| Une journée (presque) parfaite ~ Freya Doherty |
| | (#)Sam 25 Mai 2019 - 11:13 | |
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- Music :
- 'Cause I know, oh oh oh oh oh oh oh oh... That is not a dream...
La petite mélodie qui se promène actuellement dans les rues du centre-ville de Brisbane est offerte au monde par notre petite Heïana. Oh, non pas qu'elle se soit arrêtée dans un coin et qu'elle fasse de la musique de rue, qu'elle se donne en spectacle. Non, du tout; en réalité, elle ne fait que se promener, et profiter de sa journée. D'ailleurs, quoi de mieux que de se balader avec en prime, un café dans une main et un canneloni sicilien dans l'autre?
Elle avait travaillé de matinée, ce qui lui avait permis de faire ce qu'elle voulait de son après-midi. En plus, elle avait pu gérer l'accouchement de jumeaux ce matin! Pour couronner le tout, le soleil brillait, haut dans le ciel, alors que ces derniers jours, les après-midi avaient plutôt été teintés de morosité où de rares éclaircies donnaient un rayon d'espoir bien vite dissipé. Vraiment, la journée s'annonçait bien. Elle n'avait pas trouvé Moana en passant chez elle; l'adolescente l'avait prévenue plus tôt qu'elle irait se promener à sa future fac, pour la découvrir. Alors autant savourer ce bel après-midi ensoleillé en allant dans la grande artère commerçante du centre-ville! Avant cela, Heïana s'était rafraîchie et avait choisi une tenue adaptée à ce beau temps: un petit haut blanc sans manches, tout fait de dentelle blanche, avec un léger effet de transparence, un pantalon noir assez fluide et des ballerines toutes simples, pour pouvoir arpenter le centre-ville de long en large. Un sac marron clair à porter sur une épaule, un petit blazer (eh oui il faut pas déconner, malgré le soleil, il fait froid comparé à Tahiti!) et la sage-femme était prête pour sa virée.
Ayant pris le métro pour venir jusque dans les rues commerçante, elle commença donc sa promenade avec tout l'entrain d'une personne en pleine forme. Elle commença par flâner dans quelques boutiques de vêtements, plus dans une volonté de regarder que d'acheter à vrai dire. Heïana s'attarda un instant dans un petit magasin, moins tape-à-l'oeil que d'autres, où l'on pouvait trouver de très jolies tenues, sages comme très originales. Elle poussa même le jeu jusqu'à essayer quelques robes, jupes et hauts; finalement, l'une d'elles lui fit vraiment trop de l'oeil, et elle se retrouva à acheter une jupe crayon très simple au premier abord, mais sur laquelle de très jolis motifs de branches de cerisiers japonais avaient été brodé main. La Tahitienne sortit donc de la boutique avec le joli vêtement déposé dans un sac qu'elle avait elle-même ramené: ah oui, pas d'emballages superflu avec elle! Engagement et respect de l'environnement obligent. Bon, la jupe coûtait cinquante dollars, ce qui était un prix; mais Heïana, sans avoir une paye de ministre, gagnait correctement sa vie, même en mi-temps. Et puis, ce n'est pas comme si elle avait un loyer à payer: la maison dans laquelle elle vivait actuellement avec Moana était une des anciennes - nombreuses - possessions immobilières de leurs parents, qu'ils utilisaient pour des locataires à l'époque. Donc à partir de là...
Bref, la journée se passait sous les meilleurs augures. Le seul petit défaut? La jeune femme avait oublié ses lunettes de soleil - une fois n'est pas coutume - et se retrouvait facilement éblouie, mais qu'importe. Ceci ne suffirait pas à gâcher son après-midi. Le ventre d'Heïana se faisant plaindre, car elle n'avait pas mangé depuis les lueurs de l'aube, avant sa prise de poste, elle se décida à s'arrêter dans un petit fast-food. Elle passa devant un Starbucks, mais rechigna à y entrer, ne connaissant que trop bien leur politique économique et écologique: une catastrophe de tous bords. Un peu plus loin, un petit café à l'italienne, bien plus authentique et chaleureux, ouvrit grand ses bras à l'estomac affamé de la franco-australienne, qui y entra avec plaisir. Elle s'offrit une petite assiette de pâtes carbonara, qu'elle mangea sur place - et qu'importe qu'il soit seize heures! - puis elle prit un café à emporter et un cannoli sicilien. Payant l'addition, elle se dirigea ensuite vers la sortie pour profiter encore un peu du soleil, faire du lèche-vitrines tout en dégustant avec bonheur sa pâtisserie, son café dans l'autre main. C'est là que nous la retrouvons, chantonnant "I Know" d'Irma, une chanteuse française qu'Heïana apprécie beaucoup.
Tout se passa très vite. "Au voleur!" "Mais que quelqu'un l'attrape!".Quelques cris, un rayon de soleil inopportun qui empêcha Heïana de voir venir vers elle un pickpocket coursé par la police, et elle se retrouva à terre, violemment jetée devant les forces de l'ordre par le malfrat de bas-étage. La brune fut si surprise qu'elle n'eut même pas le réflexe de crier; et elle ne vit pas non plus arriver la cavale de cinq policiers, qui tentèrent tant bien que mal de l'éviter. Ce fut une réussite pour la plupart d'entre eux, sauf pour le dernier, dont le pied heurta le tibia droit de la sage-femme, qui en laissa échapper pour le coup un cri de douleur. L'homme en uniforme ne sembla cependant pas l'entendre, tout à sa poursuite du voleur, et partit en courant avec ses collègues. Heïana était donc allongée de tout son long au sol, un tibia en vrac, quelques écorchures ici et là dues au frottement contre le sol bétonné, et surtout, le café encore très chaud renversé sur une de ses épaules, tâchant son joli haut blanc. Le monde semblait s'être arrêté autour d'elle.
Pour la journée parfaite, c'était peut-être bien loupé, en fait...
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| | | | (#)Dim 26 Mai 2019 - 17:24 | |
| Une journée sans, Alex était de sortie. Non, elle ne subissait pas de dédoublement de la personnalité. Mais c’était la jeune femme elle-même qui avait décrété que de nommer ses différentes phases permettraient à son entourage de s’y retrouver, de savoir comment la prendre, comme lui parler. Et là, la seule chose qu’elle voulait, c’était s’enrouler en boule dans son lit, sous sa couette, tel un maki prêt à être dégusté. Depuis deux jours, la jeune Doherty avait des nausées (psychologiques) et elle songeait à aller voir le médecin (sûrement pour rien). Elle n’avait même pas le courage d’engueuler son jumeau sur l’odeur nauséabonde de sa fichue drogue qu’il foutait partout dans l’appartement. Elle avait donc passé deux jours à broyer du noir, à se morfondre, à contempler sa vie et son résultat. Alex avait décrété que sa vie était nulle, qu’elle n’avait rien accompli, qu’elle n’accomplirait rien du tout de toute façon, et à quoi bon rester ? Elle se sentait seule, sans son aîné, sans Elias, sans son jumeau qui était trop stone pour voir que sa sœur avait rechuté. Voilà un moment que ça ne lui était pas arrivé. Le traitement fonctionnait bien, pour l’instant. Vu l’investissement financier que ça lui coûtait tous les mois, il y avait intérêt. Ses périodes de répit, où elle pouvait être elle-même, Freya Doherty, se prolongeaient nettement. Mais la maladie n’est jamais loin, chasser le naturel et il revient au galop. Elle était fatiguée – exténuée même. Ses membres étaient tout engourdis et elle sentait qu’elle n’avait aucune volonté pour rien. Et pourtant, il fallait qu’elle bouge car sinon, le frigo resterait éternellement vide. Les jumeaux Doherty n’avaient pas besoin d’énormément de nourriture, leur habitude alimentaire se résumant à la drogue pour l’un et à l’alcool pour l’autre. Mais quand même, pour faire bonne impression, Alex préférerait voir quelques bricoles à grignoter – du chocolat, surtout. Et de la glace. Et puis, pourquoi pas ces yaourts pour les enfants ? Sa dent sucrée revenait souvent dans ces périodes là – ne pas oublier les bonbons. Des bonbons bien piquants, bien acides, avec du goût – contrairement à sa propre vie. Alex s’était donc motivée à sortir, à s’habiller, se coiffer et se chausser, ignorant complètement son frère qui gueulait pour elle ne savait quoi – elle s’en foutait royalement. Il était qu’un bon à rien, de toute façon, pourquoi elle lui accorderait de l’importance alors qu’il ne voyait pas que sa propre jumelle allait mal ? Que lui et les deux autres aillent au diable. Elle regrettait tellement que même ses tentatives de suicide s’étaient soldés par des échecs. Même se donner la mort, elle n’y arrivait pas ! Elle était inutile, de toute façon. Son frère la détestait, son meilleur ami l’ignorait, sa mère se laissait mourir. Il n’y avait strictement rien qui la retenait ici. Marchant sans conviction avec son sac rempli de quelques produits après être passé chez l’épicerie, Alex se mit à presque à envier les couples qu’elle croisait – lui rappelant que Cole, son dernier copain, a été tué par son propre meilleur ami. Elle ne pouvait aussi s’empêcher d’avoir le coeur lourd en voyant un couple faire sauter leur petit garçon en le tenant par la main, ce dernier rigolant sans retenu – elle n’avait jamais connu ça. Bref, Alex était perdue dans ses pensées nostalgiques et rêveuses quand elle fut brièvement bousculée par un gars, foutant surtout en l’air son sac de provisions. « Putain de bordel de merde ! » Puis, cinq policiers en costume apparurent, semblant le courser avec vivacité. Le poursuivi plaqua ensuite une jeune femme pour s’en servir visiblement comme obstacle avec les flics. Cette même jeune femme qui poussa un hurlement de douleur quand le dernier du troupeau de flics lui fit visiblement mal. Les passants regardaient alors la brune mal au point, sans vraiment faire un geste pour l’aider – l’hospitalité australienne ne serait-elle qu’une légende, bon dieu ? Jetant un regard au sol, Alex ramassa rapidement ses courses avant de se diriger vers la blessée. « Bande d’imbéciles de mes deux, prenez une photo, tant que vous y êtes !, dit-elle à une bande de jeunes notamment qui s’était arrêtée. » Maugréant dans sa barbe, Alex se tourna vers la jeune femme. « Est-ce que ça va ? Y a vraiment plus de respect, de nos jours. » Voilà qui était une jolie ironie du sort ; c’était elle, Alex, qui allait devoir essayer d’aider quelqu’un. Voilà une chose que la jolie blonde n’avait pas vu venir.
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| | | | (#)Dim 26 Mai 2019 - 18:25 | |
| "Aouch..." Murmura Heïana dans un souffle douloureux, lorsque le plus gros du choc fut passé. Elle avait l'impression qu'un troupeau de buffles lui était passé dessus, alors que non, elle avait juste été projetée à terre par un maudit voyou ET un flic l'avait malheureusement percutée ET son café lui était tombé dessus ET sa patisserie était gâchée ET elle était brûlée ET son chemisier était tâché ET... le monde entier était en train de la regarder comme une bête curieuse depuis plusieurs loooongues secondes. Magnifique. Autant la Tahitienne savait être patiente, gentille, charitable et tout ce que vous voulez, autant la bêtise humaine pouvait parfois profondément l'agacer. Elle allait se redresser et donner une réplique bien salée à ce public niais lorsque quelqu'un s'en occupa pour elle: « Bande d’imbéciles de mes deux, prenez une photo, tant que vous y êtes ! ». Heïana la remercia mentalement et commença par s'asseoir tout en gardant une main ferme sur son tibia douloureux. La brunette grimaça, le haut de son bras droit était couvert du café brûlant, et en se redressant, sa peau quittant le bitume dur et froid, elle n'en avait que plus ressenti l'échauffement. Nul doute qu'elle allait s'en tirer avec une belle marque pendant plusieurs semaines. Cela sentait la bétadine à plein nez! Et le traiteur de feu, si elle parvenait à en trouver un dans cette immense ville. Nul doute qu'il devait y en avoir, mais pour en trouver un qui ne serait ni un escroc, ni un charlatan... Enfin, elle verrait bien. Quelle fut sa surprise d'entendre la propriétaire de la voix se tourner vers elle et lui demander si tout allait bien. La jeune femme essaya de se redresser tout en lui répondant.
- Oh, euh.. Je pense que ça va aller, mer...
Ne jamais vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué, dicton bien connu, n'est-ce-pas? Heïana venait de se le prendre en pleine poire, retenant un gémissement de douleur lorsqu'elle voulut poser son pied gauche au sol. Autant elle avait réussi à se redresser et même se mettre debout, mais alors pour utiliser ses deux jambes, c'était une autre affaire. La cheville n'avait rien pris, mais son tibia lui faisait horriblement mal, au point ne pas pouvoir l'utiliser comme appui. Heureusement, un banc se trouvait non loin de là, à une petite dizaine de mètres. Heïana attrapa le sac contenant sa jupe juste achetée et son sac à main, les reprenant fermement contre elle. Puis, elle accorda un petit sourire contrit à celle qui n'avait pas fait que l'observer, et reprit:
- En fait, je vais sûrement avoir un peu de mal à bouger seule... Sauf si je veux traverser la ville à cloche-pied. Est-ce-que vous pourriez m'aider à aller jusqu'à ce banc, là-bas, s'il-vous-plaît?
Autour, les badauds s'étaient écartés, dispersés même, et la vie avait repris son cours normal, comme s'il ne s'était jamais rien passé. Ah, ce stupide effet de masse... Il avait réellement une influence de folie sur la race humaine. Heïana soupira en voyant son délicieux cannoli sicilien à terre, elle n'avait pu en manger qu'un bout! Et hors de question de retourner à la boutique qui en vendait, elle n'était pas en état et ses préoccupations principales étaient désormais d'un autre ordre. Comme le fait de rentrer chez elle alors qu'elle était blessée. Elle pourrait toujours appeler Moana, si tant est que celle-ci lui réponde directement. Même avec cette solution, elle attendrait un bout de temps avant de rentrer chez elle. M'enfin, mieux vaut tard que jamais. Ce fut avec reconnaissance que la métisse accueillit l'aide de l'inconnue, et elles se dirigèrent vers le banc cité plus tôt. Heïana s'y assit doucement, reconnaissante de pouvoir s'installer dans une position plus confortable. Elle leva les yeux vers sa sauveuse du jour, et lui tendit une main chaleureuse:
- Merci pour votre aide. Je m'appelle Heïana Brook, et vous?
La sage-femme passa une main dans ses cheveux tous décoiffés, devenus électriques après avoir connu un léger frottement contre le sol Heureusement, rien à signaler du côté de la tête, et c'était bien là le principal. Heïana pensa un instant, en un éclair fugace, à la naissance des jumeaux du matin même, et son coeur s'allégea. Les contrariétés fugaces de ces dernières minutes n'étaient rien de plus que cela; un embêtement certes légitime mais sans gravité, et il se devait d'être remis à sa juste place. La demoiselle se mit à fouiller d'une main distraite son sac à main, en quête de son téléphone portable, sans lequel elle ne pourrait pas faire grand-chose que d'attendre que sa jambe veuille bien la faire marcher. Non, vraiment, si Moana pouvait venir l'aider à marcher, cela l'arrangerait bien... "Oh non...", murmura Heïana après quelques secondes passées à remuer l'intérieur de son petit bagage. S'excusant d'un regard auprès de son interlocutrice, elle baissa les yeux pour regarder plus précisément. Et voilà qu'elle avait oublié son portable chez elle. Un petit rire nerveux et dépité traversa ses lèvres. Décidément! Relevant ses iris vertes comme les feuilles des arbres d'une épaisse forêt, elle explicita la situation:
- Je n'ai pas mon portable sur moi. Je comptais appeler ma soeur pour qu'elle vienne m'aider à marcher jusqu'au prochain arrêt, mais... On dirait bien que c'est loupé. Elle rit à nouveau, un rire un peu jaune mais pas non plus totalement défaitiste. Est-ce-que vous pourriez me prêter le vôtre? Si cela ne vous dérange pas, bien sûr. |
| | | | (#)Dim 26 Mai 2019 - 22:04 | |
| Et les badauds reprenaient leur vie tranquillement, comme si rien n’était. Cet épisode n’avait été qu’un grain de sable dans l’infinité de leur vie, dans leurs tourments quotidiens. C’était une après midi ensoleillé, agréable pour un automne. Et pourtant, Alex aurait préféré un temps à l’image des jours passés, à l’image de son état d’esprit : gris, nuageux, pluvieux même. (Il fallait qu’elle se reprenne, il fait beau, fais un effort!) « Oh, euh.. Je pense que ça va aller, mer... En fait, je vais sûrement avoir un peu de mal à bouger seule... Sauf si je veux traverser la ville à cloche-pied. Est-ce-que vous pourriez m'aider à aller jusqu'à ce banc, là-bas, s'il-vous-plaît? » Alex regarda autour d’elle, presque embêtée. Franchement, elle n’était pas en état d’aider qui que ce soit. Pourquoi on ne pouvait pas la laisser s’enfourner dans son lit avec les jolis pots de yaourts au chocolat, comme elle l’avait prévu ? (Ses hommes seraient fiers d’elle de voir qu’elle voulait se bousiller la santé à coup de mousse au chocolat et non de morceaux de verre ou de boisson. Il y a du progrès !) Il fallait toujours quelque chose, quelqu’un, une force extérieure pour déjouer ses plans. Et en plus, elle devait commencer son travail dans quelques heures – la perspective de devoir sourire pendant plus de huit heures d’affilées lui donnait l’envie de vomir. Doherty voulait juste savoir si cette inconnue pouvait au moins se relever toute seule. La réponse devait être oui et elle aurait pu tracer sa route, reprendre son quotidien là où elle l’avait arrêté avant toute cette scène. La blonde finit par secouer la tête, malgré elle. Elle ne pouvait pas laisser cette demoiselle toute seule dans cet état. Alex fit office de béquille pour aider l’inconnue à se diriger vers le banc. « Merci pour votre aide. Je m'appelle Heïana Brook, et vous? » Pourquoi, pourquoi elle voulait savoir ? Freya resta debout, en face de cette Heïana Brook, se dandinant maladroitement sur ses pieds. Elle ne voulait pas parler, elle n’avait pas envie de faire la causette, elle voulait juste qu’on lui fiche la paix, qu’on la laisse déprimer tranquille. Mais non. Son regard chocolat tomba sur la main tendue et allez, ta mère t’as quand même éduqué de façon convenable. « Freya. » Sa main frôla rapidement celle de la jeune femme, juste le temps de secouer brièvement – c’était une inconnue, tu ne la connaissais pas, c’est normal d’être méfiante. Puis, Doherty enroula ses bras autour d’elle, geste protecteur du monde extérieur. Oui, elle était mal à l’aise mais surtout, elle voulait déguerpir d’ici. Elle n’était pas faite pour aider les autres – il n’y avait qu’à voir le résultat avec son jumeau. La dénommé Heïana capta de nouveau son attention en ouvrant de nouveau la bouche – si elle compte discuter pour deux, ce n’est pas pour déplaire à la jeune blonde. « Je n'ai pas mon portable sur moi. Je comptais appeler ma soeur pour qu'elle vienne m'aider à marcher jusqu'au prochain arrêt, mais... On dirait bien que c'est loupé. Est-ce-que vous pourriez me prêter le vôtre? Si cela ne vous dérange pas, bien sûr. » Son téléphone ? Alex fronça les sourcils avant de tâter ses propres poches – veste, jean, chemise – avant de regarder dans son sac de courses. Elle lâcha un juron – pour le principe, parce que ça fait du bien et puis, ça l’a faisait royalement chier cette situation – avant de relever une tête dépitée. « Désolé, je suis partie de chez moi sans réfléchir et… Pas de téléphone. » Doherty se mordilla la joue intérieure, une bataille intérieure se jouant férocement. Ne pas s’en mêler plus que ça, lui souhaiter bon courage et une bonne fin de journée et rentrer illico presto – non, sérieusement, ce n’est pas poli (mais on s’en fiche!) Non, on est mieux que ça, on ne laisse pas les gens comme ça (pas comme tes proches peuvent faire avec toi). Pestant rapidement contre elle-même, Alex soupira avant de lever les yeux au ciel – pour prier ? - avant de les poser sur la jeune femme sur le banc. « Vous devriez peut-être consulter, pour votre cheville. Ça a l’air de faire un mal de chien. »
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| | | | (#)Dim 26 Mai 2019 - 23:27 | |
| "Freya? Quel nom original!" S'enthousiasma la blessée lorsque sa sauveuse du jour lui déclina son identité, bien qu'un peu brièvement. Cependant, la Tahitienne ne semblait pas s'en être formalisée, loin de là. "C'est le nom d'une déesse de la mythologie nordique, non?" Demanda Heïana, autant en question pour son interlocutrice qu'en réflexion personnelle. Elle avait eu la chance de faire quelques cours de civilisations anciennes dans son école internationale, et ils avaient vu notamment les différentes légendes des principaux panthéons européens: grec et latin (qui se ressemblaient énormément d'ailleurs) mais aussi celte et nordique. Sans oublier ensuite les croyances du monde entier, mais en résumé vraiment très rapide. La demoiselle allait partir en réflexions internes, toute à ses pensées et à ses souvenirs scolaires, lorsqu'elle remarqua le geste de la dénommée Freya. Elle venait de croiser les bras devant elle. Oh, la brune n'était pas mentaliste ou psychologue, mais elle connaissait les mécanismes physiques d'auto-défense et de communication globale. Il avait bien fallu qu'elle s'y intéresse, jeune adulte ayant dû élever une enfant bien vite devenue adolescente. Sans entourage toujours très présent - et ce malgré tout l'amour qu'elle porte à sa famille maternelle, qui avait donné quelques coups de pouce quand elle vivait à Tahiti avec Moana - et seule tutrice légale de sa soeur, la maïeuticienne avait bien dû apprendre par elle-même. Et avant la pratique, quoi de mieux qu'un peu de théorie? Autant dire que des livres d'éducation et de comportementalisme, Heïana en avait lu. Au moins, ça aura complété sa formation médicale par rapport aux relations avec les autres. Rien n'est jamais inutile. "Je ne perds jamais, soit je gagne, soit j'apprends", comme dirait la cadette Brook.
L'impression qu'eut la franco-australienne se confirma par la suite; lorsque son interlocutrice lui annonça qu'elle n'avait pas son portable sur elle, Heïana la vit pester, avoir quelques tics de comportement... Il était toujours difficile de réagir face à une personne qui est mal à l'aise avec la mise en contact, et ce d'autant plus lorsqu'il s'agit d'une inconnue qui ne nous doit rien et que l'on ne reverra probablement pas. La blonde qui lui faisait face semblait face à un dilemme intérieur; lequel, ça la blessée n'en avait aucune fichtre idée. Toujours est-il qu'elle-même réfléchissait actuellement à comment maîtriser cette situation: continuer à taper la discussion à Freya, tout en ayant conscience qu'elle n'était pas à l'aise ? Lui demander plus d'aide, alors qu'elle avait sûrement mieux à faire? Ou rompre la conversation, au risque de paraître brusque, impolie et même ingrate envers celle qui venait de l'aider ? Ah... Que la vie pouvait être compliquée pour gérer de simples broutilles! Cependant, les divagations mentales d'Heïana furent interrompues par la voix de celle sur qui partaient ses réflexions, lorsqu'elle lui conseilla de consulter. La tahitienne ricana, massant son tibia encore douloureux: "En effet, je vais devoir consulter. Comme si je ne passais pas assez de temps à l'hôpital! Enfin, je commencerai par mettre de la glace, et on verra bien après..."
Alors qu'Heïana se morigénait mentalement - bah oui après tout, elle racontait sa vie alors que sa sauveuse ne voulait sûrement qu'un terme à cette conversation - du mouvement se fit sentir sur sa droite. Elle leva les yeux, et vit alors la troupe des cinq policiers, qui avaient attrapé le voyou. Ceux-ci étaient sur le retour vers leur poste, et s'étaient approchés des deux jeunes femmes, reconnaissant probablement Heïana à sa dégaine un peu défaite. Se mettant auprès d'elles, les hommes étaient assez raides; celui qui devait être le chef de brigade fit avancer le voleur, qui était menotté, et plaquant une main dure sur sa nuque, lui fit baisser la tête. "Excuse-toi, voyou!" le tança durement l'un des autres hommes de loi, mais le petit bandit ne semblait pas décidé à décocher un mot, et dégagea sa nuque de la poigne de l'homme. Alors qu'ils étaient venus pour faire les choses bien, les policiers se retrouvèrent face à un mur de silence; la tension monta d'un cran soudainement, et ils commencèrent à avoir des mots envers le voleur. "Excusez-moi" les interrompit Heïana avant que le ton ne monte vraiment, ce dont elle n'avait surtout pas besoin à cet instant, "Puis-je lui parler ?". La brigade toute entière la regarda avec des yeux ronds, mais l'un d'eux bafouilla: "Oui, bien sûr m'dame".
Heïana se releva, un peu péniblement, et se retrouva pile face au voleur. Celui-ci était jeune, très jeune. A peine majeur, probablement. "Qu'a-t'il volé?" Demanda la brune, tout en fixant le gamin qui lui, n'osait pas la regarder. "De la viande chez le boucher du coin. C'pas la première fois qu'il vole de la nourriture". Le regard d'Heïana se durcit envers les hommes de loi; si ce n'était pas la première fois, et que c'était tout sauf du vol de denrées superflues, pourquoi une aide n'avait pas été apportée à ce jeune? Enfin, elle n'avait ni l'envie ni la force de débattre. Elle se radoucit, et de deux doigts, releva le menton du garçon, le forçant sans violence à la regarder droit dans les yeux. Son ton fut ferme, mais presque maternel en même temps. "Je ne t'en veux pas. Mais essaye de ne plus voler, d'accord? Qui vole un oeuf vole un boeuf, comme on dit. Et la sanction ne sera pas la même, si un jour tu t'amuses à voler plus que de la simple nourriture. Des solutions existent, si on se donne la peine de les chercher. Ok?". L'adolescent semblait sur le cul de ne pas se faire enguirlander, aussi répondit-il avec un train de retard: "Euh.. oui, m'dame."; ceci convint largement à Heïana, qui fit signe que c'était fini pour elle. La Tahitienne se rassit alors que la brigade se tournait vers Freya, qui avait elle aussi été bousculée par le gamin, même si ça avait été moins violemment. D'ailleurs, le policier coupable d'avoir donné un coup - involontaire bien sûr - à Heïana lui fit de plates excuses à ce moment-là, qu'elle accepta avec un simple sourire. Le tout, depuis le retour des flics au moment où ils s'étaient tournés plus particulièrement vers Freya, avait duré moins de deux minutes. Il ne faut pas forcément bien longtemps, pour des leçons de vie. |
| | | | (#)Ven 31 Mai 2019 - 17:32 | |
| « Freya? Quel nom original! C'est le nom d'une déesse de la mythologie nordique, non? » Alex haussa les épaules. Ce n’était pas la première fois qu’on lui faisait la réflexion. Elle n’avait de commun avec une déesse que le prénom – et encore, Freya était une dérive de Freyja. Mais la jeune Doherty n’avait jamais eu le loisir de se poser avec ses parents, ou au moins sa mère, pour discuter du sujet. Pas que ça l’interrogeait plus que ça. « Pas sûr que mes parents en ont accordé d’l’importance, maugréa-t-elle dans sa barbe. » Alex se montrait malpolie en ne remerciant pas la demoiselle pour le compliment sur son prénom. Elle n’était pas le symbole de la jeune fille bien élevée, de toute façon. Même si sa mère a eu le temps de lui apprendre les bonnes manières. Mais elle était à des mille lieux de penser à être polie. Tout ce qu’elle voulait, c’était de rentrer chez elle. Il y avait trop de monde qui tournait autour d’elle (même s’ils étaient loin et vaquaient tous à leurs occupations) et le soleil commençait à taper assez fort sur sa tête pour qu’un mal de crâne se déclenche. Il n ‘y avait pas à dire, toutes les raisons du monde étaient bonnes pour retourner croupir dans sa piaule, avec son confort food qu’elle venait d’acquérir. « En effet, je vais devoir consulter. Comme si je ne passais pas assez de temps à l'hôpital! Enfin, je commencerai par mettre de la glace, et on verra bien après... » Alex se pinça brièvement les lèvres tout en regardant la cheville de la jeune femme assise. Il était arrivé un accident similaire à Tobias – seulement, c’était lui qui était coursé par les flics. Et il est revenu en clopinant, sous les cris de sa sœur car ils n’avaient pas les moyens de lui payer les radios, les traitements et tout ce qui va avec. Mais Alex ne s’inquiétait pas pour Heïana ; visiblement, elle avait plus les moyens qu’eux (oui, elle n’avait pas pu louper le sac avec la jupe à l’intérieur). Histoire de ne pas paraître plus grossière qu’elle devait déjà la voir, la jeune Doherty prit à son tour la parole, un air (faussement) intéressé. C’était plus pour faire la petite conversation en attendant la suite des évènements que par réel intérêt pour cette inconnue (il y a des jours où tu t’étonnes même d’avoir réussi à avoir des amis). « Vous passez beaucoup de temps à l’hôpital ? Le travail ? » Elle voulut rajouter ‘ou autre chose’ mais elle savait que ça pouvait être une pente délicate. Elle-même n’aimerait pas qu’on lui pose ce genre de questions. Surtout vis-à-vis d’une inconnue. Car elle-même se trouvait souvent aussi l’hôpital mais certainement pas pour y travailler. Mais peut-être que quelqu’un cher pouvait y être, à cause d’une maladie ou quelque chose comme ça. Elle en avait déjà croisé lors de ses propres visites. Alex se réjouissait un peu dans son malheur en se disant qu’au moins, elle n’avait pas à vivre constamment entre les murs et les blouses blanches de cette prison médicale. Après quoi, ses pensées ô combien joyeuses furent mis de côté alors que les flics retenant le fameux voleur se dirigeaient vers les deux femmes. Un d’entre d’eux lui demanda de s’excuser et ses méthodes brutales firent serrer les poings d’Alex. Les policiers n’avaient jamais été bien vu par les Doherty. Et même si son aîné était pompier, la police ne les voyait pas non plus d’un bon œil. Surtout à cause de Tobias, qui se trouvait dans des situations impossibles tous les quatre matins (il était exaspérant). Apparemment, le garçon aurait volé de la nourriture. Alex ne pouvait pas le blâmer – elle s’était retrouvée dans cette situation plus d’une fois. La jeune Doherty haussa un sourcil aussi surpris que le jeune voleur face au discours d’Heïana. Le gamin devait sûrement être soulagé de ne pas se faire enguirlander par un autre adulte. Quand le groupe d’hommes parti, la blonde se tourna vers la jeune femme. « Il recommencera. C’est beau, c’que vous avez dit, mais c’est qu’des paroles. Pas ça qui va lui mettre de la bouffe dans son assiette. » Non, elle n’était pas défaitiste mais réaliste, tout simplement.
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| | | | (#)Dim 2 Juin 2019 - 17:02 | |
| Heïana sourit en voyant que la jeune femme, malgré tout, poursuivait la communication entre elles. Malgré le fait qu'elle semble introvertie au possible, elle se forçait à ne pas laisser la blessée seule, et à tenir un semblant de conversation. Que ce soit pour meubler le temps et l'espace, pour s'occuper, par bonne ou mauvaise foi, il n'y avait aucun souci. Le fait est que dans tous les cas, Freya faisait un effort alors qu'elle ne devait strictement rien à la Tahitienne et qu'elle aurait très bien pu la laisser là comme une vieille chaussette - sachant que même là, la brune n'aurait rien eu à y redire, ça avait déjà été très gentil de la part de la blonde de l'aider lors de sa chute - mais non, elle restait et poursuivait la mince discussion qui tenait entre elles. "En effet, pour le travail." confirma Heïana avec un léger sourire. "Je suis sage-femme au St'Vincent Hospital depuis un mois à peu près." Elle grimaça, une certaine contrariété s'affichant sur ses traits doux, alors qu'elle massait sa jambe douloureuse dans un réflexe attendu. "J'espère que je vais être capable de marcher rapidement. Je ne compte pas les mettre dans le rush avec un arrêt de travail". Heïana n'était en effet pas du genre à ne pas aller faire son devoir pour si peu; elle irait d'ailleurs à la maternité même si sa jambe était en vrac, quitte à devoir porter une attelle.
La franco-australienne considérait que sa présence au sein de service ne la concernait pas qu'elle, mais aussi ses collègues qui seraient forcément impactés par son absence si elle devait l'être, ainsi que les futurs ou jeunes parents qu'elle avait suivi tout au long de la grossesse et qui espéraient vivement que ce soit elle qui gérerait l'accouchement ou bien qui serait présente aux consultations futures. Sans parler de la difficulté de recrutement pour les cadres de santé de son secteur lors de son hypothétique arrêt. Bref, elle avait mieux à faire que de ne pas aller au travail. Bien que contente que Freya ait enclenché la discussion sur son travail, Heïana ne lui retourna pas la faveur, se doutant qu'elle n'était pas forcément souhaitée. Après tout, le ton de la discussion restait assez badin, commun, et elle ne voulait pas que son interlocutrice se sente forcée à en dire plus que sa pudeur ne l'admettait. De toute façon, elle n'en aurait pas eu l'occasion, même si elle l'avait voulu, car les flics débarquèrent à ce moment-là avec le jeune voleur. Après la petite leçon de morale, qui valait plus comme encouragement, qu'Heïana lui fit, ils partirent en trombe.
Ce fut avec surprise que la Tahitienne entendit la blonde réagir à ce qu'elle venait de dire. Elle semblait saluer son joli discours, tout en pointant son manque de réalisme. Heïana leva les yeux alors vers Freya, ses yeux verts pétillants, toujours pleins d'enthousiasme, d'une pointe de bienveillance et de détermination. Elle répliqua avec une certaine conviction: "C'est vrai, les choses ne sont pas aussi simples que ça, j'en ai conscience. Mais je suis aussi intimement convaincue du pouvoir des mots, et de notre attitude sur ceux que nous rencontrons, même brièvement. Si jamais j'ai réussi à redonner un peu de courage à ce garçon, un peu plus de confiance en lui-même, et que ça peut l'amener à se tourner tôt ou tard vers un moyen plus honorable et surtout moins risqué de se procurer à manger, alors j'en serai heureuse. Je ne dis pas que sa vie va changer radicalement, mais parfois, juste avec une petite impulsion, on peut réaliser des choses nouvelles et bénéfiques. Alors, pourquoi pas? Mieux valait cela que de l'enguirlander, en tout cas."
Heïana prit une inspiration, et s'essaya à se relever, s'appuyant juste assez sur sa jambe douloureuse pour la tester. Bon. Le mal était présent, mais pas insupportable. Elle saurait marcher, même en boitant, jusqu'au prochain arrêt de tram. Où elle n'aurait plus qu'à attendre patiemment d'arriver à deux minutes à pieds de chez elle. Un jeu d'enfant. Calant confortablement son sac en position bandoulière, la poche contenant sa nouvelle jupe dans son autre main, elle se retourna à nouveau vers Freya. "Je pense que je vais pouvoir rentrer chez moi. Merci encore de m'avoir aidée!" |
| | | | (#)Jeu 13 Juin 2019 - 18:59 | |
| Mais qu’est-ce qu’elle foutait encore là ? Maintenant que la dénommée Heïana semblait pouvoir prendre soin d’elle même, il serait temps de déguerpir. Après tout, elle n’allait quand même pas passer toute la journée ici, pour une cheville un peu enflée, si ?
(Tu peux être sympa… Quand tu le veux.)
Alex eut un léger soupir – cette voix intérieure l’épuisait plus qu’autre chose. Non, elle n’était pas sympa, ni gentille et encore moins agréable. Elle se montrait grossière, mal polie et complètement pas à l’aise. Elle ne sait pas comment on fait pour aider les gens. Elle n’était pas altruiste ni compatissante. Dans un sens, elle était égoïste ; ce qui ne l’atteignait pas, ce qui ne la concernait pas, elle s’en foutait.
Alors pourquoi elle restait planter là ? On aurait dit une poupée de chiffon raide qui était juste là parce qu’on lui a demandé. Pitoyable.
La jeune Doherty reprit contact avec le monde alors que la brune en face d’elle lui confirma qu’elle travaillait bien à l’hôpital – soupir de soulagement. Elle n’aurait pas pu tenir ni suivre et encore moins supporter une conversation sur la maladie, la souffrance et toutes ces conneries. Encore mieux, son interlocutrice était sage femme. Voilà quelque chose de sympa. Heïana semblait douce et agréable. Alex était qu’à demi surprise de la savoir donnant naissance à des bébés. Sans savoir dire pourquoi, la brune avait la tête de l’emploi. On avait envie de rester à discuter avec elle juste parce qu’elle semblait être de bons conseils avec sa voix calme et apaisante.
Sauf Alex, Freya Doherty qui trépignait intérieurement. Mais elle ne souhaitait pas que son interlocutrice lui fasse des discours de sage. Elle l’avait vu l’examiner comme l’ont fait les psychologues, après tout. (Pas conne, la poupée.)
« Les cris des bébés, ça vous donne pas mal au crâne, à force ? » Alex ne serait pas Alex si elle n’avait pas sorti ce genre de bêtise. Ce n’était pas de sa faute, elle ne savait pas comment parler aux gens. Surtout en pleine déprime. C’était Heïana qui s’était blessée physiquement mais c’est Doherty qui a mal, cherchez l’erreur.
(C’est toi, l’erreur.)
Elle se dépitait elle même et ça se voyait à sa façon de se mordiller la lèvre inférieure. Si la brune faisait ce métier, c’est tout devait lui plaire – y compris les cris des bébés ! Alex finit par passer la main sur ses yeux alors qu’Heïana reprit la parole. Il n’y a pas à dire, la jeune blonde regrettait de ne pas avoir croisé plus d’état d’esprit comme elle dans le passé. Peut-être que si plus de gens pensaient comme la brune, le monde serait meilleur. Mais c’est utopique et Alex la première était sceptique. « C’est à votre honneur, c’est sûr. Mais vous savez, ce genre de personnes, ils vont à la facilité. Le pouvoir des mots, ouais, mais les actions parlent toujours plus. J’espère vraiment qu’il ferra les bons choix. Mais je suis bien placée pour savoir que c’est pas qu’une question de bons mots et de gentils attitudes. Des fois, c’est juste… La vie qui craint. » Heïana finit par se relever avec sa patte cassée. Quand elle se retourna vers la blonde pour la remercier, Alex pensait enfin en avoir fini.
Grave erreur. La voir galérer avec sa jambe lui faisait presque de la peine. Dommage qu’elle n’avait pas de voiture, ni même de permis, pour ce genre de situation. Alex leva les yeux au ciel, constatant alors que les nuages commençaient à noircir doucement mais sûrement. Un soupir jaillit de ses lèvres avant « Vous avez peut-être besoin d’aide pour marcher, nan ? »
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| | | | (#)Sam 15 Juin 2019 - 13:33 | |
| Heïana sourit, amusée devant la réaction de son interlocutrice. C'est une question qu'on lui posait souvent, ça: le fait de supporter les pleurs des nouveaux-nés. Les gens semblaient considérer cela en horreur. En même temps, il faut bien dire que génétiquement, les cris d'un bébés sont faits pour alerter l'entourage et faire comprendre qu'un besoin est ressenti par le tout-petit; le fait que ce soit agaçant ou fatiguant n'était là que pour encourager l'être humain à prendre le plus vite en charge sa progéniture. La nature est bien faite, mine de rien. Haussant les épaules, la Tahitienne répondit: Il y a des jours où c'est fatiguant, oui. Mais c'est comme pour les inconvénients d'un peu n'importe quel métier, j'imagine: on s'y fait. C'est moche de faire cette comparaison, mais ce doit être comme le bruit des machines en usine: les ouvriers s'y font, en plus de se protéger par des casques. La demoiselle reprit, après une seconde de latence: Et puis, ils ne pleurent pas tout le temps. En plus, je ne suis pas avec eux non-stop: je gère aussi les ateliers de préparation à l'accouchement, les conseils grossesse et premières années de vie, les échographies, le suivi gynéco simple - que l'on ait eu ou non des enfants - , les urgences, les accouchements... Mon métier est varié, je ne risque pas de m'en lasser de sitôt.
Alors qu'elle se redressait, la sage-femme écouta les paroles de Freya dans leur débat sur le pouvoir des mots. Fronçant les sourcils, elle répliqua, l'air désinvolte: Je n'en ai rien à fiche de mon honneur. Je ne suis rien dans le parcours de ce jeune homme. J'espère juste qu'un grain de sable dans l'océan, additionné à d'autres, puisse amener une vague à se développer, et qu'elle deviendra un jour un véritable courant en elle-même. Mais vous avez raison, la vie craint. Tout le monde en est victime un jour ou l'autre. Autant elle n'avait jamais eu de souci d'argent, autant Heïana en connaissait un petit rayon sur l'injustice de la vie, sur son côté cruel. Après, à chacun de voir s'il a la volonté de lutter ou non contre son destin. Destin qu'on a tous tendance à se fabriquer par soi-même alors qu'il est tout ce que l'on refuse de devenir. Ironie du cerveau humain, quand tu nous tiens...
Quelle ne fut pas la surprise d'Heïana lorsque Freya se proposa pour l'accompagner! Elle ne réussit d'ailleurs probablement pas à le masquer sur son expression faciale, elle était trop spontanée pour ça. Mais pas plus que le ravissement qu'elle ressentait, du coup. Que son interlocutrice fasse cela de bon coeur ou en se forçant importait peu en soi: elle le faisait, elle faisait un effort alors qu'elle ne devait rien à la Tahitienne, et que celle-ci venait de lui signifier qu'elle pourrait se débrouiller par elle-même. De la part d'une personne semblant être aussi introvertie, c'était un véritable effort à saluer. Avec un large sourire, la brune répondit: Je veux bien! Merci, c'est gentil. L'arrêt de tram que je prends est à cinq minutes à pieds. Peut-être un peu plus, vu mon état. Ne voulant cependant pas forcer un contact trop brusque, Heïana se contenta de poser sa main sur le dessus de celle de son accompagnatrice, en soutien plus moral et rassurant que physique et nécessaire. Et puis, elle n'en était pas au point d'avoir besoin de tenir un bras pour marcher, merci bien! Voulant poursuivre la discussion, quitte à marcher à deux vers l'arrêt, la Polynésienne demanda: Vous vivez à Brisbane depuis longtemps ? Question simple, sans beaucoup de choses intimes à raconter en fonction du désir de l'interlocuteur, pas trop invasive... Cela devrait aller pour ne pas brusquer Freya.
@Freya Doherty |
| | | | (#)Sam 22 Juin 2019 - 10:12 | |
| Freya était surprise. Elle ne s’attendait pas à ce qu’une inconnue lui parle aussi. Jamais elle ne blablatait autant face à quelqu’un qu’elle ne connaît pas. D’ailleurs, la blonde ne parle jamais vraiment beaucoup. Ou sinon, c’est pour insulter ou être grossière. Ce qui n’était pas mieux, en soit. Mais Heïana semble animée par son métier. Il était clair qu’elle adore ce qu’elle fait. Et heureusement, d’ailleurs car Freya n’ignore pas le temps et l’énergie que cela doit demander de travail dans un hôpital. Pour y avoir fait quelques séjours, elle avait vu qu’il fallait être patient et compatissant, mais ferme et énergique. Ce n’était pas franchement le lieu de travail le plus joyeux au monde mais sûrement qu’Heïana était dans la meilleure branche du complexe médical. Voir la vie se former devant ses yeux, cela doit avoir quelque chose de… Magique ? Non, effrayant pour Freya. Avoir des enfants ne faisait absolument pas parti de ses projets. Comment pourrait-elle s’occuper d’un gosse si déjà, elle n’arrivait à s’occuper ni d’elle-même ni de ses frères ? Les enfants, c’est mignon quand ce n’est pas le sien, quand vous le voyez qu’une fois de temps en temps, pour de bons moments. Mais à vivre au quotidien ?
Non merci. Absolument pas. Niet.
Les enfants ne seraient pas une bonne chose pour elle (aucune patience, ni limite et ne parlons même pas de l’absence d’un environnement sain) autant qu’elle ne serait pas une bénédiction pour eux. Mais visiblement, il y avait pire au monde que d’arriver entre les mains d’Heïana. Freya regrette presque de ne pas avoir elle-même cette passion pour son métier. Elle n’a jamais eu d’ambition professionnelle. Tout ce qu’elle voulait, c’était quelque chose qui lui mette du beurre dans les épinards – car ce n’était pas son jumeau qui allait le faire pour eux. Et elle ne serait pas une Doherty si ce n’était pas un travail illégal, dans un casino douteux, fréquenté par des personnes louches. Autant dire que de son travail, elle ne s’en vante absolument pas, bien au contraire.
Elle avait même plutôt intérêt à se la fermer et mentir si on ne voulait pas retrouver son corps dans une benne à ordures à trente kilomètres d’ici.
« C’est cool que vous aimez votre job. C’est rare. » Après tout, si les gens travaillent, c’était en majorité pour subvenir à leurs besoins. Rares sont les chanceux qui savent ce qu’ils veulent faire et encore plus rarissime sont ceux qui font ce qu’ils souhaitent. Si Freya avait suivi son instinct, elle se serait peut-être retrouvée dans l’art. Un métier artistique, là où elle aurait pu développer et exposer son potentiel aux yeux de tous.
Mais la vie n’était pas toujours juste et ses dessins, il n’y a qu’elle qui les voit.
Heïana eut un air assez pincé, comme si Freya l’avait vexé. Pas que Doherty y prenait attention ou gare. Il y avait bien longtemps qu’elle avait passé le stade où elle réfléchissait à ce que les autres pouvaient penser. Mais le discours de la brune était bourré d’optimiste et ça, franchement, ça reste dingue à entendre, dans ce monde de fous qu’était devenu le leur. « Si plus de gens pouvaient avoir votre mentalité. » Si Freya aurait pu croiser une Heïana dans son passé, peut-être que son parcours aurait pu être différent. Peut-être qu’avec une Heïana, elle aurait pu remonter la pente plus vite et plus sereinement. « Vous ferriez une meilleure psy que ceux que j’ai pu voir. » Freya se mordit instantanément la joue de l’intérieur. Évoquer qu’on va voir des psychologues à une pure inconnue, sérieusement, si ce n’était pas une connerie, ça. Mais la brune lui donne une sensation réconfortante, comme si elle pouvait parler et ne pas être jugée ni évaluée. Sa réaction face au voleur était une preuve que c’était une personne visiblement compatissante et positive. Et ce genre de personnes, Freya en a rarement croisé en vingt sept ans d’existence.
Mais quand même, il ne faudrait pas en oublier les limites.
Freya fit du mieux qu’elle pouvait pour aider Heïana à clopiner vers sa destination. Cette dernière finit par lui demander si elle habitait à Brisbane depuis longtemps. Doherty haussa les sourcils avec un léger sursaut des épaules. « Une fille du pays. Toujours vécu ici et jamais parti. » Puis, elle tourne la tête vers la brune. « Vous avez un accent, vous, par contre. » La question n’était pas posée mais très clairement sous entendue.
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| | | | (#)Lun 24 Juin 2019 - 18:49 | |
| Vous avez raison, opina du chef la demoiselle lorsque son interlocutrice lui dit qu'il était rare d'aimer son métier, et qu'elle avait de la chance que ce soit son cas. J'ai toujours eu une passion pour la profession de sage-femme, je ne saurais pas trop expliquer pour quoi. Déjà à quinze ans, mon choix était fait, et je ne le regrette pas. Elle arrêta de parler un court instant, pensive, avant de rajouter: C'est aussi pour ça que je ne me formalise pas des inconvénients. Je ne dirais pas que tous les jours sont faciles mais globalement, je m'épanouis dans cette voie. Peut-être ne serait-ce pas toujours le cas; probablement qu'à un moment, la jeune femme voudrait évoluer en termes de responsabilité, pour devenir pourquoi pas cadre de santé, ou bien changer carrément de branche professionnelle. Après tout, il est vrai que son métier n'était pas des plus confortables: horaires décalés, ambiance de travail souvent stressante notamment aux urgences, journées de douze heures voire plus, tours de garde de vingt-quatre heures... Il fallait le vouloir pour le faire. Pour l'instant en tout cas, la relation avec les patients était son dada, et elle ne lâcherait ça pour rien au monde. Intéressée mais n'osant pas aller jusqu'à lui poser des questions trop personnelles, Heïana demanda: Et vous ? Quelque chose qui vous passionne ? Votre métier, ou un passe-temps... Vous avez des doigts fins, on parle souvent de mains de pianiste, mais ce n'est qu'un dicton.
Lorsque Freya la complimenta sur sa manière de voir les choses, au point qu'elle la trouvait meilleure que des psychologues qu'elle aurait pu voir, la maïeuticienne rougit légèrement et répondit: Je n'irai pas jusque-là, je n'ai pas leurs compétences. J'essaie juste de voir la vie sous son meilleur angle, pour avancer plus facilement. Le fait que la jeune femme lui ait avoué, sans vraiment que ce soit sur le ton de la confidence, se faire suivre psychologiquement ne choqua pas Heïana, ni ne l'interpella d'ailleurs. Après tout, beaucoup plus de personnes se faisaient aider que ce que l'on voulait bien croire. Sa petite soeur elle-même avait besoin de visites régulières, depuis l'accident de voitures qu'elles avaient vécu. D'ailleurs, elle n'y était plus allée depuis leur retour à Brisbane, il était temps d'en retrouver un. Si jamais vous avez un contact dans cette ville, je suis preneuse, déclara la Polynésienne d'un ton badin. Elle pouvait tout aussi bien se renseigner par elle-même au St Vincent Hospital, y travaillant, mais si elle pouvait avoir l'avis d'une patiente avant de choisir, elle n'allait pas se faire prier. Marchant clopin-clopant, les deux jeunes femmes discutaient ainsi tranquillement, sans forcément dire des choses très personnelles au premier abord, et pourtant, un lien se créait, tout timide, tout fragile, tout ténu, mais il était bien là. Sinon, pourquoi Freya se serait-elle forcée à rester auprès d'Heïana, alors que ce n'était pas dans sa nature et ses habitudes de parler aux inconnus ? Et pourquoi la Polynésienne aurait-elle accepté l'aide de la blonde, si ce n'était pas parce qu'elle sentait un minimum de feeling entre elles?
D'ailleurs, un petit éclat de rire s'échappa de sa gorge lorsque la plus introvertie d'elles deux lui annonça qu'elle avait clairement perçu un accent. Heïana répondit avec franchise: Vraiment ? Je n'avais pas réalisé que j'en avais développé un. Je suis franco-australienne, née et élevée à Brisbane... Mais j'ai effectivement vécu à Tahiti pendant sept ans, et je viens de revenir. Vous avez une bonne oreille ! Ou alors je ne me rends vraiment pas compte que mon côté "frenchie" a pris le pas sur mon parler australien. Les deux jeunes femmes arrivèrent finalement à l'arrêt de tram. Le prochain était pour dans trois minutes. S'asseyant sur un banc mis à disposition des usagers, Heïana soupira. Elle commencerait par poser de la glace sur sa cheville, puis serrerait bien avec un bandage, en espérant que ça suffise. Sinon, ce serait rendez-vous au médecin, pour son plus grand malheur. Eh oui ! Ce n'est pas parce qu'on bosse dans le milieu médical qu'on aime se retrouver du côté patients, loin de là. |
| | | | (#)Mar 2 Juil 2019 - 20:15 | |
| Et ben, il y a pas à dire, Freya en viendrait peut-être à envier cette jeune femme qu’elle ne connaissait pas il y a encore un quart d’heure. Elle est bien dans ses pompes – bon, là, en la voyant clopiner, forcément, ce n’est qu’une façon de parler – elle semble apprécier son travail – qui peut dire encore que son boulot l’épanouit ? Insensé, incroyable et pourtant, bien réel – et en plus, Heïana a cet apparence et cet air d’une petite fée qui peut vous faire dévoiler vos doutes et vos peurs les plus secrètes en un tour de baguette. C’est étrange cette sensation qu’a Freya actuellement. D’habitude, elle n’aime pas écouter les gens et encore moins devoir communiquer avec eux. Vivons heureux vivons caché, on dit. Pour Doherty, en l’occurrence, il y a plusieurs sens possible à ce dicton. Et pourtant, alors qu’elle est présentement au fond du gouffre le plus profond de l’univers, elle pourrait rester des heures à écouter Heïana discuter de la pluie et du beau temps.
T’es vraiment tarée, ma pauvre fille.
Du coup, Freya ne peut retenir le léger sourire – Ô miracle ! – alors que la brune s’étanche sur son métier. Franchement, c’est vraiment beau à voir. C’est tellement rare, quelqu’un de content, dans son entourage. Limite si elle n’a pas peur de la pourrir de malchance en l’aidant à se diriger vers l’arrêt souhaité. Puis, Heïana finit par lui demander si elle a des passions. Son métier ? La blonde retenue un léger rire jaune. Certainement pas. Son métier est une source de mensonge à lui tout seul. Ne pas en parler, ne pas l’évoquer. Il n’a rien d’aussi honorable que sage femme, on en est même très loin du compte. Freya regarde alors ses mains, comme pour vérifier les dires de la jeune brune. Elle, elle ne voit que le bout de peau qu’elle s’entête à vouloir arracher jusqu’au sang et ses ongles affreusement découpés par ses dents, tic nerveux dont elle ne peut s’empêcher d’arrêter. Alors, elle hausse les épaules. « Foutez moi avec un piano, et vos oreilles risquent de me maudire. Par contre, avec un crayon, j’me débrouille pas trop mal. » Elle tourne la tête vers Heïana tout en la penchant. « Vous êtes le genre de nana que j’aime bien dessiner. Vous êtes jolie. » Freya aime dessiner ce qu’elle voit. Mais ce qu’elle préfère, c’est révéler ce qu’elle ne voit pas. Du coup, elle mélange le réel et l’imaginaire avec l’aide d’un crayon et de papier qu’elle trouve ici et là. On lui a dit que ça peut aider – mais Freya, elle s’en fiche si ça l’aide ou non. Elle ne dessine pas pour la thérapie mais parce qu’elle aime ça. Les conseils de psy, ils peuvent se les foutre là où on le pense.
En parlant de psychologie, Heïana se la joue modeste mais Freya n’en pipe mot. « Vous savez, les diplômes, les études et toute c’te merde, c’est que pour faire joli. Y a ce qu’il y a dans la tête pi y a c’qui y a dans le coeur. Vous avez p’t’être pas la tête mais vous semblez avoir le coeur. Et croyez moi, c’est vachement important pour ce genre de job. » Elle en a connu, des psychologues qui ne voyaient en elle que le chèque qu’ils allaient pouvoir mettre sur leur compte à la fin du mois. En trouver un bon était une rude épreuve et elle l’avoue sans détour à la jeune femme. « Ça fait longtemps que j’vais plus en voir. J’me débrouille bien mieux toute seule. » Et puis, Freya n’a pas assez pour assumer tous les frais financiers autour d’elle de toute façon pour pouvoir y inclure une heure par jour sur un canapé à parler de son pauvre cerveau mal fichue.
Tout en faisant du mieux qu’elle peut pour garder sa partenaire éclopée en équilibre, Freya fit attention lors d’un passage piéton alors qu’Heïana lui parle de son accent. Pour une Australienne pure souche, un brin d’accent s’entend forcément. « Pourquoi vous y êtes pas restée ? Tahiti, c’est le rêve pour beaucoup. » Elle aide la jeune femme à s’asseoir avant de tirer machinalement le bout des manches de sa veste, sans vraiment sans rendre compte. « Enfin, j’crois. » Voyager a toujours été qu’utopique chez les Dohertys. Il y a bien eu quelques escapades ici et là, dans les villes voisines mais rien de très palpitant. La blonde regarde le panneau des départs. « Trois minutes et seule jusqu’à chez vous, ça va aller ? »
Décidément, cette journée est riche en rebondissement.
Dernière édition par Freya Doherty le Jeu 4 Juil 2019 - 18:58, édité 1 fois |
| | | | (#)Jeu 4 Juil 2019 - 18:55 | |
| Toujours vécu ici, jamais partie... Ces quelques mots firent divaguer Heïana en un instant, la plongeant - ou du moins une part de son cerveau, car les femmes sont toujours capables de faire plusieurs choses à la fois il paraît - dans de profonds souvenirs. Victoire. Son amie d'enfance, aux différences si marquées avec elle. L'une fille de riches gérants de chaîne hôtelière, l'autre enfant défavorisée, mais les deux liées par un loisir commun et par une forte amitié. Malheureusement, voilà des années qu'elles s'étaient éloignées, la seconde plongeant dans une vie et des fréquentations plus que douteuses. Quelques temps plus tard, la première perdait ses parents dans l'accident de voiture ; la suite, on la connaît. Tout contact avait été rompu depuis; étrangement, et même si les situations étaient tout à fait différentes, Freya rappelait un peu à Heïana sa meilleure copine de ses jours tendres. Sans en savoir vraiment beaucoup sur sa compagne du jour, la Tahitienne se doutait bien qu'elles avaient des modes de vies totalement inverses, opposés. Pourtant, elle ne pouvait s'empêcher de ressentir un certain attachement envers la blonde, une affinité. Mais elle n'eut pas le temps de réfléchir plus longtemps là-dessus que son interlocutrice lui avoua que si elle n'était pas faite pour le piano, le dessin, lui, était plus dans sa veine d'action. Minaudant, faussement fière, la sage-femme s'exclama: Ah, je me disais bien que je sentais une fibre artistique chez vous ! Cependant, la déclaration qui suivit, de la part de la Brisbanaise borned and raised l'étonna bien plus. Les joues de la franco-australienne se colorèrent de pigments rosés, donnant une étrange teinte à son grain de peau caramel. Heïana ne joua cependant pas aux fausses modestes, et accepta le compliment avec ravissement. Chaque appréciation positive était bonne à prendre, et il fallait savoir s'apprécier soi-même; lorsque cela venait des autres, c'était touchant! Merci, c'est super gentil. Si ça vous intéresse vraiment, ça ne me gênerait pas de poser pour que vous vous exerciez ! La seule contrepartie que je demanderai, c'est d'avoir le droit de voir vos oeuvres.
Cependant, la litanie de compliments venant de Freya ne s'arrêta pas là, car elles sautèrent ensuite sur le sujet de la psychologie et de la capacité d'Heïana de faire voir le meilleur aux gens. Elle rit, gênée tout de même d'être autant encensée, et ce de la part d'une personne aussi introvertie, mais appréciant tout de même la critique. Je ne sais pas pour la tête, mais pour le coeur, je fais au mieux. La vie serait trop triste si on ne faisait pas l'effort de voir le verre à moitié plein, plutôt qu'à moitié vide, je pense. Elle ne savait pas trop le pourquoi du comment, mais la brune sentait que son alter ego blond se détendait peu à peu; la preuve, elle poursuivait les différents sujets de discussion elle-même ! On était bien loin de la femme à l'air détaché, un peu froid et surtout fuyant que la blessée avait rencontré vingt minutes plus tôt. En tout cas, je suis contente de vous avoir eue sur mon chemin. Vous me semblez introvertie, mais sur la foule présente ici, vous êtes la seule à avoir eu assez d'empathie pour m'aider. Et vous dites ce que vous pensez, vous êtes authentique, franche. C'est quelque chose que je respecte beaucoup. Heïana leva les yeux vers le panneaux lumineux indiquant les arrivées des prochains trams. Deux minutes. En effet, ça irait pour rentrer jusque chez elle, elle n'était pas en situation de handicap non plus ! Cependant, elle tira de son sac un calepin, un crayon, et griffonna quelque chose dessus. La demoiselle déchira ensuite la page et la tendit à Freya : Mon numéro. Si vous voulez boire un café, sortir, ou si vous concrétisez de me mettre sur toile... Quoi qu'il en soit, ce sera un plaisir ! Ça y est, la sonnerie du tram retentit, le moyen de transport s'arrête. Clopin-clopant, Heïana entra dans le wagon. Elle se tourna vers Freya une dernière fois, alors qu'elle sortait sa carte d'abonnement. Merci encore ! Et à bientôt, j'espère. Les portes se fermèrent, la Tahitienne salua la blonde de la main, avant de disparaître dans le paysage urbain, emmenée par la machine de métal. |
| | | | (#)Jeu 4 Juil 2019 - 21:49 | |
| Heïana lui demande qu’elle lui montre ses œuvres en contrepartie. Fair enough mais pas aussi aisé à faire qu’à dire. Freya garde jalousement tous ses carnets sous son lit, loin du risque que quelqu’un les trouve. D’accord, ce n’est pas non plus la meilleure cachette du monde mais elle fait avec ce qu’elle a sous la main. Sa chambre, son frère sait qu’il n’a pas le droit d’y rentrer (mais l’inverse n’est pas toujours vrai, ceci dit). Ses dessins, elle a toujours la flippe qu’on les voit car ils peuvent être considéré peut être comme trop singuliers, originaux, morbides voire presque alarmants. Elle se rappelle trop de ces séances chez la psychologue qui n’a pas hésité à lui foutre un crayon dans les mains pour qu’elle s’exprime, même si elle avait déjà atteint l’âge de la puberté et du début de l’adolescence. Plongée dans un mutisme pendant quelques semaines après l’incendie provoquée par son père, le dessin a été son échappatoire et la seule chose de positive que lui a prodigué ses interminables séances chez les professionnels. Du coup, quand elle montre ses dessins, Freya a l’impression de se retrouver de nouveau juger sur son état mental.
Et ça la terrifie.
Mais Heïana ne lui donne pas cette impression. Comme elle le précise par la suite, elle veut voir la vie avec un verre à moitié plein. Dans une autre optique, Freya est bien d’accord avec elle ; un verre à moitié plein est bien plus consistant et helpful qu’un verre à moitié vide ! En tout cas, la brune n’attend pas de voir de quelconques gribouillis pour lui donner le fond de sa pensée et ça, la blonde ne s’y est pas préparée. Empathique et authentique, voilà deux mots qu’elle n’aurait jamais associé avec sa petite personne. La franchise ne l’est pas vraiment, c’est juste que Freya n’a pas peur de dire les choses. Elle a appris à se forger et à exprimer le fond de sa pensée. Nonchalante, limite arrogante et peut-être même prétentieuse, on accuse souvent ce comportement. Surtout quand les mots blessent autant qu’ils sont sincères.
La vérité fait toujours mal au cul, de toute façon.
En tout cas, Freya n’eut pas le temps de répondre quoique ce soit qu’Heïana se redressait sur sa cheville blessée après lui avoir tendu un papier. Quand Doherty y jette un regard, elle eut un haussement de sourcils. Qui donne son numéro à une banale inconnue dès sa première rencontre ? Son interlocutrice, apparemment. « Donnez pas votre numéro à n’importe qui, y a des tarés dans c'monde. » Et ce fut les dernières paroles qu’elle put prononcé avant que les portes ne se ferment.
Ce bout de papier, Freya le fourre dans la poche arrière de son jean, se promettant de l’enregistrer dès qu’elle aura mis la main sur son téléphone. Car elle compte bien la recontacter, ne serait-ce que pour prendre des nouvelles.
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| | | | (#)Jeu 4 Juil 2019 - 21:49 | |
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| | | | | | | | Une journée (presque) parfaite ~ Freya Doherty |
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