Ta guitare sur tes cuisses. Ca fait trois heures que tu grattes. Ca fait trois heures et t’as pas vu le temps passer. T’as ressorti ta guitare depuis que t’es rentré l’autre soir. Depuis que t’as été faire un stage dans le studio d’enregistrement avec les trois chansons que t’as concocté en un temps record. L’inspiration coule dans tes veines et wow, ça fait bizarre. Ca fait longtemps que ça t’était pas arrivé comme ça. Jamais à ce point là. T’as encore plein d’idées mais t’es un perfectionniste et tu préfères te concentrer sur les trois que t’as commencé et quasi terminé. Vous avez fait une demo l’autre jour mais t’es pas encore tout à fait satisfait du rendu. Tu es en train de bosser la mélodie et ça frappe à la porte. Hmm ? T’attends personne. T’as pas vraiment envie d’être dérangé aussi. T’es plutôt très occupé. Et tu regardes l’heure et tu réalises que y’a plusieurs heures qui sont passés depuis que tu as vérifié le temps. Tu aurais plutôt dit que ça faisait une demi heure. T’es surpris. Et bien que t’as vraiment pas envie de voir qui que ce soit là, tu te lèves parce que si jamais c’est Levi… Tu veux pas le louper. Et tu commences à le connaître le gars. Il est capable de débarquer à n’importe quel heure du jour et de la nuit. Alors ta guitare posé sur ton canapé, toi tu vas ouvrir la porte, un t-shirt du group Hellions sur le dos. Un super vieux design. Il a de longues années celui là.
Déception quand tu vois le visage de Juliana derrière la porte. Fuck. T’étais pas près à voir quelqu’un comme elle ce soir. Parce que tu sais que t’as pas été juste avec elles depuis ton retour à Brisbane. Tu l’as esquivé beaucoup. Trop. Souvent. Tu t’es toujours cru subtile parce qu’elle t’a jamais fait chier à ce propos. T’es pas naïf, tu sais que si elle est sur le pas de ta porte là alors qu’elle t’a envoyé un message ce matin auquel t’as pas répondu, elle va te faire des reproches. T’es vraiment un ami en carton Asher. T’as même muté sa conversation sur whatsapp. Pour être sûr de pas être déranger de nouveau.
« Je suis assez occupé là. »
Même pas bonjour. Tu crains trop Asher. Peut être qu’elle va partir si je suis rude. Tu restes devant l’encadrement de ta porte. T’as pas trop envie qu’elle entre, parce que tu sais qu’elle sortira jamais. Ou pas avant d’avoir fait ou dit ce qu’elle a prévu. T’es fatigué d’avance. God help me. Depuis quand tu crois en Dieu ? Leave me alone.
Je consulte mon téléphone pour la quinzième fois depuis le début de la journée, dépitée de constater une fois de plus que ce dernier est vierge de toute information même la plus inintéressante. Pas de nouvelles du clan Rhodes. Pas de photo d’alpaga destinée à me faire revoir ma position sur le sujet. Pas de réponse d’Asher à mes derniers messages laissés sans réponse. Je soupire avec lassitude. Rien ne va en ce moment et le pire c’est que je ne sais même pas pourquoi. J’ai lâché, sans le vouloir, une bombe qui est en train de démolir petit-à-petit mon quotidien si parfait et je n’ai pas encore trouvé le moyen de la désamorcer. Alors, et même si c’est sûrement totalement stupide, je me contente de ne rien faire, tentant simplement d’alléger au maximum l’ambiance légèrement tendue de ces dernières semaines en me raccrochant à des petits bonheurs qui pourraient sembler des plus insignifiants. Je prends sur moi. Enormément. Je ne veux pas tout gâcher, ou en tout cas, pas encore plus que je l’ai fait ces derniers jours et c’est pour cette raison que je préfère faire profil bas, ployant sous la tempête en attendant que le calme revienne de lui-même. Enfin, ça, c’est ce que j’aimerais faire mais les émotions contradictoires qui se bousculent en moi ne me permettent pas toujours de conserver cette ligne de conduite et il m’arrive de ne pas être aussi flexible que je souhaiterais l’être. Forcément, quand les mauvaises nouvelles s’enchainent, ça n’arrange rien et cette journée achève de me déprimer complètement. Je devrais sûrement avoir un certain détachement face à tout ça et essayer de ne pas trop me laisser atteindre mais c’est plus facile à dire qu’à faire. Je pourrais envoyer un message à ma mère ou à mes frères et sœurs, histoire d’échanger des banalités pour combler le vide que je ressens mais les connaissant, ils finiraient forcément par poser des questions pour lesquelles les réponses seraient compliquées à donner et je ne veux pas qu’ils se fassent du souci pour moi. Je suis donc partagée entre l’envie d’avoir des nouvelles et celles de ne surtout pas en avoir pour ne pas être obligée d’en donner à mon tour. Au moins, avec Asher, je n’aurais pas ce problème mais comme mon ami continue à éviter bien soigneusement ma présence, pour une raison qu’il ne juge pas bon de me donner, je ne peux pas non plus me raccrocher à notre amitié. Bien sûr, je pourrais très bien contacter quelqu’un d’autre, mais outre le fait qu’une oreille attentive n’aurait pas été de refus sur ce coup-là – je crois que j’ai enfin dépassé mon seuil acceptable de déni –, ce silence sans raison commence sérieusement à m’inquiéter.
Ma journée de travail s’achève dans le silence le plus total de mon téléphone et la perspective de retrouver un appartement vide – parce qu’aucun don de voyance n’est nécessaire pour savoir qu’il le sera – est assez peu réjouissante pour me permettre de prendre une décision évidente. Au lieu de prendre la direction de chez moi, c’est bien celle de l’appartement d’Asher que j’emprunte, prête à entendre les explications qu’il refuse de me donner depuis beaucoup trop longtemps déjà. Reprendre ce chemin est bizarre, la dernière fois que je l’ai fait, c’était pour découvrir la nouvelle copine de Stephen et cette rencontre a pris des proportions que je n’aurais pas pu imaginer. Ces dernières semaines ont été pleine de péripéties plus ou moins faciles à encaisser et je ne sais plus trop quoi penser de la jeune fille qui m’avait pourtant fait plutôt bonne impression. Dans les escaliers menant chez Asher, mon cœur bat un peu plus vite que d’habitude, j’ai un mauvais pressentiment que je ne saurais pas expliquer. Je devrais sans doute faire demi-tour, abandonner cette idée probablement stupide et continuer à faire semblant que tout va bien et qu’il n’y a aucun problème. Bien sûr, maintenant que j’ai eu le courage de venir jusqu’ici, il est hors de question que je fasse marche arrière, ce serait vraiment faire preuve de faiblesse et je n’en ai pas l’intention. Je frappe à la porte et entends mon ami se diriger vers cette dernière. Les derniers espoirs que je pouvais entretenir disparaissent instantanément devant son air déçu et il m’achève lorsqu’il me dit sans le moindre scrupule que je le dérange. Une fois la surprise passée, c’est évidemment la colère qui prend le dessus, parce que je ne comprends pas ce qu’il se passe, parce que je ne mérite pas ça et parce qu’avant son départ, j’étais toujours la bienvenue quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit. Sa réaction n’a donc pas le moindre sens à mes yeux et je ne repartirais pas d’ici avant qu’il lui en ait donné un. « J’ai le droit de demander ce qui t’occupe autant pour que tu n’aies pas eu le temps de répondre à mes messages depuis des jours ? » J’entame sur un ton sec, bien décidée à ne pas me laisser faire. « J’imagine que non. » Je continue, répondant à sa place pour éviter de me faire envoyer sur les roses une seconde fois. « J’en ai rien à faire que tu sois occupé. Tu me dois des explications. » Et elles ont intérêts à être bonnes sinon il va payer pour toutes les personnes qui ont contribué à rendre ces derniers jours exécrables, Alfie en tête. « Je ne partirais avant qu’on ait eu cette conversation, on peut discuter sur le palier si tu veux, mais on risque de déranger tes voisins, alors tu devrais me laisser entrer. » Une suggestion qui n’en est pas vraiment une, en réalité, car si engueulade il doit y avoir – et ça en prend bien le chemin – je ne suis pas certaine qu’il souhaite mettre tout l’immeuble au courant. Je me mets rarement en colère et comme toutes les personnes qui s’énervent en de rares occasions, je ne fais pas les choses à moitié lorsque ça arrive et Asher le sait parfaitement.
« J’ai le droit de demander ce qui t’occupe autant pour que tu n’aies pas eu le temps de répondre à mes messages depuis des jours ? » Fais chier. Tu sais pas quoi répondre à ça. Tu hausses une épaule pour toute réponse. T’essaies de gagner du temps. Tu sais que tu vas devoir lui dire un truc. Tu sais que t’es pas correct avec elle. Tu sais qu’elle mérite pas ça. Tu sais. Mais tu aurais bien voulu plus de temps avant de faire face à tout ça. T’aimes pas. Faire l’autruche c’est beaucoup mieux. Elle pouvait pas avoir mieux à faire que s’inquiéter pour toi ? Sérieux ? Même toi t’en as rien à foutre de toi, pourquoi elle si ? Elle a pas de nouveaux amis qui sont sa priorité par rapport à toi ? Que tu puisses profiter d’elle que quand t’en as envie. Et là, très clairement, t’en as pas envie. Mais tu es conscient que t’es un gros bâtard. Tu l’aimes cette meuf. Malgré tout. C’est sûrement pour ça que tu oses la traiter de la sorte. Tu la prends pour acquis. Peut être pas la meilleure idée du siècle. Elle va te glisser entre les doigts si tu continues comme ça. Tu vas le regretter fort. Fais un effort Ash bordel.
« J’imagine que non. » Ton body language parle pour toi visiblement. Tant mieux. Ca fait ça de moins à s’expliquer. Elle a compris toute seule. She is the best. Et ça te fait te sentir encore plus con du coup. Tu la mérites pas. Sûrement pour ça que t’essaies de la pousser loin de toi. « J’en ai rien à faire que tu sois occupé. Tu me dois des explications. » Tu le sais. Elle a raison. T’es en train de rendre les armes au fur et à mesure de ses mots. Au fur à mesure que tu réalise que t’es un vrai connard avec elle. « Je ne partirais avant qu’on ait eu cette conversation, on peut discuter sur le palier si tu veux, mais on risque de déranger tes voisins, alors tu devrais me laisser entrer. » Et tu soupires alors que tu ouvres la porte plus grand en t’effaçant pour qu’elle puisse entrer. Tu te détournes d’elle, retournant dans ton salon. Tu sais qu’elle va suivre puisqu’elle est à présent invité à pénétrer dans ta demeure.
« Je bosse sur des chansons. »
Et tu te rends compte que jamais Juliana ne t’a connu en mode compositeur. Tu vivais à Melbourne quand tu t’es mis là dedans. Elle connait juste de toi ta passion pour l’écriture. Tous les carnets que tu remplis depuis des années. Mais ce n’était que des journaux. Rien à voir avec des chansons.
« Ca fait longtemps que ça m’était pas arrivé. »
Tu essaies de jouer la carte du pauvre petit gars en manque d’inspiration qui vient de retrouver la voie. Mais le pire c’est que c’est tout à fait ce qui est en train de se passer. Tu t’assois dans ton canapé et y’a ton carnet ouvert sur la table, ton stylo à côté. Tu lui indiques le tout.
« Parait que c’est bon… »
Tu veux jouer la carte de la sympathie maintenant. Tu l’invites complètement à prendre possession du notebook si elle en a envie. Si elle veut voir sur quoi t’écris. Je lui dois au moins ça. Et puis t’es sûr qu’elle te jugera pas. Mes textes sont bons. Elle va aimer. Elle peut pas juger. Elle va surtout se questionner sur ce qui t’inspires ces mots. Tu oses espérer qu’elle n’ira pas jusqu’à te demander plus de détails à ce propos. C’est déjà beaucoup ce que tu lui donnes. Mais tu le donnes de bon coeur. T’as pas peur. C’est Jules.
Spoiler:
Je t'envoie les textes si Juliana va par là Dis moi !
J’ai l’impression qu’il ne réalise pas à quel point son attitude m’a énervée, qu’il ne se rend pas compte des questions que je me suis posée devant son silence. J’ai envoyé des dizaines de messages restés sans réponse, je me suis posée des tonnes de questions sur la manière dont je devais agir, comment je devais interpréter cette distance qu’il met entre nous. Finalement, je suis là devant lui, et tout ce qu’il parvient à me dire c’est qu’il bosse sur des chansons. DES CHANSONS ?! C’est ça qui le pousse à m’ignorer totalement ? A me faire passer au second plan, si ce n’est pas le quatrième ? Ce n’est pas l’ami que j’ai connu, le Asher de mon adolescence ne se serait pas comportée comme ça, il n’aurait pas laissé passer la musique avant tout le reste, agissant comme si ses proches n’avaient aucune importance. Il m’a blessée avec son attitude et il me blesse encore plus avec l’explication qu’il me donne car elle ne justifie pas, selon moi, qu’il se comporte de cette manière. Ma colère, loin de se calmer, monte encore d’un niveau et je peine à la contenir. Je ne le reconnais, pas j’ai l’impression d’être face à un étranger et qu’on ne parle plus vraiment la même langue. Je mentirais si je disais que ça ne m’affecte pas. J’aimerais être indifférente, tourner les talons et m’en aller, faire comme si je n’en avais absolument rien à faire de tout ça. Il m’apporte une précision sur la composition, avouant qu’il n’avait pas réussi à composer depuis longtemps avant aujourd’hui mais ça ne m’atteint pas, ses paroles glissent sur moi sans me toucher, parce que je ne comprends pas que la musique puisse être plus importante que ses amis. On se connait depuis des années et il n’est même pas capable de me dire qu’il est occupé et qu’il me répondra plus tard. Je suis déçue, terriblement déçue et je n’avais vraiment pas besoin d’une énième déception ces derniers temps. Il a l’air de se foutre de savoir si je vais bien ou pas, ça n’a aucune importance à ses yeux, tout ce qu’il veut, c’est pouvoir proposer des nouvelles chansons qui plairont à ses fans, ou en tout cas, ça en a tout l’air. Si c’est le cas, alors il n’est pas le genre d’amis que je voudrais avoir et il n’a plus rien à faire parmi eux.
Je crois que le problème vient de moi, il n’y a pas d’autre explication possible. Tout ce que je sais faire, c’est m’entourer des mauvaises personnes qui finissent toujours par me planter un couteau dans le dos ou me prouver que j’ai eu tort de leur accorder mon amitié et ma confiance. Il y a eu Julian, le tout premier d’une longue série, maintenant c’est Alfie qui commence sérieusement à m’inquiéter et voilà qu’Asher s’y met aussi, alors que j’étais persuadée qu’après toutes ces années passées presque côte à côte, je pouvais me vanter de le connaitre par cœur. Il me désigne son notebook en me disant que ses chansons sont théoriquement bonnes, je crois qu’une bonne amie devrait y jeter un coup d’œil, commenter les textes, s’y intéresser même, mais une chose est sûre, je n’en suis absolument pas capable. Tout ce dont j’ai envie, c’est attraper ce notebook et lui lancer dans la figure en lui hurlant ce que j’ai sur le cœur. Je n’en ferais rien, j’en ai pleinement conscience, parce que je ne suis pas comme ça, parce que j’arrive encore à contrôler mes nerfs et parce que je ne veux pas qu’il paye pour tout ce qui fait que mon quotidien est compliqué, en ce moment. « J’en ai rien à foutre. » Je lance, froidement, incapable de lui mentir et de lui faire croire que son travail m’intéresse. Ça aurait été le cas en temps normal, parce que j’aurais été fière de lui, du chemin qu’il a parcouru, de tout ce qu’il a accompli, mais pas là, alors que je lui fais comprendre que je me suis inquiétée, que j’ai eu peur, et que j’ai vraiment cru que j’avais merdé pour qu’il ne daigne même pas me faire savoir qu’il était toujours en vie. « Alors c’est ça ta vie, maintenant ? Ce sont ces textes qui sont devenus plus importants que tes amis ? » Je jette un coup d’œil dédaigneux vers le notebook que je n’ai pas touché et que je ne veux même pas prendre la peine de consulter. « Ca a le mérite d’être clair. » Des mots contre des gens, voilà le choix qu’il a fait et il est évident que je n’aurais pas pu faire le même. Il me dégoûte et ce ne sont pas des paroles de chanson qui rattraperont son attitude que je ne cautionne pas.
Elle s’en balance de tes chansons. Ben va te faire foutre toi aussi. Elle se rend pas compte de la porte sur ta vie que tu lui as offerte avec cette invitation. Ca allait expliquer un tas de truc sur toi mais elle en a rien à foutre. Ben casse toi de là. T’as vraiment grave changé Asher. On a plus les mêmes centres d’intérêt. T’as trouvé ce qui te passionne. Ce qui te fait vibrer. Ce qui te fait ressentir. Ce qui te fait oublier ta vie de merde et toutes ces conneries que ton père t’as mis en tête depuis ta plus tendre enfance qui t’a carrément bousillé toute ta vie. T’es encore à vif à ce sujet là. Mais Levi aide. Il aide beaucoup. Il te fait tellement de bien à l’âme. Il te comprend. In every fucking way. Et ça, tu pensais vraiment pas que ce serait possible de rencontrer quelqu’un comme ça. Quelqu’un parfait pour toi. He’s an asshole tho. Et tu aimes ça encore plus de ce fait.
« Alors c’est ça ta vie, maintenant ? Ce sont ces textes qui sont devenus plus importants que tes amis ? » Peut être qu’on est plus fait pour être amis si tu comprends pas. Parce que écrire après tout ce temps. Oser prendre un putain de stylo et poser sur papier les mots qui te hantent ces derniers temps. Ca fait un bien fou wow. Tu pensais que ce temps là était fini depuis que le groupe a break up. Depuis que ‘Phoenix’ est sorti. C’était ta masterpiece. Tu pensais pas pouvoir faire un truc mieux. Mais là. Wow. C’est tellement mieux. C’est juste toi. Tout toi. Personne qui a ajouté sa plume. C’est tes mots et ça te fait bien flipper aussi. Mais t’as pris soin de ne préciser aucun genre dans tes écrits. T’es safe de ce côté là. T’es juste amoureux transit. Ils savent pas de qui. Ils sauront jamais.
« Ca a le mérite d’être clair. »
« Tu te rends tellement pas compte. »
Tu soupires. Elle a aucune idée de ce mal être qui te ronge depuis toujours et encore plus depuis que t’es de retour à Brisbane. T’es pas heureux. Tu aurais jamais cru une seule seconde que tu puisses écrire dans cette ville. Tout tes textes c’était sur la route, c’était à Melbourne. Jamais rien ici. Comme si tu voulais faire une séparation entre ta vie ici et ta vie d’artiste. Parce que y’a trop de gens ici qui t’oppressent depuis toujours. Enfin, surtout un. Il est mort. Mais tu sens son aura à chaque coin de rue. Trop de souvenirs ici.
« Ca fait bien longtemps que nos vies sont trop différentes pour que tu puisses comprendre quoi que ce soit. »
Ouch tes mots Asher. Tu peux pas la blâmer. Elle est pas de ton monde. Ton nouveau monde. Le monde où l’alcool t’aide à ce que la vie passe plus facilement tous les jours. T’as tellement envie de disparaître depuis toujours. Sauf quand t’es sur scène et que tu cris tes problèmes aux gens. Tu cris tes sentiments. Ces trucs que tu oses jamais dire. Du coup ouais. C’est vraiment super important les chansons. Plus important que les gens qui sont plus de ton monde. Ces gens là qui ne changent rien à ta survi sur cette terre. Ouch encore. Elle doit se rendre compte quand même. Tu peux pas croire autrement. Qu’elle reste bloqué dans le passé comme ça. On a trop changé.
« On est plus ce qu’on était. »
Ensemble ou séparément. Du pareil au même. Ca peut paraître triste mais c’est juste la vie qui suit son court. Pas tout le monde garde la même place dans la vie des autres. Si vous étiez amis c’est surtout parce que vous habitiez à côté. Pas vraiment pour autre chose. C’est triste, mais c’est vrai. Elle était chill aussi. Ouais. C’était simple de parler avec elle. Plus léger que les autres. Ca aurait été parfait si elle était venu à Melbourne avec moi. Mais t’étais pas tant que ça à Melbourne Asher. T’as beaucoup voyagé. C’est pas donné à tout le monde.
Il a raison, je ne me rends pas compte du tout, je ne me rends pas compte qu’une passion puisse être plus importante que des gens, qu’elle puisse pousser quelqu’un à renier ses anciens proches, qu’il ait tellement changé qu’il ne soit pas capable de répondre à un de mes messages laissant transparaitre mon inquiétude de ne pas avoir de nouvelles. Je ne lui en veux pas de vivre sa vie, non, bien sûr, je ne vois pas pourquoi je devrais lui en vouloir. Il a trouvé sa voie, enfin, je suis tellement heureuse pour lui. Tout ce que je souhaitais à Asher, c’était qu’il trouve sa voie, qu’il soit heureux, qu’il sorte de cette spirale de négativité dans laquelle il était constamment durant notre adolescence. Malgré tout, je ne comprends évidemment pas qu’il ait besoin de me faire sortir de sa vie maintenant qu’il a trouvé un semblant de bonheur. Parce que c’est ça, n’est-ce pas ? Il avait besoin de moi quand il n’allait pas bien mais maintenant que ça va mieux, je ne lui suis plus utile ? Je redeviens la pauvre petite Juliana si plate et insignifiante qui ne partage pas ses passions et ne vaut pas la peine qu’il s’y intéresse. Ça me dégoûte mais encore, ça me déçoit. Nous avons fait connaissance parce que nous étions voisins, c’est parti de là, à l’époque, mais pour moi, il était bien plus que ça, il est devenu un ami, un confident, quelqu’un avec qui j’ai pu partager sans vraiment les prononcer toutes les émotions contraires qui m’ont habitées durant des moments de doutes. Je lui aurais confié ma vie si j’avais eu à le faire et voilà ce qu’il fait de notre amitié, il se contente de réaliser que je ne suis pas apte à le comprendre et ça s’arrête-là, il ne se bat pas, il n’en a pas l’envie, il ne veut pas gaspiller son énergie. J’ai envie de hurler, de lui taper dessus, de l’insulter, mais en vaut-il vraiment la peine, finalement ? Il n’est pas prêt à se battre pour moi, pourquoi le serais-je à le faire pour lui ? C’est toujours moi la gentille, je fais des concessions, je m’adapte, je prends sur moi, je veux rendre les autres heureux. C’est trop facile et j’en ai marre qu’on ne prenne pas en compte ce que je ressens. « Non, en effet. » J’admets froidement, parce que je ne peux rien faire d’autre, de toute façon. Il a raison, c’est aussi simple que ça, j’aurais simplement aimé que cette constatation lui fasse autant de mal qu’elle m’en fait à moi, que ce ne soit pas quelque chose de normal pour lui et qu’il exprime au moins un sentiment, n’importe lequel, au moins quelque chose qui prouve que je n’ai pas totalement perdu mon temps avec lui.
Les choses ne s’arrangent pas, loin de là, chacune de mes remarques semble lui passer au-dessus comme si je lui avais simplement dit que je comptais aller chercher du pain. Sauf que si je sors de cet appartement maintenant, en l’état actuel des choses, ce sera pour ne plus jamais y revenir et ne plus avoir le moindre contact avec lui. Est-ce qu’il a envie que ça se passe comme ça ? Il semblerait en tout cas, il n’a toujours pas l’air de rejeter cette idée. « Bien sûr, et encore heureux Asher, on a plus quinze ans, tu as changé et moi aussi, on a avancé, on a construit nos vies. » Je rétorque, l’animosité encore bien présente dans ma voix. « Et c’est tout ? On a trop changé pour que tu daignes m’envoyer un message ? Pour que tu aies envie d’aller boire un verre avec moi ? Ou même de me parler pendant cinq minutes ? » C’est ce qu’il a l’air de dire en tout cas. Il veut me faire lire ses textes, très bien, mais il pourrait commencer par se comporter en ami, avant toute chose, par me donner envie de me réjouir pour lui et pour le travail qu’il a accompli. Pour le moment, je ne ressens rien de tout ça. Je n’ai qu’une envie, c’est de me barrer et de claquer la porte derrière moi et si je ne le fais pas, c’est par respect pour toutes ces années qui nous ont unis dans le malheur comme dans le bonheur. « Tu sais, si tu n’es plus capable d’être mon ami ou si tu n’en as tout simplement eu envie, tu aurais pu au moins avoir le courage de venir me le dire en face. » C’est ce que j’aurais fait moi, si j’avais eu un tel ressenti – bien que je doute que ce soit possible, me connaissant – parce que j’aurais pensé que je lui devais au moins ça. « Tu as vraiment si peu d’estime pour moi ? Ce que je peux ressentir a donc tellement peu d’importance ? » Je souffre d’avance parce que je sens qu’il va dire oui et que lui aussi va me briser le cœur. Je ne comprends pas pourquoi toute ma vie est en train de virer au cauchemar ces derniers temps. Tout allait tellement bien entre nous, je veux retrouver cette complicité qui nous unissait malgré nos différences et j’ai peur que ce soit impossible. « Si c’est comme ça que tu perçois les choses, alors ça fait de toi un gros connard et je crois qu’on n’a plus rien à se dire. » S’il-te-plait, contredis-moi, dis-moi que j’ai tort et que je me trompe. Ca ne peut pas s’arrêter comme ça.
Elle a l’air de réaliser que vous avez changé. Elle réalise pas que t’as carrément pas la tête à voir des gens par contre. Elle fait parti des gens que tu associes directement à ton père parce qu’il était là pour la majeur partie de ta vie quand Juliana et toi étiez inséparable. Il a toujours été dans le tableau. Juliana et tant d’autres, te rappellent trop ta vie d’avant, celle où t’avais rien qui te faisait vibrer et t’aime pas ça. T’as l’impression de faire quinze pas en arrière quand tu les as autour de toi. Tout ce qui touche à la musique c’est ce qui t’as libéré après avoir quitté la ville. Tu te demandes franchement pourquoi t’es revenu à Brisbane. T’es vraiment trop con Asher. Toujours à vouloir honorer ton père malgré tout.
« Tu sais, si tu n’es plus capable d’être mon ami ou si tu n’en as tout simplement eu envie, tu aurais pu au moins avoir le courage de venir me le dire en face. » Tu soupires alors que tes yeux se ferment deux secondes. Pour l’amour de Dieu… Tu crois en Dieu maintenant Asher ? « Tu as vraiment si peu d’estime pour moi ? Ce que je peux ressentir a donc tellement peu d’importance ? » Elle continue… Tu gardes tes yeux fermés. « Si c’est comme ça que tu perçois les choses, alors ça fait de toi un gros connard et je crois qu’on n’a plus rien à se dire. » Et tu restes silencieux. Tu te rends pas compte que tu ne respires plus. Jusqu’à ce que ton corps ait besoin d’oxygène et que tu ouvres de nouveaux l’accès à l’air.
« Te voir ça me rappelle trop de mauvais souvenirs… Pas avec toi. Mais lié à l’époque… Et… »
Continue Asher, t’es sur la bonne voie. La voie de ferme ta gueule. Ta conscience qui te fait tellement chier tout le temps. Tes démons qui sont toujours là à ricaner, critiquer, te diminuer.
« Et je suis qu’un connard qui arrive pas à gérer… »
Tu soupires. Tu te laisses t’affaler dans le dossier de ton canapé.
« Alors j’ai préféré t’esquiver parce que je savais pas comment dire ça ? Parce que je viens moi même de réaliser le pourquoi en fait… Je me demande même pourquoi je suis revenu à Brisbane… »
Pour le rencontrer lui. Ouais. C’est la seule raison. Parce que tout le reste c’est de la merde. Ca va peut être changer. Parce que tu ne comptes pas partir. Nope. No way. No fucking way. T’es beaucoup trop hanté par ce gars et tout ce qu’il te fait ressentir, tout ce qu’il te fait découvrir de la vie pour t’en aller.
« Je suis désolé c’est juste… C’est moi. »
Mais voir que tu peux écrire en étant ici, ça te donne de l’espoir. L’espoir que c’est pas que de la merde cette ville. Que tu peux en faire un truc où tu te sens bien maintenant. Parce que tu changes. Parce que tu apprends des choses sur toi. Sur la vie. Sur l’amour.
« J’ai des problèmes. »
Ca tu lui apprends pas. Mais est-ce qu’elle sait l’étendu des dégâts ? Tu veux dire, l’étendu de ton homosexualité ? Fuck off.
Je lui rappelle de mauvais souvenirs. Alors c’est ça son excuse ? C’est pour ça qu’il ne prend pas la peine de répondre à mes messages ? Pour ça qu’il se montre distant et inaccessible ? J’ai envie de le claquer. Il mérite que je le fasse. Je prends une grande inspiration, essayant tant bien que mal de contenir cette colère qui ne cesse de grandir au fur et à mesure qu’il parle. Chacun de ses propos ne fait qu’empirer son cas et montre qu’il n’est rien d’autre qu’un énorme égoïste incapable de penser à d’autres personnes qu’à lui-même. Il veut être heureux, vivre de sa musique, se délester de son passé et donc de moi par la même occasion. J’ai compris, vraiment, ou en tout cas, j’ai saisi le sens de ses propos. En revanche, pour ce qui est de comprendre sa démarche, son intérêt, son objectif et ce que ça peut lui apporter positivement pour le futur, ça je n’y arriverais jamais. Je ne vois pas comment on peut jeter des personnes sur lesquelles on a pu compter, qui ont fait partie de notre vie, qui nous ont épaulé et soutenu quand personne ne le faisait, pour la simple et bonne raison de se lancer dans une nouvelle vie. S’il est capable d’agir de la sorte sans éprouver le moindre remord, alors ça ne sert à rien que je me batte pour lui, parce qu’il ne mérite pas mon amitié. J’ai toujours cru en l’amitié, je suis persuadée qu’être lié de cette manière à une personne, signifie forcément tout faire pour se montrer loyal et dévoué dans n’importe quelles circonstances. Ce n’est pas comme ça que réfléchit Asher, il considère que son départ à Melbourne a probablement été la meilleure chose qu’il ait pu faire de toute sa vie, il a construit un tout nouveau lui, là-bas il est devenu différent, il s’est raccroché à cette passion pour la musique qui l’a aidé à se sentir mieux et différent. Il estime sûrement ne plus avoir besoin de rien d’autre que ça à présent, pour être heureux, et j’en fais les frais aujourd’hui. Il est en train de me prouver que je me suis trompée, une fois de plus, en accordant ma confiance et mon amour à une personne qui était capable de tout piétiner sans le moindre scrupule. Je ne suis pas parfaite, il m’arrive de faire des erreurs, sûrement plus souvent que je ne voudrais l’admettre, d’ailleurs, mais si j’ai blessé certains de mes proches, ça n’a jamais été de manière volontaire. Aujourd’hui, Asher agit selon sa propre volonté et s’il décide de me mettre de côté, c’est parce qu’il le souhaite, peu importe le mal qu’il peut me faire en agissant de la sorte. Alors non, je n’ai pas l’intention de m’apitoyer sur son sort, de lui dire que je suis vraiment désolée qu’il soit obligé de faire ce choix, parce que justement, rien ne lui oblige et je n’en ai rien à faire que ce soit sans doute plus facile pour lui d’obtenir mon accord pour me traiter comme si je n’avais jamais compté pour lui. Mon accord, il ne l’obtiendra pas et j’espère évidemment qu’il regrettera. « Je ne suis qu’un dommage collatéral, c’est ça ? » Je ne comprends vraiment pas comment il peut faire une chose pareille. « Tu n’arrives pas à gérer le passé qui te hante alors tu essaies d’éliminer les souvenirs qui s’y rattachent, même si ce sont des personnes qui ont compté pour toi ? » C’est horrible de pouvoir agir de cette façon sans éprouver scrupule ni remord, je ne sais pas quel est le garçon que j’ai en face de moi, mais ce n’est plus vraiment Asher. « T’as pas préféré m’esquiver parce que tu ne savais pas comment me le dire, mais parce que tu pensais que si tu faisais le mort assez longtemps, je finirais par me lasser de te courir après, que j’en aurais marre de me battre pour une amitié qui n’existait plus. » Je continue, incapable de m’arrêter maintenant que je suis lancée. « Ça prouve juste que tu me connais très mal, parce que quand je tiens vraiment à quelqu’un, je ne le laisse pas s’en aller sans chercher à comprendre, je ne le mets pas de côté en agissant comme s’il n’avait jamais existé, parce que c’est plus facile. » Je déteste son attitude et j’ai évidemment l’intention de le lui faire comprendre, tant pis s’il me fout dehors, j’aurais dit ce que j’avais à dire et je pense que dans cette histoire, celui qui perd quelque chose, c’est lui et pas moi. « Tu préfères te comporter comme un lâche. » Fermer les yeux sur les problèmes plutôt que de tenter de les résoudre, voilà ce qu’il fait. Repousser les gens pour se donner une bonne raison d’être mal, c’est complètement débile. « Je ne minimise pas les problèmes que tu peux avoir, mais justement, les amis sont là pour ça, pour aider à résoudre ces problèmes et si tu m’en avais parlé, peut-être que j’aurais pu comprendre et peut-être que tu aurais pu traverser tout ça avec moi. » Il a préféré briser notre amitié à la place, je ne sais pas quels sont les soucis qu’il dissimule et je crois que maintenant, ça m’importe peu. « Si tu étais vraiment désolé de me faire souffrir, tu n’aurais pas passé des semaines à faire comme si je n’existais pas, t'es juste dégoûté parce que j’ai fait l’effort de venir jusqu’ici pour te parler et que tu te retrouves acculé. » Un message. Un putain de message. Ça lui aurait pris deux minutes à rédiger et au moins j’aurais su à quoi m’en tenir. Même ça, c’était au-dessus de ses forces et je n’arrive pas à le comprendre. « Moi aussi je suis désolée. » C’est le cas, mais je ne le suis pas pour les soucis qu’il doit affronter. « Je suis désolée d’avoir perdu mon temps parce que j’ai cru que tu en valais la peine. » Après la trahison de Julian, je ne pensais pas pouvoir être de nouveau autant blessée par quelqu’un et Asher vient tout juste de me prouver le contraire.
« Je ne suis qu’un dommage collatéral, c’est ça ? » Elle parle. Elle parle trop. « Tu n’arrives pas à gérer le passé qui te hante alors tu essaies d’éliminer les souvenirs qui s’y rattachent, même si ce sont des personnes qui ont compté pour toi ? » Tout ses mots te font l’effet de claques qu’elle te met les unes après les autres. Elle comprend rien. Elle te mange le cerveau. « T’as pas préféré m’esquiver parce que tu ne savais pas comment me le dire, mais parce que tu pensais que si tu faisais le mort assez longtemps, je finirais par me lasser de te courir après, que j’en aurais marre de me battre pour une amitié qui n’existait plus. » Elle parle pour toi. Shut up. « Ça prouve juste que tu me connais très mal, parce que quand je tiens vraiment à quelqu’un, je ne le laisse pas s’en aller sans chercher à comprendre, je ne le mets pas de côté en agissant comme s’il n’avait jamais existé, parce que c’est plus facile. » Elle s’arrête pas. Elle. Parle. Trop. Tes yeux sont fermés. Tu t’en étais pas rendu compte mais là tu commences à souffrir presque physiquement de toute la merde qu’elle raconte. « Tu préfères te comporter comme un lâche. » Shut up. Ta main se serre sur ton genou. « Je ne minimise pas les problèmes que tu peux avoir, mais justement, les amis sont là pour ça, pour aider à résoudre ces problèmes et si tu m’en avais parlé, peut-être que j’aurais pu comprendre et peut-être que tu aurais pu traverser tout ça avec moi. » Faut vraiment qu’elle la ferme là. Mais non. « Si tu étais vraiment désolé de me faire souffrir, tu n’aurais pas passé des semaines à faire comme si je n’existais pas, t'es juste dégoûté parce que j’ai fait l’effort de venir jusqu’ici pour te parler et que tu te retrouves acculé. » Mais jamais elle s’arrête ??? Faut qu’elle se tire. Vraiment. « Moi aussi je suis désolée. » Yeah j’en ai rien à foutre. « Je suis désolée d’avoir perdu mon temps parce que j’ai cru que tu en valais la peine. »
« Ouais allé casse toi. »
Tu rouvres les yeux. Tu la regardes. Tu lui montres la porte.
« J’en vaux pas la peine casse toi. »
Parce que t’as vraiment les nerfs là. T’as besoin d’être seul pour redescendre. Tu doutes la revoir un jour cette meuf. Pas après ça. T’en as juste rien à foutre. Qu’elle se tire. T’as pas besoin d’elle. Pas besoin de quelqu’un comme ça dans ta vie. T’as pas demandé son aide. T’en veux pas. Elle sait même pas qui tu es vraiment. T’as pas envie de lui dire non plus. Tu l’as dit à personne. Sauf à lui.
« Je plaisante pas. »
Il faut juste qu’elle se tire là tout de suite. Tu l’as laissé parler parce qu’elle en avait un tas de truc à dire, maintenant elle a déballé son sac. Toi t’as dit ce que t’as réussi à formuler. Elle comprend rien, t’en as rien à foutre. Tant pis. T’as pas besoin d’elle. Tu vis très bien sans elle depuis que t’as quitté Brisbane. Tu vis très bien sans personne d’ici même. Pourquoi t’es revenu Asher? T’es pas bien ici. Elle te le prouve une fois de plus. Les gens ici, c’est pas tes gens. C’est pas ton monde. C’est pas ton crew.
Balancer tout ce que j’ai sur le cœur me fait un bien fou, parce que ça fait des jours et des jours que je me demande pourquoi il a décidé de me tourner le dos et que ses explications données sur un ton qui montre à quel point il se fout de me savoir blessée ou que j’ai besoin d’une explication cohérente pouvant justifier son mutisme et son apparent détachement. Malheureusement, plus je parle et plus je me rends compte que mes constatations sont loin d’être erronées. Je ne suis même pas sûr qu’il entende mes mots, il a l’air de s’en détacher complètement et mes paroles glissent sur lui comme si elles étaient totalement insignifiantes. Je ne comprends pas comment il peut se comporter comme ça, comment il peut cracher sur des années d’amitié et un lien que je jugeais essentiel à une époque de ma vie. Il a tout simplement tourné la page et considéré que je n’avais pas de place dans son avenir. Pour se convaincre que je ne suis rien pour lui, il n’hésite pas à piétiner des années d’une amitié sincère et profonde, agissant comme si cette dernière n’avait jamais vraiment existé. Evidemment, je suis blessée par son attitude vis-à-vis de moi mais je sais pertinemment que quelqu’un qui est capable de cracher sur une personne qui a compté en prétendant que leur amitié n’a jamais existé ne mérite pas qu’on lui accorde la moindre attention et encore moins de l’intérêt. Je ne sais pas qui est la personne que j’ai en face de moi, mais ce n’est certainement pas quelqu’un de bien. Un jour, son odieuse attitude se retournera contre lui et j’espère que ce jour-là, la poignée de personnes encore à ses côtés et qui arrive miraculeusement à le supporter ne lui tournera pas le dos comme il le fait aujourd’hui avec moi, avec une facilité déconcertante. Quoi qu’il en soit, il a plutôt intérêt à avoir bien muri sa décision car, pour ma part, il n’y a évidemment pas de retour en arrière possible. Cette croix qu’il tire sur notre amitié sera pour moi définitive, son attitude est irrattrapable et ses paroles le sont tout autant. Je n’ai pas pour habitude de laisser tomber mes proches, mais Asher a choisi de se comporter comme un ennemi plutôt que comme mon ami et je ne le laisserais pas me blesser en essayant de sauver le peu qui peut encore l’être. Je mérite mieux que ça. Je mérite mieux que lui.
Le fait qu’il m’indique la porte – oubliant toute notion de respect et de politesse au passage – ne me surprend pas. Je devrais sans doute m’offusquer de son attitude mais désormais, plus rien ne peut m’atteindre, j’ai déjà tellement été blessée par ses actes qu’il ne peut vraiment rien faire de pire. Je m’efforce juste de ne pas lui hurler toutes les horreurs du monde à la figure, parce qu’il ne vaut pas la peine que je gaspille mon énergie pour lui expliquer par A plus B à quel point il est minable et à quel point il me dégoûte. Je n’ai pas besoin dans mon entourage de personnes toxiques et nombrilistes qui pensent que leur propre petite personne est bien plus importante – essentielle même – que n’importe quel autre mortel partageant le même air. Qu’il reste avec ses chansons et son addiction pour la musique, il n’empêche que si un jour il a de vraies emmerdes, ce ne sont pas ses textes et ses mélodies qui viendront l’aider à traverser ça en le tenant par la main. Et ce n’est certainement pas moi non plus. Il me remplace par trois notes de musiques et deux lignes de texte soi-disant inspirées ? Fort bien, mais il ne devra pas venir pleurer quand il se rendra finalement compte qu’il est seul au monde parce qu’il a cru bon de rejeter les seules personnes qui auraient décroché la lune pour lui s’il en avait eu besoin. Je ne perdrais pas mon temps. Je l’ai fait trop souvent par le passé et ça m’a desservi plutôt qu’autre chose. Alors, je me contente de faire exactement ce qu’il me demande, je fais demi-tour, franchis la porte et la claque derrière moi sans lui adresser un regard supplémentaire ou envisager de revenir sur cette décision. J’ai dit tout ce que j’avais à dire et il n’a pas été fichu de me donner sa version des faits ou même d’essayer de rattraper ce qui pouvait encore l’être. En sortant de l’immeuble, je retrouve la fraicheur extérieure et tout en marchant, j’attrape mon téléphone pour bloquer son numéro et le supprimer dans la foulée, m’obligeant ainsi à ne pas le recontacter dans un moment de faiblesse dont je suis évidemment capable de faire preuve. Satisfaite de mon choix, je range mon portable dans mon sac avant d’accélérer le pas pour retrouver mon chez-moi, espérant qu’Alfie sera là pour que je puisse tout lui raconter. J’ai été affreusement blessée ce soir et il va me falloir du temps pour encaisser mais c’était un mal pour un bien, je vais pouvoir me concentrer sur les personnes vraiment importantes.