Primrose est bien plus résistante qu'elle n'en a l'air. Je le sais et je l'ai toujours su. Elle a beau avoir l'air d'être quelqu'un de fragile qui risque de s'envoler au moindre coup de vent ou se casser si on la touche, je sais qu'elle a bien plus de force qu'on ne lui concède. Mais ça, le Dr Stevens ne l'a pas encore remarqué. A chaque fois que nous allons le voir pour les rendez-vous obligatoires, il pense que Prim ne se repose pas assez, qu'elle doit ralentir car son corps se fatigue bien plus que la normal. Et à chaque fois que nous sortons de chez lui, mon épouse est encore plus décidé à lui prouver qu'il a tort. Et ce à juste raison ! Elle se connaît assez bien pour savoir ce qui est bon pour elle et, j'ai beau la soutenir du mieux que je peux, je ne peux m'empêcher de lui demander assez régulièrement de se reposer un peu plus.
Mais peu importe. Lorsqu'elle me dit qu'elle se sent capable de faire le voyage en avion, je la crois sur parole. «Le confort ce n'est pas ce qui manquera, je t'en fais la promesse » indiquais-je «Si tu te sens capables de supporter ces heures de vols, alors on ira » indiquais-je avant de toute de même lui préciser que ce n'est vraiment QUE pour des vacances, que jamais je ne lui demanderais de repartir totalement à Brisbane. Car effectivement, je sais ce que la ville représente pour elle. Ainsi donc, j'hoche simplement la tête, souriant aussi lorsqu'elle me dit que si jamais j'en peu plus de New-York et que j'ai besoin de changer d'air, je devrais aussi le lui dire. «T'inquiète pas pour ça » ais-je tout juste le temps de promettre avant que William Redford ne vienne vers moi.
S'en suit tout genre de discussions entre lui, moi et d'autre comédiens qu'il me présente. Il me prend sous son aile et je lui en serais sans doute éternellement reconnaissant, jusqu'à ce qu'il ne doive s'en aller. Avec Primrose, nous restons encore quelques minutes de plus au niveau du buffet avant d'aller nous installer à nos places respectives. Là, je ne peux m'empêcher de faire un peu d'humour qui a tôt fait d'aider mon épouse à se détendre d'avantage. Elle se moque gentiment, heureuse que je lui en donne l'opportunité et je rigole avec elle lorsqu'elle me dit que la grossesse me va bien. « Ouais non, je vais plutôt te laisser gérer ce côté de la chose, ok ?» dis-je me redressant, remettant mon costard en place afin d'essayer de dissimuler mon ventre un peu trop remplie et lui demande comment elle se sent. C'est avec un sourire de soulagement que je l'écoute m'annoncer qu'elle va beaucoup mieux et qu'elle s'inquiétait sans doute pour rien. «C'est ça. En fait c'est beaucoup plus impressionnant que ça ne l'est réellement. Les gens sont, malgré tout, pas mal adorable et … bref ouais, c'est cool que tu te sentes mieux du coup » je lui caresse tendrement le bras en lui souriant doucement avant que ce sourire ne se transforme en grimace lorsqu'elle me retourne la question « M'en parle pas» soufflais-je «je crois que je ne me suis jamais senti aussi nerveux en vrai » je prend une profonde inspiration avant de changer de sujet, me demandant à haute voix qui fera le show d'ouverture. « Nop. Enfin en général on le sait mais cette année apparemment ils ont décidé de garder le tout super secret. Aucune idée pourquoi»
Mais je me rend compte que nous le sauront bien rapidement. Même pas cinq minutes après mon questionnement, les lumières s'éteignent et lorsque les applaudissements cessent, les projecteurs se mettent à éclairer les rideaux qui dévoilent un spectacle haut en couleur et mené par personne d'autre que Charles en personne. J'avoue que j'hallucine pas mal et c'est, bouche bée de surprise, que je l'observe, danser et chanter comme si son âge lui importait peu, comme s'il était à nouveau ce jeune comédien qui a percé à Broadway à 29 ans et qui a, depuis, une renommée mondiale.
Et lorsqu'il s'arrête, c'est sous un tonnerre d'applaudissements et une standing ovation plus que mérité, qu'il fait sa révérence et ses quelques remerciements avant d'annoncer l'ouverture des nominations. « Donc en fait Charles est un menteur» glissais-je à Primrose «Il n'est pas venu pour moi mais pour l'ouverture du spectacle » je rigole doucement, amusé, aucune trace d'animosité ne se trouvant dans ma voix. «Mon dieu mais ce show ! J'arrive pas à croire que j'ai été formé par cet homme quoi, sérieux ... » hallucinais-je, m'installant à nouveau confortablement dans mon siège «Un jour je ferais pareil » dis-je avec une certaine ironie mêlé à une rêverie et peut-être même une sincérité.
Everything could've been anything else and it would have just as much meaning
Retourner à Brisbane en avion dans les prochaines semaines m’enthousiasme autant que ça me terrifie mais je suis rassurée que Clément le comprenne et je sais qu’il sera là, à mes côtés, pour faire en sorte que les mauvais souvenirs ne surpassent pas les bons. Tout sera différent à présent, j’ai échangé de vie, j’ai construit quelque chose de stable grâce à lui et je m’apprête à vivre un tournant décisif dans ma vie de femme en fondant cette famille qui m’a tant fait rêver depuis le moment où j’ai rencontré Clément. Je ne laisserais pas mes vieux démons remonter à la surface, c’est certain et je sais qu’il fera tout pour que ça n’arrive jamais parce qu’il m’a aidé à m’en sortir et qu’il sait plus que quiconque à quel point ça a été difficile. Le monde de la nuit, la prostitution, la drogue et les relations qui sont tissées dans ce milieu ne peuvent pas être quittés en un claquement de doigts, ce serait trop facile. « Je te fais confiance. » Ça a toujours été le cas et ce sera toujours le cas, il est ma moitié et je ne vois pas comment je pourrais agir autrement qu’en remettant ma vie entre ses mains si je devais avoir à le faire. Alors un vol en avion, ce n’est rien du tout et je suis certaine que tout se passera très bien. Ce sera un beau voyage. Je vais revoir mes proches et la ville dans laquelle j’ai passé toute mon adolescence, ce n’est pas rien. En plus, je crois que tout ce qu’il a laissé derrière lui manque un peu à Clément même si je sais qu’il est parfaitement heureux ici. Je comprends sa nostalgie et on envie de renouer avec cette ville qui contient tant de souvenirs pour lui comme pour moi. « On pourra choisir les dates demain. » Le plus tôt sera le mieux si on veut s’organiser pour que ce voyage ait lieu avant la naissance du bébé. J’ai hâte de pouvoir prévenir ma famille de notre arrivée et hâte de partager ça avec lui et ce, malgré toute l’appréhension qui accompagne ce voyage important.
Le passage auprès du buffet est une réussite et contribue à nous détendre tous les deux. Les conversations sont agréables, je rencontre des personnes adorables et loin des clichés de prétention qu’on pouvait imaginer vu de l’extérieur. Je suis donc nettement plus à l’aise quand nous allons nous installer dans nos sièges et je crois que ça se ressent sur ma manière de me tenir et de m’exprimer. Clément aussi a l’air nettement moins angoissé que lors de notre arrivée même si sa grande soirée ne fait que commencer, je sais que tout ce qui va suivre le stresse énormément mais il parait tout de même plus détendu après avoir parlé à des connaissances ou amis et s’être rendu compte qu’il était à sa place parmi eux. « C’est trop facile, ça. » Je rétorque, sourire aux lèvres alors qu’il tente de dissimuler son ventre un peu trop rempli par l’excellente nourriture mise à notre disposition. « J’aimerais bien te prêter mon ventre de temps en temps pour faire une petite pause. » Le ventre amovible, concept très intéressant qu’il faudrait faire breveter, ce serait une chouette invention. En réalité, je sais bien que j’ai de la chance de pouvoir vivre une telle chose, d’avoir cette relation exclusive avec ce petit être humain pendant neuf mois alors que tous les papas du monde ne peuvent qu’attendre sa venue pour tisser ce lien si particulier entre un père et son enfant. Je suis sûre que Clément sera un père formidable et de mon côté, être avec celui que j’aime me permet de mieux gérer mes angoisses et d’envisager un avenir bien plus serein. Si j’ai toujours eu une piètre opinion de moi-même, j’ai de grands espoirs concernant mes capacités maternelles. J’ai tellement envie de pouvoir rattraper avec ce rôle important toutes les années durant lesquelles j’ai été incapable de faire les bons choix que je me mets une pression qui n’a sûrement pas lieu d’être. « Tu vas être fabuleux sur cette scène, j’en suis certaine. » Je glisse mes doigts entre les siens, dans un geste qui se veut rassurant. Quels que soient les prix donnés ce soir, Clément a largement gagné à mes yeux et même si je comprends qu’il soit angoissé, il est fait pour être sur scène alors ça se passera bien.
Le show commence enfin, répondant immédiatement à nos interrogations quant à l’ouverture du show. Je crois que je suis aussi surprise que Clément de voir Charles monter sur scène et donner immédiatement le sourire aux gens qui entrent dans l’ambiance avec énormément de facilité. Je suis bluffée par son talent et très heureuse de voir celui que je considère désormais comme un ami avoir le droit à son heure de gloire amplement méritée. Son ouverture est un sans faute et lorsque je jette un coup d’œil à Clément, je me rends compte qu’il est aussi émerveillé que moi et certainement un peu ému, aussi. Ma main resserre sa pression sur la sienne alors qu’il commente, amusé, la prestation que nous avons sous les yeux. « Je suis certaine que même sans l’ouverture, il serait venu pour toi. » Charles et Clément, ce n’est pas qu’une histoire de professionnalisme, il y a aussi une amitié derrière tout ça. Je sais très bien que cet homme a été un grand soutien pour lui dans une période un peu délicate et je reste persuadée que la présence de Charles est en partie pour Clément et non pas seulement pour le show en lui-même. « Il a beaucoup de talent. » Je confirme, enthousiaste et prête à le regarder encore et encore pendant les prochaines heures. « Lorsque ce sera ton tour, réserve-moi une place au premier rang. » Et peut-être que ce jour-là nous aurons nos enfants à nos côtés, fiers de pouvoir applaudir leur père. Ce serait magique, mais je me garde de prononcer ce rêve à voix haute, désireuse de ne pas trop me projeter vers cet avenir radieux qui nous tend les bras de peur qu’il s’envole d’un seul coup. Les nominations commencent et j’ai l’impression que Clément est un peu plus tendu désormais. « Essaie de respirer calmement, je ne suis pas sûre d’être capable de te porter jusqu’à la scène après tout ce que tu viens de manger. » Je plaisante, pour tenter de le dérider. Au fond, je suis certaine qu’il peut gagner et même qu’il va gagner, ça me parait tellement évident.
Tout se passe tellement bien. Bien mieux que ce que je n'aurais imaginer. Avec mon épouse nous nous mettons d'accord sur le fait que demain nous choisirons les dates pour un prochain retour en terres Australiennes, avant qu'on ne soit diriger vers le buffet où nous nous régalons et mangeons sans doute plus que de convenance tout en engageant de nombreuses conversations. Faisant connaissance avec de nombreuses célébrités, je nous sens de plus en plus serein, tous les deux. Et c'est ce que je m'empresse de dire à Primrose lorsque nous prenons places en salle. Mon trait d'humour parvient à la faire rigoler et je me joins très rapidement et facilement à son rire, avant de lui offrir un sourire attendris lorsqu'elle me dit que parfois elle aimerait bien pouvoir me prêter son ventre de temps en temps.
« Ce n'est pas possible, malheureusement» soufflais-je en me penchant vers elle « Mais crois moi, si ça pouvait se faire, je l'accepterais sans hésiter et sans poser de questions» j'hausse les épaules « En attendant je ne peux que compter sur toi et ta sincérité pour me dire quand ça va pas» je me penche vers elle pour l'embrasser avant de me caler à nouveau dans mon fauteuil.
Les doigts de mon épouse venant enlacer les miens sont presque plus rassurant que ses paroles qui disent être persuadées que je serais fabuleux sur scène. Encore faut-il que je gagne quoique ce soit. Mais au final, je ne me fait pas trop d'illusions : j'ai beau être nominé, je suis en compétition contre des comédiens bien meilleur que moi. Toutefois, décidant de me montrer un peu positif, je lève ma main qui tient celle de Primrose et embrasse tendrement ses doigts avant que le show ne commence.
Et quel show ! Je m'attendais à absolument tout, mais pas à Charles qui danse et qui chante devant nous et qui fait exactement ce pour quoi j'aspire. J'ai le regard fixé sur lui, je l'observe avec attention et analyse tous ses faits et gestes, profitant pleinement de ce talent qu'il nous montre et nous offre. A la fin, je fait parti des premiers à me lever en sifflant, engendrant une standing ovation plus qu'amplement mérité. C'est, le regard brillant et un large sourire sur les lèvres, que Charles s'incline et salut le publique avant de disparaître dans les coulisses.
M'installant à nouveau, j'explique à Primrose qu'un jour je ferais pareil et rigole doucement lorsqu'elle réserve d'avance des places au premier rang. « Carrément en coulisse si tu veux même» indiquais-je avec un clin d’œil alors que les premiers présentateurs arrivent sur scène pour remettre les prix. Je sens, tout à coup comment la nervosité revient me retourner les tripes et ressert légèrement mes doigts autour de ceux de mon épouse. Celle-ci m'indique de respirer calmement car elle serait bien incapable de me porter sur scène après tout ce que j'ai mangé. «T'es bête » dis-je en rigolant doucement, ce qui à au moins le mérite de me dérider un peu.
Les annonces de gagnants passent les uns après les autres, les vainqueurs montent sur scène pour déclamer leur discours de remerciement, et la nervosité que je ressens se transforme en excitation lorsque Charles revient au micro, disant que c'est lui qui annoncera le prochain prix, qui est celui pour lequel je suis nominé. Lâchant la main de Primrose, je me redresse légèrement et l'écoute avec attention. «[...] et le prix du meilleur comédien dans une comédie musicale revient à ...» qu'il dit avant d'ouvrir l'enveloppe. Son visage s'éclaircit tout à coup alors qu'il s'approche à nouveau du micro avec un très large sourire «CLEMENT WINCHESTER ! »
Et je ne réagis pas. Je reste sur place, les yeux écarquillé et la bouche entre ouverte, me demandant sincèrement s'il a réellement prononcer mon nom et mon prénom. Il y a demi seconde de flottement où tout son semble avoir cessé, avant que les hurlements des uns et des autres ne retentisse et que je me retrouve avec Primrose accrocher à mon cou. On me tape sur les épaules et dans le dos, on me félicite et je ne sais pas comment réagir. « C'est le moment de monter sur scène Clément» souffle l'homme à mes côtés. Je pose mon regard sur lui, puis hoche la tête et me tourne vers Primrose. Et c'est là, en voyant son sourire radieux que je me rend réellement compte de ce qui vient de se passer. « Je l'ai fait ...» soufflais-je alors que les bras de mon épouse m'entourent à nouveau et que je me sens attirer contre elle. Je ferme un instant les yeux, avant de me redresser. J'échange un dernier regard reconnaissant avec la future mère puis me détache d'elle et me dirige vers la scène.
Sous les applaudissements et les félicitations, je monte les escaliers et me dirige vers Charles qui n'attend pas pour me rejoindre et me prendre dans ses bras en une étreinte pure et sincère. «Bravo champion » souffle-t-il «Je savais que tu y arriverais » et je le crois. Charles a toujours été sincère et à toujours su m'encourager. En me redressant, c'est un sourire radieux que je pose sur lui avant de me diriger vers la personne qui tien la statuette que je prend délicatement en main. Après l'avoir remercier, je suis plus ou moins poussé vers le micro.
Devant le pupitre, mon regard se pose sur le public qui se tait subitement, attendant sans doute mon discours. Toussotant légèrement, je me penche en avant « Avant tout chose, j'aimerais ne pas remercier Richard Mckenzie pour m'avoir répété qu'il m'était inutile de préparer un discours parce que je toute manière c'est William Redford qui gagnerait» dis-je avec un regard appuyé sur Richard qui n'est personne d'autre que le metteur en scène avec lequel je travail depuis plusieurs mois « Merci mon vieux, tu viens de m'éviter plusieurs semaines de travail juste pour que je puisse me ridiculiser devant tout New-york, c'est ça ?» demandais-je, l'ironie dans ma voix étant bien présente. Je vois Richard qui hausse les épaules d'un air innocent avant de rigoler doucement et reporter mon regard sur le reste du publique. « Évidemment, je remercie tout ceux qui ont crut en moi. Mes parents qui ne sont pas là, mes meilleurs amis qui m'observent peut-être à la télé à l'autre bout du globe, mes ennemis qui ont tous essayé de me mettre des battons dans les roues, mes erreurs de parcours qui m'ont déstabilisé assez fortement pour que je doute de tout ça ... » je pose mon regard sur Primrose « ma merveilleuse épouse qui dû supporter bien des choses avec moi mais que je remercie plus que quiconque d'être là pour moi et de m'avoir suivi dans cette vie d'incertitude et dans mes idées bizarres» je souris doucement « Merci ma chérie, je t'aime plus que tout au monde et je suis plus qu'honorer que dans quelques mois j'aurais le statut de père»
Une exclamation de surprise passe à travers le public avant qu'un tonnerre d'applaudissements ne se fasse entendre. Je rigole et pointe Primrose du doigt «Profites en, ces applaudissements sont pour toi, ma merveille » je lui offre un clin d’œil et attend quelques instants « Et la dernière personne à remercier c'est lui» je désigne Charles d'un coup de tête, déclenchant la surprise sur le visage du metteur en scène « Lorsqu'il a reprit les rênes de la Northlight Theater Company de Brisbane, je savais qu'il allait en faire quelque chose de grandiose. » je me tourne vers lui «Charles, merci de m'avoir donner ma chance, d'avoir été présent pour moi à tout instants, de m'avoir mit des coup de pied au cul quand ce fut nécessaire et d'avoir tout simplement cru en moi. Sans toi je ne serais sans doute pas ici aujourd'hui. Je... » ma voix se brise sous l'émotion et je me passe une main sur le visage, essuyant de larmes de bonheur « Merci, tout simplement»
Délaissant le micro, je retourne prendre mon ancien metteur en scène dans mes bras et laisse durer l'étreinte qu'il me retourne, avant de le relâcher et descendre de la scène pour rejoindre ma place, ne résistant pas au fait d'échanger un long et amoureux baiser avec Primrose avant de me laisser tomber sur mon siège en soupirant doucement, le cœur battant à la chamade.
Everything could've been anything else and it would have just as much meaning
J’ai l’impression de vivre un rêve éveillé, cette soirée est absolument parfaite et se déroule à merveille. Notre nervosité évidente s’estompe alors que nous passons une agréable soirée et ce n’est que lorsque nous nous installons à nos places respectives que je sens mon mari se tendre de nouveau malgré l’humour dont il fait preuve. L’échéance approche, ça se sent, et même si je sais qu’il pourrait se montrer bon perdant, j’ai également conscience de l’importance de ce prix. Il le mérite. Je ne suis pas du tout objective mais je le pense sincèrement. Il a traversé tellement de choses pour son jeune âge, il s’est battu contre les statistiques et a toujours triomphé, cette victoire serait une telle récompense pour lui avec une signification toute particulière. Ma fierté quand je le regarde est immense mais je n’ai pas besoin qu’il remporte un prix pour ressentir tout ça et je sais que, en revanche, lui aurait bien besoin de ce symbole pour représenter le travailleur acharné qu’il a toujours été. « Je suis sûre que tu le ferais. » C’est à moi de vivre cette grossesse mais j’ai la chance d’avoir un mari prévenant à mes côtés qui se montre toujours attentionné et ne me met jamais de côté. C’est difficile pour un homme de savoir ce que je vis alors que c’est quelque chose qu’il ne pourra jamais expérimenter mais il a toujours pris le temps d’essayer de tout saisir, n’a jamais loupé un seul rendez-vous chez le médecin et je me demande comment j’aurais pu faire tout ça sans sa présence rassurante à mes côtés. « Je ne t’ai jamais menti, ce n’est pas maintenant que je vais commencer. » Je lui ai menti par le passé, au début, alors que nous ne sortions pas encore ensemble et que tout était bien plus flou. Lorsque les choses sont devenues sérieuses entre nous, je lui ai juré de ne rien lui dissimuler de mon passé, de mes difficultés et de tout ce qu’il me restait à affronter parce que je voulais que notre relation se construise sur des basses solides. Je n’ai jamais été contre cette promesse et je suis certaine que notre honnêteté l’un envers l’autre est ce qui fait notre force aujourd’hui. Comme pour l’aider à combattre sa nervosité, je laisse mes doigts se glisser entre les siens, dans un geste qui se veut réconfortant. La compétition va être dure ce soir, de grands talents vont s’affronter et je veux lui montrer que quoi qu’il se passe, je serais évidemment là pour lui non pas parce que c’est mon rôle d’épouse mais parce que j’en ai envie. Je ne lâche pas sa main lorsque le show commence, et même si la performance de Charles nous éblouit tous les deux, je sais que le stress ne le quitte plus désormais et qu’il ne pourra faire redescendre la pression que lorsque les noms des gagnants auront été appelés et qu’il saura en réalité où se situe sa place dans ce classement. J’espère que Clément pourra un jour faire l’ouverture de cet événement prestigieux, j’ai toujours aimé le voir rêver avec des étoiles plein les yeux. « Je pourrais aller voir de mes propres yeux ton nom sur la porte de ta loge, j’adore cette idée. » Je précise avec un large sourire.
Les nominations commencent et la nervosité de Clément monte encore d’un cran, j’essaie de faire preuve d’un peu d’humour pour le détendre et même s’il se prend au jeu, je vois bien que ce n’est pas facile pour lui et qu’il est quand même très angoissé. « Réaliste. » Je précise avec un léger sourire, laissant ensuite les annonces des gagnants se faire, ne disant rien lorsque Clément me broie les doigts dans sa main pour tenter de canaliser sa propre nervosité. Lorsque son tour arrive, il me relâche la main que je repose sur ma jambe, tentant moi aussi de respirer calmement alors que Charles annonce le nom du vainqueur. C’est le nom de mon mari – et le mien – qui résonne dans la salle et je mets un peu de temps à réagir alors que la foule se met à applaudir à tout rompre en regardant dans notre direction. Je finis par bouger moi aussi, dévisageant mon mari comme si c’était la première fois que je le voyais. Je n’en crois pas mes yeux, j’avais beau être sûre qu’il méritait ce prix, le fait que cette victoire se réalise vraiment est tellement fabuleux qu’il est difficile d’y croire véritablement. Et pourtant, c’est bien lui qui a gagné devant des célébrités tout aussi incroyables. Lui qui va brandir ce trophée. Lui qui obtient ce sacre tant mérité. Je finis par l’enlacer, passant mes bras autour de son cou pour le serrer contre moi. « Tu l’as fait. » Je réponds en écho à ses paroles alors que je me détache de lui que pour l’enlacer de nouveau. Je ne le laisse partir que pour qu’il rejoigne enfin la scène, l’air complètement chamboulé par une victoire dont il a rêvé sans pour autant y croire et qui montre l’étendue de son talent autant que la qualité de son travail. Les applaudissements ne tarissent pas alors qu’il rejoint Charles. L’élan affection de son mentor envers celui qu’il a aidé à grandir m’émeut et les larmes me montent aux yeux alors que je les regarde. Leur complicité n’a pas changé, même avec cette distance et la nouvelle orientation de Clément. Je suis évidemment touchée par ce lien qui les unit et qui a aidé mon mari à surmonter tant de choses. Lorsqu’il prend la parole devant le micro, je ne ressens plus que de l’admiration et de la fierté et je bois chacune de ses paroles et enregistre chacun de ses mots. Ses remerciements envers moi me vont évidemment droit au cœur et je peine encore davantage à retenir les larmes d’émotion qui menacent de jaillir de mes yeux à tout instant. Il y a quelques années encore, je n’aurais jamais cru cet instant possible et pourtant nous sommes là, vraiment là et nous vivons un moment magique que nous ne pourrons jamais oublier, ou plutôt il me fait partager cet instant magique et je suis incroyablement flattée d’avoir la chance d’être celle qui se trouve à ses côtés. Il sera un papa formidable, j’en ai la certitude et je ne vois aucune ombre venir ternir notre avenir dans les mois, voire les années qui viennent. Les applaudissements redoublent alors qu’il me complimente et je sens mes joues rosir alors que des regards se tournent vers moi. Je n’ai pas l’habitude d’être au centre de l’attention mais je suis certaine que je n’aurais aucun mal à m’y habituer. Je reste debout à applaudir à m’en faire mal aux mains lorsque Clément achève son discours par une étreinte à Charles avant de me rejoindre, posant ses lèvres sur les miennes avant de se rassoir sur son siège, un peu sonné mais l’air plus heureux que jamais. « Félicitations. » Je souffle à son oreille alors que je me suis assise à mon tour. Autour de nous, la soirée se poursuit mais le temps semble s’être arrêté pour nous sur cet instant de bonheur indescriptible. Je veux graver ces souvenirs dans ma mémoire à tout jamais.
e l'ai fait. Je l'ai fait. Je l'ai fait. Cette phrase tourne en boucle dans ma tête depuis que Charles a prononcé mon nom et mon prénom, me proclamant gagnant de ma catégorie. Le but de ma vie à, depuis toujours, été le fait de produire à broadway avant mes 30 ans. Et je l'ai fait. C'est grâce au support dont à fait preuve Primrose à mon égard ou encore Charles qui m'a formé, mais aussi, avouons-le, grâce à moi-même et mes capacités autant physiques que mentales, que je me retrouve aujourd'hui sur cette scène, la statuette en main à déclamer un discours improvisé. Comme tout le monde, je remercie les personnes qui me sont chères, allant des jumeaux Macleod jusqu'à Primrose, ma force et mon soutient depuis plusieurs années maintenant, en passant par le metteur en scène qui m'a permis d’accéder à ce rôle gagnant mais aussi par Charles qui est avant tout un ami avec qui j'entretiens une très grande complicité. Je vois bien dans son regard qu'il est extrêmement fier d'avoir pu prononcer mon nom et ça me rend tout émotionnel.
En descendant de la scène, je retrouve les bras et les lèvres de ma chère épouse et j'avoue que je laisse couler quelques larmes de joies. Je la remercie, chaleureusement et sincèrement, tout en me disant que tous les remerciements du monde ne rendrait pas justice à ce je ressens en ce moment même et tous les jours pour elle. Me réinstallant après avoir serrer de nombreuses nouvelles mains, mon regard emplie de fierté se pose sur la statuette qui scintille dans la lumière de la salle. Le félicitation de mon épouse me fait doucement frissonner et je pose un regard amoureux sur son visage rayonnant. Ce même visage qui devient floue en même temps que les différents son autour de nous semblent venir de plus en plus loin...
Et je me réveille dans un lit. Allongé sur sur un matelas trop moue, ma tête reposant sur un oreiller trop petit, j'ai du mal à revenir à la réalité. Mais celle-ci me frappe avec une dureté incomparables. Clignant plusieurs fois des yeux, je relève la tête et observe cette pièce dont le vide fait horriblement écho à celui qui se trouve actuellement dans mon cœur lorsque je me rends compte que tout cela n'était qu'un rêve. Qu'un. Putain. de. Rêve. Rien n'était vrai. Je suis à nouveau le gamin de 24 ans qui a fait une crise d'angoisse juste parce qu'il a eu du mal à gérer le stress et la pression de la dernière représentation. Mais surtout je suis le sale gosse qui a rejeté les avances de Primrose en bloc.