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 (Tommy) Down to the market

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Message(#)(Tommy) Down to the market  EmptyDim 2 Juin 2019 - 18:34



Down to the market
FEATURING @Tommy Warren & Harvey Hartwell
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La matinée n’était pas si entamée que ça, mais pour les marchands aux multiples étales colorées de west end market, cela faisait plusieurs heures qu’ils se trouvaient à leurs postes, déterminés à profiter au maximum de la belle journée ensoleillée pleine de promesse que leur offrait la météo australienne. Naviguant entre les étals, en quête de produits d’exception qui sauront satisfaire mes papilles et égayer mon palet, je me surprends à être porté par l’ambiance enthousiaste et à trainer un peu la patte pour retarder le moment où je retrouverais la solitude de mon petit appartement miteux. La visite non prévue de Primrose m’a fait ouvert les yeux sur ma façon de vivre, et je suis bien décidé à me reprendre quelque peu en main. J’ai toujours aimé cuisiner, et je refuse de l’admettre mais cela doit me venir de ma mère très certainement car elle réalisait les meilleurs plats du monde. Si je fouille dans mes lointains souvenirs heureux, je me revois en train de l’écouter sagement et d’appliquer méthodiquement et patiemment ses conseils culinaires. Je connais quelques recettes dont elle seule détenait le secret. Je suppose que c’est mon héritage génétique, mais j’aime cuisiner. Aussi, faire les marchés va de pair avec cette passion, et même si je n’en ai pas vraiment l’envie, je me force. Rester chez moi à me maudire n’arrangera rien. Sortir non plus, mais la vie me sera peut-être moins pesante si je m’intéresse à celle des autres autour de moi.

C’est donc avec plaisir que j’assiste aux échanges passionnés entre dames âgées autour d’un étal de fruits et légumes, l’une s’insurgeant contre les pesticides et l’autre dénonçant les manipulations des marques usant à tort de l’étiquette BIO pour mieux tromper le client. J’ai d’avis que nous sommes trop nombreux sur cette planète et que nous courrons de toute évidence tous à notre perte quoiqu’il en soit. Ça ne justifie pas de ne pas faire d’effort, je le sais bien. J’ai un minimum de conscience écologique malgré tout et j’aime acheter les produits auprès du fermier qui travaille d’arrache-pied du matin au soir plutôt que dans la grande distribution. C’est ma façon de les soutenir et de préserver le métier. Faible soutien, mais soutien quand même. Sacs remplis en mains, je continue mon petit tour, un peu comme un vieux. La trentaine est bien installée mine de rien, je n’aurai jamais fait ce genre de trucs avant. Mais ça ne me déplait pas pour autant. Je n’ai jamais eu de problème avec le fait de vieillir à vrai dire, c’est une chose tout à fait logique de la vie. Être vieux par contre, ça me terrifie et j’espère bien mourir avant les crises d’arthroses handicapantes. Qui plus est, finir dans un mouroir entouré de vieillards croupissants dans leurs pisses, ce n’est pas très  reluisant comme avenir. On va tous y passer. Quoiqu’il en soit, il y a une certitude dans tout ça : on finira bien par mourir. Et c’est rassurant. Remarquant les difficultés qu’éprouve une mère avec sa poussette, je l’aide à manœuvrer et hoche simplement la tête lorsqu’elle me remercie.

Lorsque je relève la tête, je croise le regard d’une jeune fille tout à fait charmante en compagnie de son père qui doit avoir à peu près le même âge que moi. La vie de famille n’est pas une chose qui m’a personnellement attiré, et j’éprouve toujours un pincement au cœur aux souvenirs qui remontent à la surface malgré moi. Cependant, le père de famille ne m’est pas inconnu et durant quelques secondes, je reste bêtement à le dévisager, jusqu’à ce que sa petite-fille rompt le silence en demandant – Papa c’est qui le Monsieur ? Il est bizarre. Et puis, ça me revient brutalement. Tommy. Tommy Warren. Ma bouche forme un O de surprise, avant que mes lèvres ne s’étirent dans un sourire joyeux. – Tommy ! C’est toi ? Wow, ça pour une surprise ! Je baisse mon regard vers la jeune fille qui m’observe avec ses grands yeux innocents et je lui offre un sourire. Décidément, je croise tous mes anciens amis par hasard dans cette ville ! A croire qu’ils sont tous restés ici finalement, c’est dingue. Une fois la surprise passée, je tends rapidement ma main vers lui, délaissant l’un de mes sacs sur le sol. – T’es avec ta fille donc... Bonjour toi ! Une lumière, Harvey, tu es une lumière. Je sais très bien que je ne suis pas le plus doué pour faire la conversation, mais je suis bourré de bonnes intentions, ça devrait suffire non ? Pas toujours, malheureusement…




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Message(#)(Tommy) Down to the market  EmptyLun 8 Juil 2019 - 19:09

Le pas volontaire, Moïra portait fièrement le cabas encore vide emprunté à sa grand-mère, et dont Tommy aurait sans doute vite fait d'hériter une fois rempli des achats faits sur le marché. Là où certains enfants grimaçaient à la simple vue d'un légume dans leur assiette – surtout s'il était vert – la petite tenait un goût pour la nourriture équilibrée que son père lui-même ne s'expliquait pas ; Ou plutôt il se l'expliquait très bien, s'il admettait qu'elle ne tenait tout simplement pas de lui à ce sujet. L’initiation à l’apprentissage de la nutrition à l’école ayant en tout cas diablement bien porté ses fruits dans l’esprit encore malléable de la fillette, cette dernière était finalement parvenue à convaincre son père de profiter de leur dimanche matin pour se rendre au marché, le livre de recettes offert par la sœur ainée de Tommy à sa nièce servant de base pour établir en amont la liste des courses avec laquelle ils étaient supposés rentrer. C’est là, déambulant entre les étals de fruits et légumes, les vendeurs de babioles et les marchands d’ustensiles ménagers soi-disant révolutionnaires – « mon hachoir multi usages est le plus pratique et le plus simple d’utilisation de tous les hachoirs » en criait un avec conviction – qu’oubliant momentanément de regarder où il mettait les pieds le barbu avait trébuché sur le tuyau d’arrosage déroulé par l’un des commerçants de la rue piétonne, s’étalant de tout son long dans la flaque d’eau formée à hauteur de la grille d’égout toute proche. « Mais faites attention ! » que s’était aussitôt exclamé l’épicier visiblement agacé d’être ainsi dérangé dans le nettoyage prématuré de son étal, là où Moïra avait ouvert de grands yeux surpris en se retournant, et avant qu’une vieille dame ne soit finalement la première à s’avancer vers lui pour lui venir en aide « Quelle chute ! Vous allez bien ? » Un grognement inintelligible lui échappant tout d’abord, Tommy s’était tant bien que mal remis debout en frottant ses mains l’une contre l’autre pour les débarrasser de la saleté venue s’y accrocher. « Vous, faites attention ! » qu’il avait alors répliqué au commerçant, s’attirant un regard furibond de ce dernier. Massant son poignet en grimaçant, il avait ensuite assuré d’un ton gêné « Ça va, oui. Merci. » à la petite mamie, à deux doigts de lui offrir une main pour l’aider à se relever malgré leur différence flagrante de gabarit. « On voit presque pas que tu es mouillé. » avait de son côté assuré Moïra de son air le plus angélique, mensonge éhonté à la lueur de l’immense trace de flotte fonçant une moitié de son jean et le bas de son tee-shirt. Mais enfin.

Rapidement remis de cette courte mésaventure, père et fille s’étaient remis en marche pour reprendre leurs achats, chanceux que le cabas contenant déjà une douzaine d’œufs et quelques tomates ait été aux mains de la fillette au moment où Tommy s’était étalé sur le pavé. À cela s’étaient bien vite ajoutés d’autres fruits et légumes, un peu de viande, bref de quoi remplir un sac de course à l’allure bien trop saine et raisonnable pour que l’on puisse s’imaginer un seul instant que ce n’était pas le parent mais l’enfant qui en avait élaboré la grande majorité. Occupé à régler le montant d’une barquette de fraises pour lequel il ne s’était à son tour pas fait prier – du peu de fruits qui trouvaient grâce à ses yeux, les rouges étaient de loin ses préférés – Tommy avait reporté son attention sur Moïra lorsque cette dernière avait posé une main sur son avant-bras pour questionner « Papa c’est qui le Monsieur ? Il est bizarre. » Fronçant les sourcils avec méfiance, le brun avait balayé leurs proches alentours d’un coup d’œil avant de s’arrêter sur le bonhomme qui, en effet, les fixait tous les deux d’une manière fort peu discrète. Mais là où son instinct lui aurait d’ordinaire conseillé d’aboyer avec méfiance sur le coupable, un vague sentiment de familiarité l’en avait empêché et les avait finalement fait s’exclamer d’un seul ton « Tommy ! » - « Harvey ! » - « C’est toi ? Wow » - « Ça alors ! » - « ça pour une surprise ! » - « ça fait un bail ! » dans une joyeuse cacophonie. Le regard de Moïra passant maintenant de l’un à l’autre des deux hommes entre surprise et questionnement, elle avait rendu à Harvey le sourire qu’il lui avait offert mais du même coup resserré un peu plus fort la main qui tenait l’avant-bras de son père. Déposant son cabas sur le sol pour serrer la main de son ancien camarade, il avait acquiescé lorsque ce dernier avait repris « T’es avec ta fille donc ... Bonjour toi ! » et posé un instant les yeux sur sa progéniture pour la rassurer. Méfiante par nature envers les étrangers, la fillette pouvait sembler farouche au premier abord et n’avait marmonné qu’un « Bonjour. » hésitant en guise de réponse, n’attendant pas spécialement après son père pour obtenir plus d’informations sur l’identité du nouveau venu, mais écoutant néanmoins avec un brin d’attention lorsque ce dernier avait rapidement fait les présentations « C’est ça, voilà Moïra. Et voilà Harvey, on est allés au lycée ensemble. » Il y avait de cela une éternité et demi, au moins. Acquiesçant en silence, la petite s’attendait déjà à prendre racine pendant que son père faisait un brin de causette ; Il en était toujours ainsi lorsqu’elle accompagnait sa grand-mère ou bien sa tante Beth au marché, et que ces dernières croisaient la route de l’une de leurs connaissances. « Qu’est-ce que tu deviens depuis le temps ? J’avais entendu dire que tu avais mis les voiles. » Il ne saurait plus dire par qui, et à vrai dire il ne s’était jamais appesanti sur la question, car estimant totalement légitime l’envie de vouloir aller vivre loin de cette ville dans laquelle ils avaient déjà vécu suffisamment d’années. Naïvement sans doute, Tommy n’imaginait désormais plus Harvey autrement que comme un bonhomme ayant lui aussi rangé ses mauvais penchants pour se racheter une conduite ; Un homme qui achetait ses légumes au marché du coin ne pouvait décemment pas avoir de mauvais travers, pas vrai ? Qu’elle était loin, l’époque de leurs bêtises respectives.
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Message(#)(Tommy) Down to the market  EmptyLun 15 Juil 2019 - 18:36



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→ Certaines coïncidences s’avèrent si stupéfiantes qu’il est difficile de croire que la main du destin n’en est pas responsable et qu’elles ne sont pas l’œuvre du divin. Ce matin-là, en décidant d’aller au marché pour me reprendre en main et réorganiser un peu ma vie, notamment suite aux remarques légèrement condescendantes de Primrose quant à l’état de mon appartement, je ne pensais pas que je tomberais sur l’un de mes anciens camarades de lycée, et encore moins sur l’un de mes anciens camarades de lycée devenu papa accompagné de sa charmante fille. Et pourtant, me voilà coincé entre un étal de patates et un étal de choux, à faire face à Tommy Warren, vieux pote dont je n’ai plus de nouvelles depuis presque 15ans. Depuis son départ précipité alors que j’étais encore en foyer pour jeunes majeurs. Je n’ai d’ailleurs jamais su pourquoi du jour au lendemain, Tommy avait décidé de quitter Brisbane et je n’avais pas réellement cherché à le savoir. J’étais pour ma part totalement préoccupé par les urgences du moment, le club de motos, les trafics en tout genre et mes études à côtés. C’était l’époque d’un joyeux bordel désorganisé dans lequel je me noyais complètement, coulant sous le poids de la culpabilité face à mes activités illégales jusqu’à ce que cette proposition de bourse à l’étranger ne vienne tout changer et éclairer l’avenir. Toutefois, à bien y réfléchir ce matin, en observant mon ancien ami en compagnie de sa jolie petite fille, je me dis que Tommy avait sûrement une excellente raison de quitter Brisbane il y a des années de ça. Ne connaissant absolument rien aux gosses, car ils ne fréquentent pas les endroits où je me rends quotidiennement (tabac, strip-club, garage…) et que je n’en ai aucun dans mon entourage, je suis bien incapable de dire quel âge peut avoir la jeune enfant face à moi. A tout hasard, et après un bref calcul mental logique, je lui donnerais aux alentours des dix ans, mais elle peut avoir moins. Les gosses aujourd’hui font tellement plus âgés ! Quoiqu’il en soit, la surprise est de taille et elle fait son effet. Abasourdi, je bafouille des évidences avec un étonnement non dissimulé, un peu mal à l’aise par la présence de l’enfant qui semble pourtant des plus adorables. – C’est ça, voilà Moïra. Et voilà Harvey, on est allés au lycée ensemble. Acquiesçant avec un simple sourire, j’observe la jeune fille se mettre légèrement en retrait et se préparer à patienter, comme si elle savait que son père allait faire un brin de causette à présent. Moïra, c’est un prénom peu commun en Australie, et il me semble qu’il est d’origine européenne. Je me demande bien qui est la maman de cette jolie demoiselle aux traits fins et doux. – Qu’est-ce que tu deviens depuis le temps ? J’avais entendu dire que tu avais mis les voiles. J’ouvre grand les yeux, surpris par la situation en elle-même qui me prend au dépourvu. Car, non décidément je ne pensais pas devoir faire étalage de ma vie entre les choux et les patates, sous les effluves des poireaux et des oignons au beau milieu de ce marché matinal. Et ça m’arrache un petit rire désabusé, toujours aussi pommé face aux choix du destin en ce qui me concerne. La gêne passée, je glisse ma main dans mes cheveux et réponds du mieux possible – Ouais, en quelque sorte. Disons que j’ai saisi une opportunité que je ne pouvais pas refuser. J’ai poursuivi mes études à Dublin, en Irlande. Je ne suis revenu que depuis peu… T’as déjà été là-bas ? Je tente de détourner la conversation vers lui, et bien que je ne sois pas très doué dans la manœuvre, j’espère qu’il la comprendra malgré tout. J’insiste, m’engouffrant dans la brèche que j’ai entrouverte seul – Mais… et toi ? T’es parti si soudainement. Ça fait longtemps que t’es revenu à Brisbane ? Et c’est à ce moment que je me rends compte d’à quel point j’ai tout laissé tomber en partant. Lorsque j’ai revu Archie, j’ai eu le même constat : j’ai loupé dix années de la vie de mes anciens potes et ils ont changé. Moi-aussi, très certainement, mais en ce qui les concerne j’ai un trou de mémoire de la taille d’une décennie à combler et c’est frustrant. Frustrant de se rendre compte qu’autre chose nous a absorbé tant de temps, et que cette chose n’en valait peut-être pas la peine… En même temps, si je n’étais pas parti, qui sait comment j’aurais véritablement fini ? – On a tellement de choses à rattraper, Tommy… Il est encore tôt, alors si vous avez presque fini peut-être qu’on pourrait… manger une crêpe ? Boire un chocolat ? J’essaie de m’adapter, surement maladroitement à la situation, mais je n’ai pas envie de lui tenir la grappe au milieu des fruits et légumes sous le regard ennuyé de sa fille qui doit sérieusement s’impatienter.


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Message(#)(Tommy) Down to the market  EmptySam 10 Aoû 2019 - 14:33

Il y en avait que les souvenirs de l'adolescence et des années lycée rendaient nostalgiques ; Tommy n'était pas de ceux-là. Son adolescence il s'en rappelait comme d'une période de frustration, passée à essuyer les reproches et les soupirs d'un entourage – fusse-t-il professoral ou familial – qui se désolait face à ses résultats scolaires, et dans l'ombre d'un frère aîné à qui tout semblait toujours tout réussir. Thomas Warren n'était pas brillant comme son frère Marius, ni travailleur comme sa sœur Elizabeth ; Thomas Warren n'était pas raisonnable, et donnait un exemple déplorable à la benjamine, Scarlett. Thomas Warren n'avait pas d'ambition, pas de projet à long terme, et rêvait simplement du jour où il quitterait la maison familiale dans laquelle il avait la sensation d'étouffer … Et c'est ainsi que les choses s'étaient produites. Après le lycée, la rupture – mouvementée – avec Eva et les premiers boulots, était venu le temps béni où le McTavish avait accepté de l'embaucher à temps plein, lui permettant de payer le loyer d'un minuscule studio qui, s'il ne cassait pas trois pattes à un canard, lui avait permis d'enfin vivre sa vie comme il l'entendait. Au fond Tommy n'avait jamais été un mauvais bougre, qui ne demandait pas grand-chose de plus que d'avoir la paix … et sans doute était-ce aussi à cette époque qu'Harvey et lui s'étaient éloignés, le Hartwell encore pris dans le tourbillon de la rébellion quand le Warren n’aspirait déjà plus qu'à prouver qu'il n'était pas la cause perdue qu'on prétendait. Mais au fond quelle importance, désormais ? C'était loin, très loin, tout ça, pour l'un comme pour l'autre. Ils avaient fait du chemin, vécu des choses, et même vu du pays pour ce qu'en avait entendu dire Tommy. « Ouais, en quelque sorte. Disons que j’ai saisi une opportunité que je ne pouvais pas refuser. » Avait à ce sujet confirmé le bonhomme, le barbu s'attendant en revanche à tout sauf à l'entendre ajouter « J’ai poursuivi mes études à Dublin, en Irlande. Je ne suis revenu que depuis peu … T’as déjà été là-bas ? » presque aussitôt après. Malheureusement pour lui-même, Tommy jaugeait de la réussite de quelqu'un à sa capacité à avoir ou non fait des études supérieures. Lui-même n'en ayant fait aucune, il n'avait pas son pareil pour utiliser ce critère pour se dévaloriser. « En Irlande ? » qu'il avait en tout cas questionné, de façon tout à fait rhétorique « Jamais, non. » Reste que s'il n'en était revenu que « depuis peu » Harvey avait dû y faire plus que de terminer des études ; Mais puisqu'il n'en avait rien mentionné, Tommy préférait ne pas insister. « Mais … et toi ? » Lui ? « T’es parti si soudainement. Ça fait longtemps que t’es revenu à Brisbane ? » Réalisant seulement à cet instant le gouffre qui s’était creusé dans ce qu’ils savaient l’un de l’autre – mais au fond, quinze ans c’était une éternité – le brun avait semblé chercher ses mots un instant avant de formuler sa réponse « Oh, oui. La mère de Moïra a eu une opportunité de travail au Canada alors … on n’a pas trop réfléchi. On est partis s’installer là-bas. » Poussés également par l’animosité des autres Warren – les parents et le frère aîné, principalement – à leur égard, le revers de la médaille lorsque l’on décidait de s’engager dans une histoire avec l’ex de son frère ; Mais ça, Tommy préférait le garder pour lui, car sans le regretter il ne s’en vantait pas pour autant. « Mais on est revenus il y a quelques années. Et la Miss s’est découvert une passion pour le surf, alors je suppose qu’on est coincés là pour un moment. » Passant une main sur le crâne de la fillette avec tendresse, le brun faisait ce qu’il savait faire de mieux : il dépeignait la réalité comme elle l’arrangeait, en passant sous silence les accrocs et les choses moins belles – il n’était pas question pour lui de mentionner ne serait-ce qu’à demi-mot la disparition d’Alice coincé entre un étale de salades et un poissonnier. Et puis elle le berçait un peu, cette illusion que sa famille était encore entière, lorsqu’il la mentionnait au détour d’une conversation sans nécessairement préciser qu’elle n’était plus. « On a tellement de choses à rattraper, Tommy … » Le barbu avait adressé un sourire pensif à son ancien ami. « Il est encore tôt, alors si vous avez presque fini peut-être qu’on pourrait … manger une crêpe ? Boire un chocolat ? » Vérifiant sa montre par acquis de conscience, néanmoins plus soucieux à l’idée de ne pas brusquer Moïra et sa méfiance parfois ancrée envers les inconnus qu’à l’idée de l’heure qu’il était, il avait demandé à la principale concernée « Qu’est-ce que tu en penses ? Une crêpe ça te dit ? » Semblant prendre une demi-seconde le temps de ma réflexion, la fillette avait répondu à la question par une autre « Avec du sirop d’érable ? » en faisant au passage la fierté de son père, qui ne l’avait pas élevée en canadienne pour rien. « Digne fille de son père. » s’en était-il même amusé, avant de reporter son regard et son attention sur Harvey « Dans ce cas, c’est dans la poche. T’avais un endroit précis en tête ? » Dans un cas comme dans l’autre tous les trois s’étaient mis en route, et avaient marché jusqu’à trouver un lieu qui puisse accueillir le projet : celui de contenter leur estomac. Plutôt qu’une crêpe Moïra avait finalement jeté son dévolu sur une immense pile de pancakes, Tommy la connaissant suffisamment pour savoir qu’elle ne les terminerait pas et qu’il s’en chargerait à sa place : raison pour laquelle il s’était contenté d’un café, pour lequel il avait demandé une double-dose de sucre. Une addiction bien plus tenace encore que celle au tabac, dont il se sevrait non sans mal depuis le début de l’année. « Et du coup tu fais quoi maintenant ? T’es revenu dans les environs pour de bon, ou bien tu fais que passer ? » Pour ce qu’il s’en souvenait, la situation familiale d’Harvey n’était pas une partie de plaisir et ne l’avait probablement pas dissuadé de mettre les voiles la première fois – au contraire. Pas du genre à s’épancher à ce sujet Tommy n’en avait jamais vraiment connu les tenants et les aboutissants, et ne s’était jamais risqué à demander.
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Message(#)(Tommy) Down to the market  EmptySam 24 Aoû 2019 - 7:01



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→ Il avait toujours été plutôt discret, Tommy. Pas le genre à trafiquer ou à se foutre dans des histoires louches, gosse plutôt renfermé et peu joyeux bien qu’amical et plaisant, j’avais toujours perçu sur ses épaules un poids lourd qu’il subissait un peu sans savoir quoi faire pour s’en dépatouiller. Il n’était pas non plus très ouvert à la discussion et aux confidences, mais personne ne l’était vraiment. Les discussions à cœur ouvert, les longs échanges plein de larmes avec le cœur au bord des lèvres, ce n’était pas pour les petits caïds que nous étions, bien plus préoccupés à rouler des mécaniques et à goûter furieusement à la vie à l’époque plutôt qu’à se pencher sur nos tristes vie pour constater nos médiocres échecs. Ce n’est qu’en fréquentant Scar, sa cadette, que j’en ai appris davantage sur Tommy. J’ai compris qu’il était un peu le chat noir chez lui, et que ses échecs scolaires le plaçaient dans une sous-catégorie peu reluisante et qu’il souffrait grandement de ce rejet, tout en rêvant de s’échapper et de s’affranchir du joug familial. De se révéler seul, sans pression. Et c’était sûrement ce qu’il s’est passé car ce matin, il me donne l’air d’un homme parfaitement accompli. Et même si je suis bien conscient que les apparences peuvent nous induire en erreur, le duo qu’il forme avec sa ravissante petite fille me permet d’affirmer qu’il n’a pas exactement perdu dix ans de sa vie, Tommy. J’ignore tout des responsabilités qui incombent aux parents en général, mais je suppose aisément qu’élever un petit être prends beaucoup de temps et je n’arrive guère à détacher mon regard un peu ému, un peu touché, de la petite Moïra. Revoir les amis de lycée me ramène à une époque où je luttais encore avec une certaine passion accrochée aux tripes. Elle est passée où cette ferveur, hein ? Elle a disparue, noyée sous des litres d’alcool, sous des années d’abattement et de renoncement, sous la succession de mes échecs. Mains dans les poches, je fais tout de même l’effort de faire bonne figure, ne voyant pas l’intérêt de me présenter comme le raté que je suis devenu. Ce n’est pas écrit sur mon visage que je suis en train d’errer dans ce monde, pris au piège entre mes inhibitions et mes désirs qui se font continuellement face. Je lis aisément la surprise sur le visage de mon ancien camarade, et un petit sourire amusé s’installe furtivement sur mes lèvres. Il était difficile à l’époque de m’imaginer en train d’étudier avec sérieux, pourtant c’est ce que j’ai fait. J’ai mis plus de temps que n’importe quel autre étudiant lambda, redoublant plusieurs classes à cause de mes absences injustifiées, mais je me suis accroché jusqu’au bout, jusqu’à décrocher ce diplôme d’ingénieur qui équivaut à un Bac + 5. Et je suis vigile dans un club de striptease, ouais. Comme quoi, diplôme n’est pas toujours synonyme de réussite, j’en suis l’exemple probant. Détournant habilement (ou maladroitement) la conversation, je le questionne à mon tour sur les raisons de son départ, me rappelant qu’il a disparu un peu du jour au lendemain Tommy. Cela a coïncidé avec la montée en puissance de mon implication auprès du motor-club et une prise de risque considérable qui m’a forcée à mettre fin à beaucoup de relations amicales à l’époque – notamment avec Scar. Aussi, j’ignore tout de ce qu’a pu bien faire Tommy Warren durant les quinze dernières années. – Oh oui. La mère de Moïra a eu une opportunité de travail au Canada alors… on n’a pas trop réfléchi. On est partis s’installer là-bas. C’est avec un sourire franc que j’accueille cette révélation, un peu épaté par le chemin emprunté par mon ami. Tout de suite, je me mets à l’imaginer dans cet immense pays qu’est le Canada, avec sa petite famille et j’espère que toutes ces années l’ont rendu heureux. – Mais on est revenus il y a quelques années. Et la Miss s’est découvert une passion pour le surf, alors je suppose qu’on est coincés là pour un moment. Du regard, j’observe le père et sa fille qui forment un duo touchant et j’arque les sourcils, sans perdre mon sourire, en ajoutant – C’est sûr que le surf au Canada, rien de mieux pour perdre un orteil dans l’eau gelée, hein ! Et sur cette petite touche d’humour maladroite, je replace mes mains dans les poches. Ma nervosité témoigne de mon manque de pratique niveau socialisation. Par acquis de conscience, j’ajoute aussitôt – Mais ça doit être un pays absolument magnifique à découvrir, les paysages, la nature, le grand air… C’est aussi ce qui m’avait séduit en Irlande. Le pays regorge de spots magnifiques à découvrir, et pour un motard comme moi, il n’y a plus grand plaisir que celui de parcourir ces routes enlacées, bordant des paysages fabuleux et mystiques sur lesquels moult légendes existent. Poussé par la curiosité et l’envie aussi de prolonger ses retrouvailles qui sont étrangement sereines et m’apaisent, je propose à Tommy d’aller manger une crêpe plus loin et de sortir du marché couvert pour respirer un peu. Il cherche l’approbation de Moïra qui se laisse facilement séduire par l’attrait de la gourmandise, et nous voilà partis en direction de la crêperie la plus proche de Toowong. Sur le trajet, je m’allume une cigarette tout en faisant attention de ne pas projeter la fumée vers la gamine. J’ai toujours fait attention à ça, même si concrètement ça ne changeait pas grand-chose. Le tabagisme passif est une réalité cruelle.  Une fois posés dans ce petit établissement agréable, Moïra fait face à une pile impressionnante de pancakes sur laquelle elle verse allégrement du sirop d’érable et je l’observe faire, un peu fasciné. – Tu es sûre que tu vas réussir à tout manger ? Une petite portion comme toi, avaler tout ça ? Avec une petite lueur de défi dans le regard, Moïra m’assure que oui et je ris légèrement. Je n’ai, pour ma part, commandé qu’un simple café. Mon estomac fait suffisamment des siennes pour que me gaver de sucreries soit réellement tentant. – Et du coup tu fais quoi maintenant ? T’es revenu dans les environs pour de bon, ou bien tu fais que passer ? Mon regard se pose sur Tommy qui me ramène brusquement à la réalité et j’hausse les épaules en répondant rapidement. – Non, je reste cette fois. J’suis parti un peu trop longtemps, et Lonnie a… Besoin de moi ? Ai-je le droit de me cacher derrière cette fausse excuse ? Le petit-frère n’a jamais eu besoin de moi, tout simplement parce que j’ai brillé par mon absence dans sa vie. Mes épaules s’affaissent, je lâche un soupire et mon regard se perd dans la contemplation des nuances noires du liquide fumant face à moi. – J’vais essayer de l’soutenir un peu mieux. Je n’en dis pas plus, parce qu’il m’est toujours compliqué d’évoquer ma situation familiale et que ça fait mal. Ça serre le cœur, et irrémédiablement je pense à ma mère, à la prison, à notre histoire et à tout ce qui a déconné. – Du coup, j’ai trouvé un job d’appoint pour le moment et j’attends un peu de pouvoir me retourner pour trouver plus sérieux. Je me gratte furtivement la tempe, trempe mes lèvres dans le café un poil trop chaud, et puis demande en me rappelant de la jolie frimousse de sa sœur cadette – Ta sœur est toujours par ici ? Je l’ai perdu de vue à peu près en même temps que toi, elle va bien ? Mes souvenirs de la cadette Warren me collent automatiquement un petit sourire rêveur. Je me demande bien ce qu'elle a pu devenir, Scarlett. Je l'ai toujours vu comme ayant le monde à ses pieds, alors j'espère qu'elle l'a conquis avec brio.




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Message(#)(Tommy) Down to the market  EmptyJeu 10 Oct 2019 - 3:37

Revoir d’anciennes connaissances remplissait toujours Tommy de sentiments ambivalents, et lui rappelait quelle terrible opinion il avait de lui-même avant son départ pour le Canada. Pas qu’elle ne se soit beaucoup améliorée depuis le temps, mais au moins avait-il l’impression d’avoir accompli quelque chose de bien avec l’existence de Moïra, même si tout le reste semblait s’être écroulé tel un château de cartes. Mais ça, ces anciennes connaissances n’avaient pas à le savoir, et peu importait au fond que cela s’apparente à une forme de déni : le brun trouvait un certain réconfort dans le fait de pouvoir mentionner Alice sans qu’on lui serve la seconde suivante le regard de pitié de ceux qui connaissaient l’issue tragique de leur histoire. Même pas besoin d’user du mensonge, le barbu se contentait simplement de distiller les informations telles qu’il avait envie de les présenter, et à son plus grand soulagement Harvey s’était contenté de rebondir par une plaisanterie « C’est sûr que le surf au Canada, rien de mieux pour perdre un orteil dans l’eau gelée, hein ! » avant de reprendre avec un peu plus de sérieux et après une seconde de flottement. « Mais ça doit être un pays absolument magnifique à découvrir, les paysages, la nature, le grand air … » Et pour sûr, le Canada était magnifique et Tommy nostalgique de ces paysages et de ce climat qui semblaient se rapprocher bien plus de ce qu’il était. Piètre australien s’il en fallait. Parvenus à un consensus sur la suite du programme, le trio avait pris la direction du café le plus proche, Tommy armé de son sac de courses et Harvey une cigarette au bec, l’odeur de tabac s’insinuant jusqu’aux narines du brun avec sournoiserie pour lui rappeler cette dernière cigarette fumée au crépuscule de 2018 et dont il continuait de lutter pour qu’elle soit la dernière. Maintes fois déjà il avait tenté de quitter cette mauvaise habitude reprise en détention, mais jamais encore il n’avait tenu aussi longtemps – et pourtant, l’odeur de tabac continuait de lui donner envie, et alors qu’ils arrivaient à destination Tommy avait serré la mâchoire comme pour se donner une contenance, tandis qu'Harvey jetait son mégot et qu’ils pénétraient dans le troquet. Donnant l’impression d’avoir débarqué au paradis, Moïra avait considéré d’un air vorace la pile de pancakes que la serveuse avait déposé devant elle avant de servir des cafés aux deux hommes. « Tu es sûre que tu vas réussir à tout manger ? Une petite portion comme toi, avaler tout ça ? » Hochant vigoureusement la tête, la fillette avait littéralement noyé les pancakes sous le sirop d’érable tandis que son père ponctuait avec amusement « Ça ne mange pas à cet âge-là, ça dévore. » tout aussi conscient du fait qu’elle n’en viendrait pas à bout que du fait qu’elle pourrait se rendre malade pour y parvenir s’il avait le malheur de lui faire remarquer. Les deux dosettes de sucre vidées dans sa tasse la seconde suivante, Tommy s’était permis un brin de curiosité envers Harvey. Était-il en ville pour longtemps, depuis longtemps ? S’agissait-il d’une halte en attendant autre chose, ailleurs ? « Non, je reste cette fois. J’suis parti un peu trop longtemps, et Lonnie a … J’vais essayer de l’soutenir un peu mieux. » Parce qu’il en avait toujours très peu parlé et que Tommy ne l’avait jamais rencontré, il lui avait fallu une seconde ou deux pour remettre qui était Lonnie. Après quoi il avait vaguement acquiescé sans oser se montrer trop indiscret « Qu’est-ce qu’il devient ? C’est pas lui qui voulait rentrer dans la police ? » Choix de carrière qui en disait long, quand on les comparait à ceux moins honnêtes d'Harvey à l’époque. Et s’il était bien placé pour savoir que les erreurs de jeunesse ne pouvaient pas être retenues indéfiniment contre quelqu’un sans que cela en devienne injuste, un partie de lui s’était fatalement demandée sans quel sens le vent tournait-il désormais pour son ami. « Du coup, j’ai trouvé un job d’appoint pour le moment et j’attends un peu de pouvoir me retourner pour trouver plus sérieux. » Alors plus sérieux, ou plus légal ? Tommy n’en saurait visiblement pas plus, mais pour autant il avait assuré « On recrute toujours là où je bosse, si jamais. On charge et on décharge des cargos, c’est pas le job de l’année mais bon, c’est pas si pire … Tant que le boulot est fait en temps et en heure, on te fout la paix. » Cela restait peu cher payé pour quelque chose d’aussi usant physiquement, mais le brun s’était fait une raison à ce sujet ; Sans diplôme et avec un casier judiciaire, il ne pouvait pas espérer la lune. « Ta sœur est toujours par ici ? Je l’ai perdu de vue à peu près en même temps que toi, elle va bien ? » Il y avait presque de quoi s’étonner que Scarlett ne soit pas venue plus tôt dans la conversation, et prenant le temps d’une gorgée de café il avait secoué la tête « Toujours par ici, et toujours fidèle à elle-même, au grand désespoir de nos parents. » d’un air presque amusé. Il y avait longtemps que ni l’un ni l’autre n’espéraient plus coller aux convenances parentales. « Je suis assez surpris qu’elle n’ait jamais mis les voiles, mais bon … Je ne vais pas m’en plaindre, ça me fait plaisir de l’avoir de nouveau à côté. » Bien plus plaisir que la perspective d’avoir de nouveau son frère aîné à proximités, assurément. « Tante Scarlett a dit qu’elle ne peut pas partir parce que tu serais perdu sans elle. » avait de son côté fait savoir Moïra, les doigts dégoulinants de sirop d’érable et prouvant qu’elle prêtait malgré tout attention à la conversation. « Alors qu’on sait très bien que c’est elle qui serait perdue sans moi. » qu’avait alors affirmé Tommy avec une pointe d’amusement, quand en réalité il savait bien que non : elle avait parfaitement survécu pendant dix ans sans lui. « Elle bosse dans un café de Logan City. Un truc un peu fancy qui fait aussi bar à vin. » Et dont il s’étonnait qu’elle ne se soit pas encore lassée … Mais il préférait l’imaginer là que dénudée sur la toile. Ça, il évitait d’y penser, pour s’éviter un ulcère.
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Message(#)(Tommy) Down to the market  EmptySam 26 Oct 2019 - 6:09

→ Installés à l’intérieur du petit café cosy, nos courses déposées à nos pieds tandis que nos consommations nous sont apportées assez rapidement, Tommy et moi faisons un peu le point sur nos deux vies vécues parallèlement ces quinze dernières années. La sienne a été plutôt bien remplie, à en voir la jolie petite Moïra qui s’extasie devant une montagne de pancakes qu’elle badigeonne généreusement de sirop d’érable. Un enfant, ce n’est pas rien et ça change énormément de choses dans une vie, et même si je ne peux qu’imaginer les responsabilités que cela représente (et je dois être bien loin du compte), je suppose que la vie de Tommy est plus qu’active désormais. Une femme, un enfant, peut-être des projets pour agrandir la famille, qui sait ? Je suis ravi de constater qu’il a trouvé une stabilité et j’espère que cette dernière lui apporte tout le bonheur qu’il mérite. Car ça n’a jamais été un mauvais gars, Tommy, et il n’a jamais traîné dans les histoires, restant à l’écart du trafic et des pétards – et s’il en a fumé quelques-uns, peut-être, cela n’a pas été source de drames.  L’unique chose qu’on aurait pu lui reprocher, c’était cet air un peu triste qu’il arbore bien trop souvent. Et ce dernier disparaît lorsque son regard émerveillé se pose sur sa petite fille, ce qui me fait doucement sourire. C’est touchant, émouvant aussi. L’amour paternel, je le découvre à travers ses traits et son attitude envers Moïra car je n’ai connu que le mépris et les coups pour ma part. Je fais une petite moue dubitative quant au fait que la gamine arrive à finir la montagne de pancakes posée devant elle. Je pense surtout que nous sommes les futurs cobayes qui devrons terminer ce festin provoquée par un excès de gourmandise soudain à l’approche du déjeuner. Bon après tout, je ne vais pas m’en plaindre car manger m’est toujours plaisant, et les pancakes, détrempés de sirop, ont l’air délicieux. Les confidences s’enchaînent et c’est assez étrange de se retrouver devant un ancien ami à qui il manque une grosse partie de l’histoire. Tu n’imagineras jamais tout ce que j’ai pu vivre, Tommy et je vais prendre ces lacunes pour des avantages en omettant tout ce qui me rend honteux. Tu ne m’en voudras pas, hein ? J’évoque Lonnie, évidemment car si je suis revenu ici c’est aussi pour tenter d’arranger les choses, et si jusqu’à présent j’échoue lamentablement, je ne suis pas encore résigné à abandonner. J’ignore juste comment m’y prendre, je ne suis pas doué pour les relations familiales. Mais faut croire que c’est de famille, et sur le sujet, Tommy peut tout à fait me comprendre. J’ai le souvenir de parents un peu trop stricts et exigeants, et d’une fratrie assez disparate. Je n’ai pas connu Marius ou Beth, mais j’en ai entendu parler principalement de la bouche de Scarlett d’ailleurs. – Qu’est-ce qu’il devient ? C’est pas lui qui voulait rentrer dans la police ? J’hoche la tête pour confirmer. Si, c’est bien lui, Lonnie. A mon plus grand désespoir, il a réussi à mener à bien son projet puisque la dernière fois que je l’ai croisé, c’était dans les locaux du commissariat. Je ne peux pas masquer le triste soupire qui passe outre la barrière de mes lèvres et je lève les yeux au ciel en avouant – Et il a réussi, apparemment. Mais je n’ai pas encore eu l’occasion d’en discuter davantage avec lui. J’sais juste qu’il y bosse. Je porte mon café brûlant aux lèvres en haussant les épaules, un peu fatalement. Si c’est ce qu’il aime, après tout, on se fiche de mon avis n’est-ce pas ? Peut-être que détester les flics n’est qu’un relent de mes années adolescentes après tout, une sorte de douce réminiscence rebelle qui en ferait rire plus d’un désormais. Un peu stupide, un peu fébrile aussi. La peur de l’autorité est toujours bien présente, quoiqu’il en soit, et elle ne s’en ira pas comme ça. J’évoque alors mon job actuel, sans dévoiler réellement mon activité. Je suis le gorille qui sillonne les salles du Confidential Club, à l’attitude revêche pour dissuader les clients de se montrer trop envahissants ou trop peu corrects avec les employés. C’est un travail d’analyse en réalité, une sorte d’étude sociologique sur les bas-fonds de l’humanité, où j’étudie l’être humain et ses travers avant de déterminer la limite à ne pas franchir. La liberté des uns s’arrête là où celle des autres commence, clairement. Je me base là-dessus, sur les sourires feints et les gestes qui marquent le renoncement, l’évitement, la gêne et l’embarras. Je ne compte plus le nombre de fois où je demande concrètement ‘Ce Monsieur vous embête, mademoiselle ?’ en gardant une distance respectueuse et professionnelle qui impressionne de par sa rigidité et son manque d’affectif. C’est lorsque le doute est encore présent, lorsque les signes ne sont pas évidents, lorsque j’ai besoin d’une confirmation pour agir. D’autres fois, je ne demande pas et j’agis, car je sais. Certains clients vont trop loin, beaucoup trop loin. – On recrute toujours là où je bosse, si jamais. Sa proposition, bien que généreuse, me désintéresse. Décharger des paquebots ou éviter des drames ? Bien que mon job me laisse une piètre vision de l’humanité en général, je n’ai pas envie de le quitter… Pas pour l’instant. Je suis attaché à mes collègues, attaché aux filles qui ont besoin d’être protégées et rassurées. J’ose croire, un peu égoïstement, que j’arrive à leur insuffler un peu de courage, à apaiser un peu leurs cœurs meurtris de par ma seule présence. C’est peut-être un peu prétentieux de ma part, et pourtant lorsque la minuscule Aisling arrive et qu’elle balance son petit poing contre le mien, je la sens contente de me voir travailler le soir. Lorsque Terrence vient fumer sa clope à une distance respectable et que derrière la rangée de boucles éparses sur son front, je perçois son regard émeraude lumineux et plein d’espoir, j’ai l’impression de compter et d’avoir de l’importance. C’est peut-être rien, mais c’est un peu. Et un peu, ça fait toute la différence. Je m’extirpe de mes pensées et réponds simplement un  - J’y penserai, et je te passerai un coup d’fil au besoin. Y pensant, je cherche à tâtons mon téléphone dans les poches de ma veste. – D’ailleurs, je te file mon numéro si tu veux… Si t’as envie de ressasser le bon vieux temps à nouveau ou… On n’sait jamais. Si t’as envie d’un pauvre con dans ta vie, Tommy, appelle-moi. Si t’as rien d’autre à foutre que de passer du temps en compagnie d’un mec anéanti par les années, appelle-moi Tommy. J’suis pitoyable, putain. Alors, j’oriente la conversation vers Scarlett, la petite dernière de la fratrie Warren, et c’est un doux sourire qui flotte sur mes lèvres à son souvenir. – Toujours par ici et toujours fidèle à elle-même, au grand désespoir de nos parents. Je suis assez surpris qu’elle n’ait jamais mis les voiles, mais bon… Je ne vais pas m’en plaindre, ça me fait plaisir de l’avoir de nouveau à côté. La famille a toujours eu une importance capitale pour la pétillante Scar elle que je la connais. Elle a toujours beaucoup d’amour à donner, surtout pour toi Tommy… Je ne suis pas si surpris de la savoir encore ici, à veiller et je l’imagine inchangée. Ça me ferait du bien de la retrouver, Scarlett… Moïra intervient alors, en disant que son père serait perdu sans sa sœur et je suis plutôt de son avis. Scar et Tommy. Tommy et Scar. Le duo solide de la famille Warren, le duo à l’écart, un peu marginal, soudés envers et contre tous. – Elle bosse dans un café de Logan City. Un truc un peu fancy qui fait aussi bar à vin. J’arque les sourcils, le regard illuminé à l’idée de pouvoir retrouver la cadette à mon tour. – T’as le nom du bar en tête ? J’y ferais bien un tour, histoire de la surprendre. J’aimerais bien voir ce qu’elle devient, Scar. Juste pour me rappeler d’un temps où j’avais encore un peu d’espoir qui coulait dans mes veines, un peu d’envie aussi… Avant que tout s’effondre. J’écarte mes pensées amères et demande, alors – T’habites où du coup ? Dans quel quartier ? Je ne sais pas pourquoi je l’imagine à Spring Hill, ou à Toowong, dans une belle baraque entouré de sa fille et de sa femme. La vérité est peut-être toute autre, mais ça me plait de l’imaginer ainsi. Dis-moi, Tommy, que t’as tout réussi. Dis-moi que cet air triste que tu portes sur toi n’est pas le reflet d’une vie ratée.





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Message(#)(Tommy) Down to the market  EmptyLun 11 Nov 2019 - 11:25

Il y avait quelque chose de presque shakespearien dans la tournure prise par les Hartwell au fil des décennies. Le drame familial insidieux et dont Tommy ne connaissait que la surface, le superficiel, les choix pas toujours raisonnables de l’aîné et ceux plus terre à terre du cadet, la destruction latente pour l’un et le besoin irrépressible de justice pour l’autre … Tout ou presque rappelait ces tragédies intemporelles se répétant inlassablement sur une même trame, avec comme seul suspens l’issue plus ou moins malheureuse des protagonistes. Etait-elle toujours au cœur de la vie d’Harvey, la tragédie Hartwell, ou bien avait-il su passer à un autre stade de sa vie, un autre chapitre moins sombre et moins lourd ? Parce qu’ils ne s’étaient pas vus depuis des siècles et parce qu’il y avait d’autres tragédies sur lesquelles Tommy le premier refusait de s’épancher, gratter pour obtenir des réponses à ses questionnements n’était pas une option que le brun envisageait un instant, et lorsqu’Harvey avait répondu « Et il a réussi, apparemment. Mais je n’ai pas encore eu l’occasion d’en discuter davantage avec lui. J’sais juste qu’il y bosse. » à propos de son petit frère, le Warren s’était contenté d’acquiescer d’un signe de tête sans réclamer après plus de détails. Soit les retrouvailles entre les deux Hartwell tardaient parce que l’un d’eux n’était de retour que depuis peu de temps, soit l’eau n’avait pas totalement fini de couler sous les ponts et dans un cas comme dans l’autre, ce n’était pas les affaires de Tommy, qui avait déjà ses propres drames familiaux à gérer en la personne de Marius. Ce dernier semblait pourtant avoir mis de l’eau dans son vin ces derniers mois, leur dernière esclandre remontant au Noël précédent lorsque le changement d’emploi de Tommy avait à tort été raccourci en licenciement – parce qu’il était bien évident que la brebis galeuse de la famille ne pouvait pas changer de boulot pour une autre raison que celle d’avoir perdu le premier. Pour autant, malgré les récentes tentatives de son aîné pour apaiser la situation le brun continuait de se méfier, et de ne voir dans les manœuvres de son frère que la possibilité d’un piège dans lequel il se refusait à tomber en sachant que ce qu’il avait à perdre tenait en un seul mot : Moïra. Quant à son emploi actuel, s’il n’était pas au goût du reste des Warren, Tommy lui s’en satisfaisait pleinement, ravi de pouvoir s’en tenir au minimum d’interactions sociales après plusieurs années à jouer les psychologues de comptoir. Pour autant, il ne tenait pas rigueur à Harvey de ne sembler que moyennement emballé au moment de répondre « J’y penserai, et je te passerai un coup d’fil au besoin. » sans doute par pure politesse. On ne quittait pas un job d’appoint pour un autre, et Tommy s’en contentait uniquement parce qu’il ne pouvait pas espérer mieux, et que n’importe quel boulot valait mieux que pas de boulot du tout. « D’ailleurs, je te file mon numéro si tu veux … » avait néanmoins repris Hartwell, sortant son téléphone portable de l’une des poches de sa veste pour le lui tendre après avoir rapidement pianoté dessus « Si t’as envie de ressasser le bon vieux temps à nouveau ou … On n’sait jamais. » S’en saisissant, Tommy avait acquiescé d’un signe de tête et rentré son numéro dans le répertoire téléphonique après avoir répondu « A l’occasion oui, pourquoi pas. Moïra est assez grande pour se garder toute seule quelques heures maintenant, uh ? » Levant le nez de ses pancakes, du sirop d’érable sur le bout du nez, la fillette avait fait un oui enthousiaste de la tête, avec toujours cette impression de se prendre pour une grande personne dès que son père la jugeait suffisamment âgée pour faire quelque chose seule. Rendant son mobile à Harvey, il laissait à ce dernier le soin de lui envoyer un message quand il y penserait pour qu’il récupère à son tour son numéro. Pour l’heure le blond avait embrayé sur Scarlett, visiblement curieux de savoir si la benjamine des Warren était toujours dans le paysage ou non ; Et elle l’était, à la grande surprise probablement de tous ceux qui la connaissaient. « T’as le nom du bar en tête ? » lui avait alors demandé Harvey « J’y ferais bien un tour, histoire de la surprendre. » et parce que le nom du bar en question lui rappelait cette vieille plaque accrochée au mur de son bar de prédilection à Kenora, celui qu’il fréquentait habituellement avec ses collègues de la scierie fut un temps, Tommy n’avait pas eu besoin de réfléchir pour répondre « Le Death Before Decaf. C’est pas très loin de là où vivent mes parents, j’sais pas si tu te rappelles ? Y’avait un dépôt-ventes d’articles de cyclisme à cet endroit-là à une époque. » Une lointaine époque, celle où ils n’étaient encore que des adolescents – autant dire il y avait mille ans ou presque. « Mais je tiendrai ma langue sur le fait de t’avoir croisé du coup, histoire que la surprise soit totale. » Et connaissant Scarlett et son exubérance naturelle, mieux valait pour Harvey qu’il se prépare à un accueil en fanfare de la part de baby Warren, déjà pas la dernière pour donner de la voix lorsque la surprise était moindre. « T’habites où du coup ? Dans quel quartier ? » Prenant le temps d’une ou deux nouvelles gorgées de café, avec toujours cette sensation de satisfaction intense que lui procurait la caféine et qui compensait presque celle qu’il n’obtenait plus maintenant qu’il avait arrêté le tabac, Tommy avait repris « Redcliffe. Pas très loin du War Memorial. » en prenant bien soin de donner un point de repère qui « ait de la gueule » quand il aurait tout aussi bien pu donner le skate park du quartier – beaucoup moins bien fréquenté que celui de Logan City sur lequel il avait passé des après-midi de vacances entières durant son enfance. « On se sent un peu à l’étroit dans un appartement, après avoir vécu dix ans en bordure de forêt, mais Logan City est vraiment trop loin de tout … Et bon, je n’ai pas de voiture, alors c’était pas l’idéal. » Sans compter que Logan City – ou pire, Bayside – n’étaient absolument pas dans ses moyens. Il avait donc fallu se résoudre à troquer l’excès de verdure contre un peu plus de béton, le tout sans que le prix du loyer ne nécessite de les nourrir exclusivement de raviolis Moïra et lui. « Et toi, t’as atterri dans quel coin ? Tu vis seul ? » La seconde question était peut-être de trop, sans doute même puisque Tommy s’était maudit intérieurement de l’avoir posée la seconde qui avait suivi.
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Message(#)(Tommy) Down to the market  EmptySam 16 Nov 2019 - 9:27

→ Sans réellement réfléchir, je refile à Tommy mon numéro de téléphone et ce n’est qu’après lui avoir énuméré la succession de chiffres que je me rends compte de la gêne occasionnée. Peut-être qu’il n’avait pas envie d’avoir mon téléphone, Tommy, peut-être que je l’ai brusqué et qu’il va se sentir obligé de m’appeler désormais, peut-être qu’il ne m’appellera pas car je ne suis qu’un pauvre déchet de l’humanité et qu’il culpabilisera à cause de ça, peut-être que j’aurai dû m’abstenir, tout simplement. Mais c’est tout moi ça, j’agis et je ne réfléchis pas. Mes mots ont toujours des conséquences désastreuses et mes actions… Oh, mes actions, c’est pire ! Alors, il fait ce qu’il y a de mieux à faire, Tommy, il se saisit du numéro et il répond poliment : - A l’occasion oui, pourquoi pas. Moira est assez grande pour se garder toute seule quelques heures maintenant, uh ? Bref regard sur la jeune fille cachée derrière sa montagne de pancakes au sirop d’érables, je réalise qu’il doit avoir une vie bien remplie et peu de temps à m’accorder. Il dit ‘pourquoi pas’ mais j’entends surtout le ‘pas’ dans sa réponse, et comme toujours bien plus attiré par le négatif, je me dis aussi que c’est pour le mieux. J’veux pas pourrir ta vie, Tommy. On s’revoit, là et on peut s’cacher des choses. Je peux éviter de mentionner les bouteilles de whisky que je m’enfile les soirs de grande solitude, ou le nombre de fois où je vais me faire éclater la gueule juste par plaisir car je me dégoûte un peu trop et que la tournure que prends ma vie n’a rien de reluisant. Je peux éviter tous les sujets qui fâchent comme le club de strip-tease où je suis vigile (même si je n’ai pas de honte à exercer ce métier, j’imagine qu’un père de famille ne s’approche pas de ces lieux de débauche et de luxure), je peux éviter de parler de ma mère qui séjourne toujours à la prison pour femme et de mon incapacité à faire un pas vers elle, je peux éviter de trop mentionner Lonnie et nos difficiles interactions, pour ne pas dire inexistantes… Là, je peux éviter tout ça. Tandis que si nous nous revoyons… Je ne pourrais pas. Et c’est pour cette raison que je me sens stupide d’avoir proposé cela et de le lui avoir imposé, car maintenant la décision de me dévoiler davantage ne m’appartient plus. Les clés de ton destin, boy, elles ne sont plus entre tes mains, mais ça fait un bout de temps que c’est comme ça… Un bout de temps déjà. La discussion suit son cours malgré tout, et mes questionnements intérieurs ne transparaissent absolument pas dans le son de ma voix. J’évoque Scarlett, la benjamine des Warren, parce qu’elle a toujours été une véritable touche de fraîcheur et de peps. Je demande alors de ses nouvelles, m’enquiers de là où elle travaille et c’est avec surprise que j’apprends qu’elle n’a jamais quitté Brisbane. Scarlett, c’est pourtant celle qui dans mon esprit, allait vivre mille et une aventures, alors ma curiosité est piquée au vif. – Le Death Before Decaf. C’est pas très loin de là où vivent mes parents, j’sais pas si tu te rappelles ? Y’avait un dépôt ventes d’articles de cyclisme à cet endroit-là, à une époque. Mais je tiendrai ma langue sur le fait de t’avoir croisé du coup, histoire que la surprise soit totale. Faisant appel à mes souvenirs d’adolescent, je revois dans mon esprit la petite maison pavillonnaire des Warren et tente de me remémorer le dépôt-vente en me tordant la bouche, l’air perdu dans mes pensées. Je me souviens pourtant bien du quartier et de son ambiance paisible, loin de celle, électrique, des foyers d’accueils où je résidais à l’époque. Et puis soudain, une illumination, un flash – Aaah mais le dépôt-vente de vélo ouiii, je vois de qui tu parles. On s’posait souvent derrière pour… refaire le monde. La présence de Moira m’oblige à tenir ma langue, et j’évite de justesse la révélation sur les activités pas toujours très légales de son père et surtout de notre bande de potes à l’époque. Refaire le monde ici s’apparente clairement à fumer des joints toute la nuit en philosophant sur les étoiles. – Du coup, j’vois bien l’endroit. Tes parents habitent toujours là-bas ? Et dans ce monde en constant mouvement, il est rassurant finalement de constater que certaines choses ne changent pas, qu’il subsiste un peu de stabilité sur cette terre ébranlée. Parlant d’habitation, je lui demande où il crèche lui-aussi, et je m’attends à ce qu’il me parle d’une maison pavillonnaire, assez grande pour y accueillir sa famille. Une jolie barrière, un petit jardin écolo, un chien peut-être qui monte la garde et qui aboie lorsque les passants stagnent un peu trop longtemps… J’ignore pourquoi j’imagine tout ça, j’ai sûrement trop regardé de téléfilms américains et l’image de la famille parfaite s’est inscrite ainsi dans mon esprit. Je ne peux de toute façon pas me fier à mon expérience, ma famille s’est brisée il y a plus de vingt ans et elle a toujours été loin d’être parfaite. Pas comme les Warren… Du moins, pas comme ce qu’ils renvoyaient, car Tommy s’est toujours senti à l’écart au sein de sa famille. Pas pour rien qu’il préférait traîner avec des loubards dans notre genre à l’époque. - Redcliffe. Pas très loin du War Memorial. Cette réponse me surprend. Rapidement, le quartier du War Memorial me vient en tête, et la première chose à laquelle je pense c’est que le quartier est plus très bruyant et très animé, bien loin de la petite maison paisible imaginée quelques instants plus tôt. C’est un choix déconcertant pour une famille, qui m’amène à me questionner un peu sur sa situation familial. - On se sent un peu à l’étroit dans un appartement, après avoir vécu dix ans en bordure de forêt mais Logan City est vraiment trop loin de tout… Et bon, je n’ai pas de voiture alors c’était pas l’idéal. – Ah ouais ? Moira va à l’école là-bas alors ? Et ta femme elle… Elle bosse … Je m’arrête subitement en voyant les regards de Tommy et Moira qui me supplient presque de me taire. Je ne comprends pas vraiment ce qu’il se passe, mais je ne suis pas bête au point d’ignorer qu’il s’agit là d’un sujet particulièrement douloureux. J’embraye alors rapidement sur la suite, car l’atmosphère est brusquement devenue très lourde. – Fin, si t’as besoin que je te dépanne un jour, j’ai pas mal de contacts avec des garages dans l’coin alors, faut pas que t’hésite. Travailler sur ma bécane durant de nombreuses heures m’aura permis de sympathiser pas mal avec des gars qui aiment la mécanique. Y’a toujours des bons plans quand on connait du monde.  - Et toi, t’as atteri dans quel coin ? Tu vis seul ? La tête baissée vers mon café, à me demander si je n’aurais pas dû fermer ma gueule plutôt que de me précipiter vers ce qui semble être une brèche immense de douleur, j’hoche simplement celle-ci. – Ouais, j’ai un petit appart à Fortitude, pas loin du taf c’est pratique. Il paie pas de mine, mais je l’aime bien. C’est la première fois que je vis seul en réalité, j’ai toujours partagé des collocs principalement. En Irlande, c’était plus simple car je n’avais qu’une bourse d’étudiant à la base. Je cumulais avec des jobs d’appoint mais t’es jamais sûr d’avoir du taf donc bon… Du coup, c’est mon premier appart. A trente-trois ans, il s’rait temps tu m’diras ! Je souris faiblement et vide mon café dans mon gosier, avant de déposer la tasse vide sur la soucoupe. Il y a comme une gêne dans l’air désormais, mais je rebondis malgré tout en disant – J’crois que Lonnie habite dans ton quartier par contre. Tu l’as jamais croisé ?




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Message(#)(Tommy) Down to the market  EmptyMer 27 Nov 2019 - 10:58

L’une qui servait des verres derrière un comptoir, l’autre qui l’avait fait durant des années et arpentait désormais les docks du port commercial de la ville de l’aube jusqu’au zénith : ce n’était assurément pas le destin qu’auraient espéré les parents Warren pour leurs deux derniers enfants, bien que Tommy soupçonne qu’il s’agisse plutôt d’une honte à admettre que tous leurs rejetons n’avaient pas « réussi » dans la vie que par déception de ne pas les voir exploiter autrement leurs éventuelles capacités. Difficile de faire le poids face à la réussite que cultivaient les deux aînés, difficile et sans doute vain aux yeux du barbu, qui ne courrait plus ni après la reconnaissance ni après la fierté de ses géniteurs ; Il préférait les savoir fiers de leur petite-fille, et espérait qu’ils gardent la même tendresse à son égard peu importe la façon dont Moïra grandirait et ce qu’elle choisirait de faire de sa vie. Mais pour en revenir à Scarlett, elle ne travaillait même pas si loin de là où ils avaient grandi, et s’il s’était parfois demandé l’effet que cela lui faisait il n’avait jamais demandé, se contentant dans le cas présent d’utiliser des références vieilles de mille ans pour permettre à Harvey de situer le fameux bar. « Aaah mais le dépôt-vente de vélo ouiii, je vois de qui tu parles. On s’posait souvent derrière pour … refaire le monde. » échangeant avec Hartwell un regard entendu, Tommy s’était permis un sourire discret qu’il avait aussitôt noyé dans sa tasse de café pour que Moïra n’ait pas le temps de chercher le pourquoi du comment – mais ses pancakes semblaient déjà occuper toute son attention. « Du coup, j’vois bien l’endroit. Tes parents habitent toujours là-bas ? » Toujours oui, et pour autant ni l’un ni l’autre n’avaient jamais eu la curiosité de pousser une balade jusqu’au Death Before Decaf … Mais si tel avait été le cas Scarlett en aurait été plus horrifiée qu’autre chose, il en aurait mis sa main à couper. « Toujours là-bas, oui. Toujours la même maison, les mêmes géraniums, et les mêmes rideaux … Cette maison est en train de se transformer en musée. » Un musée de vieilles personnes, bien que sa mère s’obstine à teindre ses cheveux et à se faxer dans une gaine pour continuer de rentrer dans les robes qu’elle portait déjà dix ans auparavant – chose de moins en moins aisée malgré son appétit d’oiseau. Quant à lui, il vivait là où son budget et son peu de références n’avaient pas été un motif automatique de refus, dans un quartier où l’on choisissait rarement de vivre par pur choix, mais malgré cela Tommy était du genre à se contenter de peu et estimait qu’il aurait pu tomber sur bien pire – son appartement n’était pas très grand, mais il était en bon état, et il se payait le luxe d’avoir pour voisine une vieille dame dont le seul défaut était d’écouter la télévision un peu trop fort le matin, mais qu’elle compensait en traitant Moïra et son père avec la bienveillance d’une grand-mère, sans doute pour compenser les petits-enfants qu’elle-même n’avait pas eu. « Ah ouais ? Moira va à l’école là-bas alors ? Et ta femme elle … Elle bosse … » Ayant levé le nez de son petit déjeuner, Moïra avait jeté à son père un regard qui lui avait presque fait plus mal que la mise sur le tapis du fantôme d’Alice. C’était toujours un peu un crève-cœur pour lui de réaliser que la fillette n’avait pas suffisamment de souvenirs de sa mère pour en manquer autant que lui, et qu’à chaque mention de la disparue la fille s’inquiétait bien plus du mal que cela ferait à son père. « Non c’est … C’est juste Moïra et moi. » avait alors indiqué Tommy d’un ton un peu gêné, avant de se racler la gorge et de boire une nouvelle gorgée de café pour se donner une contenance. Il ne prononçait jamais le mot en M pour expliquer l’absence d’Alice, avec personne, et trop heureux d’avoir une occasion de changer de sujet le brun avait préféré rebondir sur le reste. « Et non, elle va à l’école à Toowong, à Saint Anthony. » Ce n’était assurément pas le choix sur lequel il aurait arrêté sa décision, et dans ses mauvais jours il pouvait lui arriver d’ajouter cela à la liste des choses à reprocher à Marius, mais au bout du compte Moïra semblait s’y plaire et n’échangerait ni son institutrice ni ses copains de classe pour tout l’or du monde. « ‘Fin, si t’as besoin que je te dépanne un jour, j’ai pas mal de contacts avec des garages dans l’coin alors, faut pas que t’hésites. » avait de son côté embrayé Harvey, dans une visible tentative de noyer le poisson lui aussi, et malgré la maladresse de la chose Tommy lui était reconnaissant de ne pas avoir insisté « Je note. Mais en vrai, avec le temps je me rends compte que je vis très bien sans, du coup je suppose que c’est quelque chose dont je peux me passer. » Cela demandait surtout une certaine organisation, mais le quotidien du brun et de sa fille était devenu tellement routinier que tout y compris les trajets était désormais réglé comme du papier à musique. « Enfin, je dis ça maintenant, mais qui sait si je ne changerai pas d’avis un de ces jours. » Là encore, tout dépendrait de ses besoins. Et du trou supplémentaire que tout cela créerait dans son budget, élément forcément non-négligeable. À tort, Tommy avait par ailleurs vu dans les questions d’Harvey le signe que lui-même n’était pas fermé à en raconter plus au sujet de sa propre vie, une erreur dont il avait compris la teneur à la façon dont son ancien ami avait baissé le nez vers sa tasse de café avec dépit, lui faisant instantanément regretter sa question. « Ouais, j’ai un petit appart à Fortitude, pas loin du taf c’est pratique. Il paie pas de mine, mais je l’aime bien. C’est la première fois que je vis seul en réalité, j’ai toujours partagé des colocs principalement. » D’avoir déjà abusé, Tommy n’avait pas osé demander clairement ce que faisait Harvey dans la vie ; Il avait éludé le sujet un peu plus tôt dans la conversation, et le brun en concluait donc que cette information-là ne voulait pas être partagée. Il s’était donc contenté d’acquiescer en laissant Harvey continuer. « En Irlande, c’était plus simple car je n’avais qu’une bourse d’étudiant à la base. Je cumulais avec des jobs d’appoint mais t’es jamais sûr d’avoir du taf donc bon … Du coup, c’est mon premier appart. A trente-trois ans, il s’rait temps tu m’diras ! » Répondant au sourire incertain du bonhomme par un autre sourire un peu plus appuyé, le barbu s’était fendu d’un « En effet, un brin amusé, mais tu sais ce qu’on dit : mieux vaut tard que jamais. » Et puis vivre seul permettait de jouir d’une certaine liberté, dont Tommy n’avait que de vagues souvenirs, pour n’avoir lui-même vécu seul qu’une paire d’années avant de rencontrer Alice et de déménager pour l’Ontario. « J’crois que Lonnie habite dans ton quartier par contre. Tu l’as jamais croisé ? » Se laissant retomber sur le dossier de sa chaise, le brun avait poussé un soupir pensif « Ça remonte à tellement loin, je ne suis pas sûr que je le reconnaitrais si je le croisais dans la rue … T’as pas une photo qui traîne ? » Il n’avait rencontré Lonnie qu’à de brèves occasions, et n’avait aucun doute quant au fait que la fin de la puberté avait dû faire son œuvre sur le plus petit des Hartwell. « Il est resté à Brisbane tout ce temps ? » Il se demandait ce qu’Harvey avait voulu dire un peu plus tôt en avouant vouloir « soutenir un peu mieux » son frère.
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Message(#)(Tommy) Down to the market  EmptyVen 6 Déc 2019 - 5:25

→ C’est avec une certaine lassitude que Tommy évoque la demeure familiale des Warren, comme si cet endroit qui avait bercé et chérit son enfance n’était désormais plus qu’une chose obsolète et dépourvue d’intérêt. Je ne pourrais jamais comprendre comment on peut en venir à se détourner d’un cercle familial qui semble, en apparence tout du moins, bienfaisant et sécuritaire. Les Warren, bien que divisés par leurs différences intellectuelles et leurs choix de vie – ainsi que leurs volontés propres – ont toujours représentés dans mon esprit cette caste particulière d’individus constamment insatisfaits de ce qu’ils ont. Pour d’autres, leur même statut social semble tout bonnement inatteignable, ce qui provoque envie et jalousie. Et c’est en côtoyant des êtres comme Tommy Warren que j’ai compris tous le sens de la fameuse citation qui vient : « l’argent ne fait pas le bonheur ». Certains ont beau manquer de rien, ils passent tout de même à côté de ce qui est important, car ils en veulent toujours plus et méprisent ce qui a réellement de la valeur : l’individu, l’être en tant que tel qu’on désavoue et humilie au lieu de s’intéresser à lui et de lui donner une chance. Les interactions, au sein de ces familles, sont d’autant plus déplorables qu’elles sont fatales pour ceux qui n’y trouvent pas leur place et se sentent rejetés. Ça semble être le cas de Tommy, qui a fait le choix de partir sur un autre continent et de mettre ainsi le plus de distance possible entre sa famille et lui. Qu’est-ce qui nous pousse à nous envoler si loin des êtres qui nous sont cher ? L’aventure ? L’excitation de l’inconnu ? La quête de soi ? Ou le rejet ? La pression ? La sensation d’étouffer en permanence ? Dans le cas de Tommy, je ne saurais le dire avec exactitude et quoiqu’il en soit, le jeune père parle avec abattement de cette demeure familiale qui doit pourtant, regorger de souvenirs joyeux. – Toujours là-bas, oui. Toujours la même maison, les mêmes géraniums et les mêmes rideaux… Cette maison est en train de se transformer en musée. Alors qu’est-il de mieux : être démoralisé à la vue d’une maison qui a abrité nos joies et nos peines, nos rires et nos larmes ou être cruellement envieux d’un tel lieu qui a tant manqué à notre vie ? Depuis mes douze ans, je n’ai pas eu la chance d’avoir un lieu à moi, rien qu’à moi, à part ces derniers temps. Et même si j’ai encore beaucoup de choses à apprendre sur la tenue d’un lieu de vie, je suis particulièrement heureux d’avoir fini par obtenir un lieu de refuge, un lieu pour abriter mes pensées, un lieu pour me cacher lorsque l’envie m’en prends, un lieu où je suis seul, enfin. La colocation en Irlande était pesante, vraiment mais les loyers à Dublin ne pouvaient pas être réglés avec mon seul salaire d’étudiant, il fallait donc se résoudre à partager son habitat. Ici, l’appartement est petit, le quartier est à chier, mais je suis seul et je ne saurais décrire le bonheur indicible que cela représente pour moi.

Inévitablement, je finis par faire un loupé lorsque je commence à évoquer la grande absente du moment. Ah, ces mères, absentes de nos vies… Elles laissent derrière elles des âmes meurtries et des cœurs brisés, le doux parfum de leur souvenir ne cesse de nous hanter jour après jour et c’est avec mélancolie, et douleur, qu’on s’abandonne à ces images, ces sensations qui nous restent et nous procurent autant de bien que de mal. Aux regards échangés par la fille et le père, je devine une histoire sombre et triste, quelque chose d’assez bouleversant pour que cela ne soit pas évoquer, que cela soit rapidement mis de côté. - Non c’est… C’est juste Moïra et moi. Cela veut tout dire. La mère n’est plus. Pour quelles raisons, je n’en sais rien et est-ce que cela a vraiment de l’importance en vérité ? Encore une mère qui décide d’abandonner les siens, tout simplement, sans se soucier du bordel qu’elle va laisser derrière elle. Je sais ce que ça fait d’être abandonné. Nos mères sont les grandes persécutrices de nos vies après tout. Un petit coup d’œil à Moïra qui a repris sa dégustation, avec toutefois moins d’entrain, et la compassion m’envahit. Elle a la chance d’avoir à ses côtés un père aimant qui semble déterminé à prendre soin d’elle, et elle ne mesure pas encore toute la chance qu’elle a, Moïra, finalement. Car sur ses deux parents, elle peut au moins compter sur Tommy. - Et non, elle va à l’école de Toowong à Saint Anthony. Les trajets tous les jours doivent être épuisants, mais s’ils sont intégrés au quotidien et bien gérés, ils rentrent alors dans une routine quotidienne bien huilée qui fonctionne. Ma proposition semble parfaitement convenir à la situation, mais n’emballe pas le père de famille qui réfléchit de manière bien différente d’un célibataire, sûrement.  - Je note. Mais en vrai, avec le temps, je me rends compte que je vis très bien sans, du coup je suppose que c’est quelque chose dont je peux me passer. Enfin, je dis ça maintenant, mais qui sait si je ne changerai pas d’avis un de ces jours. J’hausse alors les épaules, réitérant simplement ma proposition pour qu’il n’hésite pas le jour où il a besoin. – Et bien, n’hésite pas si tu changes d’avis, ça peut être utile de bien connaître son garagiste de nos jours. Ça évite qu’on se fasse entuber surtout. S’y connaître un minimum permet aussi de s’assurer du travail bien fait, ce qui n’est pas négligeable quand on mesure les frais qu’on peut engager parfois dans les réparations de ces tas de ferrailles.

J’évoque mon premier appartement, celui qui recueille mes sombres pensées à Fortitude Valley, avec un peu de nostalgie quant à toutes ces dernières années d’errance, à crécher un peu là où on voulait bien de moi… ça n’a pas été simple jusqu’à présent et ça ne le sera pas certainement plus par la suite. Je me contente de survivre dans un monde qui ne semble pas vraiment vouloir de moi. - En effet,, mais tu sais ce qu’on dit : mieux vaux tard que jamais. Un sourire, un hochement de tête et je termine le café qui était posé devant moi jusque-là. L’envie de fumer survient, comme toujours, trop associée au breuvage brûlant que je viens de boire pour être ignorée. - ça remonte à tellement loin, je ne suis pas sûr que je le reconnaisse si je le croisais dans la rue… T’as pas une photo qui traîne ? Il est resté à Brisbane tout ce temps ? Une photo de Lonnie… Quelle drôle d’idée ! Je secoue la tête à la négative et réponds simplement – Il est resté là, oui. Il est entré dans la police et il y bosse maintenant. Je sais pas exactement dans quoi pour tout t’avouer, nos routes se sont séparées il y a presque vingt ans maintenant. Lorsque j’ai décidé de quitter cette famille d’accueil et de l’y laisser, lorsque j’ai choisi d’emprunter une autre voie, pas pour me démarquer, mais pour me réaliser différemment. Ça ne m’a pas forcément réussi, faut bien l’avouer. – Tu sais, j’pense qu’il est resté surtout pour notre mère. Il ne s’est jamais autorisé à réellement vivre à cause d’elle. Il lui rend visite toutes les semaines, c’est important pour lui. Et douloureux, difficile, crève-cœur…





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Message(#)(Tommy) Down to the market  EmptyLun 13 Jan 2020 - 16:44

Le temps était passé, mais Tommy n’avait toujours pas su trouver un juste milieu efficace entre plomber l’ambiance en mettant la mort d’Alice sur le tapis directement pour éviter qu’on lui en reparle ensuite, et simplement faire l’autruche en croisant les doigts pour que le sujet ne soit pas abordé. Ce n’était pas tant que Tommy ne soit pas accompagné que le fait que Moïra n’ait pas de mère qui finissait par interpeller, on s’étonnait de ne jamais voir « la mère de la petite » sans doute parce que les divorces laissaient trop souvent la part belle à la mère plutôt qu’au père, et finalement le brun obtenait toujours ce vague regard de pitié lorsqu’il se retrouvait obligé de donner une explication à laquelle il avait jusque-là tenté de se défiler. Ce regard qu'Harvey à son tour lui avait servi en silence, ne se risquant pas au moindre commentaire supplémentaire, et laissant simplement glisser cette information ainsi que celle concernant la scolarité de la fillette sans chercher à rebondir sur le sujet. Et voilà Tommy de retour dans la case du père célibataire qu’on savait en galère, et dont on espérait simplement que Moïra ne subirait pas trop ses lacunes et ses maladresses faute d’un second parent pour rééquilibrer la balance. Cette histoire de voiture et de garage semblait donc tomber un peu comme un cheveu sur la soupe, mais appréciant l’effort d’Harvey pour tenter de noyer le poisson le brun s’était engouffré dans la brèche, quand bien même il réalisait à mesure que le temps passait qu’il se passait très bien d’un véhicule … Il n’était peut-être pas un modèle de vertu en terme de recyclage, il ne dirait jamais non à un bon barbecue ou à un burger à plusieurs étages de steaks, mais on ne pourrait pas lui reprocher de participer à la pollution autoroutière du Queensland. « Et bien, n’hésite pas si tu changes d’avis, ça peut être utile de bien connaître son garagiste de nos jours. » Acquiesçant en faisant claquer le coin de sa bouche, Tommy s’était permis de glisser un doigt sur le bord de l’assiette de sa fille pour récupérer un peu de sirop d’érable, avant d’entreprendre de recentrer la conversation sur Harvey et non plus sur lui, une manie développée telle un véritable réflexe des défense au fil des années. Le bonhomme vivait seul, un changement récent dans ses habitudes d’éternel colocataire si l’on en croyait les dires du principal intéressé, qui avait également profité de ce retour sur ses terres natales pour reprendre contact avec son cadet. « Il est resté là, oui. » avait-il confirmé à ce sujet lorsque Tommy avait posé la question « Il est entré dans la police et il y bosse maintenant. Je sais pas exactement dans quoi pour tout t’avouer, nos routes se sont séparées il y a presque vingt ans maintenant. » Sans être suffisamment concerné pour s’en attrister, le brun ne pouvait s’empêcher de trouver dommage d’apprendre que ces dernières années n’avaient pas servi à Harvey à renouer avec son petit frère … Mais la famille était un sujet épineux, Tommy était bien placé pour le savoir. Là où Marius et lui avaient toujours éprouvé l’un pour l’autre un certain ressentiment, pourtant, il avait toujours eu l’impression qu’Harvey couvait pour son frère une affection sincère malgré les événements. « Tu sais, j’pense qu’il est resté surtout pour notre mère. Il ne s’est jamais autorisé à réellement vivre à cause d’elle. Il lui rend visite toutes les semaines, c’est important pour lui. » A cause d’elle, la formulation avait semblé un peu violente à Tommy, et sans doute y’avait-il un peu de ses propres souvenirs d’incarcération pour sentir subitement un brin de compassion pour la mère d’Harvey. « Si c’est important pour lui, c’est bien qu’il ait la possibilité de le faire … » Et sans doute était-ce important pour elle aussi – Dieu sait que l’enfermement et la solitude pouvaient rendre fou. Mais au risque de trop en dire, le père de famille n’avait pas commenté outre mesure. « Je ne pensais pas que ta mère serait toujours là-bas. Après tout ce temps … » Certains plus menaçants s’en sortaient pour moins que ça. Et l’étonnement venait de quelqu’un qui avait totalement conscience que chaque erreur méritait sa punition – lui-même avait payé, et payait toujours, pour la sienne sans broncher. « C’est pour lui que tu es revenu ici ? Lonnie. » Il ne devrait probablement pas, mais Tommy ne pouvait s’empêcher de se questionner. Harvey en parlait encore avec beaucoup de prévenance, pour quelqu’un qu’il n’avait pas vu depuis deux décennies et dont il avouait lui-même vouloir le soutenir un peu mieux que par le passé.
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Message(#)(Tommy) Down to the market  EmptyDim 19 Jan 2020 - 17:54

→ Peu adepte de ces instants propices aux confidences, car parler de moi m’a toujours mis mal à l’aise, je conviens toutefois qu’il est difficile d’agir autrement lors de retrouvailles ; aussi, je me prête au jeu des questions-réponses, tout en ayant conscience qu’il s’agit là d’un exercice pointu d’esquive où la discrétion et la politesse sont grandement appréciés. Et j’imagine qu’il en est de même pour Tommy, que lui aussi est partagé entre le plaisir de revoir un ancien camarade et la peur d’avoir à dévoiler les plus sombres parties de sa vie. T’es pas obligé de me dire tout ce qu’il s’est passé, Tommy et en vérité, je m’en fous que tu ne sois plus avec la mère de ta gamine tant que toi t’es heureux ou que t’es satisfait de ce que t’as. Car c’est bien ça le but d’une vie, non ? Être heureux avec ce qu’on a, ce qu’on a réussi à acquérir avec le temps ou ce qu’on a réussi à garder. Il s’agit d’amasser, d’entasser et de soigneusement veiller au grain, de prospérer toujours et encore pour la prospérité et notre tranquillité d’esprit de notre cadavre qui moisira au fond d’un trou ou de nos cendres éparpillées… Triste destin que le nôtre, misérables humains, finalement. Et si je n’aime pas parler de moi, c’est parce que j’ai toujours ancrée en moi la peur : la peur d’inspirer de la pitié, la peur de voir se refléter dans le regard de mon interlocuteur la peine qui dégueule de toute mon histoire ou encore la peur de faire fuir à cause d’un récit effrayant et bien trop chargé émotionnellement. Je me suis toujours demandé ce que cela faisait aux gens lorsqu’ils découvraient mon histoire, celle des Hartwell et de cette mère qui n’en peut plus et qui, poussée à bout, finit par commettre l’irréparable. Le meurtre est le pire des crimes car il ne laisse aucune possibilité de pardonner ou de changer le cours des choses. Il n’y a pas d’absolution pour les meurtriers qui se sont pris un court instant pour le divin en agissant aussi brutalement et définitivement sur la vie d’un autre. Est-ce qu’ils sont mal à l’aise d’apprendre que ma mère a été condamnée à vie pour son crime ? Ont-ils peur de moi en supposant que j’ai hérité de ses gênes ? Leurs regards changent, quoiqu’il en soit, ils me regardent différemment après ça et je déteste ça. Voilà la raison principale pour laquelle j’évite de m’épancher sur ma vie et les détails qui m’ont conduit là où j’en suis aujourd’hui, à travailler comme vigile dans un club de strip-tease au lieu de bosser comme ingénieur pour une société internationale. Car y’a de la violence inscrite dans mes veines, marquée au fer rouge sur ma peau, qui a besoin de s’exprimer et de s’échapper. Je ne suis qu’un pantin face à la violence qu’on a placé en moi dès l’enfance. Ce qui est bien toutefois, avec Tommy, c’est qu’il est au courant du drame qui a marqué ma vie et je n’ai donc nul besoin de faire semblant avec lui. J’évoque ma mère et sa peine interminable, mon frère et sa loyauté sans faille et moi, au milieu de tout ça, perdu et en errance comme je l’ai, je crois, toujours été. – Si c’est important pour lui, c’est bien qu’il ait la possibilité de le faire… Rendre visite à notre mère, toutes les semaines. J’ignore si c’est réellement bien, mais s’il le fait, c’est effectivement qu’il en éprouve le besoin – ou alors qu’il culpabilise, ou qu’il s’inflige une torture supplémentaire. Nos parents nous ont donné une vie de merde et il ne s’en est pas affranchi. Moi non plus, en réalité… - Je ne pensais pas que ta mère serait toujours là-bas. Après tout ce temps… J’hausse les épaules et réponds lascivement, comme si évoquer ce fait-là particulier de ma vie ne me touchait absolument pas – ce qui est faux, évidemment. – Elle a pris perpet’ pourtant… Je n’ai jamais entendu parler de remise de peine, jamais eu l’espoir qu’elle sorte de taule un jour et Lonnie ne m’en a jamais parlé alors, ce n’est pas quelque chose qui me tourmente. Non, la seule peur que j’ai, c’est qu’elle crève là-bas, seule dans sa cellule toute froide sans que je n’ai pu la revoir… Il ne tient qu’à toi d’y aller, boy, une petite visite ça ne te tente pas ? – C’est pour lui que tu es revenu ici ? Lonnie… J’arque un sourcil, pris au dépourvu par cette question formulée de façon soupçonneuse. Je garde en mémoire que Tommy me connait bien et surtout qu’il est au courant de mes activités frauduleuses de l’époque, il sait donc que je n’ai pas toujours trainé avec des gars bien propres sur eux et recommandables – s’imaginer les combats illégaux cela dit, c’est bien trop gros. – Ouais, en quelque sorte. Faut dire que j’suis pas très doué pour les relations entre frangins et que j’ai été si absent de sa vie que… Faut tout construire et, c’est pas évident. Non, moi la construction je ne sais pas faire. Détruire, casser des mâchoires, briser des os, foutre en l’air un avenir brillant et me défoncer la tête à coups de longues gorgées de whisky, ça je sais faire. Construire quelque chose, pour que cela dure… Je ne sais pas. – J’suis revenu depuis 5 mois seulement alors, tu sais pour le moment je me suis occupé de mon installation surtout. Trouver l’appart, le job et stabiliser tout ça… Je justifie mon incapacité à aller vers mon frère par la nécessité d’avoir un toit sur la tête. Je me rassure en pensant que d’autres ont fait pire. – Et du coup, il reste qui de la belle époque ? Il faut entendre l’époque où nous étions encore jeunes et insouciants et où nous pensions pouvoir agir comme bon nous semble constamment. – T’as des contacts avec des potes du lycée ?




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Message(#)(Tommy) Down to the market  EmptyMar 25 Fév 2020 - 12:16

Tommy n’avait toujours su de l’histoire familiale d’Harvey que ce que ce dernier avait accepté de lui en dire – c’est-à-dire peu de choses. Bien qu’il n’ait jamais pris le risque de creuser dans ce sens il avait toujours cru déceler une certaine forme de rancœur tenace du jeune homme dirigée contre sa mère, coupable d’un crime face auquel chacun avait forcément un avis, bien que Tommy comme tant d’autres ne se soit jamais risqué à le faire savoir à voix-haute. Il n’était pas des mieux placés, lui, pour dire ou pour penser que le crime était parfois la seule solution, mais si dans son propre cas il savait cette solution mauvaise, dans le cas de la mère Hartwell il ne pouvait s’empêcher de penser qu’entre la peste et le choléra elle avait choisi ce qu’elle pensait être le moins pire, sinon pour elle au moins pour ses enfants. Peut-être était-ce d’être désormais père lui aussi, peut-être était-ce simplement d’avoir été de l’autre côté des barreaux … Reste que malgré lui, Tommy ressentait une certaine forme de compassion pour cette femme emprisonnée depuis si longtemps, condamnée à ne recevoir la visite de l’un de ses enfants que dans le cadre froid et austère d’un parloir, et en sachant que son horizon ne serait plus composé que de cela puisque, comme l’avait finalement fait remarquer Harvey : « Elle a pris perpet’ pourtant … » À la manière dont il haussait les épaules on devinait que le sort de sa génitrice avait cessé de lui importer depuis longtemps … À moins qu’il ne s’agisse que d’une façade, mais trop de temps était passé et l’époque où Tommy aurait pu se targuer de reconnaître les mensonges de son ami était bien loin. Reste qu’il doutait que le Hartwell ne soit revenu à Brisbane après tant d’années pour cette mère qu’il semblait considérée comme ayant eu ce qu’elle méritait, ce qui ne laissait plus que l’option de son frère cadet. « Ouais, en quelque sorte. » avait à ce sujet admis le bonhomme sans trop de mal, au plus grand étonnement de Tommy. « Faut dire que j’suis pas très doué pour les relations entre frangins et que j’ai été si absent de sa vie que … Faut tout construire et, c’est pas évident. » Acquiesçant, le brun avait offert à son ancien ami un regard compatissant. Il repartait de zéro en somme, cela n’avait en effet rien de facile. « J’suis revenu depuis 5 mois seulement alors, tu sais pour le moment je me suis occupé de mon installation surtout. Trouver l’appart, le job et stabiliser tout ça … » - « Je comprends, faut le temps de retrouver ses marques … Pour moi aussi ça a été un peu compliqué à mon retour ici. On n’a plus aucun repère, y’a tellement de choses qui ont changé. » Les lieux avaient changé, mais aussi les gens. Tommy tout comme Harvey avait grandi ici et pourtant à son retour il s’était senti comme un étranger, et s’était retrouvé presque aussi perdu qu’à son arrivée au Canada quinze ans auparavant … Peut-être même plus perdu, si l’on considérait le fait qu’à Kenora au moins, Alice était avec lui. « J’espère que les choses s’arrangeront entre ton frère et toi. » avait-il en tout cas fini par ajouter avec sincérité. Contrairement aux griefs qui existaient entre son frère et lui depuis toujours, fut un temps où Lonnie et Harvey s’entendaient et se souciaient l’un de l’autre … Et si ces sentiments avaient existé un jour, alors sans doute était-il possible de les faire renaitre de leurs cendres. « Et du coup, il reste qui de la belle époque ? » avait finalement préféré reprendre Harvey pour noyer le poisson, changeant radicalement de sujet. « T’as des contacts avec des potes du lycée ? » Mais le brun ne faisait pas partie de ceux qui regrettaient la période du lycée, et sous ses airs de loubard enchaînant les mauvais coups pour attirer l’attention, Tommy était à l’époque relativement mal dans sa peau. « Pas vraiment non … Tu sais ce que c’est, tu finis par être pris avec ta propre vie, surtout quand tu vis loin. » Et s’il était parfaitement honnête avec lui-même, rares étaient les personnes qui lui manquaient suffisamment pour qu’il regrette de ne pas avoir entretenu un semblant de contact avec eux. « Je suis retombé sur Eva y’a un an ou deux, la nana avec qui je … Enfin tu vois. » Les oreilles de Moïra traînant à proximité, il avait préféré ne pas s’étendre plus. Peu de personnes avaient été au courant de cette relation, que ni Tommy ni Eva n’assumaient pleinement tant ils semblaient mal assortis … Même Harvey n’avait dû la croiser qu’un nombre limité de fois, et Tommy et elle s’étaient de toute façon quittés fâchés. Dans les larmes, les insultes et la grandiloquence de leurs vingt ans, dirons-nous. « Une vraie sorcière, comme quoi on fait tous des erreurs de jeunesse. » Il ironisait avec légèreté, comme on se moquait d’une bêtise d’enfant, car au fond cela ne méritait pas plus d’importance que cela. Jetant un coup d’œil à sa montre il avait été surpris de voir qu’il était bientôt midi ; Tant pis pour le reste des courses, le marché n’allait pas tarder à remballer. Sa fille quant à elle commençait à caler sur le peu de pancakes qui lui restait, et picorant une bouchée ou deux dans son assiette le père avait repris « On ne va pas tarder à y aller, y’a un bout de chemin jusqu’à chez nous. » en s’adressant à Harvey.
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