal déjà. C’est un chiffre cool. Handicapé social, voilà ce que je suis. A vrai dire, je n’ose même plus trop parler par peur de le faire fuir à nouveau. C’est fou le pouvoir qu’on attribue aux autres par interprétation de leur regard. Je devrais m’en foutre et pourtant ce n’est pas toujours le cas. Cela doit dépendre de mon état d’esprit ou de mon humeur. Aujourd’hui, j’ai juste envie de kiffer et d’être libre, de ne pas me prendre la tête, d’exorciser mes démons pour qu’ils me laissent en paix quelques instants. Ils reviendront bien assez tôt, je le sais. Mains dans les poches, je sors du wagon à sa suite et sitôt au-dehors, je coince une clope entre mes lèvres pour l’allumer derechef. La sensation m’apaise et je relâche un épais nuage de fumée la seconde suivante alors que mes épaules se relâchent. – Tu m’as pas dit comment tu t’appelais mec. Moi c’est Harvey. Et par habitude conventionnelle, je lui tends la main. Après l’avoir serré, nous prenons la direction de la plage, échangeant un peu sans trop insister toutefois. Comme deux étrangers qui apprennent l’un de l’autre avec précaution, soucieux de ne pas se blesser dans leur méconnaissance de l’autre mais désireux d’en apprendre plus malgré tout.

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