| (romy) vanish with the years |
| | (#)Lun 13 Mai 2019 - 13:32 | |
| romy & anwar vanish with the yearsAnd if the accident will, well we'll both fade away and I'll leave you still, and we will both be safe. Say you're safe, your life will pass away only to be saved by another's lonely stay. All the flowers I can grow, and all the children's tears, and everything I know will vanish with the years. And if the accidents will, well we'll both fade away, but the trees will grow, until my dying day. ☆☆☆ Le blouson tiré par le col au-dessus de son crâne pour tenter de se protéger de la pluie, qui tombait sans discontinuer depuis la veille, Anwar avait effectué au pas de course le trajet de quelques dizaines de mètres séparant sa voiture du périmètre de sécurisation sur lequel Patton et lui avaient été appelés une demi-heure auparavant. Terrain en friche coincé entre une voie ferrée et un accès au réseau d’égouts du nord de Fortitude, le lieu de découverte de cadavre subissait à la fois les caprices de la météo et les allers retours des différents services de police appelés sur place : des dizaines de traces de pas se télescopaient dans le sol boueux et les équipes de la scientifique tentaient tant bien que mal de préserver les indices qui pouvaient encore l’être. Le chapiteau blanc dressé au-dessus du corps abîmé par l’humidité tentait tant bien que mal de limiter les dégâts et l’on voyait au comportement de l’équipe du coroner qu’ils ne comptaient pas passer la journée sur leurs constatations, déjà largement biaisées par les conditions climatiques. Le cadavre à peine constaté, Patton questionnait déjà machinalement « On sait qui c'est ? Il avait des papiers d’identité ? » en essuyant la pluie venue perler sur ses tempes, mais enfonçant les mains dans ses poches avec fatalisme Anwar avait intercepté la question de volée et répondu le premier « Pas besoin. Il s’appelle Wang Xiluan, c’est un gars du 14K. C’était. » Tous s’étaient regardés perplexes, le brun y compris – quelque chose ne collait pas, et cette information n’était dès lors plus que le sommet d’un iceberg dont ils ne connaissaient pas encore la taille exacte. « Prévenez l’anti-gang. Et le SP Warrington du poste 38, ça devrait l’intéresser. » Son équipière déjà occupée à enfiler une paire de gants en latex, l’inspecteur avait marqué une pause et finalement repris « Ou plutôt, je m’occupe de prévenir Warrington. » en faisant signe à son lieutenant de commencer sans lui. Warrington avait été le supérieur direct de Frank et Anwar, du temps où ce dernier appartenait encore à la brigade des stupéfiants – et si cette histoire de cadavre avait de grandes chances de l’intéresser c’était parce qu’Anwar savait que Xiluan était l’un de ses indics depuis plusieurs années. Ce qui, fatalement, faisait drastiquement augmenter la liste des personnes qui auraient pu avoir un intérêt à lui ôter la vie … Et pour un membre de gang, cela voulait dire beaucoup. ***« On ne pourra pas vous aider si vous ne nous aidez pas un peu. » Le poncif du gentil et du méchant flic pouvait sembler usé, mais il restait une technique qui avait souvent fait ses preuves. Dans le cas présent néanmoins, elle ne semblait pas faire de miracles, et restant aussi butée qu’à son arrivée dans la salle d’interrogatoire la femme qui lui faisait face avait rétorqué d’un ton mauvais « Z’avez qu’à me remettre en taule, c’est bien ce que vous voulez, non ? J’ai rien à vous dire. » Elle n’avouait pas, elle ne niait pas, et c’était là l’une des rares phrases qu’elle ait prononcé depuis le début d’un interrogatoire aux airs de monologue policier entre Warrington et Zehri, le premier ayant finalement quitté la pièce en claquant la porte après avoir fait son numéro de flic en rogne. « Vous êtes en train de vous dessiner un aller simple pour la taule, et cette fois-ci c’est pour dix à vingt ans suivant l’avis que se feront les jurés de vous. C’est vraiment ce que vous voulez ? » À nouveau, la concernée s’était plongée dans un mutisme dont elle ne s’était plus sortie, Anwar dès lors forcé de battre en retraite à son tour et rejoignant son ancien supérieur dans la pièce adjacente. L’interrogeant du regard il avait fini par demander « À quel point tu penses qu’elle est mouillée ? » Bras croisés, le bonhomme observait leur cliente du jour à travers la vitre sans teint. « Elle fait tâche au milieu des autres suspects … mais je sais pas. Elle a clairement un truc à se reprocher, mais en même temps tu l’as bien regardée ? Tu l’imagines traîner le corps d’un mec toute seule au milieu d’un terrain vague ? » Non, il ne l’imaginait pas. Ou du moins pas sans une complicité quelconque, mais leur suspecte ne semblait pas plus encline à balancer le nom d’une tierce personne qu’à sauver sa propre carcasse. « Je vais la faire ramener en cellule. Elle sera peut-être plus bavarde demain matin, une fois en manque. » Ils l’étaient presque tous. Alors qu’ils s’apprêtaient à sortir de la pièce, pourtant, le brun avait marqué une pause et à nouveau faite volte-face pour demander « T’es pressé ? Faut que je te parle après. » Arquant vaguement un sourcil, le briscard avait haussé les épaules « Pas spécialement, me parler de ? » Mais semblant tout à coup un brin mal à l’aise, Anwar avait affirmé entre ses dents « Pas ici. Attends-moi dans le hall, j’te paie à dîner. » et si Warrington s’imaginait qu’il serait encore question de l’affaire en cours, il aurait rapidement l’occasion de déchanter. ***Maintenant aurait été un excellent moment pour Banks de se rendre utile, mais évidemment c’était quand il avait besoin de lui que l’autre moitié de la brigade décidait de mettre le grappin dessus. Soit, Anwar avait donc pris seul la direction du pénitencier pour femmes de Toowong, après que Patton lui ait posé un lapin de dernière minute en invoquant l’excuse de l’urgence personnelle. Pas du genre à en abuser, le brun ne doutait pas qu’elle devait avoir ses raisons, et parce qu’il n’était de son côté pas du genre à se mêler de ce qui ne le regardait pas il n’avait pas posé de questions. Garant sa vieille voiture sur le parking réservé aux visiteurs, il avait montré patte blanche à l’entrée et attendu sagement que soient vérifiés son identité et son statut, après quoi il avait été reçu par le directeur du bâtiment et avait exposé son besoin de s’entretenir quelques instants avec la dénommée Romy Ashby. Déjà vaguement croisée à quelques reprises, néanmoins pas suffisamment pour qu’on puisse considérer qu’il la connaissait, Anwar avait attendu dans le bureau vide dans lequel on l’avait laissé s’installer et s’était remis debout lorsque la porte s’était ouverte sur la jeune conseillère. « Inspecteur Zehri, brigade des homicides. Pardon de vous interrompre dans votre journée de travail. » s’était-il dès lors excusé, aussi bien que présenté au cas où elle ne le remettrait pas du tout. « J’aurais besoin que vous m’accordiez quelques minutes de votre temps, j’ai deux ou trois questions à vous poser. » La suivant du regard tandis qu’elle prenait soin de refermer la porte du bureau derrière elle, il avait attendu qu’elle lui accorde toute son attention pour enfin ajouter « C’est à propos de Naomi Edwards. J’ai cru comprendre que vous vous étiez occupée de sa réinsertion. » Réinsertion, qui, à première vue, semblait être un échec … Mais ça, il se garerait bien de le faire remarquer tout de suite, et préférait d’abord guetter les réactions de la conseillère et ce qu’elle aurait à lui dire avant qu’il ne pose la moindre question.
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| | | | (#)Mer 15 Mai 2019 - 14:22 | |
| On lui avait appris à rendre son environnement de travail stérile, à chasser de son bureau toute trace de personnalisation qui pourrait lui couter un éclat de voix de l'une des détenues. Pas de photos ni de dessins, pas de cartes postales placardées au mur et encore moins de pot à crayons bien en évidence sur le côté de son écran d'ordinateur. Elle exerçait ses fonctions dans une atmosphère exempte de toute gaieté, entre une porte en plexiglas dont l'accès était protégé par un gardien lors de ses rendez vous et un mobilier bien trop lisse, bien trop froid pour accueillir des femmes qui réclamaient un peu d'espoir ; et d'autres qui la prenaient pour une magicienne, à moindre mesure. Dans cet océan aux tonalités grises et bleues, la petite Ashby avait réussi à amener dans son espace un peu de nuances, de vie. Une plante verte -orangée aurait été plus juste, elle n'avait pas la main verte- placée sur le rebord d'une fenêtre sans stores pour laisser entrer un maximum de lumière, une armoire aux volets constamment ouverts et dont les dossiers stockés égayaient un peu l'espace de par leurs couleurs vives : c'était peu, mais c'était déjà mieux que la plupart de ses collègues qui laissaient leur bureau à l'image d'un mouroir pour se conformer à la lettre au règlement ; morne et déprimant. Romy et son énergie détonnaient dans la dureté de cet univers carcéral tant la jeune femme amenait chaque matin avec elle assez de bonne humeur et de positivité pour rebooster l'intégralité du service administratif. Souriante, prévenante, la petite blonde semblait être un puis sans fond d'optimisme, même si la douceur de ses traits dissimulait le caractère affirmé qui se cachait dessous ; et il en fallait pour tenir ici, face à la misère humaine et aux cas de consciences qui rendaient son travail aussi important à ses yeux. Ce lundi matin semblait se dérouler dans une banalité des plus totales au centre correctionnel pour femmes de la ville. La douceur de l'automne apaisait des esprits qui s'étaient vite échauffés alors que le système de climatisation n'était pas assez performant ; et il ne l'était jamais, tandis que le calme nouvellement revenu se traduisait aussi après l'achèvement de la réfection des sanitaires. Le petit monde du pénitencier soufflait, et Romy en avait profité pour animer un atelier administratif dès son arrivée, enchaînant ensuite quelques dossiers à étudier et autres coups de téléphone aux différents organismes de la ville susceptibles d'accueillir en leur sein des anciennes détenues. La conseillère essuyait beaucoup de refus, mais de façon générale, il en fallait beaucoup pour lui faire perdre sa bonne volonté. D'un coup de fil à l'autre, sa journée s'était remplie d'une fourmilière d'opportunités à creuser, et c'est lorsque le mal de crâne pointait qu'elle se décidait à délaisser son bureau pour quelques instants d'une pause amplement méritée. Quatorze heures, indiquait la montre que la petite blonde avait consulté d'un bref coup d’œil, avant de se relever de son bureau en soupirant longuement. Ses mains venaient frotter ses paupières dans un geste quasi enfantin qu'elle n'avait encore jamais vraiment su refréner. A ce rythme de travail, d'ici ce soir elle tomberait de fatigue, et c'était peut être une bonne chose au final, car cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas passé une nuit sans réveils depuis son déménagement express. Refermant derrière elle la porte de son bureau, la petite blonde s'assurait que son badge pendait toujours au cordon rouge autour de son cou tel un sésame indispensable à son périple jusqu'à la salle de pause. Ses mains tapotaient ses poches en quête de quelques pièces de monnaie qui lui seraient nécessaires à l'achat d'un déjeuner de fortune ; sûrement une barre de céréales bio, ou peut être ce paquet de M&M's qui la narguait mais qu'elle choisissait d'ignorer depuis qu'elle en avait consulté les calories. Une fois postée devant le distributeur, son regard balayait les choix qui s'offraient à elle. Concentrée, les lèvres et le regard plissés, elle sentit à peine son téléphone portable vibrer dans la poche arrière de son jean, et ne daignait pas regarder l'appelant lorsqu'elle décrochait d'une voix claire : "Allo ?" quelques fois que ce geste lui fasse perdre le fil de son inspection, sans doute. "L'inspecteur Zehri souhaite vous voir. Vous auriez un peu de temps à lui accorder ? " La voix de son interlocuteur, elle ne la connaissait que trop bien. C'était celle qui l'avait embauchée, mais aussi celle qui lui avait hurlé de ranger ses rollers qui traînaient dans l'allée de garage lorsqu'elle était plus jeune. Ashby sénior, directeur de la prison le jour et véritable père poule le reste du temps, ne se perdait jamais en banalités lorsqu'il passait un coup de fil, ce qui désarçonnait bien souvent la jeune femme qui s'attendait au moins à une présentation en bonne et due forme lorsqu'elle décrochait à l'aveugle comme c'était le cas maintenant. "Demande à Joyce de l'installer dans mon bureau, j'arrive tout de suite." et tant pis pour son déjeuner. Se commandant un café pour sauver son tôt de glycémie, elle entreprit d'en prendre un second pour son rendez vous improvisé, se demandant bien ce que le dit inspecteur dont elle avait déjà zappé le nom lui voulait. Il n'était pas rare qu'elle soit confrontée à la police, mais en temps normal ses contacts étaient plus ou moins les mêmes, ses détenues habituées aux mêmes larcins depuis toujours. Celui ci était inconnu au bataillon, ou du moins c'était ce qu'elle songeait, visiblement incapable de faire fonctionner sa mémoire correctement aujourd'hui. Un trajet de quelques pas les bras chargés de son maigre butin, et la voilà désormais accueillie d'un : « Inspecteur Zehri, brigade des homicides. Pardon de vous interrompre dans votre journée de travail. J’aurais besoin que vous m’accordiez quelques minutes de votre temps, j’ai deux ou trois questions à vous poser. » auquel elle souriait par politesse. Refermant la porte de son pied, elle s'avança pour déposer sur le bureau les gobelets en cartons et croiser le regard de cet homme qu'elle reconnaissait instantanément pour avoir travaillé avec lui quelques années plus tôt, plus apte à reconnaître les visages qu'à retenir les noms. "Je vous ai ramené du café." Une réponse implicite : elle était d'accord pour cet entretien inopiné. La petite blonde l'invita à se rasseoir, faisant de même en se laissant glisser dans son fauteuil pour écouter la suite du récit de l'inspecteur. « C’est à propos de Naomi Edwards. J’ai cru comprendre que vous vous étiez occupée de sa réinsertion. » Instantanément, ses sourcils se fronçaient, son buste se relevait. Romy avait pris en charge ce dossier quelques semaines plus tôt. Une affaire comme il en existait des centaines, le cliché même de la pauvre fille paumée et sans repères qui avait été envoyée en prison pour un stupide trafic de drogues. "Vous étiez aux stups avant." Plus une affirmation qu'une question, et pourtant le ton employé n'était pas assuré, car elle se perdait dans les questions internes qui martelaient ses tempes. Qu'est ce qu'un enquêteur de la brigade des homicides pouvait bien avoir à reprocher à cette fille ? "Elle va bien ? On s'est parlées il y a deux jours. Elle travaillait dans un supermarché social avec qui nous avons un partenariat." Mais non, bien sûr qu'elle n'allait pas bien, sans quoi ce type ne serait pas assis en face d'elle. Se passant une main sur le visage, Romy tentait de faire taire l'inquiétude qui assombrissait son regard. C'était toujours un sentiment pesant que d'assumer avoir échoué, même si la conseillère en avait l'habitude. La récidive était souvent le sort destiné aux détenues sans repères qui reprenaient le cours d'une vie abandonnée trop brusquement, et parfois le travail qu'elle fournissait n'était pas suffisant. Visiblement, avec le cas de la jeune Edwards, elle avait foiré sur toute la ligne.
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| | | | (#)Ven 5 Juil 2019 - 12:06 | |
| Le brin de malaise que ressentait Anwar entre les murs d’un établissement pénitencier ne datait pas de sa dernière mésaventure en date – bien que ses dernières confrontations avec Noa Jacobs n’aient rien arrangé. Un policier dans une prison, au fond, ce n’était plus qu’une brebis égarée au milieu d’une meute de loups, et quand bien même le pénitencier pour femmes de Toowong n’était pas le comble du coupe-gorge en la matière le brun n’aspirait pas à y traîner plus longtemps que le strict nécessaire. Nerveusement son genou droit avait commencé à s’agiter, faisant vibrer la chaise sur laquelle il était installé en produisant un couinement à peine perceptible. Inconsciemment il lui avait semblé attendre celle qu’il était venu voir pendant une éternité, l’esprit prenant le temps de divaguer vers des préoccupations qui s’étendaient bien plus loin qu’au sort de l’ex-junkie, ex-et-future-détenue, et désormais nouvellement suspectée de meurtre dont il était venu discuter. Lorsqu’enfin la porte du bureau s’était ouverte Anwar avait semblé blondir de sa chaise comme d’un ressort, et tandis qu’il profitait de son laïus d’excuse et de présentation pour ravaler tout ce qui pourrait rendre son malaise perceptible, il avait finalement été capable de produire un sourire engageant lorsque la jeune femme lui avait tendu un gobelet accompagné d’un « Je vous ai ramené du café. » que l’odeur qui s’en dégageait s’était déjà chargée de trahir. S’en saisissant bien volontiers, le brun avait soufflé dessus par pure habitude et commenté « Vous savez comment amadouer un officier de police. Merci. » avec amusement, ne tardant pas plus pour tremper ses lèvres dans le concentré de caféine. Là où certains jouaient les difficiles et s’offusquaient au moindre dosage, degré ou filtre de travers, Anwar était de ces gens qu’un peu de caféine, peu importe qu’elle provienne de la meilleure brûlerie ou du distributeur à pièces du coin, suffisait toujours à satisfaire. N’oubliant néanmoins pas la raison pour laquelle il venait la déranger, l’inspecteur en était rapidement venu au fait, n’obtenant d’abord en guise de réponse qu’une autre question « Vous étiez aux stups avant. » dont il soupçonnait qu’elle n’en soit pas réellement une. Qu’elle ait tiqué sur le fait qu’il n’y soit désormais plus démontrait en tout cas d’un certain sens de l’observation, après quoi elle avait enchaîné sur le véritable cœur de la conversation « Elle va bien ? On s'est parlé il y a deux jours. Elle travaillait dans un supermarché social avec qui nous avons un partenariat. » Pesant méticuleusement chacune des informations contenues dans cette phrase, le policier avait commencé par acquiescé en réponse à la première question « Pendant quelques années, oui. Vous avez bonne mémoire. » bien conscient malgré tout à l’inquiétude qu’il lisait sur son visage que les préoccupations de la jeune femme étaient désormais ailleurs. « Vous auriez un numéro où je peux joindre ce supermarché ? » Fouillant dans la poche intérieure de son blouson, l’inspecteur en avait sorti une carte de visite au verso vierge, se faisant en revanche l’économie d’un stylo puisqu’elle semblait en avoir à portée de main sur son bureau. « Vous vous rappelez de l’heure à laquelle vous l’avez eue au téléphone ? Quelque chose vous a semblé sortir de l’ordinaire lorsque vous avez discuté avec elle ? » Beaucoup de questions mais très peu de réponses, Anwar collait sans même plus s’en rendre compte au cliché du policier qui estimait ne se situer que d’un seul côté du point d’interrogation. Devant l'air soucieux de son interlocutrice néanmoins, il avait consenti à admettre avec prudence « Il ne lui est rien arrivé. Mais il se pourrait qu'elle ait des ennuis … Ce que vous aurez à me dire permettra peut-être de l'aider. » Ou de l’incriminer. Pour ce qu'en savait Anwar ne se situait ni d'un côté ni de l'autre et se contentait de s'en tenir aux faits … Mais tirer sur la corde sensible visant à vouloir aider son prochain était une technique ayant largement fait ses preuves.
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| | | | (#)Sam 13 Juil 2019 - 19:37 | |
| A défaut d'être de bonne qualité, le café que ramenait Romy du distributeur bruyant et âgé de le salle de pause avait le mérite d'être un moyen exploitable de briser la glace. Elle ne se sentait jamais à l'aise à l'idée de rencontrer des représentants des forces de l'ordre, et si avant de revenir dans son bureau elle ignorait encore précisément la nature de cette visite inopinée, que cet inspecteur précise faire partie de la brigades des homicides ne lui annonçait rien qui vaille. Elle s'était laissée retomber dans sa chaise de bureau, faisant tourner son gobelet entre ses doigts alors qu'un « Vous savez comment amadouer un officier de police. Merci. » lancé avec une pointe d'amusement la rassurait un peu. Elle haussait les épaules, portant à son tour sa boisson à ses lèvres dans un demi sourire poli. En temps normal Romy se serait sûrement lancée dans un inventaire des sucrettes et capsules de lait qu'elle aurait pu dégoter si besoin, mais des questions lui brûlaient les lèvres, alors elle se lançait ; quand bien même le type ne semblait pas en avoir besoin. « Pendant quelques années, oui. Vous avez bonne mémoire. » Il hochait la tête, et elle en retour se remémorait ses stages d'étudiantes. Peut être ne se souvenait il pas d'elle, et quand bien même ce n'était pas d'une grande importance. Les traits du visage de son interlocuteur trahissaient une inquiétude qui l'avait faite se redresser sur son assise, poser ses coudes contre son bureau. « Vous auriez un numéro où je peux joindre ce supermarché ? » Sa main attrapait son portable glissé dans la poche de son jean, par réflexe, tandis qu'il lui avait tendu une carte de visite, côté vierge qu'elle prenait du bout des doigts. Farfouillant dans son répertoire téléphonique, Romy murmurait : " Bien sûr, tenez." en joignant le geste à la parole. Il ne lui avait pas fallu plus d'une minute pour retrouver la fiche contact ; comme elle le précisait, ses derniers échanges avec l'employeur de son ex détenue ne remontait pas à loin. « Vous vous rappelez de l’heure à laquelle vous l’avez eue au téléphone ? Quelque chose vous a semblé sortir de l’ordinaire lorsque vous avez discuté avec elle ? » Son écriture pattes de mouche noircissait désormais la carte qu'elle lui rendait, faisant par la même fonctionner ses méninges en tâchant de faire taire ses inquiétudes. " Dix neuf heures je dirais. Elle venait de terminer son shift et j'avais profité de la fin de journée pour parler à son patron. Tout se passait bien." Romy ne s'encombrait pas à préciser le nom du type qui figurait déjà sur le bout de papier qu'elle lui avait tendu en retour. " Elle se plaignait de ne pas gagner suffisamment. Que c'était dur, mais concédait que c'était mieux ainsi." précisait elle toutefois en se pinçant les lèvres, se gardant bien un " c'est ce qu'elles disent toutes" qui n'aurait sans doute pas été de très bon goût. Malgré toute la bienveillance qu'elle portait envers ce petit bout de femme qui avait été remis en liberté et à qui la justice offrait une seconde chance, Romy ne se voyait pas cacher la moindre information à l'inspecteur, elle préférait être le plus transparente possible. Ce n'était pas pour autant qu'elle ne s'inquiétait pas, alors elle demandait ensuite une mise à jour qui lui était nécessaire, qu'elle jugeait légitime. « Il ne lui est rien arrivé. Mais il se pourrait qu'elle ait des ennuis … Ce que vous aurez à me dire permettra peut-être de l'aider. » Autrement dit, retour à la case prison. La jeune femme retenait un soupir, un juron. Elle se passait une main sur le visage ; la déception s'y lisant. " C'est une paumée. Elle est pas ... enfin, je ne l'imagine pas tuer quelqu'un." Si son avis comptait et que ses déductions étaient justes ; évidemment. L'inspecteur ne lui ayant pas livré davantage d'informations quant à son affaire, elle ne savait pas trop. Se relevant de sa chaise, Romy fit quelques pas vers une armoire métallique d'où quelques dossiers colorés en dépassaient. Lettre E, Edwards ; il ne lui fallut pas plus d'une minute pour tirer un fichier qu'elle attirait avec elle jusqu'à son bureau, l'ouvrant sitôt assise. " C'est pas son coup d'essai ici. Jusque la elle était habituée à des petits larcins, du trafic de drogue, des coups et blessures." Mais là il était question d'un homicide, et cette information, Romy ne savait pas bien comment la gérer. Le degré d'implication de l'ex détenue lui était inconnu, mais que cette femme soit coupable d'un tel crime lui semblait être inconcevable, et cela se lisait sur les traits de son visage.
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| | | | (#)Mer 7 Aoû 2019 - 13:48 | |
| Avec les années, ne pas faire de généralités et garder dans un coin de la tête le fait que chaque situation était différente et chaque cas particulier se révélait parfois être une tâche ardue. Faire confiance aux statistiques plutôt qu’à son instinct devenait tentant, s’en tenir au plus logique et au plus probable plutôt que de chercher la petite bête devenait envisageable, et au fond s’il fallait trouver un avantage au fiasco qui les avait opposés Noa Jacobs et elle – ou du moins le croyait-elle, dans son monde de noir et blanc sans demi-mesure – c’était la tendance pour Anwar à ne plus vouloir prendre le moindre risque et à chercher la petite dite bête en toutes circonstances. Aucune autre erreur judiciaire ne contiendrait son nom dans un dossier, ça il se l’était juré, et plutôt que de sauter à la conclusion que si Naomi Edwards refusait de parler c’était forcément parce qu’elle avait les mains sales, il préférait se concentrer sur le pourquoi elle refusait de parler. Et à sa plus grande surprise la jeune femme qui lui faisait face n’était pas aussi méfiante qu’il l’aurait imaginé, coopérant d’un « Bien sûr, tenez. » léger lorsqu’il avait demandé le numéro du supermarché où travaillait leur connaissance commune quand d’autres se seraient plutôt empressés de demander pourquoi sans accéder à sa requête. La gratifiant d’un « Merci. » lorsqu’elle avait griffonné le numéro en question au dos de la carte qu’il venait de lui tendre, il avait rangé cette dernière dans la poche d’où il l’avait sortie l’instant précédent et avait poussé sa chance jusqu’à rentrer directement dans le vif du sujet : la raison pour laquelle il venait l’interrompre dans sa journée de travail. « Dix-neuf heures je dirais. » lui avait-elle docilement répondu lorsqu’il avait voulu en savoir plus sur sa dernière conversation avec Naomi « Elle venait de terminer son shift et j'avais profité de la fin de journée pour parler à son patron. Tout se passait bien. » Tiquant un brin sur l’emploi de l’imparfait, le policier l’avait laissée continuer sans l’interrompre. « Elle se plaignait de ne pas gagner suffisamment. Que c'était dur, mais concédait que c'était mieux ainsi. » Rien qui ne sorte de l’ordinaire ou qui puisse mettre la puce à l’oreille sur ce dans quoi elle se retrouverait embarquée moins de vingt-quatre heures plus tard, en somme. « Elle avait trouvé ce boulot toute seule, ou bien vous l’y avez aidée ? » Faisant tourner son gobelet de café entre ses doigts de façon machinale, l’inspecteur avait jaugé le niveau d’inquiétude de la jeune femme et finalement consenti à en dire un peu plus, provoquant un soupir las – mais pas une once de surprise, tristement. « C'est une paumée. Elle est pas ... enfin, je ne l'imagine pas tuer quelqu'un. » avait-elle pourtant tenté de faire valoir, défendant plus la concernée qu’elle-même n’avait voulu se défendre durant ces quarante-huit dernières heures. « Même une fois en manque ? » Quittant son bureau, Romy s’était dirigée vers la grande armoire de son bureau et en avait sorti un dossier qu’elle était venue poser devant eux après avoir repris sa place face à Anwar. « C'est pas son coup d'essai ici. Jusque-là elle était habituée à des petits larcins, du trafic de drogue, des coups et blessures. » Autrement dit, le parcours classique de la paumée récidiviste. Mais se gardant bien de faire cette remarque à voix haute le policier s’était contenté d’acquiescer calmement. « Elle recevait de la visite ici ? De la famille, des amis … un homme, peut-être ? » Le genre d’information qu’il pourrait tout aussi bien obtenir en demandant à consulter les registres de la prison, mais cela voulait dire obtenir un mandat, et ces choses-là prenaient du temps – comme à peu près tout ce qui nécessitait de la paperasse, à vrai dire. « Celui qui prend le frais dans l’un des frigos de la morgue, au poste : il faisait partie d’un gang. Et si on en croit son téléphone, la semaine dernière mademoiselle Edwards et lui ont échangé presque une trentaine de coups de fil en l’espace de quelques jours seulement. » Était-ce elle qui le harcelait, peut-être pour obtenir de la drogue ? Était-ce lui qui la harcelait, peut-être parce qu’elle lui devait de l’argent ? Était-ce seulement du harcèlement ? Y’avait-il une autre raison pour laquelle Naomi connaîtrait cet homme, et qui justifierait qu’elle s’obstine à garder le silence à ce sujet ? « Elle a déjà eu des ennuis, pendant qu’elle était ici ? Des problèmes de discipline, de violence, des codétenues avec lesquelles elle se serait querellée ? » Il cherchait sans savoir par où commencer en vérité. En venant ici il espérait surtout cerner un peu mieux à quel genre d’énergumène il avait affaire, bien plus qu’obtenir la clef de son enquête qui, il en était certain, était ailleurs. « Elle est muette comme une carpe depuis son arrestation. Elle doit penser qu’elle se rend service, mais c’est tout le contraire. Vous la connaissez depuis longtemps ? » Il devait lui donner le tournis, avec toutes ces questions. Déformation professionnelle.
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| | | | (#)Ven 30 Aoû 2019 - 7:10 | |
| Romy n’avait jamais été quelqu’un que l’on aurait pu qualifier de contraignant ni de trop curieux, bien que dans les faits c’était tout l’inverse. Docile ou presque, dans le cadre professionnel, la petite blonde ne s’encombrait pas d’une curiosité mal placée, et dans le cas présent, si cet inspecteur Zehri avait quelque chose à lui demander au sujet de Naomi Edwards, elle accédait à sa requête sans lui demander de réponses aux questions qui fusaient pourtant dans son esprit en guise d’échange. Son expérience au sein de la prison n’était que de quelques années, mais au fil du temps elle avait commencé à comprendre que s’investir plus que de raison dans ses dossiers n’amenait rien de bon, alors jour après jour, elle s’attelait à faire taire ses inquiétudes. Du mieux qu’elle le pouvait, du moins. Alors qu’elle lui tendait la carte de visite sur laquelle elle avait gribouillé le numéro de téléphone du supermarché, il la gratifiait d’un « Merci. » lancé d'un ton neutre, glissant ensuite le bout de papier dans sa poche avant de passer aux questions plus pointues. La dernière conversation que Romy avait eue avec l’ancienne détenue était encore assez fraîche dans son esprit, et si la jeune femme pesait ses mots pour laisser le temps à ses méninges de se réapproprier ce souvenir, elle tâchait d’être la plus précise possible. « Elle avait trouvé ce boulot toute seule, ou bien vous l’y avez aidée ? » Faisant tourner son gobelet entre ses doigts l’inspecteur posait sur elle un regard qu’elle jugeait méthodique, et c’est en se laissant retomber contre le dossier de sa chaise qu’elle soufflait presque : « On travaille avec ce supermarché depuis quelques années déjà. Une place s’est libérée chez eux et elle a passé les entretiens. C’est...un travail de groupe je dirais. » Puisque si Romy partait du postulat qu’elle ne ferait pas le premier pas à la place des détenues pour que leur libération soit basée sur une prise de conscience, elle ne pouvait s’empêcher de materner chacune des femmes qui quittait ces cellules en leur donnant un coup de pouce, en étant une oreille attentive et des conseils judicieux. Du moins elle l’espérait. A ses yeux Naomi Edwards donnait l’impression d’y mettre du sien pour se tirer du cercle dans lequel elle s’était enrôlée depuis l’adolescence, mais rien n’était acquis, et si elle s’était attendue à la voir replonger, elle n’avait en revanche pas imaginé avoir affaire à la brigade des homicides à son sujet. Confiant qu’elle la trouvait plus adepte de la petite délinquance que des grosses bêtises, Romy exposait son point de vue avec transparence, une position qui lui semblait être la meilleure à adopter. « Même une fois en manque ? » Non. Ou du moins pas plus que d’autres. Secouant la tête avec négation la petite blonde s’en était allée chercher le dossier concernant Edwards avant de venir reprendre sa place, ouvrant ce dernier pour avoir matière à discuter et ne pas compter sur sa seule mémoire pour fournir des informations à l’inspecteur. De petites incartades avec la justice, du trafic de bas étage et quelques états d’ébriété noircissaient le parcours de la jeune femme comme Romy le commentait sans que cette remarque ne soit relevée ; elle n’avait pas vocation à l’être, bien que Zehri se soit toutefois fendu d’un hochement de tête dont elle devinait qu’il était fait par politesse. « Elle recevait de la visite ici ? De la famille, des amis … un homme, peut-être ? » La conseillère eut besoin de quelques secondes pour faire fonctionner sa mémoire, pour se rappeler de qui Naomi pouvait bien lui parler ou de ce qu’elle avait pu lire sur le registre lorsqu’elle y mettait son nez en usant de son passe-droit. « Vous savez elle est pas très causante. Mais je ne me souviens pas avoir su que de la famille lui rendait visite, à vrai dire elle m’a confié qu’elle n’en avait pas beaucoup quand je lui avais demandé si elle avait un endroit où loger une fois sortie. Elle m’avait d’ailleurs demandé de l’aider à trouver une place en foyer pour vivre seule le temps de se retourner. » que soufflait Romy en attrapant un stylo, le faisant tourner entre ses doigts pour s’aider à ordonner le fil de ses pensées. « En revanche elle recevait des cartes postales ces derniers temps. J’en ai entendu parler parce qu’elles étaient toutes contrôlées par les gardiens et qu’on aurait dit l’inventaire de la carte d’un restaurant chinois. Ça a duré quelques semaines puis ensuite plus rien. Je peux essayer de me renseigner à ce sujet si vous voulez. » Cette série de cartes postales avait été étrange, et si Romy avait toujours pensé qu’il s’agissait d’une faiblesse culinaire comme une autre que quelqu’un de l’extérieur tâchait de combler (les mets asiatiques lui manqueraient à elle aussi si elle devait se retrouver enfermée pendant aussi longtemps) la petite blonde n’avait en revanche pas un seul instant imaginé qu’il puisse y avoir quelque chose dessous, et peut être qu’il n’y avait rien dessous mais autant se montrer le plus transparente possible. « Celui qui prend le frais dans l’un des frigos de la morgue, au poste : il faisait partie d’un gang. Et si on en croit son téléphone, la semaine dernière mademoiselle Edwards et lui ont échangé presque une trentaine de coups de fil en l’espace de quelques jours seulement. » Fronçant les sourcils, Romy croisait les bras contre sa poitrine en s’accordant quelques secondes pour assimiler la situation. « Un gang. » qu’elle répétait, l’air de dire « dans quoi est ce qu’elle a bien pu se fourrer aussi rapidement après sa sortie ? ». Finalement elle se passait une main sur le visage, lorgnant sur le café qu’elle avait laissé de côté quelques minutes plus tôt, mais qui –désormais- s’avérait être d’un grand réconfort. « Elle a déjà eu des ennuis, pendant qu’elle était ici ? Des problèmes de discipline, de violence, des codétenues avec lesquelles elle se serait querellée ? » Oula, tout doux. Prenant une gorgée de son gobelet, Romy reprenait point par point les demandes de son interlocuteur en tâchant de prendre de la distance sur le flot de contradictions qui naissaient dans son esprit. Edwards n’avait pas un fond si noir. Elle en était persuadée. « Elle s’est battue une ou deux fois, mais rien d’anormal. Des regards de travers, des remarques qu’elle n’avait pas appréciées. C’était pas un enfant de cœur, mais elle ne faisait pas de vagues. Elle attendait juste de pouvoir sortir. » De tout son séjour ici, Romy n’avait pas réussi à sous tirer quoique ce soit d’Edwards. Elle voulait quitter sa cellule, retrouver sa liberté, mais ne s’expliquait jamais sur ce qu’il pouvait bien se tramer sous ses boucles brunes. Là ou d’autres parlaient de leur volonté de retrouver leurs enfants et leurs familles, la jeune femme restait très discrète. Trop, peut-être. « Elle est muette comme une carpe depuis son arrestation. Elle doit penser qu’elle se rend service, mais c’est tout le contraire. Vous la connaissez depuis longtemps ? » Reposant son gobelet sur un bout de son bureau, Romy s’autorisait un demi sourire, relevant le menton vers son interlocuteur pour lui souffler : « Vous enchaînez les questions, inspecteur. » Bien que cette remarque n’était absolument pas une complainte. Une pause, sans doute. « Depuis qu’elle a fait une demande de libération conditionnelle. Il y a quelques semaines donc. Mais vous savez elle n’a jamais été bavarde. Les ateliers ne l’ont jamais vraiment intéressée, et lorsqu’elle y participait c’était uniquement puisqu’elle savait que ça jouerait en sa faveur dans sa démarche. Enfin j’imagine. Le peu d’information que j’ai à son sujet est assez superficiel … je suis navrée. » Et pourtant ce n’était pas faute d’essayer de faire fonctionner ses méninges, puisque cette histoire la secouait. Edwards était jeune. Plus jeune qu’elle, et si Romy n’avait pas pour but de la dédouaner de tous ses méfaits, elle n’en demeurait pas moins convaincue qu’elle agissait pour en couvrir d’autres, et qu’elle n’avait tué personne.
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| | | | (#)Jeu 10 Oct 2019 - 3:43 | |
| Malgré les airs impassibles qu’il se donnait, Anwar écoutait chacune des réponses de la jeune femme avec attention. S’agissant d’informations générales il ne prenait pas la peine de noter quoi que ce soit, réservant cela aux détails qui nécessitaient plus de précision, car ayant remarqué que griffonner sur un calepin pendant qu’on lui parlait donnait faussement l’impression qu’il n’écoutait que d’une oreille. Naomi Edwards restait jusqu’à présent un mystère entier pour lui, elle ne réagissait pas comme la plupart des camées qui terminaient en garde à vue et craquaient en deux-deux pourvu qu’ils puissent sauver leur peau ou obtenir un refill. Elle gardait le silence de ceux qui avaient trop peur de dire quelque chose qu’ils regretteraient, et ce qu’elle s’évertuait à cacher semblait avoir plus d’importance que sa propre liberté. Un complice, un corbeau, autre chose, mais l’inspecteur aurait mis sa main à couper qu’elle protégeait quelqu’un, et toutes les questions dont il abreuvait – noyait – la conseillère pénitencière n’étaient pas là pour asseoir la culpabilité de l’ancienne détenue mais pour tenter de lui trouver des circonstances atténuantes. On n’exécutait pas un homme sans raison, encore moins le membre d’un gang dont le reste de la clique aurait tôt fait de réclamer vengeance … Un accident, un coup de sang ? Il en avait vu, des toxicos que le manque rendait fou au point de les transformer en animaux, mais sa victime de meurtre à lui n’avait pas tant l’air d’avoir été déchiquetée dans un moment de colère que froidement abattu en guise de représailles. Reste que la conseillère n’avait pas nié lorsqu’il avait évoqué la possibilité qu’à peine dehors Naomi Edwards ait déjà cédé à ses vieux démons, le laissant supposer que sous ses airs de chien enragé qui montrait les crocs à la moindre question, sa suspecte n’était qu’un chaton facile à influencer pourvu qu’on lui agite un peu de poudre ou quelques pilules sous le nez. « Vous savez elle est pas très causante. » avait de son côté repris son interlocutrice, avec l’air un peu ailleurs de ceux qui tentaient de remonter le fil de leurs souvenirs. « Mais je ne me souviens pas avoir su que de la famille lui rendait visite, à vrai dire elle m’a confié qu’elle n’en avait pas beaucoup quand je lui avais demandé si elle avait un endroit où loger une fois sortie. Elle m’avait d’ailleurs demandé de l’aider à trouver une place en foyer pour vivre seule le temps de se retourner. » Acquiesçant d’un vague signe de tête, il ne l’avait pas interrompue, sentant qu’elle s’apprêtait à nuancer son propos. « En revanche elle recevait des cartes postales ces derniers temps. J’en ai entendu parler parce qu’elles étaient toutes contrôlées par les gardiens et qu’on aurait dit l’inventaire de la carte d’un restaurant chinois. Ça a duré quelques semaines puis ensuite plus rien. Je peux essayer de me renseigner à ce sujet si vous voulez. » Cantonais, plus exactement. Si l’on rassemblait les points pour former une ligne, du moins. « Ça me ferait gagner un temps précieux, oui … Je suppose qu’elle a tout embarqué avec elle quand elle a été libérée ? » Il ne voyait pas de raisons pour lesquelles elle aurait laissé certains effets personnels ici de toute façon, particulièrement s’ils étaient incriminants – pour elle, ou pour le rédacteur des cartes postales. Estimant d’ailleurs avoir suffisamment parlé par énigmes, l’inspecteur avait consenti à en dire un peu plus sur le motif de sa visite et sur ce qui était reproché à la jeune Edwards. « Un gang. » Semblant véritablement abasourdie, elle avait pris le temps d’une gorgée de café avant de répondre à la suite de ses réclamations « Elle s’est battue une ou deux fois, mais rien d’anormal. » Et cela en disait long, sur le métier, long sur les conditions de détention, que la barre de la normalité soit différente entre ces murs « Des regards de travers, des remarques qu’elle n’avait pas appréciées. C’était pas un enfant de cœur, mais elle ne faisait pas de vagues. Elle attendait juste de pouvoir sortir. » Comme toutes celles qui étaient enfermées ici sans doute – presque toutes. Croyant déceler un brin de sympathie, ou tout du moins d’empathie, pour la jeune femme, l’inspecteur avait tenté de faire comprendre à demi-mot dans quelle galère sa suspecte était en train de se mettre à force d’entêtement. Non sans s’armer de questions supplémentaires, dont il ne semblait jamais rassasié au point qu’elle se soit permis de faire remarquer « Vous enchaînez les questions, inspecteur. » avec néanmoins une certaine légèreté. « Pardon. Déformation professionnelle. » Mais il était justement en train de faire son travail, après tout. La pause ne durant que quelques instants, la blonde avait en tout cas consenti à le délester de ses dernières interrogations « Depuis qu’elle a fait une demande de libération conditionnelle. Il y a quelques semaines donc. Mais vous savez elle n’a jamais été bavarde. Les ateliers ne l’ont jamais vraiment intéressée, et lorsqu’elle y participait c’était uniquement puisqu’elle savait que ça jouerait en sa faveur dans sa démarche. Enfin j’imagine. » Beaucoup de suppositions pour assez peu de certitudes, en définitive. Un fait dont elle semblait elle-même s’être rendue compte, au point de terminer d’un air désolé en ajoutant « Le peu d’information que j’ai à son sujet est assez superficiel … je suis navrée. » et auquel Anwar avait répondu d’un mouvement de tête bienveillant « Ne le soyez pas, au contraire vous m’aidez à y voir un peu plus clair. Parfois une non-information est justement une information … je ne sais pas si je suis clair. » Sans doute que non, et pourtant c’était d’une simplicité enfantine dans son esprit. « Bref, retenez juste que ça m’aide à cerner un peu plus à qui j’ai affaire … ce qui jusqu’à présent n’était pas du luxe. » Cela ne suffirait en rien à régler son problème et surtout à résoudre son affaire, mais cela lui permettrait au moins d'y aller sans tâtonner entièrement. « Je suis à peu près certain qu’elle protège quelqu’un. Soit parce que ce quelqu’un la menace, soit … soit parce que c’est quelqu’un auquel elle tient. Suffisamment pour risquer la prison pour meurtre à sa place. » Songeur, son café tiédissant dans son gobelet sans qu’il ne semble plus se souvenir de son existence, il avait gardé le silence plusieurs secondes avant qu’un détail ne retienne son attention « Elle ne parle pas cantonais. » Son attention revenant à la blonde, il avait repris « Naomi Edwards. Elle ne parle pas cantonais, si ? » Il y avait peu de chances, elle n’avait pas terminé ses études et n’avait pas de liens familiaux qui le justifieraient, aux dernières nouvelles. « Elle n’a pas pu déchiffrer ces cartes postales toute seule. » Donc quelqu’un l’avait fait à sa place, et si l’on poussait la réflexion encore plus loin on pouvait même imaginer que la détenue n’était pas la véritable destinataire de ces courriers. Se replaçant un peu mieux sur sa chaise, il avait pris un air trop sérieux pour être vrai. « À qui est-ce que je dois faire les yeux doux pour obtenir la liste des détenues d’origine ou d’ascendance chinoise ? » Bien qu’il faudrait effectivement la liste. Mais un nom suffirait, et il passerait par la voie de la réquisition plutôt que celle des yeux doux … En théorie.
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| | | | (#)Mar 29 Oct 2019 - 14:35 | |
| Romy avait beau avoir l’habitude des replonges, il lui était rare (inédit, même) qu’un inspecteur de la brigade des homicides ne pointe le bout de son nez dans son bureau pour discuter d’une détenue qui aurait troqué sa chance de se refaire une place dans la société pour une autre à l’ombre, à perpétuité. Le dossier Edwards la laissait dubitative, sans voix. La petite blonde avait beaucoup de mal à s'imaginer la détenue fraîchement libérée se muer en enfant de cœur, mais de là à la retrouver tremper dans un tel crime … Romy en restait sans avis tangible, et un peu désarçonnée il fallait avouer. Zehri poursuivait ses questions, la noyant littéralement sous les interrogations qu’elle peinait à réordonner convenablement dans son esprit encore sous le coup de « la détenue dont je me suis occupée il y a quelques semaines à peine est impliquée dans un homicide » car pour elle, ça signifiait qu’elle avait foiré en beauté. Cela ne l'empêchait pas de se montrer la plus transparente possible pour ne pas obstruer l'enquête, livrant à l'inspecteur le plus de détails possibles, bien qu'à ses yeux certains n'avaient pas de véritable sens. Comme ces cartes postales à l'allure de cartes de restaurants chinois. Elle proposait toutefois de les retrouver, quelques fois que ces dernières aient plus de sens pour lui que pour elle. « Ça me ferait gagner un temps précieux, oui … Je suppose qu’elle a tout embarqué avec elle quand elle a été libérée ? » Romy hochait doucement la tête, sans trop savoir si son aide avait pu être utile au policier. Elle restait interloquée, comme si l'idée de voir cette fille paumée se retrouver à plonger la tête la première dans une histoire si sordide ne faisait pas sens à ses yeux, mais il fallait bien. Elle n'avait pas vraiment d'autre possibilité que de tenir la cadence si elle voulait conserver une façade professionnelle impeccable, mais face aux questions qui pleuvaient la petite blonde avait un peu de mal et ne se gardait pas d'en informer l'inspecteur. « Pardon. Déformation professionnelle. » lui avait il répondu bien qu'elle sache qu'effectivement, il ne faisait que son job. D'un haussement d'épaules elle acceptait ses excuses, appréciant sa prévenance. Non pas qu’elle soit à ménager, plutôt qu’elle n’était pas vraiment habituée. Romy ne se considérait pas vraiment comme d’une grande aide dans ce dossier, l’ex détenue étant une personne qu’elle avait toujours trouvée comme secrète et peu accessible. Il y en avait beaucoup qui attendaient en cellule ici, mais malgré tout l’inspecteur donnait l’impression qu’il n’avait pas perdu son temps, ce qui était satisfaisant. Un peu. « Ne le soyez pas, au contraire vous m’aidez à y voir un peu plus clair. Parfois une non-information est justement une information … je ne sais pas si je suis clair. » Oui ? Romy arquait un sourcil, hochant du menton sans trop savoir si elle avait bien compris le brun, mais tout en retenant qu’elle l’avait aidé elle se contentait de ne pas avoir été un boulet à son enquête ; c’était déjà ça. « Bref, retenez juste que ça m’aide à cerner un peu plus à qui j’ai affaire … ce qui jusqu’à présent n’était pas du luxe. » Un sourire sans joie lui étirait le coin des lèvres, le souvenir d’Edwards faisant écho à celui de dizaines d’autres femmes qui refusaient de délier leur langue pour se tirer d’une situation inconfortable. « Je suis à peu près certain qu’elle protège quelqu’un. Soit parce que ce quelqu’un la menace, soit … soit parce que c’est quelqu’un auquel elle tient. Suffisamment pour risquer la prison pour meurtre à sa place. » La petite blonde hochait la tête, sans trop savoir si sa propre expérience auprès des détenues pouvait être utile à l’enquête. Elle fixait le gobelet de café du flic, notant qu’il n’y avait pas (ou alors très peu) touché depuis qu’ils avaient débuté leur entrevue. « Ça ne lui plaisait pas d’être ici, elle ne s’est jamais intégrée. Alors vous avez sans doute raison. » Intervention ô combien utile de la petite Ahsby, mais pourtant c’était tout ce qu’elle avait à dire sur cette étoile filante qu’avait été Naomi Edwards dans ses dossiers. Elle n’avait pas fait de vagues plus que les autres, ne s’était pas confiée à elle comme d’autres auraient pu le faire, elle avait purgé sa peine et c’était tout. « Elle ne parle pas cantonais. » Hein ? Aux quelques secondes de flottement qui avaient suivies les paroles de la petite blonde, Zehri semblait avoir eu une sorte d’illumination qu’il formulait ensuite de façon à ce que Romy comprenne où il voulait en venir : « Naomi Edwards. Elle ne parle pas cantonais, si ? » Non. Romy secouait la tête, avançant avec certitude que : « Elle avait déjà du mal à écrire ses courriers dans un anglais correct alors du cantonnais … je ne la vois pas s’y mettre. » et visiblement, ils étaient du même avis. « Elle n’a pas pu déchiffrer ces cartes postales toute seule. » Impossible. Romy n’avait jamais vraiment prêté attention à ces cartes, laissant ce travail d’inspection et d’analyse aux gardiens, mais cette langue était inconnue de la jeune Edwards, elle en était persuadée. « À qui est-ce que je dois faire les yeux doux pour obtenir la liste des détenues d’origine ou d’ascendance chinoise ? » L’inspecteur semblait ne pas avoir fait chou blanc en venant ici, reprenant le fil de son enquête avec une détermination à laquelle Ashby était réceptive. « Pas la peine de faire les yeux doux. En revanche un second café ne serait pas de refus. » Elle avait à peine touché au sien, mais dans la mesure où elle avait opté pour le cycle court, Romy avait su terminer son gobelet avant de le faire s’échouer dans la corbeille, se relevant de sa chaise pour inviter l’inspecteur à en faire de même. « Joyce va vous raccompagner dans le Hall. Je vous y rejoins d’ici une dizaine de minutes avec cette liste. » c’était du moins le temps qu’elle estimait nécessaire à la récolte de ces informations. *** Une chemise rassemblant les informations demandées par l’inspecteur sous le bras, Romy avait passé les portiques de sécurité en plaquant le badge pendouillant à son tour de cou à chaque porte, faisant de son trajet d’une trentaine de mètres une petite épreuve de santé. Elle était habituée à toutes ces procédures depuis le temps qu’elle travaillait ici, mais ne s’y faisait jamais vraiment. « C’est assez restreint, une dizaine de personnes est concernée. » qu’elle lançait en tendant le dossier à l’inspecteur, installé par la secrétaire du service dans le Hall d’accueil. « Je suis désol… » Une sonnerie, celle de son téléphone, l’interrompait, et alors qu’elle regardait brièvement l’appelant (inconnu) en fronçant les sourcils, Romy rejetait l’appel sans véritable cérémonie, le replaçant dans la poche arrière de son jean. « Excusez-moi, je le remets en silencieux. J’ai posté une annonce pour remplacer ma coloc il y a une semaine et depuis … c’est un peu n’importe quoi. Je regrette amèrement d’avoir laissé mon numéro de téléphone sur internet. » car en y repensant bien, elle ne ferait plus jamais ça.
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| | | | (#)Lun 11 Nov 2019 - 11:35 | |
| Depuis le temps qu’il faisait ce métier, Anwar doutait qu’il existe une seule personne saine d’esprit qui ait apprécié son séjour derrière les barreaux. Certains s’y sentaient parfois plus en sécurité, particulièrement s’ils possédaient dehors des ennemis suffisamment dangereux pour les faire craindre pour leur intégrité, mais ce n’était pas dans la nature de l’être humain d’aimer être privé de sa liberté. Rien d’étonnant donc dans le « Ça ne lui plaisait pas d’être ici, elle ne s’est jamais intégrée. Alors vous avez sans doute raison. » avancé par la blonde à propos de leur connaissance commune – même si connaissance était un bien grand mot. Reste que le policier était persuadé que Naomi Edwards refusait de parler parce que ce qu’elle avait à dire lui faisait plus peur encore que l’idée de retourner derrière les barreaux, quand bien même on parlait non plus en mois mais en années. Il manquait à Anwar un information essentielle pour faire avancer son enquête, un minuscule détail susceptible de débloquer tout le reste et de lui permettre d’y voir un peu plus clair dans ce qui, pour le moment, n’avait aucun sens. Un détail tel que celui qui lui avait sauté aux yeux la seconde suivante, le faisant questionner sans crier gare et prendre dans un premier temps son interlocutrice au dépourvu avant qu’il ne formule un peu mieux les choses « Elle avait déjà du mal à écrire ses courriers dans un anglais correct alors du cantonnais … je ne la vois pas s’y mettre. » Et elle voyait donc aussi bien que lui où il voulait en venir, raison pour laquelle sans doute elle n’avait pas rechigné pour accéder à sa requête « Pas la peine de faire les yeux doux. En revanche un second café ne serait pas de refus. » Et de ça l’inspecteur était reconnaissant. La jeune femme n’était pas obligée de lui faciliter les choses en coopérant, elle aurait pu exiger qu’il passe par une voie plus administrative et moins informelle pour obtenir les informations dont il avait besoin, et s’il avait fallu en arriver-là Anwar l’aurait fait … Mais les procédures prenaient du temps, le bureau du procureur était débordé, et ralentir le processus d’enquête n’aurait été au désavantage réel que de la seule Naomi Edwards. « Vendu pour le second café. » Terminant d’ailleurs d’une traite le premier, il s’était levé au moment où la conseillère en avait fait autant et l’avait imitée en faisant atterrir son gobelet dans la corbeille à papier, avant que tous les deux ne se dirigent vers la porte du bureau « Joyce va vous raccompagner dans le Hall. Je vous y rejoins d’ici une dizaine de minutes avec cette liste. » Acquiesçant avec docilité, l’inspecteur avait laissé la jeune femme tourner les talons puis avait rebroussé chemin par là où il était arrivé, récupérant ses effets personnels après avoir passé à nouveau le portique de sécurité et signé le registre de sortie. Tenant parole, la jeune femme n’avait pas été absente plus d’une dizaine de minutes et l’avait rejoint avec un mince dossier qu’elle lui avait aussitôt tendu en indiquant « C’est assez restreint, une dizaine de personnes est concernée. » Résistant à l’envie de feuilleter les quelques pages à peine la chemise entre les mains, Anwar s’était contenté d’acquiescer avec satisfaction « Merci beaucoup. Je vais étudier ça de retour au poste, et au besoin je vous recontacterai. Vous auriez un … » Interrompu par la sonnerie du téléphone de la jeune femme – heureuse coïncidence puisqu’il s’apprêtait à lui demander si elle avait un numéro où il pourrait la joindre – il l’avait laissée non pas y répondre, malgré le « Je suis désol … » qui s’en était suivi, mais rejeter l’appel avec un brin d’impatience. « Excusez-moi, je le remets en silencieux. J’ai posté une annonce pour remplacer ma coloc il y a une semaine et depuis … c’est un peu n’importe quoi. Je regrette amèrement d’avoir laissé mon numéro de téléphone sur internet. » Offrant un sourire compatissant, Anwar s’était bien gardé d’enfoncer une porte ouverte en confirmant qu’effectivement, l’idée n’était pas brillante. « Changez votre répondeur en vous faisant passer pour un numéro payant pendant une semaine ou deux, je suis sûr que ça dissuadera les gens de continuer d’appeler. » Du moins, c’était le genre de truc qui pouvait éventuellement fonctionner sur un malentendu … Bref. Fronçant les sourcils en reprenant le temps d’analyser ce que venait de lui dire la blonde, l’inspecteur avait questionné avec un brin de curiosité « Vous cherchez forcément une colocataire, ou bien un colocataire ferait l’affaire aussi ? » Réalisant que tout cela pouvait être mal interprété, il s’était empressé de dissiper l’impression qu’il était en train de parler de lui-même. « Un ami à moi cherche une colocation lui aussi. On travaille dans le même poste de police. » Il se garderait bien en revanche de développer sur ce que faisait précisément Tad dans la vie … Il avait beau respecter l’amour du rouquin pour son métier, à première vue cela ne restait néanmoins pas des plus vendeurs. « Enfin, je connais pas ses critères de recherche en détails, mais je peux vous donner son numéro si ça vous intéresse. » Parce qu’il connaissait néanmoins le côté un peu adolescent attardé que cultivait parfois Tad, Anwar ne s’était pas répandu en grandes éloges à son sujet pour la simple raison qu’il ne connaissait pas suffisamment son interlocutrice pour savoir si les choses étaient susceptibles de coller entre eux. Mais un coup de téléphone n’engageait à rien en revanche, et Anwar considérait malgré tout Cooper comme quelqu’un de relativement facile à vivre et avec qui il était difficile de ne pas s’entendre.
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| | | | (#)Ven 22 Nov 2019 - 13:20 | |
| Romy n’était pas quelqu’un de bien compliqué, et lorsqu’il était question d’accorder un service qu’elle était disposée à rendre, sa boisson préférée était un remerciement des plus appréciés. Elle avait eu le sentiment de ne pas avoir pu beaucoup aider l’inspecteur dans ce début d’enquête, mais était bien disposée à lui fournir toutes les informations nécessaires, autant qu’elle le pouvait. L’idée de possiblement faire plonger Edwards ne l’enchantait pas, l’inquiétait même, mais pour aider Zehri à tirer cette affaire au clair elle ne se porterait pas obstacle bien au contraire. « Vendu pour le second café. » Il avait terminé le premier d’une traite, se relevant sitôt Romy ayant avancé que la secrétaire du service le raccompagnerait dans le hall. Elle avait ensuite disparu dans les méandres des archives ; une disparition de quelques minutes à peine. Ce dossier datait (malheureusement) d’il y a peu, et Edwards n’avait pas encore eu le temps de finir sous la poussière qu’elle avait déjà recommencé à gâcher sa vie. Elle avait retrouvé l’inspecteur dans le hall, comme convenu. Lui remettant le dossier entre les mains, Romy avait esquissé un sourire, puis hoché la tête lorsque ce dernier l’avait remerciée. « Merci beaucoup. Je vais étudier ça de retour au poste, et au besoin je vous recontacterai. Vous auriez un … » Son téléphone l’avait interrompue, et alors qu’elle s’empressait de s’excuser et d’expliquer les raisons de cet appel en le rejetant, tous sourcils froncés, la conseillère se surprit à sourire en entendant le brun commenter : « Changez votre répondeur en vous faisant passer pour un numéro payant pendant une semaine ou deux, je suis sûr que ça dissuadera les gens de continuer d’appeler. » Elle n’y avait pas pensé, et n’y aurait probablement jamais pensé. Elle ne s'était jamais considérée comme étant quelqu'un de particulièrement ingénieux, pas comme certaines des détenues qu'elle côtoyait au quotidien et qui étaient parfois là pour des raisons qui dépassaient l'entendement. « Vous aussi depuis que vous êtes au contact de malfrats vous développez une façon de penser différente ? » Romy arquait le sourcil avec amusement, se disant qu’il ne devait pas y avoir qu’elle qui emmagasinait des informations amusantes au fil des journées de travail. Elle en avait beaucoup en réserve, les gardant dans un petit tiroir de son esprit puisqu'elle ne pouvait pas en parler au tout venant ; une sorte de secret professionnel. « Vous cherchez forcément une colocataire, ou bien un colocataire ferait l’affaire aussi ? » Sortie de ses pensées, Romy avait soudainement relevé le menton vers l'inspecteur, se rappelant au passage qu'elle venait de lui livrer quelque chose d'informel, mais de personnel. Cela ne semblait pas avoir perturbé Zehri qui semblait avoir une idée derrière la tête en lui posant cette question. « Un ami à moi cherche une colocation lui aussi. On travaille dans le même poste de police. » Oh ? Ah ! Le regard de Romy s'éclairait d'une lueur ; elle qui voyait déjà un énorme loyer lui peser sur les épaules une année durant (réduisant ainsi son budget shopping, sacrilège) se voyait apporter un (léger) espoir de trouver quelqu'un qui puisse partager son appartement bien trop grand (bien qu'elle en exploite chaque recoin) sur un plateau. « Enfin, je connais pas ses critères de recherche en détails, mais je peux vous donner son numéro si ça vous intéresse. » Qu'il soit dans la police était une bonne chose ; au moins il comprendrait éventuellement les journées compliquées qu'elle passait parfois et vice versa. Non pas qu'un(e) potentiel(le) colocataire avec un job lambda n'en soit pas en capacité ... mais presque, et évidemment, Romy saisissait l'opportunité au vol. " Oui, ce serait génial." Un brin trop enthousiaste, la petite blonde s'était pourtant rapidement ravisée pour conserver un semblant de professionnalisme, bien que si cet ami était intéressé, il lui tirerait une sacrée épine du pied. Cela faisait quelques semaines qu'Isla était partie, et si la conseillère appréciait l'espace libéré par la rousse, elle aimait beaucoup moins l'aspect financier de son déménagement et clairement, à moins que l'ami en question ne s'appelle Roger et ne soit un vieux bedonnant de 47 ans, ce type était la personne parfaite. A n'en pas douter. " .. et votre collègue, je veux dire.." Romy penchait la tête sur le côté, réfléchissant un instant à ce qu'elle pourrait dire pour sauver les apparences. " Enfin j'ai pas de trop gros critères si ce n'est celui de plus ou moins le même âge et pas trop regardant sur le bazar." Mieux valait prévenir tout de suite que de faire fuir le pauvre collègue en une dizaine de secondes, et bien qu'elle sache que l'inspecteur ne vivait pas avec, il en connaissait toutefois suffisamment sur lui pour savoir s'il fallait le ranger dans la catégorie "maniaco dépressif" ou "la vaisselle peut bien s'entasser, il restera toujours Uber Eats", du moins elle espérait.
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| | | | (#)Sam 7 Déc 2019 - 22:51 | |
| Son dossier sous le bras, Anwar avait fourni cette astuce téléphonique sans y réfléchir à deux fois, comme si elle coulait forcément de source. Et seulement lorsque la jeune femme lui avait demandé « Vous aussi depuis que vous êtes au contact de malfrats vous développez une façon de penser différente ? » d’un ton amusé avait-il pris une nouvelle fois conscience du nombre de réflexes plus ou moins incongrus que son boulot avait pu injecter dans sa façon de gérer son quotidien. Il avait toujours en tête cette dispute avec Joe où elle lui avait reproché cette tendance à transformer chaque conversation en interrogatoire dès lors que quelque chose le contrariait ou n’allait pas dans son sens. Anwar avait nié fermement, à peu près aussi peu enclin que son épouse à admettre ses torts, mais tout en sachant au fond de lui qu’elle avait raison ; Simplement, il n’était pas capable de s’en empêcher. « Exactement ce que je vous disais tout à l’heure : déformation professionnelle. » avait-il en tout cas simplement commenté d’un ton amusé, prenant un ton faussement grave au moment de se pencher un peu plus vers elle pour faire mine de murmurer « Je garde votre secret si vous gardez le mien. » Plaisanterie mise de côté néanmoins, qu’elle parle de recherche de colocataire n’était pas tombé dans l’oreille d’un sourd, et Anwar avait automatiquement relié les points avec la recherche jusque-là peu fructueuse de Tad pour se trouver une colocation. Bien qu’un peu surpris que son ami se soit déjà lassé de la totale liberté qui était la sienne depuis qu’il s’était libéré des griffes de la sorcière qui lui servait d’ex, il lui avait promis d’ouvrir l’œil et de penser à lui s’il entendait parler d’un bon plan du genre ; Et le désespoir de son interlocutrice tombait à pic, si l’on pouvait dire. « Oui, ce serait génial. » s’était d’ailleurs aussitôt exclamée la concernée, avec bien plus d’enthousiasme que ne l’aurait imaginé le policier. Semblant néanmoins réaliser elle-même qu’elle vendait la peau de l’ours avant de l’avoir tué – et peut-être même avant qu’il n’ait mis la patte dans le piège à ours – la jeune femme s’était ravisée la seconde suivante, affichant un air maintenant circonspect. « ... et votre collègue, je veux dire ... » Cherchant la meilleure façon de formuler cela, elle avait marqué une brève pause avant de reprendre « Enfin j'ai pas de trop gros critères si ce n'est celui de plus ou moins le même âge et pas trop regardant sur le bazar. » Tad, regardant sur le bazar ? Tachant de garder un semblant de sérieux, l’inspecteur avait répondu « C’est un truc qu’il devrait pouvoir tolérer … » en prenant sur lui de ne pas être trop catégorique, bien qu’en réalité la toute première chose qui lui soit venue à l’esprit était la réserve de conserves dont le légiste refusait de se délester – en cas d’invasion zombie, voyez-vous – et sa tendance à semer ses chaussettes sales dans tous les coins de son appartement. Mais enfin, le brun essayait de vendre son poulain, ce n’était pas le moment de pointer du doigt ses petits défauts. « Je vous ferai pas l’affront de vous demander votre âge pour comparer, mais disons qu’il est un peu plus jeune que moi … Aussi bien conservé, ça, je ne sais pas trop, mais enfin il fait ce qu’il peut. » Dodelinant la tête un instant, il avait fini par laisser échapper un rire. « Je plaisante. Enfin pas totalement, il a vraiment plus ou moins votre âge. Et il est vraiment facile à vivre aussi – et promis, je dis pas ça juste parce que c’est mon pote. » Ou peut-être que si, mais vraiment un petit peu … Anwar avait aussi des amis avec qui il ne supporterait pas de vivre sous le même toit plus de vingt-quatre heures, et qu’il ne souhaitait comme colocataires à personne. Mais Tad n’en faisait pas partie, et fouillant dans la poche intérieure de sa veste le policier en avait sorti une carte de visite – la seconde de leur entrevue – et un stylo, avec lequel il avait griffonné en vitesse le numéro de son légiste de copain. « Voilà. Il s’appelle Tad. » Lui tendant la carte de visite, il en avait également indiqué le recto « Et ça c’est si jamais quoi que ce soit vous revient à propos de mademoiselle Edwards. Même quelque chose qui vous semblerait sans importance, ça peut toujours m’être utile. » Quant à lui, il s’engageait mentalement à tenir la jeune femme au courant des suites de cette affaire … Bien qu’au fond, si les choses ne s’arrangeaient pas pour l’ex-délinquante, elle risquait de retrouver les murs de cette prison et la conseillère le saurait bien assez tôt.
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| | | | (#)Dim 15 Déc 2019 - 5:16 | |
| Romy avait trouvé cette façon de penser amusante, mais faute de trouver quelque chose de plus réfléchi à répondre à cet inspecteur dont le capital sympathie n'était pas au point mort, elle s'était autorisé cette remarque dans un demi sourire. « Exactement ce que je vous disais tout à l’heure : déformation professionnelle. » lui avait il répondu avec un ton amusé, se penchant toutefois pour murmurer sur le ton de la confidence : « Je garde votre secret si vous gardez le mien. » Qu'il ne se fasse pas de soucis là dessus. La petite blonde hochait la tête avec ce même air faussement grave, notant toutefois de mettre en pratique les conseils de Zehri sans quoi elle allait finir par se retrouver noyée sous les messages en en zappant quelques fois certains sûrement importants. Sa recherche de colocataire était une plaie dont elle se serait volontiers passée sitôt Isla ayant quitté l'appartement, car depuis la petite blonde galérait allègrement à trouver chaussure à son pied. Non pas qu'elle soit très regardante. Quelqu'un qui supportait son bordel environnant était quatre vingt dix pour-cent de ses critères, car si elle s'était exclamée que le collègue de l'inspecteur serait potentiellement la petite perle elle se doutait bien que tout ne relevait pas de l'évidence même parce qu'elle l'avait décidé. Ce n'était pas le moment ni l'endroit mais l'occasion s'était présentée, alors Romy s'était risquée à demander si ce collègue en question était regardant sur le bazar, car si la petite blonde était du genre à avoir un bureau dont les dossiers étaient parfaitement triés, dans le cadre personnel elle était du genre à collectionner les fringues et son indécision faisait de chaque chaise et de chaque accoudoir une montagne de fripes. « C’est un truc qu’il devrait pouvoir tolérer … » Alors si c'était potentiellement acceptable elle l’appellerait. Que risquait elle ? « Je vous ferai pas l’affront de vous demander votre âge pour comparer, mais disons qu’il est un peu plus jeune que moi … Aussi bien conservé, ça, je ne sais pas trop, mais enfin il fait ce qu’il peut. » Il avait dodeliné de la tête un instant, cédant à rire ; ce qui fit se rassurer une Romy qui avait vu défiler tous les profils de sa coloc dans sa recherche et qui commençait très nettement à désespérer à l'idée de trouver un humain lambda mais pas trop pour partager son appartement. « Je plaisante. Enfin pas totalement, il a vraiment plus ou moins votre âge. Et il est vraiment facile à vivre aussi – et promis, je dis pas ça juste parce que c’est mon pote. » Elle laissait ses lèvres s'étirer d'un sourire contenu par le cadre mais qui au fond lui faisait naître l'espoir de (peut être) trouver (enfin) quelqu'un qui ne réponde pas à son annonce par défaut et avec qui elle pourrait vivre sans trop se faire de soucis sur d'éventuelles discordes comme ç'avait pu être le cas avec Isla. Qui mieux que votre ami savait plus ou moins comment vous vivez, hein ? Ceux de Romy le diront sans détour. Fuyez. Mais elle avait grand espoir dans ce ... comment il s'appelait déjà ? « Voilà. Il s’appelle Tad. » Griffonnant le numéro de téléphone de ce type sur une nouvelle carte de visite la conseillère le regardait faire avec application, le remerciant d'un sourire. " Je l’appellerai, c'est gentil." Oui, ça l'était, alors si jamais cela matchait avec ce fameux Tad elle se promettait de remercier l'inspecteur pour son aide bien qu'elle ne sache pas vraiment comment s'y prendre. Elle aviserait au moment venu. Dans l’hypothèse que les astres s'aligneraient et que ce contact serait la perle rare, bien sûr. Zehri lui tendait finalement la carte côté recto, indiquant : « Et ça c’est si jamais quoi que ce soit vous revient à propos de mademoiselle Edwards. Même quelque chose qui vous semblerait sans importance, ça peut toujours m’être utile. ». Elle le ferait, alors se saisissant de la carte pour la glisser dans sa poche la petite blonde opinait du chef. " Je n'hésiterai pas à vous passer un coup de fil." répondait elle, sans trop savoir si elle pouvait être en mesure de tirer grand chose des souvenirs qu'elle avait de cette ombre. Romy ferait toutefois du mieux qu'elle le pouvait, alors sitôt le lui avoir assuré, elle entreprenait de le guider vers la sortie, le libérant d'une sortie à la prison qui n'avait pas été des plus fructueuses pour lui elle le craignait. " Je la garde avec moi. Et merci, pour le contact." Romy esquissait un sourire, l'accompagnant jusqu'à la porte menant au parking pour la forme. D'ordinaire elle ne le faisait jamais, mais cet inspecteur lui avait donné un précieux coup de main alors qu'elle avait eu l'impression de ne pas avoir pu faire grand chose. Pour sûr elle essaierait de faire fonctionner sa mémoire, mais en attendant la petite blonde s'assurerait de rester disponible comme elle avait pu l'être aujourd'hui.
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| | | | | | | | (romy) vanish with the years |
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