| a moment of fractured time ☆☆ (rhett) |
| | (#)Dim 23 Juin 2019 - 14:10 | |
| < a moment of fractured time > A room full of frozen faces, a moment of fractured time, we eclipse in a conversation, as the words, they pass us by. feat. @Rhett HartfieldLe mal avait été fait aussitôt que l'information avait fuitée des lèvres d'Hassan. Elle lui en voudrait presque pour les vieux squelettes qu'il avait réveillé. Sophia n'avait rien voulu savoir pourtant, elle se portait très bien de le penser à faire sa star en Europe, du moment qu'ils étaient chacun de leur côté. L'ironie de la situation ne lui avait pas échappée non plus, ce qui l'avait surprise le plus cependant, c'était d'apprendre que sa carrière était vraisemblablement terminée pour des raisons qu'elle avait empêché Hassan de révéler, feignant la plus bancale des indifférence. Mais sa curiosité était piquée, l'idée que cette même carrière, qui avait justifié leur rupture des années auparavant, était tombée à l'eau l'avait rempli d'une amertume pourtant non-sollicitée, et elle avait alors compris qu'elle s'engageait sur des chemins dangereux, des chemins qu'elle n'avait pas spécialement envie d'explorer. Elle ne pouvait pas se permettre de ressentir quoi que ce soit pour Rhett, que ce soit de la pitié, de la sympathie ou du mépris. Il lui avait fallu trop de temps pour se défaire de son emprise pour qu'elle retombe aussi rapidement dans ces filets. Le simple fait qu'elle se soucie de son sort était mauvais signe. Le pincement au cœur qu'elle avait ressentie quand Hassan lui avait annoncé qu'il était de retour en ville l'était tout autant, et si elle s'était forcée à ignorer ce fait les jours suivant ses retrouvailles avec le professeur, ses paroles n'avaient pas quitté sa tête, chaque jour passant nourrissant cette curiosité malsaine qui grandissait, toujours plus forte. Sophia se connaissait suffisamment pour savoir qu'elle ne cesserait de grossir jusqu'à ce qu'elle soit assouvie, et décida d'étouffer cette lubie dans l’œuf. Puisqu'elle était si indiscrète, un simple coup d’œil devrait faire l'affaire. Elle n'avait pas besoin de savoir tous les détails qui l'avaient amené à passer d'une grande star de rugby à simple entraîneur de l'équipe universitaire : juste de le voir à l’œuvre. Avec un peu de chance, revoir le visage qui l'avait tant blessé agirait comme une piqûre de rappel et lui remettrait les idées en place, confiante que cette curiosité n'était qu'un simple flux de nostalgie passager, déclenché par le fait déroutant que le quatuor était de nouveau réuni sur le même sol pour la première fois depuis des années. Il n'était pas question de lui adresser la parole, l'idéal étant même qu'il ne la remarque pas. Elle aimerait autant qu'il ignore qu'elle soit revenue, mais vu la vitesse avec laquelle la langue d'Hassan s'était déliée, elle ne serait pas étonnée que ce dernier ait prévenu son ami de son retour aussitôt qu'elle avait passé les grilles du campus. Peu importait, de toutes façons : Ils avaient su s'éviter après leur rupture, et ils avaient tous les deux refait leur vie. Rien n'avait changé. Absolument rien du tout.
Ces mêmes mots résonnaient dans sa tête lorsqu'elle pénétra dans l'enceinte du stade. Elle avait trouvé cette bonne combine pour effectuer son entreprise, simple visage parmi la foule venue encourager leurs champions. Et puisque c'était l'équipe universitaire qui jouait, elle était sûre d'y voir Rhett. Alors qu'elle déambulait entre les places des gradins, choisissant un endroit suffisamment décalé pour disparaître dans la mer de visages, mais suffisamment près pour avoir une vue satisfaisante sur la ligne de touche, elle réalisa avec un amusement ironique à quel point cette déclaration était véridique. Rien n'avait changé. Si on lui avait dit qu'elle irait assister à un match de rugby juste pour voir Rhett une dizaine d'année après avoir quitté l'université, comme elle l'avait fait si souvent avec Joanne, elle-même venu admirer son beau Hassan du temps où ils n'étaient encore qu'étudiants, elle aurait pû y croire, mais se serait sérieusement méprises sur les circonstances. Elle l'aurait imaginé sur le terrain, une foule en délire scandant son nom, sa propre voix un cran au dessus : la seule qu'il pourrait entendre. Elle éjecta cette image de son esprit aussi vite qu'elle s'était imposée. Elle avait tourné cette page et n'avait aucune envie de la revisiter. Elle resta assise en silence, jusqu'à ce que les spectateurs s'agitent à l'arrivée des joueurs sur le terrain. Si Sophia était elle-même fervente de ce sport et détentrice d'un farouche amour pour toutes équipes locales, elle avait aujourd'hui la tête trop ailleurs pour se joindre à l'engouement général. Si tant que tandis que la foule acclamait les jeunes héros, c'est dans la direction opposée que son regard se tourna, loin du centre du terrain, loin des projecteurs, dans l'ombre des gradins, en dehors de la ligne et de l'action. Ils étaient bien loin de cette image idyllique qu'elle s'était faite de leur vie de rêve. Il n'était pas sur le terrain, personne ne criait son nom. Et quand bien même elle l'aurait crié avec plaisir, elle, la seule voix qu'il pourrait entendre, elle resta muette comme une tombe. La vie les avait frappé fort tous les deux, effacé ce qui semblait être écrit dans les étoiles. Et pourtant, ils étaient enfin réunis en ce lieu, et bordel, elle ne pût détacher son regard.
Et pendant un instant fatal, elle se dit qu'elle avait peut-être tort. Que tout, absolument tout avait changé.
Et quand il la vit en retour, sa crinière de flamme brillant parmi la foule, elle ne tenta pas de se dérober, ni de se cacher. Elle ne tenta pas de fuir, ou de détourner les yeux, de faire mine ne pas l'avoir reconnu. Elle ne tenta pas non plus de le convaincre être un tant soi peu intéressée par ce qu'il se passait sur le terrain. Non, quand il la vit, Sophia ne bougea pas d'un pouce, et prolongea son regard, les gens autour d'elle disparaissant petit à petit, les sons et la ferveur de la foule s'évaporant dans le vide, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus que le silence.
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| | | | (#)Lun 15 Juil 2019 - 14:42 | |
| Ses dernières recommandations pour son équipe avant le début imminent du match couvrirent le brouhaha de la foule qui s’impatientait, par-delà les vestiaires. « Vous le savez tous, c’est un match important pour la saison, alors peu importe ce qu’il se passe sur le terrain, donnez-vous à fond et sortez-moi le meilleur de vous-même ! », conclut-il en tapant dans ses mains, comme il en avait l’habitude une fois terminé son laïus d’encouragement, prêt à envoyer ses guerriers au combat. S’il ressentait encore l’adrénaline de la compétition avant chaque match – même ceux dont les enjeux étaient minimes – il y avait toutefois une énorme différence entre la condition de coach et celle de joueur, être au bord du terrain ou au cœur de l’action. Rien de comparable. En regardant ses joueurs se lever d’un même entrain, le rire aux lèvres et le cœur vaillant, une puissante vague d’envie le submergea, jusqu’à lui faire tourner la tête et perdre pied. Il aurait tout donné, vraiment tout, pour se retrouver à la place de n’importe lequel d’entre eux. Tout recommencer du début, éviter les écueils du passé pour ne pas commettre deux fois les mêmes erreurs, avoir une seconde chance… Inutile de rêver. Sa chance, il l’avait eue et avait su la saisir – là n’était pas le problème – mais… Il y avait forcément un mais, pas vrai ? Alors oui, Rhett aurait dû être fier de la brillante carrière internationale qu’il avait menée, mais quand il en faisait la rétrospective, tout le bonheur de ces années passées était irrémédiablement et violemment balayé par le souvenir de cette putain de voiture, qui en lui brisant les jambes, avait brisé son rêve. Certes, un jour ou l’autre il aurait été amené à raccrocher les crampons, mais…
Pas comme ça, pas dans ces conditions.
Alors que ses joueurs s’élancèrent au-dehors, Rhett jeta un dernier coup d’œil aux vestiaires ; sacs éventrés déversant leur contenu sur le sol, chaussures éparpillées çà et là, sous-vêtements abandonnés un peu partout dans la pièce, serviettes étalées sur les bancs, on aurait dit qu’une tornade avait tout dévasté sur son passage. Ça, ou un troupeau d’éléphants, songea-t-il dans un sourire, en souvenir de ses propres frasques. Comme la fois où, après une victoire importante qui les avait propulsés en tête du championnat universitaire, Rhett avait aspergé tous ses coéquipiers avec un extincteur trouvé derrière un banc, inondant le vestiaire de neige carbonique, dans l’hilarité générale. Le coach les avait bien engueulés, le soir-là. Mais qu’est-ce qu’ils s’étaient marrés ! En secouant la tête, faussement indigné par leur manque flagrant d’organisation – il n’était pas si différent d’eux à leur âge – il ferma la porte à clef sur ce beau bordel, et rejoignit ses joueurs, à son propre rythme. Si sa jambe gauche n’avait pas été épargnée, c’était bien la droite qui le faisait le plus souffrir. A mi-chemin entre le court-jus et la brûlure, cette sensation désagréable et permanente de décharges électriques le tourmentait sans cesse, ne lui laissait aucun répit, de jour comme de nuit, en activité comme au repos. Avec le temps, il avait appris à vivre avec, s’en était même accommodé ; il n’avait guère le choix, puisqu’aucun antidouleur n’était parvenu à apaiser ses souffrances. Certains soirs, la douleur était telle qu’il lui était tout bonnement impossible de trouver le sommeil. Rester ainsi éveillé toute la nuit était aussi mauvais pour le corps que pour l’esprit, il l’avait appris à ses dépens, puisqu’incapable de s’occuper autrement, il ruminait inlassablement toutes ces choses qu’il avait aimées, et qu’il avait perdues. Autant dire qu’il chérissait les moindres minutes de repos qu’il parvenait à glaner, et qui lui permettaient de se vider un peu la tête. Sa jambe droite était aussi la cause de sa démarche bancale, et qui le gratifiait de ce léger boitement, avec lequel il était désormais obligé de composer. C’était sur cette jambe, enfin, que les nerfs avaient été les plus gravement touchés – sans parler des os, mais les os avaient au moins le mérite de se ressouder – sans que de multiples opérations et d’innombrables séances de kinésithérapie ne parviennent à arranger le problème. Il y avait des fois où il devait se battre – littéralement – avec ses membres inférieurs pour réussir à obtenir un minimum de collaboration de leur part. Ce combat permanant l’épuisait ; pire encore, le déprimait.
Il y avait, encore aujourd’hui, des jours où il n’avait pas du tout envie de sortir de son lit.
Les clameurs de la foule l’accueillirent à son arrivée sur le terrain, le ramenant instantanément, et comme à chaque fois, des années en arrière où c’était son nom que les supporters scandaient. Certes, il était apprécié ici ; après tout, ce n’était pas tous les jours qu’un ancien joueur professionnel de son niveau coachait une simple équipe universitaire. Mais rien n’était plus pareil. Ne le serait jamais plus. Le jeune homme n’ignorait pas qu’il devait, on le lui avait si souvent répété, lâcher prise, continuer à avancer, réussir à tourner la page pour enfin sortir la tête de l’eau, et retrouver la joie de vivre. Mais rien n’y faisait : Rhett n’arrivait tout simplement pas à se dépêtrer de sa gloire passé. En avait-il seulement envie ? Le souvenir de sa popularité était tout ce qu’il lui restait. Le sifflement strident qui annonçait le début du match l’arracha à sa nostalgie d’antan. Concentre-toi, Rhett. Arrête de ressasser. Le passé, c’est le passé. C’est derrière toi tout ça, maintenant.
Il ne savait pas à quel point il était loin du compte.
Pour une raison inexplicable, comme poussé par ce qu’Owen qualifierait d’élan divin, il jeta un regard au milieu des gradins, et l’aperçut, elle, au milieu de la foule, irradiant au milieu de dizaines d'anonymes. Son cœur rata un battement et, l’espace de quelques secondes qui lui parurent une éternité, il crut mourir sur place, frappé par la foudre. Et sa première pensée ne fut pas de s’étonner de sa présence ici, ni même de son retour en ville. Ce ne fut pas non plus celle d’être embarrassé à l’idée de croiser à nouveau sa route. Non. Sa première pensée fut de constater qu’elle était encore plus belle que dans ses souvenirs. Troublé, le cœur dans un étau, le cœur au bord des lèvres, il resta figé, paralysé, tétanisé, incapable du moindre mouvement, ne sachant même plus quoi faire, quoi penser. Comme si son corps tout entier était passé en mode off, après un bug inexpliqué. Un peu de patience ; il allait bien finir par redémarrer, et retrouver à nouveau les commandes.
« COOOOAAAAACH ! », hurla d’une voix suraigüe l’un de ses joueurs qui, manifestement, cherchait à attirer son attention depuis de longues minutes déjà. « Quoi ? », s’enquit-il auprès de celui qui lui avait percé les tympans, tout en ne lâchant pas Sophia des yeux. « Tom s’est blessé ! » Rhett reporta aussitôt son attention sur le terrain, seulement pour s’apercevoir que le match s’était momentanément arrêté, et que joueurs et arbitres le fixaient étrangement, tandis que l’équipe médicale apportait les premiers soins au dénommé Tom. Il secoua la tête, chassa les images d’un passé revenu au galop, et recouvra ses esprits. « Casey, tu le remplaces ! Même poste, on ne change rien à la formation. », et aux médecins du sport, « C’est grave ? », pour s’entendre répondre « Une épaule déboitée. » Il survivrait, et pourrait même se vanter de ses blessures à ses amis le soir-même, le match terminé. En revanche, lui, n’était pas sûr de survivre à ce qu’il l’attendrait sitôt que retentira le coup de sifflet final.
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| | | | (#)Mar 6 Aoû 2019 - 23:46 | |
| < A MOMENT OF FRACTURED TIME > A ROOM FULL OF FROZEN FACES, A MOMENT OF FRACTURED TIME, WE ECLIPSE IN A CONVERSATION, AS THE WORDS, THEY PASS US BY. FEAT. @RHETT HARTFIELD ------------------------------------------------------------------ Si elle avait d'abord cru que le silence était un produit de son imagination, elle réalisa assez rapidement que le stade était bel et bien devenu beaucoup plus silencieux qu'il n'aurait dû l'être. Et pour cause, sans qu'elle ne s'en rende compte, le match avait été momentanément interrompu et les spectateurs regardaient anxieusement le jeune joueur gisant sur le sol. C'est en suivant Rhett du regard qu'elle l'avait aperçu, et même malgré çela, elle n'avait su commander son attention ailleurs que sur la silhouette du coach qui, lui, avait rompu le contact. « C'est Rhett Hartfield, l'entraîneur. » La voix nasillarde la tira de ses pensées, et c'est exactement ce qu'il lui fallut pour qu'elle le lâche enfin des yeux. Surprise, elle se retourna vers l'origine de l'interruption : une femme d'âge moyen, tenant dans ses mains une pancarte faite maison sur laquelle était marquée ''GO TREVOR !'' « Oui, je le connais. C'est un … vieil ami. Ça fait un moment que je ne l'ai pas vu. » Et puis reportant son regard sur Rhett, qui s'occupait de gérer la situation, elle ajouta malgré elle : « Il a l'air ... différent. » Elle ne saurait dire si c'était sa carrure, sa posture, sa façon de se déplacer ou le simple fait qu'il se tienne sur le côté, et non sur le terrain, sa place légitime. Plus pour elle-même que pour l'inconnue, cette dernière crut que cette observation lui était adressée, et y réagit avec nonchalance ainsi qu'un vif haussement d'épaule. « Tout dépend de la dernière fois que vous l'avez vu. Un accident pareil, ça change les gens. » Le cœur battant, avec la désagréable sensation que cette visite impromptue s'apprêtait à prendre une tournure qu'elle n'avait pas anticipée, elle demanda, les sourcils froncés : « De quoi parlez-vous ? Quel accident ? » « Vous vivez sous une pierre ou quoi ? Ça a vite fait le tour à Brisbane. L'accident de voiture, enfin ! Le bonhomme est chanceux de s'en être tiré avec sa vie. Hélas ce fut au prix de ses jambes. Faute de plus pouvoir jouer, il est devenu entraîneur. Un vrai gâchis, si vous me demandez mon avis. » Cette révélation s'accompagna de la brutale réalisation d'avoir commis une grave erreur, et sans dire un mot de plus, toisée par le regard interloqué de l'inconnue, elle quitta son siège pour se précipiter hors des gradins : loin de tous ces gens, loin du bruit, et le plus loin possible de Rhett. Elle avait l'impression d'avoir été frappée à l'estomac. Partie se réfugier à l'intérieur de sa voiture, loin de la clameur de la foule, enveloppée dans le silence pesant du parking désert, elle fut presque tentée de se laisser aller à ses plus vieux instincts. Son téléphone rotatant nerveusement entre ses doigts qui semblaient incapable de s'arrêter de gesticuler, elle voulut contacter Joanne pour lui raconter ce qu'elle avait appris. Si elle ignorait quel bien ça lui ferait, c'était bien la réaction qu'elle aurait eu auparavant, et elle était bien la seule auprès de qui elle oserait se confier sur ce sujet particulièrement épineux. Néanmoins, les mots disparurent sous ses propres yeux, et de par sa propre mains, réalisant à quel point l'idée était ridicule. Elles avaient passé l'âge de ragoter sur les garçons de leurs vies, et elle aurait bien du mal à expliquer ce qu'elle faisait à ce match en premier lieu. Maudit Hassan, pensa-t-elle. Le fourbe s'était bien gardé de lui préciser ce détail. Non pas qu'elle pouvait lui en vouloir : après tout, ce n'était pas une information qu'il pouvait donner au premier venu, et elle était loin de l'avoir mérité. Ça, où il s'était dit que la nouvelle avait suffisamment fait le tour de la presse pour être connue de tous, et que si une inconnue lambda était au courant, il n'y avait pas de raison pour son ancienne petite amie ne le soit pas. Sophia soupira en laissant son front reposer sur le cuir de son volant. Il y avait bien longtemps qu'elle n'avait pas cherché à savoir ce qu'il advenait de Rhett, et pendant un instant, elle souhaita retourner vivre dans un monde où elle ignorait tout de sa situation. Elle aurait beau vivre dans le noir complet, c'était mieux que de le savoir sur la touche, littéralement. Parce que d'une malsaine façon, l'idée que sa carrière se soit terminée juste comme ça lui restait en travers de la gorge.
C'était donc pour ça, qu'il l'avait quitté ? Pour cette carrière apparemment si fragile ? C'était pour ça, qu'il lui avait brisé le cœur ? Pour qu'un putain d'inconscient lui fonce dessus et qu'il devienne un pauvre entraîneur boiteux ?
Pendant si longtemps, l'idée qu'il soit en train de vivre sa meilleure vie en Europe ou elle-ne-savait-où, lui avait facilité la tâche. Désormais, elle serait incapable de penser à lui sans le voir à cet endroit, dans l'ombre des gradins, dévorant ses joueurs du regard, tout en sachant que son plus grand rêve était parti en fumée. Et cela le rendait déjà beaucoup moins facile à détester.
Elle ignorait si la situation se prêtait plus à rire ou à pleurer. Elle fit son choix, ses ricanements frustrés se cognant contre les vitres scellées de son véhicule. Heureusement que le parking est désert, pensa-t-elle, puisqu'elle avait sûrement l'air d'une hystérique en cet instant.
Elle ne savait pas ce qui l'empêchait de mettre les clé dans le contact et rouler loin de cet endroit. C'était après en avoir appris plus que nécessaire qu'elle avait fui le stade, mais maintenant qu'elle avait eu le temps de digérer l'information, une partie avait envie d'en savoir plus. Car ce n'était pas à cette femme de lui lâcher cette bombe, et que si effectivement, tous les chagrins les avaient mené jusqu'ici, elle aimerait autant l'entendre de la bouche de l'intéressé.
Elle ignorait combien de temps elle resta dans le silence. Elle ne voulait pas y retourner et assister au match, aussi resta-t-elle assise à attendre que la compétition se termine, un signal communiqué par l'afflux soudain des supporter regagnant doucement le parking sous le soleil clément de la fin d'après-midi. Et tandis qu'ils grimpèrent tous dans leurs voiture pour continuer leur journée, c'est le moment qu'elle choisit pour sortir de la sienne et se diriger de nouveau vers l'enceinte du stade.
Elle ignorait quel bien ça lui ferait, mais elle réalisait également qu'elle avait franchi le point de non retour le moment où elle avait croisé son regard. Elle se soulagea de ces pensées parasites qui lui murmuraient de faire demi-tour. Elle ignorait ce qu'il se passerait ensuite. Elle ignorait ce qu'elle lui dirait, et ce qu'il lui répondrait. Elle ignorait quel type de boite de Pandore elle s'apprêtait à ouvrir, et elle s'en fichait. Il était juste là, et elle se dirigeait vers lui. Elle devait en savoir plus, et elle était fatiguée de fuir.
Pour l'avoir souvent attendu après ses propres matchs à l'époque de l'université, le chemin qu'elle traçait lui semblait cruellement familier. Elle était même parvenue une fois à s'infiltrer à l'intérieur du fameux vestiaire masculin, suite à un pari avec Joanne -pari que cette dernière avait refusé de relever-, souhaitant être la première à féliciter ses deux joueurs préférés après une victoire durement gagnée. Manque de pot, leur entraîneur de l'époque l'avait trouvée avant eux et n'avait pas réagi à l'effraction avec autant d'humour. Au moins la complétion de la tâche lui avait valu une dizaine de dollar de la part de sa meilleure amie et, impressionnés par l'audace, un verre offert par les garçons. Tout ça pour dire qu'elle savait qu'à cette heure-ci, Rhett se trouverait sans doutes dans ces mêmes vestiaires, soit à célébrer la victoire avec le reste de son équipe, soit à les réprimander sur leur défaite. Si aujourd'hui elle ne ferait pas preuve d'autant de culot qu'à l'époque, et n'ira pas jusqu'à frapper à la porte des vestiaires, elle se plaça à un endroit où elle était certaine qu'il devrait passer, et se mit à attendre de nouveau. Les étudiants sortirent en premier, affublés d'ensemble sportifs à leurs couleurs, d'énormes sacs sous les bras, et se dirigèrent en file indienne vers l'extérieur, leur coach non loin derrière eux. « Vous avez gagnés ? » souffla-t-elle à son intention, hésitante à le regarder dans les yeux, les siens glissant le long de sa jambe droite, réalisant avec horreur qu'elle boitait belle et bien, cette vision lui confirmant l'affreuse réalité dans laquelle elle se trouvait désormais.
Dernière édition par Sophia Caldwell le Lun 9 Déc 2019 - 12:57, édité 1 fois |
| | | | (#)Lun 2 Déc 2019 - 11:29 | |
| Rappelé à l’ordre par les aléas du jeu, Rhett se détourna des gradins – à contrecœur, réalisa-t-il avec un certain effarement – pour se concentrer pleinement sur le match et sur son joueur blessé. Plus de peur que de mal, heureusement. Alors qu’il venait tout juste de se faire remettre l’épaule en place par leur médecin, Tom semblait prêt à repartir au combat, et à se jeter à nouveau dans le feu de l’action. Mais Rhett resta sourd à ses supplications, ce qui déclencha un flot ininterrompu de vives protestations, parmi lesquelles il put discerner plusieurs fois le mot « injuste ». Je vais te dire ce qui est injuste, mon gars, songea-t-il en son for intérieur. Oui, c’est injuste de ne plus pouvoir retourner sur le terrain, à cause d’un accident qui n’est pas de ton fait. Oui, c’est injuste de devoir rester assis-là, à regarder tes ex-coéquipiers jouer comme si tu n’avais jamais fait partie de l’équipe. Oui, c’est injuste de mettre un terme à une carrière internationale de ce niveau dans ces conditions. Et oui, plus que tout, c’est injuste que ton ex vienne assister au match, alors que tu n’es plus que l’ombre de toi-même. « Allez, maintenant va t’asseoir, ou tu finiras le reste du match dans les vestiaires. », conclut-il fermement le débat, subitement agacé par l’entêtement de son joueur. Hey, toi aussi tu étais comme ça, avant. Avant… un mot qui lui revenait souvent en tête ces derniers temps, et contre lequel il ne pouvait rien. Le reste du match se déroula sans autre encombre ; aucune, du moins, qui ne nécessita l’arrêt du jeu. Il observait les actions qui se déroulaient sous ses yeux sans vraiment réussir à y prendre part. Trop distrait pour se concentrer sereinement sur le match, son esprit vagabondait d’une époque à l’autre. En une fraction de seconde, tous les souvenirs de sa vie commune avec Sophia revinrent l’assaillir jusqu’à le harceler. Lui qui avait mis des années à enfouir le passé sous des couches et des couches de déni voyait tous ses efforts réduits à néant en si peu de temps, que c’en était rageant.
A la mi-temps, il se risqua à jeter un coup d’œil dans les gradins, pour constater que Sophia ne s’y trouvait plus. A son cœur qui vint s’écraser à ses pieds, Rhett comprit qu’il en fut plus touché qu’il n’aurait bien voulu l’admettre… Quand et pourquoi était-elle partie ? Etait-ce la peur, ou pire, la déception qui l’avait fait fuir ? N’était-elle restée que cinq minutes, seulement pour satisfaire sa curiosité, savoir si ce qu’on racontait sur lui était vrai ? N’avait-elle pas supporté d’être démasquée parmi la foule ? Et depuis quand était-elle de retour en ville ? Joanne était-elle au courant ; le lui avait-elle sciemment caché ? Tant de questions, pour lesquelles il n’avait aucune réponse. Impossible, après cela, de reporter son attention sur le match… Son esprit gambergeait, divergeait, le tourmentait tout du long des quarante dernières minutes du jeu. Et le coup de sifflet final mit enfin un terme à son supplice. Il n’avait plus qu’une envie : rentrer chez lui et ne plus penser à rien. Jamais. Mais le malheureux n’était pas au bout de ses surprises…
Car l’objet de ses pensées, la raison de ses malheurs, l’attendait en chair et en os à la sortie du vestiaire. Il en fut tellement estomaqué qu’il en resta bouche bée, aphone, dénué de parole et incapable de formuler la moindre phrase, même la plus banale au monde. De toute façon, il n’aurait pas su trouver les mots. Que lui dire, après toutes ces années ? Qu’il avait fourni tant d’efforts pour la reléguer dans un coin de son cœur, pour ne plus jamais penser à sa chevelure flamboyante, son sourire radieux ? Qu’il regrettait ses actes, sa présence ? Qu’elle lui manquait ? Non… Bien sûr que non, il n’aurait jamais pu lui dire tout ça. Finalement, c’est elle qui engagea la conversation.
« Vous avez gagné ? »
Et puis, il comprit finalement pourquoi elle était venue, les véritables raisons de sa visite inattendue, quand il surprit son regard sur sa jambe droite. Elle était venue vérifier par elle-même si ce qu’on disait de lui était vrai. Qu’il n’était plus rien, ni personne. Même pas l’ombre de lui-même. Etait-elle venue le narguer, d’avoir choisi sa carrière avant elle, pour ce résultat minable ? Se réjouissait-elle de son malheur, se sentait-elle vengée ?
« Si tu étais restée, tu l’aurais su. », lui répliqua-t-il plus sèchement qu’il ne l’aurait souhaité, agacé par le jugement silencieux qu’elle lui portait. Si tu étais restée… ; lui reprochait-il son absence au match, ou son départ de sa vie ? Sans doute un peu des deux. « On a perdu, vraiment de peu. , se radoucit-il. La fin du match était vraiment intense, ça s’est joué à pas grand-chose. C’est pour ça que tu es ici ? Pour constater par toi-même à quel point ma vie est un échec ? Et bien, voilà. Maintenant, le spectacle est terminé. » Son intention n’avait jamais été de se montrer aussi aigri envers elle, mais subitement, il comprit qu’il lui en avait toujours voulu de n’avoir pas compris à quel point sa carrière était importante à ses yeux. Au fond de lui, il savait qu’il aurait pu concilier sa carrière et sa vie amoureuse. Mais elle ne lui avait même pas laissé une chance de faire ses preuves. Elle était partie sans se retourner. Lui brisant définitivement le cœur. « Excuse-moi… , se reprit-il, c’est juste que… je suis surpris de te voir ici. Je ne m’y attendais pas du tout. Pas après tout ce temps. Toi, par contre, tu as l’air en pleine forme. » Vraiment, Rhett ? Typiquement le genre de phrase clichée à dire à son ex, même s’il le pensait vraiment. Elle était réellement radieuse. - Spoiler:
Hj : J'espère que ça t'ira @Sophia Caldwell
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| | | | (#)Mar 10 Déc 2019 - 23:24 | |
| < A MOMENT OF FRACTURED TIME > A ROOM FULL OF FROZEN FACES, A MOMENT OF FRACTURED TIME, WE ECLIPSE IN A CONVERSATION, AS THE WORDS, THEY PASS US BY. FEAT. @RHETT HARTFIELD ------------------------------------------------------------------ Combien de temps depuis qu’ils s’étaient adressés la parole ? Leur rupture remontait à tellement longtemps qu’elle était incapable de donner un chiffre précis. Des siècles, avait-elle parfois l’impression, dans une autre vie. Son retour à Brisbane lui avait donné un sacré coup de vieux, l’avait fait réaliser à quel point le temps leur filait à tous entre les doigts. Et qu’est-ce qu’elle avait trouvé à dire, après toutes ces années ? Est-ce qu’ils avaient gagnés ? « Si tu étais restée, tu l’aurais su. » Rhett ne fut pas amusé, et si sa réponse aigrie souleva à Sophia un haussement de sourcil, elle serait mal placée pour lui en tenir rigueur. Play stupid games, win stupid prizes. ‘’ Je regarde rarement un match de rugby jusqu’au bout maintenant. Ce n’est plus pareil. ‘’ répondit-elle en croisant ses bras et en haussant les épaules, soutenant le regard de l’entraîneur. La sécheresse dans sa voix claquait comme un fouet dans l’air, mais Sophia ne comptait pas se laisser impressionner. Ses paroles restaient néanmoins véridiques. Si elle se considérait toujours comme une supportrice, elle n’avait pas assisté à un match entier depuis une véritable éternité. Les nombreux souvenirs qu’elle associait à ce même stade avait affecté sa capacité à apprécier ce sport qu’elle affectionnait particulièrement. Elle ne s’en était jamais réellement rendue compte jusqu’à maintenant, et il s’agissait probablement d’une nouvelle chose à rajouter sur la liste des choses qu’elle pourrait remercier Rhett d’avoir gâché. Mais elle n’était pas là pour ouvrir les hostilités, ce rôle ayant déjà été assumé par son interlocuteur qui, ne manquant pas de remarquer son regard traînant le long de sa jambe, continua sur sa lancée après l’avoir informé de l’issu du match. « C’est pour ça que tu es ici ? Pour constater par toi-même à quel point ma vie est un échec ? Et bien, voilà. Maintenant, le spectacle est terminé. » Sophia prit sur elle-même pour ne pas prendre ces paroles comme une attaque à son encontre, au lieu de quoi, ses intentions dévoilées, elle éprouva moins de remords à fixer la jambe en question. “ En fait, je viens tout juste de l’apprendre, pour ta jambe. “ Et de quelle manière. A bien y réfléchir, elle aurait préféré qu’Hassan la mette au courant, plutôt que cette vieille dame dans les gradins. “ Hassan m’a appris que tu étais le nouvel entraîneur à l’université. Elle m’a semblée bien courte, ta belle carrière. La curiosité a pris le dessus, et je voulais voir de mes propres yeux ce qui avait bien pu pousser le grand Rhett à se ranger. “ Inutile de prétendre que sa présence en ces lieux n’avait rien à voir avec lui, et qu’elle était simplement venue assister au match. Au risque de trahir ce qu’elle n’était plus censée ressentir à son égard, elle ne manquerait jamais une occasion de lui rabattre le clapet. “ Tu préfères cette version ? “ Un rictus moqueur en guise de grimace, elle réalisa que tous leurs maux n’étaient pas aussi bien enterrés qu’elle voulait le faire croire. Il n’y avait qu’à observer la vitesse à laquelle la rancœur avait pris le dessus, et les vicieux sous-entendus qui accompagnaient leur joute. Dans sa répartie, Sophia n’avait pû s’empêcher d’insuffler une bonne dose de cynisme qui lui fit grincer les dents. “ Peu importe au final. “ finit-elle par conclure en s’adossant à un pilier, se rappelant qu’elle n’était pas venue pour déclarer une nouvelle guerre. Ça n’en valait pas la peine, aucun des deux n’avait besoin de ça. “ C’est donc vrai. “ soupira-t-elle en fixant le sol, le regard désormais triste, la voix désormais plus douce. “ Pendant un instant, j’espérais que ce n’était qu’une mauvaise blague, que je te verrais sortir des vestiaires en marchant normalement et que tout ceci serait encore plus étrange que ça l’est actuellement. “ Elle aurait préféré se sentir comme une idiote, au moins alors aurait-elle conservée une image de Rhett un peu plus glorieuse. “ Je ne sais pas quoi dire … “ murmura-t-elle. “ Je suis désolé, j’imagine … “ Qu’était-t-elle censée dire ? Se souciait-il seulement des excuses d’autrui ? Se soucierait-il des siennes, en particulier ? Il avait déjà dû entendre ça des dizaines de fois. Pourtant, c’était tout ce qu’elle était en mesure de lui offrir. “ … pour ce qui t’es arrivé. “ se sentit-elle obligée de préciser néanmoins. Ils marchaient sur une glace si fine que chaque mot était susceptible d’être mal interprété, ce qui était probablement naturel quand on a vécu ce qu’ils avaient vécu. Clairement, ni l’un ni l’autre ne savait comment se comporter. « Excuse-moi ... C’est juste que… je suis surpris de te voir ici. Je ne m’y attendais pas du tout. Pas après tout ce temps. Toi, par contre, tu as l’air en pleine forme. » Le compliment la prit plus de court encore que son introduction hostile, mais le sourire qu’il suscita resta modéré. Elle était juste heureuse de pouvoir donner cette impression, même si elle n’en menait pas large en réalité. “ Je m’en sors pas trop mal. “ acquiesça-t-elle alors. A ses oreilles, cela voudrait sans doute tout et rien dire, et elle préférait les choses comme ça. La règle numéro un quand on confrontait un ex, c’était de faire en sorte d’avoir l’air plus heureux. Et ça, même sans essayer Sophia aurait eu l’ascendant : elle aurait aimé pouvoir en dire autant de Rhett, or l’homme qui se tenait en face d’elle n’était que le fantôme de celui qu’elle avait connu des années auparavant. Et ce n’était pas le poids des années qui les avait tous touché, ou même sa jambe lancinante, mais la lueur grise dans son regard, le grincement dans sa voix, le fatalisme de ses paroles. Il n’avait plus rien de l’étincelant jeune homme qui en imposait par son charisme, du garçon espiègle fringuant et charmant qui l’avait si aisément envoûté. Là, il donnait l’impression de sans-cesse vouloir se faire tout petit. Peut-être était-ce injuste de le considérer de la sorte, considéré qu’elle l’avait attrapé dans un mauvais jour, qu’il venait de perdre son match et que le choc faisait vraisemblablement remonter de vieux souvenirs qui n’amélioreraient sûrement pas son humeur. Tout de même, au lieu de lui retourner le compliment, elle opta pour ne rien dire. “ C’est moi qui m’excuse, finit-elle par dire pour combler le silence. Je ne cherchais pas à te prendre par surprise. En réalité … eh bien, je ne pensais pas que tu me remarquerais, dans les gradins. “ Ça aurait dû être si facile. Jamais elle n’aurait imaginé qu’ils se retrouveraient un jour face à face. Le temps seul lui dira si elle avait bien fait de rester, ou si elle aurait mieux fait de conduire loin d’ici, loin de lui.
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| | | | (#)Mar 21 Jan 2020 - 15:57 | |
| Sophia aurait pu lui jeter un grand seau d’eau glacée au visage, lui asséner une grande claque en pleine gueule, qu’il n’aurait pas été plus hébété qu’en cet instant par sa présence dans ces vestiaires. Comment aurait-il pu se douter un seul instant qu’elle déciderait subitement de réapparaitre dans sa vie ? Rien, vraiment rien, n’aurait pu le préparer à ça. Lui qui avait eu toutes les peines du monde à tirer un trait sur leur relation, s’était finalement résigné au fait qu’il ne la reverrait plus jamais, que leurs routes ne se recroiseraient pas, que son nom et son visage ne deviendraient, avec le temps, rien de plus qu’un souvenir qui s’estompe de plus en plus avec les années… Malade de chagrin après leur rupture (même s’il s’était efforcé de faire croire à tout le monde que tout allait bien), il était persuadé de ne jamais réussir à l’oublier. A la chasser de sa tête et de son cœur. A effacer tous les souvenirs communs de sa mémoire. Son départ précipité et inattendu de Brisbane, comme un dernier caprice, lui avait en quelques sortes facilité les choses ; peut-être aurait-il dû la remercier pour ça. Mais aujourd’hui, elle se tenait devant lui, détruisant tous ses efforts, déjouant tous les pronostics. Décidemment, il la reconnaissait bien là ; elle avait toujours aimé le contrarier. S’il avait appris ce matin qu’il serait confronté à son passé au détour d’un couloir, forcé d’affronter son plus grand regret, il aurait pris ses jambes à son cou (enfin, ce qu’il en restait), et aurait probablement détalé sans demander son reste. Mais il ne pouvait plus fuir, désormais. Il était pris au piège, tout autant qu’il l’était au dépourvu.
« Je regarde rarement un match de rugby jusqu’au bout maintenant. Ce n’est plus pareil. » L’aveu le prit par surprise. Il ne s’était pas attendu à ce que leur rupture l’affecte, de quelque manière que ce soit. Elle était partie sans se retourner, se foutant bien d’avoir piétiné son cœur au passage, si bien qu’il avait fini par croire que sa carrière n’avait été qu’un prétexte pour le quitter. Il en était venu à se demander si elle n’avait pas quelqu’un d’autre. Combien de fois avait-il harcelé Joanne pour en avoir le cœur net ? Celle-ci avait toujours nié, soit pour protéger son amie, soit parce qu’elle n’était vraiment au courant de rien. Sophia pouvait être tellement secrète, par moment … Depuis, il se l’était toujours visualisé comme un monstre sans cœur ; sans doute était-ce plus facile pour lui de la dépeindre ainsi, plutôt que comme une femme avec des sentiments, des doutes, des peurs, et une certaine fragilité (toute proportion gardée, on parlait bien de Sophia là !), ce qu’elle semblait bien être, en fin de compte.
Après avoir échangé de brèves banalités, Sophia se trahit rapidement sur les véritables raisons de sa présence ici, au regard des coups d’œil qu’elle laissait glisser ça-et-là sur sa jambe, pensant à tort être discrète. Alors, ce n’était donc que pour ça ? Elle n’était pas venue prendre de ses nouvelles, comme il aurait pu se l’imaginer l’espace de quelques secondes, mais bien pour contempler de ses propres yeux sa déchéance. L’idée que, derrière son visage neutre qui ne laissait nullement apparaître ce qu’elle avait en tête, elle soit comblée par ses malheurs lui était insupportable. Sa visite n’avait-elle pour but que de le narguer ? S’estimait-elle finalement vengée ? Agacé par la situation, avec l’horrible impression de n’être qu’une bête de foire à ses yeux, il ne put s’empêcher de s’en prendre à elle. « En fait, je viens tout juste de l’apprendre, pour ta jambe, lui répondit-elle, ce qui n’apaisa pas ses doutes à son égard. Hassan m’a appris que tu étais le nouvel entraîneur à l’université. Elle m’a semblée bien courte, ta belle carrière. La curiosité a pris le dessus, et je voulais voir de mes propres yeux ce qui avait bien pu pousser le grand Rhett à se ranger. » lui concéda-t-elle, sans prendre la peine de dissimuler le sarcasme dans sa voix. Attendez un instant, quoi ?! Hassan ? Qu’est-ce que son ami venait faire dans cette histoire ? Mais il ne fallait pas être un génie pour faire A+B, et Rhett comprit en une demi-seconde la situation qui se jouait derrière son dos. Hassan avait rencontré Sophia et avait jugé utile de ne pas lui en parler. Traître. Et pour couronner le tout, Joanne devait également être au courant, et lui avait tout autant caché l’information. Il se sentait vraiment lésé, pris pour le dindon de la farce. Ce qu’il était, en réalité. Que Joanne ne lui en parle pas ne l’étonna qu’à moitié, elle qui avait toujours défendu et protégé son amie, si tant est qu’elles le soient encore après ces années de silence. Mais Hassan ? Sérieusement ? Et d’ailleurs, pourquoi s’était-elle empressée d’aller le voir ? La relation entre les deux anciens amis était aussi foutue que la leur. Une bouffée de – quoi donc ? Il ne parvenait pas à mettre un mot sur ce qu’il ressentait – de jalousie le submergea à l’idée qu’elle ait préféré se tourner vers Hassan en priorité, plutôt que vers lui. Il secoua la tête, dépité, désabusé, un sourire jaune sur les lèvres. « Tu préfères cette version ? »Non. Il préférait la version où elle ne s’immisçait pas dans sa vie et celle de ses amis, des années après avoir coupé les ponts, comme si de rien n’était. Comme si elle ne s’était absentée qu’un mois ou deux, et qu’elle revenait fraîche comme une rose après des vacances reposantes. « Pendant un instant, j’espérais que ce n’était qu’une mauvaise blague, que je te verrais sortir des vestiaires en marchant normalement et que tout ceci serait encore plus étrange que ça l’est actuellement. » Il s’adossa négligemment contre le mur, et passa une main dans ses cheveux, à la base de sa nuque, geste inconscient qui avait toujours trahi sa nervosité. « Ça n’aurait pas pu l’être. Plus étrange que ça. » Ses mots lui firent mal, probablement plus que n’importe quel coup physique qu’elle aurait pu lui infliger. Sophia savait taper là où cela faisait le plus de dégât. Elle était passée experte en la matière. Combien de fois l’avait-elle blessé par ses paroles, par ses regards ? Et combien de fois avait-il prétendu ne pas en être atteint ? Foutu égo. Il commençait à croire que son égo était le seul à blâmer pour l’échec de leur relation. Par son silence, il avait laissé partir Sophia, incapable de lui dire à quel point il l’aimait, parce que blessé dans sa fierté. Quand elle l’avait menacé de partir, n’était-ce alors qu’un cri du désespoir, un signal d’alarme ? Avait-elle déjà pris sa décision, ou souhaitait-elle qu’il la rattrape, et qu’il lui prouve tout son amour ? A la place, son égo avait jugé bon ton de répliquer : si tu passes cette porte, c’est fini. Et ça avait été fini.
« Je ne sais pas quoi dire, s’était-elle radoucit, je suis désolée, j’imagine… J’imagine… Elle ne savait pas elle-même si elle s’en trouvait désolée, ou pas. … pour ce qui t’es arrivé. » « Et moi qui pensais que ça te ravirait de te savoir vengée. », lui asséna-t-il, cynique. Parce que c’était le cas, pas vrai ? Le Destin avait finalement choisi son camp. Et dans un éclair de bon sens, Rhett s’excusa pour ses paroles, qui avaient dépassé sa pensée. Quelque part au fond de lui, il savait que Sophia ne lui aurait jamais souhaité un tel malheur… Enfin, il l’espérait. « Je m’en sors pas trop mal. », approuva-t-elle son compliment. Pas trop mal signifiait pertinemment que tout allait comme elle le désirait, ce qui acheva de le déprimer. Elle avait de toute évidence atteint la berge, quand lui avait coulé au fond du lac. Instinctivement, son regard se posa rapidement sur son annulaire gauche, et il fut soulagé de ne pas y apercevoir d’alliance. Et pourquoi devait-il s’en sentir soulagé ? Qu’elle fasse sa vie, et lui la sienne, et basta. Ils ne se devaient rien l’un à l’autre. « C’est moi qui m’excuse, reprit-elle. Il n’avait jamais cru possible d'entendre un jour ces mots sortir de la bouche de Sophia, elle qui pensait toujours avoir raison sur tout. Je ne cherchais pas à te prendre par surprise. En réalité… eh bien, je ne pensais pas que tu me remarquerais, dans les gradins. » « Donc tu es venue m’espionner, en fait. C’est encore pire. », répliqua-t-il, cette fois sur le ton de la plaisanterie. « Tu sais bien qu’il suffit que tu rentres dans une pièce pour que je te remarque. », avoua-t-il, plus sérieusement, dans un murmure. Et c’était vrai. Il émanait d’elle un tel charisme, qu’il suffisait qu’elle entre dans une pièce pour en illuminer les lieux. Il n’avait toujours eu d’yeux que pour elle. Et pourtant, il en avait connu, des filles, avant elle. Mais rien de comparable. Il jeta un rapide coup d’œil à son poignet droit, où se trouvait sa montre. « La buvette est encore ouverte pour un petit moment. Les bières ne sont pas très bonnes, mais on en a bu des biens pires, toi et moi. … Enfin, si tu as le temps. » Oui, parce que dans son langage d’homme maladroit, c’était une invitation en bonne et due forme à aller boire une bière, ensemble. Sans se sauter au visage, ni s’étriper. Mais les connaissant, il suffisait d’une petite étincelle pour mettre le feu aux poudres. « Qu’est-ce que tu fais ici ? A Brisbane, je veux dire. C’est provisoire, ou… ? » Il n’osa même pas finir sa phrase. Si ce retour était permanent, en serait-il heureux ou dépité ? « J’ai cru comprendre que tu as revu Hassan, énonça-t-il, toujours vexé de ne passer qu’en deuxième. Joanne aussi ? » Sous-entendu, pourquoi avait-elle subitement décidé, après des années de silence, de reprendre contact avec ses anciens amis ? Est-ce que cela laissait présager du pire, ou du meilleur ?
Hj : J'espère que ça te convient Je ne fais pas beaucoup avancer les choses |
| | | | (#)Mer 5 Fév 2020 - 11:27 | |
| < A MOMENT OF FRACTURED TIME > A ROOM FULL OF FROZEN FACES, A MOMENT OF FRACTURED TIME, WE ECLIPSE IN A CONVERSATION, AS THE WORDS, THEY PASS US BY. FEAT. @RHETT HARTFIELD ------------------------------------------------------------------ « Et moi qui pensais que ça te ravirait de te savoir vengée. » Si Rhett souhaitait la blesser en utilisant cette vile tactique, il n’avait aucune idée quel genre d’animal se trouvait en face de lui. Pour elle avait déjà flirté avec cette idée sans y trouver le moindre réconfort. Au lieu de réagir avec colère, c’est un sourire amer qui se dessina sur ses lèvres. Evidemment, il la voyait comme un monstre. Voilà l’image qu’il avait gardée d’elle, la femme qui l’avait quitté. En cet instant, elle pouvait parfaitement visualiser les dizaines de conversations qu’il avait dû avoir à son sujet, entendre les noms d’oiseaux dont il l’avait affublé auprès de qui voulait bien tendre l’oreille. Voilà une chute bien prévisible, bien que leurs versions respectives étaient sans doute bien différentes. Comme toutes histoires cependant, la vérité devait se trouver quelque part au milieu. “ C’est bas, Rhett. “ souffla-t-elle avec cynisme, moquant ouvertement cette horrible idée, refusant fermement de la dignifier d’une réponse risquant de lui donner la moindre valeur. Qu’elle soit maudite si elle le lassait la chambouler aussi aisément. “ Crois-moi, si quelqu’un voulait que tout ça en vaille la peine, c’est bien moi. “ Quitte à choisir sa carrière, il avait plutôt intérêt à devenir le meilleur rugbyman de l’histoire. Voilà tout ce qu’elle avait jamais souhaité pour lui. Mais tout ça lui importait peu au final, et cette moche situation lui prouvait simplement que même après toutes ces années, Rhett restait incapable de se remettre en question, et qu’en plus d’être boiteux, il était également aigri. Un dangereux mélange. Chose qui était bonne à savoir aux yeux de Sophia, qui y voyait déjà plus clair dans les sentiments confus qui l’avaient assiégé lorsqu’elle avait appris que l’athlète était rentré au bercail. Et ce n’était pas ses excuses qui parvinrent à l’adoucir, bien qu’elle les crût sincères, ni même sa tentative maladroite à la flatterie, qui la déconcerta plus que l’amusa. « Tu sais bien qu’il suffit que tu rentres dans une pièce pour que je te remarque. » Choisis un son de cloche, vieux. “ Ça doit être les cheveux. Cette couleur est beaucoup trop voyante. “ répondit-elle finalement d’un ton un peu plus sec qu’elle ne l’aurait souhaité, en secouant sa chevelure ardente. Ce qui aurait dû être prononcé sur le ton de la plaisanterie venant rationaliser ce qui aurait, dans le passé, fait naître dans son estomac des milliers de papillons. Rhett avait toujours été un beau parleur, et si elle n’avait pas coupé la tête du serpent, il aurait très bien pu se faufiler jusque dans son cœur et son esprit à nouveau, comme il l’avait déjà fait tant de fois par le passé. Or, après son accusation de plus tôt, il avait beaucoup à se faire pardonner. Au moins appréciait-elle de le voir essayer, bien que l’invitation qui suivit la prit au dépourvu. « La buvette est encore ouverte pour un petit moment. Les bières ne sont pas très bonnes, mais on en a bu des biens pires, toi et moi. … Enfin, si tu as le temps. » s'enhardit-il, poussant Sophia dans un mutisme qui n’arrangeait rien à l’atmosphère déjà bien assez lourde, tandis qu’elle se demanda comment ils en étaient arrivés à considérer boire un verre ensemble quelques instants après s’être tiré dans les jambes. Ainsi avaient-ils toujours fonctionné. Arquant toutefois un sourcil, elle ne tenta même pas de dissimuler son dilemme. Du temps, elle en avait. Elle en avait trop d’ailleurs, et il y avait de ces invitations qui ne se refusaient pas. Or, Rhett pourrait tout autant agiter un énorme drapeau rouge. “ Je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Et puis, je préfère ne pas m’attarder. “ finit-elle par trancher. Un refus signalant que cette conversation n’était que ce qu’elle était, et rien de plus. Il ne faudrait pas que l’un ou que l’autre commence à se faire une idée quelconque. En outre, leur comportement vis-à-vis de l’autre en dent de scie, elle craignait que ce soit peut-être trop d’un coup, tout autant qu’elle était curieuse de voir s’il se permettrait d’insister. Secrètement, elle se surprit à se demander si elle apprécierait.
Et après avoir échangé ce qui devait être pour Rhett des banalités, c’était à elle de répondre aux questions qui allaient forcement faire surface. Ainsi quand il la questionna d’un « Qu’est-ce que tu fais ici ? A Brisbane, je veux dire. C’est provisoire, ou… ? » indiscret, Sophia se permit d’afficher un sourire malicieux et de répondre “ C’est chez moi, non ? “ d’un air amusé tout en haussant un sourcil provocateur, signifiant 1) que la rousse avait toujours un coup d’avance et 2) que ce n’était pas vraiment ses affaires. Plutôt audacieux de sa part pour sûr, mais elle tâchait d’être prudente. Pour cause, elle ignorait ce que son interlocuteur savait de son exil, ce qu’on avait bien pû lui dire. Si elle avait vu ces interrogations venir, elle n’eut cette fois pas de scrupule à refuser de s’y soumettre puisqu’à l’inverse de Joanne ou de Hassan, elle estimait ne pas avoir tant de devoirs à son égard. Mais ça, elle ne saurait s’en justifier non plus, alors quand il poursuivit sur sa lancée, elle resta volontairement vague. “ J’avais des choses à lui dire. Une erreur à rattraper. “ Une blessure à refermer une bonne fois pour toute. Sans rentrer dans les détails, elle se doutait que Rhett saurait à quoi elle faisait allusion : les deux rugbymen étaient restés cul et chemise toutes ces années, et avait eu le droit à un siège sur le devant pour assister à la destruction de leur amitié. “ J’en déduis qu’il ne t’a rien dit ? “ poursuivit-elle, un rictus suffisant étirant ses lèvres, trouvant un soupçon de fierté dans l’idée d’avoir tiré le tapis sous le pied du professeur en se présentant de son plein-gré au stade. Certes, elle n’avait pas anticipé qu’ils se parleraient, ou même qu’il la remarquerait, mais au final, ce n’était peut-être pas plus mal, concéda-t-elle. Après tout, c’était bien connu : la rouquine aimait contrôler le récit, et qui sait ce qu’Hassan aurait bien pu lui dire ? “ Fais mine d'être choqué, la prochaine fois que tu le vois, quand il t’annoncera que Sophia Caldwell est revenue des morts et qu’elle est même passée par son bureau. “ De qui se moquait-elle ? Tel qu’elle les connaissait, ils parleraient d’elle sur leur téléphone la seconde où elle tournerait les talons. Si c’était le genre de réaction qu’elle visait en général, cette fois, elle s’en serait bien passée. “ Même chose pour Joanne. ” acquiesça-t-elle ensuite en soufflant. La plus grosse erreur de toutes. Et maintenant toi, hésita-t-elle à dire, avant de s’arrêter. Elle ne voulait surtout pas que Rhett pense qu’elle avait quelque chose à se faire pardonner. Non, cette conversation était d’un autre ordre. De quel ordre exactement, elle l’ignorait toujours, mais d’un autre ordre. “ C’était comment l’Europe ? Ça fait longtemps que tu es revenu ? “ En d'autres mots : depuis quand es-tu blessé ? Si Sophia voulait repointer le projecteur sur lui et l’éloigner d’elle, elle avait bien remarqué la douleur qui tirait les traits de Rhett à chaque fois qu’il parlait de sa jambe ou de son accident. Soucieuse de ne pas contribuer à sa peine, elle avait pris soin de ne poser des questions à l’allure anodine.
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| | | | (#)Jeu 6 Fév 2020 - 14:57 | |
| A l’instant même où il prononça cette accusation, il sut qu’il était allé trop loin, qu’il avait outrepassé une de ces règles tacites que Sophia semblait avoir instauré, selon laquelle il était inutile, au pire dangereux, d’évoquer leurs différends au cours de cette visite de courtoisie (si c’en était bien là une). Et la sentence fut irrévocable. Si la jeune femme s’efforçait de rester maître d’elle pour garder bonne contenance, son regard clair trahit néanmoins son ressenti. Elle oscillait entre la colère et le dégoût. Peut-être le méritait-il. Sans doute. Soit parce que ses reproches étaient infondés, et cela faisait probablement de lui un sombre connard à ses yeux, soit parce qu’il avait raison et qu’elle n’avouait pas, n’acceptait pas ses plus bas instincts, malgré son démenti. « C’est bas, Rhett. Crois-moi, si quelqu’un voulait que tout ça en vaille la peine, c’est bien moi. » Faux. S’il y avait une seule personne sur cette Terre qui souhaitait que son couple n’ait pas été un terrible gâchis pour rien, c’était lui, et personne d’autre. Sainte Sophia, l’innocente., songea-t-il en son for intérieur, blasé par cette volonté qu’elle avait de se donner le beau rôle dans la tragédie qu’avait été leur relation. Aux dernières nouvelles, ce n’était certainement pas lui qui avait claqué la porte sans même un au revoir. Elle l’accusait d’avoir délibérément choisi sa carrière au détriment de son cœur, mais ça ne s’était pas passé comme ça. C’était plus facile de le faire passer pour le méchant de l’histoire plutôt que de se remettre en question.
S’il croyait à moitié à son discours, il décida néanmoins de s’excuser, et ainsi lui prouver qu’il était capable de faire un pas vers elle, d’enterrer la hache de guerre, occultant peut-être un peu vite le fait que c’était lui qui venait à peine de la déterrer. Il choisit même de se montrer sincère, mais comprit rapidement à sa réaction qu’il ne commettrait pas deux fois la même erreur. « Ça doit être les cheveux. Cette couleur est beaucoup trop voyante. » Ce qui n’aurait été autrefois qu’une plaisanterie, lancée vaguement entre deux sourires à vous couper le souffle, n’était aujourd’hui qu’une réminiscence du passé, rappel constant de ce qu’ils avaient tous les deux perdus. En ce qui la concernait, sa gentillesse, probablement. Elle avait dû l’égarer quelque part, à mi-chemin entre son cœur piétiné, la fierté bafouée d’Hassan et la déception légitime de Joanne. Elle leur avait fait du mal à tous les trois. Bien sûr, elle s’y était pris de différentes façons pour y parvenir, mais le résultat avait été le même. Ils pensaient tous les trois avoir définitivement tiré un trait sur la jolie rousse. Et la voilà qui réapparaissait dans leur vie comme un cheveu sur la soupe. Une soupe qu’il se garderait bien de boire…
Toutefois, et ce fut sa seconde erreur – et la dernière, se jura-t-il – il se risqua à l’inviter à prendre un verre ensemble, convaincu qu’une bière l’aiderait à se détendre, et à envisager les choses autrement. Plus sereinement. Mais le silence qui suivit cette proposition n’était pas de bon augure, et il comprit qu’elle rejetterait sans autre forme de procès toutes ses piètres tentatives, ruinerait tous ses efforts, repousserait toutes ses mains tendues. Comment en est-on arrivé là ? Il secoua la tête, dépité, déterminé à ne plus être aussi engageant à son égard, et à arrêter, une bonne fois pour toutes de se faire des illusions à son sujet. « Je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Et puis, je préfère ne pas m’attarder. » « Bah concrètement, t’es venue m’attendre ici pour quoi, alors ? », s’agaça-t-il, sourcils froncés. Si elle voulait jouer à ça, elle en oubliait un léger détail ; ils pouvaient être deux à jouer au con. Si elle n’était pas venue prendre de ses nouvelles, ni même la peine de s’excuser, alors pour quelle raison avait-elle fait la démarche de l’attendre à la sortie des vestiaires ? Elle aurait tout aussi bien pu satisfaire sa curiosité depuis les gradins, puis partir sans un bruit et ne jamais remettre un pied dans ce stade. Il n’aurait même pas cherché à la retrouver. Promis. Mais non, ça aurait été trop simple. Elle avait délibérément fait le choix de venir à sa rencontre, lui laissant entrevoir l’esquisse d’une paix, même fragile, entre eux, et détruisant ses espoirs tout aussi vite. Ce qu’elle donnait d’une main, elle le lui reprenait de l’autre. Devait-il encore s’en étonner ? Message reçu. Elle n’avait ni le temps ni l’envie de s’attarder autour d’une bière avec lui ; surtout pas l’envie. Sophia jouait avec ses nerfs, et le faisait tourner en bourrique (sa marque de fabrique), mais il ne s’en amusait plus comme avant. Il n’en avait plus la patience. A moins qu’elle ne cherche tout simplement à se faire désirer, comme à son habitude. Et bien, il ne lui ferait pas ce plaisir. Plus maintenant. A l’époque, déjà, la jeune femme l’avait toujours fait languir plus que de raison pour son bon plaisir, à tel point qu’il avait fini par abandonner tout espoir d’une relation avec elle, et s’était décidé à se remettre à fréquenter d’autres filles. Peut-être aurait-il dû en rester là, songea-t-il, renfrogné. Celui lui aurait épargné bien du temps et du chagrin.
Finalement, avant qu’elle ne retourne à sa vie bien rangée de femme parfaite, il tenta de comprendre ce que signifiait son retour en ville, et tâcha d’en prendre la température, histoire d’éviter de s’échauder à l’avenir. « C’est chez moi, non ? » se voulut-elle mystérieuse. « Ça l’était, répliqua-t-il, implacable, mais la question est de savoir si ça l’est toujours. » Elle qui avait tout quitté, tout abandonné derrière elle sans un regard en arrière, qu’avait-elle retrouvé, de retour au pays ? S’était-elle peut-être naïvement attendue à retrouver les choses telles qu’elle les avait laissées ? Elle n’avait sans doute pas pris en considération le fait que le monde ne tournait pas uniquement autour d’elle, qu’ils avaient continué à avancer, même sans elle à leurs côtés. Elle croyait peut-être que Joanne était toujours sa meilleure amie, Hassan toujours furieux contre elle, et Rhett toujours en Europe. La vérité, c’est que Sophia n’avait plus sa place ici. Elle avait perdu ce droit le jour où elle s’était enfuie de Brisbane. Mais le rugbyman n’était pas objectif ; il était plus facile de l’accabler pour son départ, plutôt que de chercher à comprendre les raisons qui l’avaient poussé à fuir. La vérité, c’est qu’il s’en fichait. Peut-être. Ou peut-être pas du tout. « J’avais des choses à lui dire. Une erreur à rattraper. », se justifia-t-elle de sa rencontre avec Hassan. « Et avec moi, non peut-être ? » soupira-t-il, incrédule. Il n’eut pas tout de suite conscience que ses mots avaient dépassé sa pensée, et qu’il venait de les prononcer à haute voix. Au moins son ami avait-il pu s’expliquer avec elle, lui qui lui avait avoué il y a peu de temps encore qu’il s’en voulait de s’être montré si dur envers Sophia. « J’en déduis qu’il ne t’a rien dit ? », se vanta-t-elle fièrement de sa découverte, comme si elle venait de mettre le doigt sur quelque chose de louche. Rhett haussa les épaules de manière faussement nonchalante, faussement sûr de lui, pour dissimiler son embarras. Le fait qu’elle soit allée trouver Hassan en premier, avec comme idée de réparer ses torts, sans prendre la peine de lui cacher qu’elle n’avait jamais eu les mêmes intentions à son égard le blessa. Et en bonne bête blessée qu’il était, il fonça dans le tas dans un ultime sursaut. « Peut-être qu’il a jugé que c’était trop insignifiant pour m’en faire part. », cingla-t-il. Redescends de ton piédestal, ma grande. « Fais mine d’être choqué, la prochaine fois que tu le vois, quand il t’annoncera que Sophia Caldwell est revenue d’entre les morts et qu’elle est même passée par son bureau. Même chose pour Joanne. » La mention de Joanne le renfrogna. « Essaye d’être une vraie amie, pour une fois, et ne va pas lui faire du mal encore. » Ok. Il le reconnaissait volontiers, il n’avait balancé cet ersatz de conseil que par pure méchanceté. Lui, sans doute mieux que personne, savait à quel point Sophia avait été une amie exceptionnelle pour Joanne. Mais ça, c’était avant. En cet instant, il avait le plus grand mal à la cerner ; il n’aurait pas vraiment su dire si elle avait changé du tout au tout ou si elle était toujours restée la même. Sans doute un peu des deux.
« C’était comment l’Europe ? Ça fait longtemps que tu es revenu ? »Elle usa des mêmes stratagèmes qu’il avait employé un peu plus tôt ; l’art de poser une question en apparence très innocente pour en apprendre beaucoup en réalité. Que cherchait-elle à savoir, exactement ? Depuis combien de temps traînait-il sa jambe comme un fardeau ? Depuis quand son dynamisme, son entrain et sa joie de vivre lui avaient été brutalement arraché par cette putain de voiture ? Comment en était-il arrivé à raccrocher les crampons, quand bien même il avait tout sacrifié pour suivre ses rêves ? « C’était génial. Les meilleures années de ma vie. », mentit-il, sans ciller. Sans toi semblait vouloir crier le court silence qui s’ensuivit. Pourquoi cherchait-il à vouloir ainsi lui faire de la peine ? Il estimait que si c’était lui qui frappait le premier, elle ne serait plus en mesure de l’atteindre. Elle l’avait déjà fait trop souffrir, hors de question qu’il ne lui laisse l’espace nécessaire pour qu’elle recommence ses méfaits. Fermé comme une porte de prison. Rhett fit ensuite mine de réfléchir, pour se donner une contenance. « Mmmh… Ça doit faire… Oui, ça doit bien faire deux ans maintenant. » , prétendit-il, comme si tout ceci était anodin. Bien sûr qu’il n’avait pas oublié la date de son retour au bercail, cette date était gravée dans sa chair au fer rouge depuis cet accident qui lui avait tout pris. Rien qu’à l’évocation de ce drame, il sentit ses poils se hérisser, et il vint machinalement se frotter les bras en tentant de chasser le souvenir de son corps trainé par cette voiture sur plusieurs mètres. « Et toi, tu te cachais où, pendant tout ce temps ? » détourna-t-il la conversation, qui semblait avoir retrouvé toute sa banalité des débuts. D’aussi loin qu’il s’en rappelle, leur relation avait toujours été en dents de scies, avec des hauts magnifiques et des bas terribles. L’avantage, à cette époque, était que leurs disputes se concluaient toujours de la plus belle des manières : sur l’oreiller, où ils transformaient leur rage en passion. Qu’est-ce qui avait précipité leur chute ? Étaient-ils trop différents, ou au contraire, trop semblables ?
« Ça y est, le peu de ton temps précieux que tu as daigné m’accorder est terminé ? »,rumina-t-il, encore froissé par son refus de tout à l’heure, sans prendre la peine de dissimuler son amertume, à l'idée de ne plus être digne de son temps comme autrefois. Il lui en voulait. Parce qu’il se rendait compte qu’il ne comptait plus autant dans sa vie, qu’elle dans la sienne. Et ça lui fit mal. Et bien pars, vas-y, pars. Pars, et ne reviens pas ! … Non, ne pars pas, pas maintenant. Ne pars plus jamais. Ils vivaient à une époque où les gens aimaient se détruire, et se faire du mal. Il ne voyait pas d’autre explication à leur comportement.
« En vrai Sophia, pourquoi tu es là ? », se radoucit-il en ancrant ses yeux clairs dans les siens, qui l'étaient tout autant. Ses yeux dans lesquels il s'était noyé trop de fois pour en sortir indemne. Et il comprit à cet instant précis, au-delà des apparences et des faux-semblants, qu'il n'avait jamais cessé de l'aimer. Et merde.
- Spoiler:
@Sophia Caldwell J'aime pas être méchante avec Sophia
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| | | | (#)Lun 10 Fév 2020 - 17:00 | |
| < A MOMENT OF FRACTURED TIME > A ROOM FULL OF FROZEN FACES, A MOMENT OF FRACTURED TIME, WE ECLIPSE IN A CONVERSATION, AS THE WORDS, THEY PASS US BY. FEAT. @RHETT HARTFIELD ------------------------------------------------------------------ « Bah concrètement, t’es venue m’attendre ici pour quoi, alors ? » Il lui tenait tête, et Sophia n’aimait pas ça. “ Appelle-ça de la curiosité morbide. “ contra-t-elle sèchement. Quand elle avait appris pour son accident, il avait fallu qu’elle en ait le cœur net. En outre, rien qui vaille qu’elle s’y attarde plus longtemps. Voilà la version qu’elle adopterait, la balle avec laquelle elle courrait jusqu’à l’autre bout du terrain. Bien sûr, ce n’était pas tout, mais qu’elle soit maudite si elle apparaissait un tant soit peu confuse et vulnérable en face de lui, et heureusement qu’elle avait toujours été douée pour réagir sur le champ, pour il avait bien failli l'avoir. Ce n’était pas la réaction qu’elle escomptait, mais elle pouvait difficilement s’en étonner. Pour autant, sa réponse ne se fit pas prier, et dans son comeback vibrait une certaine amertume qu’elle ne tenta même pas de dissimuler. Car ce qui était de prime abord une visite de courtoisie s’était bien rapidement transformé en bataille de mots en bonne et due forme, et les deux anciens amants semblaient tout deux déterminés à en sortir gagnant. Ajoutant à ça un rapide regard le long de sa jambe pour bonne mesure, et la rouquine goutait déjà la victoire. Son insulte de plus tôt hantant toujours son cœur, elle n’éprouva aucun remord à jouer selon les règles qu’il avait lui-même instauré. A l’amour comme à la guerre, tous les coups sont permis. Les scrupules viendront plus tard.
Pour autant, Rhett avait mis le doigt sur quelque chose : Pourquoi l’avait-elle attendue ? Pourquoi était-elle venue assister à ce match en premier lieu, et pourquoi avait-elle ressenti ce besoin de mettre fin à des années de silence ? Qu’espérait-elle tirer de cette conversation, si elle n’avait aucune intention de montrer ne serait-ce que le moindre soupçon de regret pour la façon dont les choses s’étaient terminées entre eux deux ? Sa curiosité n’était qu’une partie de la réponse, pour elle avait été assouvie avant même qu’ils échangent la moindre parole. Alors quoi d’autre ? Était-ce par pitié ? Était-elle simplement victime d’un élan de nostalgie provoqué par ses retrouvailles avec Joanne et Hassan, ses amis d’antan ? Était-ce parce qu’elle se serait sentie bien sournoise d’être simplement partie après avoir été repérée, et qu’elle tentait de faire preuve d’un peu de fierté ? Ou bien, et c’est ce qui l’effrayait le plus, tandis qu’elle s’essayait à réparer de vieux pots cassés, avait-elle un instant, en écoutant les histoires de leur ami commun, envisagé la possibilité d’une réconciliation après une éternité de bête rancune ? Sans doute un peu de toutes ces raisons à la fois. Mais cela importait peu au final, vu la vitesse à laquelle la conversation avait glissé en terrain dangereux. Si ses erreurs passées avaient enseigné à la rouquine l’humilité, et l’avait forcé à se regarder dans le miroir, elle avait jeté ses résolutions par la fenêtre. Elle avait prouvé sa bonne volonté en l’attendant jusque dans le hall, pour aisément dresser plus de barrières encore à la seconde où Rhett mordait à l’hameçon.
Elle ne pouvait qu’expliquer son comportement par la suivante : si elle était prête à enterrer la hache de guerre, Rhett lui en demandait trop. Elle ne saurait faire de compromis sur son cœur brisé. Et les sous-entendus de son interlocuteur ne la mettaient pas vraiment en confiance. « Ça l’était, mais la question est de savoir si ça l’est toujours. » Son audace entraîna un relevé de sourcil interloqué, et Sophia sentit ses muscles se tendre. Dans un geste de protection, elle croisa ses bras sur sa poitrine et visa le rugbyman d’un regard d’acier. Il avait mis le doigt sur quelque chose. Il était vrai qu’elle ne s’était pas particulièrement sentie chez elle depuis qu’elle était revenue. Tous ses repères disparus, elle retrouvait difficilement ses marques. “ On dirait que tu as un avis sur la question. Je suis toute ouïe. “ Là, elle cliquait volontairement sur ses boutons, curieuse de voir s’il foncerait tête baissée. Si tu as quelque chose à dire, dis-le Hartfield. Car s’il y avait bien quelque chose qu’elle détestait, c’était tourner autour du pot. Et elle n’eut pas à attendre bien longtemps avant qu’il ne se trahisse, lui assenant un « Et avec moi, non peut-être ? » bien amer lorsqu’elle se confia sur les raisons qui l’avait poussé à payer Hassan une visite. “ Non ! “ répondit-elle immédiatement, toute aussi sèche et implacable, son regard le défiant de la contredire ou de la lancer sur le sujet.
Et à partir de là, elle comprit que les jeux étaient faits, et que tout ceci ne les mènerait à rien de bon. Elle n’imaginait pas revisiter cette vieille page de sitôt, mais il était clair que même après toutes ces années, leurs avis sur leur tragique relation divergeaient. Or, Sophia ne se voyait plus débattre d’un coupable, encore moins avec le concerné. Revenir sur cette triste affaire n’était pas le but de sa présence, mais au moins savait-elle désormais à quoi s’en tenir. Son regard s’adoucit, et elle laissa ses bras pendre le long de son corps. Après ce mot décisif, tout ce qu’elle fut en mesure de produire fut un soupir attristé, réalisant que rien ne serait possible. Que si les plaies s’étaient refermées, les cicatrices substitueraient, rappelant à l’un à quel point l’autre l’avait blessé. Et que chaque subséquente conversations étaient condamnées.
Quand il sous-entendit, pas-si-subtilement, qu’elle était insignifiante, Sophia roula ses yeux dans les airs. Si elle ne voyait là-dedans qu’une tentative pour effacer son sourire suffisant, elle savait son arrogance bien placée. Elle les connaissait bien, Rhett mieux que quiconque. Son départ avait fait parler d’elle, et avait encouragé bien des opinions : sa fierté se verrait bafoué si son retour ne suscitait pas le même intérêt. Peu importe, Rhett pouvait prétendre que ça lui passait au-dessus de la tête, elle ne doutait pas un seul instant que sa prochaine conversation avec son meilleur ami tournerait autour d’elle. Sa prochaine attaque, par contre, ne fondit pas sur elle comme la précédente. Comme toujours, elle était hyper sensible à tout ce qui touchait de près ou de loin à Joanne. « Essaye d’être une vraie amie, pour une fois, et ne va pas lui faire du mal encore. » “ Je te demande pardon ? ” Cette fois-ci, la rouquine accusa le coup. Rhett avait trouvé la seule chose pour laquelle elle n’aurait pas de répartie. Et pour cause : que pourrait-elle bien rétorquer ? Elle avait blessé sa meilleure amie, c’était un fait. Un fait qu’elle devrait traîner avec elle pour le restant de ses jours, et qu’elle regrettera à jamais. Elle s’était préparée à beaucoup de choses, mais pas à ce qu’il utilise ça contre elle. Prise de court, Sophia resta silencieuse quelques longues secondes. La chaleur lui prenait le visage, et elle sentait ses pupilles s’humidifier. Mais seul le bitume pouvait voir sa peine. A Rhett, elle ne ferait jamais ce plaisir. Il l’avait déjà vu trop de fois pleurer. “ Comme si tu en avais quelque chose à faire. “ répondit-elle en grinçant des dents, évitant son regard diabolique comme si sa vie en dépendait. Aux dernières nouvelles, Joanne et Rhett ne s’étaient plus adressés la parole depuis le divorce, alors pourquoi s’inquiétait-il pour elle ? Sophia n’apprendrait que plus tard à quel point elle se méprenait, et à quel point les choses avaient changé.
Et il ne s’arrêta pas là, la narguant d'un « C’était génial. Les meilleures années de ma vie. » pour bonne mesure lorsqu’elle fit l’erreur de lui demander à propos de ses années en Europe. L’enfoiré. Il avait saisi la perche qu’elle lui avait tendu pour mieux la frapper avec. Elle se força à sourire, bien qu'une fois encore, le sous-entendu ne tomba pas dans l’oreille d’une sourde. Des mots si bien choisis, avec l’intention de rester le plus vague possible. Il ne dit pas grand-chose, mais ce que Sophia entendait, c’était que les années qui avaient suivi leur rupture avaient été les meilleures de sa vie et qu’il avait fait le bon choix en la quittant. Ce qui la blessait le plus, c’était qu’elle ne pouvait pas en dire autant. De bien des manières, la fin de sa relation avec Rhett avait commencé cet effet boule de neige qui finirait par la pousser hors de l’Australie. Tout avait changé après ça. Il avait embrasé son cœur, et laissé derrière lui une terre brûlée, infertile.
Quand il lui avoua que ça faisait deux ans qu’il était revenu – et donc, depuis son accident -, elle repensa à ce qu’il avait dit plus tôt. Elle n’était pas ravie de se savoir vengée, mais peut-être s’agissait-il là d’une manifestation du karma. Méritée ou non, peut-être que le fait qu’il soit forcé de vivre une vie misérable, comme elle, n’était que justice. Une façon de rétablir la balance.
« Et toi, tu te cachais où, pendant tout ce temps ? » Elle tiqua à ce mot ‘'cacher’’. Je ne me cachais pas, hésita-t-elle à répondre, avant de s’abstenir. Elle pourrait tout autant lui demander de lui rire au nez. “ Londres. “ admit-t-elle, la mâchoire serrée. “ J’ai reçu une opportunité intéressante quelques semaines avant mon départ. Je considérais déjà m’éloigner de Brisbane pour un temps, et les circonstances de l’époque m’ont poussé à sauter le pas. “ tenta-t-elle de se justifier malgré elle, non pas qu’elle s’attendait à ce qu’il puisse comprendre. Le fait étant que tout s’était enchaîné très rapidement, et qu’elle avait à peine eu le temps de penser. D’abord, sa rupture avec James, le seul homme qui avait failli réparer les dommages crée pour son amour d’université, puis l’annonce de la grossesse de Joanne, qui n’avait fait que surligner un fait qu’elle reniait depuis trop longtemps : elle n’était pas heureuse, et des mesures devaient être prises.
« En vrai Sophia, pourquoi tu es là ? » A Brisbane ? Ou ici-même, au stade ? Elle resta longtemps silencieuse, à le regarder dans le blanc des yeux, sans voix. Je te l’ai dit, je voulais voir ce qui avait entraîné la chute du grand Rhett. Qu’il aurait été facile, de lui rendre ses piques, de jouer au même jeu. Mais son regard la dissuada. Il lui tendait une opportunité qu’elle avait peur de saisir, mais qu’elle voulait tant attraper. “ Je ne savais pas que tu étais revenu ... “ murmura-t-elle, hésitante, la voix tremblante. Vraiment, elle n’en avait aucune idée. Elle pensait qu’elle ne le reverrait plus jamais, qu’il avait fait une croix sur son passé, que Brisbane était devenu trop petit pour lui. Elle pensait qu’il jouirait d’une grande et glorieuse carrière, et qu’il prendrait sa retraite quelque part de luxueux. Et elle était ravie de cette perspective. Ne plus jamais le revoir, ça lui allait très bien …
Et puis elle avait appris qu’il était là, si près. Et elle s’était inventé tous les mensonges possibles et imaginables pour justifier sa folle idée, quand la vérité était autrement plus simple, mais également autrement plus effrayante. “ Je pensais que je ne te reverrais plus, et ça m'allait très bien. Et puis j’ai appris que tu étais de retour, et je ne pouvais pas m’ôter cette idée de la tête. Je me suis dit que … puisqu’on vit dans la même ville, on n'a peut-être pas besoin de se traiter comme des étrangers. “ Elle baissa la tête, soudainement gênée. Ce n’était pas son genre, de se laisser aller à tant de sentimentalisme, mais Rhett l’avait progressivement mise à genoux. “ Parce que obviously, essayer de te considérer comme tel ne fonctionne pas. Et Dieu sait à quel point j'ai essayé. “
Au fond, elle n’avait jamais su vraiment l’oublier, et elle n’avait pas su résister.
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| | | | (#)Sam 15 Fév 2020 - 0:21 | |
| «Appelle-ça de la curiosité morbide. », fut tout ce qu’elle trouva à lui répondre, quand il s’enquit auprès d’elle des raisons qui l’avaient poussée à l’attendre à la sortie du vestiaire, comme elle en avait eu tant de fois l’habitude, par le passé. Ce même stade, ces mêmes couloirs, cette même porte, qui avaient été autrefois les témoins silencieux de leur amour et de leur complicité n’étaient aujourd’hui plus que le rappel de l’échec de leur relation. Pourtant, il s’en rappelait comme si c’était hier ; elle, plus belle que jamais, vêtue du maillot sur lequel s’étalait dans le dos HARTFIELD, comme la promesse de lui appartenir à tout jamais, qui guettait fiévreusement son arrivée, pour lui sauter dans les bras après une victoire, ou le consoler après une défaite. Alors, on en est là. Ses mots, tranchant comme des lames, le transpercèrent de part en part comme autant de coups de couteau dans le dos, qui le prirent de court et lui coupèrent le souffle. Pour un peu, il s’attendait presque à voir son t-shirt blanc se rougir, et révéler au monde entier ses blessures secrètes. Il ferma les yeux, l’espace de quelques secondes, tout au plus, pour dissimuler sa déception à son bourreau. Elle n’aurait été que trop satisfaite d’y découvrir toute sa détresse, toute la peine qu’elle venait de lui infliger. Voilà tout ce qu’il représentait pour elle, désormais : un banal phénomène de foire, un fait divers qui valait la peine qu’on s’y attarde deux minutes avant de tourner la page, et de noyer cet évènement dans un flux continu d’autres informations. Il était tombé bien bas. Il se savait diminué, lui, l’estropié, l’incapable, et c’était déjà suffisamment difficile à encaisser sans qu’en plus Sophia n’en rajoute une couche, et ne le confronte à ses pires craintes. Il ne valait plus rien. Il ne lui inspirait rien d’autre que de la pitié, et il se dégoûta d’être devenu l’homme qu’il était aujourd’hui. Il avait volé trop près du soleil, et la chute n’était pas que brutale. Elle était aussi mortelle.
Et la discussion avait continué à suivre son cours, avec ses hauts et ses bas, sans prendre ses états d’âme en considération, lui qui n’avait plus qu’une envie au fur à mesure que leurs paroles se caressaient ou s’entrechoquaient (selon leurs envie de se blesser ou de se rassurer) : celle de s’enfuir à toute allure, de laisser derrière lui les tourments de son âme, le dilemme entre son cœur et sa tête. De courir, encore et encore, toujours plus vite, toujours plus loin, jusqu’à oublier cette rencontre, jusqu’à l’oublier, elle. Mais touchée par ses dernières paroles, comme en témoignaient ses bras croisés sur sa poitrine, elle se rappela à son bon souvenir. « On dirait que tu as un avis sur la question. Je suis toute ouïe. » le défia-t-elle d’aller jusqu’au bout de sa pensée. « Sophia, soupira-t-il, tu as abandonné tes amis. Tu es partie du jour au lendemain, sans explication, en laissant tout derrière toi. Il ne fallait pas t’attendre à ce qu’ils guettent ton retour les bras grands ouverts. J’espère au moins que ça en valait la peine. » Cette fois, il était sincère. Vraiment. Qu’importe les raisons qui l’avaient poussé à fuir, il espérait qu’elle y avait trouvé son compte, et que sa fuite n’avait pas été vaine. Mais quelque chose lui soufflait que si elle était de retour à Brisbane, c’est qu’elle n’avait pas trouvé ce qu’elle cherchait, quoi que ce fût . Aveuglé par la rancœur qu’il éprouvait à son égard, il ne se rendit même pas compte qu’il l’accusait de crimes dont il s’était lui-même rendu coupable quelques années avant elle. Il lui reprochait d’avoir fui, sans réaliser que ce fut son cas aussi. Brisbane avait fini par devenir trop petite pour contenir leur guerre d’égo par amis interposés, pour endiguer leurs nombreux ressentiments et tous ces non-dits qui flotteraient éternellement entre eux jusqu’à leur pourrir la vie. Si bien qu’il avait pris la décision qui s’imposait le plus à lui. Il avait sauté sur l’opportunité qui lui était offerte de rejoindre un club français, pour s’éloigner le plus possible de Sophia. Loin des yeux, loin du cœur. C’était tout ce dont il avait eu besoin à ce moment-là.
« Non ! »s’irrita-t-elle quand il lui fit remarquer que leurs problèmes à eux non plus n’étaient pas résolus. A son cœur qui sembla s’écraser dans son estomac, il en déduit qu’il fut bien plus touché par ce rejet qu’il ne l’aurait imaginé. L’électricité ambiante menaça de les foudroyer à tout moment, tandis qu’ils se fusillèrent du regard, et gare à celui qui baisserait les yeux en premier. Les anciens amants campaient fermement sur leurs positions, et aucun des deux n’était prêt à céder à l’autre la moindre parcelle de terrain, comme s’il était question de vie ou de mort. C’était peut-être le cas, après tout. L’orgueil noué dans l’œsophage, il ne trouva pas les mots pour la convaincre de l’inverse, pour lui prouver qu’il restait encore entre eux des choses à régler. Qu’importait vraiment, après tout ? Il n’allait quand même pas s’abaisser à tenter de lui ouvrir les yeux. Sophia était plus bornée qu’une vieille mule, et ne reconnaitrait jamais ses erreurs. Parfaitement. Ses erreurs, puisque lui-même n’avait rien à se reprocher, pas vrai ? Au contraire. Il avait tout essayé pour sauver son couple de ce naufrage. Mesdames et messieurs, voilà ce qu’était concrètement un cas typique de mauvaise foi.
« Je te demande pardon ? , s’indigna-t-elle de sa remarque – presque – non fondée au sujet de sa grande amie Joanne. Comme si tu en avais quelque chose à faire. », accusa-t-elle le coup. « Bien sûr que j’en ai quelque chose à faire, s’agaça-t-il, hébété, comme si elle le prenait pour le dernier des imbéciles. Joanne ne mérite pas ça. Je n’ai pas envie qu’elle vienne pleurer sur mon épaule, à cause de toi. » A mille lieux de s’imaginer que Sophia n’avait pas été informée que les anciens amis avaient repris leur relation là où elle s’était arrêtée, à cause du divorce qui avait causé l’implosion de leur ancien groupe d’amis. Contrairement, cette fois encore, à Sophia, qui peinait pour retrouver sa place parmi les siens. « Londres. », admit-elle du bout des lèvres quand la conversation dériva sur l’exil de la jolie rousse. « Londres. », répéta-t-il, la voix éteinte, le regard dans le vide, anéanti par la soudaineté de cette révélation. Ils avaient tous les deux quitté leur Brisbane bien aimée, s’étaient envolés à l’autre bout du monde, de l’autre côté de la Terre, avec la promesse de nouvelles aventures, et l’espoir idiot de se reconstruire loin de cet autre qui les avait tant blessés, pour finalement n’être séparés que par un bras de mer. France-Angleterre. Paris-Londres. La porte à côté. Comme deux aimants, ils s’attiraient l’un vers l’autre. L’un à l’autre. Mais comme deux aimants, ils se repoussaient brutalement, incapables de franchir cette barrière invisible qu’ils avaient dressée entre eux. S’il l’avait appris à l’époque… Aurait-il envisagé les choses comme un coup de pouce du Destin ? Oui, lui souffla une voix intérieure. Oui, il aurait probablement sauté dans le premier avion pour Londres, comme dans l’uns de ces films à l’eau de rose, pour la rejoindre et lui avouer tout ce qu’il avait sur le cœur – et dont il prenait seulement maintenant réellement conscience. Mais il ne l’avait jamais su, n’était pas monté dans cet avion, et ne lui avait jamais déclaré sa flamme, alors à quoi bon ressasser le passé ? Leur relation n’était jonchée que d’opportunités brisées, et d’actes manqués. Du temps avait passé, depuis, mais l’eau n’avait toujours pas coulé sous les ponts. Elle stagnait en mares verdâtres et puantes, où baignait un mélange de ressentiments non digérés, de rancœurs inavouées et de rancunes tenaces, qui menaçaient à tout instant de leur exploser à la figure comme un geyser ardent. Et pour la deuxième fois de cette fin d’après-midi, il se demanda comment ils en étaient arrivés là. Quel gâchis. « J’ai reçu une opportunité intéressante quelques semaines avant mon départ. Je considérais déjà m’éloigner de Brisbane pour un temps, et les circonstances de l’époque m’ont poussé à sauter le pas. », se justifia-t-elle. « Quelles circonstances, Sophia ? », s’enquit-il, sincèrement concerné par les préoccupations qui l’avaient jetée sur les routes.
« Je ne savais pas que tu étais revenu, lui avoua-t-elle dans un murmure. « Je pensais que je ne te reverrais plus, et ça m’allait très bien. Et puis j’ai appris que tu étais de retour, et je ne pouvais pas m’ôter cette idée de la tête. Je me suis dit que… puisqu’on vit dans la même ville, on n’a peut-être pas besoin de se traiter comme des étrangers. » Ce fut la première discussion constructive qu’ils avaient depuis le début de leurs échanges. Ce premier pas qu’elle faisait vers lui signait peut-être là la fin de cette joute verbale qui rythmait leur tête-à-tête. Ils n’étaient pas des étrangers, non, ne l’avaient jamais été, et ne le seraient jamais plus. Il la connaissait par cœur ; tant de fois il avait usé sa bouche avec sa bouche, son corps avec ses mains, le reste avec les yeux. Il pourrait dessiner les yeux fermés la moindre de ses courbes, replacer avec précision le moindre de ses grains de beauté. Ravivé par le souvenir de sa chair contre la sienne, il se demanda comment son corps avait pu vivre aussi longtemps privé du sien. Arrête. Ça ne sert à rien. Troublé par l’émoi que faisaient resurgir tous ces souvenirs, il préférait ne pas s’aventurer sur cette pente glissante, pas même en pensées. Surtout pas en pensées. « Parce que obviously, essayer de te considérer comme tel ne fonctionne pas. Et Dieu sait à quel point j’ai essayé. » L’aveu le prit au dépourvu. Lentement, il assimila l’information. Malgré ses efforts, elle n’arrivait pas à le considérer comme un étranger. Son cœur tambourina dans sa poitrine comme s’il cherchait à s’extraire de sa prison doré, pour retourner dans les mains de Sophia, là où se trouvait sa véritable place. Arrête, se répéta-t-il une dernière fois. C’est fini, nous deux. Ils s’étaient déjà fait trop de mal pour espérer une autre fin que la leur à leur histoire. « On est deux, alors. , répondit-il dans un sourire triste. Lui non plus ne savait pas qu’elle était de retour au bercail, après des années de silence radio, et cette rencontre avait été un véritable choc émotionnel. On n’a pas besoin de faire semblant, tu sais. Un petit jeu auquel, pourtant, ils excellaient tous les deux. On a déjà réussi à s’éviter pendant des mois. Avant. Avant le mariage de Joanne et Hassan. Avant qu’il ne s’envole pour la France. On peut toujours recommencer. On est des adultes matures et responsables, non ? , se voulut-il ironique – ils étaient en vérité loin de l’être, quand ils se trouvaient ensemble dans la même pièce – un sourire charmeur sur les lèvres. Je t’aimais, Sophia., redevint-il soudainement plus sérieux, en replaçant machinalement du bout des doigts une mèche de cheveux rebelles derrière son oreille. Quand il en prit conscience, il s’arrêta net, interdit, trahit par son corps, surpris par son propre geste, qu’il avait effectué sans même s’en rendre compte. Il se racla la gorge, subitement embarrassé, avant de reprendre : Quoi que tu en penses, c’était sincère. Je veux juste que tu le saches. Avant que tu ne repartes à nouveau je ne sais où, pour je ne sais combien de temps. », ajouta-t-il, un léger sourire aux lèvres, un semblant de plaisanterie pour dédramatiser la situation. Dieu qu'il se sentait vulnérable de s'ouvrir ainsi à celle qui l'avait fait tant souffrir. Mais foutu pour foutu... Il était déjà un homme brisé, il n'avait plus rien à perdre.
Pour la première fois, il les voyait enfin tels qu’ils étaient vraiment : deux naufragés au milieu du désastre qu’étaient devenues leurs vies.
@Sophia Caldwell |
| | | | (#)Sam 29 Fév 2020 - 22:31 | |
| < A MOMENT OF FRACTURED TIME > A ROOM FULL OF FROZEN FACES, A MOMENT OF FRACTURED TIME, WE ECLIPSE IN A CONVERSATION, AS THE WORDS, THEY PASS US BY. FEAT. @RHETT HARTFIELD ------------------------------------------------------------------ « Sophia, tu as abandonné tes amis. Tu es partie du jour au lendemain, sans explication, en laissant tout derrière toi. Il ne fallait pas t’attendre à ce qu’ils guettent ton retour les bras grands ouverts. J’espère au moins que ça en valait la peine. » Sophia n'en croyait pas ses oreilles. " C’est vrai que tu sais une chose ou deux à propos d’abandon, n’est-ce pas ? “ Parce que quoi qu’on en dise, c’était ainsi qu’elle l’avait ressenti elle, quand il avait décidé de vendre ses valeurs pour devenir le parfait bachelor, même si cela signifiait qu’elle finirait sur la touche. Elle s’était sentie abandonnée, inutile, toute petite. Qu’il ait seulement considéré jouer aux jeux malsains de la presse était un affront en lui-même, mais qu’il ait osé se braquer quand elle avait refusé de se joindre à la partie avait été la goutte de trop. “ Et puis tu penses réellement que je m’attendais à ce que ce soit facile ? Bon sang Rhett, est-ce que j’ai l’air si stupide ? “ Sa condescendance était offensante, et Sophia n’appréciait pas du tout qu’il lui parle comme à une enfant, comme si elle avait des leçons à recevoir de lui. “ Crois-moi, j’ai parfaitement conscience de ce que j’ai gâché. “ Alors sur la défensive, la simple mention de Joanne suffit à l’adoucir. Elle n’avait que trop conscience du mal qu’elle avait fait à la jolie blonde, et cette idée ne manquait jamais de faire monter le rouge aux joues. “ Je sais que Joanne ne mérite pas ça. J’essaye de réparer les choses du mieux que je peux. Vis-à-vis d’elle … et aussi d’Hassan. “ continua-t-elle d’une voix un peu plus douce, la mention que cette dernière puisse seulement venir pleurer sur l’épaule de Rhett lui échappant complètement. Et, comme prise la main dans le sac dans un moment de faiblesse, elle se redressa et ajusta son armure. Elle n’allait pas le laisser profiter de cette opportunité d’appuyer là où ça faisait mal. “ Et épargne-moi tes sarcasmes, enchaîna-t-elle en le foudroyant du regard avant qu’il ait le temps de répondre, pour elle anticipait son rictus moqueur et l’insulte qui lui grattait très probablement la gorge. Je sais que j’ai la réputation d’être une garce bornée incapable de reconnaître ses torts, mais je n’ai pas besoin de l’entendre, en plus, de ta bouche. “ Se protégeant des coups avant même qu’il puisse serrer le poing, elle n’était que trop consciente de l’image que ses anciens amis gardaient d’elle, et le fait qu’elle ne soit pas totalement injustifiée l’empêchait d’espérer un minimum de grâce. Pourtant, elle supplia presque le rugbyman du regard de lui accorder juste un petit instant de répit, tout en se tenant prête à accuser le coup –parce qu’après tout, elle ne lui en avait montré aucune -. Elle inspira longuement, pour calmer ses nerfs. Ils avaient passé le plus clair de leur conversation à se rabaisser, et la rouquine ignorait combien de temps elle pourrait encore supporter ce manège. Ce n’était pas pour cette raison qu’elle était venue, les choses avaient juste … spiralées hors de contrôle, comme à chaque fois qu’ils se trouvaient dans la même périphérie, et que leurs émotions prenaient le dessus. Elle avait cru qu’après tant d’années, ils seraient capables d’agir en adultes, mais la passion n’était jamais morte, juste endormie : attendant la moindre petite étincelle pour se mettre à brûler de nouveau. Et si ces joutes eurent un instant le mérite de lui donner un peu de pouvoir, ce n’était plus tant le cas, pour chaque parole de Rhett la poussait un peu plus à genoux. Elle avait beau se tenir droite, et arborer une attitude fière, chaque sous-entendu, chaque insulte, chaque accusation la rendait un peu plus misérable, confuse et en proie à une telle honte que toutes les excuses du monde n’auraient su écarter. Elle avait peur de répondre à sa question : « Quelles circonstances, Sophia ? » Elle en resta pétrifiée un instant, puis sonda son regard pour détecter la moindre sincérité, inquiète qu’il veuille simplement l’attirer dans un piège, qu’il veuille seulement qu’elle se livre à lui pour qu'il puisse mieux se moquer d’elle, ou la condamner pour ce qu’il jugerait ne pas être une raison valable. “ J’avais l’impression que ma vie me glissait entre les doigts. “ cracha-t-elle avec rancœur, la voix tremblante, en l’implorant de ses yeux clairs de ne pas la frapper alors qu’elle était déjà à terre. Elle ne se sentait pas de rentrer dans les détails, de lui parler de James, de Joanne, et de tout le reste. “ J’ai comme l’impression que tu sais ce que c’est … “ murmura-t-elle tristement en se radoucissant. Si elle n’avait qu’un aperçu limité de sa situation, elle ne pensait pas se méprendre.
Et quand il lui demanda une nouvelle fois la raison de sa présence, elle baissa les armes pour de bon. En ce faisant, elle espérait se libérer d’un poids, mais l’embarras la collait à la peau, et devint plus brûlante quand il la lui rejeta au visage. Elle s’en voulait tellement, de faire ainsi la girouette. Elle avait honte d’elle-même, d'avoir étalé ses doutes, d’exposer sa vulnérabilité, de lui avoir montré avec tant de maladresse qu’elle-même ne savait pas ce qu’elle voulait ou ce qu’elle était venue faire ici. Elle avait honte de lui avoir craché dessus avant de considérer lui tendre la branche d'olivier. Et elle ne pouvait pas s’étonner qu’il l’ait repoussée de la sorte : c’était un juste retour de bâton. “ On n’a pas besoin de faire semblant, tu sais. On a déjà réussi à s’éviter pendant des mois. On peut toujours recommencer. On est des adultes matures et responsables, non ? “ Elle soupira avec déception en baissant son regard vers le bitume. Son refus avait été plus doux, mais Sophia sentit quand même la brutalité de son coup lui nouer les entrailles, et drainer toute sa fougue. Tout ce qu’elle voulait, c’était disparaître, et l’électricité qui lui donna la chair de poule au contact de ses doigts sur sa joue insuffla en elle un vent de panique qui la prompta à se tourner vers l’horizon, à se soustraire à son regard. “ Je t’aimais, Sophia. ” Pas assez. “ Arrête. “ supplia-t-elle en serrant les dents. Elle refusait de faire ça ici. Pas maintenant. Plus jamais. Mais Rhett n’en avait pas terminé : “ Quoi que tu en penses, c’était sincère. Je veux juste que tu le saches. Avant que tu ne repartes à nouveau je ne sais où, pour je ne sais combien de temps. “ Elle secoua la tête. Ces mots pour lesquelles elle vivait par le passé ne pouvaient aujourd’hui que la blesser. Elle jeta un rapide coup d’œil au stade, qui avait été le théâtre de leur idylle, et un vent de frustration s’empara d’elle. “ Si tu m’aimais, et que je t’aimais aussi … son cœur se serra, sa voix s’adoucit. Elle avait envie de vomir. … alors qu’est-ce qui a mal tourné ? “ Where did they go wrong ?
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| | | | (#)Dim 29 Mar 2020 - 11:32 | |
| Pour la première fois depuis qu’elle était arrivée, Rhett la regarda, la regarda vraiment. Son joli teint de porcelaine, ses yeux clairs à vous damner, où s’y décelait toujours cette lueur de défi, le menton haut et fier de ceux qui ne se laissent pas marcher sur les pieds, ses attitudes franches et déterminées qui laissaient deviner qu’elle savait ce qu’elle voulait, et qu’elle donnait tout pour y parvenir… Non, elle n’avait pas changé. Elle était restée telle que dans ses souvenirs, ce pourquoi il l’avait tant aimé, quand lui écornait complètement l’image qu’elle avait probablement gardée de lui. Pas étonnant, après ça, qu’elle soit à ce point déçue de l’homme qu’elle découvrait aujourd’hui. Comment lui en vouloir ? Il se sentit honteux, Rhett, se dégoûtait d’être devenu ce qu’il était par la force des choses, d’autant plus en sa présence. Il aurait voulu, lui aussi, lui montrer que tout allait bien dans sa vie depuis leur séparation, qu’il avait tourné la page et qu’il n’avait plus besoin d’elle, juste histoire d’être sur un même pied d’égalité que son adversaire du jour. Au lieu de ça, il ne lui avait offert en tout et pour tout que la vision d’un homme abîmé par la vie, poussé dans ses derniers retranchements, qui en voulait au monde entier pour le mal qu’il avait subi, pour le rêve qu’on lui avait volé. Mais il était tellement plus que ça, Rhett, et il se demanda si elle était capable de s’en apercevoir au-delà des apparences. Car quelque part au fond de lui, l’homme qu’il avait un jour été était encore là, enfoui, et ne demandait qu’un coup de pouce pour resurgir au grand jour. Il était déjà sur une bonne voie, songea-t-il, quand il repensait à la loque humaine qu’il était devenu juste après son accident… Il en avait fait des progrès, au prix d’intenses douleurs et d’immenses sacrifices, et ça, pouvait-elle le concevoir ? Pouvait-elle seulement s’en douter ? Quoi qu’il en soit, il prit la décision de ne plus s’énerver, de cesser leurs chamailleries, de se montrer mature pour deux, et de ne plus donner cet image d’homme aigri loin de la réalité, quand : « C’est vrai que tu en sais une chose ou deux à propos d’abandon, n’est-ce pas ? » « Non, mais tu déconnes ! », s’emporta-t-il, oubliant d’un coup les belles promesses tenues à l’instant. Jamais un menteur ne s’était encore parjuré aussi rapidement, mais Sophia avait toujours eu le chic pour le faire sortir de ses gonds. « Et je peux savoir à quel moment, moi, je t’ai abandonné ? C’est pas moi qui suis parti en claquant la porte, à ce que je sache ! » Il ne comprenait pas son point de vue. En fait, ils ne se comprenaient plus du tout, tous les deux. Ils possédaient chacun des souvenirs biaisés de leur relation, accusant l’autre de tous leurs maux, et croyaient chacun détenir la vérité absolue. Quand elle lui avoua qu’elle ferait tout ce qui était en son pouvoir pour améliorer ses relations avec Joanne et Hassan, l’excluant, lui, d’office, il comprit qu’ils avaient dépassé le point de non-retour. Il n’y avait plus aucun espoir de réconciliation, entre eux, si elle n’envisageait même pas d’essayer également d’arranger les choses avec lui. Et ce constat lui fit mal, parce que, quelque part, elle estimait que tout ce qu’ils avaient vécu ensemble n’était pas suffisamment important pour en tenir compte dans ses calculs. Très bien, se renferma-t-il comme une huître.
« Et épargne-moi tes sarcasmes. Je sais que j’ai la réputation d’être une garce bornée incapable de reconnaître ses torts, mais je n’ai pas besoin de l’entendre, en plus, de ta bouche. » Rhett leva les bras en signe d’accord tacite. « C’est toi qui le dis, pas moi. », se dédouana-t-il. Qui donc avait pu lui balancer ces vérités au visage ? Ce n’était certainement pas Joanne, qui était incapable de les penser, encore moins de les dire. Il ne pouvait donc s’agir que d’Hassan, ce qui ne l’étonna guère, le brun pouvait parfois se montrer très dur, et les mots dépassaient ses pensées, quand il était poussé à bout comme, il n’en doutait pas, Sophia avait pu le faire.
Etrangement, après leur soudain coup de sang, la tension retomba aussi vite qu’elle était apparue, et c’est plus calme qu’ils continuèrent leurs explications. « J’avais l’impression que ma vie me glissait entre les doigts, lui confia-t-elle tristement. J’ai comme l’impression que tu sais ce que c’est… » Rhett soupira, et acquiesça ses suppositions d’un mouvement de la tête, tout en passant une main dans ses cheveux. « Hey, vois les choses du bon côté, lui répondit-il doucement, un sourire en coin sur les lèvres, qu’importe ce que tu as vécu, ça ne pourra jamais être pire que moi. » Il ne cherchait pas à lui inspirer de la pitié, surtout pas, simplement à la faire relativiser sur les déboires qu’elle avait pu expérimenter dans sa vie. Car il l’imaginait difficilement connaitre des échecs, lui qui l’avait toujours placé sur un piédestal, mais après tout, elle lui avait déjà prouvé qu’elle n’était qu’une femme, avec ses fragilités et ses défauts.
Puis la conversation dériva jusqu’au moment fatidique où Rhett lui avoua (à ceci près que ce n’était pas une confession, elle avait bien dû s’en douter par le passé) qu’il l’avait aimé, comme il n’avait plus jamais aimé depuis, en fait, et que ce n’était pas des paroles en l’air. « Arrête. », lui ordonna-t-elle, mais il n’en avait pas fini. Pourquoi vouloir le faire taire, alors qu’il s’exprimait avec son cœur pour la première fois depuis le début de ces retrouvailles catastrophiques ? « Si tu m’aimais, et que je t’aimais aussi… alors qu’est-ce qui a mal tourné ? » Bien avisé celui qui saurait répondre à cette question… « Je ne sais pas. », murmura-t-il, sincère, en baissant la tête comme un enfant pris en faute. « Peut-être… j’en sais rien, peut-être qu’on n’était pas fait pour être ensemble, après tout. Comme Joanne et Hassan. », essaya-t-il de s’en convaincre, triste à mourir à l’idée d’avoir raison. Les mots, comme des lames dans sa gorge, lui écorchaient la bouche, et pour un peu, il s’attendait presque à en cracher du sang. C’était difficile d’admettre que, peut-être, cet amour qu’il avait toujours cru sincère et plus fort que tout, n’était en vérité pas si solide que cela… Il posa la main sur son épaule, comme pour l’absoudre de son souvenir, la libérer de son emprise et « Je suis désolé pour… » le mal que je t’ai causé. C’était tout, sauf volontaire. voulut-il terminer sa phrase, quand il fut interrompu par une voix dans le couloir.
« Désolé les tourtereaux de vous interrompre, mais je ferme tout ! » Nick. Old Nick, comme on l’aimait l’appeler ici. Le concierge du stade, qui avait depuis longtemps dépassé l’âge de la retraite, et pour qui il avait toujours eu une affection particulière, qui était réciproque. « Désolés Nick, on allait partir de toute façon. » On en a fini, ici aussi, songea-t-il, malade de chagrin, en reportant son attention sur Sophia. « Mes vieux yeux me joueraient-ils un tour ? Non, mais c’est bien Sophia ! Laisse-moi te regarder… Tu es splendide, ma fille ! Que je suis content de te revoir ! » De toutes les femmes des joueurs, Sophia était la préférée de Nick, à juste titre. Elle s’était toujours montrée si gentille avec lui, quand beaucoup d’autres l’ignoraient. « Ça me fait plaisir de voir que vous vous êtes réconciliés, tous les deux. Faut croire qu’un peu de bon sens est enfin entré dans vos caboches. Il était si triste, ce grand gaillard, quand vous vous êtes séparés. Un vrai crève-cœur de le voir comme ça. Il était… » « Hopopopop, l’interrompit-il avant qu’il ne balance une anecdote gênante sur le sujet, on doit y aller, je suis un peu pressé. », mentit-il en jetant négligemment un regard sur sa montre pour donner le change. Tu ne m’aides pas du tout, Nick. « On y va ? », demanda-t-il à Sophia comme s’ils allaient repartir ensemble, en sachant très bien qu’une fois les grilles du stade franchies, ils allaient tous les deux retourner à leur vie, chacun de leur côté.
« Si celui-ci ne veut plus de toi, n’hésite pas à revenir me voir ! », plaisanta-t-il une dernière fois.
@Sophia Caldwell |
| | | | (#)Lun 30 Mar 2020 - 3:22 | |
| < A MOMENT OF FRACTURED TIME > A ROOM FULL OF FROZEN FACES, A MOMENT OF FRACTURED TIME, WE ECLIPSE IN A CONVERSATION, AS THE WORDS, THEY PASS US BY. FEAT. @RHETT HARTFIELD ------------------------------------------------------------------ « Non, mais tu déconnes ! Et je peux savoir à quel moment, moi, je t’ai abandonné ? C’est pas moi qui suis parti en claquant la porte, à ce que je sache ! » Et voilà qu’ils remettaient ça. Il ne s’agissait plus là de chamailleries immatures alimentées par une vieille rancune, mais bien d’une dispute, réminiscente de celles qu’ils avaient eu à l’époque. C’était comme s’ils n’avaient rien appris. A les entendre, on pourrait croire que toutes ces années de silence n’avaient pas eu lieu, et que leur rupture était encore fraîche. « Non, j’en ai terminé de me battre à ce sujet », conclut la rouquine, qui s'inquiétait des eaux dans lesquelles ils s’entraînaient mutuellement, accompagnant sa décision d’un regard sévère qui en disait long. Pourtant, elle en aurait des choses à lui rétorquer. Elle avait beau avoir claqué la porte, rien de tout ça ne serait arrivé s’il ne lui avait pas craché au visage juste avant. Mais elle avait fait sa paix avec la fin de leur chapitre, s’était convaincue si efficacement qu’elle en était sortie totalement immaculée, et si les années passées n’avaient pas guéri les blessures autant qu’elle ne l’aurait espéré, elles avaient au moins renforcé cette conviction. Pour autant, elle accepta que Rhett tienne à sa propre version au moins juste autant qu’elle à la sienne. Ce n’était pas aujourd’hui qu’ils réécriraient l’histoire.
« C’est vrai que ça met les choses en perspective. », concéda-t-elle après que Rhett rejeta ses confessions. Ses petits problèmes pâlaient en comparaison à ce qu’il avait dû vivre. Heureusement que Sophia n’avait jamais été du genre à s’apitoyer sur son sort, pourtant penser à son accident la mettait mal à l’aise. Peut-être était-ce le fait qu’elle avait encore du mal à réaliser, ou qu’elle s’empêchait de dire quoi que ce soit par peur que ce qu’elle trouve à dire ne lui paraisse insincère. « Mais tu as l’air de pas trop mal t’en sortir, toutes choses considérées. » Elle n’en savait rien. Elle n’avait pas grand-chose sur quoi se baser, et le peu qu’elle avait observé la rendait incertaine de la véracité de ses propos, pour autant Rhett pouvait toujours tenir debout, jouissait d’un travail dans un milieu qui le passionnait et était entouré de gens qui tenaient à lui. C’était plus que ce qu’elle avait. « Pour ce que ça vaut, je suis contente de voir que tu as su retomber sur tes pattes. Sans mauvais jeu de mot. » Si elle l’avait recroisé au zénith de sa gloire, sans doute aurait-elle tenu un discours différent. Elle se serait contentée de le savoir malheureux en amour, ou de voir sa popularité si désirée se retourner contre lui, mais ça … Même elle, elle n’aurait jamais souhaité une telle tragédie.
S’il y avait une leçon à tirer de tout ça, c’était qu’ils n’étaient que les esclaves des circonstances, les pions d’un jeu géant qui leur échappait complètement. Peut-être que c’était aussi simple que ce que Rhett affirmait : « Peut-être… j’en sais rien, peut-être qu’on n’était pas fait pour être ensemble, après tout. » Comme Joanne et Hassan. Cette idée lui resta dans la gorge. Pourquoi alors avait-elle ressenti toutes ces choses pour quelqu’un avec qui elle n’était pas censée finir ? Quelle leçon était-elle censée tirer de ce fiasco ? Non, cette perspective était simplement inacceptable. « Je ne pense pas que ce soit vrai. », murmura-t-elle, pensive. Ils étaient faits pour être ensemble. Tout le monde s’accordait pour le dire. Peut-être que ce n’était plus le cas maintenant, mais ça l’était, à l’époque, avant que quelqu’un, quelque part, ne merde royalement. Lui. Ou elle. Ou ce recruteur qui l’a approché, l’avait tiré loin d’elle. Le début de la fin. Elle avait analysé les éléments sous tous les angles, avait observé tous les scénarios : leur histoire était comme une succession de dominos, s’écroulant les uns après les autres. Bouge une pièce, et tout change : Rhett aurait pu être le deuxième meilleur joueur de son équipe, et la gloire serait revenu à un autre, alors peut-être jouiraient-t-ils tous les deux du bonheur qui leur avait été arraché. Elle soupira avec résignation : elle avait perdu assez de son temps avec les et si quand leur couple s’était effondré, et tout ça n’avait plus d’importance désormais.
Le contact de la main de Rhett sur son épaule la tira de ses rêveries, et leur échange mélancolique sonnait comme la conclusion qui manquait à leur histoire. Les mots faisaient mal, mais ils se parlaient enfin sans artifices, semblaient tous deux avoir mis leur amertume de côté pour confronter ce qui les rongeait de l’intérieur. « Je suis désolé pour… » commença-t-il, et Sophia sentit son cœur s’emballer, avant qu’une voix familière ne fasse éclater leur petite bulle. « Désolé les tourtereaux de vous interrompre, mais je ferme tout ! » Prise par surprise, la rouquine sursauta en direction du vieux concierge, qui abordait la même dégaine que dans ses souvenirs, tandis que Rhett lui assurait leur départ imminent. « Nick, gratifia-t-elle le vieil homme d’un grand sourire. Ça me fait plaisir de te croiser. Toujours fidèle au poste à ce que je vois. Tant mieux, ce stade tomberait en poussière sans toi. » Non seulement gardien des lieux, Old Nick était également gardien des nombreux souvenirs piégés dans ces murs. Oh, toutes les histoires que ce vieux bougre pourrait raconter. Les voir tous les deux avait dû lui rafraîchir la mémoire, et le récit qu’il leur conta, Sophia aurait préféré qu’il le garde pour lui. Si d’ordinaire, elle se serait amusée de l’embarras au dépend de son interlocuteur, cette fois, elle ne put qu’observer le concerné avec regret. Il aurait presque réussi à toucher une corde sensible, si elle n’avait pas tant de mal à l’imaginer triste. Après tout, ce dénouement, c’était lui qui l’avait choisi. Ou alors se trompait-elle sur toute la ligne.
« On y va ? » Elle acquiesça, et après avoir salué le concierge, ils marchèrent en silence jusqu’à l’entrée du stade. Une fois les grillages derrière eux, quand ils ne purent plus prétendre se diriger dans la même direction, ils s’arrêtèrent et se firent face une dernière fois. « Je suppose que tout a été dit. » Elle soupira bruyamment. S’ils se mirent silencieusement d’accord pour ne pas parler du récit de Old Nick, la tension semblait être remontée en flèche. Alors Sophia se résigna à livrer le fin mot de l’histoire : « Prend soin de toi, Rhett. » Et puis elle tourna les talons et s’éloigna vers le parking, en se maudissant silencieusement d’être venue. - - THE END. - -
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| | | | | | | | a moment of fractured time ☆☆ (rhett) |
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