Je suis assisse au comptoir d'un bar, mal à l'aise au possible. J'en ai fais des choses idiotes, mais me retrouver au milieu d'un club de strip-tease, seule et sobre surtout, c'est une première. J'ai plusieurs fois eu envie de faire demi-tour, de lâcher l'idée folle qui me trotte dans la tête depuis quelques jours, depuis que j'ai entendu parler d'une sordide histoire à base de prostituée, de client et d'agression. Un fait divers comme j'ai pu en voir plusieurs durant mes années d'études de journalisme, et qui bien souvent n'ont même pas plus d'un petit encart dans des magazines plus ou moins lisibles. Il faut du sensationnel, du spectaculaire et tout le monde se fout d'une prostituée retrouvée morte dans un motel. A moins que le client en question ne soit un politique ou un homme d'affaire, mais la fille, tout le monde s'en contre fou, alors que c'est elle la victime. Et si habituellement, ces histoires me dérange, surtout par la manière dont elles sont retransmises au public. Cette dernière histoire a une résonance particulière. Et je me suis surprise à lire l'article à la recherche du nom de cette fille. Ce n'était pas elle, mais pendant quelques secondes j'ai pensé que peut être … Et puis j'ai repensé à notre conversation, si on peut encore appeler ça une conversation … Et fatalement, je m'en suis voulue. Pas d'avoir échoué dans mon espoir fou de l'aider, mais d'avoir abandonné trop vite, bien trop facilement. Elle ne veut pas être aidé. OK, je ne vais pas l'aider. Mais, je lui ai promis qu'on se reverrait, et si je ne peux pas l'aider à quitter ce monde de merde dans lequel elle s'est fourrée. Je vais trouver quelque chose d'autre, pour tenter de la déstabiliser et lui rendre la tâche compliquée. Elle ne m'aime clairement pas, et notre rencontre, n'a pas laissé que des souvenirs gracieux dans mon esprit. Alors, la discussion autour d'un verre c'est peine perdue, pour elle comme pour moi. Si je veux pouvoir l'atteindre je dois trouver autre chose, et j'ai trouvé. Une idée folle sans doute, une idée qui ne va pas nous rapprocher c'est certains, mais une idée qui m'a conduite à me retrouver dans ce club après quelques recherches (et avec l'aide de contacts un peu spéciaux) qui pourraient me faire passer pour une vraie psychopathe. Pas grave, j'assume après tout elle m'a pas laissé sa carte, j'ai du prendre de mon temps pour la retrouver (c'est qu'il y en a des clubs de strip-tease à Brisbane.) Et, si ça peut faire flipper, ça montre toute ma détermination à ne pas la lâcher et elle devrait apprécier mes efforts. Ou pas. Et je penche clairement plus pour la deuxième solution. Mais, c'est décidé. Je ne vais pas rester les bras croisés à ne rien faire du tout. C'est con, je sais. Je me mêle de ce qu'il ne me regarde pas, encore. Mais c'est plus fort que moi. J'ai autant envie de l'aider, que de la pousser à bout, parce qu'elle réussi à faire ressortir le pire de moi. Mais je sais aussi une chose, c'est que s'il venait à lui arriver quelque chose sans que je n'ai rien tenté, je me le reprocherais. Pas pour elle réellement, je n'ai pas d'affection pour elle. Mais pour Caleb, et aussi un peu pour moi. Alors, pour soulager mon esprit, et ma conscience, je m'apprête à entrer dans un jeu que je ne suis pas sûre de gagner mais que je sais qu'elle ne gagnera pas non plus. Est-ce réellement une bonne idée ? J'en suis pas persuadée, mais je n'en ai pas trouvé d'autre. Alors tant pis, advienne que pourra. Je me lève pour quitter le comptoir et je me dirige vers une salle que l'on m'a indiqué. J'ouvre la porte et je sais que je ne vais plus pouvoir faire marche arrière, quoique je fasse, je devrais l'assumer. Suis-je prête à ça ? Et bien on verra ! C'est parti Alex. A moi de jouer !
« Oups, pardonnez moi. » Je m’incruste littéralement entre deux types déjà installés. Et je jette un œil vers la fille qui danse. Si vous saviez à quel point je me sens mal à l'aise d'être là, de faire ce que je fais. Mais maintenant qu'elle m'a vu, je dois assumer. Sourire aux lèvres, un air faussement serein et sur de moi sur le visage ; je glisse plusieurs billets aux deux hommes qui sont assit et qui se rincent l’œil de manière abusive. Le regard qu'il porte sur cette fille me dégoûte totalement. Elle pourrait largement être leur fille, mais cette pensée ne semble pas les déranger le moins du monde. Elle ne semble pas déranger non plus la femme qui se déhanche de manière sexy et subjective pour quelques billets. « Prenez cet argent et allez profiter du spectacle ailleurs. » Je me lève et je me tiens debout devant les deux types en question qui ne semblent pas avoir l'intention de bouger. Je me mets devant eux, tenant mes billets et gênant le spectacle bien volontairement. « Allez on bouge, avec ces billets je vous offre la possibilité de vous rincer l’œil gratuitement, mais ailleurs. » Visiblement ma silhouette ne semble pas leur convenir et ils finissent par partir, non sans prendre les billets. Sacrés sacs à merde ces types quand même. Et dire qu'elle danse pour ces types, mais surtout qu'elle couche avec ces types et qu'elle assume. « Tu peux arrêter de te donner en spectacle, y'a plus personne pour te regarder. Tu vois que tu n'es pas spéciale, ils sont bien vite parti. » C'est plus que toi et moi Primrose, dans ton monde, dans ton univers. Je suis là, avec mon sourire et mon argent, et je compte bien te ruiner ta soirée. Par plaisir ? Oui un peu, sans doute, mais pas uniquement.
Cette soirée est habituelle, elles se ressemblent toutes en ce moment de toute façon. J’imagine que ça devrait me réjouir, pas d’imprévu, pas de problème, pas de maladresse de ma part, juste de la danse, des regards sur moi, des allers et retours dans les salons lorsque j’y suis invitée et rien de plus. Le patron est content, il n’y a pas eu de vague depuis longtemps, aucune dispute, pas d’homme ivre en train d’en taper un autre parce qu’il convoite la même fille et que l’alcool ne lui permet pas de contrôler ses émotions et sa frustration. Je ne suis pas sûre que ça me plaise vraiment cette ambiance presque trop calme. Je ne vais pas aller jusqu’à dire que j’aime assister à des prises de bec dégénérant souvent en bastons difficiles à canaliser, mais je n’ai pas que ma vie soit trop linéaire, parce que souvent ça cache quelque chose d’énorme qui va me tomber dessus au moment où je m’y attendrais le moins. C’est toujours comme ça, parce que je crois que je suis tout simplement faite pour avoir des problèmes et pour gérer toutes les emmerdes possibles et imaginables. C’est sans doute comme ça que j’ai appris à me sortir des situations les plus inextricables, parce que je sais que je n’ai pas le choix et que personne ne viendra m’aider. Pour l’instant, j’essaie donc de profiter de cette accalmie sans véritablement y parvenir, sentant le danger planant au-dessus de moi sans pour autant pouvoir l’identifier, appréciant ces moments de calme en sachant pertinemment que la tempête arrivera tôt ou tard. Ce soir sera certainement une bonne soirée, deux hommes se sont rapprochés du podium sur lequel je suis perchée et me scrutent du regard, appréciant chacun de mes mouvements et laissant leur regard glisser sur toutes les parties dénudées de mon corps. Il fut un temps où j’étais presque mal à l’aise mais ce n’est heureusement plus le cas, à présent, au contraire, j’en joue, suggérant ce qu’ils pourraient avoir de plus s’ils décidaient de s’en donner les moyens. Toutes les filles ont appris à appâter les clients grâce à leur expérience et c’est ce qu’on enseigne aux nouvelles le plus rapidement possible après leur arrivée pour que les affaires continuent à tourner le mieux possible. Maintenant, j’agis presque par réflexe et plus par désir de bien faire, comme durant mes débuts. Pourtant, je me souviens à quel point j’avais envie d’être remarquée et appréciée lors de mes premiers jours, chaque mouvement était étudié avec soin, je réfléchissais à tout, je voulais être parfaite. Aujourd’hui, je veux l’être tout autant mais je n’ai plus besoin de réfléchir à ce que je fais pour savoir que je vais plaire, après plus de six ans passés ici, tout est devenu tellement facile et automatique, ça devrait sûrement me faire peur mais il n’en est rien. Je fais demi-tour pour attraper cette barre de pole dance que je connais de mieux en mieux grâce aux cours financés par mon employeur, je joue avec, me déhanche encore davantage et laisse aux hommes toujours suspendus à mes mouvements, tout le loisir d’admirer cette chorégraphie improvisée. Enfin, c’est ce que je crois car quand je me retourne, ce ne sont pas mes clients du jour que je vois, mais Alex, cette fameuse jeune fille que je ne pensais jamais revoir mais qui m’avait pourtant promis le contraire. Psychopathe. Ça se confirme, elle est venue me chercher jusque sur mon lieu de travail ce qui fait d’elle la personne la plus inquiétante que j’ai pu rencontrer au long de ma courte vie. Debout sur le podium, je ne fais plus aucun mouvement et ça va finir par se voir, aussi je me décide à faire signe à une collègue postée au fond de la salle pour qu’elle vienne me remplacer et je descends de la scène, obéissant sans le vouloir à cette Alex qui semble avoir tant envie de me faire abandonner mon travail. Descendue à son niveau, j’ai envie de lui coller ma main dans la figure, mais je contrôle cette pulsion qui pourrait avoir des conséquences désastreuses. « Qu’est-ce que tu fous là ? » Je lui demande, sourcils froncés, sans avoir besoin de chuchoter car la musique sensuelle accompagnant nos danses couvre parfaitement le son de nos voix, un peu trop même puisque je suis obligée de rester bien plus proche d’Alex que je ne le voudrais. « Je dois bosser ce soir et si tu ruines ma soirée, je vais avoir de gros ennuis. » Mon inquiétude est palpable, fini la jeune fille arrogante qui se croit intouchable, si elle s’immisce jusque dans ma vie privée, ça peut être un réel problème pour moi, surtout si elle a décidé de rendre ma vie impossible. Elle ne se rend sûrement pas compte de tout ce qu’il y a en jeu, de tout ce que je risque de perdre si je ne finis pas ce que j’ai commencé et des représailles que je pourrais connaitre. A côté de ça, ses petites menaces et ses jeux de pouvoirs ridicules ne sont que des gouttes d’eau dans l’océan des emmerdes auquel je vais devoir faire face. « On devrait aller parler dans un endroit plus tranquille. » J’ai peur qu’on nous épie, que les gens se mettent à parler sur notre passage et que le patron soit averti de la présence de cette femme venue me distraire et ruiner le professionnalisme dont je fais preuve habituellement. « Tu me suis ? » Cette fois-ci, c’est une demande, presque une supplication, et pas un ordre, mais j’espère qu’elle le fera quand même, je ne tiens pas à me donner en spectacle ici. Si elle a encore du venin à cracher, mieux vaut que ça se passe en privé.
Je la sens inquiète, tendue et bien en colère. Visiblement ma présence jusque sur son lieu de travail ne semble pas lui plaire. Premier objectif atteint. J'ai une réaction de sa part qui ne se fait pas attendre et elle me demande ce que je fais ici. Question légitime que j'ai déjà anticipé et pour laquelle j'ai déjà une réponse de prête, je ne vais pas me montrer incertaine dès les premières minutes. J'ai choisi de venir ici, j'ai choisi de la provoquer, je dois assumer maintenant jusqu'au bout. « Tu pensais que je te jugeais sans te connaître, alors voilà, je suis là pour te connaître, connaître ton métier et comprendre pourquoi c'est si important pour toi. Tu pourras pas dire que je ne fais pas d'effort pour te comprendre. » Elle est très proche de moi physiquement et je peux voir l'inquiétude dans ses yeux. « Je dois bosser ce soir et si tu ruines ma soirée, je vais avoir de gros ennuis. » Je dois avouer que je m'y attends pas à celle là. Primrose semble réellement inquiète mais pas de ma présence, mais des ennuis que je pourrais lui causer. Je n'y ai pas pensé à ça non plus. Visiblement, je ne pense pas à grand chose ces derniers temps, ça explique peut être pourquoi ma vie semble si compliquée ? Je suis réellement touchée par l'attitude de la jeune Anderson, finit l'arrogance et l'assurance de tout savoir, de tout contrôler. C'est que je me sens presque coupable d'interférer dans son travail et de la mettre dans une situation périlleuse. Quelques secondes seulement, et j'essaye de garder un contrôle sur moi même sans rien laisser paraître. Ni ma légère culpabilité, ni mon malaise d'être ici dans ce club face à elle. Parce que finalement, si je ressens son malaise quand à ma présence, je suis au fond, tout aussi mal à l'aise qu'elle d'être ici dans ce club, mais je risque moins de chose qu'elle, ce qui me permets de me contrôler un peu plus et de cacher mes sentiments. « Ouah première fois que tu sembles admettre que ton métier peut t'apporter des gros ennuis. Tu n'es peut être pas si déconnectée de la réalité que tu semblais l'être. » Bon, j’avoue que niveau gentillesse j'aurais pu faire mieux et ne pas jouer de cette situation. Mais c'est bon aussi de voir que Primrose ne contrôle pas tout, que Primrose n'est pas impassible, intouchable et qu'elle a des émotions humaines. Bon j'abuse un peu sur les émotions humaines, mais je n'oublies pas comme elle a essayé de me toucher avec mes propres révélations sur ma famille, je n'oublies pas et c'est un tout petit soulagement de voir que je peux la déstabiliser réellement moi aussi. « On devrait aller parler dans un endroit plus tranquille. Tu me suis ? » Elle est loin l'attitude hautaine de Primrose. Loin la fille qui ne me montrait aucune faiblesse et qui revendiquait ses choix sans jamais émettre le moindre doute. Et je découvre une autre facette d'elle qui m'étonne. Je ne sais pas trop à quoi je m'attendais en venant ici, mais je pensais trouver une Primrose dans ses œuvres. Quelqu'un de sûre d'elle, de fière, à l'aise dans son élément. C'est bien ça qu'il faut comme attitude pour faire bander tout ces hommes. Mais visiblement ma simple présence suffit pour la rendre totalement mal à l'aise et incertaine. Je ne veux pas de tout ce contrôle sur elle. Je veux juste la bousculer un peu, la faire réagir, mais elle semble presque fragile là face à moi, me demandant avec beaucoup trop de retenue et de précaution de la suivre. « Je sais pas trop. Parler visiblement on y arrive pas toutes les deux, je dois te rappeler notre dernière conversation ? » Il n'y a cette fois pas de méchanceté dans ma voix, pas de reproche non plus, juste une constatation. Parler, nous avons essayé et ça n'a pas abouti à quelque chose de positif, ni pour elle, ni pour moi et j'étais parti de ce rendez-vous frustrée, blessée, en colère et mon envie de replonger qui s'était ravivée. « Je pensais plutôt rester là et t'observer bosser, après tout comme tu en parles ça a l'air cool. » Et alors que je finis à peine ma phrase, un gars arrive vers nous et commence à brailler sur Primrose qu'il attends qu'elle danse, qu'il est pas venu ici pour la voir parler... Visiblement c'est un régulier celui là et je la plains. Il s’immisce entre nous, me repoussant un peu pour se rapprocher de Primrose. Il ne l'a touche pas mais le regard qu'il pose sur elle est tout aussi intrusif et inadapté, enfin d'après mes standards. Ici ça semble plutôt le regard normal de tout les hommes, une main au porte-monnaie, une autre dans le caleçon. Ok, encore une fois j'abuse mais ce type est réellement dégueulasse et il m’horripile. Et puis, de ou il interromps les gens en pleine discussion lui ? Il m'énerve, sa façon de parler à Primrose m’agace, sa façon de la considérer comme étant à son service m'irrite. Tout chez ce type dégage une antipathie de haut niveau. Il ne se dégage de lui qu'une attitude ultra irrespectueuse et dégueulasse. J'espère qu'elle n'a pas faire à ce genre de type tout le temps. Je m'adresse à Primrose sans tenir compte du gars qui parle encore, ou des gens qui pourraient être autour de nous à entendre mes mots. « Alors c'est pour ça ? Pour te trémousser devant des types dégueulasses, de l'âge de ton père au regard pervers et qui bande mou que tu veux renoncer à ta famille ? Bien, bien je note. » Et ensuite je me tourne vers le type au ventre bedonnant, la chemise à moitié ouverte, le crâne dégarni, l'alliance bien visible et l'alcool qui empeste jusque dans mon espace vitale. « Et vous, vous n'avez pas honte ? Incapable de faire jouir votre femme mais vous venez vous astiquer le manche à coup de billets. » A mon tour de sortir quelques billets, juste pour le provoquer encore un peu. Et dire que je gaspille mon argent, enfin celui de mon père (héritage de ma mère, merci le divorce) pour ce type, pour ces types juste pour énerver Primrose. Quand j'y pense, je suis quand même tout aussi pathétique que ces gens mais je m'en moque. « Tenez, prenez cet argent, laissez la tranquille, et faites moi une faveur, allez acheter un sextoy à votre femme, elle mérite bien mieux qu'un type comme vous. Alors à défaut de vous jeter, grâce à ce petit jouet elle pourra se faire plaisir parce que c'est pas avec vous qu'elle doit être comblée. Sale porc. » Je pense que cette fois, Prim' va me tuer, mais je ne peux pas laisser passer ça, ce type. Son manque de respect, son manque de retenue. Aucune femme ne mérite d'être traité de la sorte, et même si j'ai énormément de colère envers Primrose, je ne peux rester silencieuse devant un tel comportement. Je voulais la déstabiliser un peu, la provoquer un peu, mais je n'avais pas l'intention d'en arriver à insulter ses clients ni même à devenir vulgaire. Je sais que j'aurais du me taire et la laisser gérer mais le mal est fait maintenant.
Cette soirée va probablement être la pire de toute ma vie. J’aurais vraiment dû me méfier de cette Alex, elle est capable de tout. Après m’avoir appris qu’elle était liée à toute ma famille, voilà qu’elle a su désormais dénicher mon lieu de travail pour venir se venger de toutes les paroles prononcées la dernière fois que nous nous sommes vues. Elle n’aurait pas dû, il n’y en a pourtant pas une qui ait été plus blessante que l’autre, lors de cette entrevue, nous avons été odieuses toutes les deux et très dures dans nos paroles. Je pense qu’on aurait pu en rester là, on aurait même dû en rester là. J’ignore ce qui la pousse à venir ici en réalité et ce qu’elle cherche à prouver, une chose est sûre, je pense que ça va très mal se passer pour moi et j’ai du mal à dissimuler l’appréhension qui continue à m’envahir au fur et à mesure qu’elle me fait bien comprendre que j’ai effectivement vu juste et qu’elle n’est pas venue pour prendre des notes en restant bien sagement assise dans un coin. « Je ne veux pas que tu fasses l’effort de me comprendre mais que tu me laisses tranquille, on n’a plus rien à se dire, lâche l’affaire. » C’est une demande sans agressivité, presque une supplication prononcée avec une voix posée et douce qui aurait presque du mal à se faire entendre à cause de la trop forte musique qui est diffusée dans la salle. Je déteste devoir m’aplatir devant cette fille qui ne le mérite pas, mais je ne suis pas en position de force cette fois et je ne tiens à perdre mon emploi parce qu’elle a décidé de se donner en spectacle devant mes clients, mes collègues et pire que tout mon patron qui peut débarquer à tout moment pour juger de notre talent et imaginer revoir ses effectifs à la baisse. Je travaille ici depuis six ans, j’ai fait mes preuves et aucune vague depuis mon arrivée, je ne peux pas perdre les faveurs de celui qui m’octroie les jours de congés que je lui demande, ce n’est absolument pas possible. « En l’occurrence, celle qui risque de m’attirer des ennuis, c’est toi. » Ce n’est que la pure vérité, pour le coup, si mon métier me procure un certain nombre de désagréments diverses et variés, si je dois avoir de vrais problèmes ce soir, ce sera uniquement à cause d’elle et non pas à cause de mon choix de profession. « Tu ne comprends pas… On est sur mon lieu de travail, je ne peux pas me permettre de provoquer un scandale… Je vais perdre mon boulot. » La panique se sent dans mon discours mais rien ne semble pouvoir arrêter Alex qui est définitivement lancée, prête à détruire tout ce que j’ai construit sans se soucier des conséquences que ça pourrait avoir sur ma vie. Mon énième tentative de la ramener à la raison est recalée aussi sec, elle souhaite rester ici, là où tout le monde peut nous voir et nous entendre et pour que l’humiliation soit complète. « Si tu ne veux pas me parler, je crois que tu devrais t’en aller. » Je manque cruellement de conviction parce que je sais pertinemment qu’elle ne le fera pas. Elle est venue pour me prouver quelque chose et rien ne l’arrêtera. Elle veut rester pour m’observer, certainement en profiter pour envoyer chier quiconque aurait le malheur de s’approcher de moi, comme elle l’a fait avec mes deux clients précédents. Elle ne se rend pas compte du monde dans lequel elle vient de mettre les pieds. Elle croit que tout est tout noir ou tout blanc alors que c’est loin d’être le cas. Dans le meilleur des cas, elle se fera casser la gueule par les hommes de main du boss, dans le pire, elle leur avouera notre rencontre au sein de ce fameux groupe de parole entre deux coups de poings dans la figure ce qui signera mon arrêt de mort. Elle croit sans doute qu’elle peut m’intimider et que sa présence est une simple mise en garde contre tout ce qu’elle serait capable de me faire si je continuais à la considérer comme je l’ai fait lors de notre dernière conversation. En réalité, ça va bien plus loin que ça, la hiérarchie ne plaisante pas avec ceux qui ne rentrent pas dans le rang et mon attitude a toujours été irréprochable. Je ne peux pas renoncer à ça maintenant. C’est peine perdue, elle ne partira pas et lorsqu’un homme s’approche de moi, m’incitant à continuer ma performance habituelle, le regard lubrique et le sourire carnassier, elle ne se gêne pas pour le remettre à sa place alors que j’assiste, impuissante, à la scène que j’aurais justement voulu éviter. Je ne réponds pas à ses questions, je ne parle pas du tout, d’ailleurs, mon regard apeuré scrute la salle et repère les vigiles en train de chuchoter, le regard braqué sur nous. On est repéré, ça y est, l’attitude d’Alex ne passe pas inaperçu dans un endroit où seul le plaisir compte et où la rancœur et la colère doivent normalement être absentes. Elle sort des billets pour en donner une partie à cet homme qui a eu le malheur de venir s’interposer entre nous au mauvais moment. Je baisse mon regard vers le sol, priant pour qu’il n’associe pas l’attitude déplorable d’Alex à mon comportement à moi, parce qu’il vient souvent ici et que je ne voudrais pas le perdre en tant que client, il paye bien. Il s’éloigne mais je ne respire pas mieux pour autant, c’est même de pire en pire parce que les chuchotements autour de nous redoublent d’intensité, les regards nous scrutent, les gens s’interrogent. Mes copines continuent leur show mais elles perdent l’intérêt de certains clients. Il faut absolument qu’on se barre d’ici. Alors, sans réfléchir, j’attrape la poignée de billets restante dans la main d’Alex et les fourre dans mon dos, coincés dans l’élastique du string que je n’aurais pas l’occasion d’enlever ce soir. C’est décidé, elle vient de devenir ma cliente officielle pour ce soir. D’un geste de main, je fais signe à une collègue de venir me remplacer sur le podium alors que je parcours le peu de distance me séparant d’Alex. « On va trouver un endroit plus tranquille, ma jolie. » Je chuchote presque avant de poser mes lèvres sur les siennes, juste assez longtemps pour que la surprise ne lui permette pas d’avoir le mouvement de recul qu’elle souhaiterait et pas assez pour que ceux qui commençaient à s’interroger sur notre relation ne remarquent pas que la soirée reprend un cours normal, finalement. « Suis-moi. » Cette fois-ci, ce n’est plus une question et je prends la direction des salons, sans vérifier si elle est derrière moi ou non, si elle décide de rester jouer la provocation, d’autres s’occuperont d’elle, mais je ne veux en aucun cas être mêlée à tout ça.
« Je ne veux pas que tu fasses l’effort de me comprendre mais que tu me laisses tranquille, on n’a plus rien à se dire, lâche l’affaire. » Lâcher l'affaire ? Dans bien des cas, lâcher l'affaire était une option plus que tentante, mais pas ce soir. Parce que lâcher l'affaire viendrait à cautionner ce qu'elle fait, ou à lui donner raison. Et maintenant que je suis là, je ne vais pas faire demi-tour et me taire. J'ai lâché l'affaire trop vite, trop facilement la première fois, j'aurais du insister. Rester diplomate et ne pas m'énerver, mais c'est trop tard maintenant, le mal entre nous est fait. Mais pourtant, je ne peux m'empêcher de venir la trouver ici dans ce club, sur son lieu de travail. Avec des intentions peu claires même pour moi, mais l'idée folle de tenter de provoquer une réaction chez la petite sœur de Caleb. Et finalement, c'est elle qui me donne presque l'objectif de ma venue ici. « En l’occurrence, celle qui risque de m’attirer des ennuis, c’est toi. Tu ne comprends pas… On est sur mon lieu de travail, je ne peux pas me permettre de provoquer un scandale… Je vais perdre mon boulot. » Perdre son boulot, la plupart du temps je trouverais pas cette idée très positive, mais dans le cas de Primrose ça me semble être exactement ce dont elle a besoin. Se faire virer, voir la porte de sortie de prêt pour tenter de changer de vie. Parfois pour certaines personnes, la routine est si rassurante, et le changement fait si peur, qu'elles restent engluées dans des situations impossibles par peur d'aller de l'avant. Se retrouver confronté à la réalité, à l'obligation de changement, ça me semblait finalement être la meilleure idée. « Et alors, ce serait un vrai cadeau de ma part que de t'aider à quitter ce lieu maudit non ? Parce que le plus gros drame dans l'histoire serait que tu restes ici encore des années, jusqu'à ce que l'on considère que tu es trop vieille pour faire bander les clients et qu'on te jette par la porte de derrière. » Au cas ou, elle ne l'aurait pas comprit, je lui confirme que clairement, qu'elle perde son boulot, serait loin de me provoquer un soucis de conscience à l'avenir et c'est même une idée qui se fraye un chemin dans mon esprit. « Si tu ne veux pas me parler, je crois que tu devrais t’en aller. » Oh, non Primrose, je ne veux pas te parler à toi, mais je ne vais pas m'en aller pour autant. L'idée de te faire quitter ce lieu maudit me semble bien plus alléchante et intéressante. Je suis une vraie connasse avec toi, mais c'est le seul moyen pour obtenir un peu de ton attention. Je me sens mal à l'aise dans ce lieu, mais ce qui me rassure, c'est que tu sembles encore plus mal que moi, scrutant l'horizon. Et ce type qui s'interpose entre nous, te demandant, enfin t'ordonnant de rependre ta danse et de lui donner ce qu'il est venu chercher. Primrose voulait que je parle, alors je parle. Je parle à ce type qui me dégoûte, à ce type qui représente tout ce qui est écœurant dans son boulot. Je me lâche, ne cherchant pas à contrôler ce que je pense, ni ce que je dis. Et à ma grande surprise, Primrose ne dit rien, ne cherche même pas à m'arrêter quand je m'en prends à son client. Elle ne retient pas non plus le client qui se barre, non sans s'être servit dans la poignet de billets que j'agitais sous son nez. Et je sens les regards sur nous, et je vois le malaise de Primrose qui semble chercher à disparaître sous le sol, honteuse d'être associée à ce spectacle sans doute. Et visiblement, je découvre que Primrose peut ressentir la honte, après la peur, j'avance sur le cas little Anderson. Son attitude me surprends, mais je suis loin d'être au bout de mes surprises. Visiblement les gens ici n'ont pas l'habitude de voir une fille débarquer ici et faire un tel spectacle parce qu'ils ont tous le regard tourné vers nous, même les gros bras de l'entrée qui semblent prêt à foncer dans le tas. Et je n'ai pas peur, enfin je reste sur mes gardes mais je ne crains pas ces types, je devrais peut être mais je n'ai rien fait d'illégal. Je regarde autour de nous, et mes yeux se posent sur un type au fond de la salle qui semble se shooter. Et voilà que ça n'arrange pas la situation. Je bloque sur ce mec laissant Primrose dans son moment de gênance, je la quitte du regard quelques secondes, erreur. Parce qu'elle me prends par surprise et m'arrache les quelques billets qu'il me restait dans la main. Je fronce les sourcils, prête à lui faire une réflexion. « On va trouver un endroit plus tranquille, ma jolie. » Mais à quoi elle joue ? Je regarde sa collègue prendre place sur le podium et je baisse ma garde une nouvelle fois. Je sens le contact de ses lèvres sur les miennes, prise par surprise je n'ai même pas réagi. Je reste debout, immobile, l'air hagard, elle a pas osé faire ça quand même ? Et quand je réalise qu'elle a vraiment fait ça, elle est déjà en train de se retourner pour partir. « Suis-moi. » Et elle part, avec mes billets direction ce qui semble être des coins plus « tranquilles ». Et je la suis, parce que j'ai encore des choses à régler avec elle. Je rumine son geste sans rien dire, elle a osé m'embrasser. Elle m'a prit pour l'un de ses clients, et bien puisque j'ai payé, j'espère en avoir pour mon argent. Elle entre dans un salon, et j'ose à peine toucher la porte pour la refermer. Ce lieu me dégoûte mais je tente de faire abstraction de toutes les choses qui ont pu se passer la dedans. Nous sommes seules, elle me fait face et je lutte contre mon envie de lui retourner une claque pour son geste. A la place, je monte d'un ton voir deux, la provocation ayant laissé place à la colère. « Mais a quoi tu joues ? C'était quoi ça ? Tu crois vraiment que tu peux me considérer comme une vulgaire cliente ? » Cette fois je suis énervée, réellement énervée par son attitude et le baiser volé. Alors, oui pour me faire taire sur l'instant, elle a trouvé le bon plan, c'est même l'un des moyens les plus efficaces, mais si ça marche avec certaines personnes, je préfère quand même quand c'est consentie et là, c'est pas le cas. « Je te rappelle que tu as bien plus à perdre que moi ici, ne refait jamais ça, jamais. » C'est pas une menace mais pas loin et je n'ai plus de sourire, plus aucune once de provocation juste de la colère. « Je peux sortir d'ici et crier que je suis journaliste, je suis sûre que tes clients apprécieraient de voir leur nom associé à ce genre d’activité. Et après ce qu'il vient de se passer, ''ma jolie'', difficile de faire croire que tu n'es pas lié à cette histoire. » Cette fois, c'est une menace. Je sais que si je sors d'ici en dévoilant ma carte de presse, je risque d'être bien reçu par la sécurité. Mais, je serais prête à prendre le risque si elle m'oblige à tester cette solution. Après tout, si ces grands types pleins de muscles, la voit sortir d'une pièce en compagnie d'une journaliste qu'elle vient d'embrasser devant tout le monde, le lien ne sera pas dur à faire pour ces gars dont la spécialité n'est pas de réfléchir mais plutôt d'agir. « Donc maintenant que j'ai ton attention et que tu as réussi à nous isoler. J'ai cru comprendre que tu voulais qu'on parle, alors on va parler. Parce qu'il y a des choses qui m'échappe, peut être peux-tu m'éclairer un peu. » Je parle avec fermeté, il est loin le temps ou j'essayais d'être aimable parce qu'elle est la sœur de Caleb. Il est loin le temps ou j'ai essayé de lui tendre la main, ou je me suis livrée pour lui montrer que je n'étais pas mieux qu'elle. Je ne suis pas hautaine pour autant, non je suis juste sèche. Directe. Je ne prends pas de gants, je ne prends pas pincettes et je la pousse à me répondre, à me parler. Je la provoque en choisissant mes mots, mes sujets, parce qu'au fond ce qu'elle n'a pas comprit, c'est pas que je n'accepte pas son choix d'activité. (Enfin peut être que si un peu!) Mais surtout, je ne tolère pas son manque de jugement réaliste sur ce qu'elle fait. Sa fausse assurance, son envie de tellement prouver qu'elle assume ce qu'elle fait sans jamais accepter d'évoquer les cotés sombres de son activité. C'est pour ça que je la pousse, que je la provoque. « Alors dis moi ce que ça fait quand un homme aussi dégueulasse que celui de tout à l'heure s'approche de toi et te considères comme son objet ? Tu n'es pas plus qu'un vulgaire sex-toy pour lui, et encore. Explique-moi ce que ça te fait de voir leurs pensées, de voir leurs fantasmes pervers qui se reflètent dans leur regard ? Racontes moi, toutes les choses que tu as du faire au fil du temps, toutes ces choses que tu t'étais pourtant juré de ne jamais faire, de ne jamais accepter parce que juste l'idée te répugnait ? Dis-moi tout les principes que tu as renié, tout l'amour propre que tu as perdu pour satisfaire des clients tous plus dérangés les uns que les autres ? Explique-moi ce que tu vois avant de fermer les yeux le soir ? Ce que tu ressens quand tu quittes un client après une nuit ? Comment tu arrives à te regarder dans le miroir quand tu te retrouves seule et que tu reprends possession de ton corps. » Je tente de la pousser à la réflexion, de la pousser à se dévoiler un peu, à se questionner intérieurement. C'est elle qui a voulu parler, et si elle refuse, je peux toujours sortir de cette pièce et ruiner sa réputation. « Tu voulais parler Primrose c'est ça ? Alors parlons de toutes ces femmes retrouvées mortes, ou au mieux violées et tabassées dans des motels miteux et dont tout le monde se fout parce qu'au fond elles l'avaient un peu cherché. C'était qu'une prostituée qui ne savait pas se respecter. C'est à ça que les gens pensent. Parce qu'une fois que tu acceptes d'entrer dans ce jeu, ton corps ne t'appartiens plus, tu es à eux et un jour, ils servent que tu le veuilles ou non. Ces femmes n'existent pas aux yeux de la société, parce qu'elles n'ont pas de valeur pour les autres gens. On les oublie, on en parle même pas. Explique moi ce que tu ressens quand tu entends des histoires glauques dans ce style ? Oses me dire que tu n'as jamais crains d'être l'une de ces filles ? Que tu n'as jamais eu peur pour ta vie ? Bon toi tu as de la chance, tu aurais sans doute un encart de décès dans le journal parce que tu as une famille, mais certaines finissent dans la fosse commune sans nom, sans identité comme si elles n'avaient jamais existé.» Je la provoque encore, poussant loin la discussion. Je veux réellement tenté de l'obliger à être sincère avec moi et surtout avec elle. Je ne veux pas la ménager, ses états d'âmes j'en ai plus rien à faire. J'ai envie de tirer profil de la situation, ce léger avantage que j'ai sur elle, ce moyen de pression que j'ai réussi à mettre en place. Je lui ai montré que j'étais prête à m'en prendre à tout ses clients s'il le fallait, et je pense que ma petite discussion amicale avec ce type au milieu du club, a suffit à lui donner un aperçu de mes intentions. Et elle semble réellement déterminé à garder son job. « C'est ce monde dans lequel tu évolues Primrose, c'est ça la réalité de ce milieu et c'est pas moi qui te l'apprends. Alors juste montre moi que tu as conscience de tout ça, montre moi que tu connais les risques et que tu es réaliste. Montre-moi que tu n'es pas en train de te détruire, de tout détruire pour des conneries, pour de l'argent parce qu'une fois détruite, ou morte, l'argent ne servira à rien. Et Primrose, pour ton intérêt, joue le jeu et sois honnête avec moi. Si tu te fous de moi, je sors et je suis prête à menacer tout tes clients s'il le faut. » Peut-être qu'on aura enfin cette discussion sincère, celle que l'on a pas pu avoir la première fois, parce que Primrose ne voulait pas accepter la vérité, accepter de montrer ses doutes. Parce que s'il elle se met à douter, c'est tout son monde qui risque de s'écrouler. Et moi, je veux que son monde s'écroule. Pas par méchanceté (bon peut être un peu), mais parce qu'elle reste la sœur de Caleb. Et merde, j'en reviens toujours au même point, à me demander pourquoi la sœur de Caleb doit être aussi bornée, têtue, inconsciente, insolente ? Et pourquoi, malgré toute ma colère envers elle, je prends du temps pour elle...
code by exordium.
Spoiler:
@Primrose Anderson je me suis encore un peu emballée avec les dialogues, mais je t'assure que j'ai déjà beaucoup réduits
C’est un cauchemar, un véritable cauchemar, Alex est aveuglée par une colère qui vient de nulle part et qui n’a pas lieu d’être et elle semble prête à ruiner toute ma vie juste pour que j’admette que son opinion est la bonne. Moi, je suis simplement pétrifiée, parce que je ne m’attendais pas à la voir, parce que son intervention de fille survoltée par la haine est tellement lunaire qu’il est impossible d’avoir le réflexe d’y mettre un terme et parce que j’ai l’impression que rien de ce que je pourrais dire ou faire ne permettra d’arranger les choses. Elle a l’air de penser que me faire virer serait une bénédiction pour moi et si elle ne réalise pas à quel point c’est stupide, alors ça prouve simplement que notre conversation n’a servi à rien et qu’elle n’a absolument rien compris à ce que je lui ai raconté. « Je t’en prie, ne fais pas ça. » Je la supplie, une fois de plus, incapable de faire autre chose que d’essayer d’arranger les choses en m’écrasant devant son évidente colère. Entrer dans son jeu ne servirait qu’à attitrer les regards vers nous et c’est hors de question. Je ne peux pas me faire remarquer pour de mauvaises raisons sur mon lieu de travail. Elle ne le comprend pas parce qu’elle n’a aucun respect pour cette profession qu’elle connait si mal tout comme le milieu auquel elle appartient, mais ce n’est pas maintenant que je pourrais lui expliquer quoi que ce soit. Les choses dégénèrent encore davantage et je finis par faire exactement ce que je suis censée faire dans une de mes soirées de travail, me montrant aguicheuse afin de l’entrainer avec moi vers les salons, heureuse et étonnée à la fois de constater qu’elle me suit réellement. Je passe sans aucun doute la pire soirée de toute ma vie et quelque chose me dit que ça ne va pas aller en s’arrangeant.
Nous sommes enfin seules et Alex explose, laissant apparaitre une nouvelle fois toute la haine qu’elle ressent envers moi. Notre dernière conversation a été houleuse, je le reconnais, mais il s’agissait à mon sens uniquement de deux inconnues avec des divergences d’opinion. Jamais il ne me serait venu à l’idée d’aller la retrouver pour continuer un combat perdu d’avance. Manifestement, je n’ai pas eu la chance qu’elle partage mon opinion cette fois-ci et elle se retrouve devant mon à me hurler dessus parce que j’ai eu la mauvaise idée d’approcher mes lèvres des siennes histoire d’éviter que les caïds du boss finissent par nous tomber dessus. Comme depuis le début de cette soirée, je me contente d’essayer de calmer le jeu – en vain, très certainement – pour lui faire comprendre qu’elle voit le mal où il n’y en a pas. « Pas du tout… Tout le monde commençait à nous regarder, j’ai paniqué, c’était juste une diversion débile. » Je lui explique, franche et honnête, parce que pour le coup, je ne suis pas en position de force et je doute de l’être un jour dans une pareille conversation. « Calme-toi, je t’en prie, il ne faut pas se mettre dans des états pareils. » A force de hurler comme ça, elle va réussir à se faire entendre dans la salle principale malgré la musique et les danseuse. Son attitude me fait peur, j’ai l’impression d’être en compagnie d’une bombe sur le point d’exploser. « Je n’ai aucune envie de le refaire, crois-moi. » Bien sûr que je ne le referais pas, elle croit que j’ai aimé, en plus ? J’ai juste voulu qu’elle accepte de me suivre, rien de plus, ce n’est pas un plan drague foireux et elle devrait s’en douter. Ses menaces sont complètement folles, je crois qu’elle ne se rend pas compte de l’endroit dans lequel elle vient de mettre les pieds. « Je te le déconseille, on se ferait tabasser. » Et en annonçant un métier pareil, elle serait plutôt envoyé au cimetière qu’à l’hôpital, en plus.
Essayer de raisonner Alex semble difficile voire impossible et apparemment elle n’en a pas fini avec moi. Je lui avais proposé de parler et elle n’a pas voulu, maintenant que je ne lui propose plus, elle a envie de parler. Je soupire. J’ai envie de me barrer d’ici, de rejoindre les vestiaires et d’envoyer un mot d’excuse à mon patron en disant que je me suis sentie mal au cours de la soirée et que j’ai dû abandonner mon post. Evidemment, ça ne marche pas comme et ça et il est hors de question que je choisisse cette option. Au lieu de ça, je suis condamnée à écouter Alex me donner les mêmes arguments que précédemment. Il n’y a pas de changement dans son discours, elle considère toujours que mon métier est dégueulasse et elle a encore envie de me faire avouer que je ne prends aucun plaisir à mettre tous ces hommes dans mon lit. Elle pose des dizaines de questions, ne me laisse pas le temps d’y répondre et enchaine encore et encore. J’ai l’impression qu’elle n’a pas envie de parler, elle a juste envie que je l’écoute et que j’acquiesce bêtement à ses paroles ce que je compte bien évidemment faire compte tenu de ma position dans cette histoire. Elle a choisi un endroit où je ne peux pas me permettre de faire des vagues, je dois faire profil bas et je suis prête à tout accepter. « Je suis désolée mais je n’ai rien à te montrer du tout, si tu as besoin de savoir que je déteste ce que je fais pour mieux dormir la nuit, alors soit, je le déteste et si je continue ce n’est que parce qu’il me procure l’argent dont j’ai besoin pour payer mes factures, rien de plus. » Mon ton est neutre et la lassitude se fait sentir dans ma voix. Je n’entrerais pas dans cette guerre qui aurait dû s’arrêter au moment où elle a franchi la porte du bar. Si elle veut me trainer dans la boue, qu’elle le fasse, je ne sais toujours pas qui elle est, faute d’avoir parlé de sa présence à ma famille et je crois que je préfère l’ignorer. Il y a de fortes chances pour qu’elle soit une dangereuse psychopathe, vu son attitude et je suis prête à lui dire exactement ce qu’elle veut entendre si ça peut me permettre de me débarrasser d’elle une bonne fois pour toutes. « Je ne sais pas ce que tu es venue faire là, ni ce que tu as besoin de te prouver, mais je ne pense pas que ce soit moi le problème, je ne suis rien pour toi, tu perds ton temps en essayant de me faire ouvrir les yeux ou de me sortir de là. » Parce que c’est ce qu’elle tente de faire, n’est-ce pas ? Sinon elle ne me demanderait pas d’avouer à quel point j’ai honte d’offrir mon corps. « Tout ce que je peux te dire c’est que si ton but est de m’attirer des ennuis, tu as évidemment toutes les cartes en mains pour y parvenir, si tu fais un scandale ce soir, je vais perdre mon boulot, sûrement mon appartement aussi, et la source de revenus qui me permet de payer mes études et de rembourser mon prêt étudiant. » Plutôt les dettes liées à mon côté acheteuse compulsive de vêtements de luxe mais elle n’est pas obligée de tout savoir. « Par contre, je te conseille de faire attention à toi, mon patron a le bras long. » Elle a sûrement l’impression de pouvoir tout se permettre mais elle risque d’avoir des problèmes elle aussi et jouer les sauveuses avec une fille qui n’a pas envie d’être sauvée n’en vaut probablement pas la peine. « Tout ce que je sais, c’est que je ne me battrais pas avec toi ce soir, je n’ai pas l’intention de te raconter les anecdotes sordides que j’ai pu vivre, ni de te parler de mes angoisses, ni de te dire que tout ceci est faux. Tes arguments ne changeront pas, les miens non plus et notre dernière conversation m’a largement suffi. » Cette nuit, je me comporterais comme l’adulte qu’elle semble être incapable d’être et peut-être que ça suffirait à ce qu’elle me laisse tranquille et se trouve une autre victime. Franchement, j’en doute.
La situation dérape encore, et en même temps, je n'en suis pas réellement étonnée. Je savais que je me risquais à cela en tentant une approche aussi directe. Mais, si j'avais envisagé la partie, provocation devant tout le monde, je n'avais pas imaginé qu'elle puisse m'embrasser, ce qui n'a pas arrangé encore la situation entre nous, puisque je réagis avec colère devant son geste. Et c'est elle qui me calme, du moins qui essaye de me calmer. « Calme-toi, je t’en prie, il ne faut pas se mettre dans des états pareils. » Et je me calme un peu, non sans la menacer de foutre la merde, si elle tente de recommencer, chose qu'elle me déconseille mais elle semble m'avoir entendu et c'est tout ce qui compte pour le moment. Enfin plus la discussion avance et plus je vois que finalement, elle ne semble pas m'entendre, ou du moins pas entendre ce que je cherche à lui dire. Je la pousse autant que je le peux, je cherche à la malmener un peu, à la provoquer aussi mais dans un but de l'obliger à se dévoiler un peu. Pour fragiliser ses certitudes, et l'obliger à se montrer telle qu'elle est réellement. Je joue sur ses émotions, sur le pire de son métier, mais rien. Je n'arrive pas à l'ébranler ne serait-ce qu'un tout petit peu. « Je ne sais pas ce que tu es venue faire là, ni ce que tu as besoin de te prouver, mais je ne pense pas que ce soit moi le problème, je ne suis rien pour toi, tu perds ton temps en essayant de me faire ouvrir les yeux ou de me sortir de là. » Et elle reste la même que lors de notre première rencontre. La fragilité et l'incertitude que j'avais décelé chez elle au milieu du club, devant les clients semble avoir disparu maintenant qu'elle est seule avec moi. « J'ai eu tord de venir, tu as raison. Tord de m'être inquiétée pour toi le jour ou j'ai lu cette histoire de prostituée retrouvée morte. Tord de me préoccuper de quelqu'un qui n'en a rien à foutre de son propre sort. Tord de gâcher mon temps et mon argent pour toi. » De nouveau je m'agace et je laisse entrevoir mon inquiétude pour elle mais aussi l'irritation que provoque en moi sa façon de me répondre, son détachement. « Et tu as raison, tu n'es rien pour moi c'est vrai et je me moque de ce qu'il peut t'arriver. Mais tu sais de qui je ne me moque pas ? De Caleb. Si toi tu t'en fous assez pour lui manquer de respect et si ça ne te dérange pas de lui donner des inquiétudes à ton sujet, moi je me préoccupe de ton frère. Alors c'est pas pour toi que je fais tout ça en effet, mais c'est pour lui, parce qu'il ne mérite pas ça. Parce qu'il a déjà eu son lot de soucis non ? » Caleb, on en revenait toujours à Caleb. Au fond, c'était lui le lien entre Primrose et moi. Le seul lien valable, la seule raison qui me poussait à m’intéresser encore au sort de Primrose. A elle et pas à une autre fille dans ce club. Parce qu'elle allait blesser son frère, elle allait blesser Caleb et il ne méritait pas ça. Il ne méritait pas de se réveiller un jour et d'apprendre que sa petite sœur était morte, ou avait été tabassée, violée ou tout autre sort joyeux qui était réservé à des filles de son milieu. J'avais pu voir qu'il avait déjà souffert ces dernières années, et j'en voulais à Primrose de rajouter encore des soucis dans la vie de son frère. Ironie venant de moi, non ? « Et, je suis sûre qu'il serait très heureux d'apprendre que tu as changé de métier, et je suis sûre qu'il pourrait t'aider pour les questions financières. C'est que des excuses tout ça derrière lesquelles tu te caches pour ne pas avoir à assumer, tu te voiles la face, encore une fois. »
Et malgré mes menaces de dévoiler mon métier au reste du club si elle ne joue pas la carte de l’honnêteté, elle reste fermée à la discussion et rejetant mes menaces en me conseillant de faire attention à son patron. « Par contre, je te conseille de faire attention à toi, mon patron a le bras long. » Encore une menace déguisée. La deuxième déjà en si peu de temps. « Si tu penses que j'ai peur de ce qu'il peut m'arriver. » Je regrette aussitôt d'avoir dit cette phrase à voix haute, mais pourtant je ne me tais pas et je continues de me dévoiler un peu, si elle, elle reste froide. Moi j'ai visiblement encore trop de choses à lui dire et je me surprends moi même à me dévoiler un peu trop alors que j'étais venu dans l'optique de la mettre mal à l'aise. « J'ai plus rien à perdre moi. » J'ai tout perdu, je l'ai perdu. Du moins pas encore, mais ça ne saurait tarder, quand il saura la vérité, je n'aurais aucune chance d'obtenir son pardon, sa compassion. Et je parle de Caleb maintenant. Comme si toute ma vie était centré sur lui. Je dois me reprendre et retrouver mon attitude un peu provocatrice, sur de moi d'il y a quelques minutes.« Alors, ton patron franchement je m'en fous vraiment. » Je le dis sur un ton assuré et le pire, c'est que je le pense. Si, elle semble craindre ce qu'il peut lui arriver, moi je m'en fous, de mon propre sort. C'est peut être pour ça finalement que je suis là et que je me comporte ainsi, de manière aussi inhabituelle. Et je continues de la provoquer, pour tenter de la faire réagir, pour tenter d'ouvrir un dialogue entre nous, pour la tester et voir jusqu'à quel point elle vit dans le déni de la réalité. Je la provoque, et je n'hésite à pas en rajouter des tonnes pour tenter de lui faire peur et l'obliger à me parler. « Tout ce que je sais, c’est que je ne me battrais pas avec toi ce soir, je n’ai pas l’intention de te raconter les anecdotes sordides que j’ai pu vivre, ni de te parler de mes angoisses, ni de te dire que tout ceci est faux. Tes arguments ne changeront pas, les miens non plus et notre dernière conversation m’a largement suffi. » Mais rien. Elle reste fermée, incapable d'avouer qu'elle sait que c'est dangereux, que c'est pas sain ce qu'elle fait. Rien, elle reste sur sa position malgré mes menaces. Et je désespère d'obtenir un jour une vraie discussion avec elle.« Je ne veux pas me battre non plus tu sais. » Je me résigne presque. Je lâche mon attitude provocatrice, je laisse tomber l'air supérieur et fier que j'avais pour jouer mon petit jeu dans le club. Je ne sais plus comment faire avec elle. Lui tendre la main ne fonctionne pas, la pousser ne fonctionne pas, je m'agace devant cette tête de mule et je me demande comment c'est possible d'être élevé dans la même famille et d'avoir deux visions, deux caractères aussi différents. « Mais tu veux parler, ensuite tu ne veux plus. Tu parles d'arguments, mais tu n'en donnes aucun. Tu es venue au groupe de soutien pour de l'aide, mais dès qu'on te propose une discussion sérieuse tu prends la fuite pour ne pas avoir à assumer. Tu n'as pas donné d'arguments, tu n'as fais que rejeter tout ce que j'ai essayé de te dire, tout ce qui te dérangeais. Mais tu n'es pas capable d'assumer, regarde encore là tu refuses de répondre, tu évites la discussion, tu n'assumes rien. Tu n'es même pas capable de me dire que oui tu es consciente des risques que tu prends. Juste ça tu ne peux pas. » Et ça me frustre réellement de la voir encore une fois éviter la discussion, refuser d'admettre qu'il existe des risques. Refuser de se montrer juste responsable et mature. Je n'ai pas l'impression de lui en avoir demandé beaucoup. Juste d'être honnête avec moi et de me montrer qu'elle a conscience des risques, c'est trop dur pour elle de l'admettre et elle revient sur notre dernière conversation, calamiteuse. Et c'est à ce moment que je décide de ma radoucir un peu et de jouer la carte de l’honnêteté la vraie. « Primrose, si tu savais vraiment comme je me fous que tu couches avec des tas de mecs, mais vraiment je te juge pas sur ça mais tu comprends pas. » Madame, les coups d'un soir pendant un temps à Londres, j'étais mal placée pour évoquer la façon dont elle pouvait gérer son corps et son image. « Si tu savais comme je me moque que tu sois escort ou quoique ce soit. Je m'en fous royalement de ça Primrose. Mais tu as préféré croire que je te jugeais pour pouvoir éviter d'évoquer les vrais soucis, parce que c'est toujours les autres le problème avec toi. Parce que ça t'aide à supporter les choses. Mais, regarde, encore aujourd'hui, tu considères que c'est moi le problème alors que l'on est dans un monde ou je peux me faire casser la gueule juste parce que je suis journaliste. Mais tu ne vois même pas le soucis , parce que tu fonctionnes comme ça. C'est tellement plus facile de fermer les yeux sur les problèmes quand tu sais que tu peux pas les gérer. Mais c'est tellement lâche, et niveau lâcheté sache que j'en connais un rayon, mais toi tu es pas mal dans ton genre aussi. » Je m'évertue à tenter encore avec elle, et pourtant je sais que je parle à une porte de prison, imperméable, et intouchable. Du moins en apparence. J'aimerais juste l'entendre m'avouer, même à demi-mot, que parfois, elle aimerait ne jamais avoir fait ça. Je sais qu'on ne peut pas tirer un trait sur ce que l'on a fait, sur nos erreurs, sur nos choix, et qu'assumer reste la meilleur des choses à faire pour avancer. Mais parfois, pour avancer, il faut pouvoir accepter d'avouer que le chemin que l'on a prit n'est pas le meilleur pour soit, et ça Primrose ne semble pas encore capable de le faire. Elle avance tête baissée, refusant d'ouvrir les yeux et je crains qu'elle ne finisse par foncer dans un mur à ce rythme. « Tu sais le plus drôle ? C'est que je sais que j'aurais pu être un soutien pour toi en d'autres circonstances. » Je lâche un léger rire suite à cette remarque, me faisant prendre conscience qu'on était réellement tombé bas, elle et moi. La situation ne prête pas à rire et pourtant j'ai envie de rire. Parce que je repense à mon comportement à Londres et je n'ai jamais été escort ou prostituée, mais j'avais eu un comportement de salope pendant quelques semaines, avant de prendre conscience que je dérapais totalement à cause de la drogue. « Parce que tu crois que je te juges pour tes choix, des choix que j'aurais pu faire aussi à une époque, sauf qu'à la différence de toi, moi j'avais pas besoin d'argent donc c'était gratuit et on appel ça des coups d'un soir, c'est mieux vu et pourtant c'est pas plus sain. Surtout si tu ajoutes ça à la drogue. Alors, tu vois Primrose, finalement je peux te comprendre, mais tu préfères croire que le monde est contre toi, qu'on est des tous méchants avec toi. » Un homme pénètre dans la salle, sûrement une des brutes chargées d'assurer la sérénité du lieu et ayant eu vent de notre altercation, il vient s'assurer que Primrose et moi sommes en pleine action sensuelle et que les tensions ont disparu. Je m'approche de Primrose lui murmurant à l'oreille quelques mots. « Regarde, tu es sauvée. Voilà quelqu'un pour régler les problèmes à ta manière. C'est à toi de décider, tu peux lui demander de me dégager ou même de me tabasser si tu veux être tranquille, je te laisse les clefs, tu décides Primrose, montre moi qui tu es vraiment. Montre moi que tu fais partie de ce monde. » Je la regarde, elle peut en finir avec moi et me laisser régler cette histoire avec l'armoire à glace qui vient d'entrer dans la pièce. Ou elle peut me surprendre encore. Avec Primrose je peux m'attendre à tout, peut être qu'un jour elle saura capable de comprendre que le monde entier n'est pas contre elle. Je ne suis pas avec elle dans cette histoire, mais je ne suis pas contre elle. Elle peut accepter de le voir, ou continuer à vivre dans son monde avec un voile sur les yeux. « Tu veux un secret ? Je suis venue ici juste pour ton frère, et le plus drôle c'est qu'il le sait même pas. Enfaîte, je suis là pour soulager ma propre conscience, pour réparer mes erreurs, je m'en fous de toi. Alors si tu veux te débarrasser de moi, va s'y dis le, enfin dis le à lui, moi je bougerais pas. » Je la provoque volontairement, pour une raison idiote, pour une raison totalement puérile. A croire que je veux voir jusqu’où Primrose est capable d'aller pour garder sa tranquillité ici, dans son club. Je veux voir si elle est capable d'utiliser les mêmes méthodes que les gens du monde qu'elle fréquente, voir si elle a déjà sombré profondément ou s'il reste encore une once de moralité en elle.
code by exordium.
Spoiler:
@Primrose Anderson j'arrive pas à faire court avec toi, j'ai trop de choses à dire à Prim
Bien sûr qu’elle a eu tort de venir, de s’inquiéter et de perdre son temps pour moi, évidemment, et si elle m’avait demandé si j’en valais la peine, je lui aurais répondu que non et ça se serait arrêté là. Je ne comprends pas comment elle peut me reprocher une décision qu’elle a prise seule. Si elle est ici ce soir c’est de sa propre initiative, je ne lui ai pas donné mon numéro ou un quelconque moyen de me retrouver, je ne m’attendais pas à ce qu’elle le fasse et je ne suis clairement pas ravie qu’elle l’ait fait. Le pire, c’est que si elle est devant moi à ce moment précis, c’est qu’elle veut de nouveau relancer cette conversation stérile qui ne nous a mené à rien en usant des mêmes arguments et en se montrant tout aussi désagréable face à mon absence de coopération. Honnêtement, elle me fatigue, je suis là pour travailler et je n’ai pas l’énergie ni le courage de me livrer à une bataille rangée qui se finira de la même manière que la dernière fois. Nous allons nous blesser mutuellement bêtement alors que nous ne sommes rien l’une pour l’autre et que nous pourrions nous contenter de nous éviter et de faire fi de l’existence de l’autre. Du coup, pour éviter que la situation ne dégénère, j’opte pour une toute autre attitude et je décide de ne pas entrer dans le jeu d’Alex. Ses piques me touchent, évidemment, mais je ne la provoque pas à mon tour et tente tant bien que mal de calmer cette colère qui semble la pousser à me maltraiter encore davantage à chaque instant. J’imagine que ça aura une fin et que lorsqu’elle en aura marre de ne pas trouver d’adversaire en face, elle finira par arrêter, tout simplement. Malheureusement, elle ne semble pas franchement avoir besoin de moi pour continuer sur sa lancée et s’énerver toute seule, envisageant sûrement des réponses que je n’ai même pas besoin de donner pour que ça l’énerve encore plus. Me retenir de soupirer à chacune de ses phrases est probablement l’épreuve la plus difficile à laquelle je dois faire face aujourd’hui. « Je sais que tu te fais du souci pour mon frère, mais on se charge de régler nos problèmes nous-mêmes. Je suis loin de m’en foutre, il est très important pour moi et je n’ai pas besoin qu’une inconnue me le rappelle. Je n’ai juste pas spécialement envie de discuter de ma relation avec mon frère avec toi. » D’autant plus que la dernière fois, elle était beaucoup trop contente de m’apprendre qu’elle avait fini dans son lit ce qui me donne encore moins envie de me confier à elle. En attendant, le fait qu’elle agisse comme si elle me connaissait par cœur et lisait dans mon esprit est vraiment très agaçant et je pense que je mériterais la béatification si j’arrive à sortir vivante de ce traquenard. J’admire son altruisme, vraiment, elle veut aider mon frère, c’est cool, mais passer par moi et par notre relation qui est certes légèrement mise à mal par mon activité pour y parvenir, c’est nul et ça ne fonctionnera pas. « Je ne sais pas ce qu’il se passe entre toi et mon frère, mais je ne crois pas que ça me regarde et je ne suis pas sûre que me pousser sur le droit chemin te permette de le reconquérir. Tu devrais aller lui parler directement, il est certainement le garçon le plus gentil que je connaisse, il t’écoutera. » Je trouve ça triste qu’elle considère qu’elle n’ait plus rien à perdre, mais si c’est comme ça qu’elle essaie de se détruire, en m’entrainant dans sa chute, je trouve ça un peu moche. « Si je peux te donner un conseil malgré tout, tu devrais peut-être éviter de jouer les psychopathes devant mon frère, il est très tolérant mais je t’assure, tu fais vraiment flipper. » Le fait qu’elle vienne me chercher sur mon lieu de travail prouve clairement qu’elle est tarée. Dans tous les cas, je me félicite d’avoir réussi à prononcer chacune de ses paroles sans aucune animosité ni trace d’énervement. Si je n’apprécie pas la présence d’Alex devant moi, j’essaie de voir au-delà de son ton désagréable et de ses grands discours et j’ai l’impression que ça commence à payer.
Le fait qu’elle ne veuille pas se battre est probablement le truc le plus sensé qu’elle ait prononcé depuis que notre dispute a éclaté mais malheureusement, elle n’a pas l’intention de s’arrêter-là, ce serait beaucoup trop facile. « Non, je n’ai pas envie de te parler, je te rappelle que tu ne t’es pas montrée très honnête avec moi la première fois qu’on s’est vu, tu m’as laissé me livrer sur des sujets importants pour moi sans prendre la peine de me dire que tu connaissais ma famille pour ensuite t’en servir pour me menacer… Je suis désolée mais ce n’est pas une attitude qui inspire confiance et c’est une des raisons pour lesquelles je n’ai pas la moindre envie de te parler, de me confier à toi, de te voir devenir mon alliée ou ma confidente. » Je pensais que les choses étaient claires entre nous et elles sont loin de l’être finalement, Alex garde en elle beaucoup de rancœur depuis notre dernière conversation et même si j’aimerais sincèrement la rassurer sur mes intentions et me montrer plus agréable, je n’ai toujours pas envie de développer une quelconque amitié avec elle. Cette fille me fait peur, son attitude, ses paroles, ses actes, tout me fait flipper chez elle et ce n’est pas quelqu’un que j’ai envie de voir dans mon entourage. Je me demande comment elle a rencontré mon frère et ce qu’elle fait avec lui mais je crois que je préférerais savoir qu’elle ne fait plus du tout partie de sa vie de peur qu’il apparaisse dans une petite rubrique de faits divers très prochainement. « Si tout était clair dans ma tête, je le serais sûrement davantage avec les autres, mais pour le moment, je n’en suis pas capable, j’ai besoin de réfléchir et j’ai besoin de le faire toute seule sans être poussée par une fille que je ne connais pas et qui pense savoir ce qui est le mieux pour moi. » Elle agit en s’imaginant qu’elle me connait par cœur, que je ne peux rien lui cacher, que je pense d’une certaine façon et pas d’une autre. C’est angoissant de discuter avec quelqu’un qui semble savoir mieux moi ce qu’il se passe dans ma propre tête et qui n’en démord pas lorsqu’on lui dit le contraire. Elle parle tout le temps, ne s’arrête presque jamais et n’écoute absolument pas ce que j’ai à lui dire. C’est franchement usant. « Bien sûr que je suis consciente des risques que je prends, je ne trouve simplement pas utile de les énumérer. » Non seulement j’en ai conscience, mais parfois je me suis mise en danger, parfois j’ai souffert, parfois les risques se sont avérés être une réalité. Pourquoi veut-elle à ce point-là m’entendre dire que mon choix ne m’a pas apporté un bonheur sans faille ? C’est pourtant assez évident pour que je n’ai pas besoin de le mentionner. Si la prostitution était un métier de rêve, je croiserais certainement autre chose que des loques humaines dans les vestiaires de mon club. Elle essaie de me rassurer sur ses intentions mais je crois qu’il est déjà trop tard, les mots prononcés d’un côté comme de l’autre ont été durs et sûrement impossibles à effacer. Je ne sais pas ce qu’elle cherche ou ce qu’elle espère, mais je n’ai pas la moindre intention de devenir son amie et il faut absolument qu’elle le comprenne. « Je te remercie de ne pas me juger et de minimiser ses actes, mais je ne peux pas et je ne veux pas accepter ton soutien et ton aide. Je trouve ça dérangeant de discuter avec quelqu’un qui a l’air de me connaitre alors que moi je ne te connais pas. Je n’ai pas non plus envie de me rapprocher d’une personne qui connait ou a connu mon frère. » C’est dit, je ne veux pas être liée à elle, si elle a des problèmes à régler avec des membres de ma famille qu’elle le fasse, mais je ne veux pas y être mêlée. J’ai vraiment l’impression que je ne suis qu’un objet qu’elle peut utiliser pour évacuer toute la frustration qu’elle ressent mais qui n’est pas dirigée contre moi. J’en ai vraiment marre de tout ça. « Je ne te demande pas de comprendre mais au moins de respecter ma décision. » Et c’est sur ses bonnes paroles qu’un homme pénètre dans la pièce, manifestement pour vérifier sans aucune discrétion que nous sommes toujours en vie et pas en train de nous taper dessus. Bizarre. Alex se penche vers moi d’abord pour me mettre face à un choix qui ne me semble pas si difficile que ça puis pour jouer la carte de la provocation en m’avouant ce que je sais déjà, à savoir que c’est mon frère qui l’intéresse et non pas moi. « Nous aimerions que ce moment reste privé. » Je lance, en direction de l’homme, attendant ensuite qu’il s’en aille pour me tourner de nouveau vers mon interlocutrice. « C’est sensé me surprendre ? Tu n’es pas une très bonne comédienne, désolée. » Et à dire vrai, je m’en fous, ça me fait juste de la peine pour mon frère. Il a perdu une femme extraordinaire pour se farcir une dégénérée à la place, j’espère qu’il réussira vite à se débarrasser d’elle.
Plus les minutes passent et plus je sens la tension entre nous continuer à grandir, comme si c'est encore possible de se haïr un peu plus à chaque paroles prononcées. Et on y arrive malgré tout à se parler, mais ce n'est pas positif, loin de là. Trop de reproches, trop de colères, trop de mensonges, trop de secrets, trop de négatif. Elle me déteste, et je réalise 'peut être' quelle grossière erreur j'ai faite en m’immisçant dans son monde, dans sa vie. J'ai réussi à la déstabiliser, un peu, mais j'ai aussi renforcé toute l'inimitié qu'elle porte en elle à mon égard. En gros, en plus de me détester, elle me prends pour une folle. Et j’avoue qu'elle n'a pas tord. Mes gestes, mes paroles, mon attitude, je me demande réellement ce que je fais là, ce que je cherche en venant ici. Parce qu'au fond, je ne peux pas me racheter auprès de Caleb en m'occupant des affaires de sa sœur. Ça n'a absolument aucun sens, aucune logique. Et s'il sait ce que je fais, s'il a connaissance de mon comportement de ce soir, je sais qu'il n'approuverait pas. Parce que je me comporte n'importe comment, parce que c'est sa sœur, sa petite sœur et que je suis incapable de me comporter comme une adulte responsable face à elle. Et il faut qu'elle me le dise, qu'elle me fasse prendre conscience de ça pour que je réalise à quel point je suis pitoyable ce soir. Bon si ce n'était que ce soir, encore ça passerait. Mais mon comportement, inhabituel d'aujourd'hui, n'est finalement que la suite logique d'une vie passait à faire les mauvais choix. J'aurais du attendre, laisser le temps passer, ne pas chercher à la revoir, ou même juste m'excuser pour mon comportement et me concentrer sur ma vie. Mais non, je suis venue ici sur son lieu de travail, pour lui prouver quelque chose, ou pour me soulager. Je ne sais même plus vraiment ce que je fais là face à elle.
Parfois froide, parfois honnête, parfois méchante, parfois compréhensive, je ne sais même plus moi même sur quel pied je danse avec elle. Toujours cette fichue envie de la frapper tout en cherchant un moyen de l'aider. Et finalement, je suis peut être celle qui finit par être la plus déstabilisée de nous deux. Parce qu'elle, au moins, elle semble assumer ce qu'elle est. Elle est droite, elle ne m'épargne pas, mais au moins elle reste franche, toujours fidèle à ses principes, alors que moi je n'y arrive pas. Je la provoque, puis je compatis. Je la pousse à bout, puis je me dévoile un peu. Je suis bien incapable de me comprendre moi même, alors comment voulez-vous qu'elle me comprenne elle ? Alors qu'elle n'en a pas la moindre envie, que tout ce que je lui dis, semble de toute façon voué à recevoir une réponse froide et détachée de sa part. Parce qu'elle ne veut rien avoir à faire avec moi. Parce qu'elle ne veut pas de mon soutien, pas de ma compréhension et encore moins de mes leçons de morales. Et, dans mon fort intérieure, je la comprends. Je suis hypocrite avec elle, avec les autres et avec moi même. Je ne peux pas l'aider, je peux pas la sauver, je suis déjà bien incapable de me sauver moi même, de m'aider moi même.
« Non, je n’ai pas envie de te parler, je te rappelle que tu ne t’es pas montrée très honnête avec moi la première fois qu’on s’est vu, tu m’as laissé me livrer sur des sujets importants pour moi sans prendre la peine de me dire que tu connaissais ma famille pour ensuite t’en servir pour me menacer… Je suis désolée mais ce n’est pas une attitude qui inspire confiance et c’est une des raisons pour lesquelles je n’ai pas la moindre envie de te parler, de me confier à toi, de te voir devenir mon alliée ou ma confidente. » Et elle me met face à mes incohérences, je n'ai absolument rien fait de bien avec elle. Je n'ai absolument rien fait pour lui prouver que j'étais digne de confiance. Et pourtant, s'il y a bien une chose que je sais faire, c'est tenir un secret. Alors, elle ne le sait pas, mais s'il y a bien une personne qui peut se vanter de pouvoir tenir éloigné d'une vérité Caleb et la famille Anderson, c'est bien moi. C'est pas réellement quelque chose qui fait ma fierté, mais ça a le mérite d'être vrai. Et puis, si elle est en froid avec sa famille, de toute façon, ils doivent savoir la vérité non ? « J'ai pas été honnête c'est vrai et tu n'as aucune raison de me croire, mais je sais ce que ça fait de devoir tenir éloigné les gens auquel tu tiens. Je ne t'ai rien dit pas pour me jouer de toi, mais pour me protéger moi. C'était une connerie mais à la base mes intentions étaient bonnes. » C'est difficile pour moi de jouer la carte de l’honnêteté, parce que je suis bien plus mal à l'aise que ce que je lui montre. Je sens qu'elle a raison, sur beaucoup trop de points. Qu'elle est en train de gagner une partie que j'ai moi même lancé. Ce n'est pas tant mon égo qui souffre de perdre la face, mais plutôt, le fait que malgré tout. Malgré la situation, malgré mes certitudes, malgré ma position de force, elle semble bien plus sereine que moi. Plus forte que moi. « Et après tout à déraper. Je ne sais même plus comment on en est arrivé là. » Comment on en est arrivée à passer de deux filles à un groupe de parole, à ce carnage dans ce club ? Ma faute en grande partie. La sienne aussi sans doute un peu, parce que je ne veux pas porter toute seule le poids de cet échec.
Et finalement, elle m'avoue qu'elle a consciente des risques qu'elle prends. Et si ça semble dérisoire comme information, ça ne l'est pas pour moi. Qu'elle soit consciente des risques prouve qu'elle sait ce qu'elle fait, qu'elle reste vigilante malgré tout. Malgré ce qu'elle me montre, malgré son détachement apparent, elle sait et finalement, le reste ne regarde qu'elle. Personne ne peut gérer sa vie à sa place, personne ne peut réduire les risques à sa place. Je dois le comprendre, je dois accepter que ce n'est pas mon rôle, que je ne peux rien lui apporter, parce qu'elle refuse mon aide, parce qu'aussi je suis incapable de trouver les mots et la façon d'agir avec elle. J'ai échoué, et je continue d'échouer encore, avec persévérance mais avec un pathétisme extrême. « Je ne te demande pas de comprendre mais au moins de respecter ma décision. » Et même si c'est dur à avouer, je crois que respecter sa décision est la seule chose qu'il me reste à faire. Parce qu'on a de toute façon atteint depuis longtemps le point de non-retour entre nous, et il faut être honnête, j'en suis la principale fautive. L'homme entre, et je fais preuve une énième fois d'un comportement qui ne me ressemble même pas. Et elle m'épargne, ne me poussant pas dans les bras musclés du videur. Mais je sais que ce n'est pas par bonté d'âme. Qu'elle ne cherche pas à me protéger parce qu'il y aurait encore en elle une lueur d'émotion à mon égard. Non je sais qu'elle le fait juste pour éviter les ennuis et qu'elle ne veut pas descendre aussi bas que moi dans le pathétique. Je ne vais pas me faire casser la gueule aujourd'hui, et je ne vais pas la sauver non plus. Je dois me faire à cette idée, qu'elle et moi, c'est une relation impossible. Parce qu'on a trop de secrets, trop de rancœur, trop de problèmes aussi. Je ne vais pas la sauver, je ne vais même pas l'aider un peu et je vais devoir vivre avec cet échec. Mais, je ne comprends pas pourquoi ça m'affecte, puisque je me fous d'elle, de sa situation ? Parce que je le fais pour Caleb non ? Alors elle je m'en moque ? Alors pourquoi ce gâchis m'atteint plus que ça ne le devrait ? Pourquoi ? Et pourquoi je continue à la provoquer, à chercher à accentuer la rancœur qu'elle a contre moi ? Je vais pas l'aider, mais j'ai clairement réussi à la faire me détester et c'est sur que me mettre à dos la sœur de Caleb, va m'aider pour l'avenir … Quelle conne Alex !
« C’est sensé me surprendre ? Tu n’es pas une très bonne comédienne, désolée. » Mon jeu n'est pas bon, mon comportement n'est pas bon, rien dans tout ça n'est bon, ni pour elle, ni pour moi. Je regarde le reste de l'argent que j'ai pris pour cette soirée et que j'ai rangé dans ma poche, au cas ou. Et je me demande comment j'ai pu penser une seule seconde que ce plan avait le moindre semblant de positif. Qu'est-ce qui ne tournait pas rond dans ma tête pour toujours me pousser à foncer dans les plans foireux ? Parce que venir dans ce club, provoquer Primrose, c'est la définition même de plan foireux. De plan qui n'a qu'une issue possible ; une dispute, des tensions encore plus de tensions. « Ok. Tiens prends ça. » C'est ce que je finis par lui dire une fois le videur parti. Une fois l'intimité retrouvée. Je lui tends ce qu'il me reste de billets et je la regarde. « Je vais faire mieux que respecter ta décision. Je vais disparaître de ta vie Primrose. T'oublier, c'est ce que tu veux non ? » Je sais que j'aurais du m'éloigner d'elle dès que j'avais compris qu'elle était la sœur de Caleb. Je sais que j'aurais du me mêler de ma vie et la laisser vivre la sienne. Mais encore une connerie de plus à ajouter à la liste de mes choix merdiques ; je n'avais pas pu passer à coté de cette opportunité de tout gâcher encore avec une autre personne. Je ne voulais que l'aider à la base, aider cette fille qui m'avait touché à cette séance, aider cette inconnue. Mais finalement, j'ai réussi à me faire haïr par la sœur de mon ex. Mais c'est pas si grave au fond, ce n'est que mon ex … « J'espère vraiment qu'il ne t'arrivera rien, je sais que j'ai pas été sincère avec toi, mais je le suis sur ce point. » Je me dirige vers la sortie avec la sensation de gâchis énorme et la culpabilité de la laisser seule dans ce club. Dans ce monde qui est pourtant le sien, celui qu'elle a choisit de rejoindre et auquel elle s'accroche. Mais je ne peux pas diriger sa vie, je ne peux rien faire pour elle et je vais faire ce que j'aurais du faire depuis le début ; rester en dehors de cette histoire. « J'oublie qui tu es, j'oublie ce que tu fais, mais je te demande une seule chose, on laisse Caleb en dehors de tout ça. » C'est ma seule revendication. Je ne veux pas que Caleb apprenne, pour mon comportement, pour mon addiction, pour tout ce que je suis devenue. Je le regarde une dernière fois, espérant sincèrement que je n'aurais pas à recroiser son chemin de si tôt, parce que cette fille m'agace, m'horripile autant qu'elle m'émeut finalement. Primrose c'est un caractère, c'est une rencontre spéciale, et finalement, je pense qu'on est beaucoup trop enfermée dans nos problèmes pour pouvoir s'ouvrir aux autres. Et je dois avancer de mon coté avant de vouloir aider les autres. Primrose aura au moins permis de m'ouvrir les yeux sur ce fait. Je ne peux pas sauver les gens, si je suis incapable de me sauver moi même.
Je crois pouvoir dire sans mentir – pour une fois – que je n’ai jamais détesté quelqu’un autant que je déteste cette fille. Alex s’est permis de me mentir, de se jouer de moi, de me trainer dans la boue quand elle a eu assez de cartes en mains pour le faire et voilà qu’elle débarque, sur mon lieu de travail, parce qu’elle n’en a pas eu assez et qu’elle veut de nouveau aller à la confrontation. Cette fois, je ne riposte pas, je n’attaque pas, je la laisse déverser toute la colère qui l’habite et qui ne semble pas dirigée vers moi en fin de compte. Je m’attends à subir encore davantage de paroles désagréables et d’insultes pas forcément méritées, mais certainement pas à ce qu’elle se radoucisse d’un seul coup, reconnaissant qu’elle n’a effectivement pas été honnête avec moi. Je la regarde perplexe, incapable de lui répondre pendant un instant tant je suis choquée par son discours totalement inattendu et par le ton qu’elle emploie. Tout cela ne correspond pas à celle qu’elle m’a montré jusque-là. Alex est cette fille aux idées arrêtées qui n’accepte pas qu’une opinion soit différente de la sienne et est prête à tout pour faire entendre sa voix. C’est de cette manière que je la perçois et ça me déplait fortement. Elle veut me faire rentrer dans le rend parce qu’elle n’accepte pas que le monde ne soit pas formaté à son image. Si elle fait ça à chaque fois qu’elle rencontre quelqu’un, elle doit s’arracher les cheveux la pauvre. Je me demande comment elle a fini dans le lit de mon frère. A-t-elle eu une véritable conversation avec lui ? J’ignore comment le discours qui sort de la bouche de cette fille a pu réellement l’intéresser, le convaincre ou lui plaire mais une chose est sûre, elle ne m’a nullement convaincue et j’ai vraiment plus que hâte de la voir sortir de ma vie et qu’elle n’en fasse plus jamais partie. « Je crois qu’il va falloir que tu acceptes que je suis différente. Je ne sais pas ce que tu crois voir en moi qui me rapproche de la situation que tu as pu vivre, mais je ne veux pas que tu me sauves, ce n’est pas comme ça que tu arriveras à quoi que ce soit avec moi. » Puisque nous en sommes là, autant être parfaitement honnête avec elle. Son attitude n’a réussi qu’à me braquer, parce que je me suis sentie jugée et mise au pied du mur, parce qu’elle a tenu des propos affreux et qu’elle a montré qu’elle pouvait user de méchanceté gratuite sans en éprouver le moindre remord. Je ne peux pas nier être entrée dans son jeu moi aussi et ça a sûrement attisé sa colère, mais aujourd’hui, alors que je reste muette face à ses attaques, elle ne peut pas s’empêcher de piquer encore et encore et de me confirmer qu’elle n’a rien à faire auprès de moi ou auprès de ma famille. « Si tu as besoin d’aider les autres, je suis sûre que tu trouveras des associations dans lesquelles tu pourras être utile, mais avant d’essayer de venir en aide à quelqu’un, assure-toi que cette personne demande vraiment de l’aide. » Je demandais de l’aide, moi aussi, sinon je n’aurais pas été dans ce groupe de parole, mais il est encore trop tôt pour que je parvienne à l’avouer et elle n’a rien à faire de plus que de l’accepter. « Tu en es arrivée là toute seule. » Il n’y a pas de on et il n’y en aura jamais.
Finalement, elle semble réaliser le carnage dont elle a été l’instigatrice et après une énième scène de théâtre qu’elle présente avec son discours habituel et un énervement non dissimulé, elle décide de mettre les voiles, d’abandonner un lieu dans lequel elle ne trouvera jamais sa place et c’est certainement la meilleure chose qu’elle puisse faire. C’est sûrement la première fois depuis notre rencontre que je peux réellement approuver ses paroles et leur donner un peu de crédit. Elle fuit, Alex, mais parfois la fuite est la meilleure solution. « Oui, c’est exactement ce que je veux. » Je confirme, sans émotion, parce que ce n’est que la vérité et que je n’ai pas envie de prétendre le contraire pour flatter son égo. Elle a eu ce qu’elle voulait, je lui ai avoué que je connaissais les risques de mon métier et qu’il m’arrivait évidemment d’avoir peur, je ne crois pas avoir besoin de faire plus. Elle voulait entendre que je ne me voilais pas la face en prétendant vivre dans le monde des Bisounours et c’est chose faite. J’ignore pourquoi elle avait besoin à ce point que ça sorte de ma bouche, ça n’a aucun intérêt, elle n’est pas assez stupide pour ignorer à quel point nous trouvons notre métier difficile, mais je l’ai choisi et je ne vois pas ce que ça m’apporterait de me plaindre. Avant de mettre définitivement les voiles, elle se radoucit, une fois de plus, redevenant la personne un peu plus humaine qu’elle a pu montrer avant que ce conflit éclate. Evidemment, sa gentillesse ne suffit pas pour rattraper toutes les personnes blessantes qu’elle a pu avoir et l’attitude déplacée et agressive à laquelle j’ai eu droit durant quatre-vingts pour cent de nos conversations, mais c’est un bon début et je m’efforce de devenir moins rigide, à mon tour. « Merci. » Un léger sourire se forme brièvement sur mes lèvres, alors que je reconnais tout de même la sympathie de ses propos. Sincère ou non, je l’ignore et à dire vrai ça n’a pas vraiment d’importance, elle a fait un effort et c’est tout ce que je retiens. « J’espère que tu trouveras la paix. » Il ne s’agit pas de moi, je l’ai bien compris, elle se bat contre ses propres démons et ces derniers ont l’air, pour le moment, beaucoup plus forts qu’elle. Je ne peux que lui souhaiter d’en venir à bout et de ne pas susciter la haine des personnes qui l’entourent comme elle a su provoquer la mienne. « Je pense que tu devrais rester en dehors de la vie de mon frère. » Bien sûr que je suis d’accord pour que Caleb n’apprenne jamais ce qu’il s’est passé entre nous, mais je pense sincèrement qu’il n’a pas besoin d’une dégénérée dans sa vie, il a déjà beaucoup de batailles à mener et celle d’Alex n’a pas l’air d’être une simple querelle de voisinage mais plutôt un énorme conflit qui menace de prendre de plus en plus d’ampleur. Elle prétendait que j’allais faire du mal à mon frère mais je suis persuadée qu’elle peut lui en faire énormément aussi et sûrement bien plus que moi. Cette fille est instable et j’aimerais qu’elle se tienne loin de ma famille. J'espère que l'avertissement est passé, je ne peux de toute façon rien faire de plus que de la regarder s'en aller.