Draw me like one of your french girls

La gamine m’offre le dernier mot pour notre pseudo dispute sans queue ni tête et je la laisse imaginer la réponse pour laquelle elle est une exception à cette si longue liste de personnes que je déteste sans même réellement connaître. Elle y était inclus d’office dès sa naissance mais dès le moment où elle a osé décrocher un téléphone elle s’en est peu à peu éloignée. Désormais qu’elle a osé me répondre avec véhémence, qu’elle ose être fière de qui elle est alors que ce n’est qu’une gamine … elle a su gagner sa place avec les quelques exceptions. Je n’irai pas jusqu’à dire que je l’apprécie, mais je la supporte plutôt bien. Pour une gamine des rues elle s’en sort pas trop mal dans ce monde fait de requins et de lions. Elle deviendra un prédateur à son tour et j’aimerais pas franchement être dans le coin quand ça arrivera car elle risquer de faire tourner bien des têtes, n’ayant que peu de considération pour son peintre préféré et hyper sexy. Je ne sais pas quel argument je devrai mettre en avant le fameux jour où elle voudra ma peau, mais je pense que d’ici là j’ai le temps d’y réfléchir et surtout de totalement l’oublier. « Je comprends mieux pourquoi tu me trouves pas irrésistible maintenant. Mais je suis désolée, j’en ai jamais rencontré un bon à présenter ses parents. Même si tu m’as pas l’air d’être à la recherche d’un genre idéal pour ta génitrice. » Elle marque des points les uns à la suite des autres mais vu que ça me tuerait de l’admettre je me contente d’un sourire narquois, pour le moment bien trop concentré à terminer les traits du haut de son corps. J’écarte le papier aussi loin que mes bras me le permettent et commence le jeu des sept différences ; un échec total. Tant mieux. Je suis finalement très satisfait du résultat, la gamine a su garder son regard fixe et s’est gardé de demander une pause pipi au bout de cinq minutes. Comme quoi, les miracles existent réellement. Rien que parce que je suis heureux de ne pas avoir à recommencer pour la dix-septième fois les ombres, je lui concède un semblant d’explications. L’euphorie du moment, sans doute ; une erreur de débutant. « J’entends déjà ma mère faire une syncope entre deux messes du pape là, le gendre idéal est un gendre mort. » J’ai jamais présenté personne de sérieux à ma mère, ceci dit elle a vu plein de jolis culs sortir de ma chambre au petit matin en courant. Elle n’a jamais osé franchir le seuil pour venir m’en parler, et j’aurais été trop occupé à rire pour l’écouter de toute façon. Je suis pas certaine qu’elle soit homophobe, mais son ami le pape n’est pas très friendly donc mes histoires de cul ne doivent pas la ravir. « Je suis pas à la recherche du bon, un joli cul ça me suffit. » Ok, je suis en train de remplir les cases sur Tinder là. Enfin, ça ressemble à ça quand on s’inscrit sur Tinder ? Merde, j’ai jamais essayé, je passe pour un vieux qui y connait rien. Bref, de toute façon je compte pas encore taper dans le bac à sable, je suis pas désespéré à ce point … Ni même désespéré tout court, hein. C’est pas gamine qui me filera aucun numéro apparemment, faut que je change d’entremetteur même si elle paraissait prometteuse. Manquerait plus qu’elle me prenne pour un petit pd rejeté par sa famille et ça serait le summum de la connerie humaine. Heureusement que je suis trop concentré à arranger les derniers traits de son visage pour lever les yeux au ciel dans un soupir ... oh wait. C’est ce que je viens de faire en fait, zut. Aucun contrôle sur mon corps décidément. « Mais tu t'inventes des excuses là où il n'y en a pas, c'est pas parce que j'ai demandé un bon australien que je refuserais une australienne. » Je suis peut être en train de parler sexualité avec une ado, mais tant que je lui raconte ce que j'ai envie de dire ça me dérange pas. Si ça la dérange elle ceci dit c'est pas mon problème.
Tout son corps du bassin à la tête est entièrement finalisé, il comporte une sorte d’effet d’optique le rendant tremblant, ce qui a sans doute beaucoup à voir avec le fait qu’elle soit réellement en train de trembler face à moi. Ce qui est bien avec une junkie c’est que je n’ai pas à imaginer ce qui pourrait faire les spectateurs avoir encore plus d’empathie pour elle, une personne normale aurait remué ciel et terre pour venir à son secours. Moi je me contente de dire que c’est pas mon problème et c’est une philosophie de vie qui me réussit assez bien. « Tu t’en fous pas tant que ça de ce que tu peux provoquer comme réaction. Si quelqu’un passe devant toi sans se retourner, sans laisser un oeil ou deux se balader, ça te ferait chier. » Parce qu’elle aime être vue, comme elle le dit elle même. Que ce soit pour quelque chose de bien ou de mal, elle veut être vue, elle veut être reconnue. Je ne m’avancerai pas à dire qu’elle veut aussi être appréciée parce qu’au vu de ce qu’elle ose me rétorquer c’est pas le cas. « Par contre je te l’ai déjà dit Raelyn, j’suis pas une assistance sociale, je m’en fous de tes problèmes. » Ouh, j’ai dit Raelyn, ça fait très sérieux tout à coup. Je préfère Rae machin chose entre nous, mais sur le coup je n’y ai pas réfléchi. J’ai tellement pas envie d’entendre toutes ses histoires larmoyantes incluant des chiots passant sous les roues des vilains camions que j’ai répondu dès qu’elle a terminé son plaidoyer. J’ai pas pris le temps de réfléchir, même si entre nous la réflexion et moi on a jamais été proches. « T’es là parce que j’ai besoin de te dessiner, c’est tout. Ce que tu fais en passant cette porte ne me regarde pas, tente l’overdose si ça te dit tant que ça. » Si elle pensait pouvoir se confier à moi parce que je l’ai pas encore insulté au bout de vingt minutes elle fait fausse route sur toute la ligne. Je suis pas le gars gentil de cette histoire, je suis pas non plus celui qui rentre sur le droit chemin après avoir fait quelques conneries de jeunesse. Les conneries de jeunesse seront mes conneries d’adulte aussi, je compte bien sur ça. C’est pas une histoire qui se termine bien, c’est pas une histoire qui va se terminer avant longtemps de toute façon, et c’est pas une gamine qui va me faire m'apitoyer sur son sort, aussi belles que soient ses fesses que je suis en train de dessiner. « Si tu veux voir un psy vas-y, mais me fait pas perdre mon temps. » Oh Auden, that was mean.

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La gamine est assez drôle à essayer de me faire présenter le gendre idéal à ma mère, elle l’est d’autant plus à croire que je cherche à me caser quelque part. Nop girl, ça n’arrivera à peu près jamais dans ma vie. Avoir la même personne dans les pattes pour toujours, devoir choisir les repas à deux, tout faire à deux … Quelle poisse. Je ne me supporte déjà pas moi même, je ne me vois pas infliger ça à une autre personne ; ni même supporter une autre personne tout court. La vie de couple n’est définitivement pas quelque chose que j’envisage, je vis trop bien seul dans ma propre bulle et dans mes propres emmerdes. Je m’en tiens à des histoires de cul, littéralement, parce que ça n’engage à rien et que c’est toujours amusant. Au fond je pense qu’elle serait un peu une fille dans ce style là aussi, même si elle a le temps d’être majeur la gamine avant d’avoir à penser à tout ça. Aussi bien je raconte que de la merde (comme toujours) et elle rêve du mariage avec deux enfants et un chien, ce qui me fait décocher un sourire. Non vraiment, la fille du dessin tremblante à cause du manque ne sera pas celle qui fondera la famille Ingalls ; les Warren peut être ? Je lui accorde ce point là et ne réponds rien, de toute façon j’ai perdu le compte mais on sait tous que j’ai gagné la partie. Parce que j’ai décidé que j’ai gagné, voilà la raison. « Personne passe devant moi sans se retourner. » Sa réplique me conforte dans cette idée d’un Auden grand vainqueur. Il n’y a rien à répondre à ça si ce n’est le rire étouffé que cela me provoque, mais au fond on sait tous les deux que j’ai gagné ce point là haut la main. Elle sauve les meubles la gamine, elle essaye de garder la tête haute alors qu’elle vient d’être fauchée sur place. Mon ego est satisfait, j’ai vu juste, elle est seulement en manque d’attention. Mon coeur, lui, ne semble pas avoir de remords à lui avoir fait perdre ce sourire si confiant. Comme je lui ai dit, je ne suis pas assistante sociale et ce n’est pas qu’une image de bad boy que je cherche à me créer, j’en ai littéralement rien à foutre des autres. Tant que je termine mon dessin avant qu’elle ne tente quoi que ce soit qui pourrait ternir son corps, alors ça me va. Je n’ai pas souvent de junkie / sac d’os en manque, c’est une occasion que l’artiste que je suis n’a pas le droit de louper. C’est aussi la raison pour laquelle j’accélère mes mouvements sans forcément m’en rendre compte, elle semble à fleur de peau et si elle décide de décamper je ne pourrais rien y faire. Enfin si, je pourrais la bâillonner, la ligoter, et plein de trucs comme ça mais ça serait vraiment contraignant et pas franchement fun comme programme.

Ok Auden, t’y es peut être allé un peu fort sur ce coup là. Je vois ses abdominaux se resserrer, ses orteils se recroqueviller sur eux. Ses paroles diront sans doute autre chose mais elle ne peut cacher les réactions instinctives de son corps. Je l’ai blessé. Ca sert à rien que je tente des excuses, j’ai pas à vouloir qu’elle m’apprécie et ce n’est pas le cas non plus … et de toute façon je n’ai jamais fait d’excuses de ma vie, je sais pas à quoi c’est sensé ressembler. Dans ma bouche tout les mots vont s’embrouiller et ça va ressembler à un verset de la Bible récité à l’envers, et apparemment faut pas faire ça. Je jure au fond de moi d’essayer de me tenir à carreau mais on sait bien qu’il ne faut jamais croire ce que je dis, pas même les promesses. Surtout pas les promesses, crierait un Epstein en prison.
Finalement le silence est plaisant, je peux enfin me concentrer sur le reste du dessin, sur ses jambes marquées par le manque de nourriture. Cela se voit encore davantage sur ses pieds, là où les veines sont saillantes autant que le sont ses os. Je trouve ça fascinant à dessiner. J’suis pas un de ces gars qui aiment sucer des pieds puants et pleins de bactéries, ni même un de ces gars qui font des fixettes sur les pieds, mais dans un cadre professionnel ils sont assez parlants. Selon comment ils sont positionnés ils jouent beaucoup pour l’oeuvre. Peu importe qu’ils soient à l’opposé de la tête ou que ce soit la partie du corps qui foule cette terre impure ; j’en ai absolument rien à foutre. La complexité de ce membre me fascine autant que me dégoûtent ceux qui ont deux orteils collés ensemble.
J’entends sa question mais ne prend pas la peine de me relever vers elle ni de lui offrir une réponse décente (ou une réponse tout court d’ailleurs). Il ne me reste qu’une seule jambe à lui dessiner, celle positionnée légèrement dessus l’ombre et recevant le peu de lumière offerte par la lampe. Le jeu des lumières est important, il le sera d’autant plus quand elle sera une gamine sur une toile en couleur. Je ne suis généralement pas très friand de réalisme pur et dur, dans son cas ça sera fortement négocié entre mes neurones une et deux. Je jette finalement quelques traits entre ses jambes pour en accentuer la démarcation et me donne bonne conscience, c’est terminé.
Gamine peut aller retrouver son dealer préféré, je peux retourner à ne rien faire du tout et dès demain ses traits seront transposés sur une grande toile que je travaillerai à la lumière du jour et du jour seulement. Elle sera magnifique. La peinture ; magnifique. « Tu peux te rhabiller, ton calvaire est terminé gamine. » Même si désormais on sait tous les deux que cette épreuve n’était pas si terrible que ça pour celle dont personne ne passe à côté sans la regarder. Elle sait maintenant qu’elle sera toujours regardée par quelqu’un dans le monde, et son ego doit carrément imploser là. Le mien aurait fait ça en tout cas et je persiste à penser qu’on est pas si différents. Elle est juste une mini moi avec des seins (normalement) et en plus conne, vu qu’elle se drogue. Je suis la version améliorée sortie avant le reboot quoi. « Tu sais tout remettre dans l'ordre là t'as pas besoin d'moi. J’te pose le dessin sur la table. Même si l’art ça t’intéresse pas. » Ok, elle a dit cette phrase une seule fois et c’est déjà la seconde fois que je la lui ressors ; il se peut que je n’ai pas apprécié.