FEATURING @Charlie Villanelle & Heïana Brook Oh lord live inside me, Lead me on my way, Oh lord live inside me, Lead me on my way. Lead me home, Lead me home. Oh lord in the darkness, Lead me on my way, Oh lord in the darkness, Lead me on my way. Lead me home, Lead me home. Oh lord heaven's waiting, Open up your door, Oh lord heaven's waiting, Open up your door
Ambiance:
Music
Une inspiration. Une mouche qui vole. Des bruits suspects, dans la rue d'à côté. La jeune femme ferme les yeux un court instant pour se concentrer. Mais elle les rouvre, vite. Il ne faut pas perdre un instant d'attention. Chaque bruit manqué, chaque coup d'oeil loupé peut signifier sa perte. Elle sait qu'elle risque sa vie, une fois de plus. Mais qui ne le fait pas, aujourd'hui ? A part les morts, bien entendu. Inspire. Expire. Profondément. Lentement. Calmement. "Vigilance constante", comme l'aurait dit un personnage bien connu d'un livre de l'Ancien Monde. Si chacun avait su à cette époque à quel point la vie était merveilleuse, nul doute que personne n'aurait perdu de temps à se plaindre de ses malheurs bien futiles. Heïana, elle, ne regrettait rien. Rien qui aurait été important en tout cas. Elle avait vécu sa meilleure vie avec Moana, les années qui leur avaient été imparties. Mais ce temps était révolu. La jolie Tahitienne aux frisettes intenables et à la joie aussi communicative que son aînée était partie. Heureusement, sa mort avait été propre. Prenant sur elle, la plus âgée des soeurs Brook qui avait veillé. Sa pauvre petite soeur avait été mordue par une de ces choses, qu'elle surnommait avec sarcasme: "Notre Prochain", qu'elles ne pouvaient certes plus aimer comme elles s'aimaient elles-mêmes. Les jeunes femmes, liées par le sang, par le vécu et par l'âme, s'étaient longtemps parlé, alors que la plus petite s'affaiblissait. Elles avaient partagé leurs meilleurs souvenirs, avaient blagué, avaient ri. Oh, elles les pleurs n'étaient pas absents de ces dernières heures passées ensemble, loin de là. Mais elles n'avaient pas laissé la perspective de la mort imminente tenir leurs ultimes instants entre soeurs. Une fois Moana partie rejoindre leurs parents, la seule survivante de la famille Brook lui avait donné un coup de poignard en pleine tête; ce qui pouvait être fait de plus neutre dans des circonstances pareilles. Elle lui avait creusé une tombe, avait laissé une fleur sauvage arrachée à un bosquet plus loin dessus, et une photo. C'est tout ce qu'elles avaient pris de superflu avec elles, lorsqu'elles avaient fuit le #22, Toowong. Des photos. Et Heïana en gardait deux précieusement, dans la poche interne de sa chemise noire. Les quatre membres de leur famille, alors qu'elles étaient gamines ; elles deux, quelques heures avant la tragédie qui avait frappé le monde.
Rageusement, la Tahitienne essuya une perle salée qui coulait sur sa joue. Il s'était mis à pleuvoir, malgré le soleil étincelant qui couronnait le ciel de sa splendeur. Pas le temps de s'émouvoir, l'heure était à la survie. Pour quoi exactement, elle n'en savait trop rien. Seul l'instinct parlait. Et elle le laissait lui dicter ses choix. Elle n'était pas prête à rejoindre Moana et leurs parents dans l'autre monde. Un mois que le monde avait tourné à la folie, deux semaines que la plus jeune était partie. Et déjà, les rues étaient bien plus désertes qu'auparavant. Quand elles ne l'étaient pas, c'est qu'elles grouillaient de la présence pullulante des Prochains. Au fur et à mesure, la Polynésienne avait appris à survivre. Un short large, pour courir aisément; de Doc Martens, prélevées sur un cadavre. La même chemise qu'un mois plus tôt, à manches courtes pour ne pas être attrapée facilement. Cheveux attachés en chignon, planqués sous sa casquette, même optique. Un petit sac à dos situé sur ses épaules, mais qu'elle n'hésiterait pas à abandonner au moindre danger; d'ailleurs, les clips des bretelles lui permettait de s'en débarrasser en deux secondes. Un poignard à la ceinture, une bourse en cuir de l'autre côté, un gros canif dans une de ses deux bottes courtes, et un katana dans le dos. Et pas positionné comme dans les films d'actions par pitié, c'est juste pas possible de dégainer. Non, à la vraie version samouraï - ou ninja, selon - dans le bas du dos, niveau des rains, fourreau et tranchant de la lame tournés vers le ciel. Armée jusqu'aux dents, l'ancienne sage-femme. Étonnamment, elle s'était découverte de véritables capacités en matière de combat. Elle ne l'aurait jamais cru. Dans sa planque, elle avait de quoi se couvrir plus chaudement, au besoin.
Sous le soleil de plomb, Heïana se décida à bouger. Elle avait faim, et soif. Pas loin de là, une supérette lui tendait les bras. D'un pas félin, elle quitta le silence de sa ruelle vide pour foncer vers l'ancien magasin, après avoir vérifié qu'il n'y avait pas un chat dans la rue. Ce fut avec soulagement qu'elle arriva dans le lieu de consommation, dont elle ferma la porte aussi silencieusement que possible, après avoir tendu l'oreille pour être sûre de n'entendre ni grognements ou bruits de corps se cognant contre les meubles ; c'est que les Prochains étaient incroyablement bêtes, et ne se dirigeaient qu'au son et à l'odeur. Ils ne pouvaient discerner l'un des leurs que grâce au parfum putrides qu'ils arboraient, et se dirigeaient automatiquement vers n'importe quelle source de bruit plus important que leurs propres pas et geignements gutturaux. D'ailleurs, Heïana avait toujours une petite bourse de cuir pleine de cailloux accrochée à sa ceinture; ça pouvait toujours aider. Elle soupira, l'adrénaline redescendant doucement, et bien que toujours attentive, elle se mit surtout à fureter en quête de trucs consommables. Avec joie, elle trouva du thé glacé qui était presque frais, bien que le frigo le contenant ne fonctionne plus depuis longtemps. Rien à fiche de la bouteille en plastique, elle avait appris à ne plus être écolo depuis longtemps. Une fois sa soif étanchée, elle se retourna vers d'autres rayons pour trouver de quoi manger, et de quoi ramener dans sa cache bien sûr. S'il y avait des médocs et autres kits médicaux aussi...
Elle aurait préféré que ses heures de binge watching de séries en tout genre ne lui soient pas utiles un jour, ou en tout cas pas dans le cas présent. Elle aurait aimé ne jamais avoir à mettre en pratique The Walking Dead, Fear The Walking Dead, Santa Clarita Diet, Z Nation, World War Z, The Strain, Kingdom, Black Summer, Le dernier pub avant la fin du monde, Bienvenue à Zombieland ou n’importe quoi d’autre. Puis finalement l’imprévu est entré dans l’équation et il y a eu une toute petite chose appelée “la fin du monde” qui s’est immiscée à son tour. Rien de grave, vraiment, seulement le monde entier qui a décidé de bouffer le peu de vivants. Mais hey, keep calm and carry on non ? Non. Absolument pas. L’ancien monde lui manque, son ancienne vie aussi et tous ceux qui en faisaient parti. @Léo Ivywreath d’abord, son être humain préféré sur terre et l’un des rares sur qui elle a toujours pu compter. Le seul pour qui elle a su se mettre en retrait, le seul aussi qu’elle souhaitant vraiment voir heureux, quitte à ce que ce soit en compagnie de @Clément Winchester si leur coeur avaient décidé de s’accorder ; s’ils en avaient eu le temps aussi. Clément lui aussi méritait réellement d’être heureux, surtout après tout ce qu’il avait confié à la rousse. Ils auraient même pu adopter une petite chinoise si c’était ce qui leur faisait plaisir et Charlie se serait amusé avec ses joues pendant de longues heures, comme son cher @Cían Atwood le faisait quand elle était petite. Ses joues étaient si bouffies à l’époque, heureusement qu’elle a grandi sous les yeux énamourés de son oncle, sous toute sa douceur et sa bienveillance de ces vingt dernières années couplée à celle de son autre vrai faux oncle @Thomas Owens-Beauregard. La bienveillance de son oncle n’aurait jamais pu égaler celle de son cher @Timothy Decastel, celui à qui elle avait osé promettre tant de choses sans jamais penser que “seule la fin du monde nous séparera” n’était pas à prendre à la légère. Elle l’aimait tellement, son triton, son sauveur. Elle aurait aimé pouvoir lui dire tant de choses, tant de choses encore bien plus belles que tout ce qu’elle a pu dire à @John Williams aka l’erreur d’une vie. Elle aurait aimé lui dire des choses encore plus belle que tout ce que la Charlie adolescente a pu dire à son premier amour @Amélia Wilde, bien qu’elle pensait chacun de ces mots et qu’elle n’en regrette aucun. Elle était encore si innocente à l’époque, si douce, elle se faisait berner si facilement par la vie et surtout par tout le monde. Quelques questions et elle envoyait un homme en prison sans même le vouloir, son majeur préféré de l’époque @Joseph Keegan dont elle aimait pourtant tant les blagues (et la drogue qu’il lui donnait). La elle d’aujourd’hui s’en veut d’avoir tant usé de la patience de @Primrose Anderson alors qu’elle prenait sur elle pour tenter de l’aider ; à sa place elle lui aurait collé une gifle et l’aurait secoué pour que tout monte au cerveau plus rapidement. Finalement, heureusement que la douceur d’ @Heïana Brook l’avait aidé à ne pas défaillir lors de cette fameuse nuit durant laquelle tant de choses auraient pu mal tourner. Dire qu’avec un oeil extérieur sa vie d’avant était déjà merdique, alors que dire de celle de maintenant. Une vie où le seul passe temps est celui de chercher à manger, et quand on ne cherche pas à manger il faut tuer ceux qui autrefois étaient nos semblables. L’âme pure et innocente de la jeune femme n’aura pas tenu le coup bien longtemps et elle a rapidement su se forger une carapace inviolable et inviolée. Elle seule contre le reste du monde, elle seule et les techniques qu’elle a apprises avec Bear Grylls sans le vouloir (elle préférait lorsque c’était lui qui galérait et elle qui savourait ses cordons bleus sur le canapé). L’orage gronde et elle tente de se réfugier dans un supermarché, dans l’espoir sans doute d’y trouver des vivres que personne n’aurait pillé jusque là - espoir vain. Elle referme la porte derrière elle puisqu’elle a déjà vu ce fameux épisode de Black Summer où un zombie le poursuit dans une supérette puis pendant les 45 autres minutes. La main gauche en avant, elle s’en sert pour tâtonner dans la pénombre du soleil couchant, un couteau fermement tenu par sa main droite repliée vers son cou. Ils faisaient ça dans les films policier, et elle a testé et approuvé la technique au fil des mois. Et elle a raison de se méfier Villanelle puisque des bruits de plastique attirent son attention et ils ne font qu’attiser sa méfiance. Zombies ou humains, peu importe, le danger est devenu aussi grand parmi les morts que parmi les vivants. Dans un geste vif et rapide elle utilise sa main gauche pour immobiliser l’inconnu au niveau de sa clavicule et maintient fermement la pression, le laissant à peine respirer. Son couteau aiguisé a été ramené près du coup de l’inconnu, effleurant sa peau, prêt à transpercer la carotide au moindre geste déplacé. Humain. Humain et face familière. Situation inattendue. Y’a pas ça dans les films, ni dans les séries. Elle ne sait pas comment réagir et, par précaution autant que par peur, reste dans la même position offensive. « Brook ? C’est bien toi ? T’es pas morte ? » Que de questions si évidentes, stupide fille.
FEATURING @Charlie Villanelle & Heïana Brook Oh lord live inside me, Lead me on my way, Oh lord live inside me, Lead me on my way. Lead me home, Lead me home. Oh lord in the darkness, Lead me on my way, Oh lord in the darkness, Lead me on my way. Lead me home, Lead me home. Oh lord heaven's waiting, Open up your door, Oh lord heaven's waiting, Open up your door
Ambiance:
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Oh. God. Serait-ce la plus belle journée sur cette Terre depuis l'Apocalypse ? A l'heure des magasins ayant été pillés les premiers jours de panique, alors que les commerçants tenaient encore boutique, puis carrément éventrés lorsqu'il y avait encore assez de survivants pour créer des bandes organisées dans le but d'aller chercher des vivres, ce que la Tahitienne pensait avoir vu tenait du miracle. La jeune femme s'agenouilla pour aller chercher au fond d'un bas de rayon un paquet, dont elle avait aperçu un petit bout. Si reconnaissable. Même à la veille de sa mort, qu'elle soit demain ou dans trente-huit ans, elle saurait reconnaître ce packaging. Alors que le plastique crissait sous ses doigts, Heïana chopait l'objet de sa convoitise à pleines mains et se redressait doucement. Ses yeux s'écarquillèrent alors que dans la pénombre du magasin, la seule lumière l'éclairant provenant de la porte d'entrée vitrée, la marque du contenant qu'elle tenait dans ses mains se confirmait. DES SCHOKOBONS putain !
Une étincelle de rare joie illumina les yeux verts forêt de la demoiselle, alors que d'une main elle ouvrait le paquet qui n'avait même pas été entamé. Oh, elle n'allait pas se jeter comme une goinfre; elle allait l'amener avec elle, et le conserverait dans sa planque pour se délecter de cette ancienne confiserie de chocolat sur des jours et des jours. Ce genre de plaisir était devenu trop rare pour que l'on se laisse aller à de la compulsion hyperphagique - même si, paradoxalement, c'est exactement la peur de manquer dans leur ancienne société consumériste qui avait poussé nombre de jeunes femmes et hommes dans les TCA, Troubles du Comportement Alimentaire - jusqu'à ce qu'un trouble d'un nouveau genre apparaisse. Et quel souci d'alimentation, lorsqu'une fois crevé, on commence à bouffer sa propre famille ! Heïana l'avait toujours su au fond d'elle, mais comme n'importe qui, elle avait espéré que cela n'adviendrait pas de son vivant : la planète se débarrasse de la race humaine, lassée de ses conneries. Mais revenons-en à nos Schokobons. Le paquet déposé précautionneusement sur la tablette la plus proche, la métisse avait défait avec lenteur l'emballage d'une unité, profitant du bruit même du plastique s'étirant sous ses doigts, et... Un mouvement. Le son du précieux bonbon chocolaté qui tombe au sol. Un couteau dégainé. Merde... Voilà la Tahitienne en bien fâcheuse position. Un bras tenu fermement dans le dos, une lame frôlant sa peau fine, si fine. Même pas moyen de voir le visage de son agresseur. Allait-elle mourir comme cela, idiotement ? Certainement pas. Car dans sa précipitation, celui ou celle qui l'avait attaqué ne l'avait pas vu venir, mais Heïana avait elle aussi préparé de quoi blesser - voire tuer, le cas échéant - et avait sortit le poignard qu'elle portait à la ceinture de son fourreau, pliant son seul bras libre pour pointer l'arme en arrière.
Autant dire qu'il lui avait fallu beaucoup de maîtrise et de sang-froid pour se retenir de transpercer le flanc de l'attaquant d'un seul coup, avant même que celui-ci ne puisse comprendre ce qui lui arrivait. Pour le coup, la pointe de sa lame ne faisait qu'appuyer un peu sur le ventre de l'ennemi, juste pour lui faire sentir qu'elle n'avait pas tellement perdu le contrôle qu'il aurait pu le croire. Ça aurait été risqué de vouloir tuer aussitôt l'attaque survenue, car dans un geste réflexe, l'agresseur aurait pu lui trancher la gorge quand même - ou bien être trop surpris et lâcher son arme, on ne peut pas savoir - mais ça n'aurait pas vraiment été plus dangereux que la décision de ne pas chercher à tuer directement cette personne. Mais Heïana n'allait pas avoir à regretter son intuition; soudain une voix, bien plus familière qu'elle n'aurait jamais cru pouvoir en rencontrer, s'éleva. Brook ? C'est bien toi ? t'es pas morte ?
Si la jeune femme l'avait pu, elle en aurait pleuré de joie. Mais le couteau sur sa gorge et sa respiration coupée étaient assez dissuasifs, en fait. Et sinon, c'était une nouvelle mode d'appeler les gens par leur nom de famille ? A moins qu'elle ne se rappelle juste plus de son prénom. Ou alors c'était une manière de garder ses distances, de ne laisser aucun sentiment ou émotion interférer. Tout était possible, désormais. La survie avant tout. Heïana ricana et répondit: Salut, Charlie. La forme ? Une question qui aurait été si bateau, quelques mois plus tôt; aujourd'hui, elle était donnée sur un ton si sarcastique qu'on ne savait pas s'il fallait en rire ou en chialer. Pour montrer qu'elle était tout sauf dans une optique folle de tuerie sanguinaire, Heïana retira lentement, très lentement son poignard du ventre de la rouquine, et le remis dans son fourreau tout doucement. Aucun geste brusque, c'était la règle. Bon, beaucoup auraient considéré qu'elle était folle de se désarmer ainsi, alors qu'elle était directement menacée. Peut-être qu'au fond, la jeune femme restait cette maïeuticienne positive et idéaliste. Confiance. Voilà ce qu'elle avait décidé d'accorder à la rouquine. Elle risquait sa vie plus que jamais. Au moins, si la rousse décidait de l'abattre, la Tahitienne considérerait qu'elle aurait trouvé la paix grâce à une amie. Rien de si dramatique, et bien plus beau que de se faire dévorer par une meute des Prochains. D'un air badin, comme si elles ne se trouvaient pas dans une situation totalement dingue et encore moins dans une position d'hypothétique meurtre, la gourmande Polynésienne proposa: J'ai trouvé des Schokobons. Ça te dit ?
Tel un effet miroir, la pression qu’elle exerce sur le cou de l’inconnue lui est rendue par une pression sur son flanc. Merde. Il était impossible de vérifier si elle était armée, il n’y avait pas assez de temps pour ça. Les deux mains de la rousse sont occupées à tenter de garder la situation sous contrôle, elle ne peut donc pas déloger l’arme s’approchant dangereusement du maigre tissu de ses habits en lambeaux. Le sentiment d’impuissance est terriblement troublant, surtout dans le monde dans lequel elle évolue désormais et où aucune erreur n’est admise. Là, c’est une erreur. Elle aurait dû tracer sa route, repartir comme elle est venue, ne pas tenter de jouer aux héros alors que ce n’est toujours pas ce qu’elle est devenue. L’inconnue la rappelle à la réalité, elle lui rappelle qu’elle n’est pas dans un film et que tout ne se passe jamais bien pour le gentil héro. Est-elle encore le gentil héro même ? Non, elle ne l’est plus. Elle ne l’est plus depuis ce jour où elle s’est sauvée d’une horde en leur laissant un landau et un nourrisson à l’intérieur. Elle ne l’est plus depuis ce jour où une mère perdue lui a confié son bébé pour quelques secondes et qu’au moindre son inhabituel elle les a abandonné tous les deux.Elle a pris tous les vivres dans sa main, a désactivé la sécurité et a simplement laissé le cercueil roulant se faufiler au milieu des zombies. Ils ont tous foncé dessus et se sont apparemment régalés, laissant à la jeune femme le temps de fuir à son tour. Elle aurait pu prendre le bébé dans ses bras et courir puisque la horde était encore loin. Elle aurait monté quelques étages via l’escalier de secours et tout le monde aurait été sain et sauf, les yeux bleus l’auraient sûrement remerciés. Au fond, elle s’est sûrement délectée du spectacle des cris et des bruits de chair et d’os se désarticulent. Cela ne ressemble plus vraiment au portrait du gentil héro. « Salut, Charlie. La forme ? » Elle aurait eu envie de lui trancher la carotide seulement à cause de son ricanement hautain et follenement inapproprié à la situation. Elle aurait vraiment voulu la planter pour cette seule et unique raison mais la surprise l’en empêche (mal)heureusement. La rousse garde une mine renfermée, les traits de ses joues creusées par le manque de nourriture, ses veines du bras davantage saillantes grâce à un soudain exercice quotidien. Ses mains ne sont plus aussi douces qu’elles l’eût été, partir en quête de crème Nuxe n’est plus une priorité. Ses chaussures blanches sont devenues noires ; pas de brosse à dent pour laver ce carnage fashion. Ses cheveux ont été coupés courts à une dizaine de centimètres de la base, parce qu’ils devenaient une arme pouvant être utilisée contre elle. Il aurait été si facile de s’accrocher à ses cheveux pour la faire tomber, il aurait été si facile qu’elle se les coince n’importe où pendant une fuite et n’arrive plus à s’extirper (et meure). L’arme vient se ranger lentement dans sa maison, ce qu’observe Charlie du coin de l’oeil sans pour autant calmer la pression qu’elle exerce sur la clavicule de son ennemie. Il n’y a plus d’amis aujourd’hui, ce mot n’existe plus, seulement des gens qui n’ont pas encore été tués. Finalement elle s’écarte rapidement d’un pas, la laissant de con côté du rayon vite et posant son dos à elle de l’autre côté de l’allée. Une distance suffisante pour réagir si jamais l’envie lui venait de dégainer à nouveau son arme. Une distance suffisante pour lui lancer le couteau de Charlie dans la gorge ou même dans le crâne. Le ventre, si elle veut une mort lente et douloureuse. A voir. Elles ont toutes les deux changé et ce qui a bien pu se passer dans leur première vie n’a plus d’importance car elles n’étaient pas les mêmes personnes. « Mange les d’abord. Qui me dit que je peux te faire confiance ? » Les bras de la rousse se sont relâchés mais de son côté elle n’a pas fait la bêtise de ranger son arme. C’est une chose qui ne se fait plus de nos jours que de baisser son attention. « Pourquoi t’es pas partie ? Pourquoi t’as pas fui ? Je te pensais plus maligne que ça. » Dans le désert, loin des grandes villes, à se nourrir de ce que l’on chasse ou pêche. C’aurait été la meilleure chose à faire.
FEATURING @Charlie Villanelle & Heïana Brook Oh lord live inside me, Lead me on my way, Oh lord live inside me, Lead me on my way. Lead me home, Lead me home. Oh lord in the darkness, Lead me on my way, Oh lord in the darkness, Lead me on my way. Lead me home, Lead me home. Oh lord heaven's waiting, Open up your door, Oh lord heaven's waiting, Open up your door
Bon, elle comptait la tenir longtemps comme ça, ou bien ? C'est que ça commençait à sacrément tirer, bordel. En même temps, ce réflexe n'étonnait pas la Tahitienne; beaucoup étaient bien trop sur la défensive désormais pour se permettre de réagir positivement devant quiconque, même pour d'anciennes relations qui avaient été pourtant positives. Et autant dire que, si elles auraient sûrement eu une amitié très forte avec le temps, les deux jeunes femmes n'avaient pas eu l'occasion d'aller beaucoup plus loin que cette nuit passées enfermées à l'extérieur du N°22, Toowong, et quelques SMS échangés. Heïana n'eut qu'à loisir de replonger dans ses pensées, en attendant que la rousse prenne sa décision. Oui, elles avaient toutes les deux bien changé. Même l'ancienne sage-femme, qui avait toujours été donnée comme exemple de douceur et un modèle de compassion, avait dû devenir méchante voire même cruelle, depuis l'avènement du nouveau monde. Elle avait évité l'inévitable aussi longtemps qu'elle avait pu mais... Son instinct de survie avait été plus fort que tout, à un moment donné. C'était même plus que cela: dans un monde impitoyable, où le faible meurt et le fort survit, les pulsions humaines sont décuplées et légitimées; la vengeance en fait partie.
Peu de temps avant le décès de Moana, les deux jeunes femmes avaient croisé la route de @Mitchell Strange, qui avait miraculeusement survécu à la première vague des Prochains, tout comme elles. Ils auraient pu s'allier, devenir partenaires, après tout un homme d'un âge mur mais encore vif et avec une certaine carrure n'aurait pas été inutile. Mais comment lui faire confiance, à ce meurtrier ? Car Heïana savait. Elle avait tout appris, quelques jours à peine avant l'Apocalypse. Ce salaud avait orchestré le meurtre de ses parents, et aurait bien pu les tuer dans le même coup, elle et Moana, alors qu'elles n'avaient strictement rien à voir dans leurs machinations d'adultes. Autant dire que lorsqu'elles le trouvèrent, blessé à une épaule mais pas gravement, un plan s'échauda dans le cerveau de la Tahitienne. Elle fit mine d'être heureuse de revoir le quarantenaire, et lui proposa de venir avec elles, ce qu'il accepta; on en était encore à l'époque où on cherchait la compagnie d'autres êtres humains à tout prix, sans se méfier des conséquences. Le soir même, ils burent comme ils n'avaient jamais bu, à l'abri dans un club échangiste, qui était donc discret, camouflé et protégé par un système d'oeil de boeuf, de multiples serrous et de doubles portes. Enfin, Mitchell avait bien bu ; Heïana n'avait pris que le nécessaire pour tromper sa vigilance. Le lendemain matin, l'homme s'était réveillé, attaché par une corde dans une voiture, ligoté au siège où il était assis au niveau de la gorge, des bras, des jambes. Les soeurs étaient déjà loin, l'aînée ayant prévu le tapage que sa mort créerait, et le nombre de Prochains que ça ameuterait. Mais bien que déjà éloignée du lieu d'exécution, la Polynésienne eut la délectation d'entendre les cris de peur du salopard qui avait tué ses parents, puis ses hurlement de douleurs. Elle en était même venue à imaginer le bruit de la chair se détachant à chaque coup de dents, les os se briser sous la violence des Prochains... Jouissif.
Finalement, une sensation de liberté la sortit de sa contemplation. Avançant un peu puis se retournant pour faire face à la rousse, Heïana se massa le poignet, tout engourdi. Tu as une sacrée poigne. Je ne l'aurais pas cru. Déclara-t'elle avec un rictus amusé. Si Charlie ne parvenait pas à se détendre au point de ne plus pouvoir sourire, même en présence de la Tahitienne, ce n'était pas le cas de celle-ci. Oh, non pas qu'elle n'était pas sur ses gardes, loin de là; son amusement apparent cachait un profond instinct survivaliste qui lui avait bien servi jusque-là. Mais la Polynésienne savait que tôt ou tard, d'une manière ou d'une autre, elle mourrait; elle ferait de son mieux pour feinter la Mort jusqu'au dernier instant, mais il serait bien trop triste de ne même plus pouvoir se réjouir - au moins de manière sarcastique, si ce n'est pas véritable - des petites surprises quotidiennes. Lorsque Charlie refusa de manger des Schokobons et ordonna à la brune de les manger d'abord, le demoiselle haussa les épaules. Tant mieux, ça en fera plus pour moi. Elle se pencha pour ramasser le bonbon qui était tombé à terre plus tôt, l'épousseta, souffla dessus, et le croqua avec délice. Elle prit ensuite le paquet qui trônait sur la tablette, descendit son sac à dos de ses épaules, l'ouvrit et plongea le contenant de gourmandises à l'intérieur. Sans prêter grande attention à la méfiance de Charlie, elle reprit ses petites courses; après tout, elle n'était pas venue là pour rien. Même si cela lui plaisait de pouvoir taper la causette à un autre être humain plus longtemps que trente secondes - ça n'était pas arrivé depuis la mort de Moana - elle avait des priorités. Cependant, à la pique de la rousse sur son intelligence, elle haussa un sourcil dubitatif et plongea ses yeux verts dans les iris électriques de l'ancienne étudiante en Sciences Politiques: Il semblerait que nous soyons aussi débiles l'une que l'autre alors.
Mais la franco-australienne prit sur elle de ne pas se formaliser plus longtemps de l'attitude de sa connaissance. Trouvant une conserve de petits pois bien fermée, elle l'ajouta dans ses réserves, tout en continuant de parler. Quand ça a commencé, j'étais à l'hôpital. Un vrai merdier pour sortir. Puis j'ai cherché ma soeur. Il n'y avait déjà plus de réseau téléphonique, seulement douze heures après le début de l'Apocalypse. Je l'ai retrouvée coincée dans notre maison, entourée de Prochains. Là aussi, ça a pas été une mince affaire. Bien sûr, plus aucune liaison aérienne, sinon ne t'en fais pas qu'on se serait exilées sur une des îles désertes de Polynésie. Et après, eh bien... Ne restait plus que la survie. Heïana ajouta un pot de miel, et du thé qui étaient encore là. Quelle aubaine, cette boutique ! La campagne n'est sans doute pas beaucoup plus sûre qu'ici. Beaucoup de Prochains ont suivi le bruit des voitures qui ont fui Brisbane. Et la nourriture doit être plus difficile à se procurer qu'ici.
Décidant de faire une petite pause - elle en avait bien besoin après plus de douze heures éveillée, à faire du repérage ici et là - la jeune femme se dirigea vers le fauteuil derrière l'ancienne caisse. Un cadavre y était déjà assis; il ne bougeait pas, et avait un superbe trou dans le crâne, bien net. La Tahitienne poussa négligemment le reste humain, et prit sa place, avec un petit soupir de soulagement, alors qu'elle posait son sac sur le comptoir. Elle regarda Charlie plus attentivement, cette fois. Elle avait les traits creusés, visiblement trop maigre. Heïana aussi avait perdu quelques kilos bien sûr, mais elle ne faisait pas aussi fragilisée que la rousse. Elle ne savait pas se trouver à manger ou quoi ? Ses cernes étaient aussi larges que des valises; ça, c'était reconnaissable à tout être humain encore vivant. Quant à ses fringues, n'en parlons pas. Elle n'avait pas dû avoir le cran d'en prendre sur un cadavre potable. Tu es seule ? Demanda la jeune femme, se doutant déjà un peu de la réponse.
L'emprise sur Brook relâchée, la rousse reste néanmoins sur ses gardes, comme aurait dû le faire Gamora face à Thanos. Gamine ou pas, elle n’aurait jamais dû lui faire confiance, parce qu’il a tué toute sa planète mine de rien, alors cela semble être une raison assez acceptable pour se méfier de quelqu’un. Même s’il lui a offert un super couteau suisse équilibré en retour, désolée mais non le jeu n’en vaut pas la chandelle. Il n’y a qu’à voir ce qu’il a aussi fait à Nebula pour arriver à ses fins. Les références aux super héros sont toujours valables en cas de fin du monde ce qui est assez risible, surtout lorsqu’on sait que Charlie tente au mieux de se raccrocher à ce qu’ils représentent pour tenter de survivre. Bien sûr, elle n’essaye pas d’avoir la même pureté morale que Captain America sinon elle n’oserait pas tuer les morts et se laisserait manger à la moindre occasion ; au contraire il lui faut la poigne de fer qu’avait Iron Man. Elle n’aurait pas dit non à quelques uns de ses gadgets ou ceux confectionnés par Shuri ceci dit. Croyez vous que ce soit aussi la fin du monde au Wakanda ? Sûrement pas, ils ont un dôme inviolable (hmhm, presque) et des siècles d’avance sur le reste du l’humanité, ils n’ont qu’à vivre dans leur cocon et tout ira bien pour eux. Quels chanceux, ils n’ont pas besoin de prier chaque soir pour mourir pendant la nuit et qu’il n’y ait jamais de lendemain. Désolée encore une fois, tout le monde n’est pas aussi joyeux que Mantis ou aussi bête que Drax. Drax qui doit d’ailleurs se demander quoi est Gamora depuis son précieux petit vaisseau intergalactique, bien loin de la fin du monde sur la Terre. Enfin, une des terres si on en croit le multivers à propos duquel s’extasie Spider Man alors que tout autre mortel qui n’y comprend rien. C’est dans ces moments là que la rousse rêve d’un peu de magie, d’un brin de sortilèges pour pouvoir voyager à travers les mondes et échapper au sien, suivre Thor dans le Bifröst et appeler Heimdall dès qu’elle a une épine à faire soigner en urgence à Asgard. Cette fois ci elle ne crierait pas pour rien, elle crierait pour la fin du monde et peu importe qu’elle soit accueillie par Odin ou Loki le dieu de la malice, elle souhaite simplement fuir cette terre de malheur et de désespérance. N’importe quel monde ferrait l’affaire pourvu que ce ne soit pas le sien et celui de Peter Quill, parce que le leur est devenu invivable. Il n’y a même plus Come and get your love sur les ondes car il n’y a plus d’ondes ; ou personnes pour prendre le temps de s’en occuper en tout cas. La pierre du temps de Docteur Strange y changerait-elle quelque chose ? Si seulement quelqu’un avait idée de la cause de la contamination, peut être bien … Désormais il est trop tard, il n’y a même plus de scientifiques pour se poser la question. Captain Marvel doit sûrement avoir de bien meilleures choses à gérer comme elle le fait régulièrement comprendre aux avengers, et ce n’est pas Valkyrie sur son pégase qui pourra sauver sept milliards d’âmes (peut être plus d’un milliard maintenant, en fait ; mais ça fait toujours beaucoup à dos de poney pour un arche de noé). Qui pourrait encore venir à leur secours ? Même si on commence à taper chez les DC, les chances restent faible. Il y a sûrement de la kryptonite sous la peau de ces foutues zombies, on oublie donc Superman. Sa cousine Supergirl ne doit pas être bien mieux et Flash aka l’homme le plus rapide du monde doit être en train de courir après les quelques milliers d’exceptions plus rapides que lui. Batman ne semble s’occuper que de Gotham et il doit avoir beaucoup à faire si les portes d’Arkham se sont à nouveau ouvertes. Iron Fist galère à utiliser … son poing, justement. The Punisher se fait casser la gueule, Jessica pleure au fond d’elle la mort de Killgrave, Daredevil ne semble pas vraiment de confiance avec deux yeux en moins, les Inhumans s’entretuent entre eux. Sinon, tout va bien, merci de nous avoir fait rêver Marvel et DC tout ça pour laisser le monde entier mourir à la moindre contrariété. Héros de merde. « T’aurais pas cru beaucoup d’autres choses encore j’pense. » Par exemple, au hasard, la fin du monde. Charlie reste sur la défensive, son ton ironique prend Heïana de haut. Il n’y a plus d’amis aujourd’hui, c’est un terme devenu abstrait. Il y a des gens qui se tuent et d’autres qui attendent encore un peu, c’est tout. La rousse ne sait pas encore dans quelle catégorie se faufiler pour le moment. Le temps de la confiance est révolu, même pour un paquet de bonbons semblant dater de Mathusalem. Charlie n’a pas de gouteur, ce qui est ingéré l’est pour toujours et elle ne peut prendre aucun risque. Parfois il est bien vrai qu’elle aimerait mourir, mais quitte à choisir il faudrait que ce soit rapide et sans douleur. Un empoisonnement cela ne ressemble ni à du rapide ni à du sans douleur. De toute façon, elle n’a jamais vraiment aimé ces bonbons là, il y a trop de sucre. Ensuite elle aura soif et rien avec quoi se désaltérer, elle en voudra toujours plus en entrera dans une colère noire lorsque le paquet aura été vidé pour toujours. Le plan était nulle, vaut mieux que ce soit la Tahitienne qui vive tous ces problèmes à sa place, surtout qu’à sa mine elle a l’air d’apprécier son fruit défendu (ironique si on pense à tous les produits chimiques contenus dans un seul bonbon). « Etouffe toi avec. » qu’elle marmonne pour elle même dans sa barbe, la mine toujours boudeuse. Elle a depuis longtemps perdu ses rides de sourires la Charlie, parce qu’il n’y a plus matière à sourire dans ce monde. Beaucoup auraient pu croire que rencontrer à nouveau la métisse lui aurait rappelé de bons souvenirs, c’est tout le contraire qui arrive. Elle se souvient de sa vie d’avant et de ses si petits problèmes qui paraissaient alors existentiel, elle se souvient de ce temps où s’il manquait vingt grammes de farine pour faire un gâteau c’était la fin du monde. Ses yeux deviennent noir lorsqu’elle ose lui rappeler qu’elles sont toutes les deux aussi bêtes alors qu’elle ne connaît rien à la nouvelle vie de la rousse. Elle lui aurait bien planté un coup de couteau à cet instant précis, seulement parce qu’elle s’est moquée d’elle et que ça la démange. Des fourmis lui parcourent la main. Sa vigilance baisse sans qu’elle ne le veuille ni ne s’en rende compte alors qu’elle écoute sagement l’histoire d’Heïana, étouffant un rire lorsqu’elle parle “prochains”. Des zombies, quoi, des putains de zombies bouffeurs de chair. C’étaient les enfants qu’on appelait les prochains avant, nos prochains. Désormais plus personne ne veut d’enfant. Un enfant est synonyme de mort. Soudainement elle se questionne sur l’apparence que pourrait avoir un mort né et quel genre de zombie ça donnerait, puis elle se rend compte que c’est sacrément dégueulasse. « Ouais j’étais un peu là aussi je crois, je sais pour le téléphone et les avions ... » Elle ne peut pas s’empêcher de tout commenter avec une remarque à chaque fois plus acerbe que la précédente. Charlie d’avant aurait docilement hoché la tête et pris Brook en pitié. Désormais elle s’en moque de son histoire, elle se moque de son passé comme de son futur, proche ou lointain. La seule chose qui compte désormais c’est sa propre survie, elle n’a pas le temps de répondre par la positive aux incitations de la métisse. Elle se la joue gentille, trop gentille, et c’est louche. « Je t’ai pas demandé de raconter ta vie non plus, deux mots auraient suffit. » Villanelle est devenue bien difficile à supporter, elle a appris des pires emmerdeurs de Brisbane apparemment. « Non je suis pas seule, on s’est séparés pour chercher à bouffer. » Faux, faux, archi faux. me solitaire errant au gré de ses envies et de ses pulsions, ombre d’elle même naviguant où le vent la porte ; voilà ce qu’est devenue Charlie Villanelle. Elle a perdu son titre de personne humain, elle est seulement une chose dont le Destin s’amuse allègrement. Une chose qui erre seule, désespérément seule. « Pourquoi t’es seule toi ? T’avais pas une soeur, Mona je sais pas quoi ? » Elle sait très bien quoi mais ça la tuerait d’avouer qu’elle se souvient de leur conversation.
FEATURING @Charlie Villanelle & Heïana Brook Oh lord live inside me, Lead me on my way, Oh lord live inside me, Lead me on my way. Lead me home, Lead me home. Oh lord in the darkness, Lead me on my way, Oh lord in the darkness, Lead me on my way. Lead me home, Lead me home. Oh lord heaven's waiting, Open up your door, Oh lord heaven's waiting, Open up your door
C'est que la rouquine commençait à sérieusement lui taper sur les nerfs, là. Sans se montrer énormément cordiale, ayant trop de sarcasme en elle pour réussir à afficher la mine joyeuse des temps anciens, Heïana avait essayé d'amorcer un début de conversation. Le genre de trucs que font les êtres humains, quoi. Mais bien vite, l'attitude de son interlocutrice l'avait refroidie. La naïve étudiante de Sciences Po' n'était plus depuis bien longtemps, ou alors elle se trouvait bien au fond du coeur de Charlie, camouflée, cachée, barricadée sous dix mille chaînes de méchanceté et d'arrogance. Ce fut en tout cas ce que constata la Tahitienne lorsque la jeune adulte lui marmonna de s'étouffer avec ses Schokobons. Eh bien, quel sale caractère ! Quel mal à vouloir trouver quelques secondes de douceur dans ce monde si cruel ? Dépitée, la demoiselle rouvrit son sac alors qu'elle s'était assise derrière le comptoir de paiement, en ressortit le sachet de gourmandises chocolatées et se mit à le picorer. Il n'y avait là aucune provocation de sa part, mais après tout, si la rousse avait décidé d'être aussi désagréable, elle ne comptait pas prendre plus de gants avec qu'elle venait de le faire. Autant Heïana avait gardé, malgré tout, un petit côté sociable et presque empathique, autant son coeur était lui aussi bardé d'épaisses murailles. Enfin ça, c'est ce qu'elle croyait, et cela lui fut confirmé lorsqu'elle vit la réaction de son alter ego à ses paroles.
En effet, celle-ci semblait ne pas avoir apprécié sa réflexion sur sa prétendue stupidité. Ouhla, susceptible la Villanelle ? En même temps, qu'elle ne vienne pas se plaindre du retour de bâton; c'est elle qui cherchait la merde avec ses répliques venimeuses et son regard acéré. On récolte ce que l'on sème, dit le dicton; il ne pouvait pas être plus vrai que lors de cette conversation. Comme si Heïana allait se laisser mener par le bout du nez et s'écraser devant la rancoeur de ce bébé qu'était Charlie à ses yeux ! Oh, pas un nourrisson inoffensif, ça c'est sûr; mais une enfant puérile qui ne savait pas se défendre autrement qu'en attaquant, ça c'est certain. D'ailleurs, Brook junior avait très bien remarqué le tremblement qui avait secoué les doigts de sa comparse, comme si elle était prête à lui lancer la dague dessus. Eh bien, les voilà bien barrées ... Dans un autre monde, elles auraient pu être amies, peut-être. Mais là, c'était juste devenu impossible. La Tahitienne avait fait l'effort de faire un premier pas, mais s'était heurtée à un mur de glace; elle ne tenterait pas de creuser plus loin, elle aussi avait mieux à faire en réalité. Je t’ai pas demandé de raconter ta vie non plus, deux mots auraient suffit. Ces mots glacèrent le coeur d'Heïana, qui tomba directement dans son estomac, plus rapidement qu'un corps sans vie dans une tombe, et avec la lourdeur d'un poids mort. Elle arrêta de mâcher le bonbon si délicieux qu'elle avait en bouche un instant, et leva les yeux vers la rouquine. Sa réponse fut acide. Désolée d'avoir encore une once d'humanité. Contrairement à toi, ajouta-t'elle en pensée. Ainsi, la douce et tendre Charlie, avec qui elle s'était enquillé une bouteille de Get 27 quelques mois plus tôt, était réellement morte. Enterrée et décomposée, au plus profond de son âme. Si quelques instants plus tôt, la métisse se disait qu'il devait bien rester un bout de la gentille rousse derrière son visage hautain et méprisant, elle réalisa à cet instant que ce n'était pas le cas. Mais étrangement, cela lui faisait ... mal. Vraiment très mal; bien plus qu'elle n'aurait jamais pu l'imaginer. Probablement parce qu'à part Mitchell, l'ex-étudiante était bien la seule personne qu'elle ait connu autrefois qu'elle avait pu recroiser, et que celle-ci se montrait tout bonnement... inhumaine. Alors qu'elle avait été si douce autrefois. Si Heïana avait pu parier sur une personne qui aurait gardé un bon fond, ça aurait été Charlie. Au final, elle avait tout d'un zombie, si ce n'est l'odeur putride et l'envie de chair fraîche. Sa situation n'était pas plus enviable que celle d'un de ces cadavres décomposés. Heïana sentit ses yeux se brouiller, comme si elle allait pleurer. Mais non, elle ne le ferait pas. Trop dure, trop fière depuis le temps, depuis les malheurs successifs. La consolation dans tout ça, c'est que ses parents, eux au moins, n'avaient pas connu ce monde de désolation, et dans le malheur de leur mort, ils auront au moins vécu un trépas rapide, si brusque d'ailleurs que le médecin légiste avait dit qu'ils n'avaient pas eu le temps de comprendre ce qu'il leur arrivait.
La Tahitienne roula des yeux, les bloquant un instant levés au ciel lorsque la rousse prétendit ne pas être seule. Quelle abominable menteuse. Se séparer, c'est la route la plus sûre vers la mort par ces temps. Être en petit groupe, uni, c'était là souvent le chemin le plus sûr vers la survie. Heïana fouilla le tiroir-caisse, et constata avec surprise qu'il s'y trouvait un pistolet. Elle n'y toucha pas pour l'instant, ne voulant pas alarmer les sens de la zombie vivante qui lui faisait face. Cependant, son regard se fit dur, meurtrier lorsqu'elle entendit les dernières paroles de Charlie. Toujours aussi mauvaise menteuse que dix secondes auparavant. Va te faire foutre Villanelle, répondit Heïana d'une voix mauvaise, dure comme du diamant, tranchante comme de l'acier. Depuis quand tu t'intéresses à ma vie ? Demanda-t'elle d'un ton méprisant, faisant référence aux propres paroles de la femme, trois minutes plus tôt. Quel culot d'oser lui demander ça après ce qu'elle lui avait dit. Si elle n'avait écouté que sa haine, sa rancoeur, sa colère, elle les aurait cristallisées sur Charlie et lui aurait tiré dessus avec ce pistolet. Mais en plus de risquer de la louper, elle attirerait sans aucun doute les Prochains. Mais cette fille n'en valait pas la peine ; elle n'en valait plus la peine. Plus rien ne valait la peine d'être vécu de toute façon.
Heïana remis rapidement son sac sur ses genoux, et y glissa discrètement le pistolet, avec la seule balle qui se trouvait dans le tiroir-caisse. Elle referma la poche, pris un dernier Schokobon, puis sembla se désintéresser totalement du paquet. Elle se leva, remit son sac sur son dos, et se dirigea vers la sortie. Au plaisir de ne jamais te revoir, lâcha-t'elle avec rage, laissant la rouquine à sa solitude. Furtive, silencieuse et rapide, la femme à la si jolie peau caramel traversa la rue, et se rendit dans sa planque, qui n'était pas si loin que ça. Une maison classique du quartier de Logan City, simple au premier abord, mais qui avait la particularité d'avoir un bunker souterrain ; une demeure de survivalistes, qui n'avaient malheureusement sûrement jamais eu l'occasion de l'utiliser. Pourtant, la jeune femme ne le rejoignit pas, mais se rendit dans le jardin. S'il restait encore une chose belle en ce monde dévasté, c'était la nature. Alors certes, la pelouse n'était pas tondue. Les hautes herbes avaient poussé de manière anarchique, comme certaines fleurs sauvages. Heïana s'assit au beau milieu de cet endroit, qui aurait presque eu des airs de paradis dans cet univers horrifique, et enleva son sac de ses épaules, le posant à ses côtés. Elle mangea son dernier Schokobon. Sortit les photos de sa poche, regarda plus particulièrement celle où elle riait avec Moana, il y a encore peu de temps. Du pouce, elle caressa le visage de sa cadette. Sa chère petite soeur. Une larme, unique témoin de sa douleur, roula sur sa joue. Elle sortit le pistolet de son sac, le chargea.
A Logan City, on n'entendit plus que le bruit sourd d'une détonation. Puis, le silence.
« Désolée d'avoir encore une once d'humanité. » Charlie lève les yeux au ciel, parce qu’elle sait qu’Heïana devrait réellement être désolée, oui. L’humanité n’est plus, elle a quitté cette terre, il ne sert plus à rien d’avoir espoir, de sourire, de prendre goût à la vie alors que seule la mort les attend au bout du chemin. Elle aurait pu être celle lançant cette phrase mielleuse il y a quelques mois encore mais bizarrement elle s’est bien habituée à avoir un coeur de pierre, à ne plus rien ressentir et à être imperméable au reste du monde. Perdre tous ses amis a sûrement été pour quelque chose là dedans, oui. Peut être que ce n’est que sa vraie nature qui s’est enfin révélée à l’aube de la fin du monde, la Boite de Pandore qui n’attendait qu’à être ouverte, la Pomme de Discorde qui n’attendait qu’à être lancée. Elle n’attendait peut être que ça au fond d’elle, faire exploser sa véritable nature, ne plus avoir à se cacher derrière des rires et des sourires, des excuses baignées dans la niaiserie, des doutes et des appréhensions à ne plus savoir quoi en faire. Désormais elle n’a plus le temps de douter, de se questionner, de revenir en arrière. Un doute, boum, t’es mort. Un remord, boum, t’es mort. De la pitié, boum. T’es mort. T’es mort dans tous les scénarios. Le seul but est devenu la survie, il n’y a plus de place pour rien d’autre. Survivre en bouffant, survivre en buvant, survivre en se mouvant. Le rythme ternaire de sa vie désormais. Oublié le alcool, drogue, sexe, c’était dans une autre vie. Oubliées les sorties au musée, les escapades au Panthéon de Rome pour en admirer la construction, terminées les heures passées avec sa classe de collégiens à dessiner l’architrave, les chapiteaux, les pilastres, les rinceaux, … Terminé le bon vieux temps pendant lequel le plus gros de ses soucis était qu’elle n’arrivait pas à correctement placer les absidioles sur le plan d’une église. Oh, le bon vieux temps où il y avait encore du papier et des stylos à foison. Elle aurait pu en planter un dans le cou de Brook et elles n’auraient pas eu cette discussion inintéresante. « C’est une perte de temps que de penser encore aux autres. » Tout le monde devrait avoir peur, car comme le disait Stephen King “FEAR stands for fuck everything and run” et ça n’a jamais été aussi vrai. Elles devraient courir, pas se goinfrer de schoko périmés et avoir les mains tremblantes à cause du manque de confiance sous jacent. Charlie l’observe fouiller le bureau et cela ne la rassure pas du tout, elle ne sait pas ce à quoi elle pourrait avoir accès, ce qu’elle pourrait retourner contre elle à tout moment. Merde. Elle aurait dû l’empêcher d’approcher de là bas, l’empêcher de fouiller aussi longuement dans son si précieux sac dont elle ne connaît pas le contenu. Elle aurait dû prévoir que la métisse n’allait pas apprécier ses remarques acerbes si éloignées de l’image qu’elle donnait au reste du monde auparavant. « Va te faire foutre Villanelle, depuis quand tu t'intéresses à ma vie ? » La rousse souffle bruyamment, pas réellement étonnée par la tournure que prennent les évènements. C’est ce qu’elle voulait. Elle ne voulait pas que Brook s’immisce dans sa vie, qu’elle emprunte le même chemin périlleux qu’elle. Elle a l’air de plutôt bien s’en sortir, d’avoir gardé un peu de chaleur au fond de son coeur, et c’est bien plus que tout ce que n’aura jamais Villanelle. La rousse trouve la moyen de tout faire foirer même quand c’est la fin du monde ; bravo. Elle ne voulait pas que la Tahitienne foire tout en se joignant à elle, elle ne voulait pas l’entraîner dans sa chute alors qu’elle ne le méritait pas. Un peu de haine, de méchanceté gratuite ; il en faut peu pour éloigner les hommes de son coeur, et les femmes avec. Une barrière faite de bric et de broc, faite avec ce qu’elle trouve sur son chemin, avec les remarques qu’elle a elle même essuyé au fil des années. « Ca n’a jamais été le cas. » Nier l’évidence est au moins une chose que Charlie n’a pas eu à apprendre de qui que ce soit, elle s’en sortait déjà très bien tout seule avant. Il s’agissait de voir le bon alors qu’il n’y avait que du mauvais, désormais il s’agit de rappeler qu’on est entourés de mauvais dès qu’une once de bonté refait surface. Simple, rapide, efficace. Brook en rogne, Brook sauvé d’une future descente aux enfers. « Au plaisir de ne jamais te revoir. » Un sourire condescendant sur les lèvres de Charlie, un signe de la main digne des militaires lui souhaitant un dernier au revoir. Adieu, si elle a de la chance, puissent-elles ne jamais se recroiser et Heïana vivre une belle vie. Aussi belle que possible lorsqu’il s’agit de fin du monde.
Ses pas continuent au loin, chacune a retrouvé son sac à dos et finalement personne n’a tué personne. La rousse renonce à trouver de la nourriture dans ce supermarché ci, de peur qu’elle ne revienne pour quelque raison que ce soit. Elle n’est plus à quelques heures près sans manger, à partir du moment où elle ne se souvient pas de quand date son dernier repas elle n’en a plus rien à faire. Elle resserre les sangles de son sac, sèche le manche de son couteau désormais trempé de sueur et passe par la même sortie utilisée par son ancienne amie. Le dos voûté, les yeux fixés sur ses pieds, les yeux voilés et les mains accrochées à son sac elle se demande réellement à quoi rime tout ceci. Une détonation se fait entendre, trop proche pour qu’elle ne soit due au hasard. Ses pas s’arrêtent, elle observe les corbeaux s’envoler. Elle a bien vu Heïana remplir son sac avec ce qui semblait être une arme ; elle ne l’aurait pas pensé assez forte pour mettre elle même fin à ses jours. Elle a toujours été la plus forte des deux, celle qui prenait les meilleures décisions. Charlie aurait dû faire de même il y a bien longtemps. La rousse reprend sa route, comme si de rien n’était. Un mort de plus ou de moins, cela ne change pas grand chose maintenant.