“Here's to alcohol: the cause of, and answer to, all of life's problems.”
Trier les affaires de LV fut un processus long et difficile. Heureusement que ma sœur était avec moi pour accomplir cette horrible tâche. Mais tout n’est pas encore vraiment terminé puisque j’ai ramené quelques cartons remplis de ses affaires chez moi. Des affaires que je ne voulais pas, ou que je ne me voyais pas jeter. Ça fait maintenant environ une semaine que ces cartons sont chez moi et je n’en ai toujours pas sorti la moindre bricole. C’est pourtant la dernière étape à franchir pour que je sois tranquille et débarrassé de cette mission ingrate. Je suis debout, dans la chambre d’amis à fixer ces cartons dans un silence morbide. Je ne sais pas où ranger ses affaires. Je n’ai pas envie de les laisser entassées dans les cartons mais en même temps je ne pense pas que les exposer un peu partout soit la meilleure des solutions. La plupart de ses affaires ont été données à des associations ou tout simplement jetées pour certaines. Je n’ai pas gardé grand-chose. Simplement des albums photos, des lettres ou ce genre de choses. C’est en lâchant un long soupir que je me décide enfin à ouvrir le premier carton dans lequel se trouvait plusieurs albums photos. Je prends un des albums photos au hasard et je m’assieds au bord du lit. La semaine dernière quand j’ai trié ses affaires avec Prim, je n’ai fait que regarder quelques pages en vitesse de cet album, mais cette fois je me décide à le regarder entièrement. Je ne sais pas si c’est une bonne idée, peut-être que je suis un peu maso sur les bords. La première photo me fait immédiatement sourire. Il s’agit tout simplement de la première photo que nous avions prise ensemble. Je m’en souviens très bien parce que LV avait bien mis dix bonnes minutes avant de décider que celle-là était la bonne, qu’elle était assez parfaite pour qu’on puisse la garder. Elle aussi était très perfectionniste c’était un de nos nombreux points communs. Chaque photo me rappelle des souvenirs, la plupart sont des souvenirs heureux. On était bien, tous les deux. Et sur tous les clichés on peut tout de suite comprendre et ressentir tout l’amour que je lui portais. Je ne m’en rends compte que maintenant, mais ça se voyait dans ma manière de la regarder. Je ne sais pas si revoir son sourire me fait du bien, ou si ça me fait mal. Je pense que c’est un mélange des deux. Sur certaines photos il n’y a qu’elle, sur d’autres c’est nous deux ou bien des photos d’elle et de ses amies faisant la fête et profitant de la vie. Je tourne les pages et j’arrive aux photos que nous avions pris à Disneyland Paris. Une fois où nous avions passé quelques semaines en France pour rendre visite à sa famille elle m’avait trainé de force un weekend entier à Disney. Elle adorait cet endroit et quand elle habitait encore en France avant de me rejoindre à Brisbane, elle y passait beaucoup de temps. Elle était si contente de me faire découvrir le plus bel endroit du monde selon elle. Elle m’avait même dit qu’elle voulait se marier à Disney pour avoir un vrai mariage de princesse. J’avais regardé les prix, juste au cas-où parce que je sais que ça se fait. Mais c’était beaucoup trop cher pour moi et absolument pas dans mes prix. Je souris en regardant toutes ces photos. Un sourire triste. Mélancolique. J’avais presque oublié à quel point elle était belle. Mon Dieu qu’est-ce qu’elle me manque. Me retrouver face à toutes ces photos est presque plus difficile que vider le box rempli de ses affaires. Je décide de garder tous ces albums photos dans une armoire de ma chambre, et je pense que c’est tout pour aujourd’hui. J’en ai eu assez comme ça.
Il est maintenant midi passé, je me prépare à manger. Rien de bien compliqué juste le reste de pâtes bolognaises que je m’étais préparé hier. De toute façon je n’ai pas franchement faim. Je mange ce qu’il en restait et une fois mon plat terminé je pars récupérer mon portable qui était resté dans la salon. Un message de Stephen qu’il m’a envoyé il y a un peu plus d’une heure « Mec, il faut qu’on parle. » Son message m’interpelle. J’espère que ce n’est pas trop grave. Je m’empresse alors de lui répondre. « Rendez-vous à 21h au Sixteen antlers. » Je regarde l’heure sur ma montre. Quatorze heures. Sohan est censé arriver chez moi dans une demie heure, je lui ai demandé de venir mettre à jour le site du restaurant. Je n’ai pas encore changé la carte des desserts comme je lui avais dit la dernière fois mais je me suis dit que le site pouvait tout à fait se refaire une beauté, ça fait quelque temps qu’il n’avait pas changé de design. Tout en apportant les modifications que je lui avais demandées il tente désespérément de m’expliquer comment modifier quelques petites choses qui sont apparemment simples à changer. En soit il a raison, ça n’a pas l’air très compliqué mais je préfère qu’il continue à s’en occuper, au moins il sait ce qu’il fait lui. Et puis vient l’heure de me rendre au Sixteen Antlers. Ce n’est qu’à quelques rues de chez moi alors je m’y rends à pieds. J’arrive avec cinq minutes d’avance alors je m’installe et je l’attends. Ça va peut-être vous paraître con mais ça fait très longtemps que je passe une journée de repos sans mettre les pieds au restaurant ne serait-ce qu’une seule fois. Ma conversation avec Primrose m’a beaucoup fait réfléchir et je sais qu’elle a raison et que depuis la mort de LV je me suis renfermé dans mon travail pour m’empêcher de faire face à la réalité. Je le savais même avant cette discussion mais je pense que l’entendre de la bouche de ma sœur a été comme un électrochoc et m’a permis de me rendre compte que je dois effectivement lever le pied. J’étais perdu dans mes pensées lorsqu’une voix familière me fait redescendre sur terre. Je lève les yeux pour constater que Stephen se trouvait en face de moi. Je secoue doucement la tête. « Merde, désolé j’étais complètement perdu dans mes pensées. » J’avoue, tout en lâchant un petit rire.
Je m'emmerde royalement et mon accompagnateur n'aide en rien. Je ne sais pas d'où ce type sort, mais après cette soirée cauchemardesque, Charlie m'en devra une. Et je jure solennellement que ce sera la dernière fois que j'accepterai une blind date! Plus jamais je ne sortirai sans avoir préalablement vu ou parlé a l'autre personne. Je ne referai pas la même erreur deux fois. De moins en moins subtile, je sors mon portable pour afficher l'heure. Ça ne fait que vingt minutes. Presque une demi-heure et jusqu'ici, il n'a fait aucun effort pour apprendre a me connaître. Il ne parle que de lui, sans arrêt. Il est avocat, il est riche, ses parents sont riches. J'ai compris et je ne suis pas le genre de fille a perdre ses culottes pour quelques billets. Je finis donc par l'arrêter. Il était au milieu d'une anecdote sur une voiture quelconque, une marque supposément luxueuse que je ne connais même pas de toute façon. Je déteste tout ce qui possède un moteur. " Je suis désolée, mais je dois y aller. " Je lâche en rangeant rapidement mon portable comme pour prétexter une urgence. Mais visiblement, le type n'y croit pas. Faut croire que malgré toutes mes répétitions, je ne suis pas encore une assez bonne actrice. Je me lève, prends appui sur la table du revers de la main pour mieux planter mon regard dans le sien. " T'as raison, c'est qu'une excuse pour éviter une minute de plus en ta compagnie. " Je pousse un long soupire et j'attrape mon cocktail que je bois d'une traite. " T'auras pas de misère à payer ça de ce que j'ai compris. " Un sourire sarcastique se dessine sur mon visage alors que je m'éloigne. Dans ma hâte, je manque de percuter un homme qui vient tout juste d'arriver. " Je suis désolée, je voulais pas. Je te souhaite de passer un meilleur moment que moi. " Je lâche d'un ton expéditif avant de m'éloigner définitivement du restaurant et de l'idiot que je viens de planter.
Aujourd'hui, Romy avait ressenti le besoin de sortir. Cela ne lui arrivait pas souvent ; généralement la jeune femme était plutôt casanière. Sitôt rentrée du travail, elle se glissait dans un état d'esprit netflix & chill, abandonnant les petits tracas du quotidiens pour un pyjama confortable et un verre de vin ; ce soir c'était différent. Une journée entière à gérer des problèmes à la prison, entre la récidiviste qui promettait de se repentir -mais qui se faisait prendre à chaque sortie- et Joyce, la secrétaire de son père, qui enchaînait les mauvaises nouvelles en lui passant des appels de partenaires sociaux qui se rétractaient, la jeune femme avait été à pas grand chose de craquer. Aux environs de treize heures elle avait laissé tomber l'idée de sauver ce raz de marée qui la submergeait de négativité. Une pause déjeuner prise sur le pouce, puis elle avait pris quelques secondes pour appeler Clara et l'informer du massacre ambiant. Il n'en avait pas fallu plus à la blondinette pour fixer un rendez vous. Vingt et une heure au Sixteen Antlers. Et c'était tant mieux. Le restant de la journée s'était égrainé à une lenteur insoutenable, si tant est que des cernes énormes avaient fini par lui naître sous les yeux, cernes qu'elle avait peiné à maquiller en rentrant chez elle. Renonçant à l'idée de ressembler à quelque chose, la conseillère Ashby-au-bout-de-sa-vie avait passé une robe, puis délaissé son petit appartement de Fortitude Valley quelques minutes plus tard pour se rendre dans le quartier chic de Spring Hill. Sitôt arrivée, ses yeux accrochaient une silhouette familière qu'elle repérait devant le bar. "Cal.." Romy descendait de sa voiture en se rendant compte que son cousin était situé bien trop loin pour qu'elle puisse se faire entendre sans se faire remarquer par la moitié de la rue. Quand bien même, il avait l'air d'être avec un ami. Tant pis. La jeune femme haussait les épaules, tentant de se rappeler qu'il faudrait absolument qu'elle envoie un message au brun dès le lendemain matin pour l'informer qu'elle l'avait vu. "T'es en retard" Clara et son tact légendaire étaient venus se planter devant elle, et Romy abandonnait alors son téléphone au fin fond de son sac à main, prête à laisser de côté les tracas accumulés au cours de cette journée désastreuse.
Si d’ordinaire Stephen n’était pas de ceux pour qui l’avis des autres était une nécessité absolue, aujourd’hui il était tellement paumé qu’avoir un ami pour tenter d’éclaircir la situation dramatique dans laquelle il était plongé lui apparaissait comme étant vital à la sauvegarde de ses pauvres nerfs. Il avait à peine fermé l’œil depuis que la dispute avec Leah avait éclaté dans l’allée de la maison de leurs rêves qu’ils venaient de visiter ; visite qui s’était terminée d’une façon bien trop irréelle pour qu’il ne puisse l’assimiler comme étant vraie. Entre sa reconversion surprise et cette grossesse arrivant comme un cheveu sur la soupe, la dernière des Baumann ne l'avait pas épargné, et cet état d'impuissance faisait souffrir le brun bien plus qu'il ne l'avouerait. Cette maison aurait dû être un renouveau pour leur couple, au lieu de quoi le kiné se trouvait désormais dans une situation qu’il peinait à intégrer. Leah était enceinte. Elle attendait un enfant, leur enfant qu’il ne désirait pas, et qu’elle ne désirait sans doute pas elle non plus à en juger par sa façon d’avoir géré son début de grossesse. Quelle future maman ayant pour volonté de mettre son bébé au monde vivant et en un seul morceau s’inscrivait dans une caserne pour devenir pompier quelques jours à peine après s’être rendue compte de son état ? Continuait d’aller à la boxe comme si tout était normal ? Stephen avait eu le temps de cogiter depuis leur dispute, et l’évidence n’avait de cesse de le frapper : Leah ne voulait pas de ce bébé. Elle le rejetait, et quelque part, il le rejetait aussi ; sans doute pour ne pas se faire à l’idée que devenir père était une option. Rapidement Stephen en était venu à une conclusion qu’il jugeait évidente : c’était trop tôt ; pour lui, pour eux, pour sa fille, pour le monde entier, et rigoureusement incompatible avec la carrière que la brune désirait mener. Il fallait qu’il se le rentre dans le crâne, qu’il l’imprime, et quelque part, en parler était sans doute la meilleure façon de le faire. Après une journée à se débrouiller en solo avec cette information, le brun s’était finalement décidé à contacter Caleb pour convenir de quelques heures autour d’un verre ; un seul étant certainement optimiste. Son choix lui semblait être une évidence ; son ami aussi avait vécu plus ou moins le même drame, et ils se comprenaient souvent. Stephen espérait dans tous les cas qu'il puisse l'éclairer un peu, lui amener un avis extérieur dont il manquait cruellement tant la rancœur obstruait son bon sens. Le rendez-vous était fixé à vingt et une heure dans un bar qu’ils connaissaient bien tous les deux, et si Stephen se sentait soulagé à l’idée de pouvoir en parler, il se sentait aussi terrifié. Jusqu’à présent il n’avait encore jamais osé prononcer ces trois mots à voix haute : Leah est enceinte. Pourtant, ce furent les premiers qui sortirent d’entre ses lèvres lorsque le regard absent de Caleb croisa le sien alors qu’il l’attendait sur la devanture du Sixteen Antlers, ses doigts triturant ses clés de voiture pour se donner contenance. « Merde, désolé j’étais complètement perdu dans mes pensées. » Anderson avait fait son apparition dans un petit rire, face à un type au regard paniqué qui lâchait cette bombe sans préavis. « Elle attend un bébé. » Vu son attitude, il ne faisait pas l’ombre d’un doute que Stephen ne sautait pas de joie quant à cette nouvelle. La mâchoire crispée, il jetait un coup d’œil au brun sans trop savoir quoi dire si ce n’est : « Je suis à peu près sûr qu’elle n’en veut pas. Et que j’en veux pas non plus. » ah puis aussi : « et j’ai besoin d’un verre, voire plusieurs. » sûrement même.
“Here's to alcohol: the cause of, and answer to, all of life's problems.”
Le message que Stephen m’a envoyé un peu plus tôt dans la journée a attiré ma curiosité. Rien de bien fou ni même quelque chose de compliqué, il a besoin de parler. Et ça tombe plutôt bien parce qu’il y a un peu plus d’une semaine j’ai dû annuler notre soirée parce que ma cousine m’avait envoyé un message en me faisant croire qu’elle avait besoin de moi car elle avait soi-disant une panne d’électricité. Mais en fait ce n’était qu’un prétexte pour m’attirer chez elle –sortie du contexte cette phrase peut franchement paraître louche – elle nous avait en fait prévu un rencard à la colocataire et moi. Un putain de date organisé. On ne m’avait jamais fait ce coup-là c’était une grande première. On s’est retrouvés tous les deux, gênés à ne pas savoir quoi se dire ni comment engager la conversation. Et puis moi ça fait tellement longtemps que je n’avais pas eu un rencard que je ne savais même plus comment s’était censé fonctionner ces trucs-là. N’étant de base pas le mec le plus doué en drague, je pense que la situation devait être drôle à observer au début. Peut-être qu’elle avait installé des caméras hyper discrètes dans le salon pour pouvoir nous observer de loin ? Je ne pense franchement pas qu’elle aurait pu faire ça, ça serait super bizarre. Ça la ferait passer pour une stalkeuse de haute compétition. Au début de ce date j’avais juste envie de tuer Romy. Mais vraiment. Pas parce que je lui en voulais, simplement parce que je me disais qu’elle aurait pu nous en parler avant histoire qu’on se prépare un peu. Moi je n’étais clairement pas psychologiquement prêt à passer la soirée en tête à tête avec une jolie inconnue à essayer tant bien que mal à faire connaissance. Avec le recul je me rends bien compte qu’elle a fait ça certainement parce qu’elle estime que je suis prêt à avancer un peu plus et en soit si je suis prêt je n’en ai pas la moindre idée, mais je sais qu’il serait grand temps que j’arrête de vivre dans le passé pour que je reprenne le cours de ma vie. Et ça, c’est en partie grâce à ma conversation avec Primrose que je m’en suis rendu compte. Je le savais tout ce qu’elle m’a dit j’en étais déjà conscient. Mais le fait de l’entendre directement de ma petite sœur, ça m’a fait un truc. Ça a comme déclenché quelque chose dans ma tête et elle m’a aidé à ouvrir les yeux. Maintenant que j’ai enfin vraiment réalisé tout ça, il va juste falloir que je me foute un coup de pieds dans le cul pour que j’arrête de penser et que je passe un peu à l’action. Sauf que ça, c’est plus facile à dire qu’à faire.
Et c’est à tout ce genre de choses que je pense alors que je suis installé à une table juste à côté du bar. Je pense à LV, à cette soirée date organisé par ma cousine, je pense à Alex, à son retour dans ma vie qui n’était absolument pas prévu. Je ne pensais pas que la revoir me perturberait autant. Pourtant j’ai clairement tourné la page de notre histoire, j’ai rencontré LV, je suis tombé amoureux d’elle, on s’est fiancés, on avait prévu de commencer à fonder une famille juste après le mariage. Donc oui, Alex je n’ai plus des sentiments amoureux pour elle mais pourtant, depuis cette soirée dans le bar elle est toujours dans un coin de ma pensée. Et encore plus depuis qu’on s’est revus au restaurant quelques jours après. Et je n’aime pas ça. Je n’aime pas ça du tout. C’est à tout ça que je pense quand je m’aperçois que mon ami venait tout juste d’arriver. « Elle attend un bébé. » Je lève les yeux vers lui pour observer son faciès et son attitude, histoire de voir s’il s’agit d’une bonne ou d’une mauvaise nouvelle. Il n’a pas l’air heureux ou comblé de savoir que sa copine attend un bébé. En même temps je peux le comprendre, ils sont ensemble depuis huit mois. C’est rien du tout. « Leah est enceinte ? » Un peu pour confirmer et être sûr d’avoir bien entendu. Non parce qu’on sait jamais, j’étais dans mes pensées j’aurais très bien pu ne pas avoir bien entendu. « C’est pas un peu tôt ? » Je pense qu’au vu de sa tête, si c’est trop tôt. Ce qui est tout à fait compréhensible. « Je suis à peu près sûr qu’elle n’en veut pas. Et que j’en veux pas non plus. » Bon bah voilà comme ça, ça s’est fait et la question ne se pose même plus. « et j’ai besoin d’un verre, voire plusieurs. » Je ne le questionne pas plus sur la raison exacte qui fait qu’il ne veut pas de cet enfant et j’acquiesce d’un signe de tête. Un verre, voire plusieurs, moi ça me va j’en ai peut-être un peu besoin moi aussi. « La première tournée est pour moi. » Je me lève et je pars en direction du bar pour demander au barman deux verres de verres de whisky. Autant commencer fort directement de toute façon, au point où on en est. Sa copine est enceinte. À part le fait que c’est peut-être un peu prématuré pour l’avancée de leur relation, je me demande bien pourquoi il est si catégorique en me disant que de toute façon, il ne voulait pas de cet enfant lui non plus. Je reviens m’asseoir avec mon ami, lui tendant son verre. « Elle te l’a annoncé quand ? » À en croire son attitude, j’ai envie de penser que c’est plutôt récent parce qu’il me semble encore assez bouleversé par l’annonce de cette nouvelle. « Et tu sais ce qu’elle compte faire ? » Avorter, je suppose si aucun d’entre eux ne veut de cet enfant. Après il reste toujours l’option de l’adoption. Je dois avouer que même moi qui veut une famille et des enfants, au bout de huit mois de relation si ma copine m’annonce sa grossesse je ne sauterai pas forcément de joie. J’assumerai, c’est sûr. Mais je sais que à mes yeux ça serait beaucoup trop tôt.
Stephen aurait aimé avoir autre chose à dire en premier à Caleb ; un bonjour par exemple, mais visiblement, c'était hors de son champ de compétences ce soir. L'annonce de cette grossesse surprise tournait dans son esprit. Encore et encore. Leah était enceinte, Leah portait leur bébé, un océan de layette et de doudous aurait du les envelopper ... mais il rejetait l'idée en bloc. Le brun ne savait pas exactement si ce ressenti naissait du fait qu'il soit évidement bien trop tôt pour qu'ils puissent envisager devenir parents ensemble, ou s'il ne le voulait tout simplement pas. Les choses étaient trop floues, trop douloureuses en l'instant, car du moment même où la jeune femme avait entamé son petit laïus lorsqu'ils avaient visité la maison il l'avait su ; leur couple ne tiendrait plus. « Leah est enceinte ? C’est pas un peu tôt ? » Si. Evidemment que si, et vu la tête dépitée que tirait Stephen cela pouvait se voir à des kilomètres. "Ouais, elle l'est." Et mine de rien, c'était déjà beaucoup pour lui de le dire. Ne se formalisant pas sur ce début de conversation un chouïa inhabituel, Caleb avait fini par les entraîner à l'intérieur, prononçant une phrase qui ravissait le cerveau du brun : « La première tournée est pour moi. » Ses méninges ne risquaient pas de fonctionner à plein tube s'il était détendu, du moins il l'espérait. Réfléchir sur le cataclysme qu'était devenu sa vie en ayant le cerveau au ralenti lui semblait être une lente agonie ; il espérait que la léthargie passe le prendre. Stephen avait à peine remarqué le départ de Caleb, se contentant de regarder autour de lui avant de voir un verre d'il ne savait trop quoi apparaître sous ses yeux comme par magie après quelques minutes qui lui semblaient avoir durées un battement de cils. Du wkisky à en juger par l'odeur. Se souvenant rapidement qu'il ne buvait pas d'alcool plus fort que de la bière sans finir ivre rapidement, le brun n'avait pourtant pas tergiversé. Son verre il l'avait vidé d'une traite dans une grimace, avant de prendre conscience des paroles de son ami. « Elle te l’a annoncé quand ? » Au pire moment. "Tu te souviens que je t'avais dit que je voulais déménager de son quartier ?" Car depuis qu'il avait eu la garde partagée d'Anabel, l'idée de racheter une maison et de prendre un nouveau départ ne l'avait pas vraiment quitté, et ce départ ne pouvait pas se faire dans le ridicule petit appartement de Leah. "On a visité une maison. La maison. Elle était parfaite. On s'y est vus tout de suite ... et j'en sais rien ça a vrillé à ce moment là." qu'il soufflait en se passant une main sur le visage, énumérant et classant mentalement les éléments de ce cataclysme pour permettre à Caleb d'y voir clair. "Ma cousine m'avait demandé de lui proposer un job. Elle cherche quelqu'un pour la remplacer pendant son congé maternité, et même si je sais que Leah n'est pas pour se reconvertir dans l'administratif je m'étais dit que ça pouvait le faire en attendant." Belle ironie. Un rire nerveux le secouait alors, puis à nouveau ses doigts s'échouaient contre ses traits comme pour se redonner contenance ; en vain. "Elle me dit qu'elle s'est inscrite chez les pompiers. Pas qu'elle allait le faire. Qu'elle l'avait fait déjà. Qu'elle attendait d'être appelée pour des tests. En gros qu'elle s'en foutait de mon avis." Stephen dirigeait mal le fait d'avoir été mis à l'écart des choix de vie de Leah ; lui qui partageait tout avec elle, qui lui avait fait confiance pour lui raconter son passé et écrire avec elle un bout de sa reconstruction comprenait mal sa décision. Elle ne passait pas, mais ce n'était rien en comparaison à ce qui suivait. Faisant tourner son verre entre ses doigts, Stephen oscillait entre l'envie de l'envoyer dans le mur pour passer ses nerfs et celle de se morfondre et d'en commander une dizaine d'autres. La seconde option lui correspondait davantage. " ... ça m'a gonflé. Et là elle me dit que c'est pas tout. Qu'elle est enceinte. Et qu'elle savait qu'elle était enceinte avant de partir s'inscrire." Outch. Ces mots avaient été durs à dire. Le brun comprenait mal comment sa moitié avait pu le laisser à l'écart d'autant de choses. Comment elle avait pu vivre avec cette grossesse sur la conscience tout en sachant qu'elle lui briserait le cœur en laissant les choses empirer ainsi. Il aurait pu comprendre bien des choses, mais pour lui cette façon d'agir qu'avait eu Leah lui était impardonnable. « Et tu sais ce qu’elle compte faire ? » Stephen secouait la tête négativement. La brune avait beau lui avoir dit qu'elle était paumée à ses yeux tout était clair. "Elle dit que non. Mais je suis sûr que si. Sauf si elle compte passer ses tests enceinte jusqu'au cou et élever notre enfant entre deux feux de voiture." Dans le meilleur des cas. Un ricanement nerveux le secouait, puis finalement sa paume venait heurter son front dans un soupir. "Putain pourquoi faut que ça m'arrive maintenant." qu'il soufflait, partagé entre l'envie de rire de sa triste vie et celle de se tirer une balle.
“Here's to alcohol: the cause of, and answer to, all of life's problems.”
Leah est enceinte. Ça aurait potentiellement pu être une bonne nouvelle si on oublie le fait qu’ils ne sont ensemble depuis même pas un an. Au fond ça ce n’est qu’un détail, le temps passé avec une personne n’a pas tant d’importance que ça même dans ce genre de situation. Le plus important c’est d’aimer l’autre et de croire en ce couple qu’on construit. Peut-être que je suis un peu trop idéaliste en pensant comme ça j’en sais rien. Parce que moi je ne me suis jamais retrouvé dans cette situation, aucune de mes exs n’est un jour venue me voir en m’annonçant sa grossesse. Et aussi pathétique que cela puisse paraître j’en viens à me dire que c’est dommage, parce que vu la situation dans laquelle je suis actuellement je ne suis pas prêt de pouvoir avoir un enfant de mon côté. Il est même tout à fait possible que j’en vienne à ne jamais en avoir. Je pourrais finir seul avec une petite dizaine de chats. Et le pire dans tout ça c’est ce qu’il risque vraiment d’arriver si je laisse encore longtemps le temps passer sans essayer de me bouger un peu. Je ne suis même pas sûr moi-même de ce que je ressens, un jour j’ai envie de rencontrer une femme mais le lendemain je réfute catégoriquement cette idée, parce que j’ai peur de me lancer à nouveau dans une relation mais aussi parce que je ne me vois pas partager ma vie avec quelqu’un d’autre que LV. Et je pense que temps que je ne suis pas au clair avec moi-même, je ne pourrai pas rencontrer quelqu’un. Et là-dessus la seule personne que je connais qui peut me comprendre c’est lui, c’est Stephen. Lui il a réussi à avancer après la mort de Rachel, et maintenant il me parle de la grossesse de sa petite-amie. Il boit d’une traite son verre, grimaçant par la suite. "Tu te souviens que je t'avais dit que je voulais déménager de son quartier ?" J’acquiesce d’un signe de tête. Je me souviens même qu’il me disait qu’il avait vraiment hâte de pouvoir quitter le petit appartement de sa copine pour qu’ils puissent s’installer dans une super maison. "On a visité une maison. La maison. Elle était parfaite. On s'y est vus tout de suite ... et j'en sais rien ça a vrillé à ce moment là." Je fronce les sourcils. Quelle drôle d’idée de lui annoncer sa grossesse alors qu’ils sont en pleine visite de leur future maison. Si à la limite ce bébé était voulu, ça pourrait peut-être mignon de lui dire à ce moment-là surtout s’ils arrivaient à se projeter dans cette maison. Mais là, de ce que j’en comprends cette grossesse n’est pas voulue. « Elle te l’a annoncé en plein milieu de votre visite ? » Je lui demande. Oui je sais, j’accord peut-être un peu trop d’importance à des détails aussi futiles mais je suis comme ça. J’aime bien quand tout est clair.
Stephen a l’air complètement perdu et je peux le comprendre. Il avait comme projet d’acheter la maison de ses rêves avec la femme qu’il aime. Il a déjà Anabel un weekend sur deux et je ne suis pas sûr qu’avoir un autre enfant faisait partie de ses plans. "Ma cousine m'avait demandé de lui proposer un job. Elle cherche quelqu'un pour la remplacer pendant son congé maternité, et même si je sais que Leah n'est pas pour se reconvertir dans l'administratif je m'étais dit que ça pouvait le faire en attendant. Elle me dit qu'elle s'est inscrite chez les pompiers. Pas qu'elle allait le faire. Qu'elle l'avait fait déjà. Qu'elle attendait d'être appelée pour des tests. En gros qu'elle s'en foutait de mon avis." Je prends une gorgée de ma boisson, analysant ce qu’il vient de me dire. Sa copine s’était inscrite chez les pompiers sans lui dire ? Alors ça, c’est pas cool. À sa place je n’aurais vraiment pas apprécié. Mais vu qu’elle est maintenant enceinte je suppose qu’elle n’ira pas tout de suite chez les pompiers. « Elle s’est inscrite chez les pompiers sans t’en parler avant ? » Je veux m’assurer de bien avoir compris. « J’aurais vraiment, vraiment pas apprécie non plus. » On ne parle pas de n’importe quel métier, c’est pas comme si elle avait décidé de se reconvertir en comptable. Faire partie des pompiers ce n’est pas une décision à prendre à la légère. Je ne dis pas qu’il a forcément son mot à dire parce qu’il s’agit tout de même du choix de carrière de Leah et pas du sien. C’est sa vie à elle. Mais je pense qu’elle aurait tout de même dû lui en parler pour avoir son avis, mais aussi pour le prévenir. « Mais de toute façon vu qu’elle est enceinte je suppose qu’elle va remettre ça à plus tard. » Ça serait la meilleure décision à prendre, la plus logique, la plus sage et la plus responsable. J’imagine mal une femme enceinte jusqu’au cou partir faire un métier aussi physique que pompier. " ... ça m'a gonflé. Et là elle me dit que c'est pas tout. Qu'elle est enceinte. Et qu'elle savait qu'elle était enceinte avant de partir s'inscrire." Attendez…elle s’est inscrite tout en sachant qu’elle était enceinte. Aïe. Ça veut tout dire. Elle ne veut pas de cet enfant. Si elle le désirait elle n’aurait jamais fait ça. Je comprends de plus en plus l’état de mon ami. Il n’a vraiment pas beaucoup de chance lui non plus. Je crois qu’on devrait former un club, un groupe de soutien, ou un truc du genre. "Elle dit que non. Mais je suis sûr que si. Sauf si elle compte passer ses tests enceinte jusqu'au cou et élever notre enfant entre deux feux de voiture." Oui, c’est ce que je pensais aussi. Je grimace doucement. Sa main vient se poser sur son front, geste qui témoigne de sa détresse. "Putain pourquoi faut que ça m'arrive maintenant." Alors là mon pote j’ai pas de réponse à te donner. Je m’attendais clairement pas à cette nouvelle quand il a demandé à me voir. « Déjà que j’avais du mal à comprendre qu’elle se soit inscrite sans t’en parler, mais savoir qu’elle l’a fait tout en étant consciente qu’elle attendait votre enfant c’est encore pire… je peux comprendre. » Je ne peux pas dire que je comprends parce que c’est faux, mais je peux imaginer du moins. « Mas si on oublie cette histoire de pompier, en soit, pourquoi t’en veux pas de cet enfant ? Vous êtes heureux, amoureux… Ça pourrait potentiellement être la suite logique de votre relation. » Parce qu’en soit, ils ont toutes les clés pour être heureux et former une belle famille. Sauf s’ils ne veulent vraiment pas d’enfant là dans ce cas les choses sont différentes.
Stephen avait expliqué la situation dans les grandes lignes, ne s'épanchant pas vraiment sur les détails. Avaient il grande importance de toute manière ? Ils avaient visité la maison de leurs rêves, et Leah avait piétiné le tout en lui avouant deux choses qui suffiraient à bouleverser leur équilibre, et elle le faisait trois mois plus tard. Il n'avait pas son mot à dire, sur quoique ce soit. Le message était clair ainsi exposé. « Elle te l’a annoncé en plein milieu de votre visite ? » commentait Caleb une fois son petit discours terminé. "Ouais. Fallait me prévenir que mon bureau aurait potentiellement du se transformer en chambre d'enfant ... " qu'il marmonnait en retour, encore piqué au vif, tandis que sa main s'échouait à nouveau contre son crâne dans un soupir agrémenté d'un "et c'est pas le pire." qu'il gardait pour lui, s'attelant ensuite à la poursuite de son récit. « Elle s’est inscrite chez les pompiers sans t’en parler avant ? » Un signe de confiance, non ? Non. Au moins ils étaient d'accord là dessus. « J’aurais vraiment, vraiment pas apprécie non plus. » Les mots de son ami le rassuraient un peu, d'autant plus qu'il était le seul à qui il avait voulu en parler jusque là. Leah l'avait renvoyé à un statut inférieur à celui qu'il lui conférait. Il lui parlait de tout, lui racontait absolument tout ou presque, en étant même venu à lui présenter l’entourage le plus proche de Rachel. Et elle ? Elle se lançait dans une carrière de pompier alors qu'elle attendait leur enfant. Le tout sans rien lui dire. Qu'avait elle espéré ? Qu'il ne fasse pas de raccourcis ? Du moment même ou elle lui avait confié s'être inscrite en sachant qu'elle était enceinte il avait su. Et ça lui avait brisé le cœur. « Mais de toute façon vu qu’elle est enceinte je suppose qu’elle va remettre ça à plus tard. » Stephen relevait le menton, secouant la tête d'un air grave en lui livrant ensuite qu'elle n'avait clairement pas l'air d'avoir l'intention de remettre ça à plus tard étant donné sa façon d'avoir procédé.. « Déjà que j’avais du mal à comprendre qu’elle se soit inscrite sans t’en parler, mais savoir qu’elle l’a fait tout en étant consciente qu’elle attendait votre enfant c’est encore pire… je peux comprendre. » est ce que par "je peux comprendre" Caleb songeait à "je pense à la même chose que toi" ? Avant de poursuivre, Stephen avait besoin d'un autre remontant. Relevant le bras pour attirer l'attention d'une serveuse qui passait par là, il commandait les deux mêmes consommations sans s'encombrer des banalités d'usage ; son air en disait long. Mieux valait garder la bouteille non loin d'eux. « Mais si on oublie cette histoire de pompier, en soit, pourquoi t’en veux pas de cet enfant ? Vous êtes heureux, amoureux… Ça pourrait potentiellement être la suite logique de votre relation. » Bonne question. Jusqu'à maintenant le brun ne se l'était pas posée. Il avait tout de suite compris que Leah n'en voulait pas. Malgré ses crises de larmes, malgré cette main qu'elle avait glissé contre son ventre quand il avait cédé à un excès de colère, si la brune s'était inscrite chez les pompiers alors qu'elle savait pertinemment qu'elle attendait leur enfant c'était que son instinct maternel n'avait pas du se développer plus que ça. Ou alors qu'il comptait moins qu'eux. " ... J'en veux pas dans ces conditions. Je sais pas ce que je suis censé lui dire. D'arrêter la boxe, d'arrêter de passer ses entretiens alors qu'elle a commencé tout ça dans mon dos ? Si elle a attendu le dernier moment pour me le dire c'est pas parce qu'elle avait peur de moi. Elle en veut pas. Elle a pas l'air d'en vouloir du moins." soufflait il dans un rire sans joie, et comme arrivée à point nommé, la serveuse déposait devant eux leurs deux verres ... dont l'un ne fit pas long feu. A nouveau le brun le vidait d'une traite, la même grimace toujours accrochée aux traits.
“Here's to alcohol: the cause of, and answer to, all of life's problems.”
J’essaye de me mettre à sa place, j’essaye de comprendre un peu sa situation. Sa copine est enceinte, elle lui a caché des choses plus importantes dans sa vie. Et il ne veut apparemment pas de cet enfant. Si on résume grossièrement la situation je pense que c’est tout. Je comprends tout à fait qu’il soit en colère contre Leah pour lui avoir caché son inscription chez les pompiers, surtout quand on sait qu’elle savait déjà qu’elle était enceinte. Et elle ne lui a pas annoncé sa grossesse de la meilleure des manières. En plein milieu de leur visite d’une visite de maison. "Ouais. Fallait me prévenir que mon bureau aurait potentiellement du se transformer en chambre d'enfant ... " On sent toute la rancune de Stephen dans sa voix. Il lui en veut encore énormément, ce qui est tout à fait légitime. À sa place je ne sais pas comment j’aurais réagi. Je suis assez rancunier mais tout à fait capable de pardonner et je crois que ma relation actuelle avec mon ex petite amie le prouve complètement. Au fond de moi, je lui en veux toujours d’être partie sans un mot il y a huit ans. Je lui en veux toujours de m’avoir laissé dernière elle comme si notre histoire n’avait jamais eu la moindre signification à ses yeux. Mais huit ans plus tard, à la seconde près où j’ai recroisé son regard pour la première fois j’ai décidé que je pouvais laisser ma rancœur de côté. Bon en fait peut-être que ce n’est pas le meilleur exemple du monde, parce qu’au fond à l’heure d’aujourd’hui Alex et moi c’est bien plus compliqué que ça. Je prends mon verre et à mon tour, le fini d’une traite grimaçant légèrement en sentant l’alcool me brûler le gorge. Mon verre à peine terminé que Stephen fait signe à une serveuse lui demandant de nous servir à nouveau deux verres. Mais il y a tout de même une chose qui m’intrigue. Pourquoi est-ce que ce bébé est une si mauvaise chose ? Si on en oublie les circonstances de l’annonce bien évidemment. Ils sont ensemble et même si en ce moment ce n’est pas flagrant ils s’aiment. Il lui en veut juste de l’avoir mis de côté dans des choix qui sont pourtant extrêmement importants. Alors certes cet enfant n’est pas voulu mais ça ne veut pas dire pour autant qu’il ne pourrait pas les rendre encore plus heureux qu’ils ne l’étaient déjà. Un bébé ça change une vie et je suppose que quand on a un enfant avec la femme qu’on aime, les sentiments qu’on a pour elle sont encore plus importants. " ... J'en veux pas dans ces conditions. Je sais pas ce que je suis censé lui dire. D'arrêter la boxe, d'arrêter de passer ses entretiens alors qu'elle a commencé tout ça dans mon dos ? Si elle a attendu le dernier moment pour me le dire c'est pas parce qu'elle avait peur de moi. Elle en veut pas. Elle a pas l'air d'en vouloir du moins." J’acquiesce doucement en écoutant le récit de mon ami. La serveuse nous apporte nos verres, je la remercie d’un bref signe de tête et Stephen boit une nouvelle fois le sien d’une seule traite. Je fais tourner mon verre sur la table un court instant avant de l’apporter à mes lèvres pour en boire une gorgée. « J’pense que si elle a attendu si longtemps pour t’en parler c’est juste parce qu’elle avait peur de ta réaction. Elle savait pas si tu voulais de ce gosse ou pas et elle avait peur de te perdre. » Ce ne sont que des suppositions. Je ne la connais pas, mais je trouve ça assez logique. Après elle s’est inscrite pour passer les tests de pompiers tout en étant consciente de sa grossesse, pour le coup je pense que ça prouve qu’elle ne veut effectivement pas de cet enfant. « Et s’il était arrivé dans d’autres circonstances t’en aurais voulu de ce bébé ? » Je lui demande tout en relevant le regard vers mon ami. Question très importante à mes yeux. Parce que si la réponse est positive, il suffit qu’ils arrangent les choses entre eux pour que tout redevienne comme avant. Bon même si tout n’est pas si simple que ça. Tout gâcher à cause d’un mauvais concourt de circonstances je trouverais ça con. « Réfléchis bien avant de prendre une décision définitive. Parlez-en. Dis-lui ce que t’as sur le cœur même si c’est pas toujours facile et même si ce que t’as à lui dire risque de lui faire mal. Et juste après ça prenez une décision définitive pour le bébé. Gâchez pas tout. » Parce qu’au fond ils ont vraiment tout pour être heureux tous les deux.
Plusieurs sentiments se bousculaient chez Stephen, et pas forcément les bons. Rancœur, colère, tristesse … pas une ombre de joie n'était venue agrémenter l'annonce de cette grossesse, puisqu'il s'était tout de suite mis en tête que Leah ne voulait pas de ce bébé. Et jusqu'à présent la brune n'avait pas non plus émis l'hypothèse qu'ils puissent envisager de le garder. D'en parler à Caleb lui faisait du bien, et même s'il n'était sans doute pas d'une très bonne compagnie il appréciait que son ami y mette du sien pour essayer de le comprendre. « J’pense que si elle a attendu si longtemps pour t’en parler c’est juste parce qu’elle avait peur de ta réaction. Elle savait pas si tu voulais de ce gosse ou pas et elle avait peur de te perdre. » Il avait vidé d'une traite son second verre, là où d'ordinaire sa faible résistance à l'alcool l'aurait freiné dès le premier. Ce n'était pas dans son genre de boire plus que de raison, mais alors que le sol se dérobait sous ses pieds et que sa vie entière s'éfilochait doucement plus rien n'avait vraiment d'importance. La décence, c'était sa seule frontière. Il ne dirait rien qu'il ne pensait pas, il ne ferait rien qu'il regretterait. Parce que cet enfant n'avait rien demandé il tâcherait de garder la tête sur les épaules, mais en ce qui concernait l'état de ses sentiments, Leah ne compterait plus. Pas après tout ça, et même si Caleb lui laissait sous entendre qu'elle puisse avoir réagi dans la précipitation son instinct premier lui hurlait que la réaction de la jeune femme en disait déjà long. Un soupir lui échappait, alors que de sa main il venait dérider ses traits, sans grand succès. "Ouais j'en sais rien.. je sais pas on était deux. Ok j'aurais pété un câble, mais c'est pas pour autant que je me serais mis à lui hurler dessus ou à la faire culpabiliser." qu'il concédait, laissant une pointe de colère noircir ses mots. La façon qu'avait eu Leah de procéder lui était apparue comme incompréhensible, mais ne laissait pas vraiment de place à l'interprétation. Pour lui elle n'en voulait pas, et convenir d'un avortement l'avait vidé, mais aux yeux de Stephen cela restait la meilleure chose à faire. « Et s’il était arrivé dans d’autres circonstances t’en aurais voulu de ce bébé ? » Caleb demandait en croisant son regard. Bonne question. Il eut besoin de quelques secondes pour répondre, quelques secondes pendant lesquelles les traits de son visage passaient par plusieurs expressions. Étonnement, angoisse, appréhension … et finalement, c'est dans un souffle qu'il répondait "Ouais … je pense que oui." sans trop savoir si ce qu'il pouvait dire était vrai ou non. Avoir des enfants avait toujours été un but dans sa vie. Avec Rachel il en avait voulu, de quoi composer une équipe de foot, mais la vie s'était bien chargée de lui rappeler que rien n'était juste … et finalement si trouver Leah avait représenté une grande source de bonheur à ses yeux, aujourd'hui se confronter à cette réalité était bien trop compliqué. « Réfléchis bien avant de prendre une décision définitive. Parlez-en. Dis-lui ce que t’as sur le cœur même si c’est pas toujours facile et même si ce que t’as à lui dire risque de lui faire mal. Et juste après ça prenez une décision définitive pour le bébé. Gâchez pas tout. » Ne pas tout gâcher. Stephen bloquait sur ces mots, se disait que Caleb avait sans doute raison tout en ayant envie de se morfondre et de laisser sa colère poindre. Pour le moment ils n'avaient pas encore décidé, pas encore parlé de ce petit pois qui arrivait comme un cheveu sur la soupe. Ce n'était pas le bon moment pour une grossesse. Ni pour lui, ni pour elle, alors même si c'était compliqué, la décision se prenait d'elle même. "J'en sais rien. Je vais y réfléchir." qu'il soufflait pour finir, avant de demander en désignant son verre du menton : "T'en veux un autre ? Je crois qu'on en aura besoin. Que j'en aurais besoin." Puisque ce dialogue risquait de tourner rapidement en rond, et que finalement Stephen avait sans doute demandé à Caleb de l'accompagner ce soir plus pour s'insuffler du courage que pour avoir son avis. Sa décision avait déjà été prise.
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