« C’est moi ou y’a un truc qui se passe là? » et j’ai presque envie d’ouvrir de grands yeux, je jure que je me retiens de toutes mes satanées forces à ne pas trahir ce que je remarque. Quand, faut dire, c’est assez facile de le constater si on se fie à l’expression bien conne bien enthousiasmée que j’arbore déjà. Lukà est à côté de moi à attendre son verre, il est chill pour vrai, il a pas l’air du tout là pour rencontrer des gens, pour partir accompagné. Et honnêtement, je ne le suis pas moi non plus. C’était rare qu’on avait enfin un moment pour sortir entre potes lui et moi, les dernières semaines ayant été tellement occupées au boulot autant de mon côté que du sien que les quelques heures qu’on s’est réservées ce soir font office de miracle.

Il finit par lever la tête dans la direction que je pointe du menton, quand je vois ses iris suivre les miens et finir sur la silhouette gracile d’une belle blonde un peu plus loin qui bat des cils à son intention. « Ouais, exactement, elle… » y’a un fin sourire qui se dessine sur mes lèvres et mon engouement n’arrive plus à se faire violence lui-même pour ne pas se dévoiler. La vérité, c’est qu’on a l’air de deux pervers là de suite, on a l’air de deux beaux grands idiots à mater une pauvre inconnue qui n’a rien demandé, mais qui a égaré un peu trop longtemps et souvent ses prunelles bleutées vers mon allié de soirées, trop pour que je ne le remarque pas. Et mon sens du détail arrive en retard là encore, quand je presse mon ami à détourner le regard, à foutre son attention n’importe où, sauf là, sauf sur elle. « … mais non, regarde pas tant que ça. » comme si c'était sa faute ,comme si j'étais pas aussi pire sinon plus que lui.

Trop tard. Elle nous a vus. Et je parierais qu’il y a un sourire qui s’est dessiné sur ses lèvres à elle aussi, parce qu’elle finit par nous rejoindre, une minute plus tard, la voix qui chante, l’œil qui brille. « Je vous offre un verre? » là par contre, j’ignore si elle nous parle à tous les deux, ou s’il elle le vouvoie lui. J’aime l’option où elle est vachement polie avec Lukà, alors que je pointe du menton le verre de mon ami qui est vide, puis le mien qui est plein. D’office, elle fait signe au serveur, et j’attends que sa tête soit vrillée sur lui à passer sa commande pour lever deux pouces en l’air victorieux. You’re gonna get some, my friend.

Y'avait rien que j'aimais plus que d'organiser un truc à la dernière minute. Je me sentais en pleine possession de mes moyens quand j'imposais, quand j'improvisais, quand c'était une soirée qui sortait de nulle part qui venait se loger au programme. Avec le DBD à gérer, j'avais appris à la dure que de toute façon, la majorité du temps, les plans étaient toujours à revoir et à refaire, tenir un commerce étant juste la confirmation pure et dure que jamais on pouvait vraiment contrôler tous les détails. Et puis faut pas se leurrer, ça date d'il y a bien plus longtemps, mais capacité d'être toujours sur le qui vive, d'avoir la gâchette facile à déclarer chaque soirée meilleure que la prochaine, ça faisait partie de moi. If only for the story, que je répétais encore et toujours. Passer quelques heures au Canvas avec Lukà ne faisait pas exception à la règle. Et il va bien mon pote, beaucoup mieux qu'il y a un moment. Il s'en remet de sa rupture, il s'en remet comme un chef et depuis longtemps maintenant mais tout de même c'est toujours un peu délicat d'amener le tout sur le tapis avec lui. J'aimerais bien qu'il se sente à l'aise de m'en parler un peu plus, qu'il s'ouvre s'il pense que mon oreille sera le moindrement utile. Pour l'instant, c'est pas encore tout à fait ça, et je le brusque pas. Je serai là s'il le veut le jour où il le voudra - en espérant juste qu'il le sache.

Mes pensées s'additionnent à mon regard qui reste un peu trop sur la blonde, et elle, elle s'incruste, elle se déplace vers nous, elle arbore le sourire de la conquérante, elle lorgne sur nos verres même. "C'est pas le garçon qui doit offrir un verre plutôt ?" tsss. J'entends mes soeurs qui s'insurgent là, direct. « Toi, t'es resté bloqué au Moyen-Âge, ou? » ce qui est quand même ironique quand, de nous deux, je suis celui qui a encouragé un mariage arrangé impliquant ma benjamine y'a une vie de ça. Bois ton verre Matt, avale le d'un trait, fais fi de tes conneries d'avant veux-tu. Lukà lui, il perd pas de temps à être aimable, et pour quelqu'un qui semblait pas du tout en mode social butterfly avec les meufs ce soir, il m'étonne de sa douce répartie, sa conversation naturelle.  "Pardon, je me suis pas présenté. Jm'appelle Lukà et le grand nigaud à côté c'est Matt !"le grand nigaud, really? Ça va, j'ai rien à prouver, et ma bière terminée, c'est un battement de paupières de rigueur qui lui répond, avant que je tourne mon attention vers notre nouvelle amie. "Enchanté Lukà et Matt. Moi c'est Kate !" « Kate. Ça me dit un truc. »

Et voilà que je repars de plus belle dans ma tête, parce que faut bien sûr que j'essaie de situer d'où son visage me rappelle quelqu'un. C'est facile en soit, parce que voir des gens, je fais que ça au café, 24/7 presque. Est-ce que c'est une girl qu'@Andy Rivera a déjà prise en photo, qu'il a mise sur son Instagram peut-être? Est-ce qu'elle fait partie des groupies fidèles au poste du cousin @Levi McGrath? J'espère qu'elle est pas assez naïve pour être tombée dans les filets d'@Ezra Beauregard à un moment ou un autre de sa pauvre vie (sorry @Ginny McGrath, t'es l'exception qui confirme la règle #nope). Reste que Kate est peut-être juste une pote de @Scarlett Warren, c'est très possible que je l'ai vue de là. Parlant de Warren, c'est pas au bar où bossait @Tommy Warren y'a des mois de ça que je l'aurais vue? Ou bien elle traîne au DBD avec @Noa Jacobs ces temps-ci? Je pense pas que je la connaisse d'@Asher Baxton, il ramène jamais vraiment de nanas au bar de toute façon. Une seconde de plus à fixer la blonde, et je me dis que clairement, y'a potentiel pour qu'elle fasse partie du girls squad de @Charlie Villanelle et @Yoko Lee. Ou même que je l'ai rencontrée way back, en Angletterre, en même temps de @Maze Crawley? « Ou alors, non pas du tout, j'ai mal réfléchi.  » que je finis par confirmer à voix haute, revenant au monde des vivants.  

« Vous êtes ensembles, ou seuls? » et elle s'intéresse la belle, elle cambre la nuque, elle nous regarde l'un après l'autre. « Ensembles. Mais seuls. Mais. Tu comprends. » arf. Mes mots qui se mélangent, le gars il se perd dans ses pensées et il revient à la vie en bafouant, way to go buddy.

"On est simplement amis." « Comme il dit. » que je m’entends répéter, un idiot, un vrai, y’a absolument pas de doute. Mais c’est pas la première fois où Lukà est le plus vif de nous deux, c’est pas inhabituel qu’il soit celui qui a l’air le plus intelligent, le plus rapide du lot. Après, vous me direz, d’avoir un cancre comme moi dans les parages augmentait le QI de quiconque et vous auriez pas nécessairement tort, ce serait juste blessant de vous entendre me juger rien que pour mes répliques de merde, mon humour discutable et mes nombreux blancs de type qui pense toujours à 40 000 trucs à l’heure, à tout, sur tout. Et je bois ma bière, et tout va bien, et ils se font les yeux doux, et je doute pas une seule seconde que le brun à côté de moi remarque bien ce que je vois, à savoir qu’il a toujours de la game. C’est jamais facile de se remettre à la chasse après une relation aussi longue et importante dans une vie comme la sienne avec Anna ; et c’est pas peu fier que je le vois suivre la blonde en retrait, que j’assiste à leurs rapprochements. J’y peux rien, y’a un grand, un énorme sourire qui vient hisser mes lèvres bien haut sur mon visage, mon œil brille, j’ai l’air du pire creep du monde à les fixer de loin, à pas en manquer une miette. Et si je pouvais pas faire pire, c’est un high five qui attendra Lukà quand il reviendra à vers moi, ma main levée, que je baisserai sous aucun prétexte tant qu’il ne l’aura pas tapée à son tour. « Duuuuuuuuuuude. » je célèbre, je raille, je chantonne. Un autre  « Dude. » un peu plus sérieux, un peu plus admiratif, qui suivra pas longtemps après quand je repose ma pinte sur le bar et que je la vois qui part rejoindre ses copines apparemment, qui ne manque pas une occasion et une autre de jeter un regard par-dessus son épaule vers nous – vers lui hen, moi, je suis out depuis très longtemps. Ça me va, on est pas là pour ça, ou du moins, pas moi. « J’te jure, j’étais en pleine cataplexie là. » à les regarder, à vivre par procuration, à être content pour lui, surtout. Lukà l’avait pas eue facile ces derniers temps, et de le traîner avec moi durant mes plans nocturnes était l’une des meilleures idées que mon cerveau lent avait bien pu avoir récemment. J’avais diminué de beaucoup mes sorties dans les bars depuis que le DBD avait pris son air d’aller, j’étais toujours le nez dans les chiffres et dans les rénovations du local d’à-côté faut dire. Mais ce soir, ça commence bien. Je le sens. « Tu vas la rappeler? » la question sur les lèvres de tout le monde, et moi le premier.

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