Simplement vêtu d’un t-shirt et d’un jean, je pénètre dans le building regroupant tout un tas de bureaux en plein cœur de Brisbane. Mains dans les poches, démarche nonchalante, je n’ai même pas pris la peine de me coiffer correctement ce matin. J’ai rendez-vous à l’agence pour un contrat de mannequinat important, qui déviera très certainement sur une pub vidéo. J’aurai accepté derechef si ça ne tenait qu’à moi, mais mon agent a tenu à ce que je me déplace donc j’ai vite capté qu’il y avait anguille sous roche. Voilà pourquoi je n’ai pas fait un gros effort vestimentaire. Lorsqu’on me prend pour un lapereau de trois semaines, j’estime que je suis en droit de me comporter comme un adolescent exigeant et insupportable. Je pense d’ailleurs que c’est mon étiquette préféré : jouer le gamin. Ça irrite trop rapidement les gens et moi, je m’en bats les reins.
Ding. L’ascenseur s’arrête au 24ème étage et je longe les couloirs jusqu’à la salle d’attente de mon agent. Heureusement que j’ai pris un redbull au réveil, il commence à faire effet car avec le peu d’heures que j’ai dormi… On pourrait penser que j’ai fait la fête toute la nuit, mais non. J’aurai préféré, mais je me suis fait chier à étudier la plaidoirie insensée de Paul Lombard au procès Ranucci une bonne partie de la nuit pour comprendre le génie du mec et essayer d’en tirer le meilleur. Mes notes sont excellentes, il n’y a rien à redire mais je me suis trouvé une passion pour ce métier. Et cette passion me fait passer de nombreuses nuits blanches, ajoutées à celles que je passe à faire la fête, je ne dors que très peu et j’arbore donc ce sempiternel air fatigué sur la tronche. Et pour ne rien arranger, j’ai des yeux bleus qui me donnent rapidement l'air d'un camé et la peau pâle qui ne bronze pas. Non, moi je rougis, et qu’est-ce que ça peut me gonfler cette caractéristique personnelle depuis que je suis à Brisbane ! Je n’avais définitivement pas le même problème à Londres ! La crème solaire est devenue une incontournable pour m'éviter les brûlures constantes. Vraiment chiant, je suis poisseux à longueur de journée. J'espère encore qu'à un moment ma peau va s'adapter au climat, mais honnêtement je n'y crois pas vraiment.
Bref, tout ce à quoi je pense une fois arrivé dans la salle d'attente, c’est à quel point j’ai envie de fumer. Mais il est juste impossible d’allumer quoi que ce soit dans ce building sans déclencher une alarme et tout un système effrayant qui ferait passer un simple toxico pour un gros pyromane. Je vais me poser devant les fenêtres, incapable de rester assis bien sagement dans un fauteuil et j’observe la ville quand la porte de mon agent s’ouvre enfin et qu’elle m’interpelle. Pas trop tôt ! La patience, c'est carrément pas mon truc.
- Abel, viens là mon grand. Je suis contente de te voir. Tu vas bien ?
Au-delà de son côté maternel hyper agaçant, Loanne Meyers est une super agent à Brisbane, reconnue de tous et elle me trouve constamment des contrats ; si bien que pour le moment, je ne m’en fais guère pour mes revenus. Après une brève accolade, j’entre dans la pièce et fronce les sourcils en voyant une personne déjà assise sur une chaise en face du bureau de Loanne. Une jolie petite frimousse rousse déjà aperçue à de multiples reprises que je tarde néanmoins à identifier, jusqu’à ce que Loanna ne vienne à ma rescousse.
- Je te présente Cora Coverdale, si tu ne la connais pas déjà. Cora, voici Abel dont je viens de te parler à l’instant. Assis-toi Abel.
Ah mais oui ! Cora, évidemment. Je l'ai déjà croisé sur des plateaux mais nous n'avons que brièvement échangé alors.
- Salut Cora, ça va ? T'as la forme ?
J'accentue bêtement mon sourire en m'asseyant et je m'affale un peu sur ma chaise, instrument de torture pour mon joli fessier. Je comprends alors vite qu’il s’agit d’un contrat à deux (puisque 1+1=2, quelle déduction) et j’attends de voir ce qu’il en retourne – même si je ne fais pas mon difficile en général. J’ai déjà posé nu, à plusieurs reprises et avec différentes partenaires, ça ne me gêne pas du tout, au contraire. C’est cool, j’suis à l’aise avec mon corps. Loanne ne s’attarde pas sur les bavadarges et nous balance d'emblée de quoi il est question. Il s’agit d’une campagne de publicité pour la marque australienne Jigsaw. Un shooting photo qui pourrait glisser vers un spot publicitaire très bien rémunéré. Tout me semble on ne peut plus acceptable, je dis rarement non à un aussi gros contrat qui me permettra de gâter Mo' un peu plus. Leanne nous tend les contrats et je me penche vers son bureau, attrapant un stylo bic noir au passage. Pas besoin de lire les conditions, je sais que tout est niquel vu la marque. J’appose ma signature en bas du contrat et me tourne vers Cora qui ne bouge pas vraiment de son assise.
- Tiens, prends mon stylo.
Je lui tends le stylo avec lequel je viens de signer et attends qu’elle se bouge, qu’on puisse en finir avec ce rendez-vous qui s’éternise. J’ai envie de fumer une clope moi !
Le message laissé par Loanne sur sa messagerie l’avait d’abord intrigué. Elle ne disait rien de probant hormis qu’elle voulait prendre de ses nouvelles et lui parler de certaines choses, et si Cora se rappelait très bien avoir insisté sur le fait qu’elle ne prendrait plus aucun contrat et que sa carrière devant les objectifs est terminée. Elle ne pouvait décidément pas ignorer ce message. Le show-business est un milieu où tous les sujets courent très rapidement et Cora sait qu’elle ne veut pas qu’on dise d’elle qu’elle a raté un rendez-vous, qu’elle n’est désormais qu’une impertinente ingrate envers l’agent qui lui a offert une carrière qu’elle ne regrette pas malgré sa décision de tout mettre derrière elle. Un refus entrainerait des conséquences qu’elle n’a aucune envie de gérer. C’est donc ainsi qu’elle s’est dirigée vers l’immeuble qui enferme l’agence de son agent afin d’y perdre une heure, sans conviction autre que d’avoir une conversation amicale avec elle parce qu’à défaut de ne pas savoir ce qu’elle veut faire de sa vie, elle sait ce qu’elle ne veut pas et vendre son image en fait partie. Les regards se tournent vers elle alors qu’elle foule les couloirs. Il est vrai que cela fait des mois qu’elle n’est pas venue et que toutes les questions peuvent se poser sur la raison qui la pousse à venir maintenant. Chose n’est pas coutume mais Cora est en avance. L’idée est que plus vite elle sera sortie de sa visite de courtoisie, mieux ce sera et les deux jeunes femmes, qui ne n’avaient pas été face à l’autre depuis deux mois avaient eu tout le loisir de discuter jusqu’à ce que l’heure originelle du rendez-vous ne sonne et que Loanne ne sorte « régler un dernier détail ». Le détail de Loanne se présente sous la forme d’un garçon d’un mètre quatre-vingt-sept qu’elle reconnait pour avoir été marié à l’une de ses amies les plus proches. Cependant, Cora ne prononce aucun mot. Silencieuse, elle attend de savoir où Loanne veut en venir avant de prendre parole et de rappeler ce qu’elle répète depuis des mois. « Je te présente Cora Coverdale, si tu ne la connais pas déjà. Cora, voici Abel dont je viens de te parler à l’instant. Assis-toi Abel. » Mensonge Loanne, tu ne l’as pas mentionné un seul instant sachant que Cora est prête à partir dès que la conversation partira dans un sens qu’elle refuse. C’est déjà ce qu’elle s’apprête à faire maintenant. « Salut Cora, ça va ? T'as la forme ? » Demande alors Abel avec un sourire enjôleur qui ne fait que précipiter la méfiance de la jeune femme. Pour toute réponse, elle lui accorde un signe de tête. Evidemment, il avait fallu que cette entrevue soit un piège et rien ne sert d’échanger des banalités. Loanne ne fait de toute façon pas durer le suspense. Cora se prend à penser qu’elle a bien vu sur son visage qu’il n’est plus l’heure de jouer les mystères mais de tout cracher. Résultat : La raison de sa venue serait la nouvelle pub jigsaw, qui les réclamerait tous les deux pour un shooting et tout ce qui s’en suit. Le visage de Cora ne vire pas rouge parce que sa maman lui a appris à ne jamais montrer quand elle est en colère, mais intérieurement, elle fulmine. Abel de son côté est prêt à signer et il aurait tort de se priver, signer avec une grande marque est toujours un moment important et pousse une carrière dans le bon sens. Malheureusement, Cora n’en est plus à ce stade. « Tiens, prends mon stylo. » dit-il alors que sa signature est déjà tracée sans même avoir lu le contrat. C’est à ce moment qu’elle se décide à sortir de son mutisme. D’un signe de la main, elle rejette le stylo du garçon avant de se redresser et de s’adresser à Loanne. « Et donc, c’est ça la raison pour laquelle tu voulais me voir ? Je t’ai déjà dit et répété que je ne prenais plus de contrat. » Visiblement, il faut qu’elle le répète une fois de plus. « Je me demande juste si c’est une idée à toi, ou à la marque. Parce que je ne présente plus le même profil qu’autrefois, je vais avoir trente-deux ans et mes émules dans les journaux viennent à peine de se calmer. » En sans compter les kilos en trop qui garnissent ses hanches et que tout le monde aura eu la politesse de ne pas pointer devant elle mais qui se remarque bien. « C’est non, et je suis sûre que tu as tout ce qu’il faut comme profil pour accompagner Abel. » finit-elle par soutenir, persuadée de ce qu’elle avance. Qu’elle n’est plus dans le coup pour le mannequinat et que c’est très bien comme ça.
Alors que je commence à m’impatienter, le manque de nicotine y étant en grande partie pour responsable, je vois Cora s’agiter et lorsqu’elle s’adresse à notre agent, je comprends tout de suite pourquoi j’ai été convoqué ici. Loanne veut que je lui sauve les fesses, une fois de plus. Je pousse un lourd soupire de découragement en m’affalant sur ma chaise et en écoutant les conneries que débite la mannequin. Cora, n’est-ce pas là une amie à Jess par le plus grand des hasards ? J’essaie de me rappeler mais les souvenirs de cette période sont relativement flous. A vrai dire, je pense avoir plané durant toute notre relation avec Jess, ce qui ne m'a pas aidé à garder des souvenirs concrets. Cependant, il me semble bien qu’elles étaient proches toutes les deux, voire même très amies. Et peut-être que c’est l’une des raisons pour lesquelles Cora refuse de travailler avec moi. Je me tords les lèvres, circonspect, alors que Loanne reprend la parole en se montrant insistante : - La marque te veut toi Cora, et justement pour ton profil et tes trente-deux ans. C’est une réelle volonté de leur part d’être plus proche des profils communs, d’élargir leurs horizons et de toucher un maximum de personnes ainsi.
Je souris bêtement, alors que Loanne est en train d’insinuer que les formes ‘disgracieuses’ de Cora sont justement ce qui est demandé pour le shoot. Si cette dernière ne le prend pas mal, ce qui est fort probable, elle serait bien chanceuse. Légèrement irrité par tout ça, je décide d’arrêter brusquement leurs simagrées et me tourne vers Cora, un peu vexé par ailleurs d’être exclu de cette conversation me concernant malgré tout : - Bon c’est quoi le problème en vrai ? T’es une amie de Jess, tu ne peux pas me voir en peinture ? Si ça peut te rassurer, je ne mélange plus privé et professionnel depuis trois ans. Je lui fais un clin d’œil appuyé, au risque de passer pour un gros beauf (ce que je peux tout à fait être par moment). Puis, je soupire de lassitude et poursuis malgré tout mon argumentation – Et si ce n’est pas ça le problème, mais que t’es juste pas sûre de toi, et bien laisse-moi te dire, en tout bien tout honneur et sans arrière-pensée… Je précise au cas où hein… que tu restes super belle malgré ton âge avancé. Je te pensais grave plus jeune avant que tu ne révèles ce dernier. Je souris, un peu bêtement à nouveau. Sa beauté est indéniable, et il faudrait vraiment avoir de la merde dans les yeux pour dire le contraire. J’essaie de la décoincer et de la mettre à l’aise. Je n’ai peut-être pas la bonne méthode, à vrai dire je ne connais pas vraiment de méthode pour cela, mais j’essaie et c’est déjà un gros effort venant de moi. Pour finir, je termine en disant – Et si tu as peur de l’image véhiculée dans les journaux, tu devrais juste t’en foutre. S’ils veulent s’acharner, ils le feront, que tu poses pour Jigsaw ou non, que tu te montres ou non. Ce sont des charognards à l’affut, alors autant maîtriser ton image plutôt que de chercher à la cacher. Fin, c’est ce qu’il me semble de mieux à faire… Mais je ne suis peut-être pas de très bon conseil remarque. Faut voir comment j’ai géré (pas géré du tout) mon image à Londres par exemple. C’était n’importe quoi, un véritable désastre. Le gamin insupportable de l’Angleterre. Et pourtant, je n’en ai jamais eu rien à foutre de ce qu’ils pouvaient dire sur moi. Il faut avouer que j’ai une capacité assez exceptionnelle à me foutre de ce qu’on pense de moi qui me facilite bien la vie en général.
Ce n’est pas très malin de la part de Loanne de partir directement sur un mensonge. Depuis toutes ces années, Cora est maintenant capable de savoir quand son agent va tenter de l’entourlouper et quand ce n’est pas le cas. Elle a grandi avec une experte en l’art de la manipulation (sa mère) et ce n’est certainement pas une simple agente qui va la prendre dans ses filets mais courtoise jusqu’au bout, Cora ne s’offusque pas de suite et écoute la proposition, sachant pertinemment qu’elle refusera. Sa carrière d’actrice et toutes les activités s’y rapportant, comme le mannequinat, sont bel et bien terminés, et elle ne reviendra pas dessus. Parce qu’elle est une nouvelle fois polie, et qu’elle ne cherche pas à faire étalage de sa vie privée devant quelqu’un qu’elle connait que très peu, elle invoque des motifs à son sens logique pour refuser cette offre, pointant donc son âge et son poids qui n’est plus ce qu’il était autre fois. « La marque te veut toi Cora, et justement pour ton profil et tes trente-deux ans. C’est une réelle volonté de leur part d’être plus proche des profils communs, d’élargir leurs horizons et de toucher un maximum de personnes ainsi. » Son sourire ne s’estompe pas, ce qui n’est pas forcément bon signe parce que Cora se force et que quand elle arrête d’être sincère, ça indique que l’on commence à lui courir même si malheureusement pour elle, la conversation vient juste de commencer et qu’elle a bien compris qu’on ne la laissera pas tranquille comme ça. Elle aurait simplement préféré que Loanne ne lui mente pas aussi éhontément. La relation entre une célébrité et son agent doit être très proche car l’un fait vivre l’autre, dommage que ce fait soit oublié. « Bon c’est quoi le problème en vrai ? T’es une amie de Jess, tu ne peux pas me voir en peinture ? Si ça peut te rassurer, je ne mélange plus privé et professionnel depuis trois ans. » Reprend Abel, la surprenant au passage de par sa mégalomanie, comme si tout tournait autour de lui alors qu’à aucun moment elle n’avait pensé à Jessyan et au fait de lui devoir des comptes, sous prétexte qu’elles sont amies et que lui, est son ex. Cora n’en est plus à se prendre la tête pour quelqu’un qui n’est plus dans sa vie. « Et si ce n’est pas ça le problème, mais que t’es juste pas sûre de toi, et bien laisse-moi te dire, en tout bien tout honneur et sans arrière-pensée… Je précise au cas où hein… que tu restes super belle malgré ton âge avancé. Je te pensais grave plus jeune avant que tu ne révèles ce dernier. » Elle l’observe Abel, qui jongle avec ses paroles comme il jonglerait avec des bouteilles, donc très mal dans la mesure où il n’est pas acrobate. Elle ne dit rien, ne relève que très peu la mention de « l’âge avancé » qui fait vriller son sourire parce que c’est correct quand les mots viennent d’elle mais pas de lui. Elle sait qu’il ne pense pas l’entièreté de ce qu’il dit, que le but est juste de la faire signer. Manque de bol, elle n’est pas née de la dernière pluie. « Et si tu as peur de l’image véhiculée dans les journaux, tu devrais juste t’en foutre. S’ils veulent s’acharner, ils le feront, que tu poses pour Jigsaw ou non, que tu te montres ou non. Ce sont des charognards à l’affut, alors autant maîtriser ton image plutôt que de chercher à la cacher. Fin, c’est ce qu’il me semble de mieux à faire… Mais je ne suis peut-être pas de très bon conseil remarque. » Sans lui dire qu’il a complètement tort, c’est courageux de tenir ce discours face à elle et en même temps naïf de penser qu’il ne s’agit que de ça après tout ce qu’elle a pu voir écrit sur elle dans les journaux. Des remarques sur une prise de poids et un physique qui n’est plus celui d’une jeunette de vingt ans (et à raison) ne sont pas ce qui l’effraie le plus. « Abel, j’apprécie ce que tu es en train d’essayer de faire mais je t’assure que l’image que j’ai de moi se porte très bien et que ce n’est pas la raison de mon refus. » Faux. Elle a grandi dans l’idée que la minceur, c’est tout dans la vie d’une femme, bien sûr qu’elle se fait horreur mais là n’est pas le sujet. « J’ai juste rappelé une chose qui est logique pour toute personne du métier et qui est que, je ne suis plus engageable pour d’aussi grosse campagne et que ce genre de contrat vient avec des obligations que je refuse d’assumer. Je ne suis pas le modèle qui leur faut et ils n’auront absolument aucun mal à me remplacer par la première petite jeune qui se pointera. D’ailleurs, Loanne, ne devrais-tu pas te concentrer sur ces clients-là plutôt que moi, parce que ce sont eux qui dès maintenant vont remplir ton frigidaire. » pointe t-elle à l’adresse de son agent, avant de se tourner vers Abel, qui vu qu’il a été inclut dans cette conversation sans trop savoir dans quoi on le projette mérite d’être mis au courant d’un point. « J’ai annoncé à Loanne il y’a un an que je me retirais de tout, je ne joue plus la comédie et je ne pose plus pour personne. C’est la raison qui motive mon refus et autant j’apprécie tes efforts, autant ils sont vains parce que mon avis ne changera pas. »
→ Je ne comprends pas vraiment ce que je fous là, faut l’avouer. A la base, Loanne m’a convoqué pour me parler des termes d’un gros contrat et me le faire signer. Jigsaw c’est du lourd, clairement, et je ne vais pas refuser ce qui s’apparente à une grosse rentrée de revenus d’ici peu. Toutefois, je n’avais pas prévu que je devrais travailler en binôme, et encore moins qu’il me faudrait convaincre ma collègue d’accepter le contrat. Je sais être persuasif, là n’est pas le problème. Le fait est que ce n’est pas à moi de l’être, et ça fait plusieurs fois que Loanne me joue des tours ainsi. Comme je n’aime pas m’embarrasser de faux-semblants, je décide de la jouer franc, un peu brutal pour qu’on en vienne rapidement aux faits. Je perçois l’exaspération furtive de Cora dans son regard, très vite dissimulée par un masque d’impassibilité perfectionné. Ça se voit qu’elle a une grande maîtrise d’elle-même lorsqu’elle s’exprime et je suis plutôt admiratif de ce trait de personnalité, en sachant que je suis incapable d’adopter le même comportement. – Abel, j’apprécie ce que tu es en train d’essayer de faire mais je t’assure que l’image que j’ai de moi se porte très bien et que ce n’est pas la raison de mon refus. Je doute qu’elle apprécie réellement mon intervention, mais son ton me pousse à l’écouter avec curiosité. Je me demande bien ce qui la pousse à refuser ce type de contrat. De nombreux mannequins rêveraient de se voir proposer une telle opportunité, aussi j’ai du mal à comprendre les raisons de son refus. Elle semble toutefois déterminée, alors j’adopte un air légèrement plus sérieux et moins branleur au fur et à mesure de ses paroles. – J’ai juste rappelé une chose qui est logique pour toute personne du métier et qui est que, je ne suis plus engageable pour d’aussi grosse campagne et que ce genre de contrat vient avec des obligations que je refuse d’assumer. Quelles obligations ? A cet instant, je me dis que j’aurai peut-être dû lire plus attentivement le contrat. Ce n’est pas la première fois que Loanne me la met à l’envers, et apparemment c’est une façon de fonctionner chez elle. Je n’apprécie pas vraiment cela, ayant toujours préféré l’honnêteté et la franchise, deux concepts qui sont inconnus dans le milieu de la mode et qui font fureur lorsqu’on s’en sert. D’ailleurs, c’est ce que fait justement Cora et un petit sourire s’installe sur mes lèvres en l’écoutant remettre Loanne à sa place. – J’ai annoncé à Loanna il y a un an que je me retirais de tout, je ne joue plus la comédie et je ne pose plus pour personne. C’est la raison qui motive mon refus et autant j’apprécie tes efforts, autant ils sont vains parce que mon avis ne changera pas. Peut-on être plus claire ? Je ne pense pas non. Le message est passé pour ma part, alors je me tourne vers Loanne et lui demande à mon tour, histoire d’enfoncer le clou un peu plus profondément – Et du coup, cette mise en scène c’est pour que je fasse ton boulot et que je la convaincs ? Si le chèque à la clé du contrat ne l’a pas persuadé, ce n’est pas ma gueule d’ange qui va faire la différence. On perd notre temps, ici. Les épaules de Loanne s’affaissent, elle admet sa défaite et je secoue la tête en me levant, décidé à me tirer d’ici au plus vite. Je me tourne vers ma collègue et lui demande – Tu as quelque chose de prévu Cora ? Il faut dire que ses explications m’ont intrigué, et que j’ai bien envie de comprendre pourquoi elle refuse de jouer à nouveau ou de poser. – Il y a un café au coin de la rue qui fait des frappuccino de malade, avec toutes sortes de saveurs. Je t’en offre un ? Je souris, attendant patiemment la réponse de ma collègue lorsque Loanne se reprends et tente de s’expliquer d’une voix pleine de remords – Cora, Abel, je suis désolée si mes méthodes vous déplaisent mais je ne pense qu’à vos carrières et au profit que vous pourriez tirer d’un contrat aussi important. Je ne voulais pas vous mettre mal à l’aise ou vous faire penser à un piège. – Il aurait peut-être fallu en parler d’abord avec Cora au lieu de nous mettre dans cette position alors. C’est ridicule ! Elle t’a dit qu’elle voulait arrêter tout alors pourquoi cette mise en scène ? Je ne comprends absolument pas le but d’une telle manœuvre. Si Loanne pensait mieux nous manipuler ainsi, elle a eu sacrément tort.
Elle avait appris avec le temps à se montrer ferme et à rester calme même quand on tentait encore d’abuser de sa crédulité et surtout de son envie d’aider les autres, parce que c’est tout ce que Loanne avait tenté de faire, elle en est certaine. Si elle avait fait venir Abel, c’était pour que Cora sache que quelqu’un a payé le pot cassé de sa décision et est passé à côté d’un gros contrat. Et justement, là où Loanne avait été très intelligente, c’était en invitant la personne qui est à cinquante pourcent responsable de l’éducation de sa filleule, son père : Abel. Même si Cora avait pris ses distances, Loanne avait l’intelligence de se douter que Cora culpabiliserait à l’idée de priver les parents de l’enfant d’un emploi et donc d’une source d’argent assurant son quotidien. Peine perdue. Non pas que ça ne faisait rien à l’artiste mais elle avait commencé à apprendre qu’elle ne serait jamais d’utilité à quiconque dans son entourage si elle faisait les choses à contrecœur en pensant se sacrifier et que même si Jessyan et elle n’avaient plus eu d’échange depuis un long moment, elle savait que cette dernière n’hésiterait pas au besoin. Loanne avait raté son coup. « Et du coup, cette mise en scène c’est pour que je fasse ton boulot et que je la convaincs ? Si le chèque à la clé du contrat ne l’a pas persuadé, ce n’est pas ma gueule d’ange qui va faire la différence. On perd notre temps, ici. » Au moins, Abel n’insiste pas longtemps ce qui en même temps fait regretter Cora de le faire passer à côté d’un contrat qui lui plaisait et qui l’aurait mis bien. Encore une fois, elle doit se répéter qu’elle doit penser à elle en premier parce que jusque-là, c’est de ne pas l’avoir fait qui a causé sa perte. Cora n’ajoute rien, le laissant faire son discours à Loanne parce qu’après tout, elle l’a utilisé et c’est bien normal que ça le mette en colère. « Tu as quelque chose de prévu Cora ? » demande t-il, la surprenant au passage parce qu’elle se serait attendu à ce que ce soit plus long. Elle était prête à attendre avant de finir par tirer les choses au clair avec son agent. Finalement, elle ne sait pas quoi faire. Loanne reste importante pour elle, elle sait qu’elle ne peut pas tourner le dos à cette femme qui lui a donné sa chance. Néanmoins, maintenant qu’Abel propose, elle se dit qu’elle devrait peut-être lui laisser un temps pour réflechir et comprendre que Cora n’est plus la même. « Il y a un café au coin de la rue qui fait des frappuccino de malade, avec toutes sortes de saveurs. Je t’en offre un ? » Elle reste muette. Elle ne sait pas si elle devrait accepter cette invitation, rapport à qui il est pour elle en quelque sorte, ou plutôt parce qu’il pourrait lui poser des questions sur des sujets dont elle ne veut pas parler, comme le fait que cela fait plus d’un an qu’elle évite soigneusement la mère de sa fille. Son regard passe de l’un à l’autre de ses interlocuteurs sans qu’elle ne trouve quoi répondre. « Cora, Abel, je suis désolée si mes méthodes vous déplaisent mais je ne pense qu’à vos carrières et au profit que vous pourriez tirer d’un contrat aussi important. Je ne voulais pas vous mettre mal à l’aise ou vous faire penser à un piège. » C’est justement ça le problème, elle n’en avait pas l’intention mais elle n’a réflechit qu’au résultat. C’est facile de vouloir le bien des autres quand on ne voit que sa propre conception du bien et qu’on ne prend pas en compte leur souhait. « Il aurait peut-être fallu en parler d’abord avec Cora au lieu de nous mettre dans cette position alors. C’est ridicule ! Elle t’a dit qu’elle voulait arrêter tout alors pourquoi cette mise en scène ? » La réponse est trouvée : Loanne fait ce qu’elle sait faire et va dans le sens de ce qu’elle pense être le mieux sans se soucier de l’opinion des autres. « Elle fait ce qu’elle sait faire comme on le lui a appris. Sans s’interroger sur ce qui est bon pour autrui. » explique Cora avant que Loanne ne prenne la parole avant d’ajouter en se levant. « C’est correct. Je ne t’en veux pas, pour cette fois. J’ai déjà arrêté ma carrière une fois et tu es en droit de penser que je me parjurerais encore. J’attendrais que tu sois fatiguée d’essayer et que tu aies envie d’écouter mes nouvelles idées. En attendant, je suis sûre qu’il y’a un tas de file qui n’attend que ça, que tu les prennes sous leurs ailes comme tu l’as fait avec moi. Merci Loanne, passe une bonne journée. » clôture Cora en saisissant son sac à main. Au final, elle décide de s’en tirer dans le plus grand des calmes. Comme dit précédemment, dans ce milieu il vaut mieux éviter de se faire trop d’ennemi. « On le prend ce frappucino Abel, je t’invite pour la peine. » Après tout, il venait de passer à côté d’un gros contrat par sa faute – enfin indirectement – elle lui devait bien une boisson.
→ Je m’agace et trépigne un peu sur place. Le fabuleux plan de Loanne tombe à l’eau et je n’ai guère envie de m’apitoyer sur le sort de ma pauvre agente qui, une fois de plus, s’est plantée royalement. Non, sérieusement, elle aurait dû essayer de faire fonctionner ses neurones et de les connecter avant de provoquer pareille réunion. Il va de soi que je ne peux pas forcer Cora à faire quoi que ce soit, et encore moins au vue de ce qu’il nous lie. Peut-être d’ailleurs que Loanne a pensé pouvoir se servir de Morgane et du statut de marraine de Cora pour qu’elle accepte ce contrat. Si c’est le cas, en plus d’être conne, c’est une pourrie. Je me rends compte que chaque jour, elle me pousse davantage vers la concurrence. Elle doit ignorer qu’un autre agent me fait de l’œil, sinon elle ne cumulerait pas autant d’erreurs. Ou alors, elle s’en fous et veut me voir disparaître, c’est possible aussi vu que je fais partie d’un monde sans franchise ni honnêteté. Je suis un peu tendu pour le coup, en attente de savoir ce que va décider Cora et lorsqu’elle prend la parole, je m’apaise légèrement. Au moins, nous sommes du même avis et nous ne nous faisons aucune illusion sur la façon dont notre agente souhaite se servir de nous. – Elle fait ce qu’elle sait faire comme on le lui a appris. Sans s’interroger sur ce qui est bon pour autrui. En effet, elle pense ‘profit et carrière’. Nullement ‘bien-être et respect’, deux notions qui sont si souvent oubliées dans le monde du mannequinat et que seuls ceux avec un peu de bouteille exigent. Mains dans les poches, je masque ma nervosité et écoute, avec un petit sourire flottant sur les lèvres, Cora rembarrer Loanne avec une classe exceptionnelle. Non, décidément, je ne suis pas en mesure d’agir de la sorte, je suis bien trop impulsif et brutal pour maîtriser à ce point mes nerfs. – On le prend ce frappucino Abel, je t’invite pour la peine. Et parce que le mot ‘frappucino’ à lui seul fait hérisser les poils de Loanne, c’est avec un grand sourire que j’ouvre la porte et laisse Cora me devancer. – Ne m’appelle pas avant que je le fasse. Je préviens Loanne avant de quitter à mon tour son bureau. J’ai une décision à prendre vis à vis de l’agente et je dois y réfléchir rapidement.
Je rattrape rapidement Cora dans les longs couloirs et nous quittons l’immeuble au plus vite, nos pas nous mènent sans que nous ayons à réfléchir, ce chemin ayant déjà été emprunté à de nombreuses reprises pour l’un comme pour l’autre. Et même si ça ne fait que trois ans que je suis ici, j’ai l’impression de passer ma vie dans ce quartier ! Sitôt sortis à l’air libre, je glisse une clope entre mes lèvres et l’allume, appréciant avec grand plaisir la fumée novice qui brûle successivement mon palet, ma gorge et mes poumons. Je relâche dans un soupire l’épaisse fumée vers le ciel, avant de me tourner vers Cora et de lui sourire. – Tu lui as mis cher, et avec une de ces classes ! C’était brillant ! Bravo ! Je lui fais un clin d’œil, la précède et m’arrête face à la devanture du café prétentieux, là où sont affichés les différents breuvages (sans leur prix toutefois). Le frappucino mocca caramel me fait grave de l’œil, je me décide rapidement du coup. Je termine à la va-vite ma clope, l’écrasant sans l’avoir fini et entre dans l’endroit cosy et chaleureux suivi par ma ravissante collègue. L’atmosphère est légèrement tendue entre nous, il faut dire que le fantôme de Jess semble être là, en train de nous observer avec curiosité. Je me mordille la lèvre et sourit à Cora, qui assise face à moi, conserve tout de son élégance naturelle. Elle est magnifique, mais il n’y a pas que ça chez elle. Elle dégage une assurance perturbante, qui pourrait lui donner un aspect très froid, mais il y a aussi une douceur enfantine inscrite sur son visage. Aussi, il est difficile de se méfier d’une telle créature. – ça fait bizarre de se voir sans Jess, hein. Je mets les pieds dans le plat, bourrin que je suis. Je me gratte la tempe et ose – Mais tu ne la vois plus trop j’crois non ?
Ces derniers mots avaient été prononcés et elle n’allait pas cherché à expliquer d’avantages la situation à Loanne. Cette dernière était une adulte responsable et capable de recoller tous les morceaux ensemble pour comprendre ce que souhaitait Cora. Du moins, c’est ce que l’ancienne actrice espérait parce qu’elle déplorerait pour sûr que la femme qui s’est occupée d’elle pendant des années et qui l’a monté au sommet, et qui est entre temps devenue une amie, ne soit pas capable de lui souhaiter de s’épanouir ailleurs, dans un domaine qui ne l’aura pas vider de toute son énergie et cette joie de vivre qui autrefois, faisait toute sa renommée. En la laissant là, à méditer sur ses derniers mots, Cora espérait juste qu’elle comprenne et lui laisse volontiers le temps d’aller au bout de cette réflexion, même si celle-ci doit durer des lustres. La rousse est patiente. Elle sait qu’elle ne peut pas demander à son entourage de comprendre des décisions aussi précipitée et radicale. Parce qu’il avait suivi toute la conversation et avait servi de pion dans celle-ci, Cora se sent de justifier le déplacement d’Abel en l’invitant à boire un café se disant qu’il aura au moins gagné ça. Son dernier geste est donc de se lever et de prendre la porte calmement, comme si ce rendez-vous avait été comme les autres, afin que personne dans les couloirs n’aient une idée de l’échange.
Abel la rattrape et sans un mot, tous les deux quittent le building côté à côté. Cora se perd dans ses pensées. Une habitude qui se prend de plus en plus dernièrement. Elle ne peut s’empêcher de mesurer si elle n’a pas été trop dure avec Loanne, et surtout qu’elles pourraient être les conséquences de ses propos sur leurs futures collaborations. « Tu lui as mis cher, et avec une de ces classes ! C’était brillant ! Bravo ! » reprend finalement Abel, après s’être allumé une cigarette. Ses yeux se tournent vers lui en lui adressant un sourire, ses épaules se haussent. Elle ne sait pas si c’était brillant, juste que dans ce domaine, la maitrise de soi est très importante et que les années lui ont appris à en faire preuve. Après tout, elle fête cette année ses vingt-cinq ans de métier. « J’ai essayé de rester polie. » justifie Cora, avant de poursuivre, ne pouvant s’empêcher de défendre Loanne. « Tu sais, elle est ce qu’elle est devenue mais je ne lui en tiens pas rigueur, le métier est difficile et compétitif et je lui serais toujours reconnaissante des portes qu’elle m’a ouverte. » Et donc, pourquoi semble t-elle n’avoir aucune gratitude et pourquoi a-t-elle refusé cette offre ? « C’est juste que, j’ai décidé d’arrêter de vouloir faire plaisir à tout l’monde en prenant des projets qui ne m’intéressent pas et ça, elle le sait. » Et encore une fois, c’était pas cool de la convoquer elle, et lui. « Je pense que je devrais en profiter pour m’excuser pour t’avoir fait rater un contrat. » justifie t-elle le temps qu’il termine sa cigarette devant la porte du café. Elle le suit jusqu’à l’intérieur sans rien ajouter de plus. Ce sujet mit à part, elle ne partage que très peu de point commun avec Abel. Du moins, de points communs dont elle peut accepter de parler. Assis à table, ils en viennent presque à se regarder dans le blanc des yeux quand Abel décide de briser la glace. « ça fait bizarre de se voir sans Jess, hein » Elle ne rit pas tout à fait mais presque parce que c’était exactement ce qu’elle était en train de penser. Sans son amie, il était difficile de trouver quoi que ce soit à dire à Abel. Il était le père de Morgane, rien de plus à ses yeux parce que le destin n’en avait pas jugé. « Mais tu ne la vois plus trop j’crois non ? » ajoute t-il, rendant la situation quelque peu inconfortable de par sa culpabilité qui revient au galop. Elle avait mis de côté tellement de personne mais elle regrettait le plus de ne pas l’avoir fait avec Jessian, de ne pas avoir été à la hauteur de son rôle de marraine. « J’ai dû … » cherche t-elle à expliquer sans en trouver les mots. « J’ai eu besoin de m’isoler quand … tu sais… » Le scandale. L’étalage public de sa vie privée et de secrets qu’elle n’avait pas confié. Après avoir eu à gérer le fait que son fils ne voudrait jamais la voir. Toutes ces expériences fortes sympathiques. « Je ne pouvais pas gérer ma vie et les gens quand c’est arrivé et je suis partie. Jessian en a fait les frais. » Elle le reconnait que tout est de sa faute et en rien celle de la brune. « Malheureusement, c’est toujours très compliqué de revenir. » Pour résumer.
→ Si je suis soulagé d’être enfin sorti de ce rendez-vous guet-apens, ce n’est apparemment pas le cas de ma collègue qui semble se morfondre et culpabiliser de sa fin légèrement brutale. – J’ai essayé de rester polie. Tu sais, elle est ce qu’elle est devenue mais je ne lui en tiens pas rigueur, le métier est difficile et compétitif et je lui serais toujours reconnaissante des portes qu’elle m’a ouverte. Je fronce les sourcils en l’écoutant se justifier ainsi et je me rends compte que jamais je n’aurai soupçonné Cora aussi inquiète au sujet des autres. De mon point de vue, dans le monde de la mode, c’est chacun pour sa gueule. Peu importe la façon dont on arrive au sommet, les trahisons et les coups bas, du moment qu’on y arrive. Je suis plutôt étonné de découvrir que la jeune femme en face de moi semble tout à l’opposé de ce système de fonctionnement. Et c’est tout à son honneur. – C’est juste que j’ai décidé d’arrêter de vouloir faire plaisir à tout l’monde en prenant des projets qui ne m’intéressent pas et ça, elle le sait. Je pense que je devrais en profiter pour m’excuser pour t’avoir fait rater un contrat. Je souffle la fumée de ma cigarette, avant de l’écraser dans le cendrier mis à disposition avant d’entrer dans le petit café et, me mordille l’intérieur des joues assez étonné de toutes ces confidences. Je n’imaginais pas Cora ainsi, et elle me donne envie de la rassurer soudainement. – Ne t’en fais pas pour moi, j’ai plein d’opportunités et je ne suis pas à un contrat près, vraiment. Et puis tu sais, Loanne, elle en a vu d’autres. T’es restée très correcte avec elle, alors ne t’en veux pas. Ce n’est pas parce qu’elle t’a ouvert des portes que tu lui dois une reconnaissance éternelle ! Elle doit être à ton écoute et respecter tes choix de carrière, sinon ça ne peut pas fonctionner. Ce que tu lui as dit va surement la faire réfléchir. Du moins, je l’espère. J’hésite, pose la main sur la poignée de la porte et ajoute finalement – Mais si ce n’est pas le cas, n’hésite pas à m’appeler. J’ai des contacts et j’peux toujours essayer de t’aider si t’as besoin. SI tu te sens dans une impasse ou quoi. T’es franche et honnête, ce sont des qualités que j’apprécie énormément chez quelqu’un. Et si je peux apporter mon aide pour quelqu’un que j’apprécie, je le fais toujours. J’ai beau avoir l’étiquette du petit con opportuniste et je m’en foutiste qui me colle à la peau, je suis loin d’être ainsi.
Une fois rentrés et installés au café, le silence pèse entre nous. Je me sens un peu mal à l’aise, j’ai l’impression de trahir Jessian en quelque part, alors j’essaie de faire de l’humour, de détendre l’atmosphère mais aussi d’en savoir plus sur la situation actuelle. Jess et moi on ne parle pas beaucoup, et essentiellement de Morgane. J’ignore si ma fille voit souvent sa marraine. Je ne crois pas que ce soit le cas, alors j’ose poser la question tout en ayant l’impression de marcher sur des œufs. – J’ai dû… J’ai eu besoin de m’isoler quand… tu sais… Je baisse le regard sur la table et me met à triturer la carte du bout des doigts. Je me souviens des tabloïds qui parlaient d’elle, s’amusaient de cette affaire et prenaient soin de détruire son image peu à peu. Alors doucement, j’hoche la tête, conscient de faire remonter à la surface des souvenirs douloureux pour elle dont je n’arrive pas à percevoir toute l’étendue. Qui le pourrait, à part elle ? – Je ne pouvais pas gérer ma vie et les gens quand c’est arrivé et je suis partie. Jessian en a fait les frais. Malheureusement c’est toujours très compliqué de revenir. Pour la seconde fois, je perçois de la culpabilité à travers ses mots. Ça m’attriste. Je ne peux pas comprendre ce qu’elle a vécu, je ne peux qu’imaginer sa peine et ça m’échappe totalement. Mais je ne suis pas pour enfoncer une personne qui peine à se remettre et à reprendre sa vie en main. – C’est totalement compréhensible tu sais, et j’suis sûr que Jess ne t’en voudra pas. Elle peut être rude parfois, mais t’es son amie et elle t’aime. L’éloignement n’a pas changé ça, je le sais. Je le sais car je connais Jess mieux que personne. Je sais qu’elle a su être terriblement mal pour Cora et se sentir impuissante, incapable de l’aider durant cette terrible épreuve à traverser. Cora ne devrait pas tant s’en faire, Jess lui pardonnera en un battement de cil, c’est certain.
Avec un petit sourire malicieux, je soulève la carte que je triturais jusqu’à présent et déclare – Bon, étant donné que nous n’avons aucun contrat de mannequinat qui nous empêche de nous nourrir comme on le souhaite, autant en profiter non ?
Elle n’apprécie pas le piège dans lequel Loanne l’avait mené. Toutefois, elle arrive encore à défendre le choix de son agent, consciente que sa décision d’arrêter les frais en ce qui concerne les contrats doit la mettre dans une position peu enviable. Elle imagine qu’elle aussi, si la personne qui lui assurait son emploi et la capacité de payer les factures s’en allait aussi brusquement, elle chercherait à la retenir. Mais Cora n’est pas dans cette position et comme elle l’explique à Abel, il faut qu’elle fasse valoir son opinion et qu’elle fasse respecter sa décision. Pour elle, la conclusion de cette histoire ne tiendra qu’à un sans rancune parce qu’elle n’a de toute façon plus le temps de se faire des ennemis. Elle espère juste que lui aussi comprendra et s’excuse platement de l’opportunité qu’elle vient de lui retirer. « Ne t’en fais pas pour moi, j’ai plein d’opportunités et je ne suis pas à un contrat près, vraiment. Et puis tu sais, Loanne, elle en a vu d’autres. T’es restée très correcte avec elle, alors ne t’en veux pas. Ce n’est pas parce qu’elle t’a ouvert des portes que tu lui dois une reconnaissance éternelle ! Elle doit être à ton écoute et respecter tes choix de carrière, sinon ça ne peut pas fonctionner. Ce que tu lui as dit va surement la faire réfléchir. Du moins, je l’espère. » Lui répond Abel, qui ne semble pas rancunier, ce qui est un soulagement pour elle, il faut l’avouer. « Mais si ce n’est pas le cas, n’hésite pas à m’appeler. J’ai des contacts et j’peux toujours essayer de t’aider si t’as besoin. SI tu te sens dans une impasse ou quoi. T’es franche et honnête, ce sont des qualités que j’apprécie énormément chez quelqu’un. » Sa proposition étire les lèvres de Cora qui apprécie le geste même si sa décision reste irrévocable. Elle sait que c’est dur à comprendre que quelqu’un puisse dire adieu à la célébrité et à toutes ces chances de se faire de l’argent mais la célébrité, c’est le mal qui avait mis Cora dans la situation où elle est actuellement. Parce qu’elle était célèbre, elle n’avait pas eu le droit de garder son fils, elle n’avait pas eu le droit à une vie tranquille et elle avait perdu beaucoup d’amis au passage parce qu’elle n’avait pas de temps à leur consacrer. Des amis comme Jessian, dont Abel ne tarde pas à lui parler alors qu’ils viennent d’entrer dans le café. Il a raison, c’est un peu bizarre que de pénétrer ici sans la brune qui est pour ainsi dire – avec Morgane – la seule qui les lie vraiment. Mais cette bizarrerie, elle peut s’effacer. Parce qu’il avait été très correct avec elle, Cora ne fuit pas le sujet de sa meilleure amie qui s’impose sur le tapis. Elle sait qu’elle a déconné, qu’elle n’aurait pas du disparaitre comme elle l’a fait mais c’était tellement insoutenable pour elle que de faire subir sa détresse aux autres tout comme il était insoutenable de s’attirer sur elle sympathie et pitié. Elle avait creusé sa propre fosse et avait estimé qu’elle devait être seule pour s’en sortir, même avec les dommages dont elle porte les stigmates. « C’est totalement compréhensible tu sais, et j’suis sûr que Jess ne t’en voudra pas. Elle peut être rude parfois, mais t’es son amie et elle t’aime. L’éloignement n’a pas changé ça, je le sais. » Affirme Abel, ce dont Cora ne doute pas. Elle sait que c’est elle le problème. Elle sait que c’est elle qui se tient à distance. « Je le sais. » répond t-elle avant d’assurer « Mais, je lui parlerais. Quand je serais prête. J’ai juste besoin de temps pour calmer tout ce que je peux ressentir et mettre de l’ordre dans mes idées. » Parce qu’elle s’était accrochée pendant tant de temps à l’idée de revoir son fils, de l’avoir auprès d’elle. Cora devait maintenant trouver la suite qu’elle aimerait donner à sa vie et ça, c’est quelque chose qu’elle tient à faire seule. « Puis, j’aimerais tellement revoir Morgane aussi. Je suis tellement désolée d’être une marraine en carton. » Il ne l’avait pas choisi mais elle devinait que ça devait l’embêter que la personne sensé être là pour sa fille ne le soit finalement pas. « Bon, étant donné que nous n’avons aucun contrat de mannequinat qui nous empêche de nous nourrir comme on le souhaite, autant en profiter non ? » Son changement de sujet lui vaut un sourire. Sur le moment, c’est très facile pour elle d’acquiescer à sa proposition et de se jeter à son tour sur le menu. Dès qu’il sera parti, elle culpabilisera de s’être laissée aller sur la nourriture mais ça, c’est un problème pour plus tard. « Et donc, qu’est-ce que tu proposes ? Quelque chose enfouie sous une tonne de fromage, ou sous du sirop d’érable. A moins qu’on soit fou et qu’on tente les deux ? » Sa décision n’était pas prise et alors que ses yeux défilent sur le menu, elle les sort de sa contemplation pour les poser sur le jeune homme pour y ajouter. « Merci Abel. »
→ Plus je passe du temps en tête à tête avec Cora, plus je me rends compte que c’est une femme que je peux réellement apprécier. Et dans un coin de ma tête, je remercie Jessian de nous avoir liés en lui accordant le statut de marraine de Morgane, car je suis sûr que Cora pourra apprendre énormément de choses à ma petite princesse. Je ne lui en veux pas de s’être éloigné, et je suis persuadé, connaissant Jess, qu’elle non plus alors je tente de rassurer la jeune femme. Très émue, bien qu’elle maîtrise parfaitement le prisme de ses émotions, je la sens toutefois légèrement apaisée par notre discussion. Il est vrai qu’avant, je ne me souciais guère des autres. Je vivais ma vie comme je l’entendais, un peu n’importe comment je dois bien l’avouer, et me fichais de créer des relations intéressantes ou non. Seul l’instant présent, fugace et éphémère comptait. Alors j’enchaînais. Les conquêtes, les soirées, les amitiés bancales. J’ai laissé certaines personnes profiter de moi, et j’ai abusé de la gentillesse d’autres. C’est une époque désormais révolue. Depuis que je suis arrivé à Brisbane, ma vie a radicalement changé. Oh je suis toujours le même dans l’fond, mais aujourd’hui je m’intéresse réellement aux personnes et aux gens et j’ai développé une écoute clairvoyante assez surprenante par ailleurs. Reprendre les études m’a – légèrement – canalisé et permis aussi de m’ouvrir au monde et d’être plus tolérants, moins prompt au jugement. Avec le droit, j’ai réalisé que tout reposait sur un château de cartes et qu’il fallait faire attention à la façon dont on se positionne dessus, sous peine que tout s’écroule. – Je le sais. Mais je lui parlerais. Quand je serais prête. J’ai juste besoin de temps pour calmer tout ce que je peux ressentir et mettre de l’ordre dans mes idées. J’hoche la tête, plutôt serein pour l’avenir. Je ne parle pas depuis longtemps avec Cora, mais elle est loin d’être bête ou méchante. Elle a simplement vécu un drame, mis en avant par les médias et ça l’a traumatisé. Ceux qui ne peuvent pas comprendre cela n’ont jamais vécu de drame – tant mieux pour eux après tout. – Si tu veux, je peux lui dire que je t’ai vu et que t’as besoin d’un peu de temps. Quoique jouer les entremetteurs ne me plait guère. J’ignore pourquoi je viens de faire cette proposition, j’ai sûrement été poussé par mon envie d’aider Cora. Elle me touche en vérité. Je n’ose pas imaginer vivre sans Morgane à mes côtés, j’en ai besoin c’est vital. – Puis, j’aimerais tellement revoir Morgane aussi. Je suis désolée d’être une marraine en carton. A nouveau, je hausse les épaules. Personne ne lui en veut, en réalité. Et je m’empresse de la rassurer à ce sujet – Oh tu sais, t’as rien loupé d’extraordinaire. A part des couches, des hurlements, quelques vomis et biberons. Maintenant, ça devient plus intéressant, elle a eu quatre ans il y a deux mois du coup, elle est beaucoup dans l’échange. C’est épuisant, mais tellement cool aussi. Elle sera contente de voir sa marraine, par contre elle risque d’être fan de toi et de ne plus te lâcher par la suite. Morgane s’attache très vite aux gens. Elle aime être entourée d’adultes, être complimentée et avoir toute l’attention sur elle. Un poil trop gâtée, pas mal exigeante, elle fait tourner son petit monde avec sa baguette – ou sa cravache vu qu’elle fait du poney. Oui, je me suis déjà fait frapper avec la cravache par ma fille, oui. Trêve de plaisanteries, nous sommes là pour manger après tout, alors j’invite Cora à regarder le menu et je ris en l’entendant.- Et donc, qu’est-ce que tu proposes ? Quelque chose enfouie sous une tonne de fromage ou sous du sirop d’érable. A moins qu’on soit fou et qu’on tente les deux ? Je fais une grimace tout en riant – Je sais pas ce que ça pourrait donner du fromage avec du sirop d’érable, ça m’fait penser au chèvre-miel des français. L’association est étrange mais pas si dégueulasse. Ils en ont ? Je suis prêt à tenter l’expérience, évidemment. Toujours prêt à faire n’importe quoi, même si je me suis assagi. Il ne suffit d’un rien pour relancer la machine, toujours. – Merci Abel. La sincérité de ses mots me touche profondément. Je ne m’y attendais pas vraiment, alors je dois avoir une tête d’ahuri durant quelques secondes. Puis, mon regard s’ancre dans le sien et, je lui réponds avec la même sincérité – C’est normal, Cora. T’inquiète. Je lui fais un clin d’œil, détourne un court instant le regard avant de lui demander avec curiosité – Du coup, si t’arrête ta carrière de mannequin, tu vas faire quoi ? Y’a quelque chose qui t’attire en particulier ? Peut-être que tu fais déjà autre chose ? Et ça n’a rien à voir avec de la simple politesse. J’ai réellement envie de savoir quelle direction elle est en train de prendre, et je me dis que peut-être, je peux lui apporter mon soutien. C’est pas grand-chose, mais c’est toujours mieux que rien.
Elle qui n’avait pas revu Jessian depuis des mois ne sait que penser de ce qu’Abel avance. Cora connait sa meilleure amie sur le bout des ongles et elle n’est pas sans ignorer le fond bienveillant de celle-ci, toutefois elle avait disparu et cela ne peut pas passer aussi inaperçu. Malgré la bienveillance dont la mannequin a toujours fait preuve Quel message Cora avait-elle fait passer en coupant les ponts ? Celui qu’elles n’étaient pas assez amies pour que Jess sache ou même soit digne de l’accompagner dans son combat ? Cora y pensait, même si sa décision n’avait été motivée que par sa non-envie d’entrainer quelqu’un avec elle dans ses histoires et de lui faire subir sa tristesse alors qu’elle avait un enfant à gérer, elle a conscience que parfois les décisions d’une personne peuvent être interprétés autrement par les autres et que le cas présent, malgré les liens de chacun, c’est compliqué de réellement savoir. Toute cette conversation ne fait que renforcer la certitude qu’il faut vraiment que Cora voit Jessian, même si cela lui fait en même temps très peur. « Si tu veux, je peux lui dire que je t’ai vu et que t’as besoin d’un peu de temps. » propose Abel, ce qui invite Cora à hocher de la tête automatiquement. Sa proposition est très appréciable mais elle doute qu’elle n’arrange leur histoire. Jessian mérite que Cora aille la voir d’elle-même et non pas parce que son ex aura tenté d’arrondir les angles. Elle n’est pas sûre que ce soit la chose à faire, de plus qu’elle a créé ce climat elle-même alors c’est à elle d’arranger les choses. « J’apprécie ce que tu comptes mais j’ai peur que cela fasse du mal en voulant faire du bien. Je sais que si j’explique à Jessian les raisons qui m’ont poussé à m’éloigner, elle ne m’en voudra pas mais si je le fais sans que cela vienne de moi et parce que tout aura été arrangé par toi, j’ai peur qu’elle ne mette en doute ma sincérité. C’est très gentil ce que tu proposes mais je ne peux pas te le demander. » explique Cora avec l’appréhension de le fâcher. Elle rejette encore une fois le coup de main qui lui est proposé mais pourtant, ça lui parait naturel que de chercher à se dépêtrer seule du merdier dans lequel elle s’est fichue. « Mais promis, je le ferais bientôt. J’ai envie de revenir. » assure t-elle, maintenant, sa famille allait de toute façon être celle qu’elle avait choisi et ses craintes n’empêchent pas qu’elle sait que la chose dont elle a le plus besoin là, c’est de retrouver les bras de sa meilleure amie et lui confesser tout ce qu’il ne va pas dans sa vie comme une gamine le ferait à sa mère. Elle lui assure par la suite avoir envie de revoir Morgane. Après tout, Cora avait perdu son fils mais ici, en Australie, il y’a une petite fille qui ne demande sûrement qu’à l’avoir dans sa vie. « Oh tu sais, t’as rien loupé d’extraordinaire. A part des couches, des hurlements, quelques vomis et biberons. Maintenant, ça devient plus intéressant, elle a eu quatre ans il y a deux mois du coup, elle est beaucoup dans l’échange. C’est épuisant, mais tellement cool aussi. Elle sera contente de voir sa marraine, par contre elle risque d’être fan de toi et de ne plus te lâcher par la suite. » Elle se met à rire doucement, contente qu’Abel présente la chose sous cet angle bien qu’elle devrait justement culpabiliser un peu plus d’avoir laisser Jessian ne dormir qu’à moitié tout en changeant son bébé. « Si j’arrive à la bonne période. » dit-elle en se réjouissant de la chose. « Tu sais, ça ne me dérange pas même si je doute que de vieilles sitcoms éveillent son intérêt. Quand tu regardes aujourd’hui, ça a sacrément vieilli. » Et elle en passe sur le jeu d’acteur qui était loin de ce qu’il est aujourd’hui – heureusement considérant qu’elle n’était encore qu’une enfant – ils en viennent malgré tout à entrer dans le vif du sujet en passant à table, un moment toujours délicat pour Cora qui depuis récemment n’a plus l’appétit qu’elle avait autrefois. « Je sais pas ce que ça pourrait donner du fromage avec du sirop d’érable, ça m’fait penser au chèvre-miel des français. L’association est étrange mais pas si dégueulasse. Ils en ont ? » Elle hausse les épaules en s’disant que si les français le font, ça doit pas être si mal. Ils doivent pas avoir le titre de la meilleure gastronomie pour rien. Elle hausse les épaules à sa question ne sachant quoi répondre, au pire, à défaut de chèvre miel, le cheddar-érable, ça marche aussi. Elle en vient à le remercie alors qu’il fait signe à ce qu’un serveur les rejoigne. Il est bienveillant. Elle ne le savait pas avant de parler avec lui plus de dix minutes. Loanne n’a pas fait que des bêtises aujourd’hui. « C’est normal, Cora. T’inquiète. » Peut-être que ça l’est, mais ça n’empêche pas sa reconnaissance. Le menu toujours dans les mains, elle relève les yeux quand il revient à poser des questions. « Du coup, si t’arrête ta carrière de mannequin, tu vas faire quoi ? Y’a quelque chose qui t’attire en particulier ? Peut-être que tu fais déjà autre chose ? » Elle reste un instant à ne pas savoir si elle doit infirmer ou confirmer. Sa vie, c’est le flou total. Tout l’monde semble s’attendre à ce qu’elle fasse un truc parce qu’elle a toujours eu l’habitude d’être suractive mais la vérité, c’est qu’elle ne sait pas. « Pour le moment, je gère le refuge que j’ai ouvert il y’a quelques années. J’ai été très absente et j’ai fait la bêtise de laisser ma cause en suspens. » explique t-elle, honteuse même si elle avait confié ses affaires entre les mains de Vittorio. « Je sais que je reviendrais à être active, c’est ma nature de cumuler les projets. Mais en ce moment, j’apprécie de pas avoir à me prendre la tête. Tout l’monde me pose des questions et j’essaie de démarrer les choses pour moi et non pas parce que je sens que je génère de l’attente. Tu vas ce que je veux dire ? »
→ Je suis soulagé lorsqu’elle secoue négativement la tête, refusant ainsi ma proposition de jouer aux entremetteurs entre les deux femmes. Pour tout avouer, je ne me sentais pas vraiment à l’aise avec cette proposition, j’y ai juste pensé et sans réfléchir, ai balancé l’idée à Cora. Mais cela m’aurait mis mal à l’aise, d’autant plus que la communication entre Jess et moi n’est pas toujours au beau fixe. On essaie, on se débrouille comme on peut mais parler de nous s’avère compliqué la plupart du temps, alors on évite et on reporte toute notre attention sur Morgane. Parce que c’est notre rôle désormais, n’est-ce pas ? Elle passe avant tout. Avant nous. – Je comprends, j’voulais juste que… tu saches que je te soutiens dans la démarche. Même si clairement je ne pèse plus vraiment lourd dans la vie de Jess actuellement… Sans parler du fait qu’elle ne m’a jamais vraiment écouté… Ce qui pour le coup n’était pas forcément une erreur de jugement. Me rendant compte que je m’embrouille tout seul, je finis par lever les yeux au ciel et conclure – Le mieux, c’est que t’aille la voir toi et que vous discutiez toutes les deux. Quand tu te seras décidé, évidemment. Je l’encourage à le faire car je sais que Jess et Cora étaient de bonnes amies à une époque, ce ne sont que les drames de leurs vies qui les ont éloignés. Maintenant que ceux-ci sont en partie réglés, elles devraient se retrouver. – Mais promis, je le ferais bientôt. J’ai envie de revenir. Cette information me fait chaud au cœur, parce qu’une fois n’est pas coutume, je pense à Morgane qui adorera très certainement sa marraine et aura beaucoup de mal à la lâcher par la suite. Peut-être aussi qu’elle avait besoin de ce temps, Cora avant de se faire absorber par la folie de ma petite princesse et son besoin d’amour tout dégoulinant. Peut-être qu’elle avait un deuil à faire avant de trop se lier avec l’enfant d’une autre, et ça même sans réellement le comprendre, je le respecte. Et je sais que Jessian en fera de même. Elle n’accable personne, Jess, même pas moi alors qu’elle aurait pu vu la façon dont je l’ai traité. Cette discussion fait remonter tout un tas de sentiments coupables alors parler de Morgane fait du bien finalement, et comme toujours je m’épanche sur le sujet. – Si j’arrive à la bonne période. Tu sais, ça ne me dérange pas même si je doute que de vieilles sitcoms éveillent son intérêt. Quand tu regardes aujourd’hui, ça a sacrément vieilli. Je souris, un peu amusé et réponds simplement – Tu sais, elle sera fan à partir du moment où elle saura que t’es passée à la télé. Il lui en faudra pas plus pour te regarder avec les yeux brillants d’admiration, crois-moi. C’est aussi simple que ça, en effet. Puis, au-delà du fait que Cora ait un passé d’actrice à son actif, c’est une personne douce qui s’exprime calmement et qui, de ce fait, mettra rapidement en confiance Morgane. Je n’ai aucun doute là-dessus. Voyant que Cora hésite énormément sur le choix, je finis par lui dire – Tu sais, tu peux prendre ce que tu veux. T’es pas obligé de me suivre dans mon délire calorique hein, je t’en voudrais pas. Et je lui fais un clin d’œil, pour la rassurer sur le sujet car je la sens tiraillée par la carte qu’elle lit et relit depuis dix bonnes minutes au moins. Enfin, curieux, j’ose lui demander ce qu’elle compte faire maintenant. Elle semble décidée à arrêter sa carrière de mannequin alors elle doit surement avoir prévu d’autres plans. Avec intérêt, je l’écoute donc me dire – Pour le moment, je gère le refuge que j’ai ouvert il y a quelques années. J’ai été très absente et j’ai fait la bêtise de laisser ma cause en suspens. Je sais que je reviendrais à être active, c’est ma nature de cumuler les projets. Mais en ce moment, j’apprécie de pas avoir à me prendre la tête. Tout l’monde me pose des questions et j’essaie de démarrer les choses pour moi et non pas parce que je sens que je génère de l’attente. Tu vois ce que je veux dire ? J’hoche la tête, comprenant la démarche plutôt courageuse dans laquelle elle s’est embarquée. Faire les choses pour soi, pleinement, relève parfois d’un véritable challenge. – Oui, je vois. T’as raison de faire ça car quand tu t’engageras dans quelque chose ensuite, tu le feras avec volonté et envie. Non par obligation, ou pour plaire à d’autres. C’est tout à ton honneur tu sais. Je me mordille les lèvres et triture mes doigts un peu nerveux, l’envie de fumer me gagnant à nouveau. Pour la chasser, je décide de continuer à me livrer et je m’étonne moi-même de parler avec autant de facilité de moi. – J’ai repris des études de droit tu sais. J’ai eu mon master, je prépare le second-là. J’suis conscient que je poserais pas toute ma vie, et faut que j’assure pour Morgane ensuite. J’ai vraiment envie de prouver que je suis autre chose qu’un simple petit con, que j’ai changé et évolué, prêt à revendiquer pleinement ma place de père.
Abel semble avoir énormément d’empathie pour elle. Elle ne le connaissait que très peu mais elle s’en rend compte au fur et à mesure de la conversation qu’il a ces paroles bienveillantes à son égard. En toute sincérité, cela surprend Cora parce qu’elle n’avait jamais pensé être autre chose qu’une pote de Jessian à ses yeux et que d’ordre général, on ne cherche pas à résoudre les problèmes de personnes qui ne sont que de passage dans notre vie. On se contente de les saluer rapidement de la main, de demander des nouvelles avant de prétexter un énième rendez-vous. Elle ignore d’où vient la curiosité d’Abel à son sujet mais le fait de juste parler avec un être humain, et qui plus est, ne cherche pas à savoir tous les détails personnels de ses scandales, est très bénéfique pour le moral. Elle n’en regrette même plus d’être sortie ce matin alors qu’elle était venue voir Loanne avec beaucoup d’appréhension. « Je comprends, j’voulais juste que… tu saches que je te soutiens dans la démarche. Même si clairement je ne pèse plus vraiment lourd dans la vie de Jess actuellement… Sans parler du fait qu’elle ne m’a jamais vraiment écouté… Ce qui pour le coup n’était pas forcément une erreur de jugement. » dit-il alors qu’elle repousse gentiment son offre d’aider à l’ouverture du dialogue entre Jess et elle. Si elle ne doute pas de la sincérité de la démarche, Cora sait pertinemment que ce genre de démarche doit venir uniquement d’elle. Que c’est elle qui a merdé et que nul autre qu’elle est mieux placé pour expliquer la situation et mettre des mots sur la situation qui l’a poussé à agir comme elle a fait. « Le mieux, c’est que t’aille la voir toi et que vous discutiez toutes les deux. Quand tu te seras décidé, évidemment. » Elle acquiesce gentiment avant de garantir qu’elle le fera. A vrai dire, ce n’est qu’une question de temps et d’entrainement. Cora en a envie. Le problème, c’est que ça ne suffit pas forcément contre la peur et qu’à chaque fois qu’elle se dit qu’elle peut le faire, quelque chose vient à lui rappeler que Jessian a toutes les raisons de la rejeter. On se défait difficilement de l’habitude de retrouver porte close. Mais, elle voulait faire l’effort parce qu’elle avait eu un engagement envers le couple, celui d’être près de Morgane et que si elle avait été jetée par son propre fils, cette petite fille n’avait pas à en faire les frais. « Tu sais, elle sera fan à partir du moment où elle saura que t’es passée à la télé. Il lui en faudra pas plus pour te regarder avec les yeux brillants d’admiration, crois-moi. » Pas sûr. Si elle avait envie de passer pour une mégalo, elle oserait presque demander à Abel s’il a un jour regardé ses séries d’enfants afin qu’il se rende véritablement compte du désastre audiovisuel que c’était. A sa décharge, elle n’était qu’une enfant. Elle se contente de répondre timidement. Abel souhaite être encourageant à lui garantir que tout se passera bien avec Morgane mais la vérité, c’est que Cora court le risque de se mettre une pression de folie. Ce n’est peut-être pas la chose la plus saine pour elle que de courir après l’amour d’un autre enfant. Elle y pense et tente de se distraire de cette pensée en zieutant le menu qui commence à la culpabiliser. Le sucre est là, tout ce que qu’elle cherche à éviter en restant cloitrée chez elle. « Tu sais, tu peux prendre ce que tu veux. T’es pas obligé de me suivre dans mon délire calorique hein, je t’en voudrais pas. » coupe t-il, comme s’il avait deviné ce qui la travaillait. En même temps, à force de côtoyer des mannequins, voir une femme qui semble se battre avec le menu d’un restaurant doit amener certains réflexes. « Je pense que je vais me contenter d’un café noir alors. » dit-elle en reposant le menu à côté d’elle avant de justifier, se sentant immédiatement obligée de le faire avant qu’il ne pose des questions. « Je ne veux pas me couper l’appétit pour le déjeuner. » Ce qui est plus ou moins légitime. Quand on ignore ce que Cora a prévu pour l’heure du déjeuner. Ils en viennent à changer de sujet. Les futurs plans de carrière de la miss qui restent flous pour l’instant, même si tout se dessine lentement dans sa tête avec une certitude à la clé : elle ne restera pas éternellement au refuge. Elle tente malgré tout d’expliquer que quand elle se lancera, elle voudra le faire parce qu’elle le veut et non pas parce que c’est ce qui est attendu d’elle. Elle essaie désespérément de couper avec ce besoin d’être celle que les autres veulent et ça, ça passe par retrouver d’abord son vraie elle et de se débarrasser de cette couverture qu’elle a tellement eu l’habitude d’afficher qu’elle arrive à en faire croire que c’est sa véritable personnalité. « Oui, je vois. T’as raison de faire ça car quand tu t’engageras dans quelque chose ensuite, tu le feras avec volonté et envie. Non par obligation, ou pour plaire à d’autres. C’est tout à ton honneur tu sais. » Elle ne sait pas si c’est honorable. C’est sûrement un peu égoïste même mais ça a le mérite d’être honnête. Elle est fatiguée d’être cette fausse Cora. Jouer un rôle dans la vraie vie n’a rien d’aussi épanouissant que le faire devant une caméra. « J’ai repris des études de droit tu sais. J’ai eu mon master, je prépare le second-là. J’suis conscient que je poserais pas toute ma vie, et faut que j’assure pour Morgane ensuite. » explique t-il, ce qui ne manque pas de provoquer un regard surprise chez la jeune femme. Elle en sait très peu pour lui, et alors qu’il avait été prêt à signer sans réflechir un contrat, elle s’étonne de voir qu’il pense aussi à l’après, quand les agents désireront plus jeunes, plus vifs pour poser devant les caméras. C’est un sujet à ne jamais mettre de côté dans leur milieu. Profiter de l’instant présent n’est pas toujours le meilleur conseil. « C’est vrai ? Du droit carrément ! » Elle ne l’imaginait pas. Pour une personne extérieure, c’est une discipline de gens sérieux ce qui n’est pas la première image qu’Abel renvoi même si elle se confirme quand on discute un peu avec lui. « Je suis admirative que tu arrives à gérer les deux en même temps. Ça me parait vraiment chronophage comme étude. » Après, elle sait mieux que personne qu’il suffit d’un brin d’organisation pour pouvoir tout gérer. « Mais, c’est bien que tu penses à Morgane et à l’avenir, on est dans un milieu où les gens ne réalisent que tout peut prendre très vite fin. Tu as des projets précis dans le domaine ? » Elle s’informe, il l’avait écouté et elle aimerait en faire autant.
→ Je n’aurais jamais pensé qu’un jour je puisse avoir une conversation agréable avec la superbe Cora Coverdale. Il faut dire qu’elle m’a toujours fait un effet particulier et que par bien des aspects, je la trouve impressionnante. Distinguée et classe, c’est totalement par méprise que je l’ai trouvé hautaine en pensant qu’elle me renverrait une piètre image de ma propre personne. Force est de constater qu’il n’en est absolument rien, que Cora est absolument charmante, douce et compréhensive et que les drames qu’elle a vécu l’ont terriblement malmenée et ont fait d’elle une personne plus effacée et légèrement repliée sur elle-même. Avant de passer ce moment avec elle et de découvrir sa personnalité douce et chaleureuse, elle n’était pour moi que la pote à Jess et cela la classait dans les catégories ‘intouchable’ et ‘inapprochable’. Vieux réflexe d’un mec incapable de se tenir, bien que ce temps-là soit révolu. Lorsqu’on enlève l’excès de drogue et d’alcool dans l’équation, les relations humaines paraissent bien plus normales – quoique souvent incompréhensibles malgré tout. Cette discussion autour d’un café, renforce mon idée que Morgane sera ravie de faire plus ample connaissance avec sa marraine, d’autant plus qu’à présent, elle est tout à fait capable de comprendre la place que Cora peut occuper dans sa vie – et investir cette relation à fond. Ce n’est pas une gamine farouche, et elle n’a définitivement pas froid aux yeux et est tout à fait capable d’alpaguer n’importe quelle personne en pleine rue pour balancer des remarques du genre : ‘c’est pas beau les gros mots monsieur !’ et ‘elle est belle votre jupe madame !’. Aussi, je ne doute pas qu’elle puisse se plaire avec Cora, au contraire. Et puis, elle aura l’impression de pouvoir jouer à la grande en quelque sorte, surtout si sa marraine lui propose des sorties shopping ou autres… Facile à amadouer, en réalité. Les enfants ont un grand besoin d’attention car ils sont curieux surtout, et très désireux d’apprendre. Leur volontariat est assez exceptionnel.
J’esquisse un léger sourire en coin en la voyant soulagée de ne pas avoir à s’enfiler de grosses quantités bien caloriques qu’elle regrettera d’avoir mangé aussitôt ingérées. Je ne lui ai pas proposé ce café dans le but de la mettre mal à l’aise de toute façon, alors c’est important qu’elle ne se sente pas obligé. Parce que clairement, qu’elle prenne un café ou un énorme milkshake m’importe peu. – Je pense que je vais me contenter d’un café noir alors. Je ne veux pas me couper l’appétit pour le déjeuner. J’hoche alors simplement la tête, sans faire aucune remarque. Lorsqu’on fréquente des mannequins depuis aussi longtemps que moi, on a l’habitude des lubies alimentaires et des restrictions. Jess a longtemps eu une obsession presque malsaine concernant son poids – peut-être que c’est encore le cas aujourd’hui d’ailleurs. Je me souviens qu’après sa grossesse, redevenir mince prenait toute la place dans sa tête. Je trouvais ça dingue à l’époque, mais je crois que c’est quelque chose que je ne peux pas comprendre. Mon corps ne se déformera jamais pour donner la vie alors… Je ne pense pas que je puisse réellement avoir d’avis sur la question.
Cora semble assez intriguée par le fait que je suive un cursus scolaire à nouveau. Il faut dire que je n’ai pas la gueule de l’emploi ! – Je suis admirative que tu arrives à gérer les deux en même temps. Ça me parait vraiment chronophage comme étude. Elles sont en effet laborieuses et longues, mais malgré tout passionnantes. J’hausse les épaules en pensant que mon activité de mannequin s’est considérablement ralentie ces dernières années – loin de Londres et de Paris déjà, l’effet est immédiat. – Loanne sait et adapte mon emploi du temps en fonction. Bon, bien souvent ça coince hein mais les cours je peux les rattraper contrairement à certains contrats. Je me débrouille en somme, dans une vie à 200 à l’heure qui me convient bien car ainsi je n’ai pas de temps à tuer. L’ennui est fatal chez moi, il me fait retomber dans mes travers et surtout penser… Je préfère m’occuper. L’envie d’une cigarette commence à se faire sentir et me tirailler alors je bouge nerveusement sur la chaise tandis qu’un serveur dépose nos commandes. – Mais c’est bien que tu penses à Morgane et à l’avenir, on est dans un milieu où les gens ne réalisent pas que tout peut prendre très vite fin. Tu as des projets précis dans le domaine ? Personne n’est éternel et nous finirons tous par vieillir un jour. La mort se rapproche à chaque instant d’ailleurs… Je grimace, avale ma bouchée et m’essuie rapidement les lèvres avant de répondre – J’aimerai me spécialiser dans le droit des familles, mais je n’en suis pas encore là alors… Pour l’instant j’essaie de toucher à tout, de ne pas me fermer de porte. Même si clairement, la raison pour laquelle j’ai repris des études de droit est motivée par mon expérience personnelle de divorcé, je ne me ferme pas la porte aux autres possibilités. La conversation se poursuit sur un ton agréable, nous sommes plutôt contents au final de cette rencontre inopinée qui aura levé le voile sur des impressions premières. Lorsque nous sortons du petit café, après avoir terminé nos consommations, je m’empresse d’allumer une cigarette et lui propose de la raccompagner. Avant de la quitter, je lui refile mon numéro de téléphone portable – Si jamais t’as besoin d’un coup de main un jour, quoi que ce soit. Ou si tu veux voir Mo’ quand je l’ai en weekend aussi, ça pourrait être sympa. Car même si elle ne se réconcilie pas avec Jess, je n’ai pas envie de lui fermer la porte pour Morgane. C’est sa marraine et si elle a envie de s’investir dans ce lien, alors je la soutiens. – Surtout t’hésite pas ok ? Je laisse partir la beauté rousse et mes yeux se perdent dans son sillage, un petit sourire flottant sur les lèvres. Non, je crois que jamais je n’aurais pensé passer un si bon moment avec Cora Coverdale...