Chaque chose était revenue à sa place et l’on peut observer sur le visage de Cora, un air parfaitement satisfait en observant chaque livre de compte à la place qui lui est propre. Elle avait réussi à reprendre son refuge en main – non pas qu’il était sur la banqueroute mais elle avait la tête à des miles de le gérer – et indirectement c’était une façon de faire de même avec sa vie. Elle avait un but, celui de faire tourner l’affaire, qui serait sa raison de se lever le matin. Elle en était arrivée à ne pas en demander plus à l’univers que d’avoir au moins une raison de rassembler ses esprits et en faire quelque chose quelque chose de productif. Depuis plusieurs semaines, c’était ça et les projets fusaient, les évènements également. De quoi lui donner l’illusion d’un esprit occupé alors que la réalité, c’est qu’elle s’encroute d’un quotidien millimétré carré où chaque minute est pensée pour lui donner du grain à moudre autrement elle perdrait sûrement un câble à ruminer l’idée de s’être enfermée dans une vie où elle saurait toujours de quoi le lendemain est fait. C’est admirable les barrières que le subconscient est capable de créer pour protéger un esprit affaibli.
On a beau être au milieu de l’automne, contrairement au reste du monde, la région offre un temps clément pour la période et en raison d’un manque certain de bénévole, Cora s’investit dès qu’elle le peut dans le soin porté aux animaux. Quelque part, c’est sa façon d’avoir encore un semblant de vie sociale. Le monde qui l’entoure maintenant, son unique carnet d’adresse, ce sont les bénévoles et les animaux. Elle ne peut s’empêcher de se dire que si elle était là, Heidi lui demanderait si la prochaine étape de sa vie n’est pas d’aller s’enfermer à la campagne pour vivre dans une ferme. Et sans moquerie, Cora en est presque là.
« Tiens, regarde qui nous rend visite ! » s’écrie la vétérinaire au moment où Cora rentre d’une énième promenade. Elle tombe face à face avec Vittorio et Brusco, le chien de ce dernier, qu’il avait – selon ses dires – adopté par sa faute. « Bonjour ! » exprime t-elle doucement avant de s’accroupir pour gratter les oreilles de l’animal et le saluer avant de finalement se redresser. « Oui, il avait promis de amener Brusco à l’occasion et ne la rate jamais. » affirme toujours la vétérinaire, satisfaite de celui qui fût pendant un temps son associé, avant de finalement repartir vers ses occupations et de soigner son monde. « Et bien, dis donc, pas mal pour quelqu’un qui ne voulait pas avoir ses vêtements pleins de poils d’animaux ! » Elle se moque, même s’il pourra souligner qu’à l’époque, il parlait de poil de chat et que sournoisement, cela doit vouloir dire que ceux des canidés sont autorisés. « ça me plaisir de te voir, ça te dit de sortir ? » Elle le propose naturellement, elle veut profiter de pouvoir prendre l’air maintenant que c’est à nouveau possible.
« Cazzo. » À la fois conjonction, préposition et même ponctuation, le juron marmonné dans sa langue échappait à Vitto plus souvent qu'il n'était raisonnable et sans que plus personne autour de lui ne s'en formalise. Tout juste lui prêtait-on un tempérament un peu trop râleur, que l'on mettait sur le dos de son côté méditerranéen avant de passer à autre chose, simplement. Ce jour-là la formule lui avait échappé alors qu’il enfonçait frénétiquement les mains dans les poches de son jean, de sa veste et de son sac de sport avant de se rendre à l’évidence : son téléphone avait disparu. Ou plutôt, le croyait-il, trônait-il toujours sur le comptoir d’entrée d’Hibiscus Sport, où il se souvenait très bien l’avoir posé le temps d’aider une nouvelle cliente à remplir son dossier d’inscription peu avant de quitter les lieux. Lui qui ne s’estimait pas le moins du monde accro à la technologie s’était alors retrouvé nez à nez avec l’incertitude de vouloir prendre le risque de 1) louper un appel important – et s’il s’autorisait à divaguer et s’imaginer le pire à bien des égards, il y avait bien des possibilités – ou 2) ne pas retrouver le dit téléphone à sa place le lendemain car sans que cela soit une surprise Vittorio n’avait confiance en personne, et encore moins en les occupants tardifs de la salle de sport. Le sac de sport balancé sans ménagement dans un coin à peine avait-il atteint l’appartement, l’italien n’y avait trouvé que la présence – fort suffisante – de l’occupant à quatre pattes des lieux, et flattant l’encolure de l’animal en le gratifiant de mots que jamais il n’assumerait avoir prononcé en présence de qui que ce soit, un rire néanmoins franc lui avait échappé lorsqu’à son « Ça te dit une longue balade ? » Brusco avait jappé avec excitation, bondissant comme un cabri pour signaler son approbation.
Et le précieux n’avait pas bougé, Dieu merci. Seulement était-il passé du haut du comptoir, visible de tous, à l’espace calé entre la photocopieuse et l’écran de l’ordinateur, là où l’avait posé Barbara en se doutant à raison que son propriétaire ne tarderait pas à venir le réclamer. Le chien, lui, ne boudait pas son plaisir d’être momentanément le centre de l’attention tandis que quelques habitués venaient faire augmenter son quota journalier de caresses, et si l’italien avait dans un premier temps envisagé de ne faire que l’aller-retour entre Hibiscus et l’appartement, ce flot d’attention dont venait d’être pourvu Brusco lui avait donné une autre idée. Et voilà comment une petite heure de marche plus tard, Vittorio avait poussé la grille du refuge animalier qui avait accaparé une partie de son attention quelques mois durant. « Tiens, regarde qui nous rend visite ! » s’en était aussitôt exclamée la vétérinaire – que l’italien avait surnommé sergent-chef presque dès le début tant elle savait veiller à ce que chaque chose se déroule comme elle l’avait décidé – alors que d’une autre porte s’ajoutait la (célèbre) propriétaire des lieux. « Bonjour ! » Cora, semblant un brin surprise, avait pris quelques instants pour saluer l’animal, dont la queue frétillait à nouveau d’être le centre de l’attention. « Ciao. J’étais dans le coin, alors je me suis dit que j’allais passer. » s’était-il alors justifié, sans s’adresser à l’une ou à l’autre en particulier. « Oui, il avait promis de amener Brusco à l’occasion et ne la rate jamais. » qu’avait alors aussitôt renchéri la vétérinaire, ce à quoi Cora avait à son tour embrayé « Et bien, dis donc, pas mal pour quelqu’un qui ne voulait pas avoir ses vêtements pleins de poils d’animaux ! » d’un ton qu’il devinait comme gentiment moqueur. « Que veux-tu, ma charité chrétienne me perdra. » Posant une main contre son cœur pour feindre la bonne foi, Vitto avait presque été tenté de prétendre que Brusco était l’exception à la règle et que les problèmes de poils semés partout ne le concernaient pas, mais à quoi bon ? Jamais n’avouerait-il néanmoins qu’un rouleau adhésif trônait désormais fièrement sur le guéridon à l’entrée de son appartement pour palier à ce problème.
Visiblement d’humeur bavarde, et un sourire léger toujours accroché aux lèvres, Cora avait repris rapidement « Ça me plaisir de te voir, ça te dit de sortir ? » et si l’italien avait la première seconde été surpris qu’il en soit ainsi – que cela lui fasse plaisir de le voir – il s’était souvenu qu’il avait affaire à Cora : gentille par nature, sans doute un peu trop, mais rien de suspicieux à y voir. « Allez, je te suis. » L’italien passant donc derrière elle la porte par laquelle Cora était arrivée quelques instants plus tôt, tous les deux avaient retrouvé l’extérieur, le petit bout d’herbe que le refuge réservait aux promenades auxquelles les pensionnaires avaient le droit à tour de rôle. Pas autant qu’ils ne devraient, assurément, mais pour ce qu’en savait Vittorio tout le monde ici faisait de son mieux pour que chaque animal ait droit à son petit moment de liberté. « Tu as l’air d’avoir retrouvé tes marques ici. Tout se passe bien ? » D’une main, il avait détaché la laisse de Brusco pour le laisser gambader à sa guise, et en bon représentant des chiens de chasse celui-ci était parti ventre à terre pour se rouler dans l’herbe avec allégresse. « Je me demande s’il se rappelle du temps qu’il a passé ici … » La réflexion était plus faite à lui-même qu’à l’ancienne actrice, et secouant vaguement la tête pour sortir de ses pensées l’italien avait reposé les yeux sur elle. « Comment ça va, toi ? » Elle croirait peut-être à tort qu’il se répétait, mais le sens de sa question était différent de celle posé juste avant : il ne lui demandait pas comment allait son boulot, cette fois-ci, mais bien comment elle allait, elle. Sans doute un peu par politesse, mais également parce qu’il n’oubliait pas l’air soucieux qu’arborait Cora lors de leur dernière discussion, à un moment où elle semblait à un nouveau carrefour de son existence.
Elle est très heureuse de voir Vitto apparaître au refuge. Sa visite est tout ce qu’il y’a de plus cordiale et n’a absolument aucun lien direct avec elle mais de juste le voir, se rendre qu’il est en forme et qu’il semble épanoui auprès de sa bête à poil, ça suffit à la mettre de bonne humeur. Elle aurait très certainement eu le même résultat si elle avait tenté de le joindre d’elle-même pour prendre de ses nouvelles. Elle ne l’avait pas fait, ne sachant pas si c’était quelque chose qui pouvait se faire vu qu’il avait démissionné et qu’il devait avoir bien mieux à faire que de faire un compte rendu sur sa vie à son ancienne shitty boss. Néanmoins, elle prend le courage de profiter de la situation pour l’inviter à se promener. C’est peu, mais toujours ça de pris pour la demoiselle qui a sans cesse l’impression de déranger dès qu’elle demande quelque chose. « Allez, je te suis. » affirme-t-il avant de mener les gestes à la parole pour prendre la direction de l’extérieur, là où les bénévoles sortent les animaux quand ils manquent de temps – et de mains – pour de vrais promenades. Elle prend une grand inspiration au moment où l’air de l’extérieur emplie ses narines. Peut-être avait-elle trop fait de paperasserie aujourd’hui et qu’elle méritait autant de sortir ? Cora, ce n’est de toute façon pas le genre de personne que l’on tient enfermé longtemps, même si son comportement des derniers mois montre le contraire. « Tu as l’air d’avoir retrouvé tes marques ici. Tout se passe bien ? » observe t-il alors qu’elle avance lentement sans le regarder, sans oser le faire. A sa question, ses épaules se croisent naturellement. De dire que ça se passe bien ? Oui. Mais autant elle aime le fait que cet endroit existe autant elle sait qu’il serait mieux géré placé dans les mains de quelqu’un d’autre. « Disons que c’est une affaire qui roule malgré le manque d’argent. C’est toujours là le problème. » dit-elle en sachant pertinemment qu’il connait déjà le sujet, ici aussi, il a travaillé, Cora ne peut rien lui cacher. « Une chance que j’ai déjà une sacrée expérience des levée de fonds. Les solutions se placent lentement mais sûrement. » Et c’était là les projets qui l’aidait à tenir parce qu’elle avait besoin d’idée, de création et recevoir des animaux malades – malgré la joie de les revoir en santé après – ne l’aidait pas à se porter mieux. « Je me demande s’il se rappelle du temps qu’il a passé ici … » Elle hausse les épaules en observant le bestiaux se rouler dans l’herbe comme s’il était sur un nuage de bonheur. Rien ne montre visiblement des traces d’un trauma à moins que se salir ne soit pour le chien qu’une façon de se rebeller. « Je ne sais pas. C’est compliqué, parfois on a des animaux tellement marqué par l’abandon de leur maitre qu’une fois adopté, ils continuent de se mettre dans des états quand ils reviennent pour les soins. C’est une question de trauma. » Qu’elle expliquerait bien qu’elle n’y connaisse absolument rien en psychologie canine, elle partage seulement les choses qu’elle a pu constater avant de se dire que ce qu’elle voit, il l’a vu aussi et que donc, elle ne lui apprendre rien de nouveau. « Comment ça va, toi ? » finit-t-il par demander, l’amenant deux secondes à se demander si c’est le fait qu’elle parle de trauma qui ait amené sa question ou si c’est juste anodin. Elle prend une inspiration. Elle pourrait lui dire qu’elle va bien mais une fois encore, elle ne tromperait pas Vitto qui sait à qui il a affaire. Elle hausse alors les épaules, se disant que minimiser, c’est bien aussi. « Je dirais que ça va, j’ai de quoi m’occuper, je retombe peu à peu dans l’anonymat, j’arrive à m’organiser de sorte à ne pas être trop débordée. » Maintenant qu’elle n’a plus d’assistant. « Puis, j’ai décidé de prendre ton opinion en compte. » ajoute t-elle, avant de préciser parce que des opinions, Vitto ne s’était gêné pour en balancer. « J’ai décidé de ne plus courir après Finn. » Décision difficile, qu’elle regrette mais elle sait que c’est le mieux pour elle.
Cynique comme à son habitude, Vittorio devait bien avouer avoir longtemps soupçonné Cora d’avoir monté son refuge animalier pour les raisons les plus évidentes : soigner son image publique et se donner des airs de défenseuse de la cause animale, mais sans réellement s’y intéresser ; Trop heureuse de pouvoir en laisser la gestion, la paperasse et tout ce qui s’y rapportait à une ribambelle d’employés et de bénévoles qui n’attendaient que ça. Lorsque la roue avait tourné, pourtant, et alors qu’il ne doutait pas que le compte en banque de l’ex-actrice lui aurait permis de couler quelques années paisibles avant d’envisager une reconversion qu’un casting de télé-réalité bidon aurait certainement permis de régler en deux-deux, il avait été surpris de la voir se tourner presque exclusivement vers son refuge, et ce sans avoir l’air de rechigner. Il ne l’avait pas constaté de ses yeux, n’ayant pas croisé la jeune femme depuis un moment, mais les échos qu’il en avait eu à ses quelques passages dans les locaux où lui-même avait travaillé quelques mois – par nécessité de justifier son salaire plus que par réel intérêt pour les animaux, cela dit – semblaient unanimes à ce sujet : Cora Coverdale avait choisi de se faire oublier et occupait désormais toute son énergie à recueillir chiens, chats et autres bêtes ayant joué de malchance. « Disons que c’est une affaire qui roule malgré le manque d’argent. C’est toujours là le problème. » lui avait à ce sujet expliqué la jeune femme, mettant alors un peu à mal la théorie de Vitto selon laquelle son compte en banque personnel se portait comme un charme. Mais les scandales médiatiques coûtaient un bras, c’est vrai. « Une chance que j’ai déjà une sacrée expérience des levée de fonds. Les solutions se placent lentement mais sûrement. » Et même pas besoin d’un conseiller en communication ou de son crétin d’agent – l’italien ne l’avait jamais aimé, allez savoir pourquoi – pour s’y coller cette fois-ci ou lui souffler l’idée cette fois-ci, à priori … Un point supplémentaire en faveur de la rouquine. « Tant mieux, c’est cool. » Et si la formule pouvait sembler un peu bateau, elle n’en était pas moins sincère, et simplement à l’image du bonhomme, habitué à se montrer avare de compliments. Les mains enfoncées dans les poches de son jean, l’italien avait jeté un œil vers Brusco dont la queue frétillait à mesure qu’il s’amusait dans l’herbe « Je ne sais pas. » avait admis Cora tandis qu’il se questionnait à voix haute sur la mesure avec laquelle l’animal se rappelait ou non du séjour qu’il avait passé entre ces murs. « C’est compliqué, parfois on a des animaux tellement marqués par l’abandon de leur maitre qu’une fois adopté, ils continuent de se mettre dans des états quand ils reviennent pour les soins. C’est une question de trauma. » Sans doute qu’elle avait raison. Et Brusco n’avait jamais rien eu d’un chien traumatisé, battu ou maltraité – simplement un chien en manque d’attention, probablement offert en cadeau de Noël ou pour un anniversaire mais dont les propriétaires avaient fini par se lasser avant de se décider à s’en séparer, comme on se séparait d’un élément de décoration passé de mode. « Je pense pas que j’aurais pu le prendre si y’avait vraiment eu un gros travail à faire là-dessus, de toute façon … J’veux dire, j’étais même pas supposé prendre quoi que ce soit déjà, de base. » Et à cela il avait vaguement roulé des yeux, n’assumant toujours qu’à moitié cet élan de pitié que le regard morne de l’animal avait su provoquer chez lui, comme s’il avait parfaitement conscience que son nom figurait sur la liste des prochaines bêtes euthanasiées faute d’avoir pu trouver de nouveaux maitres dans les délais qu’imposaient le nombre de places limité dont disposait le refuge. « Je l’ai seulement fait pour améliorer mon karma. » qu’il avait même prétendu comme s’il se refusait à admettre qu’il ne dupait plus qui que ce soit. Mais il lui avait acheté un plaid pour mettre au fond de son panier pour l’hiver, il était fichu. Peut-être pour se sortir de ce mauvais pas, l’italien avait dévié vers un autre sujet de conversation et demandé des nouvelles de celle pour laquelle il avait un temps travaillé « Je dirais que ça va, j’ai de quoi m’occuper, je retombe peu à peu dans l’anonymat, j’arrive à m’organiser de sorte à ne pas être trop débordée. » Marquant une brève pause, elle avait aussitôt repris « Puis, j’ai décidé de prendre ton opinion en compte. » et ajouté dans la foulée « J’ai décidé de ne plus courir après Finn. » avant de laisser la possibilité à son ex-employé de débiter une ânerie qu’elle avait probablement senti venir à des kilomètres sur la teneur de l’opinion dont il était question. « C’est très … raisonnable de ta part. » avait-il alors commenté avec une prudence mesurée. « Je suis sûr que tu as fait ce qu’il fallait. » Ou tout du moins, le comportement de son frère la dernière fois qu’ils s’étaient croisés et le fait qu’il n’avait pas daigné donner signe de vie lorsque Cora était sous le feu de paparazzi avides du moindre détail sordide la concernant persuadaient Vittorio que Finnley n’avait rien de bon à apporter à la jeune femme dans l’immédiat. « Mais quitte à prendre en compte mon opinion tu aurais au moins pu en profiter pour t’inscrire chez Hibiscus comme je te l’avais proposé … Cora Coverdale en legging-brassière, ça nous ferait une pub d’enfer. » N’avait-il néanmoins pas pu s’empêcher d’ajouter d’un ton narquois, parce que c’eut été bien trop lui en demander que de s’abstenir. « Et du coup tu … C’est pour de bon, ton boulot ici ? Ou bien tu as des plans pour plus tard ? » Loin de lui l’idée de sous-entendre que ce qu’elle faisait ici ne suffisait pas, mais si elle l’avait géré comme un à-côté durant toutes ces années il peinait à imaginer qu’elle puisse s’en contenter désormais.
C’était une initiative que Cora avait pris en proposant à Vitto de l’accompagner pendant la promenade de Brusco. Seulement, elle n’avait pas réfléchi au fait que l’accompagner induisait de parler et que dernièrement, parler est la chose qu’elle sait le moins faire. Un choc si Vitto s’en rendait compte parce que l’ex actrice n’avait jamais la langue dans la poche. Il s’avère juste que dernièrement, elle tente de mettre en pratique l’adage qui veut moins de parole et plus de geste. « Je pense pas que j’aurais pu le prendre si y’avait vraiment eu un gros travail à faire là-dessus, de toute façon … J’veux dire, j’étais même pas supposé prendre quoi que ce soit déjà, de base. » confie-t-il alors qu’ils parlaient tous deux de l’élément central qui rendait cette discussion possible : le chien. Cora ne réagit pas, consciente de la vérité qu’il est en train d’énoncer. On ne peut pas dire qu’elle avait l’habitude des comportements animaliers mais ce qu’elle savait c’est que chacun se rendait service en faisant ce dont il est capable et sans se surestimer. « Je l’ai seulement fait pour améliorer mon karma. » se défend encore Vitto, en s’donnant un air un peu détaché qui n’empêche pas Cora de sourire parce qu’il l’amuse. Elle l’avait vu s’inquiéter là où il n’était obligé et derrière ses yeux qui se lèvent au ciel, elle sait que sa décision est tout sauf une histoire de karma. « Si c’est ce que tu veux faire croire. » Elle n’ajoute rien, l’heure n’est pas à lui signifier qu’il peut être plus généreux qu’il n’oserait l’avouer. L’important, c’est qu’il le soit et non qu’on le lui rabâche sans arrêt sous peine de le voir faire demi-tour. Parce qu’elle sait que contrairement à ce qu’il peut montrer, il avait ce souci d’elle, elle finit par lui annoncer la nouvelle. Si tenté est que l’on puisse appeler ça une nouvelle. Au moins, elle l’avait écouté et ça, ça pouvait se noter. « C’est très … raisonnable de ta part. » dit-il, avec le ton de quelqu’un qui pourrait dire une bêtise à chaque instant. « Je suis sûr que tu as fait ce qu’il fallait. » Elle ne dit rien tout de suite, elle réfléchit à savoir si c’était vraiment la chose à faire. Elle aurait voulu dans l’idéal aider réellement Finn mais alors qu’elle s’imagine que c’était ça, la chose qu’il fallait, sa raison lui rappelle que pour aider quelqu’un, il faut que la personne en ait fait la demande. « Je pense que ça, on ne le saura pas tout de suite mais… » C’est à voir comment Finn vit de son côté l’éloignement, s’il est effectivement plus heureux comme il ne cesse de le dire ou si pas. Elle n’a aucun moyen de le savoir hormis de se dire qu’un jour, si elle a tort, la police viendra à l’appeler pour lui annoncer une funeste nouvelle. « Non, tu as raison. C’était l’une des choses qu’il me fallait. » Qu’elle reprend en ne prenant que son parti à elle, parce qu’au final, elle devait s’aider elle-même et sa relation avec Finn l’a trainé plus vers le fond qu’autre chose. « Mais quitte à prendre en compte mon opinion tu aurais au moins pu en profiter pour t’inscrire chez Hibiscus comme je te l’avais proposé … Cora Coverdale en legging-brassière, ça nous ferait une pub d’enfer. » Propose Vitto, dans un discours dont elle ignore si elle devait se vexer ou non. Elle le regarde en fronçant les sourcils, prête à mordre s’il ose aborder le sujet de sa prise de poids. « Justement, je ne fais plus de pub pour qui que ce soit. » se contente t-elle d’assurer d’un ton ferme. Ça, c’était acté. Sa carrière devant les objectifs est terminée et même s’il s’agit de rendre service à autrui. Son image, elle se la re-approprie. « Et du coup tu … C’est pour de bon, ton boulot ici ? Ou bien tu as des plans pour plus tard ? » finit-il par demander, entrant dans le vif d’un sujet que Cora peine encore à aborder ; son avenir. Pourtant, elle ne devrait pas avoir de mal à traiter du sujet avec Vitto, il l’avait connu professionnellement parlant. Evidemment qu’elle n’allait pas se contenter d’ici. Cora, elle devait créer. Ici, elle fait le bien, mais ce n’est pas sa raison première. « Non, c’est très reposant d’être ici mais je ne pense pas que ce sera pour de bon. » Elle a un peu honte de l’avouer, quelle horrible personne est-elle pour passer le bien des animaux au second plan dans sa vie après sa carrière. C’est ce qu’elle avait toujours après tout. « Tu sais, on arrête pas d’être un bourreau de travail du jour au lendemain et j’ai honte de le dire mais je sais qu’un de ces jours, ça ne sera plus assez. » lui avoue t-elle, difficilement et après une courte pause. Elle sait qu’elle devrait avoir honte quelque part de sa pensée mais s’il y’a bien une personne qui ne s’intéresse pas aux faux semblant, c’est lui. « Je commence déjà à penser à ce que je voudrais faire et cet espace ne me le permet pas, même si je le souhaiterais très fort. » Parce qu’elle aurait bien aimé elle, que ça, ce soit suffisant. Elle aurait voulu pouvoir vivre en ermite à s’occuper des bêtes mais le cinéma, le Septième Art avait été toute sa vie et elle sait qu’elle ne changera pas ça. « Donc je réfléchit mais je pense que si tu reviens d’ici quelques semaines, j’aurais déjà posté une annonce pour me trouver une remplaçante. »
Les opinions bien tranchées de Vitto concernant la plaie béante que pouvait être la famille le poussaient à en avoir une vision sévère. Aussi importante qu'était la famille à ses yeux, il s'était toujours promis de ne jamais la laisser lui nuire ou le ralentir, et jusqu'à aujourd'hui cette décision l'avait sauvé de bien des mauvaises décisions … Des plus mauvaises encore que celles l'ayant amené à s'exiler à l'autre bout du monde, du moins. Aussi ne pouvait-il qu'imaginer le sacrifice que représentait pour Cora, moins rodée que lui à ce fatalisme, le fait de se détacher de l'aura néfaste de son frère – jumeau, qui plus est – dans le but de se protéger. Elle-même ne semblait pas convaincue du bien fondé de sa décision, nuançant d'abord « Je pense que ça, on ne le saura pas tout de suite mais … » d'un ton incertain, avant de se reprendre pour affirmer d'un ton qui se voulait plus volontaire « Non, tu as raison. C’était l’une des choses qu’il me fallait. » C'est qu'il en aurait presque tiré une certaine fierté, s'il n'avait pas été certain qu'avec ou sans son intervention, elle aurait fini par adopter la même attitude. « Content de te l'entendre dire. » s'était-il de ce fait contenté de répondre avec retenue « Y'a rien de mal à vouloir penser à soit avant de penser aux autres. » Et ceux qui crieraient à l'égoïsme ne s'étaient jamais fait marcher dessus, pour sûr. L'italien avait en revanche connu moins de succès avec ce qui aurait dû n'être pris que comme une boutade, la faute sans doute au peu d'occasion qu'il avait eu de s'essayer à l'humour face à celle qui avait majoritairement été son employeuse. « Justement, je ne fais plus de pub pour qui que ce soit. » Laissant glisser une seconde ou deux durant lesquelles il n'avait rien dit, il avait finalement porté une main à son cœur en prenant un air soulagé « Ouf, tu me rassures. Pendant un instant j'ai cru que tu avais perdu ton naturel premier degré. » Cela dit, il aurait parié gros sur la certitude que Donnie aurait été emballé par l'idée, s'il avait été au courant que le précédent job de son moniteur impliquait de gérer les urgences pressing d'une ancienne starlette nationale. Mais ça Vittorio s'était bien gardé de lui dire, loin d'assumer même avec le recul de s'être laissé dicter sa conduite par une femme – peu importe qu'elle lui soit devenue sympathique, au fil du temps. Ses constatations un brin misogynes mises de côté néanmoins, ni l'un ni l'autre n'étaient sans ignorer que l'italien n'était pas fait pour jouer les assistants de star, un boulot frustrant autant par la forme que par le fond pour lui qui rêvait de retrouver la stature prestigieuse de son ancien métier. Et en cela, le « Non, c’est très reposant d’être ici mais je ne pense pas que ce sera pour de bon. » lancé par Cora lorsqu'il s'était renseigné sur ses projets à elle sonnait comme quelque chose qu'il aurait pu dire lui-même. Semblant hésiter, elle avait conservé le silence quelques instants avant d'admettre « Tu sais, on arrête pas d’être un bourreau de travail du jour au lendemain et j’ai honte de le dire mais je sais qu’un de ces jours, ça ne sera plus assez. » l'air en effet presque gêné de faire un tel constat. « Oh, je sais. » Tout comme gérer un emploi du temps vide et arroser les plantes vertes de la jeune femme n'avait plus été assez, sans surprise, sans qu'il ne puisse dire qu'il en était désolé. On ne s’excusait pas de valoir mieux que ça, selon lui. « Je commence déjà à penser à ce que je voudrais faire et cet espace ne me le permet pas, même si je le souhaiterais très fort. » Sa curiosité piquée, il regrettait presque qu'elle se soit contentée d'un banal « Donc je réfléchis mais je pense que si tu reviens d’ici quelques semaines, j’aurais déjà posté une annonce pour me trouver une remplaçante. » comme s'il avait vraiment quelque chose à faire de savoir quelle greluche tiendrait les rennes – du moment qu'on les laissait venir pointer le bout de leurs museaux de temps à autres, Brusco et lui. « Je vais essayer de m'en remettre. » Espérant qu'elle saisisse un peu mieux l'ironie cette fois-ci, il avait sifflé à l'attention de son compagnon à quatre pattes en le voyant fureter trop près d'une rangée de boxes, dont des aboiements rageurs s'étaient élevés. « Si tu sais déjà que rester ici ne te le permettra pas, j'en conclus que tu as une vague idée de ce dans quoi tu as envie de te lancer ? » Reportant son regard sur la rousse, il avait levé les mains en signe de bonne foi et affirmé « Promis, je ne juge pas. » Sauf si elle lui annonçait vouloir se lancer dans la télé-réalité, auquel cas il aurait sans doute du mal à camoufler une grimace de dégoût. Mais Cora valait mieux que ça, et il était certain qu'elle-même en avait totalement conscience.
Ce n’est pas encore très clair pour elle les conséquences qu’aura la rupture de ses liens avec Finn. Elle avait voulu croire pendant tellement de temps que tout pouvait s’arranger qu’elle a du mal à ne pas avoir de secondes pensées dès qu’elle se remémore leur dernière discussion. Elle culpabilise facilement en s’disant que tout est sa faute et alors qu’elle se rend compte qu’elle est à nouveau celle prête à mettre sa rancœur de côté, elle réalise que tout ce qu’elle fait c’est courir vers Finn pour lui donner raison de l’avoir traitée comme il l’a fait pendant aussi longtemps et ça, ce n’est qu’ouvrir la porte à encore plus de méchanceté à son égard. C’est la raison qui la pousse à faire le deuil de son frère mais ses émotions ne sont pas toujours en accord avec ce que dit la tête. Heureusement pour ça, il y’a toujours les paroles sensées de Vittorio, qui contrairement à ce qu’il pense, est écouté. « Content de te l'entendre dire. » dit-il alors qu’elle n’est pas vraiment sûre de ce qu’elle avance, il avait eu raison mais elle n’y croit pas encore, le soulagement à ce sujet avait été de trop courte durée. « Y'a rien de mal à vouloir penser à soi avant de penser aux autres. » justifie t-il, ce qui ne retire pas cette moue dubitative. On pouvait considérer qu’elle avait pensé à elle de nombreuse reprise déjà, quand elle avait mis fin à sa carrière, quand elle avait décidée de la reprendre, quand elle s’est mise en tête de partir en Floride récupérer son fils et dans bien d’autres situations. Si elle se repenchait en arrière, il avait effectivement toujours été question de ce qu’elle voulait elle. Sa vision, c’est qu’elle avait à de nombreuse fois pensé qu’à elle et de continuer, là encore, ne faisait que creuser une culpabilité profonde ainsi qu’une petite voix qui s’amuse à lui répéter que Finn avait raison et qu’elle devrait s’en vouloir. Doit-elle cependant argumenter ? Non, Vitto ne comprendrait pas et surtout elle ne serait pas capable d’agir comme si elle prenait la décision de se sauver elle pour la première fois parce que ce n’est pas le cas. Tout cela la laisse pensive, ce qui fait qu’elle passe totalement à côté de l’humour de Vittorio. L’italien n’avait jamais manqué de traduire le fond de sa pensée sur le physique de la star et Cora était encore bien trop sollicitée pour qu’elle puisse déjà se permettre de blaguer sur sa situation. « Ouf, tu me rassures. Pendant un instant j'ai cru que tu avais perdu ton naturel premier degré. » dit-il, comme pour signifier qu’il ne s’agissait que d’une blague. Cora ne rougit pas de l’avoir laissé passer. Cette année, elle n’a pas la tête à l’humour et rire de tout ce qui peut toucher de près ou de loin à son apparence n’est à pas l’ordre du jour. Les deux individus finissent donc par aborder un point qui les rassemble : celui d’être des bourreaux de travail. C’est très clair dans la tête de Cora que sa retraite paisible au milieu des animaux doit prendre fin à un moment. Même si elle culpabilise d’avance de laisser de côté cet endroit qui a besoin d’elle, c’est une certitude que de vouloir toujours plus. Cora s’épanouie dans les projets et ceux-ci terminé, il en faut toujours un autre pour remplacer. « Oh, je sais. » dit-il alors qu’elle se sent obligée de se justifier alors qu’elle est peut-être face à la seule personne qui ne dira rien et lui souhaitera toujours d’aller plus loin, même si ça veut dire d’arrêter de câliner les petits chiens qui se sont fait jeter à la rue. « Je vais essayer de m'en remettre. » dit-il dans une nouvelle tentative qui n’effleure même pas Cora. Elle n’a pas le temps de réagir s’il décide de se moquer d’elle. Ce serait accorder une importance à quelque chose auquel elle ne devrait pas. « Si tu sais déjà que rester ici ne te le permettra pas, j'en conclus que tu as une vague idée de ce dans quoi tu as envie de te lancer ? » demande t-il, perspicace sur ce point, à croire qu’il a juste à soulever la feuille qui cache l’idée dans la tête de Cora pour tout savoir et qu’il a déjà deviné quel sera son prochain geste. En même temps, de l’avoir pendant des mois, elle n’attendait pas moins de lui qu’il se mette sur la voie. « Promis, je ne juge pas. » assure t-il, comme s’il venait à comprendre que Cora est sérieuse et que plaisanter n’est pas à l’ordre du jour. Elle s’arrête pas certaine encore de vouloir le prononcer à haute voix tellement ça lui fait peur d’en parler comme d’un projet et non comme une simple idée. « Je veux passer de l’autre côté de la caméra et produire des films. » dit-elle d’une traite avant de se réveiller comme si elle venait de dire un gros mot puis de préciser sa pensée. « Je veux continuer à vivre dans cette industrie, sobrement, sans que l’on voit mon visage partout et donner leur chance à des créateurs. J’ai tellement d’idée et j’y pensais déjà il y’a quelques années mais maintenant que j’ai plus rien à perdre, j’aimerais me lancer. » Puis, un peu détendue avec ce qu’elle vient de sortir, elle tente le fameux second degré qui allait manquer à Vitto. « Et si je rate, y’aura toujours Danse avec les stars. »
S’il ne pouvait pas se targuer de réellement connaître la jeune femme, la majorité du travail qu’il avait effectué pour elle ayant justement consisté à gérer les menus détails liés à ses nombreuses absences, il pensait néanmoins avoir évolué dans sa sphère suffisamment longtemps pour ne pas se tromper en estimant que le travail qu’elle abattait dans ce refuge ne la comblerait pas éternellement. Elle donnait l’impression de se cacher, gérant de la paperasse probablement pour le simple fait de dire qu’elle ne passait pas ses journées à caresser des chats, et de l’aveu de la vétérinaire du refuge avec qui l’italien discutait habituellement un peu plus longuement, la rousse errait parfois telle une âme en peine sans parvenir à masquer la pointe d’ennui que lui inspirait le fait de passer ses journées ici. Que Cora finisse par lui admettre songer à une nouvelle reconversion professionnelle ne l’étonnait donc en rien, et s’il fallait se poser une seule question Vittorio se demandait surtout ce qui avait retenu la jeune femme aussi longtemps de se lancer : sa mère n’était plus un obstacle, son frère et sa sœur non plus pour ce qu’il en savait … Il n’y avait plus rien au travers de sa route pour la ralentir. À part peut-être elle-même, mais c’était encore un autre problème et l’italien n’était ni suffisamment proche d’elle ni suffisamment concerné pour se permettre de le lui faire remarquer. Puisqu’elle mettait le sujet sur le tapis elle-même néanmoins, il s’était permis un brin de curiosité vis-à-vis de ses futurs projets « Je veux passer de l’autre côté de la caméra et produire des films. » Plus que l’annonce en elle-même, ce fut le débit avec lequel l’ancienne actrice lâcha sa phrase qui lui fit lever un sourcil. « Je veux continuer à vivre dans cette industrie, sobrement, sans que l’on voit mon visage partout et donner leur chance à des créateurs. J’ai tellement d’idée et j’y pensais déjà il y’a quelques années mais maintenant que j’ai plus rien à perdre, j’aimerais me lancer. » Presque certain d’avoir entendu un soupir de soulagement à la fin de sa phrase, l’italien s’était surtout laissé amuser par la tentative maladroite d’humour dont Cora avait tenté de faire preuve en ajoutant « Et si je rate, y’aura toujours Danse avec les stars. » et pointant un index faussement sévère dans sa direction il avait répondu du tac-au-tac « Là, je pense que je te jugerais un peu. » Et puis, il ne connaissait rien au showbiz australien et aurait donc difficilement pu juger, mais il lui semblait bien que cette émission, peu importe le pays, avait un goût prononcé pour les célébrités has been … Rien de très gratifiant au fait d’y être convié, donc. « Mais c’est une bonne idée. Enfin j’veux dire, j’y connais absolument rien, mais c’est un milieu dans lequel tu as toujours baigné alors tu sais où tu mets les pieds … Et si tu y pensais déjà il y a quelques années, c’est un projet qui a eu le temps de mûrir. » Et pour quelqu’un d’aussi terre à terre et pragmatique que Vittorio, c’était un point jugé important. Mais il ne doutait pas qu’après autant d’années dans la profession Cora saurait s’entourer de personnes un peu mieux intentionnées que n’avait pu l’être sa génitrice, et qui l’aideraient à ne pas foncer tête baissée vers un fiasco. « T’en as parlé à notre « ami commun » ? Je suis sûr que ça a dû éveiller son intérêt. » Lui qui passait son temps à chouiner de ne pas trouver de gens pour croire suffisamment fort en ses projets, à la courte période où ils avaient partagé un toit. Qui sait, ce serait peut-être même le moment pour Matthias de faire enfin la paix avec ce vieux fantasme non assumé pour Cora. S’interrompant un instant pour lancer le bâton que Brusco lui avait apporté après l’avoir trouvé on ne sait où, Vitto avait reposé les yeux sur la rousse « Du coup, t’es encore qu’au début de ta réflexion ou bien y’a de grandes chances que tu aies déjà mis les voiles la prochaine fois que je repasse ici ? » Il se doutait bien qu’on ne montait pas une boite de production en trois secondes, mais depuis le temps qu’il n’avait pas vu Cora elle pouvait tout aussi bien avoir déjà entamé tout un tas de démarches et en être à finaliser ce qu’il lui restait à finaliser ici.
Si Cora avait déjà abordé ses prémices d’idées de reconversion avec Milena, il ne s’agissait jusque-là que d’ébauche. Les claques successives qu’elle avait reçus l’avaient amené à penser chaque chose qui lui traversait la tête plutôt que de foncer tête baissée et de se cogner comme elle l’avait fait avec la Floride. L’évènement continuait à être pénible à ressasser mais comme à chaque fois et comme pour tout le monde, le temps fait son œuvre et comme on pouvait s’y attendre, Cora reprend doucement du poil de la bête. Parce qu’elle sait que Vittorio n’est pas très différent d’elle en ce qui concerne le tournage de pouce, elle n’hésite pas à lui partager la nouvelle d’une façon qui indirectement l’invite à partager son opinion sur le sujet. Elle connaissait beaucoup de monde dans ce milieu mais très peu en qui elle pouvait avoir confiance pour obtenir un véritable avis qui l’aidera à avancer dans la direction la mieux pour elle. S’il n’était pas réellement du show-business, elle se dit que l’aperçu qu’il en a eu ne pourra que lui permettre d’être plus critique. « Là, je pense que je te jugerais un peu. » répond t-il à la boutade qu’elle s’est permise de raconter pour détendre un peu les choses. Elle ne donne pas le fond de sa pensée qui est que si elle ne rebondit pas vite, elle court le risque de finir has been et là, il pourra effectivement la juger. « Pourquoi ? Tu serais surpris, je suis une excellente danseuse. » souligne t-elle dans le court de la conversation alors qu’il partage l’avis attendu. « Mais c’est une bonne idée. Enfin j’veux dire, j’y connais absolument rien, mais c’est un milieu dans lequel tu as toujours baigné alors tu sais où tu mets les pieds … Et si tu y pensais déjà il y a quelques années, c’est un projet qui a eu le temps de mûrir. » Elle ne sait pas si le projet a réellement eu le temps de mûrir, elle l’avait rangé dans un coin de sa tête pour ne le ressortir que récemment mais sachant que l’italien a une franchise à toute épreuve, son retour ne l’effraie pas. « T’en as parlé à notre « ami commun » ? Je suis sûr que ça a dû éveiller son intérêt. » Elle hoche la tête. Elle avait vaguement abordé l’idée avec Matthias, avant qu’il ne parte aux USA et la vie avait fait que les projets n’ont pas eu de suite et aujourd’hui, malgré l’entendre que les deux amis ont sur leur domaine de fonction, le timing n’est pas ce qu’il devrait être. « Non, pas encore. Il a la tête dans son dernier film, si je lui parle d’un tel projet, il va s’exciter tout seul sur l’idée et provoquer un court-circuit. Je vais attendre patiemment qu’il ait du temps pour moi. » justifie t-elle, ce qui est la vérité parce que leur ami commun a tendance à s’éparpiller quand on lui en met trop dans la tête. Il aimerait tout faire mais sa volonté est vite rattrapée par le fait que les journées ne feront jamais plus de 24h. « Du coup, t’es encore qu’au début de ta réflexion ou bien y’a de grandes chances que tu aies déjà mis les voiles la prochaine fois que je repasse ici ? » « Tout dépend de la prochaine fois où tu décides de venir ici. » dit-elle en haussant les épaules, le tout c’est d’avoir l’élan pour se lancer et pour l’instant, Cora en est encore à se cacher comme une petite fille qui a peur de l’extérieur. « Mais si le besoin de ma compagnie se fait sentir, tu sais où me trouver, je n’ai pas besoin de te répéter à chaque fois que la porte de ma maison t’est grande ouverte. » Elle le précise, juste au cas où. « En vérité, tu me demandes le moment de réalisation de quelque chose que je ferais certainement sur un coup d’tête. » Parce qu’elle raisonne mais que quand la décision est prise, les choses doivent aller vite. « Enfin, et toi ? Ben me dit qu’il va probablement retourner vivre en Irlande. Ça se présente comment pour toi avec les études ? » Bon, elle devine un peu la réponse déjà mais c’est toujours mieux d’avoir un retour oral sur la question.
Parce qu’il n’y connaissait rien, il n’était pas non plus capable d’avoir une vision d’ensemble de ce que représentait la décision de la jeune femme : comment comptait-elle se lancer, quels seraient ses objectifs, combien de temps lui faudrait-il pour mettre sur pieds cette envie qui, tant qu’elle ne serait pas appuyée par des faits concrets, ne serait qu’une lubie face à laquelle lui ne pourrait que se montrer vaguement encourageant simplement parce qu’elle lui était sympathique ? S’il ne pouvait que se contenter d’espérer qu’elle ne subirait pas de déconvenue telle qu’elle mettrait à nouveau genou à terre si peu de temps après avoir tenté de se relever seule, un autre que lui, plus au fait de ces choses-là, saurait peut-être se montrer de bon conseil à l’égard de la jeune femme. Contre toute attente, pourtant, Cora s’était fendue d’un « Non, pas encore. » lorsque Vittorio avait posé la question de but en blanc. « Il a la tête dans son dernier film, si je lui parle d’un tel projet, il va s’exciter tout seul sur l’idée et provoquer un court-circuit. Je vais attendre patiemment qu’il ait du temps pour moi. » Préférant se garder de tout commentaire quant à la visible tendance de Matthias à avoir beaucoup de temps pour lui-même mais fort peu à accorder aux autres, l’italien s’était contenté de hocher la tête. Après tout Cora connaissait mieux la bête que lui, à bien des égards – et surtout elle était assez grande pour savoir ce qu’elle faisait. Faute d’être d’une quelconque utilité à ses affaires, Vitto s’était donc simplement questionné sur la possibilité de ne pas retomber sur elle la prochaine fois qu’il passerait. « Tout dépend de la prochaine fois où tu décides de venir ici. » Elle avait haussé les épaules, et lui avait secoué la tête d’un air incertain « Je ne sais pas trop, généralement je passe à l’improviste. » Sauf si Brusco se révélait subitement avoir besoin d’un vétérinaire, mais l’italien préférait ne pas faire de prédictions de mauvais augure à ce sujet. « Mais si le besoin de ma compagnie se fait sentir, tu sais où me trouver, je n’ai pas besoin de te répéter à chaque fois que la porte de ma maison t’est grande ouverte. » Elle pourrait bien le répéter tant qu’elle voulait, lui continuerait probablement d’y voir avant tout une formule de politesse ; Elle l’avait toujours traité plus comme un employé qu’autre chose, après tout. Mais soit, il connaissait toujours l’adresse si besoin. « En vérité, tu me demandes le moment de réalisation de quelque chose que je ferais certainement sur un coup d’tête. » avait en tout cas repris l’actrice à propos de ses projets professionnels et du timing qu’elle espérait leur donner. « Enfin, et toi ? Ben me dit qu’il va probablement retourner vivre en Irlande. Ça se présente comment pour toi avec les études ? » Arquant un sourcil, il s’était montré plus surpris qu’il ne l’aurait souhaité, tant il aurait préféré garder un masque de profonde indifférence vis-à-vis de Benjamin et de ce qu’il considérait comme sa malhonnêteté. « Je l’aurais pas imaginé quitter Brisbane. » avait-il alors simplement commenté au sujet de l’expatriation prochaine de l’avocat. « On s’est revus une fois en début d’année, il m’en devait une et que j’avais un service d’ordre juridique à lui demander … Mais en dehors de ça on n’est plus vraiment en contact. » Et tel un chat qui ne tomberait pas deux fois de suite dans la baignoire d’eau chaude, Vittorio n’aurait pas cédé deux fois à la possibilité de travailler chez Brody & ses associés imaginaires pour des peccadilles. « J’ai pas encore trouvé où faire mon dernier stage, des cabinets qui acceptent de se plier à mes horaires de boulot ça ne court pas les rues étonnamment. » Mais ces mêmes cabinets refusaient aussi de payer leurs stagiaires, comme s’ils s’imaginaient que leurs loyers se payaient par la grâce du Saint-Esprit. Classic. Haussant les épaules l’italien avait tenté de paraitre plus désabusé que découragé. « Je verrai bien … Si je ne trouve pas c’est peut-être que ça ne doit pas se faire. Le vie del Signore sono misteriose. » Et il fallait bien y mêler le Seigneur pour qu’il accepte de se montrer aussi fataliste à ce sujet. Passer d’assistant du procureur à moniteur de boxe, cela ressemblait à une véritable dégringolade pour l’ambitieux qu’il était, mais rien n’arrivait jamais sans raison, alors qui sait ? « Je risque de rester à Brisbane un moment, de toute façon. » Elle ne s’en étonnerait peut-être pas, après tout il avait repris des études et adopté un animal, ce qui en soit représentait déjà une certaine implication à ne plus être uniquement un touriste de passage. Mais elle l’avait connue courant après un visa temporaire sans avoir le moins du monde réfléchi à la suite, cela méritait bien qu’il verbalise ce changement de cap de manière officielle.
Même si les choses se précisent, ses projets restent encore flous à certains endroits et tant qu’elle n’a pas encore accordé d’attention particulière aux détails, Cora essaient en vérité de ne pas trop répandre la nouvelle de ses projets. Elle a peur que cela devienne bien trop sérieux d’un coup et surtout que son entourage soulève des questions auxquelles elle n’a pas pensé, auxquelles elle n’a donc pas de réponse et donc de finir à devoir digéré la réalisation de s’être précipitée et d’avoir à vivre une remise en question où elle remettrait tout en cause. Sans surprise, c’est aussi que d’avoir cette peur d’envoyer tout promener à la première colle qui fait qu’elle veut s’accorder encore du temps pour réellement savoir ce qu’elle est prête à faire. C’est pourquoi, elle décide de ne pas en parler à Matthias pour le moment et comme à chaque fois qu’il tombe dans la conversation avec Vitto, elle et lui passent vite à autre chose et reviennent vers ce thème actuel qu’est le futur. « Je ne sais pas trop, généralement je passe à l’improviste. » dit-il, plaçant à son tour une future rencontre sous le signe du destin, ce qui lui parait si abstrait qu’elle se permet d’ajouter peu après que si le besoin se faisait ressentir, sa porte serait toujours ouverte. Invitation à laquelle il répond poliment mais qu’elle laisse là, à se dire qu’un jour il la prendre pour ce qu’elle est. Elle finit par rebondir sur lui, la façon dont il aura besoin de se retourner maintenant que Benjamin a annoncé son départ. Elle n’est pas seule à se retrouver sans véritable emploi. « Je l’aurais pas imaginé quitter Brisbane. » Non, elle non plus, mais elle ne peut pas non plus imaginer ce qui peut se passer dans la tête de Benjamin avec son accident et son nouveau quotidien et elle imagine que retrouver ses racines devient un besoin vital dans ces moments. Elle se contente d’hausser les épaules, ne sachant pas ce qu’elle pourrait apporter à la question. « On s’est revus une fois en début d’année, il m’en devait une et que j’avais un service d’ordre juridique à lui demander … Mais en dehors de ça on n’est plus vraiment en contact. » Elle garde le silence, ne s’étonnant pas de l’information qu’il communique. Vittorio est une personne qu’elle a du mal à voir communiquer si ça ne concerne pas un intérêt professionnel. « J’ai pas encore trouvé où faire mon dernier stage, des cabinets qui acceptent de se plier à mes horaires de boulot ça ne court pas les rues étonnamment. » L’idée de lui demander s’il avait tenté l’associatif, ou autre firme qui a trop besoin de bras pour se permettre d’attendre une dévotion extrême, se pose mais elle balaye bien vite l’intention de poser la question, se répondant naturellement qu’il a bien dû déjà essayé. « Je verrai bien … Si je ne trouve pas c’est peut-être que ça ne doit pas se faire. Le vie del Signore sono misteriose. » énonce t-il, phrase qu’elle ne comprend pas mais dont elle pense deviner malgré tout le sens en se basant sur leur sujet de conversation (et parce que misteriose ne fait pas de mystère en terme de traduction) « Si je peux t’être d’une quelconque utilité. Je trouverais ça dommage que tous ces efforts ne payent pas. » avoue t-elle alors qu’il complète. « Je risque de rester à Brisbane un moment, de toute façon. » « C’est décidé ? » Comme si la question était réellement en suspens depuis trois ans. Vitto n’avait jamais parlé de revenir en Italie mais il avait assez communiqué son désamour des australiens pour qu’elle s’étonne de ne pas le voir s’envoler pour une autre destination. « Tu as fini par trouver de la place dans ton cœur pour l’Australie ? » demande t-elle, sachant très bien le retour rationnel qu’il pourra lui faire mais qu’à cela ne tienne, un peu d’humour ne fait jamais de mal.
Ironique, la manière dont Vittorio trouvait presque incongrue la décision subite de Benjamin de quitter l’Australie pour retourner s’exiler en Irlande, quand de son côté il donnerait n’importe quoi pour pouvoir abandonner ce caillou au milieu du Pacifique et retrouver son Italie natale. Un biais un peu stupide selon lequel s’exiler pour aller dans un pays où l’on parlait la même langue n’aurait pas grand intérêt, sans doute … Et pas que cela soit vraiment les affaires de l’italien, de toute manière. Comme il l’avait aussitôt expliqué à Cora Benjamin et lui n’étaient plus véritablement en contact, et l’ingratitude dont avait fait preuve l’avocat à son égard après qu’il se soit échiné à tenir la boutique en son absence suffisait à ce qu’il se s’émeuve plus vraiment de ce qu’il décidait de faire de sa vie. Son problème à lui restait néanmoins entier, il peinait à trouver un nouveau lieu de stage, et sans cela il ne pourrait tout bonnement pas valider son diplôme – une frustration, assurément, mais pas non plus le crève-cœur qu’il aurait imaginé. « Si je peux t’être d’une quelconque utilité. Je trouverais ça dommage que tous ces efforts ne payent pas. » lui avait néanmoins proposé Cora avec bienveillance, et acquiesçant en lui adressant un sourire il n’avait pas osé lui faire remarquer qu’à moins d’avoir un emploi à lui proposer sur un plateau, il n’y avait pas grand-chose qu’elle puisse faire pour l’aider actuellement. « C’est gentil. Dans ce cas si t’entends parler d’un truc qui ressemble de près ou de loin à un stage dans le domaine juridique, sens-toi libre de donner mon nom. » Pour le reste ce serait de toute façon à lui de faire au mieux pour se vendre ; Cora avait suffisamment d’autres chats à fouetter. Puisque le moment s’y prêtait vaguement, toutefois, il en avait profité pour balancer l’air de rien le fait que son exil australien était voué à se prolonger pour une durée dont lui-même n’avait pas la moindre idée … Et si Nino décidait de rester ici pour toujours ? Le « C’est décidé ? » ne lui avait pas laissé le temps de s’appesantir sur la question, et cela valait peut-être mieux. « Tu as fini par trouver de la place dans ton cœur pour l’Australie ? » Arborant un sourire narquois, l’italien avait ironisé « Mon cœur ? Quel cœur ? » Sans que plus personne ne soit dupe – parce qu’on en avait forcément un lorsque l’on décidait d’adopter un chien, pour le sauver in extremis de l’euthanasie qui plus est. « Disons que je ne suis plus aussi seul ici que je l’étais en arrivant. Et que pour le moment, ça me suffit. » Il aurait pu lui parler de Nino, il ne rangeait pas Cora dans la catégorie des personnes dont il se méfiait de peur qu’elles leurs nuisent à son frère et lui, mais quelle crédibilité aurait-il alors quant au fait de lui avoir conseillé de s’éloigner de Finnley et de sa mauvaise influence ? « Même si je continue de soutenir que vous conduisez du mauvais côté de la route. » Narquois, et plus à l’aise à manier l’ironie qu’à développer sur les personnes qui lui donnaient envie de s’attarder dans le coin tant qu’elles y seraient aussi, il avait glissé nonchalamment les mains dans les poches de son jean et sifflé pour attirer l’attention de Brusco et le faire revenir vers lui. Demi-victoire, car si l’animal avait fait la sourde oreille quelques seconde il s’était finalement exécuté en trottinant. « C’est courageux ce que tu as fait. » Il passait du coq à l’âne, les mains toujours enfoncées dans ses poches mais le regard remontant jusqu’à Cora avec sérieux. « Demander justice, et ne lâcher qu’après l’avoir obtenue. » Avec tout ce que cela demandait de capacité nerveuse pour supporter le retour de boomerang et les conséquences que cela impliquait. « Je me suis rendu compte que je ne te l’avais jamais dit. » Sans doute parce qu’il prenait rarement la peine de dire ce genre de choses, même les fois où il les pensait. Il en avait suffisamment bavé dans sa propre vie pour estimer que quiconque en passait aussi par-là ne méritait pas une médaille pour autant. Mais Cora et sa gentillesse exacerbée – celle-là même que Vitto trouvait parfois horripilante – n’étaient pas forcément prédisposées à se retourner contre ceux qui les avaient piétinés, et parce qu’il l’avait sans doute jugée moins capable qu’elle ne l’était en réalité l’italien se sentait le devoir de le reconnaître en compensation.
C’est un fait qui lui revient au fil de la conversation : ça a toujours été très rassurant que de parler professionnel avec Vittorio. Il avait toujours une vision bien calée sur la sienne malgré un pragmatisme dû au fait qu’il n’a pas baigné dans le show business depuis son enfance et surtout il n’avait toujours été que bienveillance à son égard. Vittorio n’avait jamais souhaité de mal à Cora et n’avait jamais à lui nuire là où d’autres personnes auraient pu se plaire à tenter de la faire tomber. Elle le réalise en marchant à ses côtés, que bien qu’ils ne sont pas des plus loquaces et que leurs points communs se comptent sur les doigts d’une main : Vittorio a de la valeur et avoir un allié de sa trempe est essentiel. C’est regrettable que Ben n’ait pas saisi l’opportunité qui lui avait été proposé et au fond d’elle, elle espère très sincèrement qu’un jour, le garçon pourra un jour bâtir un réel projet à lui. « Un stage dans le domaine juridique, sens-toi libre de donner mon nom. » Elle penche la tête, se tâtant à lui répondre gentiment qu’elle compte se tenir très loin de tout avocat pendant très très longtemps et qu’il sera l’exception qui confirmera la règle. « Je verrais ce que je peux faire » garantit-elle, pour la forme parce que la vérité est aussi qu’elle ne peut pas faire de miracle et qu’elle y connait bien trop rien au droit pour avoir une idée du contenu qui pourrait intéresser Vitto en matière de droit. Mais l’annonce de son séjour en Australie l’amène à se dire qu’elle devrait passer de la forme au fond, si Vitto songe à s’installer de façon permanente, alors il est temps pour elle qu’elle rende au moins l’aide qu’il lui a apporté en donnant son noms aux meilleurs avocats qu’elle connait, même si cela implique des rendez-vous pénible dont elle se passerait. « Mon cœur ? Quel cœur ? » dit-il dans sa démarche classique de paraitre pour moins sensible qu’il ne l’est réellement, ce qui pousse Cora à lui répondre en inclinant le regard, une façon de lui dire qu’il ne l’a lui fera pas à elle, qu’elle sait que son machisme et son côté distant dans ses relations, c’est de la façade. « Disons que je ne suis plus aussi seul ici que je l’étais en arrivant. Et que pour le moment, ça me suffit. » Elle ne dit rien, toute question serait une intrusion et entre eux, il y’a cet accord tacite de respecter le jardin privé de l’autre. « Même si je continue de soutenir que vous conduisez du mauvais côté de la route. » « Justement, on attendait que toi pour que tu nous enseignes le droit chemin. » Son sourire s’élargit après la blague, le refuge apparait devant eux au fur et à mesure qu’ils avancent et terminent la balade. « C’est courageux ce que tu as fait. » finit-il par lâcher, à quelques minutes du moment où ils vont se quitter. La confession surprend Cora, Vitto est avare pour ce qui est de vanter les mérites de quelqu’un. « Demander justice, et ne lâcher qu’après l’avoir obtenue. » Si elle avait le temps d’en discuter, elle dirait que tout est relatif mais une personne optimiste dirait qu’au moins, elle a mis les mains là où il fallait et a déméler un problème quipatientait depuis des années. « Je me suis rendu compte que je ne te l’avais jamais dit. » A dire vrai, il n’avait pas besoin de le faire parce qu’elle n’avait jamais senti qu’il la pensait lâche, ou tout autre adjectif de cet acabit. Cependant, il est important de souligner qu’elle est touchée. « Merci beaucoup, ça me touche que tu le formules. » dit-elle, le pensant vraiment parce que Vitto ne verbalise pas ce genre de pensée. « Tu sais, je pense que j’ai pu le faire parce que j’avais un sacré bon entourage qui m’a permis de me délester de ma charge mentale le temps que je me concentre sur cette histoire. » dit-elle, avant d’ajouter en le regardant dans les yeux. « Et tu en fais parti, je ne t’ai jamais remercié et j’ai pas communiqué comme il aurait fallu mais merci de m’avoir permis de me reposer sur toi pour aller de l’avant, tu as eu un rôle important dans cette affaire, même si tu ne le ressens pas comme ça. » assure t-elle avant de sentir le léger malaise entourant un échange de compliment dont ils ont chacun pas du tout l’habitude. Ce respect qu’elle avait pour lui, elle le montrait plus par les gestes que la parole (du moins elle l’espérait.) « Je dois retourner travailler, mais merci pour la promenade, dis moi quand tu reviens. » termine t-elle avant de retourner à ses occupations.