| | | (#)Lun 10 Juin 2019 - 16:33 | |
| Voilà presque deux semaines que maman était décédée. Elle avait quitté ce monde dans son lit après plusieurs jours à lutter contre des douleurs qui n’en finissaient plus. Maman nous avait caché sa maladie, caché son cancer et elle avait lutté seule en refusant tout traitement qui la trahirait. Pas de chimio, pas de rayon, rien qui ne pourrait nous laisser douter. Elle avait fini par partir sans qu’on n’ai le temps de s’accrocher à un seul espoir. Ca avait été brutal. Papa m’avait appelé en pleine nuit, me demandant d’avertir moi-même Tony et n’avait même pas évoqué le prénom de Lene. J’avais fini par le faire moi-même, leur dire, leur annoncer cette tragique nouvelle. Sans surprise, les funérailles avaient elle aussi été très discrète, il semblerait que ce fussent les dernières volontés de maman. Je me demandais si papa savait, si lui aussi nous avait caché tout ça ou si il était comme nous, dans l’ignorance ou le déni, qui sait. Elle se plaignait de temps en temps, de douleurs par ci par là mais elle semblait faire avec, comme si ca faisait partie de son quotidien, et même si ces derniers temps elle disait être très fatiguée, je mettais ça sous le compte de la pression, de sa vie à cent à l’heure, elle ne se ménageait pas, elle soutenait papa et vivait sa carrière par procuration, elle avait de quoi être si épuisée. Elle avait une épée de Damoclès au-dessus du crâne, elle avait fini par rendre l’âme. La maladie l’avait emporté… L’appel du notaire ne s’était pas fait attendre trop longtemps, voilà trois jours que nous avions convenu d’un rendez vous et je suppose que c’était bon aussi pour Tony, Simon et papa. J’avais pris ma journée au travail, déléguant les tâches ingrates à qui de droit et laissant le travail important de côté pour ce qui pouvait attendre, le reste était entre les mains de mon assistante qui savait parfaitement quoi faire en mon absence. ABC radio s’en portait très bien sans moi. Arrivée un peu en avance, je pensais être la première alors que je vois que Simon est déjà là et si Simon était dans les parages, je m’attendais ensuite à voir notre père. Simon m’expliqua alors qu’il n’était pas convié aujourd’hui. Il avait croisé le notaire juste à son arrivée qui avait confirmé cette version et alors, je ne comprenais pas vraiment pourquoi. « Tony ne devrait pas tarder… » nous serons donc trois en plus du notaire autour de cette table. « Et Lene… » je regardais alors Simon, ne comprenant une fois de plus pas où il voulait en venir. Les blagues n’étaient pas les bienvenues aujourd’hui. « Oui, le notaire m’a parlé d’elle… elle est invitée et elle va venir. » et la porte d’entrée s’ouvrit brutalement, qui de mon frère ou ma sœur allait faire son entrée ?
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| | | | (#)Lun 10 Juin 2019 - 22:15 | |
| Je n'arrive pas à dormir, Grant non-plus. Il tourne dans la pièce, il discute détails techniques, il prépare déjà ses remerciements, avec néanmoins une pointe de confusion. Il m'a proposé une cigarette, je ne fume plus depuis bien des années déjà. J'ai accepté et alors que je tire dessus, j'essaye de soulager la tension qui me tiraille le dos. Ma veste de costume est posée sur le canapé et Eva débarrasse les dernières assiettes, ruines d'un repas comme s'il avait s'agit de se retrouver... comme ça. Dans son bureau, je me sens minuscule. Simon est à l'extérieur, il ne digère pas la nouvelle mais fier, il maintient bien les apparences. Il gribouille plus qu'il n'écrit et finalement, il lève les yeux sur moi pour m'annoncer froidement : « Je ferai un communiqué. »
Que répondre à cela ? Je ne sais pas. Il s'agace, je le vois bien. Il arrache sa page et la jette au loin avant de laisser échapper un juron puis il se met debout. Je copie sa posture et le regarde empoigner son téléphone en fulminant. « Elle n'est pas venue ! » Dans un élan de tristesse, de mauvaise foi, je devrais être d'accord mais on sait tous les deux qu'il l'aurait sans doute chassée si elle était venue, clamant la douleur au fond du cœur qu'elle ne fait plus partie de cette famille. Je cale la cigarette entre mes lèvres. Mes mains viennent se poser sur les siennes pour lui éviter de faire le numéro. ▬ Laisse tomber Grant, ça ne la ramènera pas, et ça ne va pas te soulager... ▬ Je vais lui dire ce que je pense, je vais... ▬ Ça, ne, servira, à, rien... dis-je en laissant mourir le dernier son au bout de mes lèvres serrées.
Il abandonne déjà le combat. Je lui prends le téléphone et ajoute que je vais m'occuper de faire le communiqué. Je pose le téléphone, tire une nouvelle bouffée et commente à voix haute, sans attendre de sa part : ▬ Le nécessaire sera fait, Grant. Le communiqué. Les remerciements. Les associations de lutte contre le cancer. Le nécessaire sera fait.
* * * Je n'ai pas répondu, quand j'ai entendu sur un air jovial : « Ah les Adams sont de sortie ? Eva a aussi pris sa journée ! » À vrai dire, je ne suis sorti du bureau, au cabinet, que pour récupérer Eliott le soir. Grant y était aussi, puis on a convenu qu'il sortirait. Je n'aime pas le voir enfermé là, j'ai peur qu'il explose. Quand le notaire m'a appelé, j'ai été surpris. Pour moi, la nouvelle de la maladie a été abrupte. Comme celle du décès. J'ai eu la naïveté de croire que ça l'avait aussi été pour Arlène.
J'entre dans le bureau du notaire sans y avoir frappé. Nous sommes attendus, à quoi bon s'encombrer de prémices inutiles ? Eva est là, ainsi que Simon. Pas de Lene. Je m'approche de ma grande sœur et la salue d'une accolade, en profitant pour la serrer longuement contre moi. Essayant de puiser dans ses forces. Simon est aussi là. Je sais qu'il n'aime pas les effusions. Je passe un bras autour de ses épaules puis lui laisse quand même une bise sur la joue, il a beau être entêté, c'est notre petit frère quand même...
N'attendant pas sérieusement que Lene se pointe, je me tourne vers le notaire pour une poignée de main, jugeant bon de me présenter d'un sobre « Tony Adams, nous nous sommes eus en ligne. »
Je soupire, me tourne vers Eva et Simon puis, montrant que sûrement comme eux, je n'ai franchement pas envie d'être là, je laisse échapper : « Voilà, nous sommes là, finissons-en. »
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| | | | (#)Dim 16 Juin 2019 - 1:30 | |
| La tête ailleurs, Lene venait de se faire usurper pour la seconde fois en trente minutes une place parking parce qu’elle n’avait pas été assez réactive pour y encastrer sa voiture, elle qui pourtant magnait le volant comme personne. Trop de temps pour enclencher un clignotant, engager une manœuvre et avant même qu’elle n’ait le temps de se retourner pour observer son arrière train de visu, quelqu’un était déjà rangé dans l’emplacement qu’elle avait repéré. Le facteur surprenant dans cette histoire est surtout le fait qu’elle ait les autres chauffeurs repartir sans anicroche, là où un autre jour, elle serait sortie en trombe de sa voiture pour au mieux, se contenter d’insulter le gars, au pire, lui rayer sa caisse. Non pas qu’elle s’était fixée de ne pas provoquer de scandale aujourd’hui mais elle était bien trop prise par ses pensées pour faire réellement attention au reste du monde. Maman était morte depuis plus de deux semaines et si dans les faits, Lene n’avait plus eu de contact avec elle depuis des années, elle n’avait toujours pas trouvé comment gérer la nouvelle. Son état d’esprit actuellement se résume à de l’ignorance : elle ne sait pas. Elle ne sait pas si elle a le droit d’être triste ou bien d’être en colère ou même désolée. Elle ne sait pas si elle a le droit de se montrer ou si elle doit faire comme si de rien parce qu’après tout, elle avait été reniée par la défunte. Elle ne sait pas sa marge de manœuvre, ce qu’elle doit dire ou taire. Elle ne sait pas ses droits parce que quand il s’agit de rencontrer sa famille, il est toujours question de ce qu’on l’autorise à faire ou non. Tout ce qu’elle sait, c’est qu’il est attendu d’elle qu’elle fasse des vagues vu que c’est sa nature profonde que d’en faire – askiparait - et que par conséquent, la moindre maladresse allant au simple fait d’exister, sera utilisé contre elle si jamais tout ne coule pas comme sur des roulettes. Lene est déjà cataloguée, jugée et le simple fait que de se pointer à ce rendez-vous la clouerait presque au pilori en pleine place publique. Pourtant, c’est là qu’elle va, préférant malgré tout se dire que le lendemain matin, elle pourra se regarder en face parce qu’elle n’a pas fui que l’inverse alors que très clairement, le décès de sa mère et le fait de ne pas avoir le droit de ressentir quoi que ce soit à ce sujet est quelque chose qu’elle aurait aimé ne pas avoir sur sa liste de chose à gérer. C’est en se filant un bon vieux coup de pied au train qu’elle finit par se ranger et se presser à monter les escaliers du cabinet du notaire pour être là. Elle n’en a pas envie. Elle préfèrerait être partout plutôt que là. Elle ne pensait même pas avoir à y être, n’avait-elle pas été virée de l’héritage ? S’armant de courage, elle se décide à frapper à la porte avant d’être accueillie par une secrétaire la guidant jusqu’au bureau, il semblerait que tous les autres soient là. Evidemment, il avait fallu qu’elle soit la dernière. Ne restait qu’à parier sur lequel de Tony ou Eva ferait la réflexion. Un « Voilà, nous sommes là, finissons-en. » résonne dans la pièce au moment où elle y pénètre. Son réflexe naturel est d’observer son frère et de le fusiller du regard, parce qu’elle n’est en retard que de quelques minutes et que le « nous sommes là » alors qu’elle non passe assez mal mais cela doit-il dire qu’après avoir passé des années à jouer le rôle de la Suisse, il a enfin pris position. Le notaire l’interroge d’un œil ce qui la pousse à se diriger vers lui la main tendue avant de se présenter. « Lene, je suis la benjamine. » dit-elle en souriant avant de prendre un siège à côté de Simon, loin des deux autres. « Cette fois vous nous avez au complet. Il n’y a pas d’autres brebis galeuse dans la famille. » ajoute t-elle avec un sourire forcé avant de s’asseoir tout en se répétant qu’elle aurait dû donner raison à tout l’monde et ne pas venir ici aussi. |
| | | | (#)Mar 2 Juil 2019 - 0:05 | |
| J'ai donc à peine le temps de comprendre ce que me dis Simon que Tony entre aussitôt. Il se présente et pense lui aussi être le dernier attendu dans cette pièce. « il semblerait que… » que non… la porte s'ouvrant à nouveau m’empêcha de finir ma phrase. La venue de Lene étant très surprenante et inattendue surtout. Qu'avait donc maman derrière la tête ? Je regarde Tony qui a l'air tout aussi stupéfait que moi. « Cette fois vous nous avez au complet. Il n’y a pas d’autres brebis galeuse dans la famille. » cette réflexion qui me fait lever les yeux au ciel… mais je confirme. « il semblerait qu'on soit au complet pour de bon oui » Et le Hochement de tête de la notaire confirma nos dires à présent. « Bien… Je me présente, Mariana Dominguez, je suis le notaire qui a reçu les dernières volonté de votre mère, Arlene Adams née Arlene Janson » j'etais bien curieuse de savoir à quel moment notre mère avait pris ce rendez vous, si elle savait à ce moment-là qu’elle était malade ou non… « Je veux avant tout vous présenter mes sincères condoléances et je vais à présent vous lire le testament de votre mère. Qui a souhaité personnellement que vous soyiez vous quatre ici présent ce jour ! Merci pour elle d'avoir honoré votre présence. »fit elle en regardant Lene plus précisément. J'avais cette impression que Mariana Dominguez connaissait bien trop notre histoire. Elle s’empara d'une enveloppe scellée de cire rouge qu'elle ouvrit devant nous. Mon cœur battait fort et j'etais curieuse de savoir pourquoi maman tenait donc tant à ce que Lene soit présente… "Ceci est mon testament qui annule toutes dispositions antérieures. Je soussignée Madame Arlene Janson épouse Adams, née le 6 septembre 1960 à Brisbane, lègue l’ensemble de mes biens et patrimoine en pleine propriété à mes quatre enfants : Eva Adams épouse Brownson, Tony Adams, Lene Adams et Simon Adams... " La notaire marque une pause alors que j'attends la suite… ça ne peut pas s’arrêter juste la. J'ai beaucoup de mal de croire que je sois mise exactement au même niveau que Lene. Alors même que maman et papa ont pris la décision depuis quelques années de la rayer de tout héritage possible… je prends sur moi. « pouvez vous nous dire à quelle date ce Testament à été écrit ? » n'y a-t-il pas une version plus récente ? « Je n’ai pas fini… » Ah nous y voilà donc… je reste alors patiente et attends la suite. « je reprends… Arlene a poursuivi… je lègue mes biens et patrimoine à mes quatre enfants sous conditions suivantes » quoi, quelles conditions ? |
| | | | (#)Lun 15 Juil 2019 - 9:59 | |
| Disant cela, je me laisse presque tomber dans l'un des sièges qu'elle a mis à notre disposition. Je n'ai pas envie d'être ici, je crois qu'aucun de nous ne le souhaite. Sans notre père d'ailleurs, j'ai l'impression d’œuvrer dans son dos, c'est un sentiment particulièrement désagréable. Mais puisque Simon, Eva et moi-mêmes sommes présents, j'imagine qu'on peut dire ce qu'il y a à dire et rentrer chacun chez nous... Néanmoins, comme dans toute bonne pièce de théâtre, la porte s'ouvre pour laisser entrer une invitée surprise. Je lui lance un bref coup d'oeil avant de regarder à nouveau en face de moi. Fatigué, je sais que je suis irritable alors j'essaie d'éviter la confrontation directe. Et puis Lene a le chic pour lancer des petites pics pile où ça fait mal. Alors qu'elle se présente à la notaire, je lui fais tout de même remarquer, avec une sorte de politesse exagéré : ▬ Merci de nous faire l'honneur de ta présence.
Surtout que sa remarque sur la brebis galeuse ne m'émeut pas. Je n'ai pas envie de lui tapoter le dos en infirmant, ni de lui donner le plaisir de confirmer. Dire que j'ai empêché Grant de lui exploser au visage et maintenant, elle se comporte à nouveau comme l'adolescente qu'elle était. Je soupire discrètement.
Eva a, pour sa part, opté pour une formule plus neutre pour confirmer que nous n'attendrons plus personne. J'aurais été moins surpris de croiser un jour un enfant caché de Grant que de voir Lene entrer ici mais passons... La notaire entame les festivités en se présentant. Une once d'arrogance me pousserait à lui dire qu'elle peut nous épargner le nom de jeune fille de notre mère mais passons, j'imagine que c'est la marche à suivre... Bien sûr, et je suis certain qu'Eva se pose aussi la question, je me demande depuis quand Arlène savait... pour avoir pris le temps d'aller voir une notaire et lui laisser ses dernières volontés. Est-ce que ce temps n'aurait pas été mieux employé à se reposer, nous parler et profiter des derniers jours ou des dernières semaines avec les siens ? C'est à croire que les Adams ne prennent pas les bonnes décisions quand il s'agit de la famille, quelles que soient les circonstances...
▬ Je veux avant tout vous présenter mes sincères condoléances et je vais à présent vous lire le testament de votre mère. Qui a souhaité personnellement que vous soyiez vous quatre ici présent ce jour ! Merci pour elle d'avoir honoré votre présence.
Un hochement de tête puis un regard à mon tour vers Lene avant d'adresser un regard à Simon. Il retient tout, ne montre rien. Grant serait fier et pourtant je ne peux m'empêcher de me demander ce qu'il se passe dans sa tête à ce moment-là. Quant à Eva, c'est forcément elle qui gère le mieux. Côté coups durs à supporter, on dira qu'elle a pu s'entraîner ces dernières années.
▬ Ceci est mon testament qui annule toutes dispositions antérieures. Je soussignée Madame Arlene Janson épouse Adams, née le 6 septembre 1960 à Brisbane, lègue l’ensemble de mes biens et patrimoine en pleine propriété à mes quatre enfants : Eva Adams épouse Brownson, Tony Adams, Lene Adams et Simon Adams...
Je me demande alors ce qu'il va advenir de la maison ? Que représente la part de Grant ? La moitié ? Je m'interroge sur les échanges qu'ils ont pu avoir au sujet de cette répartition. Encore que Grant n'aurait sans doute pas permis que Lene soit présente... ni dans cette pièce, ni sur ce document. J'écoute avec une sorte d'attention, d'appréhension mais aussi de hâte. Quelle est cette vaste plaisanterie, exactement ? Et voilà, je regrette déjà de ne pas avoir envoyé mon avocat à ma place.
▬ Pouvez vous nous dire à quelle date ce Testament à été écrit ? ▬ Je n'ai pas fini...
Peu probable que Arlène ait décidé d'écrire ça quand Lene était en exil chez la vieille tante en Angleterre... Puis coup de théâtre, début du second acte, les conditions. J'arque un sourcil. C'est de famille, il faut toujours faire plaisir et faire des pirouettes pour obtenir un dû par ici. Arlène et Grant s'étaient quand même bien trouvés... Je soupire à nouveau, passe une main dans ma nuque. J'avoue m'être demandé ce que j'allais faire si Grant doit racheter les parts de ses enfants. Ce serait mauvais et pour le cabinet et pour moi qu'il soit sur la paille à cause d'un testament foireux et de décisions prises sur le coup des sentiments. Je ne m'imagine pas vivre différemment qu'aujourd'hui, ça me fait peur, vraiment peur. Je me mords la lèvre et exige sans douceur : ▬ Venons-en aux faits, s'il vous plaît.
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| | | | (#)Lun 15 Juil 2019 - 21:12 | |
| « Merci de nous faire l'honneur de ta présence. » Elle lui offre un sourire forcé pour toute réponse. De toute manière, quel était le champ de ses options ? Elle sait très qu’on lui aurait reproché son absence autant qu’on lui reprochera d’être venue. C’est comme ça par ici, peut-être importe la décision que Lene prendre, ce sera toujours la mauvaise. C’est un jeu dont les règles sont décidées à l’avance et dont elle sait l’issue. Elle sait aussi qu’elle est là pour elle et personne d’autre. Elle ne relève pas plus l’attitude des autres en allant prendre place sur sa chaise qu’elle trouve avec surprise avant de se dire que c’est sûrement le notaire qui s’attendait à sa présence et non pas sa fratrie. Elle s’assied, croise les jambes et écoute le discours en silence quand Eva ressent le besoin d’interrompre. « Pouvez-vous nous dire à quelle date ce Testament a été écrit ? » Tout un tas de raison vient à l’esprit de Lene pour expliquer la question d’Eva. La plus douce, la plus sympa et digne de la gentille fille qu’elle est – vomit – serait de dire qu’elle demande afin de se donner une idée de la période à laquelle sa mère s’est rendue compte de la malade. Eva lui ayant confié que tout a été très soudain. L’autre raison, qu’elle suspecte plus parce qu’elles ont les mêmes réflexes de garces, il faut croire. C’est qu’elle étonne que la benjamine de la famille ait été conviée, elle qui portait en gros sur le front la marque « personna non grata » mais afin d’éviter d’être là où l’on va encore l’attendre, Lene tait le commentaire. Dieu merci, le notaire lui répond ce qu’il suffit.
« je reprends… Arlene a poursuivi… je lègue mes biens et patrimoine à mes quatre enfants sous conditions suivantes » poursuit le discours, l’évocation de « condition » ne manquant pas de la faire lever un sourcil avant de tourner directement son regards vers les autres. Lene n’a pas besoin de l’argent de sa mère. Si elle avait cassé sa pipe il y’a un an ou deux, mais là, ça n’est plus un moyen de pression depuis très longtemps. « Venons-en aux faits, s'il vous plaît. » demande Tony là où tout l’monde semble sous le choc. Qui aurait cru que maman ait à ce point ce sens du drama ? Le notaire reprend la lecture. « J’ai de mon vivant dû faire aux conflits de chacun et mon gros regret est d’avoir à reconnaître mon échec dans l’entreprise que de garder une famille unie. Ce que j’attends de vous pour les années à venir, c’est que vous vous pardonniez les uns et les autres. J’aimerais que vous offriez à votre père la tranquillité d’esprit qu’il mérite et c’est pourquoi aucun d’entre vous n’aura accès à son héritage tant que vous n’aurez pas montré que vous êtes capable de vous entraider. » Bon, là, c’est glauque. Et en même temps très drôle. Lene doit se retenir pour ne pas rire au nez des autres.
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| | | | (#)Mar 16 Juil 2019 - 18:23 | |
| « J’ai de mon vivant dû faire aux conflits de chacun et mon gros regret est d’avoir à reconnaître mon échec dans l’entreprise que de garder une famille unie. Ce que j’attends de vous pour les années à venir, c’est que vous vous pardonniez les uns et les autres. J’aimerais que vous offriez à votre père la tranquillité d’esprit qu’il mérite et c’est pourquoi aucun d’entre vous n’aura accès à son héritage tant que vous n’aurez pas montré que vous êtes capable de vous entraider. » Qu’est ce que maman voulait bien dire par là ? Réconcilier une famille déchirée depuis son début, c’était bien trop nous demander et je trouvais ça bien trop facile à nous le dire une fois qu’elle n’était plus là. Qu’avait-elle fait de son vivant pour tenter de recoller les morceaux ? Jamais elle n’avait su s’imposer, jamais elle n’avait été capable de dire clairement le fond de sa pensée. Elle suivait toujours, ou alors, lorsqu’elle osait parler, quelqu’un d’autre lui faisait comprendre que ce n’était pas la peine. Moi, notre père, même Simon. Toujours lui faire comprendre qu’il y avait mieux que les solutions qu’elle trouvait, qu’elle se posait bien trop de question. Sans jamais se mettre à sa place c’est vrai, sans jamais se mettre à la place d’une mère. Mais la place d’une mère n’était-elle pas non plus de savoir se positionner ? Avais-je ma part de responsabilité dans tout ça ? Sans doute, depuis toujours, je mettais mon grain de sel là où on ne me le demandait pas ou parfois, j’étais directement consultée, comme maitre juge, celui qui fait pencher la balance. Je regardais Tony puis Simon. Evitant de croiser le regard de Lene au possible. Elle n’avait pas sa place ici mais je comprenais pourquoi maintenant elle était quand même parmi nous. Maman voulait réparer les pots cassés… ce qui est dommage c’est que bon nombre de morceaux ont disparu et qu’il y aura toujours des trous une fois recollé. On ne peut pas en demander tant à une famille comme la nôtre. Et puis quoi ? « Comment évaluer notre capacité à nous entendre ? C’est ridicule… » je souffle à la notaire en secouant la tête. « C’est digne d’une mauvaise pièce de théâtre… » j’ajoute agacée par toute cette mise en scène. « Si vous me le permettez, je vais poursuivre. Je vous prierai de ne pas déshonorer les derniers vœux de votre défunte mère… » allons-y, qu’on en finisse. « Eva Adams les dernières volontés de votre mère à votre propos est que vous puissiez fonder une famille heureuse et ce malgré vos problèmes de santé. Lene Adams…» et là, je n’écoutais plus rien. Que voulait-elle dire par fonder une famille heureuse ? Qu’est ce que cette dernière volonté ? « réconciliation avec votre père… » j’entendais des brives de mots… « Tony Adams… […] Simon Adams […] Comme vous l’avez compris, vous ne pourrais avoir accès à votre héritage qu’une fois ces souhaits ci réalisés, dans leurs ensembles. Je me porte garant personnellement pour valider ou invalider vos actes… » était-ce une blague ? Les bras m’en tombèrent, je restais assise sur cette chaise, comme enfermée dans une bulle, ne comprenant plus rien de ce qu’il se passait autour de moi. Un cauchemar, ce n’est rien autre qu’un cauchemar. En d'autre mot, il suffit d'une brebis galeuse pour perdre tout ce qui nous revenait de droit. |
| | | | (#)Mar 16 Juil 2019 - 21:08 | |
| « J’ai de mon vivant dû faire aux conflits de chacun et mon gros regret est d’avoir à reconnaître mon échec dans l’entreprise que de garder une famille unie. Ce que j’attends de vous pour les années à venir, c’est que vous vous pardonniez les uns et les autres. J’aimerais que vous offriez à votre père la tranquillité d’esprit qu’il mérite et c’est pourquoi aucun d’entre vous n’aura accès à son héritage tant que vous n’aurez pas montré que vous êtes capable de vous entraider. »
Je crois les bras sur mon torse, me redresse légèrement et adresse un regard curieux à mon frère et mes soeurs. Qui est au courant de cet élan d'amour familial ? Déjà, offrir à Grant la tranquillité d'esprit... pas comme s'il était le premier à exploser dès que quelque chose ne va pas dans son sens, et on voit bien qu'Arlène n'était pas au courant de tout. Eva aussi semble... étonnée, c'est le moins qu'on puisse dire. Je secoue la tête et lui dis à demi-mot : ▬ Je ne sais pas...
La plus susceptible d'avoir des informations intéressantes, ça aurait été Eva justement. Si elle n'est pas dans la confidence, personne ne le sera. Et puis, nous sommes bien tous là dans la même pièce, avec quelques tensions certes mais n'est-ce pas le cas dans toutes les familles au moment des enterrements ? ▬ Comment évaluer notre capacité à nous entendre ? C’est ridicule…
Eva tente déjà la négociation. Mais la notaire met un stop et commence ce qui promet être de belles annonces pour pas grand chose. Si on doit se donner joyeusement la main et se dire qu'on s'aime, ça va être vite réglé. Je lève les yeux au ciel, fatigué de cette mise en scène ridicule. Je ne comprends pas pourquoi Arlène a utilisé ses dernières semaines ou ses derniers jours pour des vœux, désolé Arlène, si risibles.
▬ Eva Adams les dernières volontés de votre mère à votre propos est que vous puissiez fonder une famille heureuse et ce malgré vos problèmes de santé. Ouuuuh... Je me tourne vers mon aînée, aperçois son air décomposé, qui contraste avec l’apparent détachement de Lene, qui arrive mieux à dissimuler ses émotions en notre présence. Tony Adams...
Je m'apprête à lui dire que ce n'est pas la peine et que ma défunte mère n'a rien à corriger dans mon existence mais elle m'interrompts d'un geste de la main et je lui fais signe de poursuivre, si elle y tient. ▬ … Vous devrez offrir à votre fils un foyer stable et pour cela, trouver une épouse, originaire d'Australie, qui acceptera de devenir légalement responsable de lui, comme le serait une mère. Simon Adams...
Je cligne des yeux, j'essaie de comprendre quelle est cette plaisanterie. Je jette un nouveau coup d'oeil vers Eva puis me redresse alors que la notaire semble entrer dans le dernier acte : ▬ … ne pourrez avoir accès à votre héritage qu’une fois ces souhaits ci réalisés, dans leurs ensembles. Je me porte garant personnellement pour valider ou invalider vos actes…
Je me mets debout, un sourire quelque peu... nerveux sur les lèvres. Je pose une main sur l'épaule de Simon, lui confiant qu'on se verra au bureau – sous-entendu dans les locaux de campagne de Grant – et me penche vers Eva pour lui souffler que ça va s'arranger. ▬ Je... je passe une main contre mon visage, ce n'est pas légal quand même ?
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| | | | (#)Mer 17 Juil 2019 - 19:11 | |
| La difficulté résidait désormais dans le fait de ne pas mourir de rire devant les dernières volontés d’une femme qui avait attendu son lit de mort pour exprimer quelques regrets par rapport à sa famille dysfonctionnelle plutôt que d’entreprendre de la corriger de son vivant. Sans étonnement, ce n’est que beaucoup trop tard que Madame Adams a eu la présence d’esprit que de prendre les choses en main et du côté de Lene, le fait que ce soit les volontés d’une mourante ne changerait rien au fait qu’il soit trop tard et que cette situation est ridicule. Si maman avait voulu faire quelque chose, c’était il y’a des années qu’elle aurait du l’entreprendre mais comme le souligner lui vaudrait encore un retour sur son manque de sensibilité, elle laisse à ses frères et sœurs la liberté de formuler à haute voix leurs avis respectifs. « Comment évaluer notre capacité à nous entendre ? C’est ridicule… » Râle Eva, ce qui pour une fois, la met d’accord avec Lene, parce qu’elle sait qu’ils sont tous tout autant capable de faire semblant pour arriver à leur fin. Papa leur avait transmis le gêne de la politique il faut croire. « Eva Adams les dernières volontés de votre mère à votre propos est que vous puissiez fonder une famille heureuse et ce malgré vos problèmes de santé. » Problème de santé, elle a carrément les ovaires flétris. Maman aurait dû la laisser toucher son héritage pour qu’elle s’en achète de nouveaux – ou qu’elle achète carrément le bébé. Dans ce cas présent, le moyen et la fin ne diffère pas de beaucoup. Enfin, plus tard sera l’occasion de moquer le notaire. Là, elle continue d’écouter vu qu’elle ne souhaite pas être interrompue. « Tony Adams... » Visiblement, elle attendait de chacun d’eux quelque chose et là on pourrait être surprise, c’est qu’elle ne lui demande pas d’éviter de pondre d’autres bâtard. « Vous devrez offrir à votre fils un foyer stable et pour cela, trouver une épouse, originaire d'Australie, qui acceptera de devenir légalement responsable de lui, comme le serait une mère. Simon Adams... » Elle ricane. Est-ce que dans son premier jet, maman a demandé à ce que la future maman d’Eliott soit aussi bien blanche ou elle s’est épargné ce détail et laisse tout d’même à Tony le loisir de choisir la femme en question ? C’est que Lene s’attendrait presque à ce que la notaire lui tend une liste de curriculum vitae savamment étudiée. « réconciliation avec votre père… » est le seul propos qu’elle entend au sujet de ce qui est attendu d’elle. Outre la risibilité de ce qui est demandée, elle ne peut s’empêcher de relever « Hey ! Mais pourquoi elle attends pas de moi que je me marie et que j’ai des enfants aussi ! » parce que là, ça montre très bien, selon elle, le dégoût que sa mère avait à son égard. Alors ses deux premiers étaient assez beaux et merveilleux pour qu’elle leur souhaite une vie de famille traditionnelle, quant à elle, on lui demandait d’aller ramper devant celui qui l’avait jeté. Maman n’avait pas plus toute sa tête vers la fin. « ne pourrez avoir accès à votre héritage qu’une fois ces souhaits ci réalisés, dans leurs ensembles. Je me porte garant personnellement pour valider ou invalider vos actes… » finit-elle par énumérer avant de reprendre son souffle. « Je..., ce n'est pas légal quand même ? » demande Tony, une bonne initiative parce que tout ça, ça n’est ni plus, ni moins que du chantage affectif et que clairement, leur mère peut se foutre ses dernières volontés au cul. |
| | | | (#)Mer 31 Juil 2019 - 10:16 | |
| une bulle se forme autour de moi. Je n'entends plus rien et ma vision est comme brouillée, plongée dans des souvenirs lointains, traversant les années je revoyais des moments passés avec maman, en famille. À quel moment avait-elle pu prendre une décision si ridicule ? À quel moment avait-elle cru bon de penser à une réunification miraculeuse dans cette famille ? Parce que oui, ça ressemblerait à un miracle ou alors à une grosse mascarade. Je n’en croyais pas un mot, pas un instant, c’était juste une blague du notaire, un canular ou une caméra cachée de mauvais goût. Maman jouait avec nous, elle s'en amusant d’où elle était à présent mais rien de tout ça n’était amusant ou drôle. Qu'est ce que tout ça pouvait bien dire ? Est-ce que papa était lui aussi au courant de ce testament qui n’en est pas un, qui n’est qu'un emballages pour Carambar avec ses blagues pas drôles. Je reviens à moi retardant tour à tour chaque personne présente dans ce Bureau. Tout puait L’hypocrisie et ça ne ferait que continuer pendant des années. Dans l’unique but d'avoir droit à cet héritage. Maman voulait que Tony se marie hein ? Quelle bonne idée pour tomber sur la première passante qui, le jour où elle connaîtra l’existence de ce deal, n'hesitera pas à faire bonne figure pour toucher elle aussi le pactole. Comment avoir confiance en l’avenir quand les décisions importantes de notre vie sont conditionnées et impacteront notre futur également… « Je vous prie de signer les documents suivants s'il vous plaît. » ajoute la notaire en gardant un calme et une neutralité remarquable et agaçante. « Je ne signerai rien du tout. » je lui réponds en me l’avant de ma chaise. « Vous recevrez un exemple par voie postale. » qu’elle me l'envoie je ne signerai jamais ce torchon. Un dernier retard vers Tony et uniquement lui, je quitte la salle ensuite.
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