CHARLIE & YOKO ⊹ spill the tea is the best activity in the world.

« Ah mais là maman, je révise— qu’est-ce que je révise ? Bah— vous voulez une 25 ou une 50 ? Pinte ? Ok, j’vous fais ça— de quoi, maman ? Non, je parlais à— à moi-même, je suis en plein dans les poèmes médiévaux, j’ai pas trop le temps là— bon j’te rappelle » — soupir profondément exaspéré avant de raccrocher ; ça y est, la grande inquisitrice as known as la Reine Mère a encore frappé en ce vendredi soir, plein mois de Juin. N’ayant absolument aucune honte à mentir sur ses activités nocturnes, la petite nippone n’a pas vraiment de regret après avoir assuré le plus beau mensonge de toute l’année ; elle révisant ses examens de fin de semestre. De service pour ce soir, elle n’avait de toute façon pas vraiment la tête aux révisions — après son malaise une semaine plus tôt, tout semble un peu flou dans son esprit en ce qui concerne son avenir. Tout comme les messages envoyés par Charlie quelques jours plus tôt concernant la relation des plus torrides entre Clément et Léo — vraiment, quel merdier. De tous les mecs sur terre, il a fallu qu’il se tape son psychologue du dimanche, le type qui en sait probablement plus que sa propre mère. D’un geste expert après des mois de pratique au sein du Death Before Decaf, Yoko prépare la pinte du client et lui pose sur le comptoir tout en récupérant la monnaie. Étrangement, le bar n’est pas en si grande effervescence et la jolie danseuse songe presque à demander à Matt si sa présence est sincèrement utile pour la fin de la soirée. Après s’être occupée des nouveaux arrivants et débarrassé une table, Yoko prend place sur un siège derrière le comptoir, tout en jetant un regard sur son écran verrouillé — ça serait top si Charlie ne passait pas trop tard. Et comme si cette dernière l’avait entendue, la jolie rousse apparaît dans son champ de vision l’instant d’après, se posant naturellement à côté d’elle tout en annonçant avoir eu trois — trois quoi ? Mecs, enfants, relations avec des types mariés ? Elle hausse un sourcil et lève les yeux au ciel tout en lâchant un rire lorsqu’elle lui précise que ce chiffre est attribué à son fameux devoir sur lequel Yoko se doute que Charlie a consacré à peu près -34% de son temps — (ah !) Charlie, c’est un peu comme Pluton ; elle fait plus ou moins partie du système solaire avec son trajet autour du soleil mais elle est tellement particulière que l’on se demande si elle provient de la même galaxie. Rayonnante, piquante et toujours sur la même longueur d’onde qu’elle, Yoko se bénit chaque jour d’être allée lui parler lors de cette manifestation — une vraie bénédiction sauf quand son meilleur ami s’avère être Léo (vraiment ! une tragédie grecque ou une comédia dell’arte). « Surprenant, t’avais pourtant grave bossé ce soir-là » réplique Yoko avec un sourire narquois et un regard complique — elles avaient rien foutu pour discuter ragot. Tout en se levant pour sortir deux verres de bière et les remplir discrètement (même si le patron s’en fout très certainement — il y a une petite conscience professionnelle), Yoko mime une expression choquée face aux propos de Charlie ; à moitié sincère en vérité car elle n’a pas vraiment saisi la nature exacte de la relation entre Clément et Charlie — il a aussi couché avec elle ?? « Meuf, balance tout immédiatement, j’suis abasourdie de cette histoire » (elle pose les verres sur le comptoir, boit une gorgée tout en regardant rapidement si personne ne la demande en salle) « T’sais qu’il m’a rien dit ? Genre vraiment rien de rien. J’en étais restée à— bref, un bail avec ma meilleure amie mais Léo, j’ai jamais entendu son prénom dans toutes nos conversations » — certes, elle et le jeune danseur parlent bien plus de chorégraphie que de plan cul ou autre coucherie ; mais quand même. Après sa crique d’angoisse à lui, son malaise à elle — quelque chose de plus personnel (de plus sincère peut-être) s’est réellement installé entre eux. Au-delà d’être le seul mec qu’elle tolère dans sa vie, Clément est très certainement (le seul) à occuper la place de ce frère perdu trop tôt. « Me dis pas que t’as débarqué un soir et qu’ils faisaient crack-crack sur le canap ?? » — en mode les Sims avec le nuage de fumée pour rien voir.

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Drama is coming — dans ce bar à l’atmosphère feutré d’un vendredi soir et dès les premiers mots de la conversation, il est évident que rien ne va se passer comme prévu ; et que cette soirée est loin d’être la plus calme de l’année. Yoko est paumée — littéralement. Telle Alice dans le labyrinthe du pays des merveilles, la petite nippone peine sincèrement à suivre le fil de l’histoire ; tout ce qu’elle retient, c’est que Clément semble avoir une relation plus que profonde avec Léo, que ce-dit Léo est justement le stagiaire de sa psychologue et que Charlie n’a pas un rapport des plus amicaux avec Clément (pourquoi — ça reste à savoir). Elle est cependant soulagée (?) de pouvoir en discuter avec la jolie rousse ; ce n’est pas qu’elle déteste être sur le côté (loin de là) mais elle a le douloureux pressentiment que tout ne va pas se dérouler exactement comme elle le souhaiterait. Quitte à être dans la merde, autant l'être à deux et un partenariat avec la jolie rousse n'est pas du tout malvenu. A l'évocation de l'événement du canapé, Charlie manque de recracher sa bière, ce qui fait hausser un sourcil chez la petite coréenne qui esquisse en même temps un sourire narquois (espérant vaillamment masquer ses joues rouge d'enfant innocente) — parce que Yoko, crack-crack et compagnie, elle ne l’a appris que sur les Sims ou Youtube et si la théorie est acquise, la pratique fait en revanche feuille blanche. Imaginer seulement la scène — ok, stop. Elle prend une gorgée de bière, noyant sa gêne dans l’alcool alors que son interlocutrice lui confirme sa supposition ; si seulement elle pouvait prédire aussi les numéros gagnants au loto hein. « Non non non, j’veux pas en savoir plus sur— ça » s’exclame Yoko tout en faisant un geste avec ses mains pour couper court aux images qui lui traversent honteusement l’esprit sur Clément, Léo et ce pauvre canapé qui n’a très certainement rien demandé. Il y a une seconde de silence où les deux reprennent contenance — Charlie essayant de faire le tri dans ses pensées et Yoko combattant ses rougeurs sur ses joues d’ordinaire plus pâles que la plus pure des porcelaines — avant que l’explication reprenne ; sans vraiment avoir besoin de réfléchir très longtemps, la jolie danseuse visualise très bien le moment de malaise total qui a du avoir lieu dans l’appartement de Léo. Mille questions éclatent alors de sa réflexion ; est-ce ainsi que Charlie a rencontré Clément pour la première fois ? est-ce que Léo et Clément sont en couple ? pourquoi Charlie lui a demandé tout à l’heure des informations sur Clément ? est-ce que Charlie serait sur Léo qui est (littéralement) sur Clément ? — putain, c’est le bordel. « Ils se sont pas protégés ?? » — ptdr ; c’est tout ce qui lui vient en tête, en concurrence avec la blague du pingouin qui semblait être très drôle (Yoko aurait probablement ri aux éclats avec son café en main) mais qui a juste apparemment accentué la gêne matinale. « Des tocards franchement. Et c’est comme ça que t’as rencontré Clé— » mais elle ne termine pas sa phrase, coupée par un renversement de bières (sur Charlie — c’est le karma, girl) et d’un instant de confusion entre les trois nanas. L’inconnue, désolée de sa maladresse, attrape un billet de son portefeuille qu’elle dépose sur la table du comptoir avec un sourire contrit avant de disparaître sur une touche d’humour. « Si vous revenez, c’est pardonné ! » répond précipitamment Yoko, mélangeant avec encore plus de maladresse un pardon bancal et une tentative commerciale un peu naze (elle sent le regard jugeur d’Asher même si ce dernier n'est pas présent dans la salle). La jolie brune s’est déjà éclipsée ; se tournant vers Charlie, la petite nippone grimace en voyant les dégâts tout en saisissant un torchon posé sur un petit meuble pour le tendre à son amie. « Il y a un truc que j’capte pas— enfin, beaucoup de trucs en fait mais— meuf, t’as vraiment de la bière partout, j’ai envie de t’afficher sur Instagram » (elle éclate de rire tout en sortant son téléphone pour saisir le moment présent, Charlie a l'habitude avec elle) « C’est dans la boîte ! Bon, reprenons les affaires— après la blague du pingouin, ils ont rien dit ? Genre en mode vous avez lancé un roi du silence autour du petit-déj ? Ou Léo t’a présenté Clément comme ça, entre deux croissants ? » — quelque chose lui échappe, c’est certain ; mais elle préfère tourner la conversation sur cette rencontre, espérant intérieurement pouvoir apprendre si Léo a parlé d’elle à Charlie ou Clément.

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des barres de rire:

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Ah oui, merde — Léo est le meilleur ami de Charlie ; d’où son air mi-attristé mi-peiné lorsque la petite coréenne au tact légendaire et mondialement (in)connu insulte les deux mâles de l’histoire de véritables tocards (propos qu’elle ne compte absolument pas retirer dans le cas où ils auraient effectivement oublié de se protéger). Mais cette piqûre de rappel remémore douloureuse à Yoko que non seulement Léo est proche de Clément mais de Charlie aussi — genre vraiment ; et ce détail, bien que constamment présent dans son esprit, apparaît telle une tâche de vin rouge sur un drap blanc — c’est beaucoup trop visible et ça a le don d’accentuer les inquiétudes de l’asiatique qui se demande si elle ne devrait pas finalement tout avouer à Charlie. Là, maintenant ; entre deux bières et un échec vestimentaire. C’est la maladresse de l’inconnue et la prise de photo instantanée qui la coupe de ses réflexions et l’empêchent d’évoquer un éventuel aveu de vérité. A l’évocation de l’expression employée par Charlie, Yoko peine à dissimuler ses rougeurs et elle bénit sa pote de l’entraîner dans l’arrière-boutique, lui permettant de retrouver un peu ses esprit — ce n’est pas qu’elle est naïve, ce n’est pas qu’elle est bête ; c’est simplement qu’elle est innocente et que parler de Clément dans ce contexte particulier la met terriblement mal-à-l’aise car s’il y a bien un sujet sur terre que lui et elle n’ont jamais (jamais jamais jamais !) abordé, c’est bien les relations sexuelles. Prenant place à même le sol, croisant ses jambes en tailleur, Yoko écoute Charlie raconter la suite de son histoire (oubliant royalement qu’elle est censée bosser — mais bon, la petite nippone est bien plus intéressée par les potins que par les clients du bar). Elle hausse un sourcil sur la rencontre entre Clément et elle ; la façon dont elle le voit l’étonne, surtout qu’elle est persuadée depuis le début qu’ils se détestent sauvagement. Or, les propos qui sortent des lèvres de la jolie rousse trahissent une sorte d’admiration qui contraste violemment avec sa demande en début de soirée dans l’unique but de faire chier le jeune homme — ça devient vraiment compliqué, même un épisode de How To Get Away With Murder est plus facile à suivre. Et plus elle avance dans son récit, plus Yoko comprend le malaise ; Léo pensait que Charlie ne connaissait pas Clément qui ne devait probablement pas savoir que ces derniers se connaissaient de longues dates (assez du moins pour arborer le statut de meilleurs amis). Elle esquisse un sourire à l’emploi de l’expression des plus étranges de Charlie, traduisant rapidement un équivalent en coréen dans sa tête (la langue anglaise n’étant pas la langue maternelle de Yoko) ; cependant, ce sourire reste inconnu aux yeux de son interlocutrice qui ne la regarde absolument pas, donnant le sentiment de cacher une sorte de malaise derrière l’excuse de devoir se changer. « Quel merdier, putain » murmure Yoko en fronçant les sourcils lorsqu’elle considère que la pause de Charlie est le signe qu’elle peut prendre la parole sans la couper dans son histoire. « T’as— j’te juge pas Cha, j’essaye juste de comprendre. Pourquoi t’as tapé un scandale ? Parce que c’était Clément ? Je pensais que— que tu l’voyais comme quelqu’un de super cool genre un dude à la Iron Man— ou Spider-Man plutôt parce que Clément fait un mètre trente là » (elle mélange le sérieux et le rire, incapable de se retenir une seconde puis reprend une mine plus concentrée, sourcils légèrement froncés) « J’veux dire, ok, la rencontre est— hyper naze et j’aurais vraiment pas kiffé être à ta place, meuf— d’ailleurs personne aurait aimé. Mais pourquoi Clément serait un problème ? Il a tout un tas de défauts, j’te fais la liste dès demain s’tu veux mais j’t’assure que celle de ses qualités est encore plus longue ». Elle se relève, s’essuie rapidement ses fesses à l’aide de la paume de ses mains et pose ses mains sur ses hanches, se penchant légèrement. « T’es amoureuse de lui ? » (elle garde une expression sérieuse quelques secondes avant d’éclater de rire tout en prenant une expression mi-choquée mi-amusée) « Ou t’es amoureuse de Léo ? » ; mais cette fois-ci, pas de rire ; simplement un regard curieux et malicieux posé sur son amie. Yoko ne la juge pas, ne la jugera jamais — quel que soit les frasques que la jolie rousse lui a racontée, la petite danseuse n’a jamais rien reproché, hochant simplement la tête ou s’amusant de ses bêtises, sans jamais lui faire la moindre leçon de morale. Charlie sait qu’elle peut tout dire à Yoko et que cette dernière ne sera qu’une écoute attentive — pas le tribunal de Grande Instance. Plongée dans ses réflexion, elle murmure un ironique « C’marrant, toi ça t’emmerde que ce soit Clément et moi, c’est L— » avant de s’arrêter brusquement en se raclant la gorge, feintant une quinte de toux (faut vraiment qu’elle arrête de penser à voix haute, merde !). « On retourne en salle ? J’vais me faire virer sinon, Matt attend que ça ! » s’exclame-t-elle sur un ton un peu trop joyeux au vu de son contenu tout en prenant la direction de la porte — elle est débile.

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Yoko a toujours été naze en conseil, pour n’importe quel sujet — amour, amitié ou haine, la petite nippone est maladroite dans absolument toute relation humaine et peine à trouver les mots adéquats pour réconforter Charlie ; pourtant, la situation commence très lentement, au fur et à mesure de leur conversation, à s’éclaircir et si au départ, tout semblait être plongé dans le noir, Yoko aperçoit désormais une légère lumière dans le brouillard. Ce qu’elle comprend est qu’il y a dans la relation entre Clément et Charlie mille nuances d'interprétation ; telles les couleurs d’un tableau d’aquarelle, il semble y avoir des contours flous, des limites partiellement dressées — un mélange subtil d’admiration mêlé à une jalousie mal cachée. Hochant lentement la tête aux propos de Charlie, Yoko se pince les lèvres tout en penchant légèrement la tête sur le côté — c’est que je sais même pas pourquoi c’est lui qui a tout pris (ah !) elle fronce délicatement les sourcils, ne répond pas pour la laisser parler ; il y a tellement de détails, d’éléments qu’elle ne maîtrise pas et dont elle n’a pas connaissance. Charlie a ce masque de la bonne humeur, cette capacité parfois à ne rien dire et c’est ainsi que John, élément perturbateur dans sa vie, est inconnu aux yeux de Yoko, qui ne voit ce dernier que comme son voisin de palier — rien de plus ; ses mensonges quotidiens, sa façon bien à elle de tout cacher pour ne pas devoir se dévoiler (oh ! voilà Charlie). L’atmosphère se détend légèrement à la taquinerie de la petite japonaise sur les sentiments amoureux fictifs de la jolie rousse envers le danseur avant de brusquement se refroidir à l’évocation de Léo — tout est différent quand c’est Léo et même Yoko, l’inapte des relations, capte bien le malaise évident qu’instaure sa question innocente et surtout là pour faire rire ; et si l’idiote du village nippon n’avait pas commis un lapsus verbal juste après, elle aurait probablement ajouté un Genre meilleur ami comme Clément et moi ? — ou plus ? (si affinité, comme on dit) ; car s’il y a bien une chose claire dans l’esprit de Yoko, c’est son amitié indéfectible envers Clément, ce seul garçon autorisé à fréquenter son cercle d’amis proches et surtout très restreints. Revenir dans la salle bruyante et à l’environnement (presque) suffocant les arrange toutes les deux. Dans un éclat de rire, Yoko réplique « Grave, j’crois que c’est pour ça qu’il devrait être élu patron l’plus cool de la planète » avant de reprendre sa place derrière le comptoir pour servir deux bières tout en écoutant Charlie. « Et voilà pour vous ! » (elle tend les boissons et manque de les lâcher à la question de la jolie rousse) « De— what ? Bah euh— » ; il y a une hésitation gênante chez la petite danseuse qui, inconsciemment, commence à jouer avec le chiffon du bar tout en réfléchissant aux mots à employer — ça devient vraiment sérieux alors que c’était censé être une soirée potins. « Je sais pas » finit-elle par dire en lâchant un soupir un peu dépité ; elle se sent terriblement impuissante. « Clément, c’est quelqu’un de passionné dans ce qu’il aime mais j’suis incapable de le cerner dans ses relations. On— on en parle pas, à vrai dire. Probablement parce qu’il sait que ce sujet me… » (elle fait un vague geste de la main) « …bref, c’est pas ma passion quoi— ou peut-être parce que ça s’est pas super bien passé entre ma pote et lui qu’on en a conclu qu’il fallait plus jamais qu’on aborde le sujet. Tout ce que j’peux te dire, c’est que Clément, c’est quelqu’un d’honnête et de sincère. C’est pas le dude qui va manipuler ou vouloir faire souffrir— c’est juste un tocard un peu parfois, genre maladroit » (elle lâche un rire, se dit que c’est bien la première fois qu’elle parle autant sur lui) « J’crois juste que le mot sérieux pourrait le faire flipper— mais bon, ça fait pas flipper quel mec ce mot hein ? » ; elle pose le chiffon sur le comptoir. « Pourquoi c’est tendu entre lui et toi ? Qu’est-ce que t’as encore fait pour tenter de rattraper ce merdier ? » ajoute-t-elle avec un sourire narquois, imaginant déjà les pires scénarios possibles avec Charlie dedans. « Et Léo ? Il t’a dit comment il voyait ça ? Purée, deux tocards dans une même relation, j’sais pas comment ça va évoluer mais ça promet » — purée ouais.

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C’est la première fois — la première fois qu’elle décrit Clément autrement que comme son partenaire de danse excellent, avec qui elle apprend tous les jours un nouveau pas dansant ; au comptoir de ce bar que les deux nanas connaissent par cœur, la petite nippone apporte un regard différent sur le jeune homme — Clément, l’être passionné mais peut-être maladroit, le garçon à l’âme sincère mais criant de liberté. Il y a chez lui des nuances si compliquées que l’on ne peut les décrire en quelques mots. Par gêne, par souhait de masquer ce moment, Yoko enchaîne sur Léo ; est-ce qu’il serait possible que les deux se mettent réellement ensemble ? A la réplique de Charlie sur l’emploi du mot sérieux avec Léo, la jolie japonaise éclate de rire — ça leur fait au moins un point commun, à tous les deux (ah !) des mères discutant de leurs enfants, c’est exactement le tableau qui se dresse dans la pièce. Elle traduit ses pensées à voix haute en glissant un « Bah, ça fait au moins un point commun » sur un ton des plus sarcastiques tout en remerciant un client dont la poigne dépose sa bière vide sur la table ; d’un geste expert (ou plus ou moins, Yoko ne reste pas la plus habile de ses mains), elle saisit le verre pour le nettoyer dans l’évier, écoutant sagement les propos de son amie — et ça lui fait littéralement échapper l’objet de ses doigts trempées lorsque Charlie avoue sans détour avoir empoisonné la chienne de Clément (et Dieu sait ô combien Clément aime sa chienne !) « Merde, attends— » ; elle ramasse le verre fissuré, claque sa langue contre son palais et se tourne franchement vers Charlie, abandonnant toute idée de faire la vaisselle. « J’savais pas que sa chienne avait une tumeur » (elle se mord la lèvre inférieure, un peu coupable) — pourtant, ce n’est pas vraiment de sa faute. Yoko est noyée par moment, comme suffoquant dans ce quotidien qui ne lui laisse pas une seconde de répit. Mentalement, elle se note dans un coin de son esprit de lui en parler. « J’vois que tu t’es appliquée à ce qu’il te déteste » ajoute-t-elle avec un sourire narquois ; elle rit un peu, espère que Charlie a conscience que tout ceci n’est que de la taquinerie — elle en conclue en revanche qu’en effet, les deux n’ont pas pris les meilleures directions pour se rencontrer. Charlie enchaîne, précise que Léo est tout autant un tocard que Clément — attachant mais profondément tocardé (comme la japonaise le dit si bien). « T’sais quoi ? Idem » ; dit de la part de Yoko, c’est un peu ironique — la jolie rousse a bien conscience que sa vie amoureuse est inexistante ; parce que Yoko, ça lui fait peur tout ça. S’imaginer amoureuse, songer un instant qu’un être puisse dépendre d’elle et inversement ; ça l’angoisse tellement qu’elle préfère ne pas y penser — fuir tant qu’il en est encore tant. « T’as rien plombé du tout, Cha » (elle lui tape gentiment le bras, comme une remontrance amicale) « J’préfère être au courant » — parce que ça m’arrange pas, que ce soit Léo. Son ventre se serre rien qu’à l’idée d’y penser mais Yoko — Yoko, reine du j’écarte mes problèmes le plus loin possible de ma propre personne en espérant qu’ils disparaissent tout seul ! ferme les yeux sur cette situation. Elle prend un air faussement étonné, sa bouche formant délicatement un o muet. « Ah, tu savais pas ? C’est mon demi-frère » (éclat de rire, qui résonne dans tout le bar et qui fait sourire même le plus grincheux des roublards) « J’ris hein. C’est mon partenaire— » « J’peux avoir une pinte de Coopers steuplaît ? » « Ah euh— oui tout de suite » (la petite serveuse saisit un verre, le remplit soigneusement, une expression concentrée sur le visage, avant de le tendre au client tout en récupérant la monnaie) « —de danse. C’est mon partenaire de danse » ; elle s'accoude au comptoir, reprend son récit. « C’est l’premier que j’ai rencontré à la compagnie— enfin, après Charles évidemment. J’étais paumée, quand j’suis arrivée. C’était pas ma langue maternelle, c’était pas mon style de danse, c’était pas— plein de trucs. Mais Clément a eu la patience de tout m’expliquer, de tout me dire sans filtre pour que j’capte absolument tout. T’sais, Cha— Clément, c’est probablement l’seul mec que j’tolère dans ma vie » et elle aurait rêvé lui en dire plus, rester des heures à ce comptoir pour se raconter tous leur déboires ; parce que Yoko adore Charlie, apprécie tous leurs moments, se régale de ces soirées potins qui tournent au drame ou de ces services qui les font mourir de rire. Vraiment, elle aurait adoré mais la suite de la nuit au Death Before Decaf lui en empêche totalement — une autre fois, très certainement.