Ils avaient commencé une partie de Monopoly sans la moindre inquiétude, sachant pertinemment que le jeu serait aussi long que la nuit et que ce serait le meilleur moyen de faire passer le temps rapidement en investissant les uns contre les autres jusqu’à se mener vers la banqueroute. Du moins, c’est l’idée qui était venue depuis le fiasco qu’était devenue la partie de Uno il y’a plusieurs semaines. Lene regrette d’avoir à le dire mais à la caserne, ils sont tous de sacré caractère et à commencer par elle, elle allait mettre le feu à cet endroit s’ils continuaient à se foutre dessus pour des jeux de sociétés. L’avantage du Monopoly, c’est que le jeu est si long qu’ayant à peine commencé, il est toujours interrompu par un appel au secours et ce soir ne déroge pas à la règle. Ce soir, il n’y avait eu que le temps de débattre sur le meilleur pion avant que des affaires plus urgentes ne se fassent entendre si bien qu’ils ne sauront jamais lequel du chien ou du chapeau porte le plus chance. L’alerte maximale avait été lancée et jamais au grand jamais Lene n’avait vu ça : une maison entière en flamme dont on ne sait pas encore jusqu’où se fixe le nombre d’habitant, juste qu’il faut intervenir rapidement avant que les dégâts n’empire. Les lances sont de sortie et l’eau ne tarde pas à jaillir. Ce qu’elle ressent à cet instant précis, c’est le danger mélangé à un sentiment d’impuissance absolu. Jamais elle n’avait géré ça. Jamais au beau milieu de la nuit. Des collègues avaient raconté ce genre d’urgence dont la gravité te prend aux tripes mais là, dans ce brasier, il y’a des gens et la réalisation ne fait que lui tordre l’estomac un peu plus. C’est difficile de voir dans la scène qui se joue la dose d’adrénaline qu’elle aime tant recevoir en faisant ce métier. C’est la certitude qui s’empare d’elle. Des gens sont morts, ça y’est. Ce n’est pas possible autrement.
C’est pourquoi elle passe l’heure suivante à faire tout ce que le capitaine ordonne : préparer les masques pour les gars, vérifier leurs état général dès qu’ils sortent du brasier, éloigner les curieux, hurler tout ce qui droit être transmis au plus grand nombre. En temps normal, elle se sentirait passive, loin du feu (haha) de l’action mais elle obéit juste et elle espère que ce qui arrive ne mènera pas un de ses gars dans la tombe. Là-bas, à la caserne, il y’a un plateau de jeu qui attend et une interdiction formelle que de laisser un siège vide. Après un long moment, on extirpe le corps d’un enfant, puis d’autre et finalement, celui d’une femme qui doit avoir l’air un peu plus âgée qu’elle. Les flammes baissent, mais tout porte à croire que l’origine est criminelle, qu’aucun accident n’est responsable de ça et dès que ce doute est posé sur la table, c’est à la police qu’il faut faire appel. Tout ce qu’elle a en tête à ce moment reste loin de cette préoccupation, elle, c’est de savoir quand ça va se finir qui l’intéresse.
Le matin perce les nuages quand les flammes commencent lentement à baisser. C’est l’heure de ranger le matériel, de s’occuper de ceux qui auraient respirer les flammes et de s’assurer que chacun des gars est en état de rentrer au lieu de partir tout droit aux urgences. A la grande surprise de tout le monde, Lene est sage et docile et range le matériel au fur et à mesure sans râler d’avoir à prêter main forte (ce qu’elle fait d’habitude). C’est au détour d’un camion qu’elle croise un gars qui ne semblait pas prêt à voir ce qu’elle a vu. Un gars pâle, malade. Peut-être sous le choc aussi. Pas une victime, loin de là. « Tu as choisi ton moment pour mourir, je vais juste rester là pour pouvoir intervenir au plus vite. » lâche t-elle sans penser que la blague n’est peut-être pas au rendez-vous. Elle s’en fiche, elle est de service depuis des heures, elle court partout depuis des heures aussi. Si elle juge qu’une blague peut la détendre, elle le fait, c’est tout.
I'm not passive but aggressive, Take note, it's not impressive. Empty your sadness, like you're dumping your purse On my bedroom floor, We put your curse in reverse. And it's our time now if you want to to be, More the war like the carnival bears set free
▼▲▼
Prendre le café chaud et le verser dans les différents gobelets alignés devant lui n’était pas la tâche la plus difficile au monde, pourtant les yeux fatigués de Lonnie l’empêche de bien viser les récipients et le liquide s’écoule à quelques centièmes du gobelet, sur sa main qui ne s’écarte pas assez vite et reçoit le liquide brûlant de plein fouet. Il balance une injure à voix haute et ça fait réagir les mecs de l’équipe qui relèvent tous la tête au même moment dans une chorégraphie ridicule mais spontanée, peu habitués à entendre le bleu s’exprimer ouvertement. Hartwell n’avait pas l’habitude de l’équipe de nuit, il n’avait accepté que pour remplacer au pied levé un collègue dont la femme était actuellement en pleine accouchement, et Lonnie avait trop de cœur pour refuser devant les yeux tendres de Vasquez qui n’avait pas hésité à tirer sur la corde sensible en lui promettant un remboursement sous forme d’invitation à fêter la naissance du gamin, pas qu’il en avait franchement envie mais ça lui donnerait une opportunité de se montrer un peu plus cordial avec ses collègues. Le bleu tire un petit paquet de serviettes en papier de la pile, prenant le temps d’essuyer les dégâts ainsi que les traces sur son épiderme encore rouge vif avant d’apporter les cafés au reste de l’équipe, avec pour seul remerciement un hochement de tête. Lonnie n’a pas le temps de s’asseoir que le chef fait irruption dans la salle, beuglant – comme à son habitude – des ordres incompréhensibles pour le commun des mortels, tout ce que le policier arrive à en tirer sont les mots : « incendie, victimes, enfants », rien d’assez concret pour en tirer des informations claires et précises mais assez tout de même pour que les officiers se lèvent et se préparent à vivre une nuit intense et sans doute sans fin.
Dans la voiture postée à quelques mètres de la maison Lonnie observe les allées et venues des pompiers qui s’affairent à tirer des flammes les corps des victimes que l’on devine à peine dans l’obscurité. Autant fasciné que mal à l’aise devant cette danse macabre le bleu fait tout son possible pour garder les yeux ouvert et l’esprit clair face à cette situation qui est une première pour lui et qui s’imposera d’elle-même comme une véritable épreuve pour son estomac, face aux corps brûlés le Hartwell ne sait pas comment réagir. On lui ordonne de rester à l’intérieur le temps que les inspecteurs discutent avec le chef des pompiers, histoire de tirer quelque chose de cette histoire autre que des cendres, alors Lonnie s’applique à faire ce qu’on attend de lui, rester là en prévision du moment où il devrait sortir pour récolter quelques informations auprès du voisinage qui s’accumulait déjà devant la bâtisse. Il a les mains tremblantes et l’estomac au bord des lèvres, l’odeur n’aidant en rien son état de dégoût, quand un officier frappe mollement contre la vitre de la voiture. « Sors, essaie de voir avec les voisins si ils n’ont rien remarqué d’inhabituel avant que le feu ne se déclare. » Un hochement de tête plus tard Lonnie se trouve devant une dame vêtue d’un peignoir violet qui affirme n’avoir rien vu d’étrange ces derniers temps si ce n’est un chien errant qui passe sans arrêt dans son jardin. Le bleu efface quelques lignes sur son carnet alors qu’il remercie la femme d’un demi-sourire, lorsqu’il rejoint l’officier en charge il n’a pu récolter que quelques brides d’informations qui ne leur seront d’aucune aide. « La plupart des voisins n’ont rien vu, rien n’entendu, le feu s’est déclaré un peu avant 4h selon une femme, mais c’est tout ce qu’on en tirera ce soir. » Lonnie se fait congédier d’un geste de la main et la décision est pris de s’entretenir avec les hommes du feu afin d’établir un premier compte rendu d’informations.
Au détour d’un des camions de pompiers Lonnie peut apercevoir le légiste ainsi qu’un des employés de la morgue qui s’affaire à recouvrir les victimes avant de les embarquer comme de vulgaires mannequins dans son corbillard, et ça que le flic pose pour la première fois son regard sur ce gamin au corps calciné, on devine encore la peluche entre ses mains et les dessins sur son pyjama. Il est obligé de se pincer le nez Lonnie, de couvrir sa bouche avec son coude pour ne pas vomir, trop peu habitué à ce genre d’affaire sinistre. C’est au coin d’un camion qu’il trouve un peu d’espace dans lequel il s’engouffre, crachant par terre une bile noire alors que son corps se courbe. « Tu as choisi ton moment pour mourir, je vais juste rester là pour pouvoir intervenir au plus vite. » Dans la lumière du jour naissant Lonnie devine le visage d’une jeune femme encore en tenue qui s’agite pour ranger différents éléments dans le camion sur lequel le flic prend appuie pour se redresser. « Non, ça va. » C’était un mensonge que la brune pouvait facilement contredire mais Lonnie avait secoué la tête comme pour reprendre ses esprits. « Désolé, c’est mon premier cas d’incendie et je ne m’étais pas préparé à tout ça. » La main tendue devant lui le flic s’était approché du pompier. « Lonnie Hartwell, affaires familiales. Vous avez réussi à tirer des survivants ? » Plus pour le côté humain que pour le côté professionnel Lonnie avait envie d’apprendre une bonne nouvelle au milieu de toute cette merde.
L’envie d’aider lui avait pris les tripes comme jamais. Elle s’était placée sur chaque front laissant une place vacante afin de donner le meilleur d’elle-même et c’est ça la grande nouveauté dans son comportement : on parle de meilleur et de dépassement de soi, là où Lene a toujours préféré rester assise sur ses acquis sans jamais rien précipiter. C’est sans aucun doute le fait de n’avoir jamais eu à vivre une telle urgence qui suscite sa réaction. Ou peut-être d’avoir revu en observant la maison en flamme, cette nuit de 2016, où la fameuse tempête avait fait rage sur tout Brisbane, quand c’était elle la victime prisonnière d’un tas de fer et à la merci du danger en attendant qu’une personne avec assez de bon fond pour ne pas partir en courant vienne l’aider. Cette nuit, elle avait saisi l’occasion d’être de ceux qui donne de leur personne et non pas juste l’opportunité simple d’être la nana qui fait son taff, rien de plus. Le minimum du minimum. Et c’est avec un étrange sentiment de fierté qu’elle finit la nuit, quand l’incendie est éteint sans que l’on ne déplore aucun décès dans ses rangs. Etrange sentiment, parce que si aucun pompier n’a péri dans les flammes, elle ne peut pas être totalement fière car c’est bien deux enfants dont elle a vu les corps calcinés être enveloppé dans des sacs mortuaires et que fondamentalement, quand on n’est pas un vrai monstre (même si Lene se targue du contraire) on ne peut pas se sentir victorieux après ça. Elle essaie tant bien que mal de tenir en se répétant que vue l’avancée des flammes à leur arrivée, il aurait fallu une intervention divine pour empêcher la catastrophe et qu’il faudra qu’elle arrive à dormir en ne pensant qu’au positif. Elle parvient toutefois à se sortir de ses pensées et du mode pilote automatique qu’elle avait enclenchée dans le but de gérer son choc et ses pensées tout en faisant ce qu’on lui demande quand elle aperçoit un gus qui n’a rien à faire là mais qui vomit derrière le camion, à l’abri de tous. Evidemment que sa première réaction est de se moquer, on parle d’une Lene en choc qui répond à son premier réflexe grégaire : la moquerie. « Non, ça va. » Elle n’ajoute rien de verbal parce qu’elle ne veut pas donner l’impression de s’acharner mais le haussement de sourcil qu’elle lui adresse pour toute réponse veut bien dire ce que l’on pense tous : Il n’a pas l’air bien du tout, et d’ailleurs, elle tente de rester à une distance raisonnable pour s’épargner une éventuelle galette. « Désolé, c’est mon premier cas d’incendie et je ne m’étais pas préparé à tout ça. » L’odeur. C’était son premier cas énorme comme ça mais pas le premier cadavre qu’elle voyait sortir de cette façon. Elle serait tentée de lui dire que c’est bien pire qu’elle opère sur des accidents de voiture mais ça ne serait pas moral que de hiérarchiser la gravité des accidents de la vie. « Lonnie Hartwell, affaires familiales. Vous avez réussi à tirer des survivants ? » Elle ne s’attendait pas à ce qu’il soit flic, sa seconde réaction après un court instant de surprise est donc de lui serrer la main tout en se présentant à son tour. « Adams. » Ne sachant pas quoi dire de plus sur son grade, elle accompagne l’annonce de son nom de famille d’un geste de la main qui montre ce qu’il savait déjà, qu’elle était avec les pompiers. Pour ce qui est de la suite de la question, elle ne sait pas si c’est à elle de lui répondre. « Les informations officielles sont celle que vous donneront mon supérieur après un début d’enquête. » l’informe t’elle parce qu’elle reste en bas de l’échelle et que ce qu’elle a à dire ne peut pas être pris pour acquis dans une enquête. Seulement, elle décide de ne pas laisser planer de doute et de dire au moins ce qu’elle sait. « Seulement la mère de famille a survécu. Elle a été transporté en urgence à l’hôpital avec un pronostic vital engagé. » explique t-elle avant de poursuivre, et en se positionnant à l’affût des fois que l’annonce qu’elle s’apprête à faire le fasse vomir. « Ses deux enfants sont décédés. On a tiré leurs corps des flammes mais il était déjà morts avant qu’on arrive. » Et elle se rend compte que son ton est étrangement neutre alors que son annonce reste assez choquante. « Quant au père de famille, on essaie de le joindre. Les voisins ont dit qu’il était absent depuis quelques jours, le travail, parait-il. Je n’en sais pas plus. » finit t-elle par avouer. Elle n’a pas mis les pieds à l’intérieur. Elle n’a pas échangé longuement avec les autres. Elle a juste écouté les bruits alors qu’elle rangeait. « Vous êtes sûrs que ça va ? » rajoute t-elle, vraiment suspicieuse.
I'm not passive but aggressive, Take note, it's not impressive. Empty your sadness, like you're dumping your purse On my bedroom floor, We put your curse in reverse. And it's our time now if you want to to be, More the war like the carnival bears set free
▼▲▼
C'était inscrit dans ses tripes, au fin fond de son estomac qui lui criait que chaque histoires étaient importantes, que ses actes pouvaient avoir des conséquences sur la vie des autres en plus de la sienne. Lonnie pouvait sentir l'odeur, dégoûtante, bien trop présente, des corps calcinés que les pompiers sortaient un par un des vestiges de la maison, et ça lui retournait le cœur à chaque fois qu'il posait le regard sur un brancard que les hommes du feu avaient recouvert d'un drap noir. Première affaire d'incendie pour le bleu, première fois qu'il travaillait de paire avec les pompiers, première fois aussi qu'il avait senti son estomac se tordre devant la scène qui se jouait devant ses yeux. Peu habitué des spectacles aussi macabres Lonnie avait préféré s'isoler un instant après avoir recueilli les témoignages des voisins qui, de toute façon, n'avaient rien vu ni rien entendu. C'était peine perdue que de demander à des gens sous le choc si ils n'avaient rien remarqué de particulier, parce qu'ils étaient trop occupés à jouer les voyeurs pour faire un devoir de mémoire sur les événements des dernières 24h. Appuyé contre un camion de pompier, à l'abris des regards des badauds comme de ses supérieurs, Hartwell avait déglutit lourdement en cherchant à reprendre sa respiration, bientôt ininterrompu par une jeune femme, inquiète de le trouver dans un état aussi misérable, sans doute prête à dégainer le défibrillateur au moindre signe de faiblesse de la part du jeune homme. Essuyant son front du dos de la main Lonnie s'était essayé à un sourire afin de la convaincre que tout allait bien, qu'il allait s'en remettre. Mensonge, autant pour lui que elle qui pouvait facilement deviner que Lonnie n'allait pas bien, du tout. C'était sans doute les corps brûlés des gamins qui lui donnait envie de s'évanouir, mais il fallait se montrer assez courageux, assez professionnel, peu importe la situation dans laquelle il se trouvait. La main tendue devant lui après une présentation formelle le bleu avait haussé un sourire devant le regard de la brune, pas du tout convaincue par la façon qu'il avait de mentir. « Adams. » Bien, il n'aura que ça à se mettre sous la dent. Elle désigne la camion d'un geste de la main et Lonnie ne peut qu'hocher la tête devant cette situation aussi ridicule que nécessaire pour le jeune homme qui avait bien besoin de regarder autre chose que les corps des gamins. « Les informations officielles sont celle que vous donneront mon supérieur après un début d’enquête. » Ah, pas une bavarde donc, ou une intelligente plutôt. Ne rien dire pour ne pas se faire taper sur les doigts, Lonnie ne pouvait que comprendre alors il hocha simplement la tête avant de ranger son carnet dans la poche intérieur de sa poche. « Ok, je comprend... » Elle n'avait pas l'air d'en savoir plus en fin de compte, sans doute une bleue, une nouvelle qui se contentait de faire son boulot sans faire de vague, et il ne pouvait que compatir à ce genre de choses. « Seulement la mère de famille a survécu. Elle a été transporté en urgence à l’hôpital avec un pronostic vital engagé. » Dans un regard vers son supérieur, affairé à discuter avec le chef des pompiers, Lonnie avait deviné que cette histoire irait bien plus loin que le simple petit feu domestique. « J'espère qu'elle s'en sortira et qu'elle nous donnera des informations sur tout ça. » Dans un coin de sa tête Lonnie rangea l'idée que c'était bien trop étrange qu'elle ait survécu alors que ses gamins avaient trouvés la mort, parce que n'importe quelle mère se serait battu jusqu'à la fin pour protéger ses gosses. « Ses deux enfants sont décédés. On a tiré leurs corps des flammes mais il était déjà morts avant qu’on arrive. » Hartwell, une moue inquiète sur le visage, retourna chercher le petit carnet de sa poche intérieure pour y noter les premières informations partagées par la jeune femme, qu'elle le veuille ou non elle venait de donner des éléments plus qu'importants dans cette histoire, et Lonnie n'avait même pas eu besoin de lui tirer les vers du nez. Une main refermant le carnet, l'autre essuyant un front toujours trempé de sueur, Lonnie avait fini par soupire lourdement. « C'est très étrange comme histoire, bien trop pour être un coïncidence. Vous avez trouvé l'origine du feu ? » Il posait trop de questions, ça allait finir par lui péter à la gueule et la brune pouvait se refermer comme une huître en ne lui laissant plus d'autre choix que de rentrer au commissariat à la queue entre les jambes. « Quant au père de famille, on essaie de le joindre. Les voisins ont dit qu’il était absent depuis quelques jours, le travail, parait-il. Je n’en sais pas plus. » Il avait acquiescé, foutu les mains dans ses poches avant d'hausser un maigre sourire sur son visage. « Merci pour vos réponses, Adams. » Sans connaître son prénom Lonnie avait confiance en elle, assez pour lui montrer que - malgré ses efforts - il n'allait pas bien, du tout. La chaleur, l'odeur, la tension autours de cette histoire, tout était parfaitement mis en place pour faire tourner de l'oeil au flic qui n'avait jamais connu rien de tel. « Vous êtes sûrs que ça va ? » Lonnie avait pris place sur le rebord du camion, crachant ses poumons sur le sol alors qu'il desserrait d'une main le nœud de sa cravate. « A vrai dire je suis pas au mieux de ma forme. » Maigre sourire sur les lèvres, tremblantes, le flic avait fait glissé une cigarette au coin de sa bouche, sans l'allumer pour autant. « C'est pas super hein ? S'en griller une après un incendie ? Mais ça me fera peut-être oublier l'odeur. » Elle avait l'air gentille, assez pour que le bleu se sentes en confiance malgré tout, assez pour qu'il se livre sur cette le malaise qui l'habitait.
Ce n’était pas son rôle à elle de répondre aux questions. Dans chaque escouade, il y’avait un supérieur, quelqu’un payé pour coller les morceaux ensemble et faciliter le travail des forces de l’ordre et ce quelqu’un, ce n’est pas elle. Elle, elle fait partie de ceux qui range leur fierté dans un coin quand un évènement aussi grave arrive pour mettre la main à la patte et participer à l’effort commun même si de toute évidence, dans les récits de cette soirée, l’histoire aura oublié la débile qui s’est fait chier à amener le matériel d’un point a un point b. Et ça, c’est pas grave qu’elle se dit, parce que c’est comme ça que la camaraderie s’installe. « Ok, je comprend... » répond le garçon quand elle s’absout de toute responsabilité qui découlerait de ses propos. Elle répète ce qu’elle a entendu et par conséquent, rien n’est fiable à 100% dans ce qu’elle raconte, d’ici une heure, les gars pourraient avoir fait une découverte majeure sur l’incendie qui changerait totalement le sens de ce qu’elle dirait. C’est donc ainsi qu’elle se retrouve à faire l’état des lieux, deux enfants morts – présumé dans leur sommeil - retrouvés calcinés et une mère à l’article de la mort. « J'espère qu'elle s'en sortira et qu'elle nous donnera des informations sur tout ça. » lâche Lonnie Hartwell sur un ton qui ne manque pas de surprendre Lene, la façon dont il « espère » que la mère s’en sortira est prononcée de la même façon où l’on dit à ses camarades de classe qu’on espère que la chute de cheval de Sandra Jenkins au lycée n’est pas grave alors que dans le fond, tout ce qu’on espère, c’est que cette garce déguste. Peut-être qu’elle se trompe. Peut-être. Si cette question était un vrai sujet de conversation, Lene se contenterait de répondre qu’on n’apprend pas au vieux singe à faire la grimace. Là n’est pas le sujet. « C'est très étrange comme histoire, bien trop pour être un coïncidence. Vous avez trouvé l'origine du feu ? » Ouais, il se méfie d’un truc. Elle pourrait le dire mais alors qu’il pousse, elle se sent piquée par autre chose : la façon dont sa question sonne comme un reproche car non, l’origine n’a pas été trouvée. « Pas encore, pour le moment on s’occupe de soigner nos gars qui vienne de mettre leur vie en danger. » C’est dit calmement, ou presque. Elle ignore ce qui trotte dans sa tête mais elle a peur qu’il s’y passe tout ce qu’elle ne voulait en lui signifiant que ses réponses n’ont aucune valeur : qu’il tire des conclusions hâtives. Surtout que, d’ici quelques heures, le bureau sera chez eux si le collègue déduit un incendie criminel et chez un assureur si tout cela est accidentel. « Merci pour vos réponses, Adams. » conclut-il, à la bonne heure. C’est peut-être parce qu’elle n’a pas la meilleure expérience des forces de l’ordre mais elle n’était vraiment pas à l’aise à l’idée d’avoir à répondre à ses questions. Conscience professionnelle oblige, elle reste à ses côtés, s’inquiétant de son état. Il n’a vraiment pas l’air bien. « A vrai dire je suis pas au mieux de ma forme. » admet-il, regagnant un peu du respect de Lene parce que clairement s’il avait tenté de jouer les hommes forts alors que sa gueule fait peur, elle serait partie ailleurs où on aurait besoin d’elle. Elle reste malgré tout frappée par l’incompréhension quand elle le voit sortir une cigarette. Elle ne fume pas donc l’idée n’est pas de base très reluisante mais avec cette odeur de fond, elle a la gerbe rien que d’y penser. « C'est pas super hein ? S'en griller une après un incendie ? Mais ça me fera peut-être oublier l'odeur. » « Ou alors, ça vous filera encore plus la gerbe. » réplique t-elle, non sans cacher le jugement dans le son de sa voix avant d’ajouter. « Vous êtes sur les lieux d’un incendie et tout ce que vous pensez à faire, c’est vous allumer une clope. Reconnaissez que ça a une sacrée ironie. » Et elle mentirait si elle ne montrait pas que ça l’amuse un peu, ce côté illogique de sa décision et que clairement si elle n’était pas dans le métier et non sensibilisée aux conséquences d’une cigarette mal éteinte, elle rirait. « Je peux aller vous chercher un masque, ça vous permettrait de respirer un peu d’air propre, ça fait toujours ça quand on a pas l’habitude mais ça passera. » assure t-elle, prête à aller chercher le fameux masque s’il en fait la demande. « Parce que j’imagine que c’est votre premier incendie ? » demande t-elle, perspicace mais en même temps, seul un bleu l’aurait questionné elle.
I'm not passive but aggressive, Take note, it's not impressive. Empty your sadness, like you're dumping your purse On my bedroom floor, We put your curse in reverse. And it's our time now if you want to to be, More the war like the carnival bears set free
▼▲▼
Confronté à la réalité du monde et de ces accidents ménagers qui faisaient énormément de morts chaque année Lonnie n’avait pas réalisé l’importance de l’odeur d’un incendie qui ravage une maison et une famille. Outre l’odeur de bois calciné et la fumée épaisse qui s’élevait au-dessus du petit pâté de maison, il y avait surtout l’odeur des corps brûlés, qui prenait le nez et à la gorge et forçait policiers et pompiers à se couvrirent le visage pour ne pas en prendre plein la gueule, pour ne pas vomir leur repas. Adossé à un camion à quelques mètres de la scène et de son supérieur qui roulait des mécaniques pour se faire entendre, le flic avait pris le temps de libérer sa gorge de de la fumée en crachant sur le sol, ce n’était pas glamour mais ça lui éviterait au moins d’avoir à rendre son dîner sur les bottes d’un pompier qui en avait déjà assez bavé pour cette nuit. La brune à ses côtés, qui avait été assez aimable de souligner qu’il n’avait pas l’air au mieux de sa forme, se retrouva bombarder de questions par un Lonnie soucieux de se changer les esprits et de repartir au poste avec quelques vers tirés du nez des pompiers présents sur place. Elle était réticente, à raison, mais le flic pouvait sentir qu’elle n’avait quasiment pas de bagage dans son métier, une jeunette comme lui qui n’allait pas le renvoyer dans ses vingt-deux à la première question. Ce qu’elle veut bien lâcher ce n’est que les informations qu’elle a reçu de la part de ses collègues, mais Lonnie s’en contentera pour ce sortir, déjà éprouvé par cette situation il ne voulait pas avoir à se battre pour soutirer deux/trois murmures qui seront sans doute révoqués une fois l’enquête démarrée. Mais il y avait quand même une chose qui le chagrinait dans cette histoire, et on pouvait bien voir que ça emmerdait aussi la jeune femme. Cette mère retrouvée vivante, dans un sale état mais vivante, alors que ses deux gamins avaient trouvés la mort. Et puis cette origine du feu, et toutes les questions qui se bousculent dans son esprit et qui lui font oublier l’odeur pestilentielle tout autour. « Pas encore, pour le moment on s’occupe de soigner nos gars qui vienne de mettre leur vie en danger. » Certes. Expression con sur le visage, gamin que l’on vient de punir d’un coup de règle sur les doigts, Lonnie ne peut qu’assister à la parade du pompier qui monte sur ses grands chevaux. Alors il se fait tout petit, recule de quelques pas pour ne pas prendre trop de place. « Vous avez raison, chaque chose en son temps. » Pour seule excuse, incapable de former les mots adéquats pour se faire pardonner.
Remerciant la jeune femme, Adams donc, pour les réponses si gentiment apportées au dossier, Lonnie avait redoublé d’efforts pour ne pas s’écrouler, trouvant refuge sur le bord du camion alors qu’il plongeait sa main dans la poche de sa veste. Oh douce ironie que de vouloir fumer alors qu’un brasier avait détruit la vie de plusieurs personnes, dont des mômes. Mais c’était là toute l’histoire de son existence, toujours les mauvais gestes aux mauvais moments, peut-être dans l’espoir que la fumée de sa cigarette lui fasse oublier la fumée senteur corps de l’incendie. « Ou alors, ça vous filera encore plus la gerbe. » Elle était rassurante en plus d’être sympa. Le ton de jugement dans la voix d’Adams attire un sourire sur les lèvres du flic qui, cigarette pendante, arrête son geste. « Je suis prêt à prendre le risque, ça me fera perdre des kilos. » Une blague sur les boulimiques plus tard Lonnie avait allumé la cibiche avant de ranger son briquet dans la poche de son jean. Nope, ce n’était pas une bonne idée effectivement. Le goût de la clope lui soulève le cœur alors qu’il s’accroche au camion pour ne pas tomber dans les pommes, s’il avait voulu faire le malin devant la brune il était maintenant clair qu’elle ne prendra plus aucunes de ses paroles au sérieux. « Vous êtes sur les lieux d’un incendie et tout ce que vous pensez à faire, c’est vous allumer une clope. Reconnaissez que ça a une sacrée ironie. » Lèvres pincées Hartwell avait hoché la tête à l’affirmative avant de reprendre un peu de cancer, toujours pas une très bonne idée. Il avait regardé la cigarette se consumer quelques minutes avant de tenter de se remettre sur ses jambes, bien trop chancelantes pour tenir mais il était hors de question de se ridiculiser devant Adams. « Ça prouve que surtout que je suis très con, et très peu habitué à ce genre de situation. » Lonnie avait écrasé la clope encore entière contre le dessous de sa chaussure avant de la ranger dans le paquet qui allait maintenant dégager une odeur désagréable de clope froide, tant pis.
« Je peux aller vous chercher un masque, ça vous permettrait de respirer un peu d’air propre, ça fait toujours ça quand on n’a pas l’habitude mais ça passera. » Dans d’autres circonstances, c’est-à-dire sans son supérieur qui rôdait dans les parages tel un coq de basse-cour, Lonnie aurait sûrement répondu à l’affirmative. Mais il avait trop de trucs à perdre si jamais on le voyait aussi faible, bien que ça n’était pas être faible que d’avouer ses faiblesses, alors que son patron l’avait tiré d’une nuit à remplir des dossiers pour enfin l’amener avec lui dans une véritable enquête de terrain qui ne se résumait pas à « la fille de la voisine terrorise la mienne, elle est gothique vous savez. ». « C’est gentil mais je voudrais pas prendre de l’oxygène qui pourrait servir à quelqu’un d’autre. » Tenant à peine sur ses jambes Lonnie avait adressé un coup d’œil à son supérieur, toujours affairé autours du chef des pompiers dans une partie de bras de fer afin de savoir qui allait récupérer le plus d’informations possible. C’était pathétique mais tellement galvanisant de se dire que les flics et les pompiers répondaient encore à ce cliché de rivalité que l’on voyait partout dans les séries. « Parce que j’imagine que c’est votre premier incendie ? » No shit Sherlock. Le flic avait dodeliné de la tête, les mains sur les hanches alors qu’il cherchait à respirer par la bouche plutôt que par le nez. « C’est mon visage dégoûté qui m’a vendu ? » Au moins il gardait son misérable sens de l’humour, même dans une situation aussi lugubre. « Ouais, premier incendie. Première fois aussi que je vois des corps complètement brûlés. » Il omet de rajouter que c’est aussi la première fois qu’il voit un pompier femme en dehors de son poste de télévision, parce qu’il n’a pas envie de jouer la carte de l’ignorant sexiste. « Je peux vous demander votre avis personnel sur cette histoire ? » Comme ça elle ne serait pas obligé de vendre des informations, elle ne serait pas obligé non plus de lui dire la vérité, c’était du gagnant-gagnant pour Adams et un moyen pour Hartwell de rester concentré sur l’affaire. « Genre, qu’est-ce que vos tripes vous disent là maintenant ? »Parce qui lui il ne ressentait qu’une chose, toute cette scène était bien étrange pour que tous les morceaux s’alignent parfaitement.
Peut-être aurait-elle du dès le début refuser de s’adresser à lui pour ce qui est de son enquête. Lene sent à tout moment qu’elle pourrait dire quelque chose qui pourrait réellement compromettre l’enquête, d’apporter une information basés sur de faux-faits ou des déductions rapides qui pourraient fausser les observations du jeune Hartwell. Puis tout ça, c’est trop sérieux. Elle est juste là pour faire ce qu’on lui demande, on ne lui demande pas de penser, d’avoir un avis ou de retenir quoi que ce soit qui ne soit pas lié directement au traitement du feu. « Vous avez raison, chaque chose en son temps. » Accepte-t-il alors qu’elle rappelle à sa mémoire que plusieurs de ses collègues sont encore à se remettre de l’expérience et que par conséquent, son enquête attendra que les gens en vie soient en état pour avoir l’opinion définitive des pompiers. Lene n’a peut-être pas utilisé du meilleur ton mais il ne semble pas s’en offusquer pour autant, bien. Finalement, le sujet s’arrête là tandis qu’elle l’observe, son instinct de pompier l’amenant à ne pas partir trop vite parce qu’il semble bien trop pale pour continuer à tenir debout encore longtemps. Une impression qu’il confirme avant de proposer de s’en griller une. Mindfuck total. « Je suis prêt à prendre le risque, ça me fera perdre des kilos. » Elle se retient très difficilement de lui demander si c’est vraiment le moment de penser à sa ligne. Elle l’a déjà un peu brusqué il y’a quelques minutes, elle ne voudrait pas paraitre trop violente auprès d’un officier de police. Celui-ci n’est pas là pour la contrôler au volant, mais quand même. « Ça prouve que surtout que je suis très con, et très peu habitué à ce genre de situation. » Ajoute t-il alors qu’elle pointe quand même l’incongruité de son geste. Elle ne peut s’empêcher d’échapper un rire quand il avoue être con. Ce n’est pas gentil mais il aura dit lui-même ce qu’elle aura pensé et bref, ça l’aurait fait rire une demi-seconde. Elle tait la suite afin de ne pas lui manquer de respect. Souhaitant rattraper son geste, elle propose un masque. Respirer de l’oxygène propre peut aider même si le secret – enfin, si secret est le qualificatif adéquat - c’est l’habitude. « C’est gentil mais je voudrais pas prendre de l’oxygène qui pourrait servir à quelqu’un d’autre. » Il ne s’aide pas, mais au moins, elle aura obtenu de lui qu’il range sa clope. C’est une petite victoire. Elle continue de le fixer, se demandant s’il serait méchant qu’elle parie avec elle-même sur le temps qu’il va encore tenir debout. Certainement que ce serait méchant. Autour d’eux, les gars continuent de ranger le matériel. Les autres sont partis en soin, pour vérifier s’ils n’ont pas pris trop de fumée. « C’est mon visage dégoûté qui m’a vendu ? » Demande t-il alors qu’elle fait ses observations sur son état. Elle se dit qu’il aurait du l’accepter ce masque mais que peut-être quelque part, il y’a une fierté masculine qui l’en empêche. C’est bête parce que c’est comme ça pour tous. Pour elle aussi, l’odeur des premiers incendies provoquaient des vomissements. Puis, elle s’est habituée. « Je dirais qu’il y’a de ça. » répond t-elle discrètement. « Ouais, premier incendie. Première fois aussi que je vois des corps complètement brûlés. » Elle ne dit rien. Sa première fois lui repasse sous ses yeux. Bien sûr, ce n’était pas des gamins, bien que ce détail émeuve difficilement Lene qui penserait pareil d’une personne âgée que d’un môme. Elle se rappelle de l’odeur, d’un premier contact avec la mort inéluctable de quelqu’un. Elle n’ajoute rien, ce genre d’expérience, on en parle pas. « Je peux vous demander votre avis personnel sur cette histoire ? » Coupe Lonnie, la sortant au passage de ses pensées. « Genre, qu’est-ce que vos tripes vous disent là maintenant ? » Elle ne sait pas si elle devrait parler, mais il a bien dit que ce serait un avis « personnel » et non « professionnel » et que donc, se tromper est possible. « Ça resterait off record ? » Qu’elle demande, ne sachant pas si elle devrait parler si son opinion courte le risque d’être inscrite dans un dossier. Elle soupire avant de s’installer sur le premier truc qui lui permet de s’asseoir face à lui. Ce qu’elle pense de tout ça, elle n’y avait pas accordé du temps. Elle s’était concentrée sur l’action mais maintenant qu’elle prenait le temps d’y réflechir, certains détails pouvaient être perturbants. « Déjà, on peut se demander pourquoi personne n’a été réveillé. » Souligne-t-elle avant de pouvoir son idée. « Normalement, quand on a des décès de ce type là, c’est que la victime n’a pas pu sortir et s’est retrouvé prisonnière du brasier. On retrouve des corps recroquevillé dans un coin mais pas « endormi » » Soudainement, ça parait étrange. Alors bien sûr, les enfants auraient pu s’asphyxier en dormant mais il est plus probable que la chaleur généré par le feu les ait réveillés. « Et puis la mère … » Ajoute t-elle en revisitant la façon dont elle été évacuée. « Elle a été trouvé dans la maison après avoir respiré beaucoup de fumée. L’hypothèse serait qu’elle se soit retrouvée piégée mais elle n’était pas à l’étage. A chaque fois qu’un cas comme ça se présente, les parents tambourinent comme des fous à la porte des enfants. Elle ne l’a pas fait. » Termine t-elle de raconter avant de se dire qu’elle psychote tout de même beaucoup et qu’elle ferait mieux de se taire si elle ne veut pas l’amener sur une autre piste. « Après, je soutiens. Pour votre enquête, basez vous uniquement sur le rapport de mon collègue. Je cherche peut-être la petite bête là où elle n’est pas. »
I'm not passive but aggressive, Take note, it's not impressive. Empty your sadness, like you're dumping your purse On my bedroom floor, We put your curse in reverse. And it's our time now if you want to to be, More the war like the carnival bears set free
▼▲▼
Si Adams n'était pas du genre bavarde Lonnie pouvait au moins compter sur son côté terre-à-terre qui lui faisait comprendre que cette situation n'avait rien de normal, de l'incendie dans cette maison jusqu'à la tactique du policier pour essayer d'en savoir plus. Criminel, volontaire, involontaire, toutes les possibilités fourmillaient dans l'esprit du Hartwell qui n'avait même pas pris le temps de demander à la jeune femme si tous les pompiers de son équipe s'en étaient sortis. Il était idiot sans le vouloir, un peu niais dans sa façon de parler et d'agir face aux conséquences de cette incendie qui privait la ville d'enfants innocents qui n'avaient rien demandés à personne. C'était peut-être ça le pire dans ce boulot, savoir et ne pouvoir rien faire face à ça. Quand il avait vu les corps sur les brancards Lonnie avait du retenir un hoquet de tristesse, pour la première fois depuis longtemps il avait remis en question sa participation dans des enquêtes comme celles-ci qui, au bout du compte, allaient peut être le ruiner psychologiquement. Alors ça n'est pas par intérêt qu'il pose toutes ces questions à Adams, parce qu'il n'en a rien foutre du rapport qui va suivre cette soirée ou bien du regard insistant de son supérieur quand il reviendra les mains vides, en fait il a juste besoin de savoir ce qu'il s'est passé dans cette maison pour qu'un feu détruise les bois et les vies de ces gamins. Sans vraiment montrer de grands signes d'inquiétude la brune à quand même une pensée pour lui alors que son regard dévisage la mine dégoûté d'un Lonnie qui n'arrive toujours pas à se remettre de l'odeur de brûlé. « Je dirais qu’il y’a de ça. » Qu'elle lui répond nonchalamment alors que le flic prend place sur une des petites marches du camion de pompier, rêve de gosse qui se réalise sous ses yeux mais dont il n'a pas vraiment conscience. Ça lui arrache quand même un sourire alors qu'il hausse des épaules tout en essayant de contrôler sa respiration pour ne pas rendre son repas sur les pompes de la brune qui passait déjà une soirée plus que bof. « Je pense qu'on s'habitue, non ? » Dans un coin de sa tête il garde quand même l'idée de ne jamais remettre les pieds sur les lieux d'un incendie, histoire de ne pas non plus tenter le diable. Il acquiesce quand elle lui demande si c'est le première incendie, à vrai dire il pensait que sa tête suffisait à faire comprendre qu'il n'avait pas l'habitude de ce genre de chose, mais autant rester un minimum poli avec la personne qui pouvait vous réanimer en cause de malaise.
Pour se changer les idées mais aussi pour essayer de faire un minimum son boulot Lonnie avait posé une question risquée, quitte à se prendre un énorme vent dans la tronche, ça calmerai peut-être la nausée. Adams devait bien avoir une opinion, un avis sur cette affaire, et même si elle ne voulait ou ne pouvait pas forcément en parler le flic avait l'impression qu'elle se mordait la langue pour ne pas en dire plus. « Ça resterait off record ? » Le jeune homme s'était relevé un tenant ses genoux comme une personne âgée avant d'acquiescer d'un signe de tête, le carnet dans sa poche intérieur resterait planqué pour cette fois. « Bien sur, c'est juste entre nous, promis. » Une promesse qu'il tiendrai, même si Bates lui passe une beuglante en rentrant Lonnie ne voulait pas prendre le risque de perdre une source chez les pompiers, il se devait de gagner sa confiance afin de pouvoir l'utiliser si jamais une nouvelle collaboration était mise sur le tapis. « Déjà, on peut se demander pourquoi personne n’a été réveillé. Normalement, quand on a des décès de ce type là, c’est que la victime n’a pas pu sortir et s’est retrouvé prisonnière du brasier. On retrouve des corps recroquevillé dans un coin mais pas « endormi » » C'était un bon point, un point même excellent que la jeune femme venait de soulever et Hartwell ne pu qu'hocher la tête, mémorisant les dires d'Adams afin de pouvoir apporter de nouvelles pistes à cette enquête. « Et là les corps étaient ... immobiles ... presque comme si ils étaient décédés avant l'incendie ... » Qu'il avait murmuré entre ses lèvres, plus pour lui que pour la jeune femme qui aurait fait - de toute évidence - un très bon agent de police. « Et puis la mère … Elle a été trouvé dans la maison après avoir respiré beaucoup de fumée. L’hypothèse serait qu’elle se soit retrouvée piégée mais elle n’était pas à l’étage. A chaque fois qu’un cas comme ça se présente, les parents tambourinent comme des fous à la porte des enfants. Elle ne l’a pas fait. » La mère était le point sensible de cette histoire, la petite pièce du puzzle qui ne rentrait pas dans cette situation morbide, et Lonnie avait un pincement dans l'estomac à chaque qu'il pensait à cette matriarche qui n'avait, apparemment, rien fait pour essayer de sauver ses enfants. « L'étage était peut-être bloqué ? Encombré par des poutres ou des obstacles qui l'aurait empêché de monter ? » Si il posait les questions c'était pour avoir des réponses, mais Lonnie avait fait la promesse de garder les choses sous secret et il ne voulait pas perdre la confiance de la jeune femme. Les mains sur les hanches il avait jeté un coup d'oeil à la baraque qui fumait encore derrière le camion de pompier et aux badauds encore présents qui n'étaient décidément pas pressés de rentrer chez eux. « Après, je soutiens. Pour votre enquête, basez vous uniquement sur le rapport de mon collègue. Je cherche peut-être la petite bête là où elle n’est pas. » Sorti de ses pensées par les paroles de la jeune femme Lonnie avait serré les lèvres puis passé une main sur son front pour en retirer la transpiration. « Pas de soucis Adams, vous ne serez pas impliquée dans tout ça ... On se basera sur ce que le rapport uniquement. » Il avait osé un demi sourire avant de balancer sa veste de sur ses épaules afin de récupérer un peu d'air. « Vous faites ça depuis longtemps ? » Il avait pointé du menton la maison puis le camion de pompier avant de reprendre d'une voix amusée. « Rêve de gosse ou coup du destin ? » Parce qu'il pouvait reconnaître ceux qui avaient passés leur enfance à vouloir quelque chose, et Adams ne semblait pas faire partie de cette catégorie.
Est-ce qu’on s’habitue vraiment à l’idée de ce spectacle ? Lene serait trop dire et pour toute réponse au policier, elle se contente d’hausser les épaules. Plus que l’habitude, elle dirait que c’est la résignation qui fait son œuvre, le fait que de savoir que l’on ne peut pas sauver tout le monde et que de temps en temps, des sacrifices sont à prévoir. Seulement, expliquer àa à un type qu’elle connait depuis tout au plus une demi-heure sans passer pour la grande méchante sans cœur de service, elle ne sait pas faire c’est pourquoi un simple geste sera sa réponse tandis qu’ils passent à autre chose et qu’il se risque à obtenir une opinion personnelle venant de Lene qu’elle hésite pas mal à partager. « Bien sûr, c'est juste entre nous, promis. » Elle émet un doute quelques secondes, ne sachant pas si ses promesses valent vraiment quelque chose ? Dans le pire des cas, elle risque sûrement une mise à pieds pour avoir partagé de mauvais renseignements, quant à lui, ça devrait être le remerciement définitif pour avoir fondé une enquête sur des propos non-fondé. Ce qui délie la langue de Lene, c’est bien la certitude que dans cette histoire, il a bien plus à perdre qu’elle. C’est pourquoi elle finit par ouvrir un peu la bouche. Sans dire que toute cette histoire est un complot, il y’a des points sur lesquels on peut s’attarder et se poser des questions. « Et là les corps étaient ... immobiles ... presque comme si ils étaient décédés avant l'incendie ... » Elle hausse les épaules. Elle n’irait dire qu’ils l’étaient mais des personnes qui ne se réveillent pas alors que la maison est un brasier, c’est très rare. Puis, elle finit par se pencher sur la mère qu’ils sont retrouvé en vie bien qu’amochée. Là, elle est bien plus titillée par un point, le fait qu’hormis parce qu’elle a respiré beaucoup de fumée, son intégrité physique n’est pas menacée. « L'étage était peut-être bloqué ? Encombré par des poutres ou des obstacles qui l'aurait empêché de monter ? » propose Lonnie alors que Lene hoche à nouveau la tête pour lui faire comprendre pourquoi ce fait est louche. « Je crois que vous ne comprenez pas, dans des cas comme celui-ci, les mères préfèrent perdre leurs mères à arracher les poutres elle-même plutôt que de quitter les lieux sans leurs enfants. » Ce qui lui fait un p’tit peu mal à y penser parce que clairement sa propre mère ne se serait pas battue autant pour elle mais la digression n’a pas sa place. Son avis donnée, elle insiste sur le fait de ne pas vouloir de problème suite à l’échange. « Pas de soucis Adams, vous ne serez pas impliquée dans tout ça ... On se basera sur ce que le rapport uniquement. » Elle acquiesce, ravie de sa réponse. Tout ce qu’elle a dit n’est basé que sur des suppositions venant d’une nana qui dévore le premier docu-fiction qu’elle peut croiser sur des tueurs en série quand ça tombe sur netflix. Quelle crédibilité peut-on y accorder? « Vous faites ça depuis longtemps ? » coupe Lonnie alors qu’elle s’apprête à prendre congé, le fait de parler avec lui commençant à lui mettre la puce sur un matricule qui pourrait chauffer. « Deux ans. » répond t-elle simplement « Rêve de gosse ou coup du destin ? » Sa curiosité l’étonne. Elle lui jette un coup d’œil, cherchant à déceler pourquoi cette interrogation qui n’a rien à voir avec son enquête avant de finalement répondre. Après tout, la réponse n’est pas aussi sensass qu’on le pense. « Coup du destin. J’ai des factures à payer m’voyez. » souligne t-elle avec un sourire, non sans ajouter que les factures ont arrêtées d’être un soucis depuis un bon moment. C’est cet instant que choisit le ciel pour gronder, prévenant d’un orage qui n’était pas prévu mais qui semble certain. C’est la pluie qui confirme tout. Après tout, c’est l’hiver presque alors pas de surprise de ce côté-là, il ne faut juste pas rester là. Sans attendre, elle attrape le poignet du policier, pas aussi bien équipée qu’elle pour la météo avant de l’inviter à entrer à l’intérieur du camion le temps que la météo se calme. « Voilà qui va compliquer votre enquête. » dit-elle avant de demander « Inspecteur ? » Par simple curiosité alors qu’il ne lui semble pas lui avoir annoncé avoir ce grade quand il s’est présenté. « Je suis sûre que pour vous c’était un rêve de gosse. » commente Lene avant d’ajouter « Faites attention à ne pas prendre les choses trop à cœur. » Les choses comme deux gamins qui finissent en cendres. Elle devine aisément que quand le travail est plus que ce qu’il devrait, le moral a bien plus de mal à se remettre de ces évènements.
I'm not passive but aggressive, Take note, it's not impressive. Empty your sadness, like you're dumping your purse On my bedroom floor, We put your curse in reverse. And it's our time now if you want to to be, More the war like the carnival bears set free
▼▲▼
Ça n’était pas son rôle de jouer au héros et de se précipiter dans les flammes pour secourir la veuve et l’orphelin, il l’avait vite appris au court de sa très courte carrière mais l’arrière-goût de « pas assez » lui restait souvent en travers de la gorge. Adams avait cet air de « been there done that » qui n’enlevait pourtant rien à sa concentration et qui donnait à Lonnie cette impression que la jeune femme avait plus de cœur et de courage que la plupart des mecs au commissariat qui roulaient des mécaniques. Le bleu ne peut s’empêcher de lui demander son avis, conscient qu’ils risquaient gros tous les deux si les chefs respectifs décidaient de passer par là pour faire coucou, mais il pouvait aussi sentir qu’elle avait un flair, un petit truc dans les tripes, une idée derrière la tête concernant cette histoire macabre, et il avait raison de le penser. Le flic avait rangé son petit calepin dans la poche intérieure de la veste avant de lever les bras devant lui comme pour mettre en valeur ses paroles, et si le stylo le démangeait il ne voulait pas prendre le risque de perdre une alliée potentielle au sein de la caserne, on ne sait jamais quand on a besoin d’un pompier dans sa vie. Et puis entant que « source non officielle » la jeune femme ne risquait rien, contrairement à lui qui avait tout à perdre si les informations relayées n’étaient pas les bonnes. Il était prêt à prendre le risque pour entendre la version de la brune. Adams s’efforce d’y mettre les formes mais le petit bleu comprend vite que toute cette situation est plus que louche, que les petits corps retrouvés à l’abandon dans la maison n’ont peut-être pas été intoxiqués par la fumée. Et le père absent, et la mère qui ne s’est pas jeté à corps perdu sur les flammes pour sortir ses gamins apeurés. Ça n’a ni queue ni tête. Le puzzle se mets un peu en place dans la tête de Lonnie qui se marmonne à lui-même des questions sans pour autant trouver les réponses, sans même jeter un coup d’œil à la brune qui continue d’expliquer son point de vue. Il fait les quatre cents pas de long en large en grattant la barbe naissante (tout ce qu’il réussit à faire pousser) du bout des doigts. Il a l’allure d’un cliché ambulant mais d’autres chats à fouetter pour le moment, les questions se précipitent dans sa tête aux bords de ses lèvres. « Je crois que vous comprenez pas, dans des cas comme celui-ci, les mères préfèrent perdent leurs mains à arracher les poutres elles-mêmes plutôt que de quitter les lieux sans leurs enfants. » Make sens. Le flic s’arrête de tourner en rond alors qu’il dépose ses mains sur ses hanches dans un geste rempli de drama alors que dans son esprit fument des tonnes d’idées et de questions. « La mienne l’aurait fait en tout cas… » Plus pour lui que pour Adams qui attends patiemment une réaction de sa part alors qu’il redresse le regard pour fixer la jeune femme dans les yeux alors qu’elle s’interroge sur le devenir de ses propos. Levant une main devant lui Lonnie indique de nouveau qu’il n’a aucunement l’intention de vendre son indic, pas maintenant qu’une relation de « confiance » s’établie entre les deux. D’un geste du menton il désigne le camion de pompier derrière eux qui se tient, étincelant et inébranlable, dans la lumière rougeâtre de l’incendie qui s’éteint lentement, avant de demander à la brune si elle est « nouvelle-nouvelle » ou bien juste « un peu nouvelle ». « Deux ans. » Qu’elle lui répond simplement alors qu’il essaie de faire abstraction de l’odeur et des sirènes lumineuses qui lui brûlent les yeux. « Coup du destin, j’ai des factures à payer m’voyez. » Il aimait son franc –parlé, la façon qu’elle avait de prendre la situation comme elle venait et non pas avec une peur horrible et un sentiment de culpabilité. « Oui, mais je suis sûr que vous vous êtes laissé avoir par le boulot, ça se voit que vous êtes impliquée. » Il faisait beaucoup trop le malin pour un gars qui avait craché ses poumons quelques minutes plus tôt, mais il arrivait tout de même à déceler une petite pointe de fierté dans le regard de la brune se tenant prêt du camion. Le ciel se mets à gronder au-dessus d’eux et Lonnie n’a pas le temps de lever les yeux qu’Adams l’a déjà attrapé par le poignet pour l’engouffrer dans l’habitacle du camion de pompier, rêve de tous les gamins. « Voilà qui va compliquer votre enquête … inspecteur ? » Sourire aux lèvres Lonnie avait fait claquer la portière de la voiture avant de lisser ses vêtements d’un geste de la main. « Non, pas inspecteur. » Portant son regard sur la jeune femme il avait simplement haussé les épaules avant de reprendre. « Pas pour le moment en tout cas. » Bientôt, il l’espérait. Mais pour le moment il se contentait des dossiers qu’on voulait bien lui donner, en attentant – tapis dans l’ombre – le jour où il pourrait enfin faire ses preuves comme un grand garçon. « Je suis sûre que pour vous c’était un rêve de gosse. » Il fallait bien que les questions se tournent vers lui à un moment ou à un autre, Lonnie ne pouvait pas toujours être l’enquêteur et se devait d’être l’enquêté. Haussant les épaules il avait fait rouler le bout de son pouce sur son insigne toujours porté à sa ceinture. « Coupable. » Fin sourire sur les lèvres il avait inspiré lourdement avant de reprendre. « Depuis le premier petit costume de policier reçu à Noël. » C’était aussi une histoire de facture, mais le bleu pouvait sentir que cette histoire de rêve de gosse parlait quand même à une Adams qui prétendrait sûrement le contraire jusqu’à son dernier souffle. « Faites attention à ne pas prendre les choses trop à cœur. » Fondu au noir, levé de rideau sur une nouvelle scène de drame pour laquelle Hartwell n’avait pas répété. Il essuie un peu les coins de sa bouche qui essaient de dresser un sourire sans y parvenir. Elle n’a pas de mauvaises intentions, la brune, ne sait sans doute pas que ce genre de paroles a tendance à le rendre mal à l’aise, et pourtant Lonnie bloque, s’enfonce péniblement dans son siège. « C’est ce qu’on me dit oui. Mais, pour être honnête, je préfère prendre les choses à cœur plutôt que de n’y voir que des faits. » Nouveau haussement des épaules alors que son regard se fixe sur le chef des pompiers et l’inspecteur en charge de l’enquête qui se toisent en levant des mains accusatrices. « Je suis sûr qu’on sera amené à ce revoir, Adams. » Les yeux rivés sur le ciel qui ne gronde plus et la foule qui se disperse, Lonnie enclenche la portière pour descendre du camion non sans y jeter un dernier regard, comme un gamin le jour de Noël. « Merci pour votre temps … et continuez de suivre votre instinct … même pour ‘juste payer les factures.’ » Un dernier sourire et il était reparti dans la lumière naissante du petit matin, prêt à aller chercher la tournée de donuts sur le chemin du retour.