| DOHERTYS • before you assume, try asking |
| | (#)Lun 13 Mai 2019 - 22:52 | |
| Freya essuya sa bouche du revers de sa manche tout en jetant avec fureur le squelette de verre de la bière qu’elle venait de finir. « Je vais le tuer. » Elle n’était pas énervée, non… Elle était furibonde, furieuse et hors d’elle. Un voisin de leur mère venait de l’appeler car son cher grand frère ne répondait pas. Wren a toujours mis un point d’honneur à s’occuper de leur mère. Jamais les jumeaux n’avaient eu à le faire – ou sinon, de temps en temps, comme ça, quand ils passaient la voir. Mais Wren était celui qui s’en occupait le plus. Mais apparemment, son aîné avait décrété que c’était fini. Le voisin s’inquiétait de voir que personne n’était passé chez leur mère depuis plus d’une semaine – et oui, il existait encore des personnes assez honorables et honnêtes pour remarquer ce genre de choses. Alors qu’elle enfilait sa veste, Tobias sortait de sa piaule, l’air complètement hagard. « Qu’es’tu fous, p’tin, t’as vu l’heure ? » Freya lui balança alors une de ses chaussettes qu’il laissait traîner partout, ce qui l'énervait au plus haut point. « Profites-en pour faire le ménage, alors. » Et elle sortit de l’appartement en claquant bruyamment la porte. Les jumeaux avaient un appartement ridiculement petit mais qui avait le mérite d’avoir deux chambres. L’immeuble n’était pas de première qualité, les voisins n’étaient guère bienveillants et la cage d’escalier était loin d’être accueillant. Mais Freya s’en fichait, tant qu’elle avait un toit sur sa tête. Elle avait connu pire, comme situation. Elle regarda sa montre. Presque 9h30. Elle sortit de sa poche son pilulier du jour et enfila les deux médicaments du matin tout en dégringolant les escaliers. C’était leur chez-eux à eux deux. C’était un vrai foutoir, le peu de meubles (récupérés) étaient à peine visible sous les cartons de pizza, de bière et de mégots. La jeune femme essayait tant bien que mal de résonner son frère mais elle sentait qu’il lui échappait un peu plus tous les jours. Et pas seulement vis-à-vis du rangement et du ménage. Ce n’était pas pour rien qu’elle avait jugé bon qu’ils ne séparent pas. Certes, leur relation n’était pas aussi fusionnelle qu’on pourrait en attendre de jumeaux. Mais ils avaient le mérite de veiller l’un sur l’autre. De toute façon, Freya avait pour l’instant une peur panique de vivre toute seule. Même si franchement, parfois, l’envie d’indépendance la tenterait bien. Et voilà qu’en plus, on lui fourrait sa mère dans les bras! Une mère qui n’avait jamais vraiment été proche de sa fille unique. Freya savait que sa mère avait toujours apprécié la compagnie de Wren. Peut-être parce que c’était lui qui se tenait toujours entre la génitrice et leur pourriture de père. Freya arriva enfin dehors, où le bruit des klaxons de la circulation lui bourdonnait déjà les oreilles. Les mains fourrées dans les poches, elle ruminait. Elle devrait aller bien, aujourd'hui, car elle se sentait bien. Elle avait bien dormi et elle avait réussi à sortir du lit. Et pour elle, ce n’était que des victoires et du soulagement, au moins pour la journée à venir. Jusqu’à ce fameux fichu coup de téléphone. Après tout, Freya restait une Doherty et ils avaient tendance à avoir le sang qui ne passait pas par quatre chemins. Aussi, le sien ne fit qu’un tour pour se mettre à bouillonner et monter dans les tempes. C’est pour ça qu’elle avait besoin d’une bière, juste après son café. Oui, elle avait besoin de se détendre. Seulement, ça n’avait eu que l’effet inverse. Et c’était donc une petite tornade blonde qui se mit à tambouriner de ci bon matin à la porte de son grand frère adoré. « Wren ! T’as pas intérêt à m’ignorer ! » @Wren Doherty |
| | | | (#)Mar 14 Mai 2019 - 17:15 | |
| Ces derniers temps, Wren se considérait comme un fils indigne. Il avait trop donné, non, il avait simplement tout donné. Ces dix dernières années, il avait passé ses journées à essayer de réveiller sa mère, l'habiller, la faire manger, tenter vainement de la faire sourire et au bout du compte, il s'était épuisé à la tâche. Lors de leur dernière altercation, la suédoise avait peut être dit le mot de trop, lui signifiant ainsi que peu importe ce qu'il faisait, elle n'avait pas moins l'envie de mourir. Alors, son sang n'avait fait qu'un tour et il avait claqué la porte. Pendant un temps, une aide de vie avait remplacé l'aîné des Doherty auprès de la blessée mais même elle avait fini par déserter en vue du comportement affreux de la malade. Wren avait eu la lettre de démission sans sa boîte aux lettres mais il avait juste soupiré, se refusant à se rendre jusqu'à chez sa mère pour lui faire la morale. C'était son choix mine de rien. Si elle préférait être seule plutôt que d'accepter l'aide de ses enfants et autres personnes de ressource suffisamment patiente pour la supporter, c'était son problème. De toute manière, le jeune Doherty avait besoin de cette distance, au moins pendant quelques temps, parce qu'il avait besoin de se construire en dehors de sa famille, lui qui en avait fait sa priorité toute sa vie. Aujourd'hui, il avait d'autres personnes à découvrir, des moments nouveaux à partager et il savait que s'il devait être encore au milieu du fléau suédois, il ne pourrait pas vivre décemment avec cette belle nouveauté. Alors, il s'était écarté, laissant derrière lui sa tendre mère désormais bien seule. Pire encore, il laissait les jumeaux livrés à eux-mêmes. A vrai dire, l'attitude de son cadet avait usé Wren lors de leur dernière rencontre puisqu'il avait dû payer la caution pour le trouble fait après une bonne nuit de beuveries et autres distractions. Les deux frères ne partageaient plus grand chose si ce n'était cette fascinante appel du feu. Ils n'en parlaient jamais, c'était bien mieux ainsi. Wren se doutait cependant que son frère s'était rendu à la prison pour voir leur père mais là encore, il n'avait pas spécialement envie d'échanger avec lui à ce sujet. Le silence, c'était bien plus facile. Plus apaisant. Et puis, il y avait Freya. C'était peut être ce qui était le plus douloureux dans l'affaire parce que Wren avait toujours ressenti ce besoin de la protéger mais cette fois, il ne pouvait pas être ce chevalier pour elle. Il l'avait laissé gérer de son côté sans savoir ce que cela donnait parce qu'ils ne s'étaient pas parlés depuis plusieurs semaines. Là encore, le pompier considérait que c'était probablement mieux ainsi. Chaque Doherty avait besoin de temps pour réfléchir. Lui en tout cas le mettait à profit en travaillant bien plus, ce qui le torturait peut être plus encore avec les flammes qui passaient fréquemment dans la clarté de ses pensées. Ce jour-là, il était libre de se reposer. Ouf. Enfin, il aurait aimé pouvoir mais entendre le tambourinement à sa porte tout en reconnaissant la voix de sa petite soeur lui indiquait que ses plans étaient tués dans l'oeuf. Il mit un temps fou à atteindre la porte, soufflant en espérant que Freya ferait demi tour au bout d'une bonne minute à se casser les mains. Mauvaise pioche, forcément. Il finit par ouvrir et constata qu'elle fulminait. Sans même rien dire, il la laissa entrer, le regard vide, a priori serein. "Ravi de te revoir moi aussi. Je te demande pas comment ça va du coup parce que j'ai la sensation que t'es pas là pour parler du beau temps. Balance tes reproches qu'on en finisse, allez." Il referma la porte,se rapprocha de sa soeur pour la toiser. Il y avait rarement des rencontres entre Doherty qui se terminaient d'une belle manière. Celle-là n'avait pas l'air de prendre un chemin différent, se doutant fort bien que sa soeur allait lui parler de son abandon récent. Il n'était pas ibre du fléau Doherty. Il ne le serait jamais.
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| | | | (#)Ven 17 Mai 2019 - 7:26 | |
| La lenteur que son frère mettait pour lui ouvrir la porte l’agaçait encore plus – oui, il n’en fallait pas beaucoup pour agacer la jeune Doherty. Mais elle savait qu’il attendait – ou plutôt espérait – qu’elle parte d’elle-même. Mais Wren la connaissait mieux que ça. Ils étaient du même sang. Freya ne lâchait pas (jamais) l’os. Elle avait beau avoir ce fameux visage angélique, c’était une vraie petite teigne. Et son aîné n’avait décidément pas envie de jouer trop longtemps à son jeu du silence puisque la porte finit par s’ouvrir. « Ravi de te revoir moi aussi. Je te demande pas comment ça va du coup parce que j'ai la sensation que t'es pas là pour parler du beau temps. Balance tes reproches qu'on en finisse, allez. » Freya s’incrusta chez lui sans y être invitée – elle était sa sœur, de toute façon, il n’allait quand même pas allé jusqu'à la virer de chez lui, n’est-ce pas ? Ils avaient beau se chicaner, se disputer, et parfois ne pas se comprendre, ils restaient quand même les deux seuls personnes plus ou moins censés de cette famille. Si eux ne se serraient pas les coudes, qui le ferrait ? Freya avait toujours admiré son aîné. Il avait dû prendre en charge la famille jeune et malgré lui. Il avait eu les épaules assez larges pour tenter de tous les mener à bon port – même si la route n’a pas été un long fleuve tranquille. De surcroît, il avait aussi toujours pris soin de leur mère, qui n’était que l’ombre d’elle-même depuis ce fichu incendie. Wren était le seul à savoir comment lui parler, comment la faire sourire, la faire réagir. Il y avait toujours eu entre l’aîné et leur mère un lien complice que Freya n’a jamais réussi à avoir ni même à comprendre. Et pourtant, c’était ce même frère qui, du jour au lendemain, avait voulu qu’on lui prenne une aide à domicile. L’unique fille Doherty s’était alors emportée, jugeant qu’il « jetait l’argent par les fenêtres » (même si elle n’était pas la mieux placée pour dire ça vu tout le fric qu’elle a pu claquer pour sa boisson). Mais c’était Wren l’aîné, c’était lui qui décidait. Freya ne comprenait pas ce qu’il lui arrivait. S’il comptait sur les jumeaux pour tenter de veiller sur leur mère, Wren savait que ce n’était pas gagné d’avance – ils avaient déjà du mal à veiller sur eux-mêmes ! Freya avait rêvassé et réfléchi plusieurs fois depuis une quinzaine d’années à quoi leur vie aurait ressemblé sans cet incendie. Mais au final, même si les répercussions psychologiques ont été grandes dans la vie, cela a permis à leur père de se barrer – de s’enfuir. Ils ont été libéré d’un géniteur destructeur et tyrannique grâce à cet incendie. Elle en était venue à la conclusion que cet épisode dramatique avait été « un mal pour un bien ». Et elle avait beau essayé de le faire comprendre à Tobias, rien à faire. Elle savait que ce dernier avait rendu visite à leur père, de toute façon. Elle lui en voulait tellement pour ça ! Cette pensée n’eut pas le temps d’aboutir que Wren se mettait à la toiser de sa hauteur. Certes, Freya n’était pas très grande. Mais s’il pensait l’impressionner de cette façon, il savait pertinemment que ça ne fonctionnerait pas. « Ne commence pas à faire le con, Wren! » Son regard était furibond. « Qu’est-ce que tu fous, avec maman ? Pourquoi j’ai son putain de voisin qui m’appelle parce qu’apparemment, il n’arrivait pas à te joindre ? Je croyais qu’elle avait une aide à domicile et pourtant, personne depuis une semaine ! Je pensais quand même que t’allais la voir de temps en temps, bordel ! Tu connais son état, tu sais qu’elle peut pas rester seule pendant une fichue semaine ! »
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| | | | (#)Lun 20 Mai 2019 - 16:56 | |
| Aucun des Doherty ne rattrapait les autres. Ils étaient tous fabriqués dans le même moule: tous colériques, tous mensongers et tous surtout comptaient les uns sur les autres pour gérer ce qui n'allait pas dans leur vie. Jusqu'ici, Wren avait assumé ce rôle sans vraiment broncher. Après tout, il était l'aîné de la fratrie alors c'était normal qu'il fut présent pour le reste de la famille, surtout qu'ils n'avaient plus de père pour se charger d'eux. Alors, pas encore majeur, il était déjà à la tête de l'empire Doherty. I avait dû arrêter l'école, démissionnaire bien heureux même s'il n'avait jamais été mauvais pour être honnête. Il s'y ennuyait, cet appel de l'adrénaline avait toujours été présent au fond de lui alors il n'avait pu qu'être content d'épouser cette vie de paria qui l'avait tant fait rêvé. A seize ans, il traînait dans les rues pour vendre de la drogue à des junkies plus proches de la mort que de la résurrection. Tous les soirs, il rentrait pour s'occuper du dîner, faire prendre son bain à sa mère et aider les jumeaux avec leurs leçons. Il n'avait pas abandonné un seul instant jusqu'à ces dernières semaines. Concrètement, Wren avait passé plus de dix ans de sa vie à vivre pour les autres. Il n'avait pas eu d'autres buts que d'être l'homme fiable de la famille, celui qui réparait les conneries de son petit frère, qui essayait vainement de faire ouvrir les volets à sa mère, celui qui encourageait sa soeur à se choisir un vraie parcours de vie. Avait-il eu des récompenses en bout de course? Pas vraiment, puisque son frère continuait à déraper, sa soeur n'était pas dans des affaires nettes non plus et sa mère le méprisait depuis leur dernière dispute. Wren était fatigué de tout cela, de s'user à la tâche pour le peu de considération qui en résultait. Peut être aurait-il dû en parler aux jumeaux avant de lâcher l'affaire pour qu'ils puissent en parler tous ensemble mais le pompier n'en avait pas eu la force. Il n'avait jamais voulu leur mettre ce fardeau sur les épaules parce qu'ils étaient encore jeunes et qu'ils avaient tant à vivre, tant à découvrir. S'occuper d'une dépressive qui avait peur de tout et qui refusait le moindre geste d'affection, ce n'était pas une vie pour des gamins comme eux. C'était trop tard pourtant parce que Wren avait abandonné et que désormais, Freya le savait. C'était la seule et unique raison pour laquelle elle était venue tambouriner à la porte cinq bonnes minutes avant que son aîné ne daigne lui ouvrir. Forcément, elle se fraya un passage sans rien demander à Wren et voilà qu'il se retrouvait face à une furie qui venait le mettre face à sa réalité. Dans ce genre de circonstances, Wren ne pouvait jouer que la carte du flegme, s'emparant de sa cigarette restée dans le cendrier en toisant sa soeur, les nerfs à vif de cette conversation, déjà. "Tu sais que je t'adore, soeurette mais tu sais pas de quoi tu parles là." Il se lassa choir dans le canapé avant de relever les yeux vers elle. "Ouais, je me suis disputé avec maman et j'en ai marre de me prendre ses reproches à la gueule parce que je suis le seul qui fais des efforts pour elle! Alors, oui, j'ai embauché une aide à domicile parce que j'étais fatigué, ok? Et maman l'a traitée comme une merde alors, elle a démissionné. Si tu passais plus souvent, tu saurais tout ça mais je te vois jamais filer un coup de main avec maman, je me trompe?" Il se cala contre le dossier du divan, sa cigarette au coin des lèvres, déjà excédé qu'on vienne lui reprocher son absence après dix ans de bons et loyaux services. Aurait-il un jour le droit à un moment de paix avec les Doherty?
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| | | | (#)Ven 24 Mai 2019 - 23:17 | |
| « Tu sais que je t'adore, sœurette mais tu sais pas de quoi tu parles là. » Wren avait cet air nonchalant qui l’agaçait au plus haut point. Ce genre de réaction n’augurait rien de bon quant à la suite de cette conversation. Freya savait d’avance comment ça a l’air se finir et les voisins pouvaient aller se faire foutre royalement si jamais ils venaient à se plaindre. « Ouais, je me suis disputé avec maman et j'en ai marre de me prendre ses reproches à la gueule parce que je suis le seul qui fais des efforts pour elle! Alors, oui, j'ai embauché une aide à domicile parce que j'étais fatigué, ok? Et maman l'a traitée comme une merde alors, elle a démissionné. Si tu passais plus souvent, tu saurais tout ça mais je te vois jamais filer un coup de main avec maman, je me trompe? » Le salaud, il avait appuyé là où ça faisait mal. Qu’il prenne une aide à domicile ne la dérangeait pas plus que ça. Freya avait même pensé que c’était une bonne idée. Elle n’avait jamais été proche de sa génitrice et Wren avait toujours été son chouchou. Elle, elle avait son jumeau à s’occuper, à veiller sur. Tobias n’en foutait pas une, il s’enfonçait de plus en plus dans son merdier et son aîné venait de lui balancer à la gueule le reproche de ne pas être présente pour leur mère ? La jeune Doherty pointa un doigt accusateur vers lui. « Je dois déjà veiller sur notre frère, tu sais, mon jumeau ? Peut-être que tu as oublié son existence vu le peu de fois que tu nous rends visite! Alors, tes reproches, tu te les fous là où je pense. » Freya n’avait pas vraiment conscience de l’ironie de ses mots. Elle n’était pas la mieux placée pour dire ça. Mais elle s’en fichait – comme Wren s’en fichait de la contrarier. Et bon dieu qu’il l’exaspérait avec cette fichue clope ! La jeune blonde serrait furieusement des poings – on aurait pu retrouver une scène de leur enfance où elle avait retrouvé sa poupée préférée avec les cheveux coupés. Elle était la seule fille avec deux frères, il fallait bien savoir se faire entendre. Mais là, le sujet n’était pas une poupée mais une personne bien vivante. Une mère totalement déconnectée de la réalité et dont Freya n’avait pas le temps (l’envie) de s’en occuper. « Pourquoi tu t’occupes plus d’elle, bordel ? Tu sais très bien qu’y a que toi qui sais comment lui parler ! » Freya était l’électron libre, celle qui n’avait pas plus d’attache avec sa mère qu’avec son père. Ses frères étaient tous les deux attirés par le feu – cela la terrifiait. Son jumeau était allé voir leur père en prison – elle en avait un frisson qui parcourait l’échine. Son aîné avait toujours su supporter leur mère en voie suicidaire – elle n’avait jamais compris. Ils partageaient tous quelque chose avec quelqu’un, tous sauf elle. Elle ne voulait plus entendre parler de son géniteur, la suédoise pouvait être morte que sa vie ne serait pas différente et ses frères s’éloignaient de plus en plus d’elle. Il est bien connu qu’on ne choisit pas sa famille. Mais le regard que lui lançait Wren, flegme mais avec un fond brûlant typique des Doherty, Freya ne l’aimait pas. Après tout, il n’avait pas abandonné que sa mère ; il l’avait aussi abandonné, elle.
Dernière édition par Freya Doherty le Sam 25 Mai 2019 - 19:03, édité 1 fois |
| | | | (#)Sam 25 Mai 2019 - 19:00 | |
| L'ironie du sort frappait à nouveau. Wren ne pouvait pas obtenir une unique seconde de répit avec cette famille. Il n'attendait que cela pourtant, juste avoir un peu de temps pour lui afin de réfléchir aux suite qu'il pourrait donner au fléau Doherty. Il fallait forcément que Freya débarque au moment où Wren n'avait pas pris la moindre décision sur ce qui allait bien pouvoir se passer maintenant que leur mère n'avait plus d'aide à domicile. Au bout du compte, l'aîné de la fratrie était aussi démuni que les autres et c'était bel et bien une première. C'était certainement pour cette raison que Freya était venue le voir avec autant de reproches à lui soumettre: Wren avait toujours géré, tout. Il n'avait jamais fléchi, pas devant leur père avant l'incendie, pas après non plus quand on l'avait recherché dans tout le pays et que le jeune homme avait dû prendre en charge trois autres êtres vivants. C'était donc un peu dur à entendre quand toute sa vie n'avait toujours tourné qu'autour de sa famille. Il n'avait jamais rien construit pour lui, perdant près de dix années à courir après l'un puis l'autre, sans jamais pouvoir se poser une seule seconde pour réfléchir au sens qu'il souhaitait donner à sa vie. Au final, il était devenu pompier par la force des choses parce que le feu était sa seule véritable passion et qu'il n'avait, de toute façon, pas fait de longues études pour pouvoir aspirer à quoique ce fut de plus élaboré. Alors, Freya, que pouvait-elle lui dire maintenant qu'il avait tout jeté par la fenêtre pour eux? Tobias. Voilà, ce qu'elle pouvait lui mettre dans les dents et elle ne le ménageait pas, évidemment. Wren ne put que souffler, jouant avec le tube de sa cigarette comme on pouvait jouer au violon. Il était un virtuose lorsqu'il s'agissait de retourner la situation à son avantage, des années de pratique lorsqu'il était dans la rue, évidemment. "Ah ouais, tu t'occupes de Tobias? Il s'est mis combien de rails cette semaine? Et son chef dealer là, il se porte bien? Je suis allé payer sa caution cinq ou six fois, Freya, il en a rien à foutre de mon autorité parce que, comme il le dit si bien, je suis pas son père alors, excuse moi, si je suis pas derrière vos fesses H24 pour vous éviter des emmerdes. C'est pas mon rôle." Ils n'avaient pas besoin de lui, c'était ce que son frère n'avait fait que lui répéter au cours des derniers mois alors, Wren avait arrêté d'appeler, comme il avait répété de se droguer, du jour au lendemain, sans plus d'explications. "Va pas me dire que je te manque, t'as pas cherché à prendre beaucoup de nouvelles non plus donc là dessus, je pense qu'on est quittes." Ils étaient tous deux bien bornés alors la conversation pouvait durer encore un temps à ce rythme. Wren n'en était pas dérangé: il était dans son canapé, une clope au bec à regarder Freya lui poser la pire question qui fut pour lui. "Elle veut pas qu'on l'aide. Elle veut crever, alors peut être que je lui laisse faire son choix, je peux pas toujours décider pour les autres. J'ai géré ce merdier pendant dix ans et franchement, ça a pas donné grand chose, je me trompe? Maman, elle veut plus vivre. Tobias, il veut pas être heureux et toi, je sais pas ce que tu veux alors, qu'est-ce que je suis censé faire, hein? J'ai pas toutes les réponses, moi, Freya. Pas avec vous." Il avait quelque peu haussé le ton sur la fin, s’époumonant après avoir posé sa cigarette dans son cendrier parce qu'il n'avait plus envie de faire de vains efforts. Plus maintenant.
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| | | | (#)Dim 26 Mai 2019 - 10:35 | |
| « Ah ouais, tu t'occupes de Tobias? Il s'est mis combien de rails cette semaine? Et son chef dealer là, il se porte bien? Je suis allé payer sa caution cinq ou six fois, Freya, il en a rien à foutre de mon autorité parce que, comme il le dit si bien, je suis pas son père alors, excuse moi, si je suis pas derrière vos fesses H24 pour vous éviter des emmerdes. C'est pas mon rôle. » Freya passa sa main sur son visage tout en prenant une bonne respiration. Il ne voulait pas comprendre, il ne comprenait rien, pourquoi il était aussi buté à ne pas comprendre ? Wren était réconfortant, normalement, plein de bons conseils, le pilier de la famille, le plus ‘normal’ d’entre eux. Oui, sa sœur l'idéalisait car il avait été meilleur que leur père ne l’a jamais été. La seule figure paternelle qu’elle avait eu, le seul qui se souciait si ses devoirs avaient bien été fait, si son assiette était assez remplie, si ses vêtements étaient assez présentables pour ne pas alerter l’école et les services sociaux. Wren avait fait beaucoup pour garder cette famille soudée, pour la mener à bon bord. Freya ne l’ignorait pas, et elle l’adorait dans d’autres circonstances. Mais au moment actuel, il se montrait injuste et cruel envers elle et ce n’était pas juste. Tobias était un cas compliqué et ils avaient beau lui mettre des coups de pied aux fesses, rien n’y faisait. « Pourquoi tu paies sa caution, alors, si t'en as rien à branler de nous ? Pourquoi tu le laisses pas payer ses conneries, pour une fois ? » Évidemment, la jeune Doherty s’affolerait la première de voir son jumeau derrière les barreaux. Mais elle aussi, elle était fatiguée ! C’était elle qui vivait encore avec lui, qui devait supporter son quotidien insupportable. « Va pas me dire que je te manque, t'as pas cherché à prendre beaucoup de nouvelles non plus donc là dessus, je pense qu'on est quittes. » Freya écarquilla les yeux comme si elle venait de se prendre une gifle. Il ne pouvait pas être sérieux, là, si ? « Tu te fous de ma gueule, là, j’espère ? A chaque fois que je t’appelais, tu étais ‘trop occupé’. Chaque message restait dans le vide pendant des jours. Et quand je voulais te voir, tu n’étais jamais là ! Tu crois que je vais passer ma vie à poursuivre un fantôme ? » Ces derniers temps, elle avait l’impression de courir derrière Wren autant que derrière Elias. Ils s’échappaient de son contact sans qu’elle sache pourquoi et cela la frustrait. Pourquoi ils l’abandonnaient alors qu’elle avait besoin d’eux ? « Elle veut pas qu'on l'aide. Elle veut crever, alors peut être que je lui laisse faire son choix, je peux pas toujours décider pour les autres. J'ai géré ce merdier pendant dix ans et franchement, ça a pas donné grand chose, je me trompe? Maman, elle veut plus vivre. Tobias, il veut pas être heureux et toi, je sais pas ce que tu veux alors, qu'est-ce que je suis censé faire, hein? J'ai pas toutes les réponses, moi, Freya. Pas avec vous. » Sa cigarette continuait à fumer dans le cendrier. Cela lui donnait la nausée. Elle prit le mégot du bout des doigts et l’écraser plusieurs fois, peut-être un peu trop, pour être sûr qu’il s’éteigne. Elle avait horreur de cette fichue habitude qu’il partageait avec son jumeau. Quand on pouvait tripoter un briquet, allumer même une mini flamme, quand on a connu un incendie (volontaire) dans sa vie ? Freya en avait des hauts cœur rien que d’y penser. Elle secoua la tête avant de soupirer de nouveau. « L’envie de mourir, je sais ce que c’est, Wren Si toi tu t’accroches pas à elle, personne le ferra. T’es vraiment prêt à la voir mourir ? » Wren devait comprendre ce qu’il disait, bordel ! Même si Freya n’avait jamais été aussi proche de leur génitrice, elle ne souhaitait pas non plus la voir crever. « Tout ce que je veux, c’est que mon frère soit présent dans ma vie comme il l’a toujours été ! »
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| | | | (#)Dim 26 Mai 2019 - 18:28 | |
| Wren n'aurait pas su lui même expliquer pourquoi il avait besoin de distance ces derniers temps. Rien de particulier ne s'était déroulé, pas de drames plus compliqués à gérer qu'auparavant, rien qui pouvait suggérer qu'il allait abandonner le navire avant de vérifier que celui-ci arrive à bon port en tout cas. Il pouvait tout mettre sur le compte de la fatigue, cela aurait presque pu être une excuse valable vu le travail qu'il faisait mais il avait tenu dix ans de la même façon, pourquoi aujourd'hui tout changeait? C'était certainement cette sensation de solitude persistante qui l'accablait. Wren se sentait plus seul que jamais, perdu dans des vieux discours, perdu dans ce rôle de père de substitution qu'il n'avait jamais eu le temps de franchement comprendre. Il comprenait peut être enfin que rien n'était normal dans sa famille et qu'il ne pouvait pas continuer à fermer les yeux sur tout cela. Alors, il s'éloignait, c'était la meilleure réponse à ce mal être qui l'habitait maintenant qu'il réalisait à quel point leur vie à tous était loin de l'espace commun. Leur mère était folle et elle ne pourrait pas continuer à vivre seule, quoiqu'ils puissent tous en dire. Tobias était en train de sombrer et il avait clairement besoin d'une aide médicale avant de faire la connerie de trop. Freya devait gérer ses troubles en plus de tout cela, son équilibre ne devait pas être meilleur que le sien. Wren, lui, n'était pas pus normal qu'eux: il combattait ses démons au quotidien, sentant parfois l'appel insidieux d'une flamme mais il résistait parce qu'il n'avait pas fait tout ce chemin pour se transformer comme son géniteur qu'il méprisait tant. Il tenait bon mais qui était là pour l'aider à tenir? Heureusement, il s'était fait quelques amis au cours des derniers mois et il avait la présence de Maze aussi, même si tout cela n'était pas encore tout à fait naturel. Wren n'avait jamais été aussi prêt de se sentir heureux mais il y avait encore ce blocage familial qui l'empêchait de se laisser totalement aller à vivre sa vie le plus simplement du monde. Evidemment, Freya interprétait tout cela comme un abandon, un manque d'amour, un intérêt perdu pour eux alors que c'était certainement tout l'inverse dans la tête de son aîné. "Justement, je paye parce que j'en ai pas rien à foutre. Si c'est ce que tu crois, tu te goures complètement. Vous avez toujours été toute ma vie. Toute ma putain de vie. Ça fait dix ans que je me bats pour garder le navire à flot, figure toi et j'étais tout seul pour ça alors viens pas me dire que je m'en fous, ok. T'as pas le droit!" Il avait tout sacrifié pour eux, il n'avait jamais voyagé, rien, jamais rien découvert parce que le bien être de sa famille passait toujours avant tout le reste. Si récemment, cela changeait, c'était juste parce qu'il ne savait plus quoi faire et s'il évitait Freya, c'était par peur de lui avouer qu'il n'était pas invincible et omniscient... Il était juste démuni. "Je te demande pas de me poursuivre, non. J'avais juste besoin de temps pour réfléchir à tout ça, à l'avenir qu'on va donner à notre famille parce que j'ai cette responsabilité... Et parfois, c'est trop pour un seul homme. Alors, désolé, si j'ai été absent mais tu peux peut être comprendre que j'ai besoin d'un break de temps en temps." En plus, il n'avait pas le droit de terminer sa cigarette. Décidément, sa soeur était remontée mais Wren ne pouvait pas vraiment lui en vouloir. Il avait conscience qu'elle méprisait le feu autant que ses deux frères pouvaient l'aimer. Il la laissa écraser son mégot, la regardant faire en croisant les bras parce que le sujet épineux de leur mère était à nouveau évoqué. "Tu veux la vérité? J'en sais rien, Freya. J'en sais foutrement rien parce qu'elle a pas envie de vivre alors qu'est-ce que je suis censé faire, dis moi? Elle me balance des assiettes à la gueule, m'insulte et refuse que j'ouvre les volets. A part la mettre dans un institut, je sais pas quoi faire là et elle voudra plus jamais me parler alors dis moi quoi faire, vraiment." Pour une fois, il s'avouait vaincu, assis sur son divan, se passant une main dans les cheveux après cette défaite avouée. Il n'avait plus de réponses à apporter, plus d'énergie pour mener ce vain combat. Il releva pourtant les yeux vers sa cadette, presque ému. "Et je veux être dans ta vie aussi. Mais qu'est-ce que je peux faire pour toi, là? J'arrive pas à gérer maman, ni Tobias, qu'est-ce que je pourrais bien faire pour toi exactement? Je suis déjà même pas sûr de me gérer moi-même parfois." C'était la triste réalité, celle qu'il s'était choisie à ce moment là parce qu'il n'était qu'humain et que, comme les autres, il faisait face à la malédiction Doherty.
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| | | | (#)Mer 29 Mai 2019 - 22:30 | |
| Freya se massa la tempe droite, une douleur violente s’y faisant ressentir. Elle poussa un juron ; un mal de crâne venait de se déclarer. C’était prévisible. Les mots de son frère et cette fichue odeur de cigarette lui montaient au cerveau. Mais c’était nécessaire qu’elle confronte son frère. Elle ne pouvait – il ne devait pas abandonner. Pas maintenant, ni jamais. Si Wren n’était pas là pour le contrôler, ce navire, qui le ferrait ? (Certainement pas toi.) La jeune femme avait passé les trois quart de son existence à se reposer sur les épaules de son frère, à lui confier ses doutes, ses problèmes, à lui faire subir ses crises, ses sauts d’humeur, sa maladie. Si lui n’était plus là pour l’aider, si Elias n’était plus là non plus, il lui restait qui, au final ? « Donc tu décides de faire ta petite vie, comme ça, dans ton coin, sans crier garde, en abandonnant tout le monde ? Wow, bravo, Wren, c’est trop gentil de ta part de nous laisser tomber comme des merdes ! » Égoïste, égoïste, égoïste ! Ce mot lui tourbillonnait dans la tête et c’était bizarre. Bizarre de l’associer avec son frère car il n’avait jamais été comme ça. Freya ne le connaissait pas comme ça. La jeune Doherty pensait que, quoiqu’il pouvait arriver, Wren serait toujours là pour elle, pour eux, pour sa famille. Autant dire que la réalité était plus brutale. (T’es naïve de penser qu’il serait toujours là pour ta petite personne. T’es juste la sœur malade dont il veut se débarrasser. S’il s’est montré présent, c’est par obligation. Il a été forcé à prendre soin de la famille, c’était pas un choix. T’es rien, à ses yeux, et il te le prouve en ce moment.) La jeune femme plissa ses yeux avant de tomber sur un des fauteuils du salon, la tête entre les mains. Cette fichue voix ne pouvait-elle pas se taire, bon sang ? Non, elle voulait encore croire que son frère était différent, que Wren était responsable et que ce n’était…. Ce n’était qu’une petite crise passagère, voilà tout. Freya releva la tête pour poser de nouveau ses yeux durs sur Wren. « Il y a une différence entre faire un break et disparaître de la circulation. T’as pas juste faire un break, tu t’es complètement isolé de nous ! Pas une info, pas une news, pas un retour, rien ! Putain, Wren, tu trouves pas qu’on est déjà assez brisé comme ça ? Faut vraiment que t’en rajoutes une couche ? » Le sujet épineux de leur mère revenait sur le tapis – en même temps, c’était la première raison de sa venue ici. Elle aurait dû venir le voir avant. (T’es bonne à rien, de toute façon, même pas à faire ton rôle de sœur.) Freya se tapa la tête contre sa paume, agacé. Elle le savait, ça, inutile que cette fichue voix intérieure le lui rappelle. Pourquoi elle ne pouvait pas avoir une famille normale, comme celle d’Elias ou de Romy ? Elle avait la poisse au cul, c’était certain. Entendre parler de sa mère l’épuisait. Freya s’affala pleinement dans le fauteuil tout en haussant des épaules. « Très bien. Tu sais, je suis sûre que Tobias pourrait s’en occuper, de maman. Une charge en moins sur les épaules, c’est ça que tu veux, pas vrai ? Il pourrait lui régler son compte vite fait bien fait avec toutes les saloperies dont il a accès. Si elle veut crever… Ça fait plus de dix ans que ça dure et on peut pas continuer à se laisser pourrir la vie par nos géniteurs, Wren. » Est-ce qu’elle était vraiment en train de suggérer de tuer sa mère ? Non, non, de son point de vue, cela serait rendre un service à ses enfants. Freya n’ignorait pas les efforts de son aîné pour la secouer, la réveiller de sa torpeur. Elle était aussi très bien placée pour savoir ce que c’était de vouloir mourir. La jeune Doherty avait frôlé le fil plusieurs fois, avec des séjours bien trop réguliers à l’hôpital et chez une psychologue. Mais ce n’était pas vraiment elle, c’était la maladie. Et la dépression était un fléau qui prenait rapidement tous les membres, chaque parcelle de son corps et surtout, son esprit. Mais sa mère était toujours en vie, malgré son état léthargique. C’est qu’une part d’elle même souhaitait vivre, non ? Franchement, Freya n’avait ni la patience ni l’envie de se frotter à l’état mental de sa mère (déjà qu’elle avait du mal à gérer le sien). La jeune femme finit par se lever alors que Wren lui confiait ses doutes sur ses capacités. Elle parcourut la pièce d’un pas lent, frôlant des babioles utilisés en décoration du doigt. « Je… – elle se tourna vers lui après avoir mis la main sur une petite balle qu’elle s’amusait à passer de main en main – Je veux juste que tu sois présent quand j’appelle, c’est vraiment trop te demander ? J’ai juste besoin de mon frère encore sain d’esprit, c’est quand même pas compliqué ! Tu sais que ça peut devenir complètement taré là haut – elle tapota deux doigts contre son crâne – et savoir que je peux pas compter sur toi… Sur qui alors ? »
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| | | | (#)Lun 3 Juin 2019 - 15:02 | |
| Ils avaient tous ce trait de caractère des plus terribles pour ceux à qui il faisait face: l'obstination. Alors, il était difficile d'imaginer une conversation sereine entre les deux Doherty ce jour-là. Wren n'avait pas tellement envie de discuter, c'était un fait constant depuis plusieurs semaines mais Freya n'était pas du genre à abandonner la lutte en si bon chemin. L'aîné savait qu'il n'avait pas franchement de justifications par rapport à son comportement: il était juste usé de leur situation familiale. Depuis plusieurs mois, Wren ne faisait que voir d'autres familles s'épanouir dans l'amour et le respect mutuel quand les Doherty, eux, choisissaient de se détruire mutuellement en usant de stratagèmes totalement inconscients. C'était pour cela que Wren s'éloignait parce qu'il avait également la sensation de ne pas être à la hauteur des sacrifices qu'il fallait opérer pour les sauver, tous, de leurs propres démons. Il avait déjà bien du mal à gérer les siens, omniprésents dans son cerveau ces dernières semaines. Wren faisait tout son possible pour combattre ses vices mais ce n'était pas évident quand on avait choisi un métier comme le sien. Tout cela, pourtant, il ne pouvait pas l'expliquer à Freya puisqu'elle n'avait jamais saisi la portée de cette étrange obsession familiale pour le feu. Pour le coup, elle avait hérité de la peur irrationnelle de leur mère mais c'était tout à son honneur: au moins, il y aurait une pyromane de moins dans la région. Clairement, Wren se montrait défaitiste depuis le début de la discussion mais il ne pouvait pas vraiment répondre aux attentes de sa soeur. Concrètement, elle lui demandait d'être un super héros, sans faiblesse, qui puisse tout gérer dans leur quotidien. Certes, il avait tenu le coup dix bonnes années mais cela ne voulait pas dire pour autant qu'il était en mesure de rempiler pour les dix prochaines. Pas de la sorte, en tout cas. "Wow, j'en reviens pas. Tu me traites d'égoïste là? Qui 'est occupé de vous ces dix dernières années? Qui t'a emmené à l'école, géré tes devoirs, ramené l'argent à la maison pour que tu survives, Freya? Qui t'a emmené chez le médecin quand ça n'allait pas? Est-ce que tu m'as rendu ne serait-ce que la moitié de tout ce que j'ai fait pour toi... Pour vous?" Il avait du mal à accepter les paroles de sa soeur, surtout parce qu'il avait tout donné pour la vie des autres ces dernières années. Il ne pouvait pas croire qu'un break de quelques mois puisse être considéré comme un abandon définitif et égocentrique. Certes, Wren aurait dû faire en sorte de rompre plus en douceur avec sa sphère familiale, rester au moins en contact mais il ne se sentait pas capable de cela, pour un temps du moins. Alors, il ne pouvait que regarder Freya avec des yeux ronds, la regardant marcher autour de la pièce avant de crier défaite au fond d'un siège de son salon. "J'aurais dû donner plus de nouvelles, c'est un fait mais tu peux pas m'accuser de tous les maux de cette famille non plus... Tu trouves ça normal toi que je sois l'espèce de tige qui tient tout ça debout? Une famille, ça devrait pas marcher comme ça, crois moi." Ils auraient dû être là les uns pour les autres, savoir s'écouter, agir chacun leur tour pour le bien être de leur mère... Finalement, s'accepter tels qu'ils étaient même si c'était loin d'être évident après plusieurs décennies à vivre dans ce cocon étrange qu'ils s'étaient forgés. La fatigue de Wren commençait à se faire ressentir à ce moment là mais il soutint le regard de Freya avec aplomb en l'entendant suggérer des idées totalement saugrenues... Si elles pouvaient encore l'être après tout ce qu'ils avaient osé dire depuis le début de cette conversation. "Je suis sûr que Tobias a besoin de se rajouter une étiquette de meurtrier avec tout ce qu'il a déjà sur le dos niveau criminalité... Non, on devrait pas souffrir à cause d'eux mais c'est le cas donc... Quoi faire? Je peux plus m'occuper de maman comme avant, Freya, ça m'use, ça me tue mais j'enchaîne des gardes de plusieurs jours, je suis totalement instable là mais la mettre en maison, ce serait la pire des trahisons... C'est quoi la solution?" Il n'était plus le garçon qu'il était, celui qui aurait donné corps et âme pour sa génitrice, celui qui avait sacrifié son avenir pour sauvegarder le présent du reste de sa famille. Wren avait désormais trente ans, ses priorités changeaient, sa vie également et il ne pouvait pas continuer à se tuer à petit feu pour garder tout le monde autour de lui en vie. "Freya... Je suis pas sain d'esprit, tu le sais très bien. On a tous nos démons, nos faiblesses et tu sais que je serai là pour toi mais... Je peux pas te sauver de toi même, soeurette. Je peux déjà pas me sauver de moi-même. Tout ce que je peux faire, c'est être là quand tu m'appelles mais j'aurai pas les réponses pour t'aider à gérer tout ça... Je pourrai t'accompagner voir des spécialistes, t'écouter bien sûr mais je suis pas un sauveur, j'en suis désolé... Ouais, je suis désolé de vous avoir tous fait croire que j'étais le super héros invincible de la famille mais... C'est pas le cas." Il laissa filer un léger sourire, amer celui-là, parce que Wren se savait aussi fou que le reste de la famille Doherty et il espérait sincèrement que Freya s'en sortirait de son côté. Quelque part, le pompier avait posé tous ses espoirs sur elle et il pensait ne pas se tromper, elle était si forte. Plus forte que lui.
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| | | | (#)Dim 9 Juin 2019 - 13:23 | |
| Les vieilles rancœurs remontaient. Freya les attendait, ces reproches. Elle ne pouvait pas dire qu’elle soit surprise ou déçue. Elle s’y était préparée, car elle était sa sœur, qu’elle le connaissait et qu’elle aurait réagit exactement pareil. Mais l’entendre dire ces mots, limite l’accusant d’avoir été une béquille dans sa vie, une contrainte dont il se serait bien débarrassé, ça la blessait autant que ça l’horripilait. Il attendait à ce qu’elle lui dise quoi ? Qu’elle était désolée, qu’elle aurait dû faire des efforts, alors qu’elle n’avait que treize putains d’années ? Bien sûr, dans le cerveau des Doherty, les jumeaux auraient pu foutre la main à la pâte à cet âge là. Mais pour le cas Freya, les conséquences psychologiques de l’incendie avaient été trop importantes pour qu’elle puisse même aider son aîné. Elle avait été une automate, coincée dans une bulle pendant des années après ce fichu jour d’août. Si Wren et Tobias n’avaient pas été là pour la bouger, elle n’aurait jamais eu de diplôme. Ni même peut-être l’envie de vivre. C’était à cette période que sa maladie a commencé à se déclencher, la jeune adolescente qu’elle était ne comprenant pas ce qui lui arrivait. Freya avait vécu une période particulièrement difficile et entendre son aîné lui reprochant son manque d’implication dans la famille durant ce moment là de sa vie la faisait sortir un peu plus de ses gongs. « Si tu voulais que je serves à quelque chose, t’avais qu’à, je sais pas moi, me foutre dans la rue pour récupérer du fric ou nous laisser aller en foyer ! J’ignorais qu’on avait été une telle plaie pour toi ! Je suis vraiment désolée de n’avoir eu que 13 ans et incapable de gérer toute une famille ! » Il fallait vraiment qu’elle en rajoute, qu’elle abuse, qu’elle grossisse tout. Freya faisait toujours des tonnes de petites choses banales, elle compliquait tout par son caractère grincheux et surtout impulsif. Elle ne savait pas réfléchir, elle ne le faisait jamais. Elle n’en avait pas le temps, ni l’envie. Alors souvent les mots qui sortaient de sa bouche pouvaient paraître incohérents, complètement disproportionnés et complètement dingues selon la situation dans laquelle elle se trouvait. La jolie blonde avait passé son enfance à se taire et son adolescente à se recroqueviller sur elle-même. Mais une fois ses périodes passées et sa maladie mieux cernée, la jeune Doherty avait décrété qu’elle ne se laisserait plus marcher sur les pieds. Alors elle grognait, elle mordait, elle attaquait. Un caractère de démon sous un visage angélique – quel cliché. Mais il a bien fallu qu’elle apprenne à se défendre, refusant net d’avoir besoin d’un preux chevalier pour venir l’aider, comme ça avait pu se passer auparavant. Quand Wren lui affirma que leur famille ne tournait pas normalement, Freya ne put s’empêcher de rouler des yeux. « Chui bien au courant que notre famille tourne pas rond. Mais c’est pas une raison pour que la tige se barre sans crier garde. » La jeune femme passa un doigt sur son sourcil tout en se mordant la lèvre. La gérance de leur mère devenait compliqué et pour être honnête, elle n’avait nullement l’envie ni la force de se foutre ce poids en plus sur le dos. Ce que Wren avait fait pour leur génitrice durant toutes ces années méritait le respect le plus complet et jamais Freya n’aura la patience de faire un quart de ce que lui avait pu réaliser. C’était sûrement de voir que le résultat restera toujours aussi nul qui devait décourager son frère – et franchement, elle ne pouvait pas le blâmer, étant dans la même situation avec son jumeau. « La pire des trahisons, c’est le jour où cet enfoiré a foutu le feu à notre baraque. Ça, c’était de la trahison. Foutre quelqu’un de malade dans une maison avec des personnes compétentes pour s’occuper d’elle, je vois pas en quoi c’est une trahison. Si elle est pas contente, on s’en fout. J’veux pas qu’on continue à se bouffer la santé à cause de nos fichus géniteurs, Wren. » Freya avait toujours cette balle dans les mains lorsque Wren commença à lui parler de son état personnel. Quand il eut fini, son premier réflexe fut de lui balancer la petite balle dans la tête. « Imbécile. » Car il l’était. Sérieusement, c’est quoi ce discours ? « T’sais, je suis une grande fille. Si t’avais décroché ou répondu à mes messages, tu saurais que j’ai déjà commencé un traitement pour ma maladie. J’ai plus besoin de toi pour m’accompagner voir les médecins. T’as plus à faire le "héro" de la famille. Faut que t’arrêtes de penser que si on t’appelle, c’est uniquement pour te demander de l’aide. Dans le cas de Tobias, c’est peut-être vrai. Mais dans le mien, c’est faux. Tu restes le dernier de cette famille vers qui je peux me tourner pour aller, je sais pas moi, voir des films, boire un coup ou binge watching le dernier truc à la con. » La jeune Doherty finit par se diriger vers le canapé pour y rejoindre son frère. « Laisses moi t’aider en retour, grand frère. T’isoles pas de nous… Ou au moins de moi.»
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| | | | (#)Dim 9 Juin 2019 - 23:39 | |
| Wren détestait se battre avec sa soeur. En général, la lutte durait des heures parce qu'ils étaient aussi têtus l'un que l'autre, des Doherty pur souche et clairement désagréables quand ils s'y mettaient. L'aîné ne savait pas tellement comment arranger la situation: tout cela était ressassé depuis bien trop longtemps, que pouvaient-ils y faire désormais? Leur histoire familiale avait toujours été noire et ils ne pouvaient pas réellement s'en défaire, c'était ce qui les avait forgés après tout, même s'ils auraient tous préférés qu'il en fut autrement. Wren y avait pensé tellement de fois: partir, changer d'identité, ne plus jamais avoir à ressentir ce besoin irrémédiable de tragédie, cette petite mort qui se glissait dans son âme. Malheureusement, on n'avait le droit qu'à un seul corps sur cette planète et c'était celui-là qu'on lui avait donné, avec son contexte familial des plus difficiles à gérer. Wren avait assumé pourtant, il avait fait de son mieux pour s'occuper de ses cadets, pour gérer les troubles de sa mère et pour oublier son père mais, rien n'y faisait au final. Il n'était pas suffisant, il n'était pas celui qui était en mesure de tous les réparer et il en avait le coeur brisé depuis dix ans. Récemment, il le ressentait plus fortement encore, se sentant pour le moins démuni face aux crises de sa mère. Wren était fatigué de paraître impassible alors que a génitrice le blessait à chaque visite de sa part. L'entendre dire qu'il n'était qu'un moins que rien comme son père, qu'un chieur qu'elle regrettait d'avoir fait naître, au début, il pouvait tenir le coup mais à la longue, le pompier avait peur d'y croire. Tout cela, il ne le dirait pas à Freya. Sa petite soeur était la personne qu'il avait toujours protégé et même si elle était adulte depuis longtemps désormais, Wren n'avait pas l'intention de changer de mode d'action avec elle et ce... Même si elle avait l'air de le détester à ce moment là. Il l'abandonnait. Il les abandonnait tous, sans être en mesure de fournir la moindre explication plausible. "J'en avais quinze, Freya... Et je l'ai fait parce que papa était plus là, que maman était plus capable alors ça devait être moi. Je t'ai jamais demandé d'assumer tout ça mais tu peux comprendre qu'au bout de dix ans, ça finit par être lourd à porter, tout seul!" Wren ne voulait pas jouer à l'égoïste mais aujourd'hui, il avait besoin de vivre pour lui, de tenter de prendre son envol sans culpabiliser dès qu'il s'absentait deux petites minutes dans la vie du reste des Doherty. Cela ne voulait pas dire qu'il les aimait moins ou qu'il n'allait pas revenir au bout de deux ou trois jours mais il se entait tout simplement submergé par des milliards d'émotions et il avait besoin de temps pour toutes les comprendre. Pour mieux les faire disparaître. "Ouais, j'aurais dû prévenir, mais c'est ma seule faute dans l'affaire." Qu'il disparaisse quelques temps sans rien dire, c'était là son pire délit et il culpabiliserait en temps voulu. Pour le moment, Wren était exténué et cela se voyait dans la position qu'il proposait sur le canapé. Il regardait Freya avec un appel à l'aide collé au fond de ses yeux. Il ne savait simplement plus quoi faire et sa soeur avait beau lui dire de ne pas s'inquiéter si sa mère devait partir en maison de repos, il avait bien du mal à s'y résoudre tout de même. "Je sais ça, qu'on s'occupera bien mieux d'elle dans ce genre d'endroits mais je sais pas si je peux vivre avec le fait que ma mère me déteste. Y a déjà notre père qui a essayé de nous tuer... Ça me blesserait beaucoup, soeurette. On sera toujours obligés de se ruiner à cause d'eux, j'en ai peur. Regarde Tobias, il est allé voir papa..." Wren s'arrêta de parler, toujours aussi perturbé par l'idée que leur frère puisse déraper. Il était le plus instable de tous les Doherty et le pompier n'avait jamais réussi à le ramener vers le droit chemin, Freya non plus apparemment. Elle lui balançait sa balle en pleine figure et Wren ne put que sourire malgré tout parce qu'elle était présente malgré tout. Là, envers et contre tout. "Je suis content que tu gères tout ça avec brio, Freya, vraiment. Je suis fier. Promis, je répondrai à tes futures invitations." Il s'arrêta pour la regarder avec fierté, grand frère protecteur qu'il serait toujours. "Je crois que tu peux pas vraiment m'aider... J'ai juste peur de finir comme papa et de vous blesser." C'était la première fois qu'il énonçait ce fait à voix haute et cela lui faisait mal parce qu'il sentait que tout était possible. Absolument tout, même le pire, surtout le pire.
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| | | | (#)Jeu 20 Juin 2019 - 21:00 | |
| Freya savait qu’un jour ou l’autre, il y aurait un retour de bâton. Wren avait dû grandir trop vite trop jeune, lui qui avait voulu prendre les rênes de la famille pour que personne ne soit séparé. Sa sœur se rappelle des pleurs qu’elle pouvait avoir, le soir, terrifiée d’être séparée un jour de ses frères. Elle avait frôlé la mort à treize ans, le noir l’horrifiait et être détaché de ses seuls repères la paralysait. C’était Wren qui venait la voir et finissait par l’apaiser tout en lui rassurant que jamais, jamais il ne laisserait quelqu’un la prendre de lui. Et à chaque fois, c’était le même scénario. Une vraie figure paternelle à peine entré dans l’adolescence et voilà que sa cadette lui reprochait son inertie totale de ces derniers mois. Freya finit donc par se pincer le nez.
(Ne sois pas aussi conne de les balancer ce genre de reproches, fillette.)
Elle allait se reprendre. Il le fallait. La blonde avait conscience que son frère se perdait – alors qu’il était sensé aller mieux en prenant du recul, non ? Freya ne pouvait pas savoir ce qu’il pouvait penser ou ressentir puisque cet imbécile ne lui disait jamais rien – comme chaque homme de son entourage proche, visiblement ! Ils devaient s’être passé le mot ou quelque chose du genre. En tout cas, la jeune femme finit par baisser les armes et laisser couler. « Je peux pas t’en vouloir d’avoir envie de retrouver ta vie, Wren. »
(Et ben voilà, quand tu veux.)
Elle ne voulait pas se battre avec son frère. Trop épuisée de courir après eux, son aîné et son meilleur ami. Exténué par un jumeau qui n’en faisait qu’à sa tête sans jamais l’écouter. Oui, en faites, elle devrait se concentrer sur ses amies, celles qui étaient là quand ça allait mal, celles qui sont là quand ça allait mal et celles qui sont là pour les bons moments. Les mecs étaient trop compliqués, et encore plus quand ils affichaient le nom Doherty sur leur carte d’identité.
Wren se remit à parler de leur mère. Bon dieu, il persistait !
Pourquoi il ne pouvait pas comprendre ? Pourquoi il avait si peur des réactions d’une pauvre folle qui ne réagit de toute façon plus à rien depuis une dizaine d’années ? « De toute façon, elle te déteste déjà, non ? Tu crois que j’me rappelle pas comment elle te parlait quand t’essayais de l’aider, au début de tout ce bordel ? On habitait encore sous le même toit et même si je disais rien, je voyais. Et puis, c’est pas comme si t’avais rien tenté. A bientôt 30 piges, arrête de culpabiliser vis à vis de maman. Je sais que vous étiez proches mais… Ça fait longtemps que cette partie d’elle-même a disparu. »
Tobias est allé voir leur père. Un sujet tabou.
Le sujet qui fâche, qui agace, qu’on n’évoque jamais. Freya avait toujours eu peur pour son jumeau. Wren et elle auraient dû en parler. Ils auraient dû prendre leurs précautions – mais quoi ? Comment ? Il était adulte et responsable, elle se trouvait comme désarmé face à ce frère qui n’en faisait qu’à sa tête. Et savoir qu’il aurait pu aller voir leur père… Cela lui faisait froid dans le dos. « Tobias est pas papa. » Freya tentait peut-être de s’en convaincre en disant ces paroles à voix haute. Son timbre était certain mais elle n’était pas sûre de l’être elle-même. Oui, ils n’étaient pas leurs parents. Ils étaient leurs propres personnes, avec leurs personnalités, envies, aspirations.
Mais la pomme ne tombait jamais loin de l’arbre.
Ces pensées s’envolèrent quand enfin, Wren esquiva un sourire tout en lui disant qu’il était fier d’elle. Rien que ça, ça soulageait déjà son pauvre petit esprit torturé. Freya baissa la tête tout en se pinçant les lèvres mais les coins de sa bouche trahissaient le sourire qu’elle voulait dissimuler. Oui, entendre que quelqu’un était fier d’elle – son aîné de surcroît – lui faisait plus plaisir qu’elle ne l’aurait pensé. Après tout, son appréciation comptait plus que tous ceux des autres réunit. « J'ai juste peur de finir comme papa et de vous blesser. » La jeune femme roula des yeux au ciel avant de s’approcher de son frère sur le canapé et de lui prendre la main. Visiblement, c’était maintenant à elle de tenter de le rassurer.
Autant le dire tout de suite, on était loin de son domaine de prédilection.
« On est tous pas nets à notre façon dans c’te famille. T’es pas notre père. T’es meilleur que lui, t’es plus fort que lui. Alors arrête de dire des conneries plus grosses que toi. » Freya fit pression sur leurs mains unies avant de le lâcher. Elle n’avait pas l’habitude de le voir comme ça et c’était tellement bizarre qu’elle ignorait les mots à dire pour le soulager. Et ça la frustrait car il restait son frère et elle devrait savoir faire ces choses là. Mais non, c’était toujours lui qui avait cette casquette. Il était visiblement temps que la roue tourne et que les rôles s’inversent. « Ton silence m’a blessé, Wren. J’ai cru que j’avais fait quelque chose de mal, que peut-être t’en avoir marre de moi et de mes crises… J’ai jamais été reconnaissante, je sais, mais si je suis toujours là, vivante et debout, c’est grâce à toi. » (Ne pas évoquer tes passages à vide, petite sotte, sérieusement, t’es sensé le réconforter!) « On doit apprendre le sens inverse, maintenant. Moi aidant toi, ok ? » Freya finit par tripoter ses mains nerveusement tout en regardant son frère à travers sa cascade de boucles blondes.
Elle n'était vraiment pas à l’aise dans ces situations.
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| | | | (#)Jeu 20 Juin 2019 - 23:15 | |
| Se confronter au monde des adultes n'avait pas été une sinécure pour Wren, il avait même failli s'y perdre et ne jamais remonter à la surface. Après l'incendie, il avait tout bonnement sombré, se concentrant plus sur la drogue que sur les cours. Il se disait à cette époque que ce n'était que temporaire, qu'il avait besoin de cette énergie en poudre pour tout mener de front, ses responsabilités familiales, ses deals dans la rue, la vie dans son ensemble. Il s'avérait qu'il avait lutté des années avec son addiction, la cachant au reste du monde, sans être certain qu'il fut dupe le concernant. Cela dit, Doherty avait réussi à tenir le coup avec le reste de la famille: il s'était occupé de sa soeur et de son frère, jouant les mentors avec eux tout en sauvegardant le peu de vie que leur mère avait encore en elle. Arrivé à trente années de vie, le jeune pompier était harassé de cette lutte constante. Il avait juste envie qu'on lui fiche la paix un moment, qu'on le laisse vivre et jouer au con, juste un petit temps. Il ne fallait pas compter sur Freya pour cela, ô que non, puisque sa cadette avait toujours refusé la moindre faiblesse le concernant. Wren ne pouvait pas vraiment la contredire, c'était vrai, après tout, il avait fait exprès de couper les ponts, par pur égoïsme. Peut être avait-il voulu une réaction de la part des Doherty, même une qui lui faisait mal et il l'avait obtenu en la présence de la petite suédoise. Freya était remontée et à juste titre puisque le pompier n'avait même pas pris la peine de répondre à son téléphone, pas même un petit message pour dire qu'il la recontacterait bientôt. Non, il s'était simplement isolé, refusant de voir le reste de la famille, espérant peut être qu'ils n'auraient plus besoin de revenir déranger sa quiétude. Quel idiot il faisait parfois. Comme s'il pouvait réellement vivre sans eux, sans elle. "Pourtant, tu m'en veux, sinon tu serais pas là." Il le savait au plus profond de lui même: sa petite soeur ne pouvait que le mépriser de cette absence parce qu'il ne l'avait jamais habitué à cela. Jamais Wren ne s'accordait un moment de faiblesse, il considérait qu'il aurait tout le temps de s'apitoyer le jour où il mourrait. C'était cette face d'ailleurs qu'il avait toujours choisi de montrer à ses cadets, impassible en toutes circonstances même lorsque leur mère l'insultait. Jamais il ne ressentait, il ne le devait pas. C'était ainsi quand on était un Doherty, un fils de pyromane. Un fou à lier. "Je peux pas m'en empêcher parce qu'elle a beau être devenue une vraie peau de vache... Je l'aime encore, c'est maman. Je sais pas si je peux m'arrêter d'y croire, tu vois, pas tant qu'elle sera morte et ça me fait crever à l'intérieur." C'était la première fois qu'il osait le dire. Oui, il avait mal au plus haut point de voir sa mère se comporter ainsi, à demi morte, se refusant à voir le soleil alors qu'elle avait été si souriante et chaleureuse tout au long de sa vie avant l'accident. Cette femme là était partie, Freya avait raison mais Wren n'arrivait pas à se faire une raison, ce qui était tout à fait différent pour le cas Tobias. Le pompier se doutait que leur frère prenait la mauvaise route et il ne pouvait pas faire grand chose pour l'en empêcher, malheureusement. "Je crois que t'as tort. Il idolâtre papa et c'est dangereux. Très dangereux." Il déglutit tant bien que mal, se détestant déjà bien assez pour en rajouter une couche en blessant sa petite soeur. Il n'avait pas le choix pourtant parce qu'il était temps que les Doherty regardent la vérité en face: ils étaient en perdition. Wren, le premier. Combien de fois s'était-il réveillé en pleine nuit avec un briquet à la main? Ses yeux brillaient de mille feux dans ce genre de moments et il se méprisait la seconde suivante. Que pouvait-il y faire? Tout cela, personne ne pouvait le comprendre en dehors des amoureux passionnés du feu. Pas même Freya. "Je pense pas être meilleur que lui. Je vais cramer un truc Freya un jour. L'équilibre est fragile et je sais pas si je pourrais l'empêcher, tu vois." Il ne le pourrait certainement pas parce que la vie était ainsi, toujours fragile, instable, bancale. Pourtant, Wren ne désirait pas en arriver là et peut être que pour une fois, il acceptait la présence de quelqu'un à ses côtés, l'aide de sa soeur, qu'il scella en posant sa main sur la sienne, délicatement. "Jamais tu pourras faire quelque chose de mal avec moi, t'es ma petite soeur et ça vaut tout à mes yeux, tu le sais. Mais oui, il est sûrement temps que j'accepte que je suis pas invincible et que peut être, y a une solution à mon cas. J'en sais rien, soeurette, vraiment mais je suis content que tu sois là. Que tu m'abandonnes pas, toi." Les autres le faisaient ou bien le feraient, c'était une évidence qui ne tuait pas vraiment Wren. Il vivrait avec mais sans Freya, c'était une toute autre affaire puisqu'il aimait tant sa soeur, son tout.
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| | | | (#)Lun 24 Juin 2019 - 22:10 | |
| Évidemment qu’elle lui en voulait, parce qu’il l’avait ignoré, lâché et abandonné. Elle lui en voulait d’avoir pu la laisser croire qu’eux deux, au moins, jamais rien ne pourra les séparer. Sa confiance est basée sur Wren, son grand frère, son pilier, son épaule, son protecteur. Freya n’a jamais eu personne d’autre à regarder comme modèle ; son aîné était toujours là. Même quand ce dernier n’était pas au mieux de sa forme, qu’il montrait ses limites, il restait une des meilleures personnes que sa sœur connaissait. Alors oui, elle lui en veut. Mais il a l’air tellement misérable et au bout du rouleau, qu’elle ne réplique pas. Elle n’allait pas non plus l’enfoncer plus que de raison. Wren a l’air de s’en vouloir quand même un peu et rien que de savoir ça, de le ressentir brièvement, égoïstement, ça la réconforte. Cela prouve qu’il tenait toujours à elle. Et quitte à ce qu’il éprouve de la culpabilité, au moins, Freya sait que c’est parce qu’il a toujours de l’estime pour elle, qu’elle reste importante à ses yeux et qu’il ne compte pas la supprimer définitivement de sa vie.
Alors oui, Freya Doherty se la joue égoïste et ne réplique rien. En même temps, dénier le contraire serait mentir. Est-ce que ça le réconforterait plus ? Non, elle pense que non.
Les Doherty ne sont pas de grands sentimentaux. Et pourtant, toute cette conversation tourne autour de leurs sentiments – enfin, surtout ceux de Wren. Freya ne rappelle pas que son aîné lui est déjà confié autant. Elle a l’impression de le découvrir, de voir ses failles. Jamais il ne s’est autant confié. Il serait temps pour lui de le faire, visiblement. La jeune femme est presque déçue qu’il ne lui ait pas fait confiance plus tôt au lieu de s’enfermer comme une huitre. Oui, elle a ses problèmes. Sa tête n’était pas aussi claire à l’époque et il est toujours difficile pour son entourage de réussir à savoir s’ils allaient pouvoir discuter ou non. On accusait souvent son mauvais caractère à sa maladie mais Freya savait que ses gênes n’arrangent rien. Le sang noir et pourri des Doherty est une malédiction pour les enfants. Mais il est hors de question de s’y laisser pourrir ni envahir. Cependant, son caractère « de merde » avait une cause et sa bipolarité ne justifie pas tout.
Même si parfois, elle a bon dos, la maladie.
« Le problème dans ce schéma, Wren, c’est que moi, je veux pas que tu crèves avec ou avant elle. Il faut que tu te libères de ce putain de poids. Tu sais que, même si tu la fous en maison spécialisée, tu pourras toujours aller la voir ? » Il ne veut pas abandonner leur génitrice. Autant dire que Freya ne comprend pas. Même si Wren et leur mère avaient été proches, il y avait prescription puisque c’était il y a des années. Et après des années d’abus psychologiques, il ne lâchait toujours pas l’affaire. C’était le côté persistant et dangereux des Doherty ; plus ça fait mal, plus ils s’y accrochent. Wren avec leur mère, Tobias avec leur père, comme est en train de lui rappeler son frère. A croire que l’unique fille de la fratrie est la plus sensée.
Mais c’est faux. Sa plus grande bataille à elle, c’est elle-même.
Freya passe la main sur son front avant d’y tortiller une boucle de cheveux autour. « Je sais que c’est dangereux. J’ai essayé mais j’ai foiré. J’ai la flippe pour lui et je peux rien y faire car c’est qu’un abruti qui n’écoute que lui même. » Les jumeaux devraient avoir un lien spécial et la jeune femme ne doute pas qu’il existe avec Tobias. Mais c’est un lien destructeur, qui peut la bouffer et lui faire mal. Elle est impuissante face aux frasques de son frère et elle s’attend toujours à un coup de fil qui finira par la rendre malade. Et ça la rend tout aussi malade que d’entendre Wren évoquer la possibilité qu’il puisse déclencher un incendie. « Putain mais vous avez quoi avec cette passion morbide pour le feu ? Sérieux, tu penses vraiment pouvoir foutre un incendie en route involontairement, Wren ? C’est pas possible d’avoir ce genre de réflexions, pas après ce qu’on a subi, bordel ! Et t’es un pompier, t’as oublié ? » Freya monte de nouveau au créneau mais c’est parce qu’elle était agacée et désespérée. Les membres de cette famille sont vraiment condamnés à finir soit en prison soit en hôpital psychatrique ? Il n’y a vraiment aucune autre issue envisageable ? Pourtant, quand Wren lui avait annoncé qu’il avait rejoint la ligue des pompiers, Freya avait été gonflée de fierté – et d’espoir. Espoir qu’ils peuvent s’en sortir, choisir leurs voies et ne pas finir dans les traces de leurs géniteurs. Alors oui, entendre Wren débiter ces paroles l’énervait. Quand son aîné pose sa main sur la sienne, Freya avait fermé les yeux pour éviter de déclencher une nouvelle vague d’énervement. Mais les paroles de Wren ont eu l’effet de l’apaiser, ne serait-ce que brièvement. « C’est dommage que tu ne l’ai pas remarqué plus tôt. » Elle ne peut pas s’en empêcher, il a fallu qu’elle lui balance une petite pique.
A croire qu’il est impossible d’avoir une conversation positive, avec les Dohertys.
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| | | | | | | | DOHERTYS • before you assume, try asking |
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