Romy avait profité du calme relatif qui régnait à la prison et dans ses dossiers pour quitter son bureau plus tôt. Aux environs de seize heures, alors que la quasi totalité des employés administratifs du service commençaient doucement à clore leur paperasse en cours pour rejoindre leur vie personnelle, la petite blonde avait mit les voiles en catimini, profitant de ce moment de flottement pour délaisser de potentiels derniers débats entre collègues, même si elle ne rentrerait pas chez elle avant un moment. Loin de vouloir se complaire dans son canapé à rattraper son retard sur ses séries netflix, la petite blonde avait en tête de rendre visite à Leah Baumann. Un nom qui revenait fréquemment dans les quelques recherches qu'elle avait pu faire sur Lonnie Hartwell, et qui pourrait -elle l'espérait- lui apporter son aide dans sa volonté de convaincre le policier à lui apporter son soutien. Elle qui désirait ouvrir un dossier de libération conditionnelle pour sa mère Gail, n'avait jusqu'à maintenant pas réussi à mener à bien sa manœuvre. Romy avait conscience qu'entrer en contact avec cette femme de cette façon n'avait rien de conventionnel, mais elle avait au moins le mérite d'essayer de faire quelque chose pour ce qu'elle jugeait être bon. "A demain Mademoiselle Ashby." Glenn, l'un des gardiens ; le dernier barrage, le dernier contrôle d'identité entre elle et le parking, venait de lui faire signe, et d'un hochement de tête, la jeune femme souriait pour la forme. Dans sa tête se bousculaient des dizaines et des dizaines de scénarios différents quant à cette rencontre à venir. Une rencontre qui n'avait absolument rien d'officiel et qui n'entrait absolument pas dans le cadre de ses fonctions, mais qu'elle effectuait pour y voir plus clair. La petite blonde avait récolté l'adresse de la jeune femme en faisant jouer ses relations au commissariat de la ville, et très sincèrement, elle espérait que la fameuse Leah Baumann ne lui tiendrait pas rigueur pour cette intrusion peu commune dans le programme de sa soirée.

Un trajet d'une vingtaine de minutes lui fut nécessaire pour rejoindre le quartier de Redcliffe. Elle n'y allait que rarement et bénissait donc son application waze de l'avoir guidée devant l'immeuble du #107 sans trop d’embûches. Remontant ses lunettes de soleil sur le sommet de son crâne, la petite blonde quittait son véhicule d'un pas tout sauf assuré. Elle hésitait, fixait la porte vitrée de sa destination sans vraiment trop savoir si s'y rendre débloquerait les choses avec le fils Hartwell où les empireraient. Plantée là, perdue dans ses pensées, Romy perçut à peine une ombre lui foncer dessus. "Désolée." Propulsée vers l'avant, le bruit d'un sac se déversant sur le sol l'extirpant de ses pensées, la jeune femme eut besoin de quelques secondes pour comprendre ce qu'il se passait. Une tornade brune occupait désormais sa vue, et Romy comprit qu'elle venait de se faire bousculer par cette femme aux cheveux châtains. "Ah, euh, c'est rien." Par réflexe, elle se penchait pour apporter son aide. Après tout, si elle ne s'était pas trouvée au beau milieu du chemin, rien de toute cette déconvenue ne se serait produit. "Attendez je vais vous.." Tandis qu'elle se baissait, Romy fut soudainement frappée par la fragilité émotionnelle de cette femme, et cessa de parler au beau milieu de sa question. Les mains tremblantes, les yeux rougis, la brunette semblait être au bord de la crise de nerfs. Terrorisée, et vraisemblablement paniquée, elle avait quelque chose dans le regard qui trahissait une profonde détresse, et d'instinct Romy s'empressa de vouloir lui porter de l'aide. "Vous allez bien ? Il vous est arrivé quelque chose ?" Parce que plus elle prêtait de l'attention à son interlocutrice et plus l'inquiétude la gagnait. La petite Ashby pouvait parler en connaissance de cause. Son métier l'avait déjà confrontée à des centaines de femmes, à autant d'esprits brisés et névrosés. Avec une douceur calculée, elle s'autorisait alors à poser sa main contre l'avant bras de la jeune femme qui l'avait bousculée quelques secondes plus tôt, au moins histoire d'attirer son attention, car jusqu'à maintenant Romy avait l'impression de parler à un fantôme.    
      

D'aussi longtemps qu'elle s'en souvienne, Romy avait toujours été de ceux qui tendaient la main. Sociable, optimiste à en crever, la petite blonde était un puits sans fond de bonne volonté lorsqu'il était question d'aider son prochain, et même si en travaillant dans le milieu carcéral, elle s'était juré de ne pas se muer en une sainte patronne des cas désespérés, force était de constater qu'elle aurait aidé n'importe qui se trouvant sur son chemin, comme c'était le cas aujourd'hui. La raison de sa venue dans le quartier de Redcliffe pouvait bien attendre quelques minutes que la jeune femme qui l'avait percutée quelques secondes plus tôt ne se soit remise de ses émotions. La panique se lisait dans son regard, et tandis qu'elle ramassait ses affaires éparpillées sur le sol presque par automatisme, l'inconnue éclatait en sanglots après avoir lâché un soupir. Décontenancée -vraiment-, Romy eut besoin de quelques secondes pour savoir quelle attitude adopter. Devait elle lui tendre un mouchoir ? Tu n'en as pas idiote. Lui proposer de la raccompagner chez elle ? Faire comme si de rien n'était ? Une grimace au coin des lèvres, la petite Ashby optait finalement pour le silence. Elle se contentait d'activer ses doigts pour aider la brune à ramasser le contenu de son sac vidé sur le sol, l'observant à la dérobée pour s'assurer que tout irait bien, et lorsqu'elle finissait par répondre : "Désolée. Je... je vais bien" en peinant à déglutir et à reprendre une respiration normale, Romy laissait glisser sa main sur son coude pour l'aider à se relever, quelques fois qu'elle perdrait l'équilibre. "Vous n'allez pas bien." Une affirmation. Son interlocutrice avait l'air si affectée, complètement à côté de ses pompes ; jamais la petite blonde ne l'aurait laissée rentrer seule chez elle, pas dans cet état. "Mais ça ne me concerne pas. Vous devriez rentrer chez vous et vous faire une bonne tasse de thé. " Elle personnellement n'aimait pas le thé, mais c'était ce qu'il lui venait de plus raisonnable à l'esprit. En temps normal Romy aurait tout misé sur le Chardonnay et la maxi pizza, mais face à une inconnue elle aspirait à un brin de normalité, tout en sachant qu'elle était là pour le boulot. "Je vous accompagne. Je dois rendre visite à l'une de vos voisines." Comme ça elle en profitait pour justifier sa présence ici. Bonne idée. Un sourire pour la forme, la jeune femme emboîtait le pas de l'inconnue du jour pour ouvrir la porte de l'immeuble dont elle attendait sagement qu'elle la déverrouille.  "Leah Baumann, vous savez peut être me dire à quel étage elle est ? ... j'ai bien le numéro 107 mais mes collègues aux renseignements n'ont pas jugé bon de me donner plus d'infos sur l'appartement." oopsie. S'empressant de balayer ses dernières paroles d'un mouvement du bras, Romy tentait vaguement de faire oublier ce qu'elle venait de dire, quelques fois que la brune ne se mette à croire que sa voisine avait des ennuis de justice ; ce qui n'était pas le cas du tout. "Enfin elle va bien hein, elle n'a rien fait de mal. Je dois prendre son témoignage, c'est tout." Voilà une quasi vérité qui ferait l'affaire. Le plus important était surtout que cette femme rentre chez elle, sèche ses larmes et s'enroule dans un plaid. S'inquiéter sur le sort de sa voisine n'était pas une chose que la petite Ashby avait voulu causer intentionnellement.  
     

Cette fille semblait être au bout de quelque chose que Romy ignorait. Une histoire de cœur qui venait d'imploser en vol ? La perte d'un être proche ? Sa curiosité la piquait sans qu'elle ne sache vraiment quoi penser de cette inconnue, et peut être qu'en temps normal elle aurait osé aborder le pourquoi du comment de cette crise de larmes survenue sous ses yeux quelques secondes plus tôt, mais comme elle était là pour le travail.. Romy se gardait bien de jouer à la psychologue du dimanche, d'autant plus qu'elle n'était pas doué à ce petit jeu. Elle savait écouter, mais conseiller était une autre paire de manches. « J’ai connu mieux. » que concluait de toute façon la jeune femme en laissant la conseillère dans ses interrogations déplacées, ce qui n'était pas plus mal ; un problème à la fois. Elle avait fait le chemin pour parler de Lonnie Hartwell, pour essayer d'y voir plus clair chez cet homme tout en contraste qu'elle avait rencontré quelques jours plus tôt sur le parking de la prison, et qu'elle essayait de convaincre de lui prêter main forte, mais quelque part elle se disait que si elle avait plus de temps devant elle, elle aurait sûrement cherché à l'aider, cette fille. "Vous savez, vous êtes toute pâle. On dirait que vous avez vu un fantôme." Ignorant qu'elle était à pas grand chose de la vérité, Romy glissait son bras sous le coude de la jeune femme, l'aidant à se relever avant que les deux ne prennent la direction de l'immeuble. Son interlocutrice venait d'accepter de se faire accompagner jusque devant sa porte -ce qui rassurait le naturel inquiet de la petite Ashby-, et alors qu'elle lui expliquait la raison de sa venue au n°107 pour faire la conversation -mais aussi pour réussir à avoir la situation exacte de l'appartement recherché-, elle sentit la jeune femme se braquer très nettement, réagissant d'une façon inattendue qui laissait la blondinette pantoise. Se retournant vivement, l'inconnue croisait maintenant les bras contre sa poitrine dans une posture défensive que Romy n'expliquait pas. Du moins sur le moment. « Je sais qu’elle va bien puisque c’est moi Leah Baumann. Qu’est-ce que vous voulez ? » Oh. Envolée la jeune demoiselle en pleurs d'il y a quelques secondes. Sous le regard surpris d'une Ashby qui eut besoin de quelques secondes pour se remettre de la coïncidence, elle parlait d'un ton sec, visiblement sur la défensive agressive. "Je.." merde alors. Pour une coïncidence. Sortant de la poche arrière de son jean son badge d'employé, la conseillère le tendait à son interlocutrice pour montrer patte blanche, avant de se présenter avec un peu plus de prestance : "Romy Ashby, je travaille à la maison d'arrêt de Brisbane, je viens vous parler de Lonnie Hartwell, j'ai cru comprendre que vous étiez proches.." mais là encore, elle s'empressait de préciser : "Enfin tout le monde va bien hein.." un rire nerveux s'échappant d'entre ses lèvres, Romy se maudissait de ne pas avoir préparé de petit discours. A sa décharge, jamais elle n'aurait songé faire la connaissance de la dite Leah Baumann dans de telles conditions, c'était à souligner. Elle n'était pas si désorganisée d'ordinaire. "Je m'occupe du dossier de libération conditionnelle de sa mère Gail, enfin j'aimerais. Vous auriez un peu de temps à m'accorder ?" et elle lui devait bien ça après l'avoir ramassée sur le trottoir comme une âme en peine. Du moins, Romy réclamait tacitement ce droit en jetant un coup d'oeil suppliant à la petite brune qui venait soudainement d'avoir repris quelques couleurs.
     

Et cette fille devait vraiment être à côté de ses pompes lorsque, après avoir suggéré qu’elle puisse avoir vu un fantôme, Romy l’entendit murmurer : « C’est à peu près ça. » Oui, d’accord ? La petite blonde la fixait de ses grands yeux bleus teintés d’inquiétude –à juste titre- si bien qu’une fois qu’elle fut sure que cette femme soit capable de tenir sur ses deux jambes sans vaciller, elle ne relâcha que d’un poil l’emprise qu’elle portait sur son bras pour la maintenir en équilibre. Elle n’était pas contre le fait de l’aider à grimper jusque chez elle si cela pouvait soulager sa conscience tant cette inconnue avait pu l’inquiéter. Jamais personne encore ne s’était mis à éclater en sanglots devant elle, et dans la mesure où elle savait qu’elle de dégageait en général rien de bien compatissant -les inconvénients de la prison- la petite Ashby tâchait de se montrer la plus avenante possible. Histoire de faire la conversation, mais aussi au moins pour la distraire, elle se mettait donc à lui expliquer la raison de sa venue, et quelle ne fut pas sa surprise lorsque son interlocutrice lui indiquait en retour que c’était elle Leah Baumann. Ça alors. Après avoir balbutié quelques mots, Romy en avait presque regretté d’avoir assisté à la scène précédente, puisqu’au final elles se retrouvaient maintenant toutes les deux à parler d’un sujet qui n’aurait jamais dû venir chambouler la brune davantage, mais maintenant qu’elle avait éveillé sa curiosité … . « Je ne comprends pas ce que j’ai à voir là-dedans… Lonnie, il est au courant ? » Non. Romy secouait négativement la tête en retour. Elle n’avait pas su à quel point Leah et Lonnie pouvaient être liés maintenant, ni même s’ils l’étaient encore, et cette discussion qu’elle aurait aimé être informelle semblait prendre une tournure que la jeune femme n’aimait pas, qu’elle ne voulait pas. D’un vague mouvement du bras, elle balayait donc ses propres paroles pour faire machine arrière : « Sa famille d’accueil m’a dit que vous aviez été très proches étant enfants. Je ne suis pas là pour lui … pour sa mère seulement. » qu’elle se justifiait pour la rassurer. Loin d’elle l’avoir envie de passer pour une folle furieuse dont les idées n’étaient motivées que par égoïsme. Elle avait profondément envie d’aider Gail à se sortir de là tant cette famille la peinait énormément. Elle n’aurait jamais été trouver cette fille si elle ne pensait pas qu’elle puisse l’aider à convaincre le fils Hartwell à prendre part à ce dossier et à réveiller un peu sa mère. « Leur famille est complètement décousue … et j’aimerais y voir un peu plus clair, c’est tout. » Elle ne se lançait pas dans des explications en bonne et due forme tant elle ne savait pas si cette fille faisait encore partie de l’entourage du flic ; à son sens elle en avait déjà trop dit. « Je repasserais plus tard pour vous en parler si vous le souhaitez. Pour l’instant vous n’avez vraiment pas l’air bien, vous devriez rentrer chez vous. » qu’elle soufflait en s’approchant pour appeler l’ascenseur, son index s’échouant sur le bouton métallique de la vieille machine qui peinait à arriver. Arriverait-elle un jour ? Le ramdam métallique n’augurait rien de bon, et elle-même n’était pas rassurée à l’idée de grimper la dedans et de devoir justifier de sa présence dans cet immeuble lorsqu’on viendra l’en sortir. Finalement, les escaliers restaient la meilleure option. « … si vous avez été agressée, vous savez je peux vous amener au commissariat. » Romy n’avait pas la prétention de connaître l’intégralité du poste de police central, mais elle avait au moins le mérite pouvoir promettre à cette fille une entrée discrète et un accompagnement si jamais elle avait besoin d’aller porter plainte pour quoique ce soit. Ce n’était pas ses oignons, mais la brune avait vraiment eu l’air affectée par ce quelque chose qui l’avait fait éclater en sanglots et avoir eu l’air complètement out quelques minutes plus tôt. « … enfin si je peux vous aider n’hésitez pas. » C’était ce qu’il y avait de mieux à faire après tout ; proposer son aide. Elle était venue pour parler de Lonnie Hartwell, mais il fallait qu’elle se rende à l’évidence que cette fille n’était pas en état, alors tant qu’à être là … autant se rendre utile pour quelque chose.
     

Romy ne savait pas bien comment aborder cette discussion avec Leah Baumann ; ce qui était stupide puisqu'elle s'était élaboré un petit discours bien rodé, histoire d'éviter pile ce qu'il se passait là : broder et s'éparpiller. Disons que la conseillère n'aurait jamais imaginé rencontrer cette femme de cette façon. Elle l'avait déstabilisée en lui apparaissant ainsi, et en son for intérieur, quelque chose disait à la blondinette qu'il y avait quelque chose qui clochait chez son interlocutrice, alors tentant tant bien que mal de donner le change et de ne pas se montrer trop intrusive, Romy sortait les rames histoire de sauver le professionnalisme qui demeurait. "C'est vrai qu'on était très proches. Mais on s'est perdu de vue pendant pratiquement quinze ans..." lui répondit la brune en se passant une main contre la nuque, comme pour chercher ses mots. S'ils ne s'étaient pas vus depuis si longtemps, peut être ne pourrait elle pas l'aider au final.. "... Mais on a reprit contact, il y a quelques mois d'ici. Je dirais pas qu'on est aussi proche, mais on réapprends à se connaître." Ah voilà qui était bien mieux ! S'autorisant un demi sourire, Romy le chassa pourtant rapidement. Si la jeune femme avait effectivement repris contact avec son ami du jardin d'enfants, elle pourrait sans doute l'aider à le convaincre de se mêler à elle dans la noyade administrative pénitentiaire, mais elle ne voulait clairement pas aborder un sujet aussi délicat à un moment qui semblait tomber si mal. Se mettant en tête d'appeler l’ascenseur pour la rapatrier chez elle, la conseillère fut tout de même surprise d'entendre : "J'ai pas été agressée, je vais bien. Et vous m'avez déjà aidée..." qui la rassura un peu. La brune s'était montrée si mal en point quelques minutes plus tôt que la jeune femme peinait à croire qu'il ne s'était rien passé de grave. Mais soit, ce n'étaient pas ses affaires. "Venez... Ce truc doit être vieux d'un demi-siècle, je m'y suis jamais risquée... Je ne vous le conseille pas non plus." Oh. S'abstenant de répondre quelque chose comme : "je n'ai pas fait de sport depuis 2012", Romy se contenta d'opiner du chef puis de suivre son interlocutrice dans les escaliers, priant juste qu'elle n'habite pas au sixième étage, sans quoi ses vingt six ans en prendraient un coup. "Pourquoi les Hartwell?" Le premier ! Pas d'essoufflement gênant à prévoir, Leah Baumann s'était arrêtée devant une porte sur la droite, la déverrouillant d'un coup de clé assuré qui contrastait très nettement avec son vol plané sur le bitume il y a quelques minutes de cela. "C'est pas tant que je les ai choisis ... " qu'elle commençait -marmonnait presque- en la suivant à l'intérieur. Depuis sa rencontre avec Lonnie sur le parking de la prison, elle avait l'impression que l'intérêt qu'elle portait à Gail et à cette famille n'était pas normal. Pourtant elle ne se contentait que de faire son boulot, même si elle s'investissait sans doute bien plus que de raison. " ... La mère peut faire une demande de libération conditionnelle, mais il y a quelque chose qui cloche. J'aimerais y voir plus clair pour pouvoir avancer dans mon dossier ... croyez moi je suis pas là pour venir mettre mon nez dans leur famille et prétendre pouvoir tout arranger." Je suis pas psy, faillit elle ajouter, et sans doute qu'elle en aurait fait une très mauvaise d'ailleurs. Romy avait tendance à ne pas mettre de gants quand il en fallait, à s'investir tout en donnant son avis ... l'impartialité et elle faisaient dix, mais ça, elle se retenait bien de l'avouer. "Vous voulez quelque chose à boire?" La brune s'était dirigée dans la cuisine, ce qui voulait sans doute dire qu'elle l'autorisait à rester un peu pour parler des Hartwell. Bien. Se débarrassant de sa veste qu'elle reposait sur le dossier d'une chaise, la maladresse personnifiée qu'elle était manqua de trébucher sur une sorte de voiture électrique qui traînait au pied de la table. "Outch, j'avais pas vu." s'excusait elle presque -ce qui était inutile vu qu'il s'agissait d'un jouet et non d'un animal, mais soit- "Vous avez des enfants ? Et euhm, je veux bien un verre d'eau." poursuivait elle en hochant la tête, lui accordant un sourire pour la forme.            
     

Romy tachait de se montrer le plus clair possible dès le départ. Elle n'avait pas jeté son dévolu sur les Hartwell comme si l'attraction qui avait entouré le drame familial l'avait fascinée. Certes elle connaissait leur histoire, mais son job se portait sur le bien être de Gail. Cette femme l'avait touchée par sa fragilité, par sa bienveillance. Elle ne pouvait pas se résoudre à la laisser derrière les quatre murs de sa cellule alors qu'elle se démenait à faire sortir d'autres femmes qui récidivaient à la moindre occasion. Expliquant son point de vue avec le plus de détachement possible, Romy fut rassurée d'entendre son interlocutrice lui répondre en arborant un sourire avenant : "J'imagine que si vous vous êtes lancée là dedans, c'est que vous pensez pouvoir faire quelque chose. Sinon, ça serait simplement remuer le couteau dans la plaie et raviver de vieilles souffrances, pas vrai?" La petite blonde hochait la tête en retour, gardant pour elle une mine radieuse qui n'était pas de circonstances. Leah Baumann ne pourrait peut être pas lui apporter une grande avancée dans le dossier, mais si elle pouvait au moins l'aider à comprendre le fils cadet, c'était déjà une petite victoire. "C'est pas ce que je cherche." répondit elle pour la forme avec assurance, tentant de la rassurer quant à ses intentions.

Une fois à l'intérieur de l'appartement, Romy s'était débarrassée de ses affaires en suivant la brune, manquant au passage de trébucher sur un jouet d'enfant dont elle ne manquait pas de souligner la présence. "Vous en faites pas, je suis la même." La jeune femme riait, rendant l'ambiance soudainement bien plus paisible. Le moment de panique d'il y a quelques minutes semblait s'être évaporé de lui même ; ou alors elle donnait bien le change, ce qui l'un dans l'autre importait peu à la petite blonde qui se sentait tout de suite mieux à l'idée de poursuivre leur conversation dans ces conditions. S'approchant pour demander un verre d'eau, elle s'autorisait alors à demander si la petite voiture appartenait à son enfant, si elle en avait. "... Pas encore." Pas encore ? Oh ! Elle était enceinte ? Brillante déduction Ashby. Glissant une main contre son ventre -balayant ainsi les potentiels doutes qui subsistaient-, la brune se mordait la lèvre en remontant le menton. Elle ne semblait pas sauter de joie, mais le sourire qu'elle arborait était communicatif. Romy y réagit sans le moindre filtre -elle aurait peut être du- lançant un "Félicitations ! Vous êtes encore ... fine, j'y aurais pas vraiment cru." Oh pitié. Bredouillant, elle ne savait pas bien ou s'arrêtait son rôle, le professionnalisme étant déjà au fond d'une malle jetée à l'océan. "Je l'ai appris il n'y a pas très longtemps." Précisait la brune avant de repartir vers la cuisine pour servir leurs verres, soulageant une Romy qui s'empêtrait dans les limites de sa fonction. "Sinon la voiture appartient à la fille de mon compagnon. Elle s'appelle Anabel." D'accord. Elle hochait la tête, attrapant le verre qu'on lui tendait du bout des doigts. "Et vous ?" Secouant la tête avec négation, la conseillère réfutait rapidement ce sujet, songeant vaguement qu'elle ne risquait pas de se voir mère un jour alors qu'elle venait de larguer un type qui l'avait trompée dans son propre lit. "[color:9429=[color=mediumvioletred]Non ça risque pas." répondit elle alors, simplement bien qu'un peu amère. "... Juste une chose, est-ce qu'on peut se tutoyer? J'ai vraiment du mal quand on s'adresse à moi en me vouvoyant." Les invitant à se diriger vers le salon, Romy opinait du chef dans un demi sourire. Le tutoiement serait sans doute plus de rigueur ; elles avaient certainement plus ou moins le même âge, et le courant semblait bien passer. Pourquoi pas. De toute façon sa visite dépassait le cadre strictement professionnel. "Ok." soufflait elle en se laissant retomber dans un fauteuil, faisant tourner le verre qu'on lui avait donné entre ses doigts. "La petite doit être ravie d'accueillir un petit frère ou une petite sœur j'imagine." poursuivait elle avec douceur, désirant marquer une courte pause avant de s'embarquer dans une discussion au sujet des Hartwell. Elle ne voulait pas paraître trop brusque, trop expéditive. Elle ne l'était pas, et son après midi était libre, alors autant faire connaissance un peu.                 
     

La brune semblait comprendre que Romy n’était pas là pour soulever des histoires douloureuses dans cette famille qui avait déjà bien assez souffert de toute cette situation qui durait depuis plus de vingt ans maintenant. Romy ne faisait que son travail, et ainsi exposé elle récoltait un hochement de tête de la part de son interlocutrice qui suffisait à la combler pour le moment. La suivant docilement dans l’appartement, la jeune femme manquait de trébucher sur un jouet en se débarrassant de sa veste, ce qui souleva un sujet de conversation que Romy avait jugé comme étant léger au départ, mais qui se transforma rapidement en une révélation que la petite blonde n’aurait pas soupçonné le moins du monde. Leah Baumann attendait un enfant, et réussissait en prime à être mieux gaulée qu’elle. La nature était vraiment injuste. Une pointe de jalousie plus tard, Romy s’efforçait de la féliciter en prenant son verre d’eau au passage. "Merci. Et... Merci. Ça ne fait que quelques semaines." Sa remarque avait au moins eu le mérite de faire rire la brune qui haussait les épaules ensuite avant de l’entraîner dans le séjour. "Et dans tous les cas, je ne prévois pas de devenir énorme!" Allez savoir pourquoi, la petite blonde sentait qu’il y avait quelque chose d’étrange, non dans ses paroles, mais plutôt dans l’expression de regard de son interlocutrice, comme si … elle était paumée. Est-ce que cette impression avait quelque chose à voir avec l’état dans laquelle elle l’avait trouvé il y a quelques minutes ? Penchant la tête sur le côté, Romy évaluait la situation un instant avant de laisser tomber. Ce n’était pas à elle de se mêler de la vie de cette femme bien que sa curiosité ne la laisserait pas vraiment tranquille. D’ailleurs, tant qu’il était question de choses qui n’avaient rien à faire dans ce genre de conversations, la petite blonde avait laissé s’échapper une information personnelle sans avoir pu réussir à la contenir. L’infidélité de son ex compagnon étant encore bien trop fraîche dans son esprit pour qu’elle puisse s’en défaire. Non, elle n’avait pas d’enfants. Fut un temps où elle en aurait certainement désiré, pour fonder un foyer avec Mr Parfait et leurs trois bambins, mais maintenant … les choses avaient définitivement changé. « Vous avez fait connaissance avec le spécimen "pauvre con qui ne mérite même pas qu'on oui accorde de l'importance"? » Oh. La réponse de Leah la surprit … agréablement. Certes les conditions n’étaient absolument pas réunies pour faire de cette rencontre quelque chose qui ressemblait plus ou moins à une conversation entre copines sur leurs déboires sentimentaux respectifs … mais quelque part, cela rassurait Romy de ne pas se sentir seule. « … pendant quatre ans » soufflait-elle dans un petit sourire sans joie avant de se laisser retomber dans le canapé, acceptant au passage de passer à un tutoiement qui faciliterait leur échange. Suggérant que la petite fille de son compagnon devait se sentir heureuse d’accueillir un nouveau membre dans la famille –toujours dans le but de faire connaissance- Romy ne s’attendait pas le moins du monde à ce que Leah ne réponde : "Heu... Elle en sait encore rien." D’accord. Ce n’était rien après tout ? Peut-être qu’ils attendent de savoir le sexe. Malgré tout, il y avait quelque chose qui semblait clocher. Encore. Cette femme était une énigme à elle seule. Penchant la tête sur le côté, la blondinette attendait une suite qui arriverait sûrement tant son interlocutrice était en proie à une nervosité soudaine. "Je l'ai pas encore dit au papa..." Oh… ah. Fronçant les sourcils, Romy eut besoin de quelques secondes pour comprendre, pour remettre les choses dans l’ordre et faire fonctionner ses cellules grises. « L’espace d’un instant j’aurais pu croire que tu lui préparais une surprise … genre annonce de grossesse avec une mise en scène digne d’un post Instagram » qu’elle énonçait d’une voix neutre, quelques peu gênée par ce tutoiement au début mais ce n’était qu’une question de temps, avant de poursuivre plus doucement. « Mais j’ai pas l’impression que ce soit le cas. Il est de quel genre ce papa ? S’il a déjà une fille il devrait être ravi … normalement l’angoisse de l’annonce c’est pour le premier. Je suis sûre que tu t’en fais pour rien. » Un sourire encourageant au coin des lèvres, la petite blonde tentait d’amorcer le dialogue, de laisser une porte ouverte si la brune désirait parler. Après tout, elle l’avait découverte au bord de la crise de panique après un vol plané sur le trottoir … quelque chose devait clocher, sa curiosité en devenait presque légitime.