| (rhessan) rise to the occasion |
| | (#)Mer 22 Mai - 21:18 | |
| rhett & hassan rise to the occasionYou've been down the dark detours, you have seen most of it all, crashed into the million faces but never listened to them talk. You've got so much on your mind right now, it doesn't even help to try to solve them all. You used to smile when hope and a pat on the back would last throughout the day as the rain kept falling down on you, you wouldn't let them wash the feeling away, hope itself dried out in you as you heard your man walking away without a word. ☆☆☆ « Le vent du Sud fut mis en liberté, tout honteux d’avoir été puni devant un prince étranger. « Voici une feuille de palmier pour la princesse. » dit le vent du Sud ; le vieil oiseau phénix, le seul qui existe au monde, me l’a donnée, et il y a tracé avec son bec toute l’histoire de sa vie. » s’appliquant à donner à chaque protagoniste l’intonation qui convenait – selon lui – le mieux, Hassan aurait probablement une fois encore oublié l’heure qui passait si Justine n’avait pas profité de la fin de sa phrase pour éclaircir sa gorge, rappelant ainsi du même coup le brun à l’ordre avec douceur. « Et on dirait bien qu’il faudra attendre vendredi pour avoir la suite de l’histoire, petits démons. » Laissant aller les habituelles protestations, tentatives de négociations à base de « encore cinq minutes » et autres grimages boudeuses supposées amadouer l’assistance, le professeur avait sagement attendu que tous les enfants aient été raccompagnés à leur chambre par les infirmières et en avait profité pour remettre un peu d’ordre dans la salle de jeux principalement égayée par les jouets multicolores et les œuvres d’art que Ginny parvenait à obtenir de ces garnements lorsqu’elle débarquait avec sa gouache et sa multitudes de pinceaux – dont certains lui servaient même à attacher ses cheveux. Désormais machinal, le regard d’Hassan était allé se perdre sur la double porte qui menait au service voisin, espérant y voir passer Yasmine tout en sachant bien qu’il n’en serait rien ; Elle ne venait plus, ou du moins plus lorsque lui-même était là, et s’il n’osait pas lui en demander la raison c’était parce qu’il n’était pas certain de pouvoir en digérer la réponse. Récupérant son casque et son blouson dans le vestiaire attenant à la salle de jeu, il avait jeté ses surchaussures dans la poubelle près de la porte et quitté le service le cœur toujours un peu lourd, mais en offrant néanmoins à Justine un sourire bienveillant et un clin d’œil léger. À la nuit tombée, l’humidité déjà étouffante en plein jour semblait coller encore un peu plus à la peau de ceux pour qui la soirée ne faisait que commencer. Les journées rythmées depuis le début du mois par la course du soleil et le jeûne du Ramadan qui s’y associait, Hassan avait quitté le service pédiatrique de l’hôpital Saint Vincent à l’heure à laquelle il quittait d’ordinaire le campus de l’université, lorsque la nuit commençait à tomber – dix-sept heures, à cette période de l’année – et avait garé sa moto aux abords de la mosquée chiite érigée au Nord-Est de Logan City, pile à l’heure pour la dernière prière avant l’iftar. Le rapport d’Hassan à la religion était depuis l’adolescence lié au souvenir de ses parents bien plus qu’à sa propre spiritualité, et sans doute que nombre de ses choix de vie paraitraient discutables à ses géniteurs s’ils étaient encore là pour en faire la constatation ; Mais durant le mois du Ramadan il tentait de se racheter une conduite, de s’approcher un peu plus et un peu mieux du musulman que père et mère auraient apprécié qu’il soit. Que lui-même aurait parfois aimé être, aussi. Pensif, comme il l’était souvent au sortir de la mosquée, il avait finalement regagné sa maison et garé sa moto en travers de l’allée – juste le temps nourrir Spike et Bandit, les emmener se dégourdir les pattes au parc une petite demi-heure, et prendre une douche avant de filer chez Rhett, où il ne serait assurément pas le premier arrivé à en juger par le coup d’œil qu’il avait jeté à sa montre avant d’enfourcher à nouveau sa moto. ***Pas le premier arrivé, mais pas non plus le premier à repartir, Hassan était même le dernier à subsister dans la grande cuisine de Rhett, à cette heure déjà bien avancée de la soirée. Les restes de barbecue trônaient encore sur la table de la terrasse, un ou deux morceaux du baklava ramené par Hassan se battaient encore en duel dans une assiette, et ayant compris qu’il n’obtiendrait rien de plus pour ravir son estomac Vador était quant à lui parti se coucher dans un coin avec paresse. Le petit groupe de collègues – tous professeurs ou entraineurs au sein de l’université – s’était séparé lorsque les premiers signes de fatigue s’étaient fait sentir, l’un plaisantant sur le côté pantouflard dont tous semblaient se doter en prenant de l’âge, l’autre prétextant un cours aux premières heures de la matinée, et un troisième terminant sa bière d’une traite avant de se lever pour initier le fait de mettre les voiles. Nonchalamment, Gwen avait trainé suffisamment pour être la dernière à quitter la villa, raccompagnée jusqu’à la rue par Hassan après avoir souhaité une bonne nuit à Rhett, et ne s’attardant néanmoins pas dehors plus que de raison au risque de passer pour un adolescent qui roucoulait, le brun avait regagné l’intérieur et proposé en retroussant ses manches « Allez, je te file un coup de main pour la vaisselle. Je compte sur toi pour dire à qui voudra l’entendre que je suis le pote que tout le monde rêverait d’avoir. » Quiconque connaissait Hassan depuis longtemps savait à quel point il détestait la vaisselle, corvée parmi les corvées à ses yeux d’homme que trier le linge sale ou passer l’aspirateur ne dérangeait en revanche pas outre mesure. Mais l’excuse pour traîner encore un peu chez Rhett et repousser le moment de retourner à la solitude de sa propre maison était trop belle pour qu’il ne s’empresse pas de la saisir. « Tu vois, t’avais peur qu’il y ait à manger pour cinquante personnes, mais finalement c’était sous-estimer nos estomacs. » avait-il dès lors préféré commenter, l’intégralité du repas ayant en effet été englouti sans que personne n’y réfléchisse à deux fois – Hassan le premier, bien arrangé par l’excuse de ne plus rien avaler jusqu’au lendemain soir. « Et je te laisse imaginer, si Alfie avait pu se libérer. » Capable d’avaler trois fois son poids en moins de temps qu’il n’en fallait pour dire « hyperactif » l’anthropologue n’aurait probablement pas été en reste, lui non plus. Le blond à la corvée de nettoyage, le brun s’était quant à lui saisi d’un torchon pour s’atteler à celle du séchage, reprenant finalement sur le ton de la conversation pure « Alors, ça s’annonce comment le match de la semaine prochaine ? » néanmoins véritablement intéressé par l’ambiance générale qui animait les poulains de Rhett, à l’aube de leur prochaine rencontre face à une université adverse. Et dire qu’il y a quinze ans … Bref.
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| | | | (#)Lun 17 Juin - 13:51 | |
| Hj : Désolée, c'est nul Je devais absolument répondre aujourd'hui car je n'aurai pas eu le temps cette semaine. « C’est le dernier bout que je te donne, ou tu vas finir obèse. » , souffla-t-il discrètement à son labrador en lui glissant rapidement un reste de saucisse sous la table, de peur d’être surpris par le retour d’Hassan et de passer pour un maître sans la moindre autorité – ce qui n’était pas faux, dans l’absolu. Il avait toujours eu le plus grand mal à résister au regard larmoyant de son chien, mais ça, personne n’était obligé de le savoir, au risque de perdre sa réputation d’homme viril. Si tant est qu’il en est déjà eu une. « Retourne te coucher, et fais comme si de rien n’était. », lui intima-t-il sur un ton de comploteur, dans le but de dissimuler ce crime impardonnable dont ils s’étaient rendus tous deux coupables. Son ami, en bon gentleman, s’était proposé de raccompagner leur collègue Gwen jusqu’à sa voiture, et n’eut été le risque de se faire prendre, Rhett se serait volontiers faufilé jusqu’au salon pour épier les deux tourtereaux à travers la baie vitrée. Il se sentait subitement l’âme d’un père, soucieux des garçons qui tournaient autour de sa fille, sauf que, dans ce scénario, c’était Hassan qui jouait le rôle de l’adolescente en fleur. L’image du brun, avec des nattes de chaque côté, sa barbe, une robe et ses poils aux jambes – féminine comme personne – s’imposa à son esprit, et lui arracha un sourire amusé. Ce n’est pas qu’il n’appréciait pas Gwen, au contraire, mais elle avait à ses yeux un défaut qui ne pourrait jamais compenser toutes ses qualités : elle n’était pas Joanne. Car oui, Rhett n’avait pas perdu l’espoir – chimérique, il commençait à s’en rendre compte – qu’Hassan et son ex-femme se remettent ensemble. Etait-il donc le seul à le voir, sur cette Terre, qu’ils étaient faits l’un pour l’autre? Tout comme Sophia et toi étiez faits l’un pour l’autre, hein, c’est ça ? lui rappela insidieusement une voix dans sa tête dans le seul but de le blesser. Le souvenir de sa rupture avec Sophia assombrit instantanément sa bonne humeur, et c’est rembruni qu’il s’attela à la vaisselle. C’est de l’histoire ancienne, tâcha-t-il de s’en convaincre, de l’histoire ancienne. Le retour de son ami – qui tombait à point nommé – l’empêcha de ruminer plus longtemps les erreurs du passé. Quand Hassan se proposa de l’aider dans sa corvée, Rhett, connaissant sa passion pour cette tâche ménagère en particulier, le soupçonna de vouloir uniquement retarder l’heure du départ. Après tout, à bientôt quarante ans, ils n’avaient l’un comme l’autre personne pour les attendre chez eux. Il refusait de poursuivre plus loin sur cette lancée, de s’apitoyer sur son sort comme il l’avait fait tant de fois ces dernières années, et secoua la tête pour chasser ces idées noires.
« Je compte sur toi pour dire à qui voudra l’entendre que je suis le pote que tout le monde rêverait d’avoir. », plaisanta-t-il. « Tu parles, répliqua Rhett sur le même ton, tu veux seulement que je dise à Gwen à quel point tu es bon à marier… une seconde fois. », railla-t-il, mais sans méchanceté aucune. Hassan était son ami, mais plus encore ; le frère qu’il s’était choisi en dépit des liens du sang. Jamais il ne pourrait, ni ne voudrait, lui faire du mal délibérément. « Tu vois, t’avais peur qu’il y ait à manger pour cinquante personnes, mais finalement c’était sous-estimer nos estomacs. Et je te laisse imaginer, si Alfie avait pu se libérer. » « C’est surtout toi, ce soir, qui avait l’estomac de cinquante personnes réunies ! Avec tout ce que tu as ingurgité ce soir, tu vas pouvoir jeûner sans problème plusieurs jours durant. » Sans qu’il ne l’ait connu particulièrement religieux par le passé, Hassan tenait malgré tout à respecter Ramadan, avec toute son admiration. Lui, bien qu’il faisait très attention à ce qu’il mangeait et qu’il s’astreignait à un régime de sportif – sauf occasions particulières comme ce soir, n’aurait jamais la force mentale de jeûner une journée entière, sans manger et surtout, sans boire. Sans être gourmand de nature, il savait pertinemment que si manger lui était interdit, son estomac crierait famine dans le seul but de le contrarier. « Alors, ça s’annonce comment le match de la semaine prochaine ? » La question, somme toute banale, de son ami eut pour effet immédiat d’illuminer son regard et de faire naitre un sourire aux coins de ses lèvres. « Je suis confiant. Ils ont fait de gros progrès sur leur comportement depuis que je les ai engueulés la dernière fois, et ils ont amélioré leur jeu. » Des tensions étant apparues au sein des joueurs, l’entraineur avait été forcé de leur expliquer à cor et à cri ce que signifiait le mot équipe. « Mais entre nous, ils ne seront jamais aussi bons que nous ! », conclut-il dans un rire. Le souvenir de leur propre équipe, il y a, quoi ? plus d’une décennie maintenant, le submergea et l’espace d’un instant, quelques secondes, pas plus, il se retrouva ailleurs, à une autre époque. C’était vraiment le bon temps ; il aurait aimé qu'il dure toujours. Oui, il conservait de meilleurs souvenirs de ses années facs que de ses années chez les pros. Par nostalgie peut-être. Sûrement. Parce que tout était si simple alors. Et Sophia… Bref.
En pensant à Sophia… « J’ai croisé Joanne la dernière fois, au parc. Elle était enceinte jusqu’aux yeux, à en rouler par terre. » Sujet sensible ? « Elle m’a annoncé sa nomination prochaine comme prof à la fac. T’étais au courant ? » Si non, il l’était, à présent… « Ça ne va pas te faire bizarre de la côtoyer tous les jours ? Enfin, au pire, la fac est assez grande pour s'éviter, j'imagine. » Bientôt disponible dans toutes les librairies, le livre Comment mettre de l’huile sur le feu par Rhett Hartfield. « Elle m’a proposé qu'on déjeune plus souvent ensemble. » , lui apprit-il en lui concédant un regard coin pour jauger sa réaction. Après des années de tension, fautes partagées entre Hassan et elle, ils avaient doucement repris contact. Et bon sang, ce qu’elle lui avait manqué. Il n’avait jamais eu d’amie comme Joanne. Une amitié sincère, sans ambiguïté. Même s’il n’était pas le principal intéressé dans cette histoire, et même s’il ne se trouvait même pas en Australie à cette époque, Rhett avait quand même souffert de leur divorce. Avant de choisir le camp de son ami, envers et contre tout. Puisqu’il y a toujours un camp à choisir, quoi qu’on dise. Même si elle n’avait rien arrangé en ne répondant à aucun de ses messages. Pourquoi la vie d’adulte était si compliquée ? - Spoiler:
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| | | | (#)Ven 19 Juil - 6:09 | |
| Sans doute y’avait-il un peu de ça, du fait qu’Hassan aurait sauté sur n’importe quelle excuse pour repousser encore un peu le moment de regagner ses quartiers et la solitude qui l’y attendait. Même si pour cela il lui fallait s’acquitter de LA corvée parmi les corvées, celle l’ayant persuadé de faire à nouveau l’acquisition d’un lave-vaisselle à peine il avait réemménagé à Logan City, et tant pis si cela donnait un coup de canif dans ses principes pourtant tournés vers un minimum de conscience écoresponsable le reste du temps. La vaisselle était une plaie, mais la solitude en était une autre et quand bien même le brun tendait lentement mais sûrement à s’y accommoder du mieux qu’il pouvait, restaient des soirs où il préférait encore la fuir quand l’occasion lui en était donnée. Y allant malgré tout d’un commentaire visant à tourner la situation en dérision, l’enseignant s’était saisi d’un torchon et s’était acquis de sa part de boulot de bonne grâce, faisant claquer le tissu contre le bord du plan de travail et y allant d’un bref éclat de rire lorsque Rhett avait taquiné « Tu parles, tu veux seulement que je dise à Gwen à quel point tu es bon à marier … une seconde fois. » Tel l’enfant qui après avoir été mordu se méfiait avant de donner à nouveau sa main au chien, le brun estimait avoir retenu la leçon du mariage – et du divorce, surtout. « Parle pas de malheur. » qu’il avait alors raillé à son tour, du même ton désinvolte. Hassan en avait la certitude, certaines personnes étaient faites pour le mariage et d’autres non : lui faisait partie de cette seconde catégorie, il en était persuadé, et Joanne n’était rien de plus que l’exception qui confirmait la règle. Il n’avait aucune envie de se retrouver comme Phil, le président du club de rugby de Logan City, dix ans à peine de plus que lui et cumulant déjà trois divorces à lui tout seul. « C’est pas plus à l’ordre du jour de son côté que du mien, de toute façon. C’est ce qui fait que c’est une affaire qui roule. » avait-il finalement repris concernant Gwen. Pas d’engagement, pas de fausses promesses, pas d’attentes trop élevées l’un envers l’autre … Rien de sérieux, en somme. Rien de nature à ce qu’il en bave à nouveau autant qu’il en avait bavé lorsque Joanne lui avait définitivement préféré l’autre. Bottant en touche avec habileté pour changer de sujet, Hassan avait continué à user avec efficacité de son torchon, la pile de vaisselle propre dépassant plus vite qu’il ne l’aurait craint la pile de vaisselle sale, et ce malgré la quantité de nourriture engloutie par les uns et les autres au fil de la soirée. « C’est surtout toi, ce soir, qui avait l’estomac de cinquante personnes réunies ! » n’avait d’ailleurs pas manqué de faire remarquer Rhett « Avec tout ce que tu as ingurgité ce soir, tu vas pouvoir jeûner sans problème plusieurs jours durant. » Levant les mains en signe de totale – totalement feinte, oui – innocence, le concerné s’était défendu en faisant mine de compter sur ses doigts « Théoriquement j’ai mangé pour trois personnes : le Hassan du petit déj’, le Hassan du repas de midi, et le Hassan du repas de ce soir … Oh, et le Hassan du petit déj’ de demain matin aussi, donc ça fait même quatre personnes. » Fier de sa bêtise, il avait reposé l’assiette qu’il tenait d’une main puis avait ajouté « Mais pour avoir si vaillamment nourri mon estomac, tu gagnes d’office une place pour le festin de l’Aïd. Et là, tu verras ce que c’est qu’engloutir de quoi nourrir cinquante personnes. » Puis de rouler jusqu’au canapé le plus proche avant de tomber dans le food coma le plus profond. Et cette fois-ci inutile de dire qu’Hassan ne laisserait rien ni personne le déconcentrer au moment de s’attaquer à l’étape cruciale de la cuisson au barbecue. Bien qu’il y en ait au moins un à n’avoir pas tout perdu, Vador n’ayant eu lui aucun souci à engloutir joyeusement la paire de merguez que l’enseignant avait laissé brûler trop longtemps sur la grille, le pro du barbecue qu’il était se remettait pas de ce – cuisant – échec culinaire, et ne supporterait pas un nouveau coup mis à sa réputation. Est-ce qu’il n’en faisait pas un peu trop ? Si peu. La pile d’assiettes prête à être rangée dans un placard, il s’était mis au parfum des dernières nouvelles concernant l’équipe de rugby dont Rhett était désormais à la tête – un fait, quand il y pensait, lui arrachait toujours un sourire nostalgique en rependant aux années durant lesquelles ils étaient de l’autre côté de la barrière. « Je suis confiant. Ils ont fait de gros progrès sur leur comportement depuis que je les ai engueulés la dernière fois, et ils ont amélioré leur jeu. » Arborant un air résolument sérieux, le blond avait tenu une seconde ou deux avant de retrouver sa bonhommie habituelle, s’autorisant un « Mais entre nous, ils ne seront jamais aussi bons que nous ! » amusé pour ponctuer sa résolution. S’offrant l’un à l’autre un regard entendu, les deux compères avaient échangé un high-five gonflé de souvenirs orgueilleux, et Hassan n’avait pu s’empêcher de demander « Avoue, ça te plait bien d’être dans la peau du coach tyrannique. Ne me dis pas que tu leur as fait le coup du « pas de filles les veilles de matchs, vos hormones vous déconcentrent » ? » Un classique auquel ils avaient eu droit en leurs temps … et qui en réalité ne les avait jamais empêché de papillonner en secret les veilles de matchs, parce qu’à cet âge il suffisait de se voir interdire quelque chose pour en avoir précisément envie. Peut-être parce qu’un tel souvenir avait chez l’un et chez l’autre ravivé ceux concernant leurs émois respectifs de l’époque, Hassan s’était perdu un court instant dans des pensées où se mêlaient Joanne et le maillot de rugby arboré fièrement depuis les gradins les jours de match, jusqu’à ce que Rhett ne le ramène au présent en surfant sans le savoir sur le sujet « J’ai croisé Joanne la dernière fois, au parc. Elle était enceinte jusqu’aux yeux, à en rouler par terre. » Ça, difficile de ne pas voir que la blonde attendait un – nouvel – heureux événement désormais. Hassan s’était un temps demandé si elle était déjà enceinte lorsqu’il était passé la voir au musée en décembre précédent … et puis il avait réalisé que la réponse à cette question ne lui apporterait rien de plus qu’un brin de tristesse supplémentaire, et il avait cessé d’y penser. « Elle m’a annoncé sa nomination prochaine comme prof à la fac. T’étais au courant ? » Il l’était, oui, en témoignait le signe de tête qu’il avait offert au rugbyman en guise de réponse. « Ça ne va pas te faire bizarre de la côtoyer tous les jours ? Enfin, au pire, la fac est assez grande pour s'éviter, j'imagine. » Certes. Et probablement s’était-elle fait la même remarque en acceptant l’offre du professeur Warren, peut-être même avait-elle avancé cet argument auprès de son époux si ce dernier avait choisi de s’offusquer de l’éventualité que sa femme côtoie désormais son ex-mari sur son lieu de travail. « Elle m’en a parlé d’elle-même, je pense qu’elle se doutait bien que je finirais par l’apprendre et qu’elle s’est dit qu’il valait mieux que ce soit de sa bouche. » Et là-dessus elle avait eu raison. « Mais on va essayer de gérer ça comme des adultes … J’ai pas vraiment le choix, de toute façon. J’ai dû lui demander un service en décembre dernier, depuis on essaye de … je sais pas, apaiser un peu les choses. » Il était épuisé de l’avoir autant rejeté durant l’année précédente. Cela n’effaçait rien, cela ne changeait pas le mal qu’elle lui avait fait en le laissant pendant un temps croire qu’ils pourraient s’aimer à nouveau, mais il ne se sentait simplement plus l’énergie suffisante pour continuer à nourrir autant de rancœur à l’égard de quelqu’un qui avait tant compté à ses yeux. Détester les gens, au fond, n’était pas la nature d’Hassan. « Elle m’a proposé qu'on déjeune plus souvent ensemble. » Le jaugeant du coin de l’œil, Rhett semblait attendre sa réaction avec un brin d’appréhension, et lui évitant un suspens inutile l’enseignant avait reposé le torchon désormais détrempé à sa place et secoué la tête « C’est chouette, ça vous fera rattraper un peu le temps perdu. » Esquissant un sourire prudent, Hassan avait frotté ses mains l’une contre l’autre avec une légère hésitation, avant d’admettre « Je m’en suis toujours un peu voulu qu’elle ne te donne plus de nouvelles après le divorce … Je suppose que c’était trop difficile pour elle. » Lui n’avait bien sûr jamais espéré ou attendu de l’un ou de l’autre que les choses se passent ainsi. Mais déjà empêtré dans ses propres secrets et l’avancée rapide de sa maladie, il n’avait pas su faire en sorte que l’amitié entre les deux jeunes gens se préserve, et le temps fatalement avait fini par faire son œuvre. « Ça me fait plaisir que vous ayez repris contact. Et puis si ça peut lui permettre de voir un peu de monde et de ne pas trop s’isoler. » Du moins, il serait peut-être plus difficile pour celui qui partageait désormais sa vie de faire à nouveau le vide autour d’elle comme il l’avait fait une première fois. Mais ça, Hassan s’était bien gardé de le faire remarquer à voix haute.
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| | | | (#)Ven 20 Sep - 11:40 | |
| « Parle pas de malheur. » fut la première réaction d’Hassan à l’évocation d’un second mariage ; réplique sortie si sincèrement du fond du cœur qu’elle arracha à son meilleur ami un franc éclat de rire. Rhett haussa nonchalamment les épaules devant la réticence de son ami, avant d’y ajouter son grain de sel : « Dommage, on s’était quand même vachement bien amusé au premier. », soupira-t-il d’un ton faussement nostalgique. La réaction était exagérée, dans l’unique but d’embêter Hassan, mais il y avait du vrai dans ses propos. Il avait vraiment passé un excellent moment au mariage de son ami, d’autant plus qu’il en avait été le témoin ; autant dire, une parfaite occasion pour profiter au maximum de l’évènement. Si ce n’est que…Sophia et lui étaient en froid, ce soir-là. Mais, contre toute attente, ils avaient pris sur eux, étaient parvenus à se comporter comme deux adultes responsables – ce qui, dans leur relation, était assez rare pour le souligner – et à passer outre leurs différends, pour célébrer comme il se devait l’amour de leurs meilleurs amis respectifs. Rhett avait assisté à d’autres mariages, bien sûr, notamment celui de ses coéquipiers, mais c’était bien celui d’Hassan qu’il avait préféré entre tous. Il avait eu l’impression de marier son frère, et il en était fier comme un paon.. Jusqu’au jour où son propre frère se marierait… Depuis de longs mois déjà, Sam fréquentait une jeune femme tout à fait adorable, sourde elle aussi, que Rhett appréciait énormément au point de déjà la considérer comme sa belle-sœur. Bon sang… mon petit frère va se marier avant moi. Non pas que le mariage fut une condition sine qua none à son bonheur. Si tant est qu’il puisse être à nouveau heureux un jour… Il devait bien le reconnaître : lui non plus n’avait pas eu de chance avec les femmes. Sa dernière petite-amie en date, une mannequin française, l’avait quitté aussitôt qu’elle avait appris qu’il ne pourrait plus jouer au rugby, et ce départ avait entièrement ébranlé le peu de confiance en lui qu’il lui restait à l’époque. Comment avait-il pu être aveuglé à ce point ? Parce qu’il était bête, voilà tout. « C’est pas plus à l’ordre du jour de son côté que du mien, de toute façon. C’est ce qui fait que c’est une affaire qui roule. » « Tant mieux si ça colle entre vous. Je l’aime bien, c’est une fille cool. », approuva-t-il pour clore le sujet.
Quand la conversation dériva sur l’estomac gargantuesque d’Hassan, ce dernier promit de l’inviter pour le festin de l’Aïd, sans doute histoire de lui prouver qu’il était capable d’engloutir beaucoup plus que ce qu’il avait mangé (dévoré !) ce soir. Rhett secoua la tête, un sourire aux lèvres. « Non merci, oublie-moi. J’ai pas envie de réduire à néant en une seule fois tous les efforts des années passées. » Depuis toujours, Rhett s’astreignait à un régime strict de sportif, afin de trouver le bon équilibre entre le juste nombre – pas plus ! – de protéines et de calories dont il avait besoin pour ses nombreuses séances d’entrainement. Ne manger que certains aliments à certains moments cruciaux de la journée, pour être le plus performant possible sur le terrain, et en dehors. Malgré le fait que, désormais, il ne jouait plus au rugby, Rhett avait gardé ses anciennes habitudes alimentaires … Probablement parce qu’il n’aurait pas su faire autrement. Et puis, il s’efforçait toujours de pratiquer plusieurs heures de sport par jour, même les jours où ses jambes lui faisaient souffrir le martyr.
Et, fatalement, le rugby revint sur le tapis. Avec Rhett, tout finissait, d’une manière ou d’une autre, à se rapporter au rugby. Plus qu’un simple sport pour lui, c’était là toute sa vie. « Avoue, ça te plait bien d’être dans la peau du coach tyrannique. Ne me dis pas que tu leur as fait le coup du « pas de fille les veilles de matchs, vos hormones vous déconcentrent » ? » A nouveau, un sourire amusé étira ses lèvres aux souvenirs des années passées, et des règles brisées. « Je m’étais promis de ne pas être comme notre coach, mais je me rends compte que je dis exactement les mêmes choses chiantes que lui. C’est pas facile de se retrouver de l’autre côté ! » conclut-il dans un rire. Pas facile, non, mais, le concernant, pour d’autres raisons que celles abordées. Ça lui faisait mal, véritablement, de voir ces jeunes se démener sur le terrain, donner le meilleur d’eux, quand lui-même était condamné à rester sur le côté, et à assister passivement au spectacle. Il aurait tout donné, tout, pour rejouer au rugby, quitte à vendre son âme au diable pour cela. Au lieu de ça, il en était réduit à envier les jeunes dont il avait la charge. Pathétique, pas vrai ?
Finalement, Rhett se décida à aborder le sujet qui lui trottait en tête depuis le début de la soirée. Il avait préféré attendre que tout le monde s’en aille avant d’en parler à Hassan, ne préférant pas évoquer ses problèmes devant tous leurs amis. Sur ce sujet, les hommes se montraient plus pudiques que les femmes, qui, elles, n’avaient aucun problème à s’épancher de leurs maux à toutes leurs amies. Il lui avoua donc sa rencontre fortuite avec le grand amour perdu d’Hassan, et sa volonté de se voir régulièrement. Rhett appréciait énormément Joanne et ce, depuis le jour de leur rencontre. Ses sentiments pour elle n’avaient pas faibli avec le divorce. Au contraire. Il éprouvait une profonde sympathie envers elle, en imaginant ce qu’elle avait dû endurer. Il ne lui en voulait pas. Dans l’histoire, c’était Hassan qui avait merdé, en ne lui laissant pas même une chance de l’épauler dans son malheur. Joanne aurait toujours été là pour lui, pour le meilleur comme pour le pire, comme ils se l’étaient un jour promis, de ça, il en était fermement convaincu. Hassan n’aurait pas pu trouver meilleur soutien dans cette épreuve que la douce et brave Joanne. Combien de fois l’avait-elle réconforté quand ça n’allait pas avec Sophia ? Combien de fois s’était-il empressé de la retrouver après chaque dispute dans son couple ? Il savait pertinemment qu’il trouverait toujours en Joanne – toujours – une oreille attentive à ses problèmes, et des paroles pleines de bons sens pour l’aider à prendre les bonnes décisions.
« C’est chouette, ça vous fera rattraper un peu le temps perdu. Je m’en suis toujours un peu voulu qu’elle ne te donne plus de nouvelles après le divorce… Je suppose que c’était trop difficile pour elle. Ça me fait plaisir que vous ayez repris contact. Et puis si ça peut lui permettre de voir un peu de monde et de ne pas trop s’isoler. » Hassan n’avait pas prononcé ces accusations à voix haute, mais Rhett avait parfaitement saisi le message. Sans jamais l’avoir rencontré, le sportif ne portait pas le nouveau mari de Joanne dans son cœur. Il ne connaissait de lui que ce qu’Hassan lui avait raconté, et même si son ami avait toutes les raisons du monde de le haïr, il savait qu’il n’en perdait pas son objectivité pour autant, et était donc amené à partager son ressentiment à l’égard de cet inconnu. « C’est bizarre, la vie. Nous voilà tous à nouveau réunis, presque dix ans après… » Etait-ce un coup du Destin ? Etaient-ils destinés à tous se retrouver ? Sans doute n’auraient-ils dû jamais se séparer… « Enfin, presque tous. », se reprit-il, en songeant à Sophia. Où se trouvait-elle, désormais ? Où vivait-elle ? Dans quelle partie du monde ? Et que faisait-elle en ce moment ? Etait-elle en rendez-vous dans un restaurant, à trinquer avec l’homme qui l’avait invité ? Ou blottie dans les bras de son mari, sur le canapé devant la télévision ? Avait-elle des enfants ? Etait-elle heureuse ? L’avait-elle oublié ? Et lui, pourquoi pensait-il si souvent à elle, ces derniers temps ? Il avait réussi à enfouir son souvenir très profondément pendant très longtemps, alors pourquoi resurgissait-il maintenant ? Sans doute que, dans son esprit, Joanne et Sophia étaient intrinsèquement liées, et que revoir l’une lui faisait instantanément penser à l’autre.
« Tu veux qu’on se pose devant la télé ? », conscient subitement qu’il n’avait pas envie qu’Hassan s’en aille et le laisse seul. Seul avec ses pensées. Seul avec son passé. Avec toutes les chaines du câble, il devait bien y avoir quelque chose à regarder, même à cette heure-ci, et, au pire, il avait Netflix. Tout, plutôt que la solitude. Il n’envisageait pas de monter se coucher, seul, et de ressasser dans le noir toutes les erreurs qu’il avait commises. Sa rencontre avec Joanne lui avait fait prendre conscience d’une chose : il n’avait pas évolué, comme elle. Pire, il avait régressé. Retour à la case départ. Bientôt trente-sept ans, et pas de femme, pas d’enfant, pas même capable d’exercer le seul métier au monde où il excellait, et qui lui conférait la meilleure des raisons de se lever le matin. Il n’était plus rien, ni personne. Personne. A quel moment sa vie avait-elle commencé à merder ?
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| | | | (#)Lun 11 Nov - 11:42 | |
| Il y aurait probablement beaucoup de choses à dire quant au fait que malgré qu’il la fréquente depuis plusieurs mois désormais, Hassan n’avait jamais pris la peine de présenter ou même de mentionner Gwen auprès de son frère ou des Khadji. Désir de garder son jardin secret, comme son nom l’indiquait, un minimum secret mais également preuve la plus flagrante que malgré la gentillesse de la jeune femme et le fait qu’elle lui plaise assurément, le brun n’envisageait pas un seul instant que leur relation débouche un jour sur quoi que ce soit de sérieux ou d'exclusif. Si nombre de ses fréquentations de l’époque connaissaient la réputation de papillonneur d'Hassan lorsqu’il était étudiant, aux yeux des Khadji nulles autres qu’Amal et Joanne n’avaient jamais existé – quant à Leilani, elle n’avait officiellement jamais été autre chose qu’une amie, et sans doute cela valait-il mieux ainsi. Celles que le brun acceptait de faire entrer dans sa sphère familiale étaient spéciales, elles n’étaient pas n’importe qui et ne représentaient pas n’importe quoi … Et aussi légère sa relation avec Gwen le rendait-il, la jeune femme n’appartenait pas à ce cercle fermé. Pas qu’elle n’en ait réellement la volonté, car au fond elle n’avait pas plus rencontré les Khadji qu'Hassan n’avait rencontré la fille qu’elle tenait d’une précédente relation et dont elle avait la garde une semaine sur deux … Non, leur relation avait ses limites, des limites sur lesquelles ils étaient tombés d’accord et qui semblait leur convenir à l’un autant qu’à l’autre. « Tant mieux si ça colle entre vous. Je l’aime bien, c’est une fille cool. » avait à ce sujet conclu Rhett, et acquiescent d’un signe de tête le brun n’avait pas renchéri, se contentant de garder précieusement pour lui le goût sucré des lèvres de Gwen sur les siennes comme un gardait un précieux petit secret. Les deux hommes s’activant pour venir à bout de la vaisselle, Hassan en avait profité pour demander des nouvelles de l’équipe dont ils avaient tous les deux fait partie et dont Rhett avait désormais brillamment la charge. Pour certains – dont l’ancien sportif lui-même – d’être passé d’une carrière internationale au fait d’entraîner les autres était vu comme un échec, du moins à un âge aussi jeune. Était-ce d’avoir de son côté fait carrière dans l’enseignement et toujours exercé avec passion cette possibilité de transmettre à d’autres son savoir ? Reste qu'aux yeux du brun la reconversion de son ami, aussi forcée soit-elle, n’était pas tant un échec qu’une bifurcation vers autre chose. Vers d’autres projets, vers d’autres ambitions. « Je m’étais promis de ne pas être comme notre coach, mais je me rends compte que je dis exactement les mêmes choses chiantes que lui. C’est pas facile de se retrouver de l’autre côté ! » s’était en tour cas lamenté Rhett avec tout de même une pointe d'amusement, le brun dodelinant quant à lui la tête de manière moins catégorique pour hasarder « Ou bien on a seulement atteint cet âge où on réalise que les vieux rabats-joie avaient raison … Parce qu’on devient nous-mêmes de vieux rabats-joie. » Ou des individus raisonnable, en d’autres termes … Le cycle de la vie, en somme. « Et puis, il n’a pas fait un si mauvais boulot avec nous … Regarde-toi. » Courtisé par les clubs européens, multi sélectionné en équipe internationale, chouchou des sponsors pendant sa période la plus faste … Rhett avait assurément fait la fierté de feu leur entraîneur, probablement conscient après coup qu’il n’était pas donné à tout le monde d’avoir servi de tremplin à un joueur de cette trempe. Conscient néanmoins de s’aventurer en terrain glissant – sans mauvais jeu de mot – Hassan n’avait pas creusé plus longuement à ce sujet, et saisi avec moins d’amertume qu’il ne l’aurait pensé la perche que constituait la mise sur le tapis du « sujet Joanne ». Encore douloureux, toujours un peu amer, mais néanmoins plus aussi tabou qu’il ne pouvait encore l’être l’année précédente, lorsqu’Hassan peinait encore à panser les plaies provoquées par les tergiversations de la blonde à son égard. « C’est bizarre, la vie. Nous voilà tous à nouveau réunis, presque dix ans après … » Avait à ce sujet commenté Rhett d’un air pensif, visiblement un brin soulagé que son aveu n’ait pas provoqué chez Hassan colère ou déception – l’une et l’autre ayant été totalement malvenues. « Enfin, presque tous. » L’une brillait en effet encore par son absence, évaporée dans la nature et vivant, Hassan l’espérait, une vie plus heureuse et moins faite de regrets que ses trois anciens compères. « Je suppose qu’elle a trouvé son bonheur ailleurs. Je lui souhaite, en tout cas. » Sophia avait toujours été celle à se méfier le plus durement du bonheur – comme si elle ne le croyait jamais acquis, jamais définitif. Et peut-être avait-elle eu raison, finalement ; Peut-être était-elle ainsi tombée de moins haut lorsque l’horizon avait cessé d’être rose pour eux. « Je lui ai dit des choses vraiment atroces la dernière fois que je l’ai vue ... » Songeur, Hassan avait baissé les yeux d’un air penaud. « J’aurais bien aimé la revoir une fois. Pouvoir lui dire que je pensais pas le quart de ce que j’ai dit à l'époque. » Mieux valait des remords que des regrets, paraît-il … Soit, mais cela n’était pas d’un grand réconfort, au bout du compte. Haussant les épaules l’air de dire : c’est la vie, l'enseignant avait rangé la dernière assiette après l’avoir séchée, et Rhett et lui avaient échangé le regard incertain de ceux qui ne voulaient pas prendre congé mais sans oser l’admettre de but en blanc. Vador avait abandonné la partie depuis longtemps et leur tournait ostensiblement le dos, roulé en boule dans son panier et l’une de ses pattes avant posée contre ses yeux comme pour se protéger de la lumière du salon. « Tu veux qu’on se pose devant la télé ? » Trop heureux d’avoir là une nouvelle excuse pour remettre à plus tard le moment de rentrer chez lui, Hassan avait acquiescé puis répondu d’un ton amusé « Si tu promets de ne pas juger si je commence à somnoler comme un petit vieux. » avant de se laisser tomber dans l’un des fauteuils, imitant là Rhett qui venait d’en faire de même la seconde précédente. Laissant le maître des lieux en charge de la zappette, le brun avait accueilli avec une satisfaction non dissimulée le moment où, changent finalement d’avis, le labrador de Rhett avait délaissé son panier pour venir continuer sa sieste à ses pieds – les mauvaises langues diraient que les deux ou trois bouts de viande qu'Hassan lui avait fait passer sous la table durant le repas n’y étaient pas étrangères. Passant d’une chaîne à l’autre à la recherche d’un programme qui soit digne de leur intérêt – au hasard, du sport – Rhett s’était interrompu dans son défilement lorsque la voix d'Hassan s’était élevée non pas du fauteuil à côté du sien, mais bien du poste de télévision. « Continue de zapper, avant que ça devienne véritablement gênant. » lui avait alors conseillé la version en chair et en os du brun, après avoir laissé échapper un rire nerveux. Après un matraquage en bonne et due forme en début d’année scolaire, le spot de prévention contre le suicide et la dépression auquel avait participé Hassan – entre autres visages d'ABC – avait cessé d’inonder les créneaux publicitaires de la chaîne, et n’était plus diffusé que sporadiquement aux heures avancées de la soirée. Peut-être parce qu’une partie de ceux à qui il s’adressaient souffraient d'insomnie, entre autres symptômes annexes liés à la dépression. Un mal dont les deux hommes avaient souffert chacun à leur niveau sans jamais oser aborder le sujet ensemble, par pudeur sans doute, la même qui expliquait que trois ans après Hassan n’ait jamais évoqué avec son ami les deux occasions au cours desquelles il avait tenté de mettre fin à ses jours. « Comme quoi c’est pas une légende urbaine, la caméra fait vraiment prendre quelques kilos. » avait préféré botter le brun en touche pout dissiper le malaise. Et si Fatima avait été là sans doute aurait-elle choisi cet instant pour faire remarquer qu’il ne se remplumait pas assez vite à son goût ne mangeait sans doute pas assez – elle n’aurait pas entièrement tort, bien qu’au demeurant Hassan ait presque entièrement retrouvé le poids que la chimiothérapie lui avait fait perdre.
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| | | | (#)Jeu 9 Jan - 11:52 | |
| Comme à chaque fois que les deux hommes se retrouvaient ensemble, tout sujet ayant trait de près ou de loin au rugby finissait irrémédiablement, un moment ou à un autre, par s’immiscer au détour d’une conversation. Et cela, depuis presque vingt ans ; ce n’était donc pas aujourd’hui qu’on parviendrait à les changer. Ceux – ou plutôt celles – qui s’étaient efforcées au fil des années de corriger cette mauvaise habitude s’y étaient toutes cassées les dents. Autrement dit, Hassan et Rhett étaient une cause perdue depuis longtemps. Surtout le blond, pour qui le rugby allait bien au-delà d’une simple passion. C’était tellement plus qu’un sport à ses yeux, c’était là toute sa vie. Depuis son plus jeune âge, il vivait rugby, parlait rugby, pensait rugby. Ce n’était donc pas uniquement sa carrière, mais son monde entier qui s’était effondré le jour où cette voiture l’avait renversé. Mais ça, personne ne semblait véritablement le comprendre, tant on lui avait rabâché, encore et encore, qu’il n’était pas à plaindre, qu’il avait une chance inouïe d’être toujours en vie. Une chance inouïe, vraiment ? D’être obligé de vivre dans un monde qui n’était plus le sien ? D’être condamné à regarder le spectacle, plutôt que d’y participer ? A ses yeux, cela ressemblait à tout, sauf à de la chance. Combien de fois avait-il silencieusement souhaité n’avoir jamais survécu à cet accident ? Au moins serait-il mort avec les honneurs, et pas condamné à l’oubli chaque jour un peu plus. Combien de fois avait-il songé à se suicider, sans avoir jamais trouvé le courage de passer à l’acte ? Aujourd’hui encore, près de deux ans après le drame de sa vie, ses idées noires brouillaient encore ses nuits blanches. Ah, il était beau le sportif d’autrefois, adulé par les foules, encensé par les médias sportifs, désormais obligé d’avaler des cachetons par dizaine pour ne pas sombrer dans le néant qu’était devenu sa propre vie… Il en rirait, s’il ne trouvait pas cela aussi pathétique.
« Je suppose qu’elle a trouvé son bonheur ailleurs. Je lui souhaite, en tout cas. » Les deux hommes en étaient venus à parler de Sophia, sans jamais mentionner son nom une seule fois, comme si le simple fait de le prononcer pouvait leur brûler la langue. Il faut dire qu’elle leur en avait fait voir de toutes les couleurs, à l’un comme à l’autre, avant de claquer la porte avec fracas, et de quitter définitivement leur vie. Rhett ne trouva rien à répondre. Tout simplement parce que rien d’agréable ne lui venait à l’esprit. Que ce soit le fait de l’imaginer heureuse avec un autre, ou de ne lui souhaiter aucun bonheur. Pas par méchanceté envers elle – pas vraiment – mais parce que l’idée qu’elle s’en sorte mieux que lui dans la vie (ce qui était probablement le cas) lui était trop difficile à accepter. Cela voudrait dire… Il ne savait pas vraiment ce que cela voulait dire. Qu’une ex s’en sorte mieux que vous n’était jamais très glorieux. Question d’égo, probablement. « Je lui ai dit des choses vraiment atroces la dernière fois que je l’ai vue…, s’épancha Hassan, visiblement contrarié par leurs derniers échanges, avec dans les yeux une pointe de culpabilité, J’aurais bien aimé la revoir une fois. Pas moi. Pouvoir lui dire que je ne pensais pas le quart de ce que j’ai dit à l’époque. » « Si elle n’est pas aussi bête qu’elle en a l’air, elle le sait très bien, ne t’en fais pas. » Rhett ne savait pas pourquoi il se montrait aussi exécrable envers elle, mais quand on en venait à Sophia, il ne se contrôlait plus. Même après toutes ces années, il lui en voulait encore, et ne lui avait jamais pardonné son départ. Et puis, à l’époque, Hassan avait d’autres choses à se préoccuper autrement plus graves – survivre à un cancer, par exemple – que les états d’âme de mademoiselle Caldwell.
Légèrement agacé par la tournure qu’avait prise la conversation, il proposa à Hassan d’aller s’installer devant la télévision, conscients l’un comme l’autre que ce n’était qu’une excuse pour retarder l’heure du départ. Ils en étaient réduits à cela, désormais. Ne plus vouloir retourner à la solitude de leurs foyers. Hassan avait une femme, Rhett une carrière ; quand tout cela avait-il commencé à merder ? A quel moment la vie s’était-elle décidée à s’acharner sur eux deux en particulier ? Ils avaient dû commettre d’horribles forfaits dans leur ancienne vie pour être ainsi punis aujourd’hui. « Si tu promets de ne pas juger si je commence à somnoler comme un petit vieux. », lui lança Hassan, en s’installant dans un fauteuil en cuir particulièrement confortable. A moitié allongé sur le canapé de son côté, Rhett leva les mains au niveau de son visage, un air indécis sur le visage, qui signifiait clairement je ne promets rien du tout. Et puis, une image se dessina instantanément dans son esprit : celle d’Hassan, ridé, recroquevillé sur lui-même, le front dégarni, des lunettes sur le bout du nez, le pantalon en velours remonté jusqu’au nombril, et les pantoufles au pied, somnolant sur un fauteuil. Rhett savait pertinemment qu’il serait encore ami avec Hassan quand cette image deviendrait réalité ; il s’imaginait sans peine terminer ses vieux jours dans une maison de retraite en compagnie de son vieil ami, toujours prêts à faire les quatre-cent coups, à mener une vie infernale aux aides-soignantes, et à draguer toutes les mamies de l’établissement, comme dans leurs belles années. Avant Joanne. Avant Sophia.
Il se redressa subitement dans son canapé quand l’image d’Hassan à nouveau jeune apparut sur l’écran géant de sa télévision ; son ami gêné lui demanda de zapper, mais Rhett, au contraire, augmenta le son. Son but initial avait été de se moquer gentiment d’Hassan, mais cette campagne de prévention lui fit l’effet d’une claque en pleine gueule. Il avait l’impression gênante que son ami s’adressait tout particulièrement à lui, à travers l’écran de télévision, comme si le double d’Hassan avait été capable de deviner ses pensées les plus noires, et de comprendre ses peurs les plus profondes. Heureusement, un trait d’humour du véritable Hassan dérida l’atmosphère. « Non, c'est pas la télé, t’es aussi moche à l'écran qu’en vrai. », plaisanta-t-il à son tour, sachant pertinemment qu’il n’en était rien. Il comprenait aisément que les femmes puissent trouver Hassan à leur goût ; son ami était quand même un beau mec. Enfin, pour ce qu’il en savait. Après tout, il n’était pas gay, et ne s’était jamais fait la moindre réflexion sur le physique de ses amis. « Comment ça se fait que je n’ai jamais vu ce truc ?, s’ébahit-il, un sourire amusé aux lèvres. En tout cas, c’est efficace. Je n’ai plus la moindre envie de me suicider, maintenant. », ironisa-t-il, mais sans aucune méchanceté. Il estimait seulement que ce n’était pas avec des spots publicitaires qu’on empêcherait les gens de passer à l’acte. Dans son cas, il n’y avait que la lâcheté qui le retenait. Il s’était connu plus brave que cela… Quelle déchéance. Même pas capable d'en finir avec la vie, quand bien même celle-là ne lui plaisait pas du tout. Bon, il devait bien le reconnaitre, tout n’était pas mauvais : il avait ses amis, et il avait Vador.
« Tu sais…, interrompit-il maladroitement le silence qui s’était installé, je suis content que tu sois là. Ça avait l’air plutôt ridicule, dit comme ça. Je veux dire, là, dans ma vie. Que tu ne sois pas, enfin tu vois… Que tu ne sois pas mort, quoi. » Rhett avait été incroyablement inquiet en apprenant le mal qui touchait Hassan, d’autant plus qu’il était en Europe à cette époque, et donc d’aucune aide pour lui. Ce qui avait été son plus grand regret. Certes, il avait régulièrement pris de ses nouvelles, mais ce n’était rien comparé à une présence physique pour l’épauler dans les instants difficiles. Pour une raison qui relevait sans doute plus de la pudeur que d’autre chose, Rhett ne lui avait jamais vraiment dit à quel point il avait eu peur, et combien il était reconnaissant d’avoir toujours Hassan dans sa vie. « Et je m’en veux de ne pas avoir été là pour toi, à l’époque. Sophia a raison. J’ai fait passer ma carrière avant tout le monde. , rumina-t-il, subitement conscient de son égoïsme. Je suis content que tu sois mon pote. , conclut-il cette étrange déclaration. Hassan & Rhett, une bromance pour la vie. Et j’espère que tout va bien pour toi, maintenant. Je veux dire, sincèrement. » Conscient que son ami ne montrait que ce qu’il voulait bien laisser voir. Il le savait, parce qu’il agissait de la même façon. Ce serait pourtant plus simple de dire clairement les choses, mais c’était ainsi que fonctionnaient les hommes, ces deux-là en tout cas. C'est par son silence qu'Hassan avait perdu Joanne, et par son incapacité à déclarer ses sentiments que Rhett avait laissé partir Sophia. |
| | | | (#)Lun 10 Fév - 20:29 | |
| Les occasions pour les deux amis d’amener le « sujet Sophia » sur la table n’étaient pas légion, et depuis le retour au bercail du sportif tous les deux avaient sans avoir besoin de le dire su quels éléments passer sous silence et quels sujets rendre tabous. Si le sous-entendu que Rhett avait fait à son égard avait donc un peu pris Hassan au dépourvu, il y avait à tort vu une distance désormais suffisante pour que son ami ne la mentionne plus qu’avec une nostalgie dénuée d’amertume … Avant de déchanter à la seconde où il avait osé lui faire part du seul regret que lui-même nourrissait encore à l’égard de la rousse : celui que leur dernière conversation soit si éloignée de tout ce qui les avait liés durant des années. « Si elle n’est pas aussi bête qu’elle en a l’air, elle le sait très bien, ne t’en fais pas. » Le ton était abrupt, et la voix trahissait une acidité que Rhett et son caractère relativement débonnaire ne nourrissait qu’à l’égard de peu de personnes. Au pays des amours contrariés, le rugbyman se situait auprès de ceux pour qui l’eau n’avait pas suffisamment coulé sous les ponts – et peut-être ne serait-ce jamais le cas. Et si dans cette rupture et tout ce qu’elle avait entraîné Hassan avait préféré ne pas prendre parti, entendant aussi bien les arguments de l’un que de l’autre, l’idée que les plaies de Rhett soient encore suffisamment à vif pour que la simple évocation de Sophia ne provoque chez lui un rejet aussi flagrant lui avait serré le cœur avec tristesse. Laissant l’un et l’autre le sujet mourir sans faire de commentaire supplémentaire, ils avaient déserté la cuisine à peine la vaisselle terminée et étaient allés s’échouer au salon, traînant leurs vieux os avec presque autant de lassitude qu’un duo de retraités jusqu’au canapé et s’y installant avec ce même soupir traînant de fatigue. À une heure aussi avancée les chances de trouver quoi que ce soit d’intéressant à la télévision étaient quasiment nulles, mais la crainte mutuelle de retrouver leur solitude prenant le pas sur le reste ils étaient prêts à prétendre que le télé-achat était passionnant, et à s’endormir sur le canapé en prétendant que ce n’était pas leur intention depuis le début. Mais ni aspirateur révolutionnaire ni multicuiseur de compétition à l’horizon, seulement une seconde version d'Hassan qui s’adressait à l’écran – au prompteur en réalité, mais le brun n’en avait pas eu besoin, il connaissait sa tirade sur le bout des doigts – et avait fait s’enfoncer progressivement son alter-ego de chair et d’os au fond du canapé d’un air gêné. Ironisant pour cacher son trouble, il avait plissé les yeux en guise de réponse lorsque Rhett avait rétorqué « Non, c'est pas la télé, t’es aussi moche à l'écran qu’en vrai. » sur le même ton, et haussé les épaules pour se donner l’air détaché lorsqu’il lui avait demandé « Comment ça se fait que je n’ai jamais vu ce truc ? » d’un ton véritablement curieux. « T’as dû passer entre les gouttes, ça a été tourné l’été dernier. » Et si Hassan ne s’en était pas spécialement caché, il ne l’avait pas non plus crié sur tous les toits, estimant qu’assumer publiquement d'avoir attenté à sa vie était déjà un pari suffisamment ardu à relever, notamment vis-à-vis de ses élèves. « En tout cas, c’est efficace. Je n’ai plus la moindre envie de me suicider, maintenant. » Le regard glissant vers Rhett pour le scruter dans les yeux, le brun n’avait pas su quoi y chercher mais n’était pas certain d’aimer ce qu’il y avait vu … Et la chair de poule lui glissant furtivement le long des bras il avait avalé sa salive avec difficulté et reporté son attention sur l’écran, tandis que le spot laissait sa place à une publicité pour les éponges double-face. « C’est des évidences qu’on n’entend jamais trop … Le fait que c’est pas une tare d’aller mal. Et que y’a rien de honteux à demander de l’aide. » Une nouvelle fois il avait haussé les épaules. Il la connaissait, la honte à demander de l’aide, et la culpabilité à ne par réussir à aller bien alors qu’il était guéri et qu’il devrait s’estimer heureux au lieu de ressasser. « Même si au bout du compte ça n’aide qu’une personne ou deux … ça sera toujours ça de pris. » Les yeux fixant l’écran sans plus vraiment se soucier de ce qui y défilait, les lèvres d'Hassan s’étaient pincées avec hésitation sans qu’il n’ajoute autre chose, laissant s’installer un silence de plusieurs minutes durant lequel Rhett et lui s’étaient laissés happer par leurs pensées. « Tu sais … je suis content que tu sois là. » Relevant les yeux vers le blond, l’enseignant avait questionné du regard. « Je veux dire, là, dans ma vie. Que tu ne sois pas, enfin tu vois … Que tu ne sois pas mort, quoi. » Malgré lui, un rire nerveux lui avait échappé et il avait passé une main sur sa nuque avant de marmonner « Ouais, moi aussi c’est un truc dont je suis pas mécontent. » d’un ton maladroit. L’aveu le touchait en réalité, mais il s’agissait du genre de discussions sur lesquelles Hassan ne savait pas comment rebondir, et qui le faisaient généralement botter en touche pour ne pas avoir à s’y confronter de trop près. Non content de sa première confidence cependant, Rhett avait quant à lui continué sur sa lancée d’un ton sérieux « Et je m’en veux de ne pas avoir été là pour toi, à l’époque. Sophia a raison. J’ai fait passer ma carrière avant tout le monde. Je suis content que tu sois mon pote. Et j’espère que tout va bien pour toi, maintenant. Je veux dire, sincèrement. » et poussé le brun à se décoller du canapé pour passer une main sur l’encolure de Vador, assoupis à ses pieds. « Tu me feras pas pleurer ce soir, Hartfield. Oublie tout de suite cette idée. » Marquant une pause, flattant encore quelques instants le chien avant de relever les yeux vers Rhett, Hassan avait secoué la tête et appuyé son poing contre l’épaule de son ami avant d’assurer « Mais je suis content de t’avoir aussi, gros malin. » en forçant la légèreté, avant de toutefois adopter un ton plus sérieux. « Y’a pas de quoi t'en vouloir, je t'assure … Que tu aies été là ou en Europe, j'aurais été malade de la même façon, alors … – à nouveau il avait haussé les épaules la vérité c'est qu'il préférait l'idée d'un Rhett usant de sa passion sur la pelouse d'un stade plutôt que lui tenant la main dans une chambre d'hôpital – Et toutes les Sophia du monde ne méritent pas que tu continues de ressasser un reproche vieux de dix ans. » Le rugbyman qu’il était avait fait passer sa carrière avant le reste, c’est vrai. Et à sa place Hassan n’en aurait peut-être pas fait de même, ça il ne le nierait pas, mais faire de ce sport un métier n’avait pour lui jamais été une ambition à long terme, et par conséquent ce qu’il aurait fait n’était en rien un indicateur de ce que Rhett aurait lui dû ou n’aurait pas dû faire. « Tu sais … les regrets que tu as vis-à-vis d’elle, tu les aurais eu vis-à-vis de ta carrière si tu avais fait un choix différent. Parfois il faut juste accepter que tous les bonheurs ne sont pas compatibles. »
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| | | | (#)Jeu 5 Mar - 7:08 | |
| La conversation banale et enjouée des débuts avait subtilement glissé vers des confidences plus personnelles, plus profondes, mais aussi plus tragiques, quoique pas vraiment inattendues aux vues des circonstances. Plus de doute possible : à travers lui, c’était l’alcool qui s’exprimait, tant le blond n’avait jamais été de ceux qui s’épanchaient sur leurs problèmes, ni ne se confiaient sur leurs sentiments. Sa rupture avec Sophia était passée comme une lettre à la poste auprès de leurs amis communs, puisque Rhett s’était efforcé de se comporter comme s’il n’en avait pas été affecté le moins du monde. Et sans avoir tiré les leçons de ses erreurs, voilà qu’il reproduisait exactement le même schéma aujourd’hui, en veillant à cacher à ses plus proches amis toutes les preuves de sa dépression. Pourtant, sans vraiment le vouloir, il venait d’avouer du bout des lèvres qu’il éprouvait toutes les difficultés du monde à reprendre goût à la vie après son accident, et mettait enfin des mots sur ce mal-être qu’il dissimulait derrière des sourires de façade et son allure nonchalante. Oui, et Hassan s’en était sûrement douté plus que d’autres ; à ses yeux, s’il ne lui était plus possible de vivre sa passion, alors il ne lui était plus possible de vivre tout court. Depuis tout petit, le rugby avait pris une telle place dans sa vie qu’il en avait occulté tout le reste. Il en avait même été réduit à accepter tous les sacrifices, même ceux qui lui pesaient le plus – coucou Sophia – si cela lui permettait de continuer à jouer. Avec le recul, son comportement s’apparentait ni plus ni moins à celui d’un toxicomane. Oui, le rugby était sa drogue, à laquelle il était complètement et totalement assujetti, dont il avait besoin pour se sentir en vie, et dont les symptômes de manque lui faisaient souffrir le martyr. Ça, et ses putains de douleurs. Dorénavant, à quoi bon se lever le matin s’il n’était même plus capable, en bon estropié, d’accomplir la seule chose à laquelle il excellait.
En perdant l’usage de ses jambes, il avait perdu l’envie de vivre.
« C’est des évidences qu’on n’entend jamais trop…. La voix d’Hassan l’extirpa de ses pensées et le ramena sur terre. « Le fait que c’est pas une tare d’aller mal. Et que y’a rien de honteux à demander de l’aide. » L’était-ce vraiment ? Oserait-il, lui, demander de l’aide pour échapper à ce trou noir qui ne cessait de grandir et qui finirait, tôt ou tard, par l’engloutir complètement ? Le voulait-il seulement ? Pourquoi se poser la question quand il connaissait pertinemment la réponse. Non, bien sûr que non. Jamais il ne se laisserait aller à s’ouvrir suffisamment pour déballer tout ce qu’il avait sur le cœur. Il continuerait à tout garder pour lui jusqu’à n’en plus pouvoir, et mourrait probablement consumé par ce venin qui empoisonnait lentement son cœur, son âme, ses tripes, sans jamais en souffler mot à quiconque. « Même si au bout du compte ça n’aide qu’une personne ou deux … ça sera toujours ça de pris. » A bout de mots, Rhett se contenta d’hausser les épaules sans savoir lui-même s’il acquiesçait ou s’il réfutait ses paroles.
Et poussé par la culpabilité de n’avoir pas été aux côtés de son ami lors des moments les plus difficiles qu’il ait eu à vivre, Rhett se confia, enhardi là-encore par l’alcool, sur son soulagement d’avoir toujours Hassan à ses côtés. Le malaise était palpable entre les deux hommes, qui n’étaient pas vraiment coutumier du fait de se lancer de grandes déclarations enflammées. Mais Rhett était heureux d’avoir Hassan comme ami, et tenait à le lui souligner pour la première fois depuis leur rencontre. « Tu me feras pas pleurer ce soir, Hartfield., arracha un rire amusé au blond vautré dans son canapé, Oublie tout de suite cette idée. Mais je suis content de t’avoir aussi, gros malin. Y’a pas de quoi t’en vouloir, je t’assure… Que tu aies été là ou en Europe, j’aurais été malade de la même façon, alors… » « Oui, mais quand même. Ça se fait pas. », n’en démordit pas Rhett, convaincu d’avoir failli à ses devoirs les plus élémentaires en tant qu’ami. « Et toutes les Sophia du monde ne méritent pas que tu continues de ressasser un reproche vieux de dix ans. Tu sais… les regrets que tu as vis-à-vis d’elle, tu les aurais eu vis-à-vis de ta carrière si tu avais fait un choix différent. Parfois il faut juste accepter que tous les bonheurs ne sont pas compatibles. » Rhett hocha du chef, persuadé qu’il n’aurait sans doute jamais été pleinement satisfait de son choix, quel qu’il fût. Mais sans être vraiment convaincu pour autant, car il savait au plus profond de lui qu’il aurait été capable de mener de front sa carrière et sa vie sentimentale, et il en voulait à Sophia de ne pas lui avoir donné sa chance de faire ses preuves. Et que lui restait-il, à présent ? Trente-sept ans, seul sans enfant dans une maison trop grande – trop vide – pour lui, et en retraite prématurée. Lui qui avait rêvé de toucher les étoiles s’était écrasé dans la boue. Pathétique. Machinalement, sans même s’en rendre compte, il massa sa jambe droite avec l’espoir futile d’atténuer ses douleurs. « Et qu'on soit bien d'accord. Je ne regrette pas Sophia. J'ai tourné la page, depuis.», bougonna-t-il pour la forme.
Et soudain, guidé par une intuition, le blond se redressa dans son canapé, accablé de trouille à l’idée d’avoir raison, mais se détestant pour ne pas y avoir songé aussitôt après avoir vu ce spot publicitaire. En reconnaissant son ami sur l’écran, il avait d’abord pensé qu’un contact chez ABC lui avait demandé de participer à cette campagne parce qu’il manquait de candidats, mais… s’il n’avait pas accepté par simple altruisme ? Si Hassan était déjà passé par-là, qui de mieux qu’un rescapé pour parler du suicide ? « Mais toi, Hassan… Quand tout allait mal, tu n’as rien tenté de stupide… Pas vrai ? » essaya-t-il de se convaincre. L’idée que son ami ait essayé de se tuer quand lui-même, à mille lieux de sa détresse, s’exaltait sur le gazon d’un terrain ou dans les bras d’une femme lui était intolérable. Décidemment, il avait tout raté dans sa vie : sa carrière, sa vie amoureuse, et son rôle de meilleur ami.
- Spoiler:
@Hassan Jaafari Alors désolée, c'est pas glorieux, c'est même nul mais je voulais absolument répondre aujourd'hui pour ne pas te faire attendre plus longtemps, et j'ai été un peu pressée par le temps.
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| | | | (#)Dim 5 Avr - 12:07 | |
| Repenser à ce qui l’avait amené dans le fauteuil cosy dans lequel ils étaient passés tour à tour face à la caméra d’ABC avait nourri chez Hassan un reste de vague à l’âme. Pas de celui qui l’avait poussé à faire une bêtise, celui-là il en était – espérait-il – débarrassé pour de bon, mais de repenser à cette période où sa détresse était telle que demander de l’aide semblait inenvisageable, et saisir une main tendue s’apparentait à un supplice. Dans sa lente remontée vers un mieux, pourtant, il n’y avait eu ni formules magiques ni interventions divines, rien d’autre que du dialogue qu’il avait fallu forcer, provoquer, avant que ne s’ouvre pour de bon la voie de la discussion – avec son second psy il avait enfoncé beaucoup de portes ouvertes, mais aussi pris le temps d’ écouter des vérités qu’il ne s’autorisait jusque-là même pas à entendre. Guérir ne voulait pas forcément dire aller mieux, demander de l’aide ne voulait pas dire échouer … Cela semblait tomber sous le sens, et pourtant non. Se contentant de hausser les épaules, Rhett n’avait ni confirmé ni infirmé ce qu’Hassan essayait de lui faire entendre, et par lassitude ou par fatigue le brun n’avait pas voulu pousser le débat plus loin. Au fond il avait aussi dit oui à ABC par égoïsme, par certitude que de mettre des mots sur ce qui l’avait hanté et tenter de les normaliser auprès des autres ne pourrait que l’aider à laisser définitivement ce chapitre de sa déchéance derrière lui … Il l’avait fait pour lui, et ne courrait pas après l’approbation des autres. La silence s’étirant pendant un moment et le programme à la télévision revenant à quelque chose de bien plus trivial – la coupure pub, donc – le blond semblait songeur et avait laissé passer encore plusieurs secondes avant de reprendre la parole. Maladroitement, par égard au fait de n’avoir ni l’un ni l’autre l’habitude de se dire les choses aussi frontalement quand bien même cela ne leur empêchait pas de les penser, et pétri de la même nervosité latente Hassan avait répondu avec le brin d’ironie suffisant pour désamorcer la situation. Avec un peu plus de sérieux néanmoins, il avait réfuté la culpabilité dont Rhett semblait s’être accommodé concernant ses ennuis de santé, récoltant en retour un « Oui, mais quand même. Ça se fait pas. » qu’il n’avait pas eu le courage de combattre plus férocement. Pas de soir. Au fond il ne s’agissait de toute façon que d’un regret parmi tant d’autres dans la pléiade de ceux avec lesquels semblait vivre son ami, des regrets compréhensibles mais dont certains prenaient la poussière depuis si longtemps qu’ils auraient mérité que le blond accepte enfin de s’en délester. Acquiesçant, peut-être plus pour la forme, le rugbyman avait marmonné « Et qu'on soit bien d'accord. Je ne regrette pas Sophia. J'ai tourné la page, depuis. » d’un ton bougon, et bien qu’à demi-convaincu de cet odieux mensonge Hassan avait répondu par un sourire narquois « Tant mieux. Parce qu’il serait temps que tu lèves le nez de tes poulains et que tu réalises qu’il y a des tas de nanas qui battent frénétiquement des cils en espérant que tu leur prêtes attention. Et ne me fais pas croire que tu n’as rien remarqué. » Et la seule différence entre les deux hommes, au fond, tenait dans le fait qu’Hassan avait cessé de se poser tant de questions et de réfléchir à long terme. Mais l’état de sa vie sentimentale ne semblait pas être la seule chose donnant matière à réfléchir au blond ce soir, et la main massant machinalement son genou alors qu’Hassan faisait mine de ne rien en voir, Rhett avait repris « Mais toi, Hassan … » en s’éclaircissant maladroitement la gorge. « Quand tout allait mal, tu n’as rien tenté de stupide … Pas vrai ? » La légèreté de façade que tentait de se donner le brun retombant comme un château de cartes après un coup de vent, il avait ouvert la bouche sans rien dire et détourné le regard dans un soupir. Mais quel choix avait-il ? Mentir ? En plein Ramadan plus encore qu’en temps normal, il ne pouvait pas s’y résoudre … Et son ami méritait un brin d’honnêteté. Quel sens aurait eu sa participation à la campagne d’ABC s’il n’était pas capable d’assumer ses propres démons ? « Je ne suis pas à ce point mauvais conducteur. » avait-il alors choisi de répondre, préférant la pointe de sarcasme à une réponse frontale mais confirmant par là même que l’accident de voiture dont il avait été victime quelques mois avant le retour de son ami à Brisbane n’avait d’accident que le nom. « C’était une bêtise. J’avais rien prémédité, c’était juste … » Un coup de folie ? Il ne savait pas vraiment comment le décrire, aussi s’était-il contenté de hausser les épaules. « C’était usant de m’entendre dire que j’avais de la chance et qu’il fallait que je m’estime heureux d’avoir survécu à cette cochonnerie, alors que sans Joanne j’avais l’impression que plus rien n’avait de sens. » Il s’y était fait avec un fatalisme déconcertant, à l’idée qu’il allait mourir … Beaucoup plus qu’à l’idée qu’il survivrait, finalement. Car s’il était en paix avec l’idée que Joanne refasse sa vie après lui, il n’avait jamais été question qu’il soit encore là pour en être témoin. Et que ce coup de folie soit survenu une veille d’anniversaire de la blonde, bien qu’elle n’en ait jamais rien su, n’était probablement pas un hasard malgré qu’Hassan ne l’ait pas fait consciemment. La chape de plomb pesant lourd sur ses épaules il s’était éclairci la gorge d’un air gêné « Ça t’ennuie pas si on change de sujet … ? Ça me gêne de parler de ça en plein Ramadan. » Son frère lui avait suffisamment fait la morale à ce sujet, sur le pêché que cela représentait, et sur le fait que s’il était parvenu à ses fins il n’aurait même pas pu reposer à côté de leur père et de leur mère. Au fond Qasim était peut-être celui qui avait mis le plus de temps à lui pardonner.
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| | | | (#)Mar 7 Avr - 7:14 | |
| Télécommande en main, Rhett zappait frénétiquement de chaine en chaine, ne prenant pas plus de quelques secondes pour analyser les images qui défilaient devant ses yeux et décider si oui ou non, elles étaient susceptibles de l’intéresser un minimum. Cela, davantage dans le but de s’occuper les mains et l’esprit que l’envie de trouver un programme digne de ce nom qui les empêcherait de s’endormir sur le canapé. Sophia détestait cette manie qu’il avait de zapper systématiquement dès que la coupure pub surgissait, mais ça avait toujours été plus fort que lui ; il ne supportait pas de rester passif devant les publicités, poussé à la vente pour des produits dont il n’aurait aucune utilité. Quitte, souvent, à revenir à son programme initial quelques minutes après que celui-ci ait repris, sous les récriminations de sa belle. Et la voilà qui s’immisçait encore dans ses pensées, songea-t-il en soupirant, pris en flagrant délit de nostalgie. Le laisserait-elle un jour en paix ? Il en avait suffisamment bavé, Rhett, sans qu’en plus son souvenir ne se sente l’obligation de le hanter, encore et encore, pour le tourmenter chaque fois un peu plus. Comme s’il refusait désespérément de se débarrasser de ses fantômes et de ses vieux démons, dut-il, à cause d’eux, en perdre la raison. La solution à ses problèmes, celui-ci en particulier, plus récurrent que les autres, vint d’Hassan. « Tant mieux. Parce qu’il serait temps que tu lèves le nez de tes poulains et que tu réalises qu’il y a des tas de nanas qui battent frénétiquement des cils en espérant que tu leurs prêtes attention., et avant qu’il n’ait eu le temps d’ouvrir la bouche pour démentir, Hassan lui cloua le bec, Et ne me fais pas croire que tu n’as rien remarqué. », lui arrachant par là-même un rire gêné. Fut un temps, Rhett ne se posait pas autant de questions ; sa silhouette athlétique et son sourire charmeur étaient venus à bout même des plus récalcitrantes. Oui, il fut un temps où les filles se bousculaient dans ses bras et dans son lit, avant Sophia, bien sûr, mais après elle, également. Jusqu’à ce que… Jusqu’à son putain d’accident, qui non content de l’avoir privé de son unique talent, l’avait également dépouillé de toute confiance en lui. Aujourd’hui, soyons sérieux deux minutes, qui jetterait son dévolu sur un homme aussi brisé physiquement que mentalement ? Le bourreau des cœurs s’était transformé en un clin d’œil en tue l’amour sur patte (ou sans patte, le concernant). Quant à celles qui semblaient malgré tout s’intéresser à lui (c’est vrai qu’il avait déjà remarqué des regards appuyés et des sourires convenus, inutile de nier), il ne pouvait s’empêcher de se demander ce qu’elles guignaient chez lui : sa personnalité, ou sa réputation, son ancienne gloire et son argent ? Lui qui n’avait jamais eu le moindre mal à accorder sa confiance par le passé était aujourd’hui devenu méfiant quant à leurs réelles intentions. « Pfff, entama-t-il dans un sourire de circonstance, je vais bientôt battre Owen sur son propre terrain. » S’il était certain de rencontrer une femme qui s’intéressait à lui pour ce qu’il était vraiment, et non pour ce qu’il représentait, son manque de relation intime depuis deux ans lui faisait craindre le pire ; se ridiculiserait-il en trente secondes ? Il était tombé dans un cercle vicieux, et craignait de ne jamais réussir à en sortir. Alors oui, bien sûr qu’il voulait refaire sa vie. Bien sûr qu’il se sentait bien seul, dans cette maison trop grande pour lui. Bien sûr qu’il avait besoin d’une présence féminine à ses côtés, qu’il lui manquait la tendresse et la complicité pour s’épanouir complètement. « Ok, concéda-t-il, présente-moi des femmes, alors., le mit-il au défi. Après tout, c’est ton rôle ça, mon vieux. », conclut-il le débat dans un sourire amusé.
Puis la conversation dériva sur une note beaucoup moins légère quand Rhett saisit toute l’ampleur du spot publicitaire à laquelle Hassan avait participé, se maudissant de ne pas y avoir songé plus tôt, l’esprit probablement embué par la fatigue et l’alcool. Après un instant de réflexion, Hassan consentit enfin à lui répondre, et son ami était suspendu à ses lèvres, le cœur battant la chamade comme après une course folle. Dis-moi que je me trompe. Oui, je me trompe forcément. Pas toi, Hassan. Pas toi. « Je ne suis pas à ce point mauvais conducteur. », avoua-t-il à demi-mot, brisant par la même occasion toutes les illusions que Rhett avait sciemment entretenu à son sujet. Tu savais, s’accusa-t-il, tu savais que ton pote n’allait pas bien, mais tu n’as pas voulu le voir, et tu n’as rien fait pour lui. T’es vraiment un sale con, Hartfield. Ainsi étaient faits les hommes. Eux deux, en tout cas, et sur ce point, ils étaient remarquablement semblables de stupidité ; ils se figuraient que reléguer tous leurs problèmes dans un coin de leur tête suffirait à les faire disparaître à jamais, pouf, comme ça, par magie. Mais non, ç’aurait été trop beau. Ils s’y accumulaient, jour après jour, alimentés par le secret et les mensonges, et finissaient par prendre tellement d’ampleur qu’à la fin, cela ne pouvait que leur péter au visage, leur grillant inévitablement au passage les quelques neurones qu’ils leur restaient encore. L’issue, dans ces conditions, ne pouvait être que tragique. Pas étonnant qu’ils aient vrillé autant, tous les deux. Idiots qu’ils étaient. « C’était une bêtise. J’avais rien prémédité, c’était juste… C’était usant de m’entendre dire que j’avais de la chance et qu’il fallait que je m’estime heureux d’avoir survécu à cette cochonnerie. »Oh, bienvenue au club., songea-t-il tristement, sincèrement peiné pour les épreuves que son ami avait endurées, et contre lesquelles il avait dû se battre seul, et sans soutien. Pas le sien, en tout cas, rectifia-t-il, morose. « Alors que sans Joanne j’avais l’impression que plus rien n’avait de sens. » Les deux amis souffraient encore, bien des années après, du même mal incurable qu’on appelait l’amour. Bon sang, pourquoi avait-il fallu qu’ils jettent leur dévolu sur Joanne et Sophia en particulier ? A bien y réfléchir, ils s’en seraient probablement mieux sortis dans la vie, l’un comme l’autre, si leurs routes ne s’étaient jamais croisées. La première, incapable de faire un choix, n’avait eu de cesse de piétiner le cœur déjà bien malmené d’Hassan, lui laissant miroiter l’espoir d’un avenir commun avant de se jeter à nouveau dans les bras de ce connard de Keynes. Et la seconde n’avait jamais réussi à comprendre, ni même faire l’effort d’essayer, qu’il n’allait sûrement pas abandonner sa carrière, le rêve de toute une vie, uniquement pour ses beaux yeux. Mais il s’en voulait, Rhett, s’en voulait terriblement de ne pas avoir suffisamment prêté attention aux signes avant-coureurs, trop obnubilé par ses performances sur un terrain de rugby, qui, à l’époque, lui semblaient si primordiales qu’il acceptait d’en occulter tout le reste. Il réalisa alors qu’il aurait pu définitivement perdre son ami ; la vérité le heurta de plein fouet, le laissant faible et pantelant, avec la désagréable impression d’avoir reçu un coup de massue sur le crâne. Encore une fois, c’est de ta faute, lui hurla une voix dans sa tête. « Ça t’ennuie pas si on change de sujet … ? Ça me gêne de parler de ça en plein Ramadan. » Rhett n’y connaissait rien en religion, encore moins celles plus orientales, mais il ne prenait guère de risque à supposer que dans l’Islam aussi, le suicide était un péché. Le jeune homme, insensible à ces discours, ne s’était jamais plié au moindre dogme, mais il sauta sur cette occasion de détourner la conversation avec un soulagement palpable. Non pas parce qu’il se foutait de ce qu’Hassan lui confiait, bien au contraire, il en fut touché plus que de raison, mais parce qu’il ignorait comment apaiser un tant soit peu ses souffrances. L’eut-il su qu’il en aurait, de toute façon, probablement été incapable.
Après un échange un peu forcé et pas vraiment naturel, ils retrouvèrent rapidement leurs bonnes vieilles habitudes, et discutèrent de tout et de rien jusqu’à ce que Rhett tombe de sommeil et ne s’endorme sur le canapé. Mais les rêves qu’il fit, cette nuit-là, furent aussi tourmentés que les confessions de son ami.
@Hassan Jaafari Je te laisse archiver, du coup ? |
| | | | | | | | (rhessan) rise to the occasion |
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