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 Les rôdeurs de l'aube » Hassan

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Message(#)Les rôdeurs de l'aube » Hassan EmptyLun 17 Juin 2019 - 18:29

les rôdeurs de l'aube
a harbour meeting between a smuggler and a corrupted sherif
« Un dernier pour la route, shérif ? » Un sourire de vipère sur sa face entendue, Swearengen n’attend pas la réponse pour servir une rasade de whisky à son cousin. Le shérif Hawthorne accepte l’offrande avec une grimace mièvre et s’envoie le liquide ambré dans le fond du gosier. Il tendrait bien son verre pour une dernière goulée mais déjà ce radin d’aubergiste visse le bouchon, ses sourcils relevés complétant son air faussement désolé. « C’est que j’voudrais pas te retenir… » Frustré de voir ainsi son plaisir écourté, Kyte se relève brutalement pour ne pas montrer son offense. « C’est vrai qu’j’ai fort à faire ! » Il tonne pour se donner de l’importance, puis crache dans sa main droite et lisse ses cheveux gras de chaque côté de sa raie bien centrée d’un revers de paume humide. Un sourire mielleux sur ses lèvres sèches, il tend alors la dite main au propriétaire des lieux qui plisse le nez mais lui rend tout de même une poigne ferme non sans l’essuyer immédiatement sur son costume jauni au col et aux poignets à force d’avoir été trop souvent porté (et pas assez souvent lavé). Les deux fripouilles se saluent d'une grande tape sur les épaules, et grincent des dents dès que l’autre a enfin tourné le dos. Foutu famille, moi j’vous l’dit. L’un se félicite néanmoins d’entretenir toujours des relations cordiales avec cet homme de loi qui lui assure un business facilité avec Jaafari, le marin aux milles marchandises dont ses clients raffolent ; tandis que l’autre se réjouit d’avoir bu à l’œil toute la nuit pour être en de bonnes dispositions pour ce fameux arrivage par la mer.

Dehors, la nuit est noire, épaisse. L’humidité vivifiante du brouillard s’invite dans les naseaux du shérif et ramène un peu de clarté dans ses idées enivrées. Les pouces à la ceinture, il entame un petit sifflement suffisant pour égailler son cœur tandis qu’il traverse son fief. Les bottes de cuir s’enfoncent dans la terre battue, encore humide après l’étrange averse qui s’est abattue sur la ville pendant des jours. Dans les bicoques, les bougies sont éteintes et les volets tirés, même ceux de la maison close où les derniers clients doivent ronfler dans les bras d’une épongeuse de vague à l’âme chèrement achetée. Il lorgne sur la fenêtre entre-ouverte de la mère maquerelle, se demande si elle est seule ce soir, et le besoin de réchauffer ses vieux os à son contact, d’embrasser ses lèvres prunes, de posséder l’indomptable, le torture délicieusement. Mais rien ne sert de se présenter les mains vides car la bordille ne se donne jamais. Il nourrit alors le projet de s’acheter ses services à la tombée de la nuit avec l’argent que Jaafari lui glissera pour fermer les yeux sur sa cargaison douteuse. « A ce souère, ma désirée. » Qu’il minaude, la moustache frémissant d’envie. Voilà un bon arrangement s’il en est, et qui dure entre les deux truands depuis des années déjà. Et malgré la somme de ses conflits d’intérêt, rien n’empêche ce bon vieux shérif de se sentir comme le sauveur de cette maudite ville, et c’est le torse bombé de sa propre importance qu’il défile entre les habitations endormies en se félicitant d’assurer grâce à son intelligence la sécurité de ces bonnes gens.

L’air se fait plus mordant et les habitations rares. Là-haut dans le ciel obscur, le cri glaçant d’une mouette lui donne sacrément le cafard. Devant lui, les flots noirs et visqueux s’étendent jusqu’au bout du monde et la brume dissimule les navires. Hawthorne frissonne : les grands espaces le terrifient. La mer et la lande recèlent de trop d’incertitudes, trop de dangers ancestraux pour que sa fonction ou quelques deniers puissent y assurer sa sécurité. Ses doigts calleux glissent dans la poche de son veston et se resserrent autour d’un petit sac de toile emplit d’herbes et d’amulettes censées le protéger contre les mauvais esprits. Mais voilà deux semaines déjà que le shérif aurait dû se rendre chez la sorcière écossaise pour renouveler sa prescription. Pris par d’importantes besognes et surtout découragé par la pluie, Hawthorne n’a cessé de repousser ce rendez-vous. Comme il regrette, maintenant que la nappe de brouillard lui laisse entrevoir les formes éthérées qui alimentent ces peurs comme son imagination. Une bourrasque se lève comme un cri glaçant et le shérif hésite à rebrousser chemin comme il n’aperçoit pas le mât ni les voiles qu’il attend. Surement qu’il a été retardé par l’orage, j’n’y vois guère et y’a personne ici. Qu’il se dit pour se justifier. Mais il y croit pas trop, et Jaafari est peut-être ben un malandrin, il n’empêche qu’il n’a jamais manqué un de leurs rendez-vous saisonniers à la nouvelle lune. Alors le shérif pense à la peau nacrée de la belle maquerelle et puise dans la promesse de ses caresses le courage d’avancer plus avant sur le pont. Pourvu que c’grigri fonctionne encore !

Le silence est lourd, pesant, seulement dérangé par ses pas sur le bois grinçant. Et puis d’autres bruits familiers lui parviennent : un rire gras, le grincement des cordes et d’un navire bien remplit, le cliquetis du métal, la friction d’une caisse qu’on décharge et l’éclat d’un ordre. Rasséréné, Hawthorne accélère le pas pour rejoindre au plus vite les trois hommes qui besognent près du deux-mâts dont les voiles se découpent à peine du ciel sombre. Il ralenti néanmoins avant d’annoncer sa présence, soucieux de préserver sa réputation auprès des matelots. « Messieurs ! » Il salue les deux gaillards d’un signe de tête en pinçant le devant de son chapeau puis ses yeux de rapace se posent sur ce bon vieux Hassan. Un sourire découvre ses dents jaunies et vient friper son visage tandis qu’il serre la poigne de son compère et l’attire dans une accolade des plus viriles. « Bienvenue mon ami. » Il l’accueille chaleureusement, bien content de ne plus avoir à affronter les affres de cette nuit sans lune tout seul. Puis il s’écarte pour détailler le bandolier. Une petite lampe à huile éclaire la peau brune du marin et ses traits tirés par la fatigue, l’alcool, le soleil et une vie d’aventure sur les océans. Le shérif se souvient la première fois qu’il l’a vu débarquer sur ses rives, des années plus tôt, et comme il lui avait sorti le grand jeu pour sceller leur arrangement. Le temps a passé, comme en témoigne l’uniforme de Jaafari, usé par des années de cavale et d’embrouilles. Il aime ça, le shérif : c’est les vêtements d’un homme qui refuse de se soumettre ou de faire sa toilette comme une gonzesse. Un homme comme lui. « Te voilà donc à l’heure comme d’usage ! J’craignais qu’la tempête retarde ton arrivée au port. » Qu’il commente, satisfait de voir leur rendez-vous respecté. Plus prompt à s’enivrer de l’air marin désormais qu’il n’est plus seul, le shérif gonfle ses poumons d’iode et s’égare près des caisses en bois que les matelots déchargent du navire. « Bien bien bien, qu’est-ce tu nous amène cet automne Jaafari, hum ? » Les yeux pétillants de curiosité, Hawthorne lisse sa moustache frémissante entre son pouce et son indexe. C’est qu’en plus de la réglementaire liasse de billet ratifiant leur arrangement, il sait que le contrebandier lui ramène toujours un petit cadeau de ses excursions. Souvent de l’eau de vie, parfois du tabac, et d’autres fois encore une spécialité locale des contrées lointaines où l’amènent les flots. Que du consommable jusqu’à présent, mais le shérif ne perd pas espoir de se voir un jour offrir une belle jeune femme exotique avec qui il pourra faire la bête à deux dos jusqu’à s’en laisser ; et alors il trouvera bien à la revendre à l’un des macs de la ville.

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Message(#)Les rôdeurs de l'aube » Hassan EmptySam 17 Aoû 2019 - 20:57

La lune aux trois-quarts pleine et qu'une nappe de brouillard rendait floue se reflétait avec irrégularité sur le bout d’océan, venant lécher les berges sablonneuses de cette extrémité de Moreton Island. Malgré une marée à son avantage l’ombre du deux-mâts qui se dessinait à la surface de l’eau avançait avec une prudence calculée, qu’une majorité aurait associé à la mentalité probablement précautionneuse de son occupant mais que quelques exceptions auraient interprété d’une toute autre manière : il suffisait de savoir qui conduisait la coquille de noix. Braillant des ordres à son maigre équipage avec impatience, le capitaine du bateau avait le premier fait pied à terre, le talon de ses bottes claquant d’un bruit mat contre l’embarcadère vermoulu, et sa posture se déséquilibrant un court instant avant qu’il ne retrouve toute sa contenance. « Messieurs. » Éclairé par une antique et minuscule lampe à huile, dont la lueur passerait à peine pour celle d’une luciole à travers le brouillard et la nuit, cette crapule des mers de Jaafari avait offert au nouvel arrivant le sourire qu’il réservait à ceux qu’il avait dans ses bonnes grâces. Bien moins fringuant et bien plus décrépi qu’à leur premières rencontre, le Shérif Hawthorne, mais le marin prêtait un réel crédit à ceux qui avaient su s’affranchir de la faucheuse assez longtemps pour voir leurs cheveux grisonner : ces gens-là avaient de la ressource. À défaut d’avoir de la morale, sans doute, mais l’on touchait là à un concept sur lequel le contrebandier crachait allègrement – la morale était une affaire de point de vue, et sa morale à lui se mesurait à la lourdeur de sa bourse après un accord commercial avantageux. « Bienvenue mon ami. » Réajustant le ceinturon que le revolver à la propreté aussi douteuse que le reste faisait pencher sur l’une de ses hanches, Hassan avait rendu sa poignée de main vigoureuse au vieux roublard de shérif, et détaillé un instant son allure du regard. Son chapeau usé, son veston sans doute démodé mais dont il ne se séparait pas sans doute pour les mêmes raisons qui le poussaient lui à ne jamais quitter son uniforme – parce que la sueur et le sang y avaient déposé leur marque – et cette vague odeur de whisky bon marché dont les narines du marin ne pouvaient s’empêcher de se délecter … « Mon vieil ami. » Usant du même ton, le brun avait découvert une rangée de dents jaunies comme l’était son teint cireux, abîmé par une vie de navigation et par les excès qu’on lui connaissait – et tous ceux qui le connaissaient le savaient bien, que Jaafari n’était jamais sobre. « Te voilà donc à l’heure comme d’usage ! J’craignais qu’la tempête retarde ton arrivée au port. » Le coin de l’œil surveillant que la cadence de ses petites mains ne faiblissait pas, toujours prêt à distribuer un coup de pied pour dissuader les tire au flanc, l’homme avait secoué la tête et fait un vague geste dans la direction de son rafiot « Cette vieille bourgeoise en a vu d’autres, elle en a dans le ventre. » Et dans le lot, beaucoup de tempêtes, dont toutes n’étaient pas forcément venues du ciel. À bord de la goélette pourtant on avait senti une odeur de mort en approchant des côtes, un sentiment renforcé par les deux goélands venus s’écraser sur le pont dans la matinée du jour précédent et dont l’un des matelots avait cru bon de suggérer qu’il s’agissait forcément d’un mauvais présage. Et le bougre ne croyait pas si bien dire, puisqu’il avait fini une balle dans la pommette droite et était aussitôt allé nourrir les poissons – mauvais présage réglé, qu’avait ainsi décrété Jaafari, qui ne supportait pas que l’on entame le moral de son équipage. C’était mauvais pour le commerce. Et en parlant de commerce : « Bien bien bien, qu’est-ce que tu nous amènes cet automne Jaafari, hum ? » Claquant des doigts pour persuader le dernier matelot d’abandonner son chargement à leurs pieds, il avait fait sauter les clous de la caisse en bois avec la lame du couteau qui ne quittait jamais sa botte « Sato, tout droit venu du Siam. Bien plus raffiné que ce satané Saké que vous vous obstinez à acheter à ces nippons. » Se fendant d’un rictus mauvais, Hassan se félicitait presque mentalement d’avoir encore trouvé une occasion de tacler les japonais et leur présence selon lui beaucoup trop massive dans les eaux pacifiques. « Et puis du thé, mais j’doute que tu y vois le même intérêt, uh ? » Lui non plus n’en voyait pas trop, juste de l’eau et de l’herbe, et qui en plus avait l’audace de le rendre malade comme un chien et de l’empêcher de tenir son pistolet sans trembler – deux maux que l’alcool, son fidèle, résolvaient presque à chaque fois. Et au milieu d’une cargaison de thé à en faire pleurer d’envie n’importe quel colon britannique, quelques pierres semi-précieuses aux reflets colorés que le contrebandier n’avait pas l’intention de partager avec son vieil ami … Les amitiés avaient leurs limites, pas vrai ? De son veston, Jaafari avait finalement sorti une liasse de billets crasseuse, et que le séjour sous ses vêtements n’avait pas dû arranger. « Ta part, comme à chaque fois. » Lui tendant ce qu’il lui devait, Hassan avait terminé de noyer le poisson en ajoutant « Et si tu veux piocher dans l’alcool – j’insiste. » avant de joindre le geste à la parole. Faisant sauter le bouchon de la première bouteille qu’il avait pu saisir, il avait bu à même le goulot puis l’avait tendue au shérif, puis s’était fendu de son côté fendu d’un soupir de satisfaction non dissimulée lorsque la liqueur avait chaleureusement brûlé sa trachée. Il ne connaissait – presque – rien d’aussi bon. Se dandinant, fier comme un bar-tabac, le capitaine du bateau avait jeté un œil méfiant du côté de ses hommes et attendu qu’aucun d’entre eux ne soit suffisamment près pour se pencher vers Hawthorne « J’ai aussi une autre petite surprise au fond de la cale, je … » Marquant une pause, il avait froncé les sourcils d’un air suspicieux et regardé à nouveau autour d’eux. Ils entendaient le vent siffler – ce qui aurait pu n’être qu’un détail, si le vent soufflait encore, mais la houle s’était éteinte au point que même les boucles crasseuses qui tombaient sur le front du shérif ne mouftaient plus. Et le sifflement, lui, s’intensifiait d’un air lugubre, réveillant chez Hassan une chair de poule qui lui avait fait resserrer la main sur son pistolet pour se rassurer.
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Message(#)Les rôdeurs de l'aube » Hassan EmptyJeu 26 Sep 2019 - 0:18

les rôdeurs de l'aube
a harbour meeting between a smuggler and a corrupted sherif
A peine la question posée, les doigts calleux du matelot claquent et un caisson s’écrase sur le ponton grinçant à leurs pieds. Voilà un homme efficace et autoritaire, se dit le shérif avec une moue appréciatrice. La moustache frémissante, il surveille les opérations et c’est tout juste s’il ne se frotte pas les mains quand une bouteille prometteuse à l’aspect vieillit apparaît entre celles de Jaafari. « Sato, tout droit venu du Siam. Bien plus raffiné que ce satané Saké que vous vous obstinez à acheter à ces nippons. » La marin annonce fièrement, et bien sûr Hawthorne n’a jamais entendu parler de ce poison-là, mais il veut bien prétendre pour dorer son blason et se donner un brin d’importance. « Peuh, m’en parle pas… » Qu’il commente alors, secoue la tête d’un air écœuré, crache dans l’océan pour bien montrer ce qu’il leur fait, lui, aux nippons. La bouteille disparaît dans sa besace et déjà ses yeux de rapace guettent les sachets de toile qui composent le reste de la cargaison, avide d’un autre miracle pour l’égayer un peu. Hélas, la description du contenant sonne comme une insulte à ses oreilles viriles. Du thé ! Mais pour qui m’prend-t-il donc c’marin d’eau douce ?! La face froissée d’un rictus asymétrique, le shérif lève la main devant son visage comme pour conjurer cette vile idée. « Pouah ! Rien que d’l’eau de puterelle avariée ! » Il s’insurge, loin de s’imaginer quel précieux trésor peuvent bien cacher ces ridicules brins d’herbe. Sans plus un regard pour le breuvage infâme – qui à lui seul aurait pu le convaincre de quitter sa bonne vielle Angleterre – il fixe les gestes précis du matelot. Une liasse de billets moisis passe d’une main à l’autre et disparaît dans les plis de son veston. « Un plaisir de faire affaire avec toi mon ami. » Il commente après avoir rapidement vérifié la somme. Le compte y est, comme à chaque fois. Depuis le temps qu’ils font commerce ensemble, les deux vieilles crapules savent comme le respect des engagements est à la base des affaires les plus profitables. Voilà un paquet d’pognon qu’il m’tarde ben de dépenser au bordel ! Mais avant… « Et si tu veux piocher dans l’alcool – j’insiste. » Un sourire disgracieux découvre ses dents jaunies et le shérif attrape la bouteille que lui tend le vieux loup de mer. La bibine trouve sa place dans son gosier, glisse au fond de son estomac comme de la lave pour le perforer. Ha ! Qu’il se dit. Voilà une boisson d’homme !

En face, le marin se fait plus précautionneux, plus mystérieux aussi, et Hawthorne sait bien ce que ça signifie. Roulant sa moustache de satisfaction, il tend l’oreille. « J’ai aussi une autre petite surprise au fond de la cale, je… » Les yeux plissés de curiosité, le shérif attend la suite qui ne vient pas. « Et bien quoi ?! » Qu’il tonne, peu friand des devinettes. C’est alors qu’il l’entend. Comme la houle lointaine, une plainte transportée par les flots. L’air alentour est incroyablement lourd, si bien que le brouillard opaque qui se referme autour du bateau ressemble davantage à de la fumée. Nerveux, le shérif remonte la main à sa ceinture, rassuré de sentir le bois de sa crosse entre ses doigts secs. C’est rien qu’une brume marine, pas d’quoi s’affoler, il se dit pour faire bonne figure. N’empêche qu’en face Jaafari a eu le même réflexe que lui, et la tension du matelot n’est pas pour l’apaiser. « Et si nous allions donc voir c’que tu m’réserve au fond d’cette fameuse cale, humm ? » Qu’il propose d’un ton égal dans l’espoir de se donner une contenance et un prétexte pour quitter ce ponton maudit. C’est qu’il sent un souffle glacial se propager dans ses os. La peur, comme de lentes vagues glisse au fil de l’eau pour s’emparer de son être et le crisper d’un affolement indicible. Les craquements sinistres d’un navire à l’approche retentissent dans la nuit, mais aucune forme ne vient troubler les flots d’une immobilité huileuse. « Qu’est-ce donc que cela ! » Il explose enfin, n’y pouvant plus de cette lente agonie qu'est l'incertitude. Au même instant, un hurlement déchire le silence et une forme pâle apparaît derrière le marin. Une femme, peut être une enfant, s’élève à quelques mètres au-dessus du sol. Ses longs cheveux blanchâtres oscillent mollement autour d’un visage opalescent mangé par un trou béant, comme une bouche immense, d’où s’échappe un cri effroyable tandis que la chose fond soudainement sur eux. « Prend garde ! » Hawthorne se jette sur Hassan et le plaque contre le sol humide de l’embarcadère quelques secondes avant que l’apparition ne le percute. En temps normal, il aurait probablement laissé le matelot crever pour se donner de l’avance, mais le brouillard est si épais qu’il ignore où est la terre ferme dans ce dédale insondable, alors Jaafari pourrait bien se révéler être la clé de sa survie. Et puis en toute honnêteté, le shérif n’a aucune envie d’affronter seul ces influences mystérieuses.  Avec un grognement, il roule sur le côté et délie doucement ses vieux os endoloris par la chute. « Par tous les diables ! Qu’est-ce donc encore que cette malédiction ? »    

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Message(#)Les rôdeurs de l'aube » Hassan EmptyLun 11 Nov 2019 - 16:46

Il n’y avait qu’une seule chose du Pacifique à l’océan Indien, en passant par la mer d’Oman ou celle de Chine, qui fasse meilleure recette que l’alcool dans la contrebande : l’opium. Mais de ce côté-là du globe, le long des côtes australiennes, l’alcool restait la valeur la plus sûre, une monnaie d’échange dont la valeur restait inchangée et avantageuse pour ceux qui savaient en faire brillamment le commerce – et par brillamment, on entendait donc illégalement. La boisson avait toujours fait les affaires de Jaafari, tant dans sa bourse que dans son gosier, et s’il tentait de diversifier son fond de commerce afin de toucher … un public plus large, comme en témoignait le thé qui avait arraché un shérif un « Pouah ! Rien que d’l’eau de puterelle avariée ! » ulcéré, sa source de revenus principale restait les eaux de vie et autres liqueurs dont il tentait, quand l’occasion se présentait, de les faire passer pour plus exotiques qu’elles n’étaient pour le simple fait de pouvoir en faire grimper le prix de quelques shillings. L’autre secret résidait dans les clients réguliers, et ceux dont on avait suffisamment graissé la patte pour qu’ils ne soient pas un bâton dans la roue de son commerce : c’est là qu’intervenait le shérif, et sans en faire un homme digne de confiance le bougre avait jusqu’à présent été un homme de parole. La qualité par excellence pour Hassan, dont la n’était pourtant pas le point fort. Plaisir partagé pourtant, lorsque l’australien avait susurré « Un plaisir de faire affaire avec toi mon ami. » d’un air satisfait en rangeant ses biftons là où personne ne viendrait lui chiper – tant qu’il vivait, du moins. « Les bons comptes font les bons amis. Et les bonnes affaires. » s’était de son côté targué le brun d’un air satisfait, passant une main dans sa barbe crasseuse avant de proposer à son acolyte de se servir dans la cargaison alcoolisée pourvu que cela termine de le dissuader de mettre son nez dans le reste de la cargaison. Les cailloux qui brillent, ils étaient pour un autre régulier d’un genre totalement différent – un genre qui ne plaisait que moyennement au marin, en temps normal … mais il fallait parfois se salir un peu les mains pour s’enrichir.

Réajustant sa veste râpée avec une fierté de paon, oubliant comme souvent qu’il y avait bien longtemps qu’il n’avait plus la fière allure du marin qu’il était jadis, Jaafari avait eu un rictus mauvais à l’intention de son maigre équipage. Il allait devoir recruter, puis se débarrasser des tire-au-flanc … Mais pas ici, on lui ferait des histoires pour les « dommages collatéraux » et il ne trouverait aucun matelot digne de ce nom dans le coin. Les colons britanniques étaient réputés pour tout un tas de chose, mais certainement pas pour leur docilité, et le capitaine tenait à mener son équipage à la baguette. Un grognement lui échappant, il avait soudainement repensé à ce qui croupissait sagement au fond de la cale, et un frisson d’excitation lui parcourant l’échine il avait fait jouer un court instant le suspens à ce sujet auprès du shérif, avant que le sifflement lugubre d’un vent qui pourtant ne soufflait pas ne l’interrompe subitement. « Et bien quoi ?! » S’impatientant, il avait fallu quelques secondes supplémentaires à Hawthorne pour l’entendre lui aussi, sa mâchoire se crispant aussi sûrement que sa main s’était resserrée sur la crosse de son arme bien qu’il tente de ne rien en laisser paraître. « Et si nous allions donc voir c’que tu m’réserve au fond d’cette fameuse cale, humm ? » Acquiesçant d’un air mauvais, Jaafari préférait bien être pendu que d’admettre que l’idiot du village qui avait parlé de mauvais présage la veille puisse avoir un tant soit peu raison. Mais à peine avaient-ils faits deux pas que les deux hommes s’étaient immobilisés à nouveau « On a de la compagnie. » Il entendait le vent souffler sur les voiles, faire craquer le mât et balayer le pont, mais son navire à lui semblait muet. Et bon sang quel marin d’eau douce ne repèrerait pas un autre bateau que le sien dans les environs ? « Qu’est-ce donc que cela ! » Nerveusement, Hassan avait réajusté son ceinturon et bombé le torse pour se donner une contenance. « Rien. Suis-moi. » Il ne laisserait pas les délires de la météo ou de satanées superstitions gâcher la surprise qu’il gardait si fièrement au fond de sa cale. Se remettant en marche, il s’apprêtait à faire volte-face pour protester face au « Prend garde ! » jeté par le shérif, qu’il n’aurait pas imaginé si pleutre, mais ce dernier s’était jeté sur lui la seconde suivante en lui faisant perdre le peu d’équilibre que lui conférait son esprit toujours alcoolisé. N’ayant rien vu de la forme fantomatique à laquelle il venait d’échapper, le capitaine s’était dégagé avec agacement « L’hystérie collective de mes hommes t’aurait donc atteint toi aussi ?! » Il ne savait pas lequel avait poussé cet abominable cri de femmelette, mais il mériterait un bon coup de pied au cul pour se remettre les idées en place. Mais alors qu’il appuyait ses deux mains contre le bois crasseux du ponton et mettait un genou à terre pour tenter de se remettre debout, ses marmonnements avaient été coupés secs par un nouveau cri et la réapparition de ce qui avait sans doute provoqué la terreur du vieux shérif la première fois. Ce dernier, qui jusque-là tentait de se relever lui aussi en sifflant « Par tous les diables ! Qu’est-ce donc encore que cette malédiction ? » s’était à nouveau figé de terreur lui aussi, et il avait fallu attendre que la silhouette hurlante ne fonde dans leur direction et que les deux hommes lui passent au travers pour que poussés par leur instinct de survie ils ne se remettent debout et ne courent sans réfléchir jusqu’à l’abri le plus proche – le bateau – non sans avoir chacun fait usage de leur arme à l’aveugle et sans que cela n’ait aucun effet.

Pour une fois, Jaafari aurait préféré admettre que ses tremblements étaient provoqués par l’alcool plutôt que par la terreur muette qui s’était emparée de lui. Mais bien loin de vouloir avouer quoi que ce soit, il avait rattaché son arme à son ceinturon et reniflé comme si l’odeur de poudre devait le rassurer. « C’est un drôle de comité d’accueil que nous avons là. » Sifflant d’un air mauvais, le capitaine avait jeté un œil par le hublot de sa cabine, dans laquelle ils avaient trouvé refuge. Dehors plus aucune trace de l’équipage, ayant visiblement décrété que déserter était la moins pire des solutions, et crachant de manière fort peu élégante il avait maugréé « Si j’les retrouve ces capons, je tresse un filet de pêche avec leurs intestins. » Certes, eux-mêmes avaient été pris au dépourvu par cette … chose. Mais cela restait une femme, et par conséquent une bien moindre menace face à deux hommes comme eux. Ils avaient été surpris, voilà tout, hm. « Comme à ceux qui ont mis sur pied cette farce. Rien que de la poudre aux yeux pour effrayer les mauviettes. » Cherchant l’approbation du shérif dans son regard, attendant de lui qu’il valide cette explication ô combien plus rationnelle qui ne ferait pas d’eux deux imbéciles planqués dans une cabine par peur des fantômes, il avait fait les fonds de tiroirs à la recherche d’un reste de gnôle pour se redonner un peu de contenance. Marmonnant à nouveau, maudissant ses mousses, la tempête, les goélands morts et Dieu sait quoi d’autre, il avait à nouveau frisé la crise cardiaque lorsque le loquet extérieur de la cabine avait claqué violemment, les prenant tous les deux au piège dans le petit réduit où seules subsistaient finalement des bouteilles désespérément vides. « Je n’aime pas beaucoup la tournure que prend cette histoire … et j’aimerais bien des explications. » D’un air mauvais, il avait dégainé à nouveau son pistolet et l’avait pointé dans la direction du shérif. Tout cela ne pouvait être qu’une farce mise sur pied par le bougre et quelques complices savamment cachés dans l’obscurité, il aurait dû y penser plus tôt. Et Jaafari, déjà frustré de n’avoir pas trouvé une seule goutte dans ses tiroirs, n’était plus d’humeur à rire.
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Message(#)Les rôdeurs de l'aube » Hassan EmptySam 14 Déc 2019 - 23:42

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Les os craquent, le bas du dos coince, et le shérif tente de récupérer les bribes éparses de son honneur en se redressant lourdement. Il a tout juste le temps de réajuster son chapeau limé que la silhouette spectrale apparaît encore devant eux. Un instant, elle reste suspendue dans les airs et en accrochant ses yeux vides comme un gouffre Hawthorne ressent une pointe de vertige. Le vent semble s’être arrêté de souffler lui aussi et la mer sombre se fait d’huile. Au loin, les craquements d’un navire invisible retentissent, bientôt accompagnés de hurlements et d’une forte odeur de fumée qui envahit ses poumons. Sans qu’il sache trop pourquoi, ses sens le transportent à ce que les habitants appellent depuis toujours le désastre de 1818. Il se revoit gamin, bondir sur les quais pour voir le spectacle d’un immense bateau en feu se brisant sur les rives ; puis se figer d’horreur à la vue de cette femme en flammes courant dans sa direction, le visage déformé par la douleur, les yeux hantés. Et ce cri épouvantable qu’il n’a jamais oublié, ce hurlement de douleur qui résonne encore dans la nuit noire lorsque la silhouette désincarnée fond sur eux. « AH ! » Qu’il gueule avec férocité pour dissimuler la panique viscérale, enfantine presque, qui s’empare de ses tripes. Une vague de froid glace ses membres alors que le spectre le transperce et cette fois-ci le shérif envoie son honneur aux oubliettes. Poussé par son seul instinct de survie, il s’élance comme un beau diable en direction de la coque rassurante du navire de Jaafari.

Leurs pas glissent sur le bois humide et le shérif manque de tomber plusieurs fois, peu habitué aux installations escarpées de bâtiment. Mais la peur lui donne des ailes et il talonne le marin pour ne pas le perdre dans la brume. Enfin ils atteignent la cabine dans laquelle ils s’enferment et le shérif s’appuie lourdement contre le bois de la porte pour reprendre son souffle. « C’est un drôle de comité d’accueil que nous avons là. » Commente le capitaine en évaluant la situation depuis le verre rassurant de son hublot. « Tu m’en diras tant. » Grogne le shérif en vérifiant la charge de son six-coups. Il ajoute deux cartouches dans les chambres vides, fait tourner le barillet, claquer le revolver pour le refermer et le replace à sa ceinture. La paume de sa main reste sur la crosse, prête à dégainer au moindre mouvement suspect. En face le matelot se lamente sur son équipage de mauviettes et la vieille crapule hausse les épaules. « Que veux-tu, c’est qu’les vrais hommes courent plus les rues. » Y’a qu’à voir sa lopette d’adjoint à peine plus épais qu’une fillette ou encore ce blanc bec de Bosie qui se pavane dans les bordels avec son faciès de jouvenceau et la lueur pas nette dans son regard violet. Nan, les types de sa trempe ou de celle de Jaafari appartiennent déjà à un autre âge, remplacés par une génération de mièvres incapables qui s’évanouissent dès qu’ils voient un peu de sang. « Nous reste qu’une poignée d’puterelles pour tenter d’garder nos affaires à flot ! » Il lâche avec un rire sec et sans la moindre joie. Il se redresse, goguenard, satisfait au moins d’être enfermé dans une telle galère en compagnie d’un type capable de porter un peu de responsabilité sur ses épaules. « Comme à ceux qui ont mis sur pied cette farce. Rien que de la poudre aux yeux pour effrayer les mauviettes. » Méfiant, le shérif guette le marin. N’as-tu donc pas vu la même chose que moi l’ami ? Crois-tu ainsi que le premier mariole puisse réaliser une farce si élaborée ? De son humble point de vue, il est clair qu’ils sont en prise avec des forces diaboliques. Pas qu’un homme de sa trempe se laisse aller à la superstition, non ! Mais il est des forces qui sévissent sur Brisbane et que l’homme de loi ne peut plus expliquer. Éparses au début, puis plus fréquentes ces derniers jours. Des peurs d’antan qui s’éveillent à la tombée de la nuit et glace le sang des plus braves. Comme pour souligner cette pensée, un bruit retentit dans son dos et le shérif fait un bond pour s’éloigner de la porte dont le loquet vient de claquer avec un son sinistre. « Par tous les diables ! » Il souffle, le regard hanté et le cœur agité de palpitations désaccordées.

Comme si ça ne suffisait pas, voilà qu’Hassan se sent soudain inspiré d’une intuition malhabile : « Je n’aime pas beaucoup la tournure que prend cette histoire … et j’aimerais bien des explications. » Qu’il gronde, pointant sans attendre son canon entre les yeux de son compagnon. « Abaisse donc cette arme si tu tiens à ta vie maudit crétin ! » Fulmine le shérif en levant les mains pour montrer qu'il n'a pas l'intention de contre attaquer. Comprenant rapidement que cette tentative d’intimidation ne risque pas de fonctionner et qu’il n’aura pas le temps de dégainer son arme avant de se retrouver avec un trou béant au milieu du front, il change cependant bien vite de technique. « Allons l’ami ! Et quel gourdiflot imagines-tu donc capable de monter une telle farce ? Un gars du port ? » Hawthorne laisse échapper un rire moqueur et secoue négativement la tête. Baissant lentement les bras, il fait un pas vers le capitaine et le regarde droit dans les yeux pour lui montrer qu’il n’a rien à cacher. « Non mon vieux. Car celui-là même qui pourrait jouer avec nos sens et contrôler la marée comme les vents est certainement l’esclave de quelque force démoniaque. » Il faut se rendre à l’évidence : les matelots ont quitté le navire, le brouillard nocturne se referme sur eux et ils ne peuvent compter que l’un sur l’autre pour vaincre les forces maléfiques qui s’acharnent contre eux. Le shérif n’a aucun mal à croire en leur aspect surnaturel. Il a vu bien des phénomènes qui ne s’expliquent pas au cours de sa carrière dans cette ville, bien des histoires qui ne se racontent qu’à mi-voix dans les chaumières au plus noir de la nuit. Et pourtant la méfiance soudaine de Jaafari éveille la sienne.

Profitant d’un bref moment de relâchement chez l’autre, il tire brusquement son arme et pointe à son tour son canon en direction de son compère. « Et qu’est-ce qui m’dit qu’c’est pas toi qui a tout mis sur pieds ?! » Il réplique, une lueur de folie dans le regard, ses doigts calleux contractés sur la détente comme prêts à tirer. « Pour autant qu’je sache tes marins pourraient bien rôder dans la brume et agir dans l’ombre selon tes ordres pour m’isoler ici ! Et qu’est-ce c’est donc qu’il y avait dans son alcool, vile lascar ? Quelque poison pour m'infliger tes hallucinations ? » Il est maintenant clair que le marin cherche à l’entourlouper et l’a fait venir jusqu’ici pour le plumer. « Après toutes ces années… quel avantage peux-tu donc bien avoir à tirer de cette maudite mascarade hum ? » Il demande avec méfiance tandis qu’un sourire appréciateur étire ses lèvres craquelées. Car il est des qualités qu’Hawthorne reconnaîtrait même à l’article de la mort. Et parmi ces dernières ; l’intelligence d’un plan mûrement réfléchit et rondement exécuté. A l’extérieur, un immense craquement le distrait un instant de sa cible. L’odeur de fumée se fait plus pesante encore, les cris aussi. Le sol sous ses pieds semble tout d’un coup moins stable, comme si un immense naufrage envoyait de lourdes vagues s’écraser contre la coque du navire qu’ils occupent. Par tous les diables, qu’est-ce donc que cette satanée histoire ?!     

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Message(#)Les rôdeurs de l'aube » Hassan EmptyMer 12 Fév 2020 - 15:21

Il fallait s’en remettre bien plus à leur ego qu’à leur raison pour justifier la tentative des deux bonhommes de se redonner une contenance. Dans un déni chaque jour plus grand et que l’alcoolisme latent n’avait pas manqué de creuser, il était tout bonnement impensable pour le Jaafari d’accorder le moindre crédit à la possibilité qu’ils aient réellement fait face à un ectoplasme ou un esprit quel qu’il soit. Tout cela n’était que des contes à dormir debout, des superstitions de sauvages et des hallucinations provoquées par quelques substances douteuses – preuve en était que sa Belle à lui, il voudrait bien le jurer, n’apparaissait que les soirs où l’Opium leur servait d’intermédiaire. Pas que cela fasse une grande différence, maintenant que son équipage avait mis les voiles (façon de parler) avec la probable certitude que s’ils osaient se repointer dans les parages le Capitaine en ferait de la nourriture pour la poiscaille. « Que veux-tu, c’est qu’les vrais hommes courent plus les rues. Nous reste qu’une poignée d’puterelles pour tenter d’garder nos affaires à flot ! » Armé de ce rire qu’il réservait probablement à ceux dont il faisait claquer les chaînes, ou dont il abrégeait les souffrances après ce que les colons du coin appelaient « un procès en bonne et due forme » mais qui, dans les faits, n’était rien de plus qu’une comédie pour retarder une exécution qui dans d’autres régions du monde se contentait d’être propre et immédiate, le Shérif avait rechargé le barillet de son arme et l’avait fait claquer avec habitude. Le sarcasme qui habillait ses traits usés semblait pourtant s’être craquelé lorsque le marin avait repris d’un ton mauvais, promettant déjà une fin douloureuse et sanglante aux responsables de cette mascarade fantomatique, qu’il ne voyait que comme une ruse pour mettre des bâtons dans les roues des honnêtes commerçants comme lui. Un aveu de culpabilité ? Les ongles enfoncés dans le bois usé du cabinet Hassan en était presque certain tandis qu’à l’extérieur on leur jouait une énième farce en les piégeant comme des rats. « Par tous les diables ! » Vociférait le shérif, mais sans dissuader le marin de changer de fusil d’épaule, retourner sa veste, prendre le problème à revers … Bref, sans le dissuader de pointer son arme dans la direction de ce vieil Hawthorne avec la volonté certaine d’obtenir des explications. « Abaisse donc cette arme si tu tiens à ta vie maudit crétin ! » Pour seule réponse, le crétin en question avait abaissé la sécurité du pistolet et découvert ses canines jaunies dans un rictus mauvais. « Ça me peinerait de repeindre les murs de cette cabine avec ta cervelle, l’ami. » Moins suicidaire qu’il n’y paraissait, l’australien avait alors préféré battre en retraite en levant les mains, plutôt que dans tenter le Diable dans un duel au pistolet qui ne récompenserait que les meilleurs réflexes de l’un ou de l’autre – un gâchis certain, dans les deux cas. « Allons l’ami ! Et quel gourdiflot imagines-tu donc capable de monter une telle farce ? Un gars du port ? » Et pourquoi pas ? Devait bien t’en avoir que le soleil n’avait pas encore terminé de griller l’intelligence. « Non mon vieux. » Que l’avait pourtant contredit le shérif, reprenant aussitôt « Car celui-là même qui pourrait jouer avec nos sens et contrôler la marée comme les vents est certainement l’esclave de quelque force démoniaque. » Le dernier mot, plus que le reste, avait fait vaciller le marin de manière imperceptible, plantant chez lui la graine d’un doute infime quant à la possibilité qu’Hawthorne puisse parler sérieusement – qu’il y croit vraiment, à ces choses-là.

Mais la seconde suivante le vieux brigand dégainait son arme d’un air mauvais, leurs canons se faisant face avec toute la difficulté que cela représentait dans un espace aussi réduit. « Et qu’est-ce qui m’dit qu’c’est pas toi qui a tout mis sur pieds ?! » La contre-attaque en guise de défense ? Tristement banal. « Ah oui, et dans quel but ? Le temps c’est de l’argent comme on dit chez vous, et cette plaisanterie est en train de m’en coûter bien plus que prévu. » Avait-il la moindre idée du temps et de la monnaie nécessaires pour constituer un nouvel équipage ? Il allait même peut-être devoir amadouer ses ouailles pour les ramener à la raison et les exploiter encore un peu – il serait toujours temps de les jeter par-dessus bord lorsqu’il leur aurait trouvé des remplaçants à un prix décent. « Pour autant qu’je sache tes marins pourraient bien rôder dans la brume et agir dans l’ombre selon tes ordres pour m’isoler ici ! Et qu’est-ce c’est donc qu’il y avait dans son alcool, vile lascar ? Quelque poison pour m'infliger tes hallucinations ? » Toujours bien plus prompt à remarquer les excès de dramatisme lorsqu’ils venaient d’autrui, le capitaine avait roulé des yeux de manière effrontée tandis que l’australien poursuivait ses simagrées. « Après toutes ces années … quel avantage peux-tu donc bien avoir à tirer de cette maudite mascarade hum ? » - « Absolument aucun. Maintenant range. Cette. Arme. Ou Brisbane devra se chercher un nouveau Shérif, et mon petit doigt me dit qu’aucun candidat potentiel ne te permettra de dormir sereinement entre tes quatre planches. » Il fallait au moins lui reconnaître ça, au Shérif Hawthorne. Il semblait du genre à aimer le travail bien fait, et à ne l’estimer comme tel que lorsqu’il était fait par lui – ou sous ses ordres, du moins. Status Quo. Leur duel aurait bien pu durer aussi longtemps que leurs egos respectifs ne prenaient de place, mais un nouveau craquement sinistre avait déchiré le silence de leur petite sauterie et une odeur de fumée se glissant sous la porte avait réveillé chez Hassan une rage sombre. Pas. Son. Bateau. Déviant le canon de son arme il avait tiré deux coups dans la serrure de la porte, fait voler le bois déjà usé qui entourait le loquet, et fait irruption sur le pont sans plus se soucier de savoir si le Shérif suivrait. «  TOI ! » Pieds nus, vacillante, une frêle silhouette que la lune rendait fantomatique déambulait sur le pont, et avait tourné vers les deux compères un regard tellement calme qu’il en était devenu glaçant. « J’aurais dû saigner cette sale petite garce avant d’atteindre les côtes. » Il avait voulu partager son jouet, il avait voulu jouer les grands princes en refourguant cette chair fraîche, à peine sortie de l’adolescence, à ce roublard de Shérif en gage de leur amitié commerciale, certain qu’il aurait su quoi en faire et en tirer un bon prix ensuite – les colons aimaient l’exotisme – et voilà où sa bonté l’avait mené. La fumée ? Ça ne pouvait être qu’elle, cette vermine avait foutu le feu à son navire, non contente d’avoir baragouiné dans sa langue de sorcière chaque fois qu’il était descendu lui rendrez visite à fond de cale. Il ne voyait pas de feu, mais il était forcément là : il le sentait. Mais alors qu’il mettait en joue la gamine voilà qu’au-dessus d’elle s’était mise à planer la silhouette d’une autre donzelle, celle qu’il croyait avoir vu plus tôt, celle qu’il pensait de mèche avec Hawthorne … Et le Shérif pourtant, avait été le premier à tirer au travers à sa vision, Hassan l’imitant la seconde suivante tandis que son cri strident – Celui du fantôme ? Celui de la gosse ? Il ne savait plus – leur perçait les tympans à tous les deux sans que leurs balles ne semblent avoir le moindre effet.
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Message(#)Les rôdeurs de l'aube » Hassan EmptyDim 8 Mar 2020 - 2:26

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Toujours ce bois qui craque sinistrement au grès des vagues molles, toujours cette odeur de fumée qui leur chatouille les naseaux. Toujours cette sueur qui coule sur leurs fronts tandis qu’ils s’observent en chien de faïence, ultime tentative pour s’ancrer dans le réel avant de se laisser happer par les craintes ancestrales de quelque superstition. Mais dans leurs pupilles dilatées par l’adrénaline passe un éclair de compréhension. « Absolument aucun. » On ne peut pas encore parler de confiance. En existe-t-il seulement parmi les malfrats dans leur genre ? Mais après leur petite démonstration de violence et de colère, Hawthorne et Jaafari semblent prêts à croire qu’ils sont tous les deux dans la même équipe… pour cette heure-ci du moins. « Maintenant range. Cette. Arme. Ou Brisbane devra se chercher un nouveau Shérif, et mon petit doigt me dit qu’aucun candidat potentiel ne te permettra de dormir sereinement entre tes quatre planches. » L’intéressé s’exécute avec un rictus où se mélangent l’amertume et l’appréciation. « C’est l’moins qu’on puisse dire. » Il grommelle, suffisant, imbu de sa propre importance. Ce que le matelot ignore, c’est que même un candidat digne de ce nom ne permettrait pas au shérif de reposer en paix dans sa demeure éternelle. C’est qu’il porte sa part équitable ce vices et la bonne vieille culpabilité chrétienne vient parfois titiller sa conscience dans les affres d’une nuit sans lune. Une nuit comme celle-ci, ensevelie dans la brume, où Hawthorne s’imagine déjà errer sans but parmi d’autres âmes damnées dans son genre. En proie à ses pensées sinistres, le shérif sursaute sans vergogne quand un craquement plus distinct que les autres résonne entre les murs étroits de la cabine. La vague odeur de cendres qui les enrobait s’intensifie tandis qu’une fumée se forme distinctement sous la porte pour lécher leurs semelles usées. « Par tous les diables ! » Le cœur fripé comme du vieux cuir, l’homme de loi fait un pas en arrière et agite ses bottes pour chasser ce vil nuage maléfique. La réaction du matelot est tout autre : armé de son canon, le voilà qui tire droit dans la porte, éclatant le bois sec qui la compose. Sans attendre, il se jette sur le pont. Inspiré par ce geste de bravoure, le shérif resserre ses doigts calleux autour de la crosse de son arme. Rassuré par le poids de son six-coups, il se lance à la suite du marin pour couvrir ses arrières. Jamais, au grand jamais il n’avouera qu’il aurait préféré se jeter tête la première dans les flammes de l’enfer plutôt que de rester seul, enfermé sur ce maudit rafiot enfumé et submergé par ces forces obscures !

Les voilà maintenant sur le pont, fendant le brouillard opaque et la noirceur nocturne. « TOI ! » Beugle son compère d’une voix éraillée. Mais en face il n’y a rien que les nappes blanchâtres qui enrobent lugubrement le navire. Les yeux plissés, Hawthorne finit par remarquer une pâle silhouette vacillante qui semble les narguer depuis la poupe. Il émane d’elle une étrange impression de vulnérabilité, durement contrastée par son regard glacial, trop mûr pour les traits quasi enfantins de son visage. Nul doute que le shérif l’aurait trouvée fort à son goût s’il n’était pas aussi terrifié par le chant catatonique qui s’échappe de ses lèvres et que le vent leur porte par à-coups. « J’aurais dû saigner cette sale petite garce avant d’atteindre les côtes. » Pour autant, le marin lui semble agir un peu rapidement en besogne. Voilà un beau gâchis. Une visite chez la sorcière pour exorciser ses démons et sûr que ce petit bout d’chair ferait une bien agréable compagnie… Qu’il songe en faisant rouler sa moustache frémissante d’avidité. « Allons, allons… » Il commence d’ailleurs, prêt à raisonner son compagnon de galère. C’est à ce moment qu’une silhouette fantomatique apparaît au-dessus de la gamine aux vêtements écorchés et alors le shérif ne répond plus de rien. « AAAHHH MALÉDICTION ! AAAHH CRÈVE CATIN ! » Les mots s’échappent de ses lèvres sèches avec la même énergie que les postillons qui éclatent comme autant d’étoiles dans la bruine. Car il vient de reconnaître la forme spectrale qui les avait déjà hantés sur le port et le shérif est déterminé à ne pas se faire pénétrer une fois encore par son âme maudite, glaciale et translucide. Le pistolet pointé sur sa cible, il gueule sa hargne et la haine de sa terreur en déchargeant ses cartouches sur l’apparition. Mais elle ne chancelle pas, non. Elle se contente d’avancer lentement dans leur direction, la bouche tordue dans le souvenir d’une douleur sans nom. Les yeux vides, si vides qu’ils pourraient aussi bien y glisser et se perdre dans les abysses insondables de l’inconscient humain pour ne jamais en revenir. Une terreur glaciale cristallise ses viscères. La môme hurle et se jette sur le sol pour éviter les balles mais le fantôme ne s’intéresse pas à elle et se contente de continuer sa marche funeste vers les deux hommes. Son hurlement enfle, si insupportable qu’il semble provenir de l’intérieur de leurs crânes prêts à exploser. Au loin, la silhouette macabre d’un immense navire en flammes clignote dans la nuit noire, et des cris déchirants se mêlent à celui du fantôme, comme un écho. « METTRE LES VOILES. IL FAUT METTRE LES VOILES ! » Beugle le shérif, à court d’idées. Car déjà d’autres spectres s’écoulent de la coque éventrée du vaisseau enfumé et s’égarent sur le port où le souvenir d’une tragédie passée se mêle lugubrement à cette soirée de perdition. A court de munitions, Hawthorne ramasse une barre de fer qui traîne près d’un tonneau humide. Il met tant de force dans son geste que la veine gonflée sur sa tempe menace d’exploser quand il pourfend la créature au moment où elle allait fondre sur eux. A sa grande surprise, elle se volatilise dans un grand cri perçant. « Enfer et damnation… » La voix enrouée, le visage pâle et couvert d’une sueur collante, le shérif s’appuie contre la cabine pour reprendre son souffle. « Tu crois toujours à une mauvaise farce ? » Une pointe de cynisme dans sa remarque entrecoupée d’une respiration saccadée. Le shérif se déplie avec un grognement et fait craquer les os de son dos. « Dis moi l'ami, vois-tu donc ce vaisseau ? Le sacrifié de 1818 qu’on l’appelle. J’suis certain que t’en a déjà vu les courbes dans tes bouquins d'marine, j’me trompe ? » Une grimace amère au coin des lèvres, le shérif passe une main nerveuse sur son front pour repousser les mèches grasse qui sont venues s’y coller. « S’est échoué ici. Plus d’une centaine de morts qu’il y a eu. Ça paraît insensé mais je crois ben que c’est eux qui s’en reviennent ce soir. Et je sais pas toi mais je serais d’avis d’pas m’attarder assez longtemps pour vérifier cette théorie. »                 

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Message(#)Les rôdeurs de l'aube » Hassan EmptyLun 27 Avr 2020 - 6:46

Il fallait au moins leur reconnaître cela, à ces rebus d’anglais du bout du monde. Ils ne semblaient pas verser avec autant d’aisance dans ces balivernes de superstitions que de là où Hassan faisait tourner la majorité de son commerce. Ou tout du moins c’était l’impression biaisée qu’il en avait, les histoires de fantômes, de malédictions, et cette satanée histoire de pontianak avec laquelle le bassinaient certains de ses marins à allure régulière – jusqu’à ce qu’il ne beugle assez fort et menace d’en faire taire un ou deux en les écorchant vif avant de les clouer au pont pour servir d’exemple. Ils avaient remis cela ces dernières semaines, la faute à la petite dinde qui croupissait dans la cale, et quand ce n’était pas les bridés qui criaient à la malédiction faite femme, c’était les blancs-becs qui pleurnichaient qu’une représentante féminine à bord ne pourrait leur apporter que du malheur. De la jalousie de ne pas avoir eu le droit d’y goûter eux aussi, rien de plus. Du moins tout cela c’était pour la version officielle, celle qu’il servirait à ses compères du jour lorsqu’il raconterait ses exploits et cette mascarade dans le port de Brisbane à la prochaine taverne où il irait dépenser l’argent de son dur labeur … Parce que Jaafari n’avait peur de rien, Jaafari n’était pas une mauviette, Jaafari ne se laissait pas plus arrêter par une gosse blafarde que par un Shérif au regard vitreux. Mais c’était l’odeur du bois qui brûlait qui lui souillait les narines, c’était son bateau que cette traînée avait entrepris d’incendier, et attaché à cette semi-épave plus qu’à n’importe quelle autre chose le marin avait vu rouge et dégainé son arme avec la ferme intention de renvoyer la sorcière à son créateur – il aurait dû le faire bien avant, mais c’était de sa faute à elle, à ses sourcils en ailes d’oiseau et à ses courbes qui l’avaient ensorcelé, pauvre mortel qu’il était. Mais fini de jouer, le Shérif pouvait bien lui donner du « Allons, allons … » et se comporter soudainement comme le dernier des pleutres, cette mascarade n’avait que trop duré et … « AAAHHH MALÉDICTION ! AAAHH CRÈVE CATIN ! » Le poil se hérissant d’horreur des pieds à la tête, l’incapacité du marin à produire le moindre son avait été compensée par les cris terrifiés de l’australien alors que se dressait devant eux la silhouette menaçante et fantomatique d’une autre femme, monstrueuse dans l’horreur qu’elle vous inspirait, terrifiante dans les balles qui la traversaient sans qu’elle ne semble même les remarquer. Jambes chancelantes, mains tremblantes, Hassan avait vidé son arme sur la créature et reculé jusqu’à entendre le barillet claquer dans le vide, la terreur lui faisant finalement perdre l’équilibre – et pourtant il continuait de reculer, les fesses traînant sur le bois vermoulu du pont et des échardes s’enfonçant en pagaille dans ses mains calleuses. « PAR TOUS LES DIABLES ! » A la lueur de la lune, une autre silhouette plus menaçante encore se dressait sur le lit des vagues, un vaisseau faisant passer son deux-mâts pour une pauvre coquille de noix et qu’accompagnait le même sifflement sinistre attaché à leur ectoplasme. Et cette odeur, insoutenable désormais et que le marin identifiait avec horreur ; La chair, c’était de la chair qui brûlait, et ce n'était de son navire mais de celui tout droit venu des enfers qu’elle s’échappait. « METTRE LES VOILES. IL FAUT METTRE LES VOILES ! » Mais Hassan n’entendait plus rien, bien qu’horrifié la vision du navire le fascinait, l’hypnotisait, et il n’avait rien vu des dernières entreprises de son acolyte pour se débarrasser de leur encombrante revenante.

Le cri qu’elle avait poussé lui avait pourtant résonné dans la poitrine, le clouant un peu plus au sol où il s’étalait déjà, et la seconde suivante ce fut comme si rien de tout cela n’avait jamais eu lieu. La lune ne buvait plus sous la brume qui tentait de la faire disparaître, le silence n’était plus troublé que par le doux clapotis des vagues et la respiration dont les deux hommes tentaient tant bien que mal de reprendre le contrôle. La gamine gisait face contre terre à quelques mètres de là, morte, probablement. « Enfer et damnation … » Chancelant, le marin avait tant bien que mal tenté de se remettre debout, les genoux tremblant plus qu’il ne l’aurait souhaité et l’obligeant à s’appuyer un instant contre la paroi extérieure de la cabine. « Tu crois toujours à une mauvaise farce ? » Pour seule réponse Hassan avait grogné de manière intelligible, avant d’arracher la flasque attachée à son ceinturon pour en descendre la moitié dans un réflexe d’assoiffé, attendant de l’alcool qu’il fasse son effet et lui brûle le gosier autant qu’il lui calmait le corps et l’âme. « Dis-moi l'ami, vois-tu donc ce vaisseau ? Le sacrifié de 1818 qu’on l’appelle. J’suis certain que t’en a déjà vu les courbes dans tes bouquins d'marine, j’me trompe ? » Des bouquins ? Qui avait du temps à perdre avec ça ? « J’laisse la lecture pour les bonnes femmes. » avait-il indiqué d’un ton traînant, avant de toutefois rajouter « Mais j’ai entendu parler, oui … Parait que le capitaine a été le premier à quitter le navire. Rebus de poiscaille. » Hassan se serait fait sauter la cervelle plutôt que d’abandonner son navire, y’avait bien que son honneur de marin qu’il n’accepterait pas de sacrifier – et quand bien même il était probablement le seul à croire qu’il avait encore un quelconque honneur à défendre. « S’est échoué ici. Plus d’une centaine de morts qu’il y a eu. Ça paraît insensé mais je crois ben que c’est eux qui s’en reviennent ce soir. Et je sais pas toi mais je serais d’avis d’pas m’attarder assez longtemps pour vérifier cette théorie. » Aussi certain qu’il sacrifierait père et mère plutôt que d’admettre croire à l’incroyable, le brun sentait remonter son excès de pragmatisme à mesure qu’il reprenait ses esprits et avait rétorqué avec cynisme « Et abandonner mon bateau à la merci du premier blanc-bec des environs ? Merci, mais non merci. » Son attitude défiait toute logique, son ego trop occupé à tenter de faire oublier l’attitude de pleutre qu’il avait eu peu de temps avant. Le vaisseau sacrifié n’était plus à l’horizon, pas plus que l’ectoplasme qui les avait attaqué … Alors non, il ne laisserait pas son bateau, pas maintenant que tout danger semblait écarté et que n’importe lequel de ses hommes pouvait revenir et mettre les voiles avec son navire. « Vos histoires de navires échoués, c’est votre problème les gars, moi j’vais gentiment me casser d’ici et j’crois bien que notre collaboration va s’arrêter là. » Nerveusement, le marin fouillait ses poches à la recherche de munitions pour recharger son pistolet. « Je n’ai rien vu. Rien du tout. Je veux rien savoir. J’ai rien vu. Je vais … » Le voilà qui délirait maintenant, prêt à parier que tout cela n’était que le fruit de son imagination, que l’un de ses hommes avait empoisonné son whisky avec Dieu savait quelle substance, que peut-être même Hawthorne n’était pas là, ou qu’il allait subitement se changer en ours, ou en serpent. Il avait de petits yeux de reptiles au-dessus de sa moustache qui frisait, alors c’était parfaitement possible, et d’ailleurs alors que ses doigts tremblants de nervosité enfonçaient deux ou trois balles dans le chargeur de son arme Hassan tentait avec une discrétion toute relative de s’éloigner du Shérif, qui n’était peut-être même pas réellement le Shérif. Il se sentait fiévreux à présent, et comme pour tenter de s’en défaire il avait bu une nouvelle rasade de son tord-boyaux personnel, ne sachant plus s’il espérait voir son ancien compère quitter le navire de lui-même ou s’il ne valait pas mieux le balancer par-dessus bord au cas où.

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les rôdeurs de l'aube
a harbour meeting between a smuggler and a corrupted sherif
Le vent se lève et disperse la brume. Glacial et humide, il agite les mèches éparses du shérif, se coule le long de son échine. Hawthorne fait craquer les muscles de sa nuque d’un coup sec, éloigne le frisson, se sent à nouveau un homme. Le métal lourd de son six-coups, pend au bout de son bras, transfuse une dose de courage. Tout comme la certitude d’être finalement parvenu à faire entendre raison à Jaafari. Car après ces derniers événements, impossible de vouloir s’enliser dans la petite théorie du complot auquel le marin semblait si attaché dans sa cabine. D’ailleurs le voilà qui se relève, surement pour reprendre les commandes et amener ce foutu navire loin d’ici, au cœur de la mer où ces maudits spectres ne viendront plus les emmerder. « Et abandonner mon bateau à la merci du premier blanc-bec des environs ? Merci, mais non merci. » Bec pincé, naseaux fumants, petits yeux iceberg qui lancent des éclairs. M’enfin tête de nœud écoute moi donc et cesse de t’voiler la face ! Personne serait assez fou pour s’aventurer par ici avec toute cette abomination ! Qu’il aimerait bien lui répliquer. Sauf que se fâcher avec Jaafari n’est pas vraiment dans son intérêt comme des deux hommes c’est le seul à savoir naviguer. Ainsi collaborer avec le matelot est certainement l’unique moyen de sauver son pâle fessier. En ces conditions, le shérif peut bien trouver dans son cœur la bonté de se montrer plus cordial. « C’est que j’pensais plutôt à mettre les voiles avec ton navire… s’tu vois c’que j’veux dire. » Sa moustache roule presque pour souligner cette proposition. Mais en face l’autre ne voit pas, non. Il se recompose, reprend son calme et cette apparence de supériorité qu’il affiche toujours. Cette arrogance qu’on ne gagne qu’après s’être creusé son propre filon à la force de ses bras et la sueur de son front, slalomant entre les autres fripouilles avides d’or et les lois étriquées créées par l’homme pour contrôler ses malfrats les plus ambitieux. Kyte le sait, parce qu’il est animé de cette même force. Ça ne l’empêche pas de vouloir éclater le matelot sur le pont quand il reprend la parole, d’un air calme et détaché : « Vos histoires de navires échoués, c’est votre problème les gars, moi j’vais gentiment me casser d’ici et j’crois bien que notre collaboration va s’arrêter là. » Sornettes monstrueuses et calomnieuses ! La paupière désormais agitée d’un tic nerveux, Hawthorne tend le bras derrière lui, bien déterminé à pointer de son doigt révélateur le vaisseau qui s’embrase encore à quelques mètres seulement, déversant sur le port sa racaille translucide et vengeresse. Seulement il doit bien admettre que l’odeur de chair brûlée n’écrase plus ses poumons depuis un moment. Les poings sur les hanches il se retourne, contemple le large. La bruine s’est dissipée et il ne reste plus rien de l’atroce vision qui les hantait. « Pas croyable… » Il grommelle dans sa barbe. Impossible de savoir s’il fait allusion à cet étrange retournement de situation ou bien la décision inadmissible de son compère. Un peu des deux, probablement.

« Je n’ai rien vu. Rien du tout. Je veux rien savoir. J’ai rien vu. Je vais… » Discours haché, voix hantée, gestes brusques et tremblotants. C’est un homme qui se décompose, écartelé entre sa vision pragmatique du monde et les peurs ancestrales auxquelles il vient d’être confronté. Ça aussi Hawthorne le reconnaît, pour l’avoir vu dans son miroir au premier jour de l’horreur, quand ces abominations venaient tout juste de faire leur apparition. La même terreur dans ses iris délavés par la folie de l’instant. Le genre de regard que le shérif n’aime pas trop voir chez un type en train de recharger son arme. Surtout un qui ne peut s’empêcher de suçoter le goulot de sa bouteille par la même occasion. L’alcool est un démon dangereux quand on l’ajoute à cette équation. « Allons, l’ami, allons ! » Qu’il lui lance pour tenter de l’apaiser. Il n’a pas le temps d’ajouter quoi que ce soit d’autre. Du coin de l’œil, il capte un mouvement. Une masse blanchâtre rampe dans leur direction. Puis tout se passe très vite. Une lame brille dans la nuit noire, pâle reflet lunaire qui s’enfonce dans la cuisse de Jaafari. La main s’élève à nouveau et cette fois le shérif n’hésite pas. Une balle dans la paume et la gamine s’effondre en hurlant comme un goret. Quel gâchis, d’faire des trous dans une si jolie chose… Vague pensée compatissante avant de fondre sur elle. Les menottes se referment autour de ses petits poignets, bien liés dans son dos pour limiter ses mouvements. Il passe une corde autour de sa taille, l’attache au mat. Des gestes précis, forgés par l’habitude. En moins d’une minute il est aux côtés du marin, jette un coup d’œil au sang qui imbibe déjà le tissu déchiré. « Et c’est c’te vermine qu’tu voulais m’offrir ? Eh ben mon vieux elle t’a pas loupé. » Il grommelle, arrache une manche à la chemise de Jaafari, s’en sert pour presser bien fort contre la plaie. « Ça fera l’affaire quelques minutes mais s’tu veux t’resservir de ta jambe et pas devenir un cliché d’pirate, j’serais d’avis d’pas nous attarder par ici. » Il se relève, attrape le marin par la taille et glisse un bras sous son épaule pour lui servir de soutien. Ils claudiquent hors du navire et Hawthorne espère que Jaafari sera trop occupé à pester contre l’attaque en fourbe de la fille pour penser à protester qu’on l’arrache ainsi à son vaisseau. Le port est désert. Le genre de vide qui vous gèle les os si vous y prêtez attention trop longtemps. Car l’esprit humain n’aime pas le néant et s’empresse toujours de le remplir, peignant des images atroces pour égayer les recoins de son imagination. « Faut pas traîner. » Marmonne le shérif en pressant un peu le pas. Leurs pieds foulent la terre boueuse entre les bâtiments qui longent le port, s’enfoncent plus loin dans la ville. Y’a pas à dire, on respire un peu mieux loin de la silhouette hantée des bateaux qui ondulent dolemment au grès des flots. Un grognement pour s’encourager et ils reprennent la route, direction la petite bicoque fébrile qui se dresse un peu plus haut sur le chemin de l’église. « Un vieil ami. Posera pas de questions. » Hawthorne explique machinalement en frappant quatre coups secs contre le bois de la porte. Un type apparaît. Cheveux fins et bouclés, entre le gris et le roux, petits yeux bleus cachés derrière de grosses lunettes. L’air à la fois triste et hautain. Sacrément blasé d’être dérangé en pleine nuit, surtout. « Vermine sur le port, c’brave marin a écopé d’un coup. Fais quelque chose pour lui, tu veux ? » L’autre va pour refermer la porte. Le shérif l’arrête en brandissant sous son nez une des pièces qu’Hassan vient de lui confier. Son éclat luit dans l’œil torve du docteur. « Entrez. » Il rouspète en s’écartant pour les laisser passer. « Tu m’revaudras ça. » Grommelle Hawthorne à l’oreille de Jaafari en voyant son bel argent disparaître comme englouti dans la poche du guérisseur.

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