Si son installation dans l'appartement de Leah était passée de provisoire à définitive à mesure que leur relation était passée d'amicale à sentimentale, Stephen n'avait pas pour autant abandonné le projet de redevenir propriétaire dès lors que leur histoire se serait stabilisée et qu'il serait certain que sa fille vivrait avec lui -ne serait ce que quelques jours par mois- ce qui était le cas maintenant. La location n'avait jamais été une chose qu'il appréciait, encore moins dans ce quartier de la ville, et bien que le nid douillet de Leah était relativement moderne et confortable, il aspirait à mieux ; pour lui, pour eux, et pour la petite Anabel. L'idée de ne rien avoir à lui le rendait nerveux, et au delà de ce sentiment, Stephen ne s'était jamais véritablement senti chez lui dans ce petit appartement. Si aujourd'hui il souhaitait investir dans une maison située dans un quartier verdoyant loin de l'agitation de Redcliffe, c'était également pour retrouver son propre équilibre. Il en avait parlé à Leah il y a quelques jours déjà, et si au début la pilule avait été difficile à ingérer pour la jeune femme, aujourd'hui elle semblait s'être rangée de son avis, les deux étant arrivés à un compromis. Ou peut être avait elle abdiqué. La brunette avait une dette encore considérable envers lui, alors plutôt que de s'encombrer d'un loyer en sus, elle se contenterait de le rembourser ; ils verraient plus tard pour l'officiel. Cette configuration leur permettait de ne pas trop se mettre la pression alors qu'ils n'étaient en couple que depuis quelques mois, et même s'ils se connaissaient depuis quinze ans, c'était très bien comme ça, plus rassurant pour l'un et l'autre.
Le couple avait déjà visité quelques maisons, toutes dans le périmètre imposé par Stephen mais écartées aussi vite par les critères un brin trop exigeants du trentenaire. Une pièce à vivre lumineuse, une cuisine ouverte, deux chambres et autant de salles de bains, un garage et un jardin sans vis à vis ; le kinésithérapeute avait au moins l'avantage de ne pas trop être tatillon au niveau du budget, car les nerfs de l'agent immobilier qui s'occupait de sa recherche étaient mis à rude épreuve avec ce client ô combien difficile. "Je crois que c'est là. C'est plutôt pas mal déjà, même si la façade est trop moderne pour moi." Un samedi matin ensoleillé d'une grande banalité dans le quartier de Logan City. Stephen venait d'arriver au point de rendez vous convenu avec l'agence, et une fois sa voiture garée, il s'extirpait de son véhicule pour se planter devant la maison qu'ils devaient visiter avec Leah, jetant un coup d'œil critique et minutieux à l'extérieur en attendant de visiter l'intérieur. Le problème ici étant certainement qu'il n'avait rien à redire ; parfaite sous tous les points, sécurisée à l'extrême avec un immense portail ; la maison avait absolument tout pour plaire, mais c'était sans compter l'esprit tatillon du brun. "T'en penses quoi ?" Glissant sa main dans celle de la jeune femme, il tournait le regard vers elle pour récolter sa première impression, mais alors qu'elle s'apprêtait à ouvrir la bouche, un "Aaaah vous voilà ! Alors qu'en pensez vous ? Celle ci je suis sûr que c'est la bonne." interrompit sa compagne. Le type arrivait avec un sourire de façade immense qui fit froncer les sourcils d'un Stephen méfiant par nature. D'un geste du bras il montrait la bâtisse, puis s'avançant encore de quelques pas, agita ses doigts sur un boîtier pour les laisser entrer dans la première cour qui comprenait une allée pavée et de quoi stationner leurs deux véhicules. "On entre par un grand portail protégé par un digicode. Idéal pour votre fillette, j'ai cru comprendre que la sécurité, ça vous tenait à coeur." J'ai cru comprendre que vous étiez parano, aurait sonné exactement de la même façon, et pour toute réaction le brun pressait encore un peu plus la main de Leah dans la sienne. C'était bien qu'elle soit là ; déjà pour lui donner son avis, et ensuite pour lui éviter de commettre un meurtre.
Lorsque Stephen lui avait fait part de son désir de déménagement, Leah ne fut pas vraiment étonnée. Anabel faisait désormais partie de l’équation depuis que sa garde avait en partie été accordée au brun, et cet appartement tout comme ce quartier ne leur convenait plus. Depuis le début, cette colocation était supposée avoir une date de péremption. Le temps pour Stephen de vendre la maison qu’il avait partagée avec Rachel à Toowong, de récupérer un semblant de stabilité et d’obtenir le droit d’avoir sa fille avec lui quelques jours par mois. Bien entendu, à l’époque, Leah ne se serait jamais douté que leur relation prendrait un tournant aussi significatif et que la prochaine étape immobilière de Stephen serait également la sienne. L’idée d’abandonner cet appart lui faisait quelque chose car il avait été le symbole de son renouveau après être sortie de l’hôpital l’année dernière et avait été le lieu de quelques moments forts de sa vie. Mais Leah n’était pas toujours aussi bornée qu’elle n’y paraissait et elle comprenait qu’il leur fallait trouver un espace plus grand, dans un quartier plus adapté. Entre Anabel et Bruley, ils commençaient à donner la nette impression de former une petite famille et cette image frappa la brune avec force. Les choses avançaient rapidement, et même si elle était heureuse avec le kiné, la jeune femme commençait à avoir peur de ne pas être à la hauteur. C’est en partie ce qui l’empêchait d’avouer à Stephen qu’elle attendait un enfant de lui. Car lorsqu’il l’apprendrait, au-delà du fait qu’il allait partir en vrille, il allait lui demander ce qu’elle comptait faire. Et là… Elle ne saurait tout simplement pas quoi lui répondre. Bien entendu qu’elle voulait fonder elle aussi une famille, mais était-ce réellement le bon moment ? Cela faisait seulement quelques mois qu’ils étaient ensemble et on ne pouvait pas dire que leur relation avait toujours été au beau fixe tant leurs passés respectifs avaient tendance à prendre le pas sur le présent. Et puis, était-elle prête à voir toute sa vie chamboulée ? Elle récupérait seulement un peu de stabilité, et un enfant mettrait tout ça en péril. D’un autre côté, elle ne savait pas si elle serait capable de mettre fin à sa grossesse, car cela allait à l’encontre de tous ses principes. En conclusion, la brune était complètement perdue, et plus elle réfléchissait à la situation, plus celle-ci devenait floue. Elle avait accepté sans trop batailler et laissé le soin à Stephen de lancer les démarches auprès d’une agence immobilière. Après tout, elle n’avait absolument pas les moyens de participer à cet achat avec lui. Elle lui devait encore une somme astronomique et ils s’étaient mis d’accord sur le fait qu’elle le rembourserait tous les mois, comme si elle participait au loyer d’une certaine façon. Ce deal lui convenait pour l’instant, du moment qu’il ne lui suggérait pas de ne pas sortir le moindre sous de sa poche comme il avait tendance à le faire. Comme à son habitude, le kiné avait sorti une liste d’exigences dont lui seul avait le secret, et Leah obtempéra à chacune d’entre elles. Si ça n’avait été que pour elle, la jeune femme ce serait contentée de bien moins. Mais Stephen avait les possibilités de s’offrir ce qu’il voulait, il était donc normal qu’il se montre tatillon sur certains points. Ils avaient la même vision du genre de style qu’ils voulaient, ce qui était déjà un très bon point. Car si la brunette n’achetait pas avec lui, elle avait tout de même son mot à dire sur leur futur nid douillet. Une fois d’accord sur tous ces principes – afin de ne pas régler un éventuel différent en pleine visite – le couple s’était lancé dans une recherche active dans le quartier de Logan City. Leah connaissait bien l’endroit puisqu’elle s’y rendait plusieurs fois par semaine afin d’y pratiquer son sport – activité qu’elle avait toujours fait de manière assidue. De plus, ils se rapprochaient de la plage, ce qui était tout benef’ à ses yeux. "Je crois que c'est là. C'est plutôt pas mal déjà, même si la façade est trop moderne pour moi." La voiture garée, la brune retira ses lunettes de soleil pour analyser à son tour l’imposante bâtisse qui s’élevait devant eux. Moderne, c’était le cas de le dire. Mais si Stephen était légèrement réticent face à la façade, ça n’était pas son cas à elle. Au contraire, elle adorait. Même si de l’extérieur, la maison avait l’air énorme. "T'en penses quoi ?" La main du brun vint se glisser dans la sienne et le cœur de la brune se serra. Il la faisait fondre, il la rendait heureuse et elle, elle lui mentait. T’assures Leah. Se tournant vers lui avec un petit sourire, elle s’apprêta à répondre avant de se faire interrompre par l’arrivée tonitruante de leur agent immobilier. "Aaaah vous voilà ! Alors qu'en pensez-vous ? Celle ci je suis sûr que c'est la bonne." La jeune femme avait toujours détesté ce genre d’agent, exagérant toujours la réalité afin de vendre. Mais ils étaient obligés de passer par là s’ils voulaient gagner du temps. Stephen était déjà suffisamment occupé avec son cabinet, et elle… Elle n’y connaissait rien du tout. "On entre par un grand portail protégé par un digicode. Idéal pour votre fillette, j'ai cru comprendre que la sécurité, ça vous tenait à coeur." Cette dernière phrase fit tiquer la brune qui tourna immédiatement la tête vers le kiné tandis que celui-ci serrait un peu plus fort sa main. « C’est bien que vous l’ayez compris cette fois-ci. » Lança-t-elle simplement, faisant référence à leur précédente visite où le dit-agent leur avait fait visiter une maison située au bord d’une grand route et à proximité d’un centre de réinsertion pour criminels. Niveau sécurité, on avait connu mieux. Sa remarque eut au moins le mérite de faire redescendre un peu, il se contenta d’ouvrir le portail en marmonnant dans sa barbe. Sourire aux lèvres, la brune observa Stephen avant de lui souffler un « Elle a l’air très belle. Et immense. On pourrait caser cinq Anabel et deux Bruley dans une maison comme celle-ci. » Lança-t-elle tout en suivant l’agent qui prenait la direction de la porte d’entrée, soulignant au passage que la maison avait été construire sur une assez grande parcelle de terrain. « Le jardin est un peu plus grand ce que vous vouliez, mais c’est idéal pour y faire jouer votre fille et peut-être un futur enfant ? Enfin vous verrez plus tard, venez, entrez. » Ajouta-t-il avec un sourire engageant, leur ouvrant le passage vers le hall d’entrée. Leah pâlit légèrement et décida de ne pas rebondir sur cette remarque. Ces vautours de l’immobilier avaient tendance à se projeter plus vite que leurs clients eux-mêmes, et la brune leva les yeux au ciel face à l’inconfort de la situation. Elle laissa enfin son regard se poser sur les alentours et son visage se détendit instantanément. Curieuse, elle tira la main de Stephen afin de l’emmener contempler le séjour et un sourire étendit ses lèvres. Ce dernier était spacieux, lumineux, et donnait sur le fameux jardin prêt à accueillir une ribambelle d’enfants si on en croyait le jeune agent immobilier. Elle se tourna vers le kiné avec des étoiles dans les yeux : difficile de ne pas deviner son avis sur ce qu’elle voyait. « C’est parfait. » Murmura-t-elle, de sorte que le jeune homme qui les faisait visiter ne puisse l’entendre. Elle ne voulait pas lui donner des armes supplémentaires pour gonfler un prix qui devait sans doute déjà être exorbitant. Et encore, ils n’en étaient qu’au rez-de-chaussée. La brune pouvait aisément s'imaginer évoluer dans cet espace, mais elle n'avait de toute façon pas le dernier mot à donner sur ce sujet.
Ce second achat rendait le brun nerveux. Sa nature y était pour beaucoup -il stressait pour absolument tout, et pour un investissement pareil encore plus-, mais sa situation particulière de père d'adoption veuf à moitié casé n'arrangeait rien à l'agencement de ses pensées.Quand Rachel et lui avaient acheté leur maison bourrée de travaux et bien plus petite que celle que Leah et lui s'apprêtaient à visiter aujourd'hui, Stephen avait des rêves plein la tête. Il s'était senti capable d'à peu près tout ; de mener à bien la réfection d'un plancher et la création de cloisons pour une éventuelle quatrième chambre qui logerait leur ribambelle d'enfants, mais aujourd'hui l'irlandais se trouvait bien loin de cet état d'esprit. Il n'aspirait qu'à mener une vie simple entre Anabel, Leah ... et Bruley, la boule de poils à laquelle il s'était finalement fait. Devant l'immensité de cette maison ci, Stephen ne savait pas quoi penser. Il n'avait rien à redire. Les murs semblaient sains, le quartier était bien fréquenté et proche de l'école de sa fille, le terrain était clôturé de toute part, sécurisé par un système au point... tout était bien trop parfait. Son regard se tournait d'instinct vers Leah à qui il demandait de lui donner son avis, mais rapidement interrompu par l'agent immobilier, il n'obtint pas de réponse, plutôt un discours horriblement déplacé de ce nouveau venu. « C’est bien que vous l’ayez compris cette fois-ci. » Une rapide intervention de Leah visant à faire redescendre le type plus tard, et c'est un Stephen un peu plus calme qui passa le portail, les doigts de la jeune femme noués aux siens d'un geste tendre. Il appréciait que la brunette donnait son avis, qu'elle recadrait l'arrogance de l'agent immobilier comme elle le faisait. Elle prenait ses marques dans la nouveauté de leur relation, et cette situation assez inhabituelle ne déséquilibrait pas leur couple. C'avait été sa plus grande crainte dans ce nouveau projet, mais pour le moment tout allait bien. « Elle a l’air très belle. Et immense. On pourrait caser cinq Anabel et deux Bruley dans une maison comme celle-ci. » Un sourire aux lèvres, la jeune femme avait remonté le menton vers un Stephen qui n'avait pas su s'empêcher de virer au blanc. Sa mâchoire s'était presque affaissée, il balbutiait un : "Non, plus aucun autre Bruley. Et pas plus d'une Anabel. Ou deux. A la rigueur." Mais pas maintenant ; ironie quand tu nous tiens. « Le jardin est un peu plus grand ce que vous vouliez, mais c’est idéal pour y faire jouer votre fille et peut-être un futur enfant ? Enfin vous verrez plus tard, venez, entrez. » Oh seigneur. Cette visite braquerait Stephen en bien moins de temps que d'ordinaire si cet homme continuait d'ouvrir la bouche. A nouveau son mécontentement se trahissait par ses doigts qu'il pressait un peu plus fort contre les siens. Leah le comprenait, elle savait ce qu'il ressentait. Stephen s'estimait heureux de l'avoir à ses côtés alors qu'ils franchissaient le seuil de cette porte, car devant eux tout était parfait, et qu'il ne savait pas encore qui de sa raison ou de sa panique habituelle il devait écouter. Des murs blancs et neutres, une luminosité incomparable ; la pièce de vie se découpait entre un coin cuisine à la pointe de la modernité et un salon / salle à manger baigné de lumière par de grandes baies vitrées. « C’est parfait. » Leah murmurait à ses côtés, et lui se radoucissait aussitôt. La petite brune était son point de repère dans cette visite haute en émotions contradictoires, même s'il ne le dirait pas à voix haute. Silencieux, Stephen avançait dans l'espace sans trop savoir s'il pouvait réussir à se sentir chez lui dans un environnement si contemporain. "On est à une expo.." "Vous pouvez nous laisser ? S'il vous plaît. Je suis sûr que vous faites bien votre travail, mais on a besoin d'être seuls pour visiter. Notre vie de famille est encore assez nouvelle et on a notre façon de se projeter." Lorsqu'il était question de se livrer, Stephen ne passait pas par quatre chemin. Avec toute la diplomatie qui était la sienne -c'est à dire peu- il congédiait l'homme pour arpenter la pièce de vie sans avoir à se soucier des commentaires déplaisants qui le braqueraient sans l'ombre d'un doute. "C'est tellement nouveau pour moi. Et déjà assez stressant de faire ça avec toi alors qu'on est ensemble depuis six mois à peine. On est pas des clients lambdas." qu'il soufflait une fois certain de ne pas être entendu par quelqu'un d'autre que par Leah. Désormais dans la cuisine, Stephen se surprenait à ouvrir les placards, à jeter un œil au mobilier alors même qu'il ne cuisinait jamais. Sûrement la preuve inconsciente qu'il se projetait, car jusque là il n'avait encore rien touché de toutes les visites qu'ils avaient pu faire. "... et je sais qu'il y a trois chambres ici. C'est tellement désagréable quand ils se mêlent de notre vie privée. Ça me gêne vraiment vis à vis de toi. Il n'y aurait plus manqué que Rebecca revienne en pleurant comme à la maternité pour nous implorer d'engendrer un cousin à Thomas." Souvenir ô combien traumatisant, mais qui lui apparaissait pourtant comme des flashs encore et encore à chaque visite. A croire que la vie avec une fillette de six ans n'était pas assez animée.
Lorsque l'idée de quitter l'appartement avait fait son chemin dans l'esprit de Stephen, la brunette fut légèrement décontenancée, bien que préparée à ce que le sujet arrive un jour sur le tapis. Sa seule vraie crainte demeurait dans le fait qu'elle n'était pas Rachel, et qu'elle espérait que le kiné ne désire par reproduire un achat tel que leur maison de Toowong. Non pas que les travaux lui fassent réellement peur - Leah était sans doute bien plus manuelle que certains hommes - mais elle s'était habituée au confort tout relatif que lui avait offert son appart ces derniers mois. Elle ne s'était jamais projetée dans une maison comme celle de ses parents et ne désirait pas être enfermée dans ce modèle de la petite famille australienne. Mais à son grand étonnement, Stephen l'avait rejoint sur ce sujet. Ses critères de recherche étaient similaires à ceux qu'elle aurait sans doute donné si elle-même s'était mise en quête d'une maison pour elle. Sauf que le brun avait légèrement donné dans la démesure, comme à son habitude. La sécurité était importante, certes, mais ses exigences donnaient l'impression qu'ils n'allaient pas tarder à visiter de véritables forteresses. Ne manquait plus qu'une horde de gardes du corps en stand-by 24h/24 et la boucle serait bouclée. Leah exagérait sans doute un peu car au final, cela la faisait sourire et surtout, l'attendrissait. Cet instinct protecteur qu'il avait envers Anabel était admirable. Et la maison qui se dressait aujourd'hui devant eux semblait correspondre en tout point aux attentes du couple. Si l'agent savait qu'ils vivaient actuellement dans un appartement à Redcliffe, il tomberait probablement des nues. Mais pour l'instant, le dit agent - bien que légèrement calmé - continuait sur sa lancée en s'avançant et en parlant à la place du jeune couple, dont la patience s'étiolait au fur et à mesure des secondes. Tentant d'en faire abstraction, Leah donna finalement un avis positif au brun, ne pouvant s'empêcher d'ajouter que cette maison pouvait aisément contenir plusieurs exemplaires de certains membres de la famille. Cette remarque déclencha une réaction typique chez le kiné, qui oscillait entre balbutiements et début de crise cardiaque: "Non, plus aucun autre Bruley. Et pas plus d'une Anabel. Ou deux. A la rigueur." Le coeur de la brune se serra à la fin de sa phrase. Ou deux, à la rigueur? S'il savait mon dieu. Tentant vainement de ne pas perdre son sourire, la jeune femme serra d'instinct la main qui tenait la sienne, à la fois dans un geste rassurant mais aussi par affection. Au plus elle se sentait coupable à son égard, au plus elle avait besoin de se sentir proche de lui. Comme pour se rassurer sur le fait que lorsqu'il apprendrait la vérité, il serait toujours là. En colère, mais toujours là. "A la rigueur..." Commença la brunette, comme si l'occasion était trop belle d'aborder le sujet sans éveiller les soupçons d'un Stephen déjà tendu au maximum. Mais une tierce personne se sentit obligée elle aussi de lancer l'idée, à croire que tout le monde aujourd'hui semblait avoir l'intuition de ce qu'il se passait réellement dans le ventre de la plus jeune des Baumann. Blasée, Leah s'abstint à nouveau de relever et préféra se concentrer sur la pièce de vie. On aurait dit qu'ils évoluaient dans la page d'un magazine de déco tant tout était parfait. L'aspect était plutôt froid, mais la brune savait très bien que quelques touches de couleurs ci et là suffiraient à réchauffer l'ensemble. Et puis, le duo Bruley/Anabel avait de quoi donner vie à n'importe quel lieu à l'apparence un peu austère, c'était un fait certain. Des étoiles dans les yeux, la jeune femme croisa le regard de Stephen pour lui murmurer à quel point l'endroit semblait parfait. Cette remarque eut l'air de lui faire plaisir tandis que lui aussi inspectait cette pièce d'un air inquisiteur. "On est à une expo.." "Vous pouvez nous laisser ? S'il vous plaît. Je suis sûr que vous faites bien votre travail, mais on a besoin d'être seuls pour visiter. Notre vie de famille est encore assez nouvelle et on a notre façon de se projeter." Ca y est, le brun avait perdu patience. Leah n'était pas étonnée, au contraire, elle aurait pensé entendre cette réaction un peu plus tôt, au moment où l'agent avait décrété que le jardin était parfait pour leur futur enfant. Décontenancé, le jeune homme hésita quelques secondes entre rire ou prendre la remarque au sérieux. Heureusement pour son bien-être, il opta pour la deuxième solution et disparu de leur champ de vision tout en composant un numéro - sans doute celui de l'agence afin de se plaindre de ces deux clients particulièrement difficiles. Amusée, la brune se tourna vers un Stephen aux sourcils froncés. "Ca y est, tu l'as fais fuir. Maintenant t'as intérêt d'acheter la maison car on sera d'office blacklisté pour les suivantes." Lança-t-elle simplement, sur un ton sérieux qui était cependant démenti par la lueur amusée qui dansait dans ses prunelles. "C'est tellement nouveau pour moi. Et déjà assez stressant de faire ça avec toi alors qu'on est ensemble depuis six mois à peine. On est pas des clients lambdas." Leah hocha simplement la tête, l'observant détailler chaque armoire de cette cuisine tout en se disant mentalement qu'ils ne cuisinaient jamais. "A qui le dis-tu... Si je pensais me retrouver dans cette situation le soir où tu es venu frapper à ma porte et qu'on a décidé de se mettre en colocation...." Souffla-t-elle avec un sourire en coin, se remémorant sans peine cette soirée. Ou en tout cas le début de celle-ci, la façon dont elle s'était terminée demeurait un peu floue. De l'eau avait effectivement coulé sous les points depuis ce soir-là et voilà qu'ils visitaient des maisons dans l'idée d'acheter. Même si, dans les formes, c'est Stephen qui achèterait seul. "... et je sais qu'il y a trois chambres ici. C'est tellement désagréable quand ils se mêlent de notre vie privée. Ça me gêne vraiment vis à vis de toi. Il n'y aurait plus manqué que Rebecca revienne en pleurant comme à la maternité pour nous implorer d'engendrer un cousin à Thomas." Leah était de plus en plus persuadée que quelqu'un là haut s'amusait à jouer avec ses nerfs. Le sujet des bébés n'était jamais autant revenu sur le tapis que depuis qu'elle était tombée enceinte et qu'elle n'arrivait pas à se persuader de l'annoncer à son compagnon, à croire que le destin se jouait d'elle. Comme si la situation n'était déjà pas assez difficile à gérer sans ça. "Ce... Ce n'est rien." Balbutia-t-elle simplement. Elle n'avait jamais été des plus douées pour mentir et elle commençait vraiment à perdre ses moyens face à tout ça. Reprenant ses esprits de manière à continuer de donner le change, elle s'approcha doucement du kiné qui visitait la cuisine avec un intérêt insoupçonné. "Une troisième chambre ça peut toujours servir." Lança-t-elle en pesant ses mots. Elle ne voulait pas lui dire de but en blanc que l'hypothèse d'un bébé était présente dans son esprit, mais glisser sur cette conversation lui permettrait au moins d'avoir une idée de quelle pourrait être sa réaction quand elle lui dirait. Même si elle se doutait déjà de ce que ça allait donner, elle n'était pas dupe. Il était paniqué à l'idée d'acheter une maison avec elle, même si elle n'aurait rien à voir avec cet achat d'un point de vue officiel, cela représentait tout de même une étape dans leur vie de couple. Alors, un enfant? Si elle lui disait, là maintenant, nul doute que le brun allait faire une syncope dans la minute.
En l’espace de trois ans, Stephen était passé du type pour qui les travaux étaient une aubaine, prêt à mettre les mains dans la peinture et le ciment, à celui qu’il était aujourd’hui ; control freak, adepte des systèmes de sécurité et des travaux réalisés par des professionnels. Anabel et sa maladresse grandissaient, et lui prenait sa paternité d’adoption à cœur. Entre l’encadrement du terrain obligatoire et un système d’alarme au point, ses critères de vie étaient désormais froids. L’avantage étant que cette austérité désirée l’amenait dans des maisons aux allures modernes et sobres qui plaisaient à Leah, et qui avaient finies par lui plaire aussi tant elles ne lui rappelaient pas la fin tragique de son mariage. Même s’il était seul à acheter, la petite brune déposerait le préavis de l’appartement qu’ils partageaient à Redcliffe pour venir vivre à ses côtés. Ils étaient deux dans cette histoire, et quelque part Leah avait son mot à dire sur sa localisation et l’agencement de leur futur cocon. Jusqu’à maintenant la bâtisse semblait lui plaire ; elle avait souri face à son architecture, et ce sourire ne s’était pas envolé une fois à l’intérieur. En faisant abstraction des remarques de l’agent immobilier, les deux pénétraient dans une pièce de vie dont la lumière inondait l’espace au travers de larges baies vitrées qui réchauffaient l’atmosphère somme toute assez froide amenée par le sol carrelé dont il envisagerait sérieusement d’y installer du parquet si leur choix se portait sur cette maison. "A la rigueur..." Il relevait à peine la remarque de sa compagne, bien trop absorbé par l’inventaire que menaient ses yeux. Tout ici était bien trop parfait … et impersonnel. Il peinait à se projeter, et ce n’était pas avec les interventions de l’agent immobilier que la situation s’arrangerait. A court de patience, Stephen l’avait congédié après ce qu’il considérait avoir été comme « la remarque de trop ». C’était un comportement assez normal chez cet homme qui ne se perdait jamais en courtoisies ; chez lui tout était blanc ou noir, et en l’occurrence ici, c’était noir. . "Ca y est, tu l'as fait fuir. Maintenant t'as intérêt d'acheter la maison car on sera d'office blacklisté pour les suivantes." Un rictus lui naissait au coin des lèvres. Leah avait beau avoir l’air sérieuse, en remontant le regard vers elle il voyait bien que ce n’était pas du tout le cas. Stephen avait souvent peur d’être trop direct, trop psychorigide. Il avait conscience que sa nature n’était pas un cadeau, mais étonnamment, la brune s’y accommodait là où d’autres auraient pu lui demander de s’adoucir. « Vu la commission qu’il touchera il prendra son mal en patience. » qu’il concluait simplement en se rendant dans la cuisine pour l’inspecter brièvement, chose ô combien inutile. Être à l’écart lui permettait aussi d’aborder des sujets nouveaux, comme cette fameuse troisième chambre qui l’avait aussi poussé à faire taire l’agent avant de grimper à l’étage. "A qui le dis-tu... Si je pensais me retrouver dans cette situation le soir où tu es venu frapper à ma porte et qu'on a décidé de se mettre en colocation...." Leah n’aurait pas pu trouver de mots plus justes pour évoquer ce coup du destin. Il lui semblait s’être écoulé un monde entre le moment où elle s’était présentée à son cabinet un an et demi plus tôt, et aujourd’hui où ils s’installaient ensemble, refaisaient leur vie l’un avec l’autre. Ils avaient fait un bout de chemin ensemble, et Stephen s’autorisait enfin à l’avouer : Leah avait beau être différente de lui sur un nombre incalculable de points, ils se comprenaient toujours ou presque. « J’avais besoin d’être avec toi à ce moment-là. Et maintenant je peux te l’avouer je déteste ton appartement. » Il fit quelques pas pour enlacer sa taille, déposer rapidement un baiser sur son front pour se faire pardonner ses paroles qu’il avait lancées avec amusement, puis glissait sa main dans la sienne pour prendre la direction de l’étage duquel on accédait par un escalier en colimaçon sûrement très joli, mais qui ne l’enchantait pas question sécurité. Cette petite contrariété lui permettait d’à peine remarquer les balbutiements de la jeune femme alors qu’il amenait le sujet de la fameuse troisième chambre et de la rapidité avec laquelle des raccourcis pouvaient être faits. Des enfants oui mais pas maintenant, pas alors que son cœur encore écorché peinait à battre normalement dans les bras d’une autre femme que Rachel, même s’il aimait profondément Leah. Ce n’était pas tant la nouveauté de leur histoire que sa capacité monumentale à partir en vrille qui l’inquiétait si un tel évènement se produisait. "Ce... Ce n'est rien. Une troisième chambre ça peut toujours servir." Et il se gardait bien de lui dire qu’il espérait qu’elle ne serve pas de sitôt comme chambre d’enfants. Une fois à l’étage, le coup arrivait sur un palier qui desservait quelques pièces. Stephen prit soin d’ouvrir la première sur sa droite, la main de Leah toujours glissée dans la sienne dans un geste qui le rassurait. Il s’agissait d’une chambre –immense- qui donnait sur le jardin. D’un premier coup d’œil, on devinait qu’elle disposait de sa propre salle de bain et d’un placard gigantesque qui pourrait contenir une bonne partie de son matériel de kiné, mais ça il se gardait bien de le lui dire. Peut-être pouvait-il se servir de cette fameuse chambre pour faire un bureau plutôt que de ruiner le potentiel dressing ? « Je crois que c’est chez nous ici. » qu’il soufflait en s’avançant, contournant le lit pour aller jeter un coup d’œil à la vue qui changeait rigoureusement de celle de leur chambre actuelle ; si tant est qu’ils se soient mis d’accord sur l’une d’elles. Alternant entre celle de Leah et la sienne, ni l’un ni l’autre n’arrivait à trouver un accord sur l’officielle, bien qu’ils dorment ensemble depuis leur réconciliation d’après nouvel an. Au moins ici il n’y aurait aucun doute ; cette chambre ils la partageraient ensemble. « Elle a la place pour contenir mon bureau … mais je crois que c’est peut être mieux d’utiliser la troisième chambre. Tu me tuerais si je sacrifiais le dressing ? » qu’il demandait en se tournant vers elle, un demi sourire au coin des lèvres. Stephen avait toujours été du genre à ramener du travail jusque dans son lit, ce qui n’enchantait pas la brune, peu encline à dormir avec le schéma d’une prothèse ; et il la comprenait dans le fond. « ... enfin au moins ce serait l’occasion d’avoir un vrai bureau. Même pour toi, si tu te décides à te lancer dans une formation … d’ailleurs je sais que ça ne te plaît pas, mais Reb cherche quelqu’un. Elle arrive pas à jongler entre son boulot et Thomas. Ça pourrait te lancer dans les ressources humaines et la gestion d’entreprise. C’est ma mère qui lui sert de back up pour le moment. Tu rendrais utile cette troisième chambre Bau. » Stephen lançait ces quelques mots avec amusement, bien qu’il était tout à fait sérieux. Quitte à ce que Leah travaille à nouveau, autant le faire dans un environnement stable aux horaires qui matcheraient avec le sien.
Ils n’avait pas eu l’opportunité de visiter beaucoup de maisons avant celle-ci, les critères de Stephen rétrécissant de manière significative le champ des possibles. Mais cela leur épargnait du temps, et donnait à chaque bien la possibilité d’être sélectionné par le couple. La façade avait immédiatement tapé dans l’œil de Leah qui avait toujours aimé l’architecture moderne. La maison que le iné avait vendue à Toowong était bien éloignée de ce style, et la brune demeurait étonnée par ce tournant à 180° dans les goûts du jeune homme. Elle s’était attendue à de longues discussions, des débats sans fin pour la moindre concession, mais au final tout se mettait en place tout seul, comme par magie. Une aubaine si l’on mettait en lumière leurs caractères relativement opposés. L’intérieur lui plaisait et elle imaginait déjà tout ce qu’elle pourrait apporter afin de rendre le tout plus chaleureux. Les idées fusaient à mesure qu’elle avançait dans la pièce baignée de lumière. La hauteur sous plafond était spectaculaire, ce qui donnait à la pièce un volume vraiment impressionnant. Ce qui était sûr, c’est qu’il ne risquait pas de manquer de place. La brune s’était promis de ne pas s’emballer lorsqu’une maison lui plairait, mais contenir son excitation était un exercice compliqué. Le seul à calmer ses ardeurs, c’était cet agent immobilier qui parlait un peu trop sans réfléchir. Une erreur que Stephen et sa patience légendaire ne laissèrent pas passer puisqu’il lui demanda de les laisser seuls, sur un ton qui ne laissait pas place à la contestation. Amusée, Leah s’empressa de se servir de cet épisode pour sous-entendre qu’il n’avait plus d’autre choix que d’acheter la maison maintenant. Il n’était pas très difficile de lire entre les lignes : elle adorait. Et l’étage n’avait même pas encore été visité, mais la brune avait toujours mis l’accent sur la pièce de vie. Elle était certaine que les pièces de l’étage seraient parfaites. Sa remarque eut au moins le mérite de faire sourire le kiné, toujours plongé dans l’inspection des placards de la cuisine. « Vu la commission qu’il touchera il prendra son mal en patience. » Pas faux. Et puis, la maison vendait ses propres arguments sans que quiconque n’ait besoin de blablater autour pour dire de faire du vent. Les points forts du bien sautaient aux yeux, et cet agent ne faisait que les déranger dans leur visite plus qu’autre chose. La brunette haussa les épaules avec une moue amusée avant de s’appuyer sur le plan de travail immense de l’îlot central de la cuisine, observant le kiné avec douceur. « Tu accordes bien trop d’importance à une cuisine qui sera probablement plus décorative qu’autre chose. » Lança-t-elle sur le ton de la plaisanterie, faisant référence à leurs talents culinaires inexistants. Il était plus aguerri qu’elle en terme de cuisine, mais c’était un mal nécessaire s’il voulait s’éviter un incendie tous les deux jours. Un comble si l’on considérait le métier qu’elle envisageait de faire ensuite. Ils avaient trouvé leurs repères au travers de cette colocation fortuite, ce qui les avait conduits à décider de vivre ensemble même avec ce nouvel achat auquel elle ne participait pas. Cette future étape était à la fois étrange et naturelle en même temps pour ce duo qui avait fait évoluer leur amitié en quelque chose de bien plus fort. Une pensée que Leah évoqua à voix haute, amenant le brun à se diriger vers elle pour l’enlacer. « J’avais besoin d’être avec toi à ce moment-là. Et maintenant je peux te l’avouer je déteste ton appartement. » Un baiser rapide sur son front en gage d’excuse et il attrapa sa main pour qu’ils découvrent ensemble cet étage et la fameuse troisième chambre. Leah fronça le nez avec amusement tandis qu’ils empruntaient l’escalier en colimaçon dont elle était sûre qu’il devait avoir déclenché au moins 3 alertes de sécurité dans l’esprit de Stephen. « Comment ça tu détestes mon appartement ? Je vous trouve bien difficile Monsieur Holloway… Un magnifique appartement situé dans le pittoresque quartier de Redcliffe, pile entre un restaurant chinois et un prêteur sur gage, je ne vois pas ce que vous lui reprochez, vous qui aimez la sécurité… » Lança-t-elle, prenant le ton pompeux employé par l’agent un peu plus tôt lors de la visite. Leah était de bonne humeur, toutes ces perspectives l’emplissaient de joie et elle était ravie de la complicité qui s’était installée entre eux. Peut-être était-ce le bon moment pour enfin lui dire ce qu’elle gardait pour elle depuis bien trop longtemps à son goût. Elle essayait de donner le change, de camoufler l’angoisse qui la tenaillait dès que le sujet s’approchait de près ou de loin de celui des enfants. Main dans la main, ils découvrirent la première pièce du premier étage – et quelle pièce ! La chambre en question était gigantesque, avec une vue magnifique et des aménagements qu’on pouvait qualifier de parfaits. « Je crois que c’est chez nous ici. »Encore une fois, Stephen semblait assez d’accord avec elle. Le cœur de la brune fit un bond dans sa poitrine en entendant ces paroles, réalisant l’ampleur de la situation. Chez eux. Bordel, si elle s’était imaginée ça en entrant pratiquement en moonwalk dans son cabinet l’année dernière. Sourire aux lèvres, Leah observait le brun en se sentant fondre encore un peu plus. Il arrivait à se projeter, à les imaginer poursuivre et construire leur vie ici. « Elle a la place pour contenir mon bureau … mais je crois que c’est peut être mieux d’utiliser la troisième chambre. Tu me tuerais si je sacrifiais le dressing ? » Elle s’approcha de lui afin de s’emparer de ses lèvres avec douceur, avant de se laisser retomber sur ses pieds et de se coller à la vitre pour apprécier la vue à son tour. « Donc si je comprends bien, si je veux dormir sans être entourée de squelettes et de balles en mousses, je dois sacrifier… » La chambre du bébé. « … Le dressing. T’es pas cool Holloway. » Lâcha-t-elle en fronçant à nouveau le nez, davantage contrariée par l’avenir de cette troisième chambre que par le sacrifice du dressing en lui-même. Pas une seule seconde Stephen n’imaginait la possibilité que cette chambre reste tout simplement une chambre. Les choses se précipitaient, l’achat de cette maison n’était pas anodin et le brun n’avait pas toutes les données pour faire son choix. Il fallait qu’elle lui dise. Bouge toi Leah. « Stephen. A propos de la troisième chambre, il faut vraiment que je te parle de… » « ... enfin au moins ce serait l’occasion d’avoir un vrai bureau. Même pour toi, si tu te décides à te lancer dans une formation … d’ailleurs je sais que ça ne te plaît pas, mais Reb cherche quelqu’un. Elle arrive pas à jongler entre son boulot et Thomas. Ça pourrait te lancer dans les ressources humaines et la gestion d’entreprise. C’est ma mère qui lui sert de back up pour le moment. Tu rendrais utile cette troisième chambre Bau. » Coupée dans son élan, la brune resta la bouche à moitié ouverte, le temps que son esprit intègre les informations lancées par le kiné. Le ton amusé, le brun partait dans un petit délire dont lui seul avait le secret. Cette maison l’inspirait, c’était certain. Ressources humaines, gestion d’entreprise… Non. Secouant la tête, Leah attrapa la main de son compagnon et l’enjoignit à s’assoir avec elle sur le rebord du lit. En oubliant complètement ce qu’elle s’apprêtait à lui dire quelques secondes avant, la brune s’apprêta à lâcher la deuxième bombe qu’elle gardait pour elle depuis quelques temps maintenant. « Je me suis inscrite pour intégrer la caserne des pompiers Stephen. » Lança-t-elle dans un souffle. Peu désireuse de le laisser réagir sur le vif, elle reprit immédiatement la parole, histoire de caser quelques explications avant que l’orage ne s’abatte sur elle de manière définitive. « Je t’ai toujours dis que je voulais faire quelque chose d’important, quelque chose qui me donne l’impression d’être utile. Je veux pas rester derrière un bureau, c’est pas moi ça. Au moment où j’ai vu qu’ils recrutaient, je sais pas… J’ai vu ça comme une évidence. » Elle releva les yeux vers lui, guettant une réaction quelconque sur son visage fermé. « J’ai essayé de te le dire au baptême, et puis… Je sais pas. Je suppose que j’avais peur de ta réaction, je sais que c’est pas du tout ce que tu veux pour moi. Que ça peut être dangereux. Qu’on aura de nouveau des horaires différents. Je t’en parle maintenant, mais je sais pas si je serai reprise, je dois passer une batterie de tests… » A mesure qu’elle parlait de tout ça, l’excitation la gagnait. Elle avait besoin de partager ça avec lui, de discuter de ces nouvelles possibilités qui s’offraient à elle. Mais le regard que le kiné lui offrit n’augurait rien de bon, et Leah s’arrêta de parler, laissant place à un silence de plomb.
Peut être savait il déjà que cette maison serait la bonne, et ce depuis le moment même où son regard avait croisé celui du système de sécurité hors pair installé dans toute la bâtisse. Cette inspection des placards ne rimait sans doute à rien, sûrement même, mais elle rassurait le brun qui n'en avait que faire des petites moqueries que Leah lui glissait : « Tu accordes bien trop d’importance à une cuisine qui sera probablement plus décorative qu’autre chose. » Ce qui n'était pas totalement faux. En pivotant, Stephen levait les yeux au ciel pour la forme, puis abandonnait l'idée de poursuivre sa quête d'un quelconque défaut qu'il ne trouverait pas ici ; cet espace était parfait, tout comme le reste de l'habitat. La cuisine était une affaire réglée, puis comme le soulignait très bien la brunette, ils passaient leur vie à se faire livrer leurs repas. Que leur logement soit à Redcliffe où à Logan City ne changerait pas grand chose tant certaines habitudes avaient la peau dure, même si, il l'avouait enfin, il préférait cent fois se faire livrer ici plutôt que dans leur logement actuel tant leur quartier lui était apparu comme un véritable problème au fil des semaines. « Comment ça tu détestes mon appartement ? Je vous trouve bien difficile Monsieur Holloway… Un magnifique appartement situé dans le pittoresque quartier de Redcliffe, pile entre un restaurant chinois et un prêteur sur gage, je ne vois pas ce que vous lui reprochez, vous qui aimez la sécurité… » Ahah. Pour toute réponse, la main qu'il avait glissée dans la sienne la pressait un peu plus fort, signifiant quelque chose comme : vas y moque toi. Leah avait beau trouver de la ressource pour plaisanter au sujet de sa prétendue névrose en ce qui concerne la sécurité, Stephen fut pourtant ravi de constater qu'elle n'aurait rien à redire tant la chambre dans laquelle ils pénétraient maintenant remplissait absolument tous les critères d'un coup de cœur en bonne et due forme ; cette maison était une véritable pépite dont chaque pièce avait son lot de petits trésors. Une vue splendide, un espace confortable.. Stephen s'y projetait déjà, et c'était un fait assez rare chez cet homme d'ordinaire tout en retenue. Qu'il imagine placer son précieux attirail de travail quelque part était le signe qu'il désirait y vivre. « Donc si je comprends bien, si je veux dormir sans être entourée de squelettes et de balles en mousses, je dois sacrifier… Le dressing. T’es pas cool Holloway. » Il remarquait à peine son nez se retrousser, et percevait à peine son : « Stephen. A propos de la troisième chambre, il faut vraiment que je te parle de… » tant il se perdait dans l'exploration des lieux. Salle d'eau fonctionnelle, branchements TV et internet ... tout était bien trop parfait, si bien qu'il faisait un bon dans le futur, se projetant même au delà des murs de la bâtisse en évoquant une possible collaboration entre l'entreprise de sa famille et la petite dernière des Baumann, mais ce sentiment n'était pas partagé. Ou du moins pas de la même façon. Secouant la tête à la négative, Leah lui prit la main en l'entraînant au coin d'un lit qui n'était plus le leur soudainement, et gâchait son entrain en larguant ce qui était perçu comme un véritable coup de massue : « Je me suis inscrite pour intégrer la caserne des pompiers Stephen. » Hein ? Les mots tournaient dans sa tête, mais n'avaient pas de véritable sens. Elle avait fait quoi ? Et depuis quand ? D'instinct sa main quittait la sienne pour venir reprendre sa place sur sa cuisse, et ce qu'elle dit ensuite le fit se relever d'un bond : « Je t’ai toujours dis que je voulais faire quelque chose d’important, quelque chose qui me donne l’impression d’être utile. Je veux pas rester derrière un bureau, c’est pas moi ça. Au moment où j’ai vu qu’ils recrutaient, je sais pas… J’ai vu ça comme une évidence. » Ses yeux avaient beau chercher les siens, c'est face à un mur que Leah se confrontait maintenant. Les pompiers ? Elle voulait faire carrière chez les pompiers ? C'était une blague ? « J’ai essayé de te le dire au baptême, et puis… Je sais pas. Je suppose que j’avais peur de ta réaction, je sais que c’est pas du tout ce que tu veux pour moi. Que ça peut être dangereux. Qu’on aura de nouveau des horaires différents. Je t’en parle maintenant, mais je sais pas si je serai reprise, je dois passer une batterie de tests… » et voilà qu'il devenait le grand méchant loup. Faisant les cent pas dans cette chambre qui avait perdu tout son attrait, le brun évitait ostensiblement de croiser le regard de la jeune femme, tentant de mettre de l'ordre dans ses idées, puis finalement c'était un rire nerveux qui se fit émettre avant toute autre chose. Il était sonné, c'était tout son équilibre qui se remettait en question avec une phrase qu'il jugeait aussi stupide. Si autant il ne connaissait pas cet univers, mais des pompiers il en voyait défiler des dizaines à l'hôpital. Il savait plus ou moins comment ils fonctionnaient, et les emmerdes qu'ils rencontraient ; les faits divers avaient tendance à tourner rapidement dans les salles de pause. "Donc si je résume. Tu choisis le moment ou je veux qu'on passe une étape, qu'on s'installe ensemble, pour me dire que t'en as strictement rien à foutre de mon avis." Peut être aurait il mieux fait de laisser quelques secondes de flottement supplémentaires s'interférer entre sa réaction à chaud et sa réponse, mais piqué à vif, Stephen laissait ses mots sortir sans le moindre filtre ou presque. "Et quoi ? Je suis censé dire quoi maintenant que tu t'es inscrite ? Que je te félicite ? Eh bien bravo Leah, tant mieux si t'es prise, t'iras ramasser des clochards alcoolisés pendant tes gardes et éteindre des feux de poubelles si tu trouves ça utile. On se croisera peut être à l'hôpital pendant une pause déjeuner qui sait." qu'il crachait presque en trouvant enfin la force de se tourner vers elle, lui lançant un regard noir ; pas tant de colère que de déception. Il n'était pas un monstre, il aurait pu comprendre qu'elle veuille s'orienter vers le social où le médical. Depuis le début il lui avait fait confiance, et de se rendre compte que la réciproque n'était pas vraie réveillait chez lui quelque chose d'insoupçonné. Désormais c'était un peu trop tard, et il n'avait plus aucune envie d'essayer de se montrer compatissant face à sa réaction. "C'est bien joli ton beau discours mais j'en ai rien à foutre. T'as pas droit de me regarder comme ça en guettant ma réaction et t'imaginer que ce sera positif. T'avais pas trouvé un meilleur moment ? Non ? Remarque au moins c'était parfait maintenant, t'as raison." Bien décidé à couper court à cette visite, le brun se passait une main sur le visage avant de parcourir les quelques mètres qui le séparaient de la porte, se disant vaguement que c'était dommage ; la vue depuis cette pièce aurait été parfaite pour s'y réveiller chaque matin.
C’était bien la première fois que le duo ressentait immédiatement un bon pressentiment concernant une maison sans même avoir terminé de la visiter. Après tout, l’étage était peut-être dans un état proche de l’insalubrité, allez savoir. Tout était magnifique, le genre de bien qu’on aurait pu apercevoir dans une page de magazine de déco. Un rien impersonnel, mais ça Leah comptait bien y remédier s’ils jetaient effectivement leur dévolu sur celle-ci. Une fois la cuisine inspectée en bonne et due forme par Stephen – en dépit du fait qu’ils n’y passeraient pas beaucoup de temps – ils prirent la route de l’étage afin de découvrir ces fameuses chambres. A nouveau, il n’y avait rien à redire, si ce n’est : waouw. Des espaces volumineux, une luminosité parfaite et une vue magnifique… Leah ne savait pas ce qu’ils pouvaient demander de plus et espérait que le brun soit de son avis. Cette visite se déroulait dans une atmosphère propice au calme et à la complicité, mais dans son enthousiasme, le kiné proposa une alternative professionnelle à une Leah qui redescendit en un quart de seconde à peine. Cette idée de bosser avec sa famille aurait été une solution à envisager, si seulement elle n’avait pas déjà pris des dispositions de son côté… Sans lui dire. Lorsqu’elle entendit ses paroles franchir ses lèvres avec bonne humeur, le cœur de la brunette se serra. Elle avait suffisamment gardé de choses pour elle ces derniers temps, et il était vraiment temps de lui faire part de ce qu’elle envisageait de faire. Les mains tremblant légèrement, Leah l’amena à s’assoir auprès d’elle afin de lui avouer qu’elle s’était engagée chez les pompiers. Le fait de ne pas lui annoncer directement lui avait semblé être la meilleure solution sur le moment ; si elle n’était pas prise, ça lui aurait évité une dispute non-nécessaire. Mais elle se voyait mal continuer à garder ça pour elle alors qu’il lui proposait une collaboration avec les Holloway, lui montrant ainsi une nouvelle fois à quel point il tenait à elle. Bosser avec sa famille n’était pas anodin, et elle était persuadée qu’il ne l’aurait pas proposé si facilement à quelqu’un d’autre. Mais ce genre de boulot ne lui correspondait pas ; elle avait besoin d’action, de se sentir utile. Pas de rester assise derrière un bureau toute la sainte journée. Au fur et à mesure de ses explications, Leah réalisa qu’elle avait fait une belle erreur en ne lui disant rien dès le début. La main de Stephen quitta la sienne avec vigueur tandis qu’il se levait d’un bond, arpentant la pièce tout en digérant les informations qu’elle venait de lui fournir. La brune pouvait déjà sentir les larmes lui monter aux yeux, comprenant qu’elle n’allait pas s’en sortir à si bon compte, même si le moment semblait être propice à la révélation qu’elle venait de lui faire. La brunette cherchait à croiser son regard, mais il l’évitait royalement avant de laisser s’échapper un petit rire qui n’augurait rien de bon."Donc si je résume. Tu choisis le moment ou je veux qu'on passe une étape, qu'on s'installe ensemble, pour me dire que t'en as strictement rien à foutre de mon avis." Leah ferma les yeux en soupirant légèrement. « C’est vraiment un gros résumé… » Commença-t-elle, prête à lui expliquer qu’il se trompait sur toute la ligne. Mais ses actions ne donnaient pas vraiment cette impression, elle en était consciente. "Et quoi ? Je suis censé dire quoi maintenant que tu t'es inscrite ? Que je te félicite ? Eh bien bravo Leah, tant mieux si t'es prise, t'iras ramasser des clochards alcoolisés pendant tes gardes et éteindre des feux de poubelles si tu trouves ça utile. On se croisera peut être à l'hôpital pendant une pause déjeuner qui sait." La brune fut pétrifiée par le regard qu’il lui lança. C’était bien la première fois qu’il la regardait de la sorte, et elle n’aimait pas ça. Elle savait pertinemment qu’il n’apprécierait pas vraiment son choix – et c’était la raison pour laquelle elle avait tardé de lui en parler – et qu’il aurait son idée toute faite de ce à quoi ressemblerait son quotidien si elle rejoignait les soldats du feu. « A t’entendre on croirait presque que je veux faire quelque chose de dégradant… » Murmura-t-elle, piquée au vif par sa remarque. "C'est bien joli ton beau discours mais j'en ai rien à foutre. T'as pas droit de me regarder comme ça en guettant ma réaction et t'imaginer que ce sera positif. T'avais pas trouvé un meilleur moment ? Non ? Remarque au moins c'était parfait maintenant, t'as raison." Stephen était passé du calme à la tempête en quelques secondes et lui parlait maintenant sans le moindre filtre, déversant sa rage sur elle avant de se diriger vers la porte sans attendre la moindre de réaction de sa part. Se levant à son tour, elle se précipita à sa suite, peu désireuse de rester plantée là comme une conne. « Je me suis jamais dis que ça serait positif, au contraire je savais que tu le prendrais mal. Je suis désolée, j’aurais dû te le dire directement… Ca fait des mois que je cherche quoi faire Stephen, j’ai enfin trouvé ce qui pourrait me plaire. Désolée si ça tombe mal… »Lança-t-elle dans un geste englobant la maison dans laquelle ils se trouvaient. La brunette savait qu’elle était en tord dans cette histoire, et que la réaction du kiné – bien qu’explosive – était totalement justifiée. C’est pourquoi elle s’efforçait de rester calme en dépit des paroles agressives du brun, et de s’excuser. « Je ne voulais pas te tenir à l’écart de tout ça… J’me suis inscrite sur un coup de tête, en me disant qu’on verrait bien. J’avais pas envie de te blesser. » Sans doute que plus elle parlerait, plus elle empirerait la situation. Mais le connaissant, il allait lui faire subir le sort du silence radio. Autant dire ce qu’elle avait à dire tant qu’il l’écouterait encore.
Pour Stephen, ç’avait été naturel de proposer ce job à Leah tant Rebecca peinait à trouver une personne de confiance pour la seconder depuis la naissance de Thomas ; cette famille avait un tantinet de mal avec le lâcher prise, et si jusqu’à présent c’était Wanda qui s’y collait, cette dernière vivait assez mal de revenir provisoirement de sa retraite pour occuper un emploi de bureau, même pour aider cette nièce qu’elle adorait. Stephen voyait en cette place vacante l’opportunité pour la brunette de reprendre le travail en douceur dans un environnement sain, et il lui aurait proposé cette alternative au chômage qu’ils aient été ensemble ou non, car au-delà de leur couple, la petite dernière des Baumann faisait partie de son entourage depuis toujours, et elle comptait désormais beaucoup. Il savait qu’elle assurerait dans ses tâches, mais aussi et surtout qu’elle en avait assez de se tourner les pouces à la maison. S’ils avaient vaguement parlé d’un bilan de compétences au Cambodge, depuis leur retour les évènements s’étaient enchaînés à une telle vitesse que ni l’un ni l’autre n’avait eu le temps de revenir sur le sujet, du moins c’était naïvement ce qu’il avait cru. Entre le baptême, la garde d’Anabel qui lui avait été accordée provisoirement et l’anniversaire de la fillette qui avait mis les nerfs de tout le monde à rude épreuve ; le brun peinait à sortir la tête hors de l’eau, lui-même ayant le cabinet à faire tourner. Il ne s’était pourtant pas imaginé que la jeune femme ait pu décider d’une telle chose sans lui en toucher deux mots. Les pompiers. Elle voulait se lancer dans une carrière de pompier sans qu’ils en aient discuté. Alors quand elle prit sa main et que ses yeux s’étaient mis à rougir, Stephen avait pris cela comme l’affront de trop. Est-ce qu’elle se foutait de sa gueule ? Il s’était relevé du coin de lit sur lequel elle avait décidé qu’ils s’assoient pour discuter, puis arpentant la chambre, il faisait doucement le deuil d’une visite qui aurait pu se clore d’une façon bien meilleure. Pourquoi ? Pourquoi avait-elle choisi ce moment pour lui annoncer qu’elle allait bousiller 1) leur équilibre et 2) la confiance qu’il lui portait ? Ce n’était pas anodin comme changement de carrière. Leah avait fait ça dans son dos, et c’était la goutte de trop. Il laissait les barrières se baisser et sa rancœur inonder l’espace. Quitte à le faire passer pour un connard sans compassion, autant tenir le rôle. « C’est vraiment un gros résumé… » La jeune femme avait beau essayer de placer quelques réponses, ces dernières n’avaient aucune valeur à ses yeux, alors le brun poursuivait, lui livrait son ressenti, ne récoltant de sa part que quelques murmures : « A t’entendre on croirait presque que je veux faire quelque chose de dégradant… » Un ricanement lui échappait à nouveau. « Non tu veux faire quelque chose qui va impacter notre vie de couple et notre quotidien, et t’as décidé ça sans m’en parler. » Ils n’auraient plus de rythme sur lequel se caler, plus l’équilibre qu’ils avaient réussi à atteindre depuis qu’elle avait quitté le McTavish en janvier dernier. Elle ne lui en avait pas parlé, craignant qu’il ne veuille la mettre sous cloche, mais non, bien sûr que non. Ils vivaient ensemble, partageaient tout ensemble. A moins qu’il ne soit le seul à le faire, et ce constat faisait mal. Préférant partir d’ici plutôt que de la voir lui donner des explications sans doute inutiles, les protégeant l’un et l’autre des paroles un peu trop dures qu’il pourrait avoir, Stephen entreprit de quitter la pièce … et la maison par la même. Cette visite était foutue. Que Leah le suive ou non l’importait peu, après tout elle se gardait bien de prendre des décisions sans lui en parler, elle était donc libre de choisir son moyen de locomotion pour rentrer chez elle. « Je me suis jamais dit que ça serait positif, au contraire je savais que tu le prendrais mal. Je suis désolée, j’aurais dû te le dire directement… Ça fait des mois que je cherche quoi faire Stephen, j’ai enfin trouvé ce qui pourrait me plaire. Désolée si ça tombe mal… » Alors que ses doigts avaient presque atteint la poignée, les paroles de la brune le firent se retourner. Elle englobait la maison d’un geste de la main ; et lui en retour ne pouvait que continuer de se sentir blessé par autant de conneries qu’elle débitait pour l’apaiser, c’était raté. « Je ne voulais pas te tenir à l’écart de tout ça… J’me suis inscrite sur un coup de tête, en me disant qu’on verrait bien. J’avais pas envie de te blesser. » Il se pinçait l’arête du nez, brusquement retourné dans un geste qui traduisait toute son amertume. Ce n’était même plus tant de la colère qu’une immense déception qu’il ressentait. « Tu peux arrêter de me prendre pour un con, hein ? Tu veux quoi Leah ? Ton indépendance ? Être une femme libre et forte ? Fallait obligatoirement que tu choisisses quelque chose qui allait pourrir notre vie à deux sans même qu’on en discute ? Ben vas-y. Mais ce sera sans moi. Je crois pas t'avoir entendue prononcer une seule fois le mot pompier depuis que t'as démissionné, arrête un peu tes conneries. » Son ton était froid, bien trop froid. La brune l’avait tellement déçu en agissant de la sorte, car elle n’avait pas fait qu’y songer à cette carrière, elle avait passé le cap des inscriptions. C’était sans doute ça qui lui faisait le plus mal, car si elle était capable de lui dissimuler quelque chose d’aussi énorme qu’un changement de carrière, elle pourrait lui cacher davantage, et le mensonge par omission n’avait jamais été une base solide pour une relation.. Depuis le début de leur histoire, tout était compliqué, et là c’était beaucoup trop. Si lui n’avait pas réussi à lui en parler tout de suite pour Alfie, pour Jules voire même Alex si l’on poussait les limites, jamais il n’aurait imposé quoi que ce soit à Leah, et surtout pas après avoir décidé de passer le cap d’une installation commune. « Mais t’excuses pas ça tombe très bien. Au moins je sais qu’on risque pas de bâtir quelque chose ensemble si tu me laisses à l’écart de toutes tes décisions. Je pensais quand même que je comptais plus que ça, parce que ton coup de tête comme tu l’appelles, c’est des gardes de vingt-quatre heures, des journées passées à courir partout, des weekends sacrifiés, et moi je suis pas prêt à ça. Non. » qu’il lançait avant de quitter la pièce sans lui laisser l’opportunité de répondre quoique ce soit. Il était bien trop blasé, bien trop froid pour accepter encore une seule de ses justifications qu’il n’écouterait de toute façon pas. « Je vous fait un retour dans la semaine. » De vagues paroles lancées à l’attention de l’agent immobilier –sans doute intrigué par le comportement du couple, mais croyez bien que Stephen s’en fichait- et voilà qu’il abandonnait cette maison pourtant parfaite pour rejoindre sa voiture d’un pas décidé.
Cette visite était loin d’être anodine pour eux, elle concrétisait ce à quoi ils tendaient pour leur couple. Car si en apparence Leah avait l’air de débarquer complètement, elle aspirait à la même chose que lui. Une vie de famille, la maison parfaite… La brune donnait toujours l’impression de prendre les choses à la légère, sans se prendre la tête, mais elle était toujours restée une incorrigible romantique. Un trait de caractère qui avait perdu de sa ferveur à cause des différents traumatismes qu’elle avait pu vivre, mais qui restait bien là. Se donner une chance avec Stephen était un pas qu’elle ne se serait jamais pensé capable de faire, et pourtant. Il avait une liste interminable de défauts, mais elle avait appris à les aimer autant que le reste. Il avait été là pour elle, l’avait aidé à reprendre le dessus quand elle avait eu envie d’abandonner. Il la faisait rire, la rendait folle et elle était bel et bien foutue en ce qui le concernait. Amoureuse, elle était amoureuse de son crush d’adolescente, du meilleur ami de son frère… Et elle était entrain de tout gâcher. Sa façon d’appréhender les pompiers lui avait semblé plutôt logique à l’époque ; s’inscrire, attendre de voir ce que ça donnait, et n’en parler que si les choses devenaient concrètes. Elle savait pertinemment que Stephen n’apprécierait pas cette reconversion : trop dangereux, horaires instables… la liste était longue. Elle n’avait pas vraiment vu l’intérêt de se lancer dans de longs débats et des disputes si dans la finalité, elle n’était même pas reprise. Elle réalisait maintenant qu’elle avait eu faux sur toute la ligne. Le brun se sentait mis de côté, persuadé qu’elle prenait ses réactions sans même le prendre lui, ou leur couple, en considération. C’était faux, ou en tout cas, la jeune femme ne percevait absolument pas les choses de cette façon. A ses yeux, un boulot ne pourrait pas se mettre entre eux. Les horaires, ils avaient déjà fais avec alors qu’elle bossait au MacTavish, il s’en était accommodé. La brunette espérait alors sincèrement qu’il parviendrait à se réjouir pour elle, après tout elle avait mis du temps à trouver sa voie. Mais à peine eut-elle prononcé le mot pompier qu’elle comprit immédiatement qu’elle s’était mis le doigt dans l’œil. Et pas qu’un peu. Le kiné rompit le contact physique à l’instant même où elle lui annonça la nouvelle, se levant d’un bond pour arpenter la pièce. Il était furax. Il ne fallait pas avoir un QI sur-développé pour comprendre que peu importe ce qu’elle pourrait dire maintenant, ça ne servirait à rien. Leah accusait le coup, retenant son instinct impulsif et tentant de garder un ton serein, en dépit de la réaction agressive du brun. « Non tu veux faire quelque chose qui va impacter notre vie de couple et notre quotidien, et t’as décidé ça sans m’en parler. » La jeune femme passa une main sur son visage, ignorant ce qu’elle pouvait dire de plus. Il avait raison de le prendre comme ça, difficile de nier les faits. Elle savait que rien de tout cela ne partait d’une mauvaise intention, mais les explications ne servaient plus à rien à présent. Stephen était dans un état second et s’apprêtait d’ailleurs à quitter la pièce, la laissant assise sur le lit, impuissante. Un dernier élan la poussa tout de même à le suivre, à s’excuser au moins une dernière fois, à fournir un dernier argument pouvant appuyer son comportement… Une tentative pour le calmer qui s’avéra très vite inutile. « Tu peux arrêter de me prendre pour un con, hein ? Tu veux quoi Leah ? Ton indépendance ? Être une femme libre et forte ? Fallait obligatoirement que tu choisisses quelque chose qui allait pourrir notre vie à deux sans même qu’on en discute ? Ben vas-y. Mais ce sera sans moi. Je crois pas t'avoir entendue prononcer une seule fois le mot pompier depuis que t'as démissionné, arrête un peu tes conneries. » Sans lui ? Leah s’appuya contre l’un des meubles, la tête lui tournait. La conversation prenait une tournure encore pire que ce à quoi elle s’attendait. Elle n’en avait jamais discuté avec lui non, mais d’autres personnes de son entourage avait été mis au courant de ce qu’elle s’apprêtait à faire. La brune fut frappée par sa stupidité, son égoïsme. Evidemment qu’il aurait du être la première personne mis au courant, ça avait été le cas depuis qu’ils s’étaient retrouvés, depuis qu’ils avaient réalisés qu’ils ne parviendraient plus à composer l’un sans l’autre. Alors pourquoi, pourquoi s’était-elle abstenue de lui en parler ? La brunette ne parvenait pas elle-même à trouver une réponse satisfaisante, si ce n’est qu’elle avait voulu éviter le scénario qui était exactement entrain de se dérouler en ce moment. Elle avait eu peur qu’il tente de la dissuader, qu’il lui dise qu’il ne voulait pas qu’elle le fasse. Parce qu’à ce moment là, elle aurait probablement été tentée d’abandonner pour lui, de mettre à mal ses principes uniquement pour le satisfaire. Mais Leah s’était juré de ne plus jamais laisser un homme lui dicter sa conduite, et ce leitmotiv l’avait poussée à agir bêtement. A confondre tout. Car il y avait bel et bien une différence entre discuter comme un couple normal de l’avenir, et ne pas laisser son compagnon vous dire quoi faire. Stephen n’était pas Camden. Il fallait qu’elle se rentre ça dans la tête. « Mais t’excuses pas ça tombe très bien. Au moins je sais qu’on risque pas de bâtir quelque chose ensemble si tu me laisses à l’écart de toutes tes décisions. Je pensais quand même que je comptais plus que ça, parce que ton coup de tête comme tu l’appelles, c’est des gardes de vingt-quatre heures, des journées passées à courir partout, des weekends sacrifiés, et moi je suis pas prêt à ça. Non. » Stephen quitta la pièce sur ces dernières paroles, laissant derrière lui une Leah pratiquement au bord du gouffre. Ca n’annonçait rien de bon, le kiné avait utilisé des termes qui laissaient entendre que… qu’il… non. « Je vous fait un retour dans la semaine. » La brune se précipita à sa suite, passant à son tour devant l’agent qui devait définitivement les prendre pour un couple de fous à lier. Elle ne prit même pas la peine de lui dire quoique ce soit, déboulant à l’extérieur, sur les pas du kiné qui ne semblait pas décidé à se retourner ou à continuer cette conversation. Et pourtant, il le fallait. Leah se rendait compte qu’elle avait merdé, qu’elle aurait du lui parler et ne pas laisser ses craintes prendre le dessus sur le reste. Et il était plus que temps de faire table rase de tout ça. La jeune femme n’avait jamais été une grande adepte du foutu pour foutu, mais dans ce cas de figure-ci, on était en plein dedans. Elle n’aurait jamais pensé que les choses iraient si loin, mais il avait toutes les raisons de lui en vouloir. Son silence était un mensonge par omission, et c’était sans aucun doute ce qu’il lui reprochait, au-delà de toutes les conséquences directes que sa décision allait avoir sur leur couple. Elle se devait d’être honnête avec lui, même si il était déjà bien trop tard pour ce qu’elle était sur le point de lui annoncer. Elle était consciente qu’elle allait lui asséner un coup de massue, le coup de grâce même… Mais il le fallait. « Stephen, attends… » Essoufflée – bien plus par ses nerfs qui lâchaient que par un manque de cardio – elle arriva pratiquement à sa hauteur. « … C’est pas tout, je… » Comment lui dire ? Dans tous les scénarios qu’elle s’était imaginé pour lui annoncer, celui-ci était complètement hors compétition. Au beau milieu d’une dispute, dans l’allée de la maison de leurs rêves brisés… Tu fais fort Baumann. « Je suis enceinte. » Lâcha-t-elle simplement, s’arrêtant net et espérant qu’il en fasse autant. Elle aurait aimé dire plus, mais sa gorge était nouée tant ses émotions prenaient le pas sur le reste. Les larmes coulaient sur ses joues sans même qu’elle ne s’en rende compte, tout ce qui lui importait, c’était que Stephen se retourne et qu’elle puisse apercevoir autre chose que de la froideur et de la déception dans son regard. C’était beaucoup d’attentes si l’on prenait en compte la situation dans son ensemble. « Je suis désolée. » Je ne savais pas comment te le dire, ce n’était jamais le bon moment, je ne sais pas quoi faire, je suis perdue… Autant de paroles qui restèrent en travers de sa gorge, tandis qu’elle restait paralysée, en attente d’une réaction, n’importe laquelle.
Si Stephen ne s'était pas imaginé se trouver face à une Leah sautant de joie à l'idée de travailler pour sa famille -après tout, il jouait déjà un rôle assez conséquent dans sa vie après l'avoir sauvée de la banqueroute à Noël dernier- le brun n'avait pourtant pas envisagé un seul instant que la petite dernière des Baumann puisse lui annoncer s'être inscrite pour épaissir les rangs de la caserne après une proposition si lourde de sens pour lui. Accepter ce job aurait signifié faire un pas de plus dans leur vie de couple, et si Stephen pouvait comprendre qu'elle veuille prendre son temps ... il n'expliquait pas qu'elle ait choisi de s'engager sur une voie si particulière sans même lui en faire part. Ce n'était pas un acte anodin, et si cela traduisait une prise de conscience professionnelle chez la jeune femme, lui n'y voyait là qu'un manque de confiance ... et un pied de nez face à tous ces compromis qu'il avait fait pour être avec elle. Leur couple tendait encore un équilibre précaire entre leurs caractères rigoureusement opposés et leurs tempéraments faits de feu et de glace. Ils avançaient par étape -du moins c'était ce qu'il semblait au brun - et aujourd'hui aurait du en être une de plus avec la visite de cette maison qui rassemblait tous leurs critères- alors cette annonce faisant office de coup de massue, Stephen ne la comprenait pas. Par automatisme, il s'était relevé du bord de ce lit sur lequel elle les avait fait s'asseoir, comme si faire quelques pas pouvait l'aider à ordonner ses idées ; en vain. Ce n'était pas comme si ce choix qu'avait fait Leah était grave, il n'y avait rien de mal à trouver sa voie, mais la jeune femme l'avait délibérément mis à l'écart. Elle l'avait laissé de côté pour prendre cette décision importante pour elle, pour eux dans la mesure ou elle bouleverserait leur quotidien, et ça Stephen ne l'avait pas supporté. Pour lui qui tâchait de faire taire ses névroses, qui l'avait incorporée dans la vie de sa fille et qui lui avait présenté les personnes qui lui étaient les plus chères ; avoir été relégué au second plan n'avait pas été acceptable. Il avait à peine été réceptif à ses silences, à ses regards emplis de crainte qu'il percevait tout juste tant la colère obstruait son bon sens, puis après avoir livré des paroles qu'il ne pensait pas, c'était d'un pas décidé qu'il quittait l'endroit, adressant de vagues paroles à l'agent immobilier resté au rez de chaussée. « Stephen, attends… » Désormais arrivé à quelques mètres de sa voiture, le brun aurait sans doute ignoré la jeune femme si un « … C’est pas tout, je… » ne l'avait pas fait ralentir. Et quoi hein ? Il y avait pire ? Elle allait lui annoncer vouloir déménager à Sydney ? Lui dire que sa formation se ferait à l'autre bout du pays ? Que .. « .. Je suis enceinte. » .. que QUOI ? Les secondes qui suivaient s'étaient écoulées à une vitesse folle, et si sur le moment Stephen pensait à une plaisanterie, une tentative désespérée de la part de Leah, voire même un électrochoc pour le faire rester auprès d'elle et poursuivre cette discussion, il dut rapidement se rendre compte que ce n'était pas le cas. A en juger par le timbre de sa voix, et par les sanglots étranglés qui succédaient cette révélation, Stephen sentait que la brune ne mentait pas, et c'était tout son monde qui s'écroulait. « Je suis désolée. » La gorge nouée, Leah semblait avoir eu un mal fou à lui livrer ces trois mots ... et c'est en se pinçant l'arrête du nez qu'il trouva enfin la force de se tourner pour lui faire face ; il était terrifié. "Tu te fous de moi." soufflait il avec colère, se rendant compte que ses paroles pouvaient être interprétées au sens propre comme au figuré. " ... on va" Non, pas "on va", on devait avoir un bébé. Le cheminement était clair ainsi énoncé ; Leah s'engageait chez les pompiers, elle ne garderait pas cet enfant. Une grossesse n'était pas compatible avec un entraînement physique de ce genre, alors maintenant l'évidence le frappait douloureusement ; au delà du choc. Quelque part la jeune femme avait sans doute eu raison de lui annoncer ses intentions avant qu'ils ne se décident sur leur futur lieu de résidence, et sûrement que ce petit pois redistribuait les charges. " ... et quoi ? C'est quoi la suite ? Quelle décision est ce que tu as prise pour nous deux encore une fois hein ?" Sa voix s'était brisée au beau milieu de sa phrase tandis que de son index relevé, il la désignait, presque avec mépris.
En l’espace de quelques minutes à peine, le monde de la jeune femme s’écroulait. Ce qui avait commencé comme une visite emplie de bonne humeur et de complicité s’était mué en un règlement de comptes sur fond de révélations trop longtemps restées secrètes. En dépit des circonstances, une part de la brune se sentait soulagée. Cela faisait des semaines qu’elle gardait ça pour elle, sa grossesse et sa décision d’intégrer les pompiers, de trop lourds secrets pour une Leah qui se sentait de plus en plus écrasée par le poids de la culpabilité et par la peur. Tout arrivait trop vite, tout se mélangeait et elle ne parvenait même pas à se poser pour en discuter avec la personne la plus importante de sa vie, l’acteur principal de cette relation et par conséquent, le principal intéressé concernant toutes ces décisions. Pour Leah, cette grossesse n’aurait pas pu tomber à un pire moment. La brunette s’était toujours imaginé fonder une famille plus tard, quand sa propre vie reflèterait une certaine stabilité ; ce qui était loin d’être le cas. Si Stephen et elle se connaissaient pour ainsi dire depuis toujours, au final leur relation ne datait que de quelques mois. Et ceux-ci n’avaient pas été forcément des plus calmes, entre l’histoire avec Matteo et les cachotteries du kiné à l’égard de ses proches. Ils apprenaient encore à se connaître, à se faire confiance, à se laisser complètement aller l’un envers l’autre. Certains évènements tels que le Cambodge les avaient considérablement rapprochés, tandis que d’autres avaient altéré leur relation. Si l’on devait faire un bilan de la situation, on pouvait dire que leurs sentiments l’un envers l’autres étaient ce qui faisait tenir leur couple pour l’instant, et ça n’était pas suffisant. La brune avait mis à mal ce qu’ils essayaient de construire et elle se savait fautive. Un bébé ne ferait que compliquer tout ça. Et puis elle était à l’aube d’un renouveau professionnel, elle avait besoin de ça pour se sentir complète à nouveau. Entre un métier de barmaid qui l’avait complètement vidée de son énergie au fur et à mesure des derniers mois, et ces dernières semaines à chercher quoi faire de sa vie, Leah avait besoin de rebondir. De se sentir utile, indépendante. Financièrement, elle était liée à Stephen puisqu’il avait épongé toutes ses dettes l’an dernier. Si le brun ne faisait jamais état de cette situation, la jeune femme ne l’oubliait pas. Elle détestait ça, ne pas se sentir entièrement égale à lui. Tout ça, c’était supposé l’aider à appréhender leur nouvelle vie avec plus de sérénité. Alors cet enfant ne faisait clairement pas partie du tableau, c’était un fait certain. Cependant, elle n’avait prit aucune décision à son égard, parce que ce n’était pas à elle de le faire seule. Elle réalisa toutefois que son silence concernant sa grossesse, ainsi que son inscription à la caserne en dépit de sa condition pouvait laisser croire qu’elle n’en voulait pas de cet enfant. Elle n’aurait pas su contredire cette information, ni même l’appuyer. Elle ne savait plus rien, elle était perdue comme jamais. Alors, lorsqu’elle annonça enfin cette vérité qui avait si difficile à dire à Stephen, elle attendit de lire quelque chose dans ses yeux, qui pourrait l’aider à comprendre, à savoir quoi faire. A quelques mètres à peine de la voiture, le kiné se décida enfin à se retourner pour lui faire face. Elle prononça enfin les quelques mots qui avaient mis des semaines à franchir la barrière de ses lèvres, et le temps sembla comme suspendu, l’espace de quelques secondes. Elle, les larmes aux yeux et prise de tremblements à peine perceptibles. Lui, sonné et en colère. "Tu te fous de moi." Leah leva les yeux vers lui, rassemblant ce qui lui restait de courage pour simplement secouer la tête, nier cette affirmation qu’il venait de faire. La colère du brun était palpable, et chaque parole prononcée transpirait de fureur. " ... on va" Sa voix se brisa et la brunette sentit son cœur éclater en mille morceaux en réalisant la peine qu’elle infligeait sans le vouloir à la personne qu’elle aimait. " ... et quoi ? C'est quoi la suite ? Quelle décision est ce que tu as prise pour nous deux encore une fois hein ?" Stephen pointait un doigt accusateur dans sa direction et Leah se sentait démunie face à toute cette situation. Elle s’approcha de lui mais se rendit compte qu’il n’accepterait sans doute plus le moindre contact physique avec elle à présent. Elle reprit difficilement sa respiration, avalant ses larmes avant de pouvoir parler, d’une voix rauque. « Aucune décision n’a été prise, je… » Elle ferma les yeux, sachant que toutes les apparences étaient contre elle. « Je ne savais pas quoi faire. J’avais besoin de réfléchir, j’étais paumée Stephen… » Était-il nécessaire de s’excuser encore pour la centième fois ? Probablement que oui, mais sans doute qu’il s’en fichait bien de ses excuses, tout comme de ses états d’âme. Elle portait son enfant, et elle ne lui avait rien dit. Elle avait décidé de s’engager chez les pompiers sans lui en parler. Elle avait merdé sur toute la ligne, et rien ne pourrait justifier ou rattraper ça. Les mots semblaient inutiles à présent. « Voilà, tu sais tout maintenant… »Conclut-elle avec fatalité, sans trop savoir quoi ajouter.
Stephen ne s’était pas attendu à grand-chose en allant visiter cette maison avec Leah aujourd’hui. Il s’était dit que son esprit critique trouverait toujours quelque chose à redire, que la sécurité serait un point négatif ou que le jardin serait sans doute trop grand et qu’ils allaient perdre Bruley et Anabel en moins de temps qu’il ne le fallait pour le dire ; en bref il s’était attendu à tout, à absolument tout, sauf à 1) tomber éperdument sous le charme de cette bâtisse aux allures de villa des temps modernes et 2) tomber littéralement des nues en apprenant que Leah l’avait laissé à l’écart de deux évènements qui changeraient l’avenir de leur couple irrémédiablement. S’il avait accueilli sa décision d’intégrer la caserne des pompiers très (trop) mal, le brun avait frôlé l’arrêt cardiaque en apprenant qu’elle attendait un enfant par-dessus le marché. Sonné, les neurones cogitant à vive allure, il n’avait pas su gérer sa colère à vif, et cette dernière n’était pas le moins du monde atténuée par les larmes de la jeune femme ni même par l’apparente fragilité dont elle faisait preuve ainsi, tenant tout juste sur ses deux jambes pour lui faire face et osant à peine l’approcher. Ses ancrages avaient pourtant intérêt d’être solides, car en la personne de Stephen se constituait une espèce de boule de nerfs. Anéanti, le monde s’était soudainement arrêté pour lui, et il aurait presque été tenté de laisser sa fureur se déverser sur elle si l’agent immobilier n’était pas apparu dans son champ de vision avec l’air du type qui venait de perdre une vente. « Aucune décision n’a été prise, je… » Pas maintenant. « Je ne savais pas quoi faire. J’avais besoin de réfléchir, j’étais paumée Stephen… » Bordel, pas maintenant Leah. Si elle avait fermé les yeux, tenté de se justifier et de trouver les mots justes du mieux qu’elle le pouvait, lui s’était mis en stand-by le temps que ce type s’en aille … ce qu’il ne fit pas, restant planté sur le pas de la porte comme si franchir l’allée et passer près d’eux l’aurait plongé dans une situation délicate. « Voilà, tu sais tout maintenant… » A nouveau la voix étranglée de la brune le tira de ses pensées, et en posant le regard vers elle il se disait que c’était trop facile de conclure ainsi. « Viens » soufflait-il alors, d’un ton glacial, se retournant à nouveau pour faire quelques pas et entrer dans la voiture qui leur servirait d’abri face aux oreilles indélicates qui traînaient non loin de là.
« Tu le sais depuis quand ? » Installés l’un à côté de l’autre dans une atmosphère plus que tendue, Stephen évitait soigneusement de regarder vers la droite. Il savait que si son regard s’attardait sur la silhouette de la brune, son cerveau cogiterait avant même qu’elle ne lui fournisse la moindre réponse, et ce n’était pas ce qu’il voulait. Il aurait aimé qu'elle lui parle de cette grossesse, de son projet professionnel, qu'ils en discutent. Ce qu'il ressentait était un mélange de plusieurs émotions contradictoires ... et bien trop fortes pour être digérées convenablement par ce névrosé de nature. Ils passaient d'un extrême à un autre ; de leur petit nuage de jeune couple tournant la page d'une période compliquée à celui de gigantesque foutoir où lui devenait spectateur de sa propre vie. Leah attendait un enfant. Leah ne voulait pas le garder. Ces deux affirmations se faisaient écho depuis quelques minutes maintenant, et ni les mains fatiguées qu'il se passait sur le visage ni le calme offert par l'habitacle de la voiture ne suffisaient à l'apaiser. Stephen n'avait même pas pris le temps de se demander si lui en aurait aurait voulu (ou non) de cet enfant, car si la brune lui avait annoncé les choses dans cet ordre précis, c'était forcément qu'il valait mieux ne pas trop s'attarder sur l'accident qui grandissait dans son ventre et dont il était préférable de s'en débarrasser avant qu'elle ne commence sa formation de je ne sais quoi chez les pompiers. "Merde, j'en reviens pas que tu m'ai rien dit.. ou pire en fait. Que tu me dises ça après m'avoir balancé que tu t'es inscrite à ce putain de truc. Arrête de dire que tu sais pas ce que tu vas faire sinon tu serais pas en train de pleurer devant moi." qu'il crachait presque. Rejetant la nuque contre l'appui tête, Stephen soupirait longuement. Ses doigts venaient à nouveau se frayer un chemin dans ses cheveux d'un geste qui traduisait toute sa nervosité ; car il l'était, au delà de la rancœur et de toute la colère accumulée au cours de ces dernières minutes. Il était paniqué à l'idée de savoir qu'ils pouvaient avoir un bébé, et dévasté à l'idée qu'il puisse ne pas avoir son mot à dire à ce sujet, en bon control freak qu'il était. "Tu sais qu'on est deux, hein ? On l'a fait ensemble. Et tu m'as rien dit. Encore." ... et là, c'était un rire nerveux le secouait ; à mi chemin entre la fureur et la profonde tristesse qu'il ressentait. A bien tendre l'oreille on aurait pu entendre son cœur se briser, mais cette réaction fut rapidement interrompue par son poing qui s'échouait avec vigueur contre le volant, ne serait ce que pour évacuer un trop plein de cette colère qu'il ressentait plutôt que de céder à un florilège de jurons. " ... dis moi que tu savais pas que t'étais enceinte avant de t'inscrire." Stephen avait parlé vite, bien trop vite. Un peu comme si on lui arrachait un sparadrap. S'il ne pouvait pas empêcher à son cerveau de cogiter et de tirer des conclusions hâtives, il pouvait au moins tenter de se rassurer tant que sa langue fonctionnait encore et qu'il pouvait poser des questions sans s'effondrer.
Et voilà, c’était dit. Le morceau était craché, la vérité avait enfin éclaté au grand jour. Leah aurait du se sentir dans un bien meilleur état après avoir avoué ce qui lui nouait l’estomac depuis des semaines, mais en fait, elle se sentait même encore plus mal. Rien ne s’était passé comme elle l’avait espéré, les circonstances étaient probablement les moins favorables possibles, tout comme le contexte de ces révélations. Mais cette visite avait propulsé Stephen dans une avenir hypothétique qui ne pouvait absolument pas coller avec la suite des évènements, et à moins de se retrouver dans un réalité alternative où elle n’avait pas merdé de la sorte, la brunette se retrouvait bel et bien obligée de lui dire ce qu’il se tramait depuis quelques temps maintenant. Le sujet des pompiers n’était au final que le début, une mise en bouche au goût amer qui amorçait quelque chose de bien pire. Bien décidée à ne plus laisser le moindre mensonge se mettre entre eux à partir d’aujourd’hui – il était presque temps – Leah s’était enfin lancée. Je suis enceinte. Trois mots qui auraient dû sonner comme une note joyeuse, et non pas comme la marche funèbre. Et pourtant. Entre elle qui ne parvenait plus à contrôler le flot de larmes qui s’écoulait le long de ses joues, et Stephen qui l’observait comme s’il avait une étrangère en face de lui, cette annonce n’avait rien d’heureux. Pourtant, la brune s’était toujours imaginée annoncer ce genre d’événement avec des gestes mignons, comme on pouvait en voir tous les jours. Mais ça aurait été le cas si seulement cette grossesse ne tombait pas à un moment aussi peu opportun, alors même qu’elle ne se sentait pas apte à affronter ça. Pas comme ça. Elle apprenait encore à se reconstruire, elle reprenait enfin le dessus après des années à laisser sa confiance en elle fondre comme neige au soleil. Comment était-elle supposée élever un enfant alors qu’elle ne sentait même pas encore capable d’affronter le monde toute seule ? Son travail sur elle-même n’était pas terminé et l’idée d’imbriquer un petit être innocent dans une vie qu’elle commençait à peine à construire la terrifiait. Sans doute qu’il aurait été plus intelligent de faire part de ces doutes à voix haute à Stephen. Le kiné aurait pu la rassurer, la guider… Mais il était trop tard maintenant pour revenir en arrière. Et au vu du regard qu’il lui lançait, les conséquences allaient être désastreuses. « Viens » La jeune femme lança un rapide regard derrière elle, comprenant que ce n’était ni le lieu ni l’endroit pour s’adonner au mea culpa dans lequel elle s’était lancée. L’agent immobilier les observait, attendant probablement qu’ils dégagent enfin de cette allée pour qu’il puisse lui aussi rentrer dans son agence, prêt à raconter cette visite avec ce couple étrange. Dépitée, elle suivit le sillage du kiné pour s’installer sur le siège passager, pas vraiment prête à ce qui allait suivre. Le fait de s’asseoir lui faisait du bien, mais le fait qu’ils soient maintenant dans un espace confiné où il pourrait se laisser aller n’était pas pour la rassurer. Muette, Leah regardait devant elle, attendant que le couperet tombe. « Tu le sais depuis quand ? » La brunette tourna la tête vers lui, constatant qu’il s’obstinait à ne pas croiser son regard. « J’ai fais le test quelques jours avant l’anniversaire d’Anabel. » Murmura-t-elle, comme incapable d’ajouter la moindre décibel à sa voix. Elle avait l’impression que quelque chose lui coinçait la gorge, que l’air refusait d’emplir correctement ses poumons. Elle ouvrit la fenêtre de quelques centimètres, inspirant profondément. Elle préférait rester concise pour l’instant, consciente que la moindre parole pourrait faire partir Stephen en vrille. Elle n’était pas dupe, ce calme apparent n’était qu’une façade. "Merde, j'en reviens pas que tu m'ai rien dit.. ou pire en fait. Que tu me dises ça après m'avoir balancé que tu t'es inscrite à ce putain de truc. Arrête de dire que tu sais pas ce que tu vas faire sinon tu serais pas en train de pleurer devant moi." Le ton montait, et Leah ferma les yeux quelques secondes, accusant le coup tout en se demandant comment réagir. Elle était complètement dans ses tords, alors rétorquer avec mauvaise foi n’était pas la meilleure des options. Le silence non plus, il avait besoin de réponses. « Je n’aurais jamais pris une telle décision sans t’en parler. J’ai essayé de le faire, plusieurs fois. Mais c’était jamais le bon moment, je me suis dégonflée à chaque fois. J’avais peur de ta réaction. J’avais peur que tu me dises que tu voulais le garder. Et j’avais peur que tu me dises que tu n’en voulais pas. » Son discours avait probablement l’air insensé, mais c’est exactement le bordel qui s’était joué dans son esprit dès l’instant où elle avait appris la nouvelle. Et s’il le voulait ? Etait-elle prête ? Prête à devenir mère, à fonder une famille alors qu’elle n’avait à peu près aucune stabilité d’aucune sorte ? Ces questions avaient sans cesse tourné dans sa tête, tout comme le cas de figure inverse. Et s’il lui disait qu’il n’en voulait pas ? Qu’il ne voulait qu’Anabel, ou alors qu’il ne s’imaginait pas ce genre de chose avec elle ? Cela lui aurait également brisé le cœur. Au final, aucune réponse n’était satisfaisante, et c’est bien pour ça qu’elle était restée seule en tête à tête avec ce choix cornélien, sans pouvoir se résoudre à lui en parler. Elle se laissa aller contre le siège, cherchant le regard d’un Stephen toujours plus distant de secondes en secondes. "Tu sais qu'on est deux, hein ? On l'a fait ensemble. Et tu m'as rien dit. Encore." Leah baissa les yeux, interdite, avant de sursauter face au coup de sang du kiné. " ... dis moi que tu savais pas que t'étais enceinte avant de t'inscrire." La brune plongea sa tête dans ses mains afin de contrôler la prochaine vague de larmes qui menaçait d s’abattre. Comment quelqu’un pouvait-il pleurer autant ? Elle savait que sa prochaine réponse allait signer son arrêt de mort, en tout cas si elle était honnête. Mai c’est ce qu’elle allait faire, parce qu’elle lui devait bien ça. Elle prit son courage à deux mains avant de se retourner vers lui, les lèvres tremblantes. « Si, je le savais… » Commença-t-elle, avant d’interrompre sa phrase, afin de trouver les mots justes. Mais viendraient-ils jamais ? « Je me disais… Qu’on aviserait. Je te l’ai dis, je ne savais pas si j’allais être prise. J’avais pas envie de passer à côté de ça, et si jamais on décidait de… De le garder… Alors j’aurais simplement fais ma formation différemment. Ca aurait prit plus de temps, mais le résultat aurait été le même. Un bébé et être pompier, c’est pas inconciliable… » Murmura-t-elle avec un peu plus de fermeté dans la voix, sachant pertinemment qu’il ne serait pas de son avis là dessus. Mais il devait comprendre qu’elle ne changerait pas d’avis, que c’était vraiment ce qu’elle voulait faire de sa vie. Tout le processus avait été maladroit, elle s’en rendait compte. « Je suis vraiment désolée Stephen. La dernière chose que je voulais c’était de te blesser. J’aurais du te le dire, j’aurais du t’en parler tout de suite au lieu de laisser ma peur prendre le dessus. Je ne saurais plus revenir en arrière… Mais j’aimerais bien. » Lança-t-elle en se mordant la lèvre, cherchant à nouveau son regard. Elle espérait tellement qu’il lui dise que ça allait aller, qu’ils allaient trouver des solutions. Mais elle savait bien que la réalité allait être toute autre.
Il était plus que sonné face à ces révélations ; des faits qui bouleverseraient sans l'ombre d'un doute le cours de leur vie, quelles que soient les décisions de la jeune femme. Si jusqu'à maintenant ne s'étaient manifestées que de la colère et ce qui ressemblait déjà à de la tristesse, c'était au tour de ses méninges de faire leur entrée dans ce gigantesque imbroglio qu'était devenu cette conversation. Leah allait avoir un bébé. Cette phrase n'arrêtait pas de tourner dans son esprit, accompagnée du "Je suis enceinte" qu'elle lui avait livré la gorge étranglée de sanglots. Dans d'autres circonstances, Stephen aurait pu se réjouir d'accueillir un enfant dans leur couple (bien que ce soit arrivé trop rapidement, qu'ils n'avaient pas encore atteint pas la moindre stabilité et qu'ils étaient tous les deux deux entêtés), mais quelque chose clochait. L'atmosphère régnant entre eux était différente de ce à quoi le brun aurait pu s'attendre... surtout devant la maison de leurs rêves. Quelque part il se persuadait déjà que la jeune femme n'en voulait pas, et rien de ce qu'elle n'avait pu dire ensuite ne l'aidait à se défaire de cette idée.
L'habitacle de la voiture leur offrait davantage d'intimité que le trottoir, et quelque part, Stephen se disait qu'il valait mieux qu'il soit assis pour entendre tout ce que sa compagne avait à lui dire sur ce secret qu'elle gardait depuis bien trop longtemps déjà. « J’ai fais le test quelques jours avant l’anniversaire d’Anabel. » Leah répondait dans un quasi murmure. Il la voyait à peine tourner la tête, essayer d'attraper son regard. Le brun s'obstinait plutôt à fixer un point invisible face à lui pour ne pas flancher, craquer à son tour et céder à la crise de nerfs, même si un rapide calcul le confortait dans des pensées négatives qui s'étaient accumulées massivement depuis quelques minutes déjà. L'anniversaire d'Anabel était il y a trois semaines. Trois semaines pendant lesquelles ils avaient parlé de cette maison, dormi l'un contre l'autre, passé des soirées entières sur leur canapé à regarder netflix... pendant lesquelles elle était enceinte de lui et qu'elle ne lui avait rien dit. Et pourquoi hein ? Incrédule, Stephen n'arrivait plus à retenir ses mots. Des paroles qu'il lançait avec dureté, comme un constat auquel il ne voulait pas croire. « Je n’aurais jamais pris une telle décision sans t’en parler. J’ai essayé de le faire, plusieurs fois. Mais c’était jamais le bon moment, je me suis dégonflée à chaque fois. J’avais peur de ta réaction. J’avais peur que tu me dises que tu voulais le garder. Et j’avais peur que tu me dises que tu n’en voulais pas. » Jamais le bon moment, hein. Stephen se demandait vaguement quelle image il pouvait renvoyer pour que Leah puisse le cataloguer dans cette espèce de connard à qui elle ne pouvait pas parler d'une chose qui les concernait tous les deux. Il avait beau savoir à quel point elle avait souffert dans sa dernière relation ... il ne comprenait pas ce comportement, et là encore le constat se dressait de lui même. "J'ai pas mon mot à dire la dedans." qu'il soufflait donc, toujours glacial, incapable de lui faire face même si les larmes qu'elle versait à torrents et son apparente fragilité lui fendaient le cœur. Quelque chose s'était brisé. Quelque chose l'avait empêché de la prendre dans ses bras là où d'ordinaire son instinct premier aurait été de lui dire qu'ils pouvaient faire face à cette histoire, qu'ils sauraient élever ce bébé ensemble et qu'ils seraient heureux. Sûrement qu'il ne le pensait pas. Leah lui avait menti, et la douloureuse impression d'avoir été écarté ne le quittait pas d'un pouce. Pire encore ... elle se renforçait, creusait la distance entre eux de façon bien trop définitive. Un « Si, je le savais… » suffisait à l'achever ; un KO complet. Stephen se disait qu'il avait vu juste depuis le début, et c'est très précisément à cet instant que ses nerfs avaient cessé de trouver cette conversation acceptable. Il se foutait bien de ses larmes, de ses justifications : « Je me disais… Qu’on aviserait. Je te l’ai dis, je ne savais pas si j’allais être prise. J’avais pas envie de passer à côté de ça, et si jamais on décidait de… De le garder… Alors j’aurais simplement fais ma formation différemment. Ça aurait prit plus de temps, mais le résultat aurait été le même. Un bébé et être pompier, c’est pas inconciliable… » Rien de ce qu'elle ne pouvait dire ne réussissait à s'immiscer dans l'armure de fortune qu'il s'était forgé. Impassible ou presque -ses yeux rougis par la colère et la rancœur ne trompaient personne- Stephen fixait la voiture d'en face sans réussir à prononcer le moindre mot. Pour lui, c'est d'avoir été dos au mur qui avait poussé Leah à lui révéler qu'elle était enceinte. A ses yeux elle n'avait pas eu l'intention de le faire ... elle n'avait jamais eu l'intention de lui parler de ce bébé qui obstruait cette soudaine volonté de faire carrière chez les pompiers qu'elle s'était découverte. « Je suis vraiment désolée Stephen. La dernière chose que je voulais c’était de te blesser. J’aurais du te le dire, j’aurais du t’en parler tout de suite au lieu de laisser ma peur prendre le dessus. Je ne saurais plus revenir en arrière… Mais j’aimerais bien. » Mais c'était trop tard. Se redressant sur son assise, le brun attachait sa ceinture de sécurité, toujours sans lui glisser le moindre regard. "Garde tes excuses." qu'il rétorquait d'un ton neutre, avant de mettre le contact, comme pour clore définitivement ce sujet pour aujourd'hui ; il n'avait aucune envie de sombrer davantage. "Ça t'ennuie si je te dépose à l'appartement ? J'ai des choses à régler au cabinet." Mensonge. Et pourtant, il y avait fort à parier qu'il resterait crouler sous l'administratif du cabinet jusqu'à ce que la fatigue ne lui tombe dessus.. et qu'il n'oublie que son équilibre tout entier venait de s'écrouler.