De comment, j’étais là.
De comment j’étais plantée là, avec une pancarte dans les mains, le front poisseux de sueur, le soleil qui tape sur ma nuque, mes mèches qui collent à ma peau.

Et en plus, il s’est tiré le con. Il m’a laissé ses affaires, son sac à mes pieds, mes Converse qui jouent avec l’anse, la tire vers le haut, la pousse vers le côté. J’ai buté son messenger bag quelques fois aussi, un peu plus loin, pour passer le temps, pour le faire chier en étalant de la poussière sur le tissu. Mais la terre reste pas, le sable non plus. J’attends donc, les gens qui autour de moi pullulent, les silhouettes qui se multiplient, les conversations qui montent, le ton aussi. Ils ont décidé à un moment de mettre de la musique, de meubler un peu les hauts et les bas, les voix de tout le monde qui se mélangent, parfois des plus agressives que d’autres. C’est pour l’environnement je pense, qu’ils se plaignent aujourd’hui. Le réchauffement climatique, les océans pollués, des espèces en voie d'extinction, je sais plus trop d’où et de comment, mais ça a l’air sérieux à voir le nombre de gens qui se sont monopolisés pour être là aujourd’hui. Et j’y peux rien, mais mon regard balaie un peu tout le monde, scrute, observe, analyse. Je juge pas par contre, breaking news, parce qu’en fait je suis au même niveau qu’eux là, avec mon panneau de carton entre les paumes, les coins que je plie du bout des doigts en attendant de servir à autre chose qu’à être une potiche de service qui attend son copain parti sauver le monde à l’autre bout du monde, justement. Connard.

À un moment, y’a un de ses potes qui vient me voir par contre. On discute, il est cool, me parle de musique, de bands que je dois absolument connaître. De son dernier voyage, un backpack trip dans une forêt japonaise, et le gars il décrit tout, il est hyper généreux, ses adresses, ses recommandations, son séjour au complet qu’il me partage. Je retiens les hikes qu’il a faits, les nuits terribles qu’il a passées en pleine nature, de comment il est revenu changé avec le goût de repartir ailleurs, de voir le globe en entier. C’est cool, c’est inspirant, c’est en plein ce dont j’aurais besoin à l’instant je pense, pour changer d’air un peu, pour voir ailleurs – quand il casse tout en me demandant où est Joel. Je soupire, roule des yeux, montre que non, il est pas dans notre périmètre. Mais son ami est sympa – je serai pas chiante avec lui non plus. Il mérite pas ça. « Il est soit en train de démonter le système politique américain en pleine entrevue en direct à la télé, soit il a trouvé un foodtruck vegan et il se goinfre comme un malade. Je sais plus quoi faire de lui, là. » que je finis par lui répondre un trait sèchement, en battant des paupières, rien que pour lui montrer que ouais, je suis pas toute seule par choix, et que ouais, ça risque de se terminer assez rapidement pour moi si l’après-midi continue en ce sens. Il finit par partir le gars, au même moment où je ramasse le sac au sol, et accroche mes yeux à la sortie également. J’ai repéré un coffee shop pas trop loin, j’irai là en attendant whatever the f je dois attendre.

« Oh, hey. » mais ça, c’était avant de tomber sur Jameson. Un pas à gauche, un autre à droite, c’est quand je fais volte-face que je croise son regard, regard qui aurait tout à gagner à détailler ce dont j’ai l’air, là, avec mon affiche qui revendique les opinions de la grande majorité de la foule présente ici. Une vraie petite militante, en somme. « C’est pas mon écriture. » mais je me dédouane, parce que bon, c’est vrai que c’est Jo qui a écrit ce qui se trouve là, et que de me l’entendre dire suffit à ce que ça passe un peu mieux d’avoir l’air de ça devant elle. « Je suis là qu’en support moral. » mais elle verra bien vite que mon support sert à rien  - il n’y a aucun signe de qui que ce soit à supporter autour de moi à des mètres à la ronde.

« ON LÂCHE RIEN LES GARS ! » que je gueule à la cantonade en brandissant fièrement la pancarte « My father will hear about this » qu'un type m’a collé entre les mains avant de disparaitre je sais pas trop où. Moi qui à la base étais juste venue prendre ma pause dej dans le parc à la cool je m'étais vite faite happée par cette horde d’humains survoltés qui faisait un sacré boucan du tonnerre et vous imaginez bien que toute cette belle énergie ça m’a aussitôt donné envie de rejoindre leur rang ! (D'autant qu'en ce moment je préfère littéralement faire N’IMPORTE QUOI plutôt que de bosser donc y a de ça...) Bref, me voilà donc à brailler et manifester joyeusement au beau milieu de cette sympathique troupe et je sais pas trop pour quoi je manifeste à ce stade mais c’est pour la bonne cause ça, c’est sûr ! N'empêche, au bout d'un petit moment, je commence quand même à avoir l'ombre d'un doute affreux, des fois que d'aventures j'ai atterrie dans un délire à la manif pour tous ou les étrangers dehors ou une connerie du genre mince alors ce serait moche ! Du coup je me mets à regarder autour de moi pour scruter les pancartes et t-shirts de mes camarades de révoltes à la recherche d’indices, mais à ma droite le joli p’tit papy qui ressemble à Magneto ne porte rien d’indicateur et de l’autre côté je ne vois qu’une fillette avec un t-shirt « Hulk smash » et son pote qui a un hoodie d’Iron Man entrain de faire le repassage. Je glousse, mais je suis pas trop avancée pour autant. Alors je tapote l’épaule du blondinet devant moi qui a des airs de Thor avec des dreadlocks et je lui demande : « Hey s’cuse moi y se passe quoi en fait ? » « Manif’ contre le réchauffement climatique, la fonte des glaces, la pollution d’nos océans eT LES POLITICIENS QUI EN ONT RIEN A FOUTRE ! » rugit alors le Thor Dreadeux en brandissant son poing dans les airs (je suis un peu déçue qu’il ne soit pas accompagné de son marteau) et tout le monde se met à crier d’enthousiasme (ou de colère (ou les deux)) autour de lui. Je trouve que c’est un poil vague tout ça mais ça me suffit pour redoubler d'entrain aussi parce que c’est quand même des causes qui me tiennent sacrément à cœur et parce qu’il est charismatique, le garçon ! « OUAAAAI, je gueule à mon tour, FUCK LE SYSTÈME ! RÉCHAUFFEZ VOS CŒURS, PAS L’CLIMAT ! FUCK EACH OTHER, NOT THE EARTH ! » et mon p’tit discours qui s’fait acclamer et répéter lui aussi. Je roucoule, toute fière que je suis. J’me sens comme Superman QUE DIS JE Cat Woman (elle a quand même plus la classe), avec une p’tite touche de Beast Boy, un soupçon d’Harley Quinn (ou de Joker mais sans le côté abusif merci) et peut-être une noisette de Deadpool aussi. Un genre de Superbeastwomanharleypool, en somme. Ouai, ça m’dit bien ça. Quoi que attendez y a pas une nana qui s’appelle Squirrel Girl aussi ? Oubliez tout, j’suis ça ! Alors, le torse tout bombé de ma propre importance tel un puffed-up Captain America, je continue mon bout de chemin parmi les manifestants et je couve tout ce petit monde du regard quand tout à coup, droit devant, entre les deux épis d’un type coiffé comme Wolverine (mais j’crois pas que c’était fait exprès), j’aperçois une petite tête brune tirée à quatre épingle que je reconnais immédiatement comme appartenant à ma future belle sœur. Surexcitée, je bondi sur place avant de taper un sprint de folie dans sa direction. Dans ma tête je ressemble à the Flash ou Quicksilver, je m'y crois à fond. Dans les faits je ressemble probablement plus à Rocket Racoon dans le genre raton laveur teigneux (mais je m’y crois à fond quand même). « HEEYYYYY » je braille tout le long le trajet jusqu’à appuyer mes mains sur ses épaules et sauter agilement devant elle, mon sourire jusqu’aux oreilles. Elle est ravissante, comme toujours, avec son air doux sévère badass à la Wonder Woman meet The Wasp (un mélange carrément stylé qui me plait beaucoup et qui ne peut que plaire à mon frère en somme). « Trop contente de te voir ici ! » je jubile avant de remarquer ma très charismatique rousse de Ariane à ses côtés qui me fait toujours penser à une Poison Ivy ayant bouffé Black Widow. « Heeeey ma beauté ! » je m'écris alors avec un immense sourire pour la saluer et puis je repasse aux choses sérieuses : « Bon allez j’essaie de passer tout devant j'crois qu'y a la télé qui s'est ramenée pour fureter ! On s’capte bientôt ? Ce soir ? que je leur propose tout en m’éloignant, passez à la maison si vous voulez j’ai plein de carottes on fera des muffins et j’vous présenterai aux nouveaux p'tits colocs rescapés ! C'EST DES LAPINS ! » c’est presque en criant que je dois lancer cette dernière information pour qu’elles m’entendent et avant d’avoir leur réponse je disparais dans le foule aussi vite que je suis arrivée. Je suis dans ma lancée, investie d’une mission, plus rien ne peut m’arrêter. « ON LÂCHE RIEN ! »

codage par amatis et birdiesnow

Spoiler:

« Ariane, ça alors ! » évidemment que je croise quelqu’un que je connais à la seconde où je veux me tirer d’ici incognito. C’était plié. Et je m’incline, Jameson qui m’est tombée dessus sans que je râle, parce qu’elle est chill elle, qu’elle a du caractère, mais que c’est ce qui me plaît. Elle est pas beige, ça fait du bien à côtoyer, ça replace les intérêts et les valeurs aux bonnes places surtout. Surtout quand elle takes no shit, et qu’elle s’en fout de mes justifications de merde sur un potentiel lover égaré en chemin. J’explique et elle est perplexe, cynique presque, elle m’arrache un éclat de rire franc, elle sait qu’on aime pas perdre de temps. « J’ai comme l’impression que tu l’as perdu en route. » « Il vole de ses propres ailes, que veux-tu. » que je ragerais presque. L’autre qui m’a fait faux bond c’est pas bon pour son pedigree, mais je me retrouverai pas à me lamenter très certainement sur son cas. Qu’il vole de ses propres ailes donc, et qu’il s’attende pas à ce que je reste pantoise sur son sillage à espérer son retour impromptu quand monsieur l’aura décidé.

Jaimie qui se la joue curieuse, mon sourcil qui s’hausse quand elle demande son nom. « Le connard qui m’a abandonnée derrière pour aller revendiquer whatever planet Earth needs?  » mais mon acide reprend sagement sa place au creux de mes paroles acerbes alors qu’elle me rappelle le pourquoi du comment je me suis fait chier à venir ici aujourd’hui à la base. « Après toutes les fois où j’ai essayé en vain de t’amener à changer de style de vie pour militer à mes côtés, je me dis qu'il faut avoir de sacré arguments pour te convaincre. Et comme je ne connais personne d'aussi doué que moi pour les joutes verbales, j'en déduis qu'il a plutôt une sacré belle gueule... ou alors des abdos en béton - et pour le coup voilà qui peut tout à fait faire office d'arguments, je dois l'admettre.. » un nouvel éclat de rire, elle sait exactement où presser la brune, elle est pas avocate pour rien. « En effet, il a de sacrés arguments. » je bats des cils, le cherche un brin, le trouve pas plus, fais pas d’effort supplémentaire. « Joel. » que je répondrai finalement. Plain and simple. Elle saura faire 1 + 1 si ça l’intéresse de stalker son nom et tout ce qui en découle sur mes réseaux sociaux, pour ma part, j’ai assez parlé de lui sans m’enrager sans fondement au quart de tour. Next.

« HEEYYYYY » et la voix de Robin qui déboule, elle crie, elle collapse la petite, et elle est belle à voir surtout. « Trop contente de te voir ici ! » you don’t say que je retiens, hilare, rattrapant sa silhouette en posant ma main sur son épaule quand elle titube un peu trop mollement à mon goût. La puce surexcitée qui regarde Jameson puis qui me file un coup d’œil en alternance. Survoltée, elle s’emballe et elle pointe de partout, elle hurle aussi, je la suis pas trop, je m’amuse surtout. « Bon allez j’essaie de passer tout devant j'crois qu'y a la télé qui s'est ramenée pour fureter ! On s’capte bientôt ? Ce soir ? »  « Va jouer aux vedettes, ouais. » je pouffe, lui donne l’élan nécessaire pour qu’elle retourne défendre la veuve et l’orphelin, elle nous relance de loin pour ses biscuits et ses lapins, elle est dans son élément même si elle capte absolument rien. « Le pire, c’est qu’elle a rien fumé. » amusée, la remarque qui souligne, le regard attendri surtout. Robin qui a absolument rien en commun avec nos caractères explosifs autant à Jaimie qu’à moi, mais qu’on adore toutes les deux très fort, sans la moindre négociation possible. Liking our chemistry a lot.

« Ton slogan est clairement plus cool que le mien.  » que je préciserai, maintenant toutes seules. Et du menton, je pointe son affiche, presque rageuse, toujours intéressée toutefois. Si j’avais envie de partir y’a peu, les retrouvailles improvisées avec la brune me donne clairement le goût de rester un peu plus que prévu. « J’suis déçue, j’croyais que dans ces trucs-là on finissait enchaînés à des arbres ou à lancer des briques dans les fenêtres des laboratoires capitalistes. La mauvaise représentation. » un soupir affligé, exagéré, mais qui dénote la suite. Si elle veut faire de la casse, si la cause le permet, I’m her girl.

Mon regard se perd à scruter autour, Jo étant plus une option me reste les slogans des pancartes desquels me gaver. Y’en a des plus colorés que d’autres, certains qui m’arrachent un sourire en coin plutôt qu’un roulement d’yeux pathétique, y’a du progrès. Je sens que j’aurais pu faire mieux si on m’avait mise en charge des crayons, mais c’était sans compter qu’apparemment monsieur voulait avoir la calligraphie comme responsabilité. Joel et ses choix de citaitons bien pensées et totalement déconnectées me font chier, en comparaison. « Des années de pratique, j’ai eu le temps de le peaufiner. T'aurais dû voir ce que j’affichais à 15 ans… » « Tu t’en souviens encore ? Allez, fais-moi rire un peu. » parce que d’un pathétisme on passerait à un autre, et que ça me va amplement.

Viennent les préjugés que j’assume complètement, ceux qu’on dépeint dans les journaux, ceux qui sont censés nous donner peur de traîner trop proche d’une manif lorsqu’elle a lieu. À la télé, on dépeignait le truc comme un acte de débauche, comme si ça se terminait toujours à feu et à sang ; et si y’en a bien une de qui je rêve d’entendre d’horribles histoires, c’est bien de Jaimie. « J’ai testé en 2012, je recommande pas. Surtout que le type avec qui j’étais enchaînée a réussi à tomber dans un ravin quand il a fallu fuir et comme il s’est déboité l’épaule dans la chute j’ai dû le porter pour remonter la pente. » badass, que je pense, de suite, avant de soupirer pour la peine. « Juste l’épaule, c’est presque décevant ça aussi. » qu’elle l’ait supporté sur ses épaules lui vaut tous les honneurs et m’étonne pas le moins du monde à voir comment Jameson avait besoin de rien ni personne dans toutes les situations pour s’en sortir comme une reine – reste que son loser de service ce jour-là doit avoir les oreilles qui pétillent tellement je me moque mentalement de lui.

« Tu trouveras certainement des gens qui sont là pour la casse vers la fin du cortège, mais honnêtement je vois pas l’intérêt. C’est juste un plan pour nous mettre à dos l’opinion publique alors que nous en avons besoin pour avancer. » elle relativise, elle joue à l’adulte, je sais qu’il ne lui en faudrait que peu pour laisser sa rage parler, j’en rêve dans l’instant. « T’as toujours été la plus sage de nous deux. » et la plus sage de nous tous, aussi, accessoirement, quand y’a un idiot qui gueule je sais pas quoi, je l’écoutais pas, j’ai pas d’attention à perdre vers un inconnu à l’autre bout du terrain qui se la joue revendicateur. J’attends sagement qu’on dégage prendre une bière et râler sur la vie entière quand y’a des cris autour de nous, des bruits d’haut le cœur, et une odeur, une odeur dégeulasse. Mes fringues sont trempées, mon visage est collant, et ce n’est que lorsque je vois de quoi Jaimie est couverte que je réalise que j’en suis autant peinturée qu’elle. « Il est mort. » tiens, voilà, en plein ce que je voulais. Malgré le fait que je m’écœure moi-même à me sentir, et que la proximité de Jameson me donne un doublé d’odeur nauséabonde et liquides visqueux, j’y peux rien lorsque je chantonne, excitée comme une puce. « This is like porn to me. »

On s’éclipse toutes les deux, je sens que d’autres sont sur nos traces, mais j’en ai rien à battre d’eux, mon cerveau tourne en boucle et j’imagine déjà les 15 prochains scénarios catastrophes où il se retrouvera à souffrir sous notre courroux. « Comment ça marche, on le fait devenir vegan avant de le buter à mort ? » je jacasse, m’en fous un peu qu’il nous entende, qu’on se rapproche et que ma voix déclare notre position. Au pire (au mieux) il sortira de sa planque de lâche plus vite, et on pourra le démolir dans les temps avant l’heure de l’apéro. « Le gars, mon gars, il est vegan. » que ça me fait penser, que je sors de nulle part, faisant la conversation I guess. « C’est pas si mauvais du tempeh. » j’hausse les épaules, avant de détourner le regard de Jameson pour parcourir la ruelle ambiante où on a fini par aboutir. Et tout au bout, bingo, y’a le type au tablier, à l’air condescendant – qui en nous voyant ne l’est plus vraiment. « Hey toi. Viens là deux secondes, c’était du beau ce que t’as fait tout à l’heure. » il recule à cause de mon sarcasme, se prend les pied dans une benne à ordures, je presse le pas, le sourire sadique qui orne mes lèvres devant lui donner un aperçu de ce qui s’en vient pour son cas. « Le premier coup est à toi. » que je dédie à mon amie, pleine de bonne volonté.

On le rattrape, bien sûr qu'on le rattrape, vous pensiez quoi? « Relève toi petite merde, je frappe pas les types au sol. » mais il s'étale de tout son long le loser, et Jameson m'enlève les mots de la bouche quand elle fait état de la situation. L'autre loque qui sert à rien, c'est pas nouveau, pas étonnant non plus, j'en baille à m'en décrocher la mâchoire quand il gesticule et qu'il parle et que j'écoute pas, bien trop occupée à mémoriser toutes les catchphrases que mon acolyte du jour aligne les unes après les autres avec un sang froid que je lui admire à foison. « Tu veux rester par terre, et bien reste par terre. C’est pas ça qui va nous empêcher de refaire ton éducation. » « On t'a déjà dit que tu serait parfaite en Mrs Grey? » j'ignore sa prise, quand je fabule un remake de 50 shades of Grey où elle serait en vedette en mode dominatrix toute de latex vêtue. Quoi? On se distrait comme on peut.

Y'a des coups qui partent, un pied qui se lève, il a aucune chance le dude, et je doute qu'il est au courant. « Mais tu vas commencer par la fermer, parce que sérieusement tu nous gonfles. » ses plaintes ont le même effet sur moi que des ongles griffants un tableau à craie, il n'a rien de mélodieux, il fait juste pitié. À être pris au piège lui qui croyait si bien s'en sortir. « T’aimes le sang et la violence connard ? Alors bouffe moi ça. » le sceau qu'elle déverse sur lui quand je siffle d'admiration, applaudissements dédiés sur la fin qui rendent le tout encore plus fun, encore plus mémorable. C'est comme une partie d'un sport lambda que je suivrais juste pour voir la fin, qui rentre la balle au but, qui éclate la tête d'un raté en sus. « Il est à toi. » good lord this is good. « Mais t'attarde pas trop… pour ce qu’on sait son pote qui a détalé a surement déjà prévenu les flics et même si la première était charmante et nous a permis de nous rencontrer, tant qu’à faire je préfèrerais éviter une course poursuite 2.0… » pfff. J'ai pas besoin de bien longtemps, juste une poignée de secondes, ne nous emballons pas.

« Tu pleures, mon gars? » hey oh, rend-moi la tâche un peu plus difficile veux-tu. Il se recroqueville, il gémit, y'a des larmes sur ses joues, je jure, je roule des yeux aussi, bien sûr. « Vraiment? » je pense que ma voix faussement douce le leurre. Je pense qu'il se rattache à mon visage de porcelaine, à ma silhouette gracile, à tout ce qu'il faut pas, à tout ce qui le berne bien trop pour ne pas anticiper mon « Cute. » rageur, et mon coup de pied dans ses côtes qui l'est tout autant. Ça craque, je suis sûre que j'ai entendu craquer. Oh well, même pas désolée.

Ignorant sa tête de crétin comme l'entièreté du monde extérieur, je fais volteface vers Jaimie, le ton qui chante, les yeux qui brillent. « Je dirais pas non à une douche. » entre la douche sanguinaire plus tôt, la sueur de l'avoir pourchassé à la course, et le filth d'avoir été entourée d'autant de gros nuls pendant tout un après midi, y'a rien qui me ferait plus rêver qu'un jet bouillant décrassant ma peau, soulageant mes nerfs, nettoyant mes cheveux. « Et à une photo de sa tête sur mon jeu de dards préféré mais bon, on peut pas toujours avoir ce qu'on veut dans la vie. » désabusée, l'épaule que je hausse, la suite de la journée que j'espère.

Spoiler:

Aussi vite demandé que déjà je suis exaucée ; c’est au pas que je suis sans le moindre doute Jameson vers la salvation sous forme de douche bouillante. Je suis déjà allée chez elle à quelques reprises, rien de bien étonnant, les soirées savons & vin rouge qui coulaient à flot fût un temps ; ce qui me rappelle que ça fait foutument longtemps que j’ai pas eu un semblant de vie sociale avec elle. Me faire abandonner par le copain en pleine manifestation a son potentiel heureux, faut croire.  « C’était qui la blonde le nez collé dans sa fenêtre? » que je finis par demander, un peu après qu’on ait foutu de la saleté partout dans le bolide qui nous a ramenées jusqu’ici, qu’on laisse même encore des vestiges de traces au sol dans notre sillage. Je lance un regard noire à la curieuse, la voisine qui a l’air de clairement avoir besoin de se faire secouer par des poings ou dans des draps pour laisser un brin de tranquillité aux gens qui vivent. La fixer à travers les rideaux n’aide sûrement pas la cause de mon amie qui va fort probablement se retrouver aux prises avec quelques potins de quartier, mais ça fait un bien fou lorsque je vois la dite blonde rebrousser chemin derrière sa dentelle sous mon coup d’œil haineux et s’enfouir dans son salon sans plus de cérémonie. C’est ça ma belle, bats en retrait toi aussi.

« Je prends la salle de bain du haut, tu connais le chemin jusqu’à celle du bas, fais comme chez toi. » j’hoche de la tête, tête que je tourne d’un sens comme de l’autre à la recherche de Freyja mais de ce que je comprends, elle est pas encore tout à fait apprivoisée par ma présence et préfère se cacher sagement ; ça va, on est sauvages toutes les deux, j’en tiens pas rigueur. « Le placard sous l’évier pour les serviettes et y’a un peignoir propre derrière la porte. » « Comme à l’hôtel ; mais en mieux. » que je roucoule, toujours séduite par le luxe. À chaque visite ici depuis l’achat de sa nouvelle demeure que j’en profite un peu plus, que je me plais à vivre la vie de gens riches en testant tous les flacons, en ouvrant tous les placards. La douche ne me déçoit pas et j’y passe évidemment bien trop de temps, lavant chaque centimètre de mon corps et de mes cheveux avec tout ce qu’il y a à disposition sur les tablettes. Je sens un mélange de rose, de karité, de bergamote et d’hélichryse lorsque je finis par venir rejoindre Jaimie au salon.  « Tu veux un change? Je crois qu’on fait à peu près la même taille. » qu’elle me propose pleine de bonne volonté, une tasse d’eau bouillante et un sachet de puerh plus tard. « Pas question que je sorte de ce peignoir-là, on va m’enterrer dedans. » mes paupières battent la mesure quand je me blottis un peu plus dans ce qui va devenir ma seule et unique tenue jusqu’à la fin des temps – le potentiel confort de la chose supplantant tous les vêtements que j’ai pu enfiler de toute ma vie.

Je profite des installations et m’installe dans le canapé beaucoup trop moelleux pour que j’y ait droit, ça aussi, ça vient dans la liste des trucs qui me suivront dans la tombe. « Y’a du champagne qui vient plus tard? Des fraises? » ma voix vole, gamine au possible, j’ai les jambes qui se balancent sans que mes pieds touchent au sol et limite, on dirait presque que je suis heureuse, que ma resting bitch face habituelle s’est envolée un peu entre le masque à l’argile pour le visage et celui à l’huile de coco pour les cheveux dont j’ai abusés y’a une poignée de minutes déjà. « Je repensais à ce que tu m’as dit tout à l’heure, à propos d’une certaine Mrs Grey, tu sais ? Figures toi que oui, on m’a déjà dit quelque chose dans ces lignes. Mais… c’est qui en fait ? » et si je pensais pas que la journée pouvait être meilleure, Jaimie renchérit avec une nouvelle mention de l’un de mes sujets préférés hands down. Mon attention est toute rivée, je me brule les lèvres en les trempant dans mon thé sans broncher. « On t’a dit quoi concrètement? » toujours mieux de partir de ce que la personne sait plutôt que de la bombarder de trucs d’initiés. « T’inquiètes pas, j’ai sûrement entendu bien pire déjà ; toi tu peux confier n’importe quoi mon estime changera pas. » le podcast sur lequel je bosse toujours, pensant de plus en plus à me tirer de là et de GQ, pas encore totalement prête mais sachant très bien que la journée où je le serai, ce sera inévitable que je règle ma démission en un claquement de doigts. « Si tu m'annonces que t’as un donjon à quelque part ici je vais sûrement avoir une émotion, j’t’avertis tout de suite. » mon regard brille, mon sourire aussi, je perds mes iris autour de nous à la recherche d’une porte secrète ou d’un passage masqué susceptible d’y mener.

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Spoiler:

« Si on va sur ce registre je vais avoir besoin du champagne tout de suite. » et c'est pas moi qui vais s'en plaindre. Mes yeux la suivent quand elle se mouvoit, mes lèvres se réjouissent déjà d'être humectées de bulles, et c'est la célébration quand elle finit par lever son verre Jameson, en même temps que je lève le mien, quand elle me gâte à ce point. « Sláinte, aux aventures qui apparaissent sur nos chemins et ont la décence de ne pas nous suivre jusque chez nous. » « Il puait la mort, l'aventure du jour. » que je râle, râleuse en puissance. Ça semble être le jour et la nuit là, de voir à quel point on est passé par toutes les gammes dans les dernières heures. Y'a une pensée une seule qui vogue vers l'autre loser qu'on a bien fait de laisser derrière, lui duquel j'ai lavé les vestige dans la douche hors de prix de l'avocate. Un reniflement de mon poignet me confirme que ma peau sent encore le luxe, ma paume remonte les collets de la robe de chambre bien trop confortable pour que j'en sorte le long de mon cou. Elle a l'air d'avoir tout un monologue de prêt la brune, autant me mettre à mon aise.

C'est pas étonnant, ce genre de conversations avec moi. C'est devenu pas mal la routine au fil des années que mon entourage me sollicite, parfois même pas volontairement, au sujet de ce qui se passe sous leur couette. Et même si j'avais pour habitude d'être sauvage et un brin trop directe - ok, un bitch, selon l'opinion populaire - la déformation professionnelle reste telle que j'écoute vraiment, quand on m'ouvre cette porte-là. Je peux être une vipère avec qui que ce soit, je l'ai prouvé des tas de fois, mais ce genre de sujet-là reste tout de même le seul endroit où j'arrive à rester calme, où je veux du moins, calmer ma rage constante. Jaimie l'a compris parfaitement.

« Le gars qui m’a dit ça, c’est un type rencontré au bar d’un hôtel, à Sydney. » ouh, here we go.

Sa voix change d'un cran comme si on était passée en mode confidences, apparemment, c'est un secret d'état qu'elle dévoile là et je me suis promis juré craché de pas l'interrompre une seule fois. J'crois.  « Ça m’arrive parfois, ce genre d’attirance que t’as pas forcément envie de creuser plus que quelques heures. Sauf que j’accorde pas non plus ma confiance au premier venu alors j’ai des règles un peu strictes… et l’avocate en moi m’a poussée à formaliser tout ça à l’écrit. » les informations pleuvent, y'a un truc qui me dit qu'elle garde ça pour elle depuis vraiment trop longtemps et que le seul fait de le dire à voix haute aide énormément. J'aurais pu ne pas être là. Elle aurait pu se dire ça rien qu'à elle. Elle aurait pu juste l'assumer comme une grande que l'effet aurait été le même. C'est beau de voir ça. C'est presque émouvant mais là, je pense que c'est seulement l'alcool additionné au fait que j'ai rien bouffé de la journée qui rosit mes joues et éclaire mon regard.

« À l'écrit? » c'est tout ce que j'ai retenu, c'est tout ce qui me semble digne de mention. Pas parce que je suis pas attentive, rien que parce que je la reconnais bien là, la femme de loi, qui assure ses arrières comme un chef. Va falloir que j'apprenne à me responsabiliser comme elle un jour, vraiment, y'a plus un doute possible.

« Bref, j’ai bien senti qu’il s’émoustillait sévère quand j’ai sorti le contrat et que je lui ai demandé de le signer. » « Il est pas le seul. » que je rétorque, mon sourire en coin qui fait écho au sien, ridiculisant sans vergogne mon propre enthousiasme. Ouais, ce serait mentir de dire que je veux pas mettre la main sur ses fameux contrats, et ça serait encore plus faux de mentionner que j'ai pas le goût de voir celui qu'elle a dédié à son boy cette nuit-là - le reste, ça lui appartient.  

Le silence qui pétille parce que les bulles dans ma coupe sont aussi impatientes que moi de la suite. « J’ai pas de donjon. Mais j’ai un ‘placard secret’ avec quelques jouets. C’est assez pour te créer une émotion ? » et j'éclate de rire. Le rire de celle qui lui confirme que ouaip, le but est atteint, et surtout, surtout que le meilleur est à venir. « Tu peux pas me dire ça et rien montrer. C'est pas juste. » elle raille la gamine, quand ma moue supplie et que mon regard est bien trop curieux pour qu'elle me refuse la visite.

Elle m'amuse Jameson. C'est probablement ce qui étonnerait qui que ce soit nous voyant, là, alors que son air le moindrement fermé et autoritaire me terrifie absolument pas, que je sois pas plus impressionnée par son « Ariane voyons, c’est privé ce genre de trucs, je ne te demande pas de me présenter tous tes bas en dentelle. » qui sonne bien plus comme une raillerie que comme n'importe quoi d'autre. Mon sourcil se hausse, j'ai absolument rien à lui envier côté négociation, parce que faut dire qu'elle m'a tout appris, n'en reste que c'est assuré que je dirai rien de son plaidoyer, que j'attendrai aussi patiemment qu'il le faut la suite. « Bon, d’accord. » qu'est-ce que je disais ; elle m'a tout appris, et voilà qu'elle me donne tout aussi. « Te monte pas trop la tête, ça reste soft. » « On en a assez parlé, là, tu penses pas? » et ouais, mon sourire est immense, demandez-moi si ça me dérange de montrer à quel point je suis ravie qu'elle ait cédé.

Elle joue la reine dans son domaine alors qu'elle attrape la bouteille et m'invite à la suivre, mes pas se traçant dans son sillage et mon regard qui n'en finit plus de briller. C'est beaucoup plus l'impression de gratter dans son jardin secret qui m'emballe à ce point, et pas de voir un étalage de déguisements ou de masques, même si son choix est aussi classe que possible. L'interdit là, il réside à ce qu'elle me montre ce qu'elle ne montre pas, à ce qu'elle mette des mots et des accessoires et des déguisements sur des secrets que seuls ceux signant ses papiers ma foi intelligemment imaginés sont les seuls à connaître. « Et voilà. En gros c’est là que je range mes tenues, mes contrats et les trucs avec lesquels j’aime bien pimenter tout ça. » mes yeux parcourent tout, je la laisse tirer sur les tissus, s'amuser à déplacer les items quand mes prunelles dévorent le menu sans que mes mains se foutent dans le buffet. « Tiens, comme t’avais l’air intéressée tout à l’heure. » « Madame est trop aimable. » mes doigts se referment sur le dit contrat, maintenant que je laisse mes iris filer de gauche à droite au fur et à mesure que les lignes s'alignent et que les mots s'envolent. Elle a pensé à tout et elle est clairement le cerveau de l'opération, rendant les dictats bien plus fun que ceux qu'on transpose dans les films à l'eau de rose de ceux et celles qui ont bien plus à coeur de faire des sex scenes larmoyantes à souhait que d'assouvir avec brio des fantasmes en commun. Elle a dégagé tout potentiel de risque et c'est pour ça que je l'aime bien Jaimie, elle se fait pas chier avec les détails, et encore moins avec l'émotionnel, le sentimental de la chose. Grand bien lui en fasse, ça en sauverait des tas des gens, s'ils appliquaient ses codes à elle aussi bien qu'elle-même le fait. « J’me fais pas chier à en rédiger un à chaque fois. C’est relativement complet et ça a le mérite de couvrir ces types comme mes arrières. »

Mon hochement de tête est strictement là pour elle, quand moi, je suis là que pour saigner son contrat, y chercher des failles en sachant qu'il n'y en a pas, mémoriser les questions rien que pour mon plaisir personnel. C'est fun et c'est sûr qu'elle n'est qu'une unique exception, que personne d'autre n'a assez confiance en elle et en ses moyens pour dégainer ce placard secret-là aussi facilement. Pour sûr que je chéris chaque détail, m'amusant comme un gamin dans une confiserie si vous en doutiez encore. « Tu peux le garder si tu veux. J'en ai plein et ils me sont pas super utiles en ce moment. Comme ça t’auras un modèle rudement bien ficelé si jamais ça te tente d’essayer. » « Pourquoi? » que je m'entends demander, directement, sans même lever les yeux encore. Pourquoi ça sert pas , comme si c'était ça le drame dans l'histoire, comme si c'était ça le seul élément qu'il fallait retenir. C'est pas ça la priorité mais c'est la mienne, quand mon menton finit par se redresser, mais que mon sourire en coin répond d'office à sa place.

« Nah, laisse, bousille pas le mystère dis rien. » mes sourcils dansent l'un l'autre, je lui retends son contrat en prenant le temps de fermer la porte au passage, lui laissant l'impression d'avoir gardé une part de secret quand elle s'en fout fort probablement, et que j'ai bien évidemment tout mémorisé. « Comme ça je peux continuer à t'imaginer dans les pires comme les meilleures situations. Ça a du bon en vrai, t'aurais presque tout pour être l'inspiration d'une prochaine nouvelle, et t'étais sous mon nez tout ce temps. » et une dernière gorgée de champagne, avant que je fabule.

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