Une douce odeur de gâteau au chocolat se répandait dans toute la maison du numéro 22, à Toowong. En cette journée de beau temps, l'une des deux nouvelles occupantes de cette maison s'était décidée à aller faire un petit tour de quartier, pour se présenter auprès des voisins. Quoi de mieux pour se montrer ouverte et sociable qu'en faisant le tour du pâté de maisons avec de bons gâteaux ? Bien évidemment, Heïana ne ferait pas le quartier entier, et certainement pas toutes les maisons d'un seul coup. Non, si déjà elle en faisait deux aujourd'hui, une le matin et une l'après-midi, ce serait bien. Moana pour sa part ne pourrait pas la suivre, elle avait une journée d'immersion dans des cours de droit à l'université de Brisbane, pour découvrir un peu l'ambiance de la fac, le contenu de la formation, voir quelques professeurs, discuter avec des étudiants... Il s'agissait d'une journée proposée plusieurs fois par an par la structure d'études supérieures aux lycéens et personnes désireuses de reprendre des études. Autant dire que la cadette Brook avait sauté sur l'occasion. L'aînée irait donc seule commencer le tour du quartier; qu'à cela ne tienne, sa motivation n'en était pas moindre pour autant ! La Tahitienne, qui sortait juste de la douche, n'était vêtue que de son plus simple appareil. Elle passa auprès du four, vérifia la cuisson de ses muffins au chocolat. Il lui restait encore dix minutes avant qu'ils ne soient prêts, parfait pour aller se préparer.
La jeune femme retourna donc à sa chambre, choppant une serviette au passage pour terminer de sécher correctement ses longs cheveux noirs, assez pour qu'ils ne gouttent plus en tout cas, chantonnant un air bien français, "La vie en rose" de la célèbre Edith Piaf. Quand il me prend dans ses bras, Il me parle tout bas, Je vois la vie en rose... ♫ Quelques minutes plus tard, la Polynésienne était habillée d'une légère robe bleue dos-nu, qui descendait à mi-cuisses. Des espadrilles, un bracelet fin sur le poignet droit, un séchage express de sa chevelure qu'elle laissa ensuite détachée, et la voilà fin prête. Pas de maquillage, flemme. Et puis, Heïana avait la chance d'avoir une jolie peu, rarement marquée par des imperfections; elle réservait donc le maquillage aux jours de fêtes, de sortie particulière. D'un pas un peu pressé, car il lui semblait avoir entendu la sonnerie de fin de cuisson, elle retourna à la cuisine et sortit bien vite les muffins du four. Ouf, ils n'avaient pas pris de coup de chaud. Avec précaution, elle les déposa dans un tupperware creux et plat; il y en avait bien une dizaine, de quoi régaler plusieurs personnes sans aucun problème. La jeune femme jeta un coup d'oeil à l'horloge qui trônait dans la pièce; dix heures trente, un bon horaire pour aller saluer les voisins. Ni trop tôt pour les tirer de leur lit, ni trop tard pour proposer ses gourmandises faites maison. Un petit sac sur son épaule pour ranger le nécessaire de sortie, son plat dans les mains, et cinq minutes plus tard, la maïeuticienne était dehors.
Cependant, les premiers essais ne furent pas fructueux; la plupart des portes auxquelles elle toqua ne s'ouvrirent pas, les habitants étant probablement partis au travail. En même temps, on était en pleine semaine, et tous ceux occupants des emplois de bureaux ou autres métiers sans horaires spéciaux étaient partis travailler. Finalement, Heïana se retrouva face au numéro 45. La brune lut le nom sur la boîte aux lettres. Tiens, il lui disait quelque chose, mais elle ne saurait plus trop dire pourquoi ou comment. Edge Price ... Bah, elle verrait bien. S'avançant jusqu'à la porte d'entrée, la Tahitienne frappa trois fois, et patienta. Aurait-elle plus de chance, cette fois ?
Tes jours de repos ne sont pas rares mais ils sont généralement éparpillés dans la semaine si bien qu'il est parfois impossible pour toi de vraiment planifier quelque chose, d'autant plus qu'en tant qu'homme célibataire, sans enfants et sans grande responsabilités aux yeux de certains, il est difficile de justifier pourquoi tu aurais besoin de tes week-end ou tout autre date importante pour quelqu'un avec une plus grande famille. Mais tu es bien content d'être chez toi aujourd'hui et content d'avoir une journée pour te consacrer pleinement à l'entretien de ta maison; c'est ce que tu fais pendant une bonne heure après ton réveil, passant la poussière et l'aspirateur dans toutes les pièces et ouvrant les fenêtres histoire d'aérer un peu. Certes, ce n'est pas la chose la plus passionnante à faire, mais quand on vit seul, on ne peut pas s'attendre à ce quelqu'un d'autre le fasse à sa place... n'est-ce pas? Et puis ce genre de tâches quotidiennes ne t'a jamais dérangé, tu vis seul depuis longtemps et même du temps de l'université, quand tu devais encore partager une chambre, tu étais de ceux qui tentaient de motiver leurs colocataires pour garder les espaces communs propres. Après une rapide douche, tu te retrouves à trier ton courrier dans la cuisine, te maudissant intérieurement d'avoir laissé une telle pile s'accumuler. Comme toute personne normalement constituée, tu n'aimes pas avoir à faire à la paperasse mais dès fois, il faut s'y coller. La plupart des dites lettres sont de simples publicités et des coupons pour une pizza gratuite et ce genre de deal, il y a cependant des jolies factures qui traînent là et tu es sur le point de consulter tes comptes quand ton téléphone portable sonne. Et un véritable sourire apparait sur ton visage alors que tu réalises qu'il s'agit de ta mère, Tamara. Cela fait très exactement une semaine que vous ne vous êtes pas parlés, cette dernière en déplacement pour son boulot. Et vous restez une bonne heure au téléphone, cette dernière bien contente d'être rentrée à Melbourne et la demi-heure suivante vous tentez d'organiser vos prochaines vacances communes. "... Septembre? Ça me parait être une bonne date pour partir Septembre? Les vols seront moins chers et pas de famille dans l'hôtel... " fais-tu remarquer car tu as encore en mémoire vos dernières vacances en Italie où les paisibles après-midi au bord de la piscine ont été ruiné par une colonie de vacances. Tu n'as rien contre les enfants loin de là, tu apprécies juste le calme quand tu décides de partir loin de tout et oublier un peu le bordel sans nom qu'est ta vie. Tamara Price est une femme occupée bien sûr et tu as encore une fois l'envie de demander à ta mère où et comment elle trouve l'énergie pour tout faire, c'est impressionant parfois. "Okay mais réfléchis-y maintenant histoire que je puisse m'organiser..." Et dire que parfois tes amis proches te reprochent d'avoir un emploi du temps de ministre, il faudrait vraiment qu'ils rencontrent ta mère histoire qu'ils sachent de qui tu tiens cela. Tu finis par raccrocher dix minutes plus tard, avec la promesse que oui, vous finirez par aller en Floride ou retourner au Japon en Septembre et tu t'apprêtes à revenir à tes factures quand tu finis par distinguer trois coup frappés à la portes. Tu n'attends personne aujourd'hui, personne du club de boxe pour venir squatter les chaises longues que tu viens d'installer dehors, ni même Ezra pour jeter un oeil sous le capot de ta Mustang. Mais tu as une excuse pour ne pas être un adulte pour cinq minutes de plus alors tu finis par hausser les épaules et te diriger vers la porte d'entrée, que tu ouvres sans aucune hésitation. Ton regard tombe sur un visage d'apparence inconnu, appartenant à une jeune femme à la peau mate, tenant un tupperware remplis de ... ce qui ressemblait de très près à des muffins. "Bonjour... je peux vous aider?" demandes-tu, espérant de tout coeur qu'il ne s'agit pas d'une de ses vendeuses qui font du porte à porte ou qu'elle n'est pas là pour te présenter la parole de Dieu.
La jeune femme crut un instant qu'une fois de plus, la personne vivant dans cette maison était absente. Franchement, si cette énième tentative était un échec, elle rentrerait chez elle et mangerait ses muffins en jouant à un jeu vidéo ! Na. Et puis, elle rencontrerait sans aucun doute les personnes vivant dans le quartier à un méchoui ou à une fête de voisinage comme il s'en déroulait régulièrement l'été, après tout. Mais après quelques temps d'attente, la demoiselle entendit des bruits de pas se diriger vers la porte devant laquelle elle patientait. Chouette alors ! Lorsque l'entrée s'ouvrit, un grand homme apparut sur le perron. Waouw, impressionnant. Il était grand et très baraqué, sacré carrure. S'il n'avait pas fait carrière dans les services de sécurité, l'armée ou quelque chose ayant trait à la défense des biens ou des personnes, ce serait du gâchis. D'autant plus qu'il devait s'entretenir, on n'obtient pas une telle musculature d'un claquement de doigts, même si certains sont plus gâtés par la nature que d'autre. BREF ! Là n'est pas le sujet. Par contre, il semblait un peu... Méfiant ? Voilà bien une chose qui avait tendance à déstabiliser Heïana depuis son retour à Brisbane. Les gens avaient plus tendance à mettre un mur entre eux qu'à accueillir à bras ouverts, à s'intéresser. Tout l'inverse de Tahiti en somme. Mais bon en même temps, en Polynésie française, il devait y avoir environ deux cents mille habitants à l'année, sans compter les touristes. Alors forcément, de près ou de loin, tout le monde se connaissait un peu, au moins de nom, de réputation, par la famille d'un tel ou la relation de telle autre. Enfin, il n'était pas agressif ou véritablement froid pour autant, c'était mieux que rien. Ainsi, la jolie brune ne se laissa pas démonter. Un large sourire étira ses lèvres et rehaussa ses pommettes alors que ses yeux s'ancraient dans ceux de son interlocuteur.
Bonjour Monsieur.. Price, le salua la Tahitienne en se remémorant son patronyme. Je m'appelle Heïana Brook, et je viens de m'installer au numéro 22 dans ce quartier avec ma petite soeur, Moana. Alors... Je passe juste l'annoncer aux voisins, et je me suis dis qu'avec des muffins ce serait encore plus sympa.Elle avait conclut sa petite présentation en tendant un peu plus haut son tupperware de gourmandises, le mettant en valeur. Le coeur sur la main, notre maïeuticienne ? Nooon, croyez-vous. En même temps, elle était d'un naturel très sociable; ses années de vie passées dans les îles n'avaient fait que renforcer ce trait de sa personnalité. Ainsi, il n'était pas rare que, du temps de sa vie avec Moana en Polynésie française, elles recevaient régulièrement les voisins, la famille éloignée voire même des amis d'amis d'amis pour un apéritif, un café, voire même un gueuleton ! Heïana adorait rencontrer de nouvelles personnes, lier des relations plus ou moins étroites en fonction du feeling, discuter, partager. Alors franchement, si en plus de cela, elle pouvait profiter du moment avec une personne autour d'un bon café... Elle ne risquait pas de refuser l'opportunité ! En plus, il y en a pour tous les goûts: classiques, tout choco', chocolat blanc - framboises ... Ajouta la jeune adulte avec un petit clin d'oeil joueur, comptant sur sa bonne humeur communicative pour adoucir l'homme qui se trouvait face à elle. Enfin, s'il ne désirait pas la recevoir, elle ne s'en formaliserait pas... Et rentrerait chez elle tranquillement, un peu déçue mais pas rancunière.
Ce n'était pas un solliciteur de l'autre côté de la porte, Dieu merci, mais une jeune femme à l'air plus qu'enjoué. Qui n'avait rien à envier à n'importe quel employé que tu as pu croiser de toute ta vie, son enthousiasme et son sourire était particulièrement contagieux et plus que rare quand on savait que c'était elle qui était venu taper à la porte d'un parfait inconnu, qui plus est. Pour se présenter et apprendre à connaître ses voisins. Et quand on savait que la plupart des gens, toi y compris, passait leur temps enfermé chez eux ou au boulot et ne prenait pas la peine de saluer leur voisin... L'effort était apprécié. Toi, tu avais mis un point d'honneur à faire cet effort justement, avec ta voisine directe Lily, qui avait déjà passé la porte de ta demeure à plusieurs reprises. Mais c'était ta façon à toi de t'excuser quand tu te décidais à mettre ta musique un peu trop forte (on ne pourra pas te reprocher d'écouter Beyoncé au volume adéquat.) ou que tu te lances dans un barbecue improvisé et que tu invites tout le club de boxe chez toi. Ce qui arrive environ tous les deux mois. Surtout quand les beaux jours arrivent sur Brisbane. "C'est Edge. Vous pouvez m'appeler Edge. Et merci, je crois que c'est la première fois que je vois un de mes voisins faire autant d'efforts." Que tu commentes simplement, tu t'apprêtes à l'inviter à rentrer chez toi et lui proposer un verre de limonade et lui expliquer quelques petits détails sur le quartier - le jour des collectes des poubelles, qui sont les voisins les plus bruyants (tu es en première place sur cette liste pas de toute là dessus)- quand tu te répètes son prénom dans ta tête. Ça te dit quelque chose, c'est trop familier et tu as une trop bonne mémoire pour laisser passer un détail de la sorte, une de tes toutes premières affaires, assez conséquente pour laisser une trace indélibile et pour te marquer vraiment. Cependant tu dois être certain, s'il ne s'agit pas de la même Brook, tu risques de passer pour un crétin fini qui est incapable de mettre son travail de côté et de tout simplement lâcher prise. "... Okay je peux vous poser une question, ça va sûrement vous paraître bizarre mais...." Mais tu es toi et quand tu as ce genre d'instincts, il faut que tu poses la question à voix haute. Cela t'a déjà mise dans des situations plus que gênante et on t'a déjà reproché de manquer de tact. À plusieurs reprises, car tu es de ceux qui mettent les pieds dans les plats et ce même quand tu n'en a pas l'intention. "Je connais quelqu'un avec le même patronyme qui a été dans un accident il y a environ 7 ans de cela, je vous pose la question parce que je bosse dans la police donc..." Tu ne veux pas passer pour quelqu'un qui se renseigne sur ce genre d'affaires qui font couler de l'encre car tu as une fascination particulière pour le macabre, non, ça serait encore pire dans ce cas précis, si tu te souviens de tous les détails, une partie de la famille a péri dans l'accident de voiture en questions et donc, cela a eu beaucoup de conséquences. Encore une fois, toutes les affaires sur lesquelles tu travailles ne restent pas avec toi, sinon tu finirais très certainement par devenir fou, mais celle-ci remonte à tes débuts dans la police de Brisbane, quand tu étais soucieux de te rendre utile et que tu voulais faire tes preuves avant tout.
Il semblerait que les arguments d'Heïana faisaient leur effet. Elle vit doucement les traits de l'homme qui était face à elle se détendre, comme s'il s'était attendu à trouver quelqu'un d'autre sur le pas de sa porte. Apparemment pas quelqu'un qu'il aurait voulu voir, apparemment. Par chance, la jeune Brook se trouvait ne pas être cet individu, au vu de la réaction de Monsieur Price, qui d'ailleurs annonça à la jeune femme qu'elle pouvait l'appeler Edge plutôt. Cette déclaration tira un sourire ravi à la sage-femme, bien contente d'avoir enfin trouvé un voisin de disponible, et qui semblait aussi enthousiaste qu'elle à l'idée de partager un café et quelques pâtisseries faites maison. Haussant les épaules d'un air désinvolte, l'adulte de vingt-cinq printemps répondit : Je vous en prie, c'est normal. En fait, ça me fait plaisir, j'aime bien rencontrer de nouvelles personnes. Et de là d'où je viens, le voisinage c'est presque un annexe de la famille, alors... L'homme commence à se décaler, ce qui semble encourageant pour la suite des hostilités consistant à tout simplement faire connaissance, quand soudainement il s'arrête dans son geste. Heureusement qu'il n'avait pas pris plus d'élan, sans quoi Heïana l'aurait suivi sans aucune hésitation, et se serait probablement heurtée à lui. Maladroite et tête en l'air, on vous en a déjà parlé non ? Intriguée face à ce mini-revirement de comportement, la brune relève les yeux vers son interlocuteur, se demandant bien ce qui lui prend. Il ne tarde pas à lui expliquer ce qui le taraude, même s'il semble un peu hésitant dans son intonation et dans les mots à employer. Oui, pas de soucis, répond la maïeuticienne avec surprise lorsqu'Edge lui annonce qu'il aimerait lui poser une question.
Et il y a de quoi être tatillon sur la manière de formuler cette interrogation à vrai dire. Le teint d'Heïana blêmit sensiblement au fur et à mesure que l'homme avance dans ses explications. La question n'a pas vraiment été longue à poser, ni la justification du pourquoi du comment l'homme était au courant de cette affaire. Bien que sept ans se soient écoulés, le sujet restait assez sensible, les deux enfants de l'époque ayant sans doute été marquées à jamais par ce morbide accident de voiture. Cependant, bien qu'un peu palote, réaction psychosomatique à ce souvenir traumatisant, la jeune femme ne semble pas trop affectée. Avec un sourire teinté d'une certaine nostalgie, elle répond sans détours: Oui en effet, je suis bien celle à qui vous pensez. D'un hochement de tête approbateur, faisant suite à une seconde de réflexion, la métisse ajouta: Votre patronyme m'avait dit quelque chose aussi, lorsque je l'ai vu sur votre boîte aux lettres, mais je n'avais pas fait le lien. La jeune femme soupira un peu, elle n'aurait jamais cru retomber comme ça, au coin d'une rue, sur un des policiers qui étaient intervenus suite à leur accident. A vrai dire, l'affaire avait été classée très vite comme un accident dû à l'inattention et à la prise de risque des parents Brook, chacun l'oreille collée à leur portable, et sûrement à une trop grande vitesse de la voiture les ayant percuté. Toute à son deuil et face à de nouvelles responsabilités, la jeune fille de tout juste dix-huit ans à l'époque n'avait pas cherché à en savoir plus. Ressentant que l'homme voudrait peut-être en apprendre plus sur sa vie suite à ce triste évènement, Heïana ajouta: Je vous avoue que je serai plus à l'aise pour en discuter autour d'un café bien noir, si ça vous convient, souffla la jeune femme, un brin triste et en même temps au-dessus de ça; son deuil était fini depuis longtemps après tout. De plus, la conversation aurait tourné un peu sur des sujets identiques même sans le rappel de ce douloureux souvenir : sa vie à Tahiti, son métier de sage-femme, les études à venir de Moana... Rien de bien différent, au final.
Il y a quelques affaires qui te sont restées en tête et qu'il est bien impossible d'oublier et ce même avec tous les meilleurs efforts du monde. Comme tous les membres de ton département et n'importe quel employé exposé à des horreurs et des tragédies, et ce, quotidiennement, tu dois souvent passer des évaluations psychologiques. Et prouver que tu es toujours sain d'esprit et que tout ça ne finit pas par te travailler. Parce qu'il faut savoir faire la part des choses, et touner la page justement.... Toi, tu as toujours trouvé ça complètement hypocrite, "tourner la page" c'est une expression créée par les gens qui n'ont jamais rien vécu de traumatisant. Toi, tu sais d'expérience que c'est plutôt l'inverse qui se produit, on se retrouve soudainement avec plus de bagage à porter, et tous les jours en plus de cela. Et il y a des jours où il est plus facile de porter ses bagages fictifs que d'autres et c'est tout. Mais la jeune femme en face de toi a l'air d'avoir grandi, certes, son expression et son sourire ont légèrement faiblit alors que tu lui as posé une question plus que sensible, elle te confirme cependant que tu avais raison et qu'il s'agit bien de la même personne et de la même famille. "Je me disais bien que vous aviez un air familier." ajoutes-tu simplement et tu hoches la tête quand elle fait remarquer, à juste titre d'ailleurs, que vous devriez sûrement parler de tout ça à l'intérieur, donc chez toi. Oui, le pallier de ta porte n'est pas le meilleur des endroits pour se livrer et avoir une vraie conversation. "Oui bien sûr... Rentrez je vous en prie." Tu lui ouvres la porte et la laisses rentrer dans ta maison. Tu refermes la porte derrière elle, avant de lui faire signe de te suivre, tu es soudainement bien content d'être organisé et que ta demeure soit en ordre, cela t'aurait déplu d'accueillir quelqu'un alors que l'endroit est dérangé. Ce n'est pas le cas et tu lui indiques simplement le canapé car cela reste l'endroit le plus confortable de toute la demeure. "Vous pouvez vous installer, je lance le café et j'arrive..." Que tu indiques, avant de te diriger vers la dite cuisine, tu allumes ta machine à café et lances deux expressos, trouves deux tasses propres et du sucre et un peu de lait. Quand tu viens t'installer à côté d'Heïana, tu as les bras chargés et tu poses le plateau sur la table basse, mettant devant la jeune brune une tasse de café remplie et le sucre. Tu ne sais pas vraiment par où commencer, la conversation qui vous attend n'est guère plaisante dans le fond... tu ne sais pas non plus si tu es la meilleure personne pour ressasser tous ces souvenirs-là. "Oui donc moi c'est Edge au cas où cela n'était pas clair, j'étais le photographe sur la scène ce jour-là. Je suis toujours photographe pour la police de Brisbane d'ailleurs..." Parler de ton boulot de cette manière est suffisamment neutre et pas trop brusque, tu en es quasiment certain. Ce n'est pas que tu manques de tact mais les trois quarts du temps, tu as tendance à mettre les pieds dans le plat, littéralement, et si cela amuse bien tes amis en temps normal, ce n'est pas le moment de commettre une bourde, c'est certain. "Et vous, comment ça va depuis?" arrive enfin la question fatidique, car il n'y a pas vraiment d'autres moyens d'aborder le sujet.
Quelle situation inattendue que voilà. Si la Tahitienne avait su en partant pour sa tournée du pâté de maison qu'elle allait tomber sur l'un des policiers étant intervenus ce triste soir d'été 2012, serait-elle tout de même partie à l'aventure ? Voilà une bonne question, et après tout, avec des "Si", on peut mettre Paris en bouteille. Quoi qu'il en soit, tout cela faisait remonter des souvenirs assez inconfortables et douloureux, même si elle avait fait la paix avec eux depuis bien longtemps. Enfin, s'il était possible d'alléger l'horreur d'un souvenir ne contenant que des scènes macabres, avec leurs conséquences funestes. Mais Heïana n'était pas du genre à se laisser abattre par de simples réminiscences, aussi dures fussent-elles. Aussi, c'est avec un sourire réjoui que la jeune adulte entra dans la maison, sur l'invitation d'Edge. Prenant garde à bien essuyer ses pieds en entrant, comme n'importe quel enfant bien élevé - quoi qu'elle n'était plus une petite fille depuis longtemps - elle se posta sur le côté de l'entrée pour laisser l'homme fermer la porte derrière elle. Suivant les consignes du voisin pas si inconnu que cela, la franco-australienne alla s'asseoir dans le salon, dans le moelleux du canapé qui y trônait. Tout semblait plutôt bien agencé, rangé et propre ici; voilà un homme d'organisé. La maïeuticienne eut un petit sourire, la comparaison dans son esprit se faisant directement avec l'appartement bordélique de son ami Stephen. Celui-ci devait pourtant approcher de l'âge d'Edge, mais il semblerait qu'ils étaient radicalement différents dans leurs manières de fonctionner. Quelque soit l'environnement, Heïana s'y trouvait à l'aise le temps d'une visite, bien qu'elle obligerait son artiste d'ami à ranger un peu mieux son espace de vie si elle devait y habiter aussi. Elle se tira elle-même de ses pensées en se rappelant qu'elle tenait dans ses bras son grand tupperware rempli de muffins. Retirant le couvercle et le glissant sous le contenant, elle posa le tout sur la table basse, alors qu'une agréable odeur de pâte sucrée et de chocolat encore chauds emplissait la pièce.
Le policier en repos ne tarda pas à revenir, chargé d'un plateau. La demoiselle décala un peu son tupperware, pour ne pas gêner la manoeuvre, et attendit que son interlocuteur s'installe avant de prendre l'une des deux tasses de café. Sans lait ni sucre, même si c'était très gentil de sa part d'y avoir pensé. Parfois, la demoiselle rajoutait un nuage lacté... Quand elle en était à son quatrième café de la journée, disons. Accro au café, Heïana ? Pas vraiment, elle pouvait s'en passer plusieurs jours de suite sans ressentir un manque, mais elle adorait la saveur douce-amère de cette boisson noire. Autant qu'elle aimait la légèreté des thés blancs, ou le côté fort des thés noirs. Tout dépendait du jour, de l'envie. La demoiselle n'était pas du genre à se fixer des quotas sur grand-chose, ayant assez de bon sens pour s'écouter et écouter son corps. Merci pour le café. remercia-t-elle l'homme, désignant ensuite les muffins. N'hésitez pas à vous servir. Pour sa part, elle en prit un au chocolat blanc et aux framboises, un mélange que la brune affectionnait particulièrement. Edge se représenta donc complètement, et un flash passa devant les yeux de la métisse: elle le revit, en effet, alors qu'elle entrait dans le camion des pompiers, allongée sur un brancard avec une aide respiratoire, prendre des photos de la scène de l'accident. Triste souvenir, qu'elle préféra classer dans un coin de sa tête. Après un instant de silence, l'homme d'une trentaine d'années lui demanda comment elle allait depuis. Ah, parfait. Le moment présent, l'avenir; voilà des perspectives bien plus réjouissantes et des sujets de discussions bien plus légers. Ça va bien, merci ! Je suis revenue à Brisbane depuis peu; en fait, Moana a l'âge d'entrer à la fac, et elle veut suivre des études de droit... On a eu envie de retourner dans notre ville natale. Pour ma part, je suis sage-femme, et je travaille actuellement au St Vincent Hospital. On se ré-acclimate à la grande ville, on sort, je retrouve mes marques à certains endroits que je connaissais par coeur auparavant... Un retour apprécié, au final. La demoiselle croqua dans son muffin, savourant à nouveau la texture moelleuse et le goût sucré qu'elle y retrouvait. Et vous, comment allez-vous ? J'imagine que votre travail vous plaît vraiment, vu que vous y êtes toujours.
Revenir sur ce genre d'incidents grave n'est pas une chose facile à faire au final. Que ce soit ici dans le confort de ta propre demeure ou même au commissariat de la ville ou encore dans les locaux d'une des nombreuses associations où tu es bénévole. Quoi que... Avec les pâtisseries que la jeune brune a ramenées, ça te rappelle quelques bons souvenirs. Douloureux certes, mais positifs tout de même. Dans le fond, tu as toujours su que tu allais faire parti de la police, et ce peu importe ton rôle, le fait que tu sois un passionné de photographie et que tu puisses en faire un métier est une très bonne coïncidence et tu es heureux qu'une telle opportunité existe. Mais tu te serais bien vu dans d'autres chaussures, comme détective ou même simple officier. Car tu es bien incapable d'observer une injustice et de rester sur la touche, tu as un peu ça dans le sang au final et pas de doute que tu es fait pour arpenter les locaux de la police de Brisbane. Tu te sers quand Heïana t'invite à le faire et tu mords distraitement dans un muffin au chocolat, et tu es bien content de ton choix, car elle est encore plus douée derrière les fourneaux que toi. Tu vas définitivement lui demander sa recette ou t'inviter chez elle pour manger de pâtisseries, tu en es certain. Tu l'écoutes cependant attentivement quand elle t'explique ce qui la ramène à Brisbane. "Oui je comprends..." Tu hoches la tête à ces mots-là car c'est un peu le même sentiment que tu ressens vis-à-vis de Melbourne et tu comprends tout à fait pourquoi ta mère a dû mal à ne pas avoir de résidence même secondaire, dans sa ville natale. Melbourne, quoi qu'il arrive, ce sera chez toi, certes tu adores Brisbane de tout ton cœur et tu t'y es construit un petit nid douillet... mais ça ne sera jamais la ville qui t'a vu grandir, où tu as eu tes premiers sourires, où tu as eu tes premières déceptions, minimes ou tragique à souhait pour certaine. Tu relèves légèrement la tête à la mention de l'hôpital, ajoutant un simple: "Je connais quelqu'un d'autre qui bosse dans le même hôpital." Doutant intérieurement qu'elle connaisse Yasmine, ou peut-être de nom...Un hôpital reste tout de même un endroit vivant et avec de très nombreux employés donc... Tu ne sais pas comment mais la conversation a dérivé sur toi et ce que tu fais à présent et après avoir fini ton premier muffin de la journée, tu bois une brève gorgée de café, avant de répondre. "Oui, je travaille toujours pour la police de Brisbane, ça va faire bientôt sept ans... ou huit, je vous avoue que j'ai arrêté de compter, ça ne sert plus à rien au bout d'un moment." Tu dis cela sur un ton léger, car très franchement, tu ne comptes pas, tu as trouvé le métier qui te correspond et il n'y a pas le moindre désagrément alors franchement, tu ne te vois pas partir. "Mais ce qui vous est arrivé... c'est une des premières affaires sur lesquelles j'ai bossé, alors forcément, ça m'est revenu en mémoire." Dès que ton regard s'est posé sur elle visiblement et dès qu'elle a évoqué son nom de famille. Tu as quelques affaires comme ça, bien ancrées sur la rétine qui te donneront sûrement des cauchemars jusqu'à la fin de ta carrière, pas de doute là-dessus. Elles ont souvent des familles scindées en deux en commun, ou un nombre un peu trop élevé de victime à ton goût. "Je ne sais pas si vous avez besoin de plus aide, financière ou autre, mais je fais également parti d'associations d'aide aux victimes et à leur famille, il y en a quelques-unes qui sortent du lot... Au cas où ça vous intéresserait." L'offre est là, tu la laisses trainer dans l'air, ne sachant pas si tu es déjà allé trop loin ou si au contraire, tu aides vraiment. Le but n'est en aucun cas de la vexer ou au contraire la pousser dans ses retranchements, ce que tu veux avant tout faire, et chose qui était vraie à l'époque, est d'apporter ton aide avant tout.
Ahah, je crois que tout le monde connaît quelqu'un bossant à l'hôpital, approuva Heïana avec un petit hochement de tête. Elle but tranquillement une gorgée de café, mordit dans son muffin. Elle croquait dedans de très nombreuses fois, aimant manger ses pâtisseries petit bout par petit bout, pour faire durer le plaisir toujours plus. La jeune femme était réputée pour le temps qu'elle prenait à déguster et se délecter du moindre des plats qu'elle consommait - sauf si c'était particulièrement mauvais - au point qu'au travail, en salle de pause, ses collègues attendaient rarement qu'elle ait fini pour vaquer à leurs occupations. Mais qu'importe, c'était bon pour le moral de savoir savourer la moindre petite chose, et la nourriture n'était pas l'aspect le plus anodin de sa vie. Comment s'appelle cette connaissance? On ne sait jamais, j'ai peut-être déjà travaillé avec, demanda la sage-femme avec curiosité, tout en haussant les épaules du style "Et pourquoi pas".
Edge annonça qu'il bossait pour la police municipale depuis plus de sept ans pour le sûr. La demoiselle grimaça lorsqu'il lui expliqua que le drame qui l'avait touchée était l'une des premières affaires sur lesquelles il était intervenu. Elle soupira avec une pointe de mélancolie dans la voix, ajoutant: J'en suis navrée pour vous, ce n'était pas des plus... beau à voir. La jeune femme avait usé d'un bel euphémisme, par respect envers ses parents qui avaient été les principaux concernés. Elle aurait aussi pu parler d'une scène peu ragoûtante, de massacre, de boucherie, et tant d'autres qualificatifs qui auraient été adéquats. Après tout, James Cook était mort sur le coup, une partie de son crâne et de son visage ayant été horriblement défoncés lors de l'accident; quant à sa mère, Poehina, une barre de métal lui avait percé l'abdomen, ne lui laissant aucune chance de survie, bien qu'elle ait été encore consciente quand Heïana était revenue à elle-même, quelques secondes - ou minutes, elle ne savait plus très bien - après l'impact. Pour sa part, l'imposant éclat de verre logé dans sa cuisse, jusqu'à l'aine, avait été plus qu'impressionnant sur le moment et lui laissait encore aujourd'hui une hideuse cicatrice, qu'elle porterait à jamais. Par chance, Moana n'avait eu que quelques contusions, une cheville foulée. Mais mentalement parlant, elle avait sûrement été la plus traumatisée des deux filles Brook, quoi que son aînée lui ait caché la vision horrifique de leurs deux parents lorsqu'elle s'était réveillée, toujours bloquées dans la voiture démolie de toutes parts.
Les doigts de la jeune femme, tenant la tasse, avaient raffermi leur prise tout en tremblant un peu face à l'afflux d'horribles réminiscences reprenant vie devant ses yeux. Mais elle fut tirée de ces images terrifiantes par la voix d'Edge, qui lui proposait un soutien financier, ou moral à travers une association. Elle mit quelques secondes à réagir, relevant les yeux vers lui; puis elle accueilli finalement sa proposition avec un sourire touché. Merci, mais nous avons une vie confortable. Oh oui, leurs parents leur avaient laissé un sacré héritage, bien plus qu'elles n'auraient besoin dans toute une vie, si elles géraient bien. Mais je veux bien que vous me donniez quand même le nom de cette association... Moana a développé pas mal de phobies suite à cet événement, et avec notre retour à Brisbane, je lui cherche un bon psychologue. Peut-être pourrait-elle en parler à Kári d'ailleurs, mais elle ne souhaitait en même temps pas user de leur relation personnelle pour lui amener sa soeur comme nouvelle patiente, ce serait... étrange. Elle parlerait sûrement plutôt à sa cadette d'abord de ce psychologue, et lui laisserait libre choix d'aller le consulter ou non. En tout cas, aucune piste n'était à ignorer. D'un air admiratif envers le policier, Heïana l'observa en buvant une gorgée de son délicieux breuvage noir, et conclut: En tout cas, vous êtes vraiment dévoué. Votre travail dans la police, et votre soutien à une association pareille... C'est super !
"Elle s'appelle Yasmine Khadji, elle est infirmière, si jamais vous la croisez, vous pouvez lui dire bonjour de ma part." Tu finis par révéler l'identité de la brune en te disant qu'il y a peu de chance pour qu'Heïana la croise, mais peut-être que tu ne devrais pas en être aussi sûr, après tout, ta route a croisé celle de l'infirmière a plusieurs reprises ses dernières semaines. Probablement un peu plus que ces deux dernières années depuis votre rupture, un peu ironique en somme, quand on sait que tu t'es efforcé de garder le contact et de prendre de ses nouvelles. Mais, chose que tu as dû apprendre au fil des années, la vie ne fonctionne pas comme ça et il est en réalité impossible de savoir qui va rester dans son entourage pour de bon ou pas. Comme aujourd'hui, tu ne pensais pas en te levant ce matin que tu serais en train de partager le café avec Heïana, ou même que vos routes finiraient par se recroiser en réalité. Tu avais rangé tout cela loin, très loin dans un coin dans ta mémoire, en te disant que cela restera dans la catégorie des affaires traumatiques et voilà tout. "Pas besoin de vous excuser, faut avoir un estomac bien accroché pour faire le métier que je fais." Que tu réponds tout simplement sur un ton léger, car elle n'est en rien responsable des circonstances de votre rencontre. Et un autre photographe judiciaire que toi ne l'aurait probablement pas reconnu, elle est seulement tombée sur celui qui prend son boulot un peu trop au sérieux et peut-être qu'elle serait en train de partager des muffins avec quelqu'un d'autre... Impossible à dire dans une pareille situation et tu ne peux pas t'empêcher d'adresser un léger sourire à la jeune femme quand elle semble plus que réceptive à l'aide que tu lui proposes. Parler de ce genre d'associations, dont le but est avant tout de souvenir les victimes pendant les périodes les plus affreuses de leur vie, n'est pas forcément un sujet joyeux, que ce soit pour toi ou qui que ce soit d'autre. Mais au moins la partie désagréable de la conversation est passée. "Oh pas besoin de me remercier, je suis juste un simple bénévole. Je me contente d'y aller et de faire ce que je peux." Une bien maigre contribution à tes yeux, tu es surtout là pour écouter la plupart du temps, ramener des pâtisseries et distribuer des flyers. Rien de bien contraignant en somme. "Et oui, il y a des psychologues présents la plupart du temps, donc il est possible d'avoir une session privée ou de participer aux discussions de groupe." Tu as déjà participé à quelques sessions de groupe, deux jusqu'à ce jour, et tu en as gardé un bon souvenir, et non, tu ne t'es pas lancé dans de longues et larmoyantes confessions, ce n'est pas ton genre déjà, tu t'es contenté d'expliquer ton métier et la raison de ta venue. Ce qui est déjà beaucoup d'informations quand on te connaît bien. "Attendez j'ai quelques brochures dans la cuisine." Tu dis cela avant de te lever et de faire quelques pas pour te retrouver dans la dite cuisine et attraper les différents prospectus que tu conserves sur le frigo. Probablement pas l'endroit le plus pratique pour conserver ce genre d'informations, mais tu es obligé de passer devant et donc pas moyen d'oublier. "Tenez c'est pour vous..." Tu tends tout cela à Heïana tandis que tu finis par te rasseoir à côté d'elle, prenant un autre muffin sans vraiment y penser. Tu es bien capable de finir toute la boite qu'elle a apporté si elle ne t'arrête pas, c'est certain. "Bon en échange, je veux la recette pour vos muffins, je veux dire, je suis bon cuisinier hein... mais les desserts ne sont pas ma spécialité."
Yasmine Khadji... réfléchit la jeune femme à haute voix, se demandant pendant quelques instants si elle connaissait cette infirmière. Déjà pour le sûr, le nom ne lui disait pas grand-chose, et elle ne parvenait pas à placer de visage dessus. En même temps, rien d'étonnant; il y avait tellement d'employés au Saint Vincent Hospital ! Entre les médecins des différentes spécialités, chirurgiens, infirmiers, maïeuticiens, personnels d'entretien, etc... Impossible de connaître tout le monde. Je ne manquerais pas de lui passer le message, dit la sage-femme lorsqu'Edge lui demanda de transmettre le bonjour à la personne en question, si jamais elle la voyait. Il faut dire qu'à part deux ou trois personnes, la brune n'avait pas tissé de lien particulier avec ses collègues, gardant des relations de travail tout ce qu'il y a de plus professionnel; cependant, elle connaissait leurs noms et prénoms, alors si celui de Yasmine ne lui disait rien, c'est bien qu'elles ne devaient pas exercer dans le même service.
Ils passèrent ensuite sur un autre sujet de discussion, en l'occurrence, l'association d'aide aux victimes d'accidents dont Edge faisait partie. Il se dédouana immédiatement, disant que ce n'était pas grand-chose; cependant, la Tahitienne n'était pas du même avis. Prendre du temps sur sa vie personnelle afin d'aider les autres, quel que soit le degré d'implication et les moyens utilisés à cette fin, restait toujours un acte empathique qui forçait l'admiration. Ainsi, que ce soit par le biais d'une association, par des initiatives personnelles ponctuelles ou à durée plus étendue, chaque geste de compassion et d'entraide était respectable et louable. Mais elle n'insista pas sur le sujet, respectant tout autant l'humilité de son interlocuteur que son implication dans l'aide apportée à autrui. La jeune femme nota cependant à l'encre noire dans un coin de sa tête l'information suivante qu'Edge lui donna, comme quoi des psychologues intervenaient lors des sessions, et qu'il était possible d'obtenir de leur aide soit lors des discussions de groupe, ou même en privé. Ah, c'est parfait. J'en parlerai à Moana, promit la Tahitienne à son interlocuteur, qui se rappela avoir des flyers à donner. Elle le regarda se lever, et sourit lorsqu'elle vit qu'il lui en ramenait au moins quatre différents! Merci, c'est gentil. Elle les prit et observa chacun d'eux pendant quelques secondes, faisant un pré-tri mental pour elle-même; elle les montrerait tous à sa cadette quoi qu'il en soit. Heïana rangea le tout dans son sac, et vit avec plaisir son voisin mordre dans un autre de ses muffins. Au moins, on ne peut pas dire qu'elle les avait cuisiné pour rien ! D'ailleurs, l'homme avait apprécié les gourmandises qu'elle lui avait proposé au point de lui en demander la recette.
Heïana but une gorgée de café avant de répondre, malicieuse: Je vous la passerai, mais j'exige d'être le premier cobaye de votre premier essai ! Eh oui, si le maître donnait les clefs à l'élève pour réussir, il se devait aussi d'être là pour observer la création qui suivrait l'enseignement de ses secrets. Et puis surtout, ça lui donnerait une autre occasion de voir Edge, et de manger des pâtisseries. What else ? Je cuisine pas mal, argumenta la jeune femme; déjà parce que j'aime ça, mais aussi parce qu'à Tahiti, il est rare qu'on passe une semaine sans avoir des voisins, des amis, des connaissances à notre table plusieurs fois !
Soudain, le téléphone d'Heïana sonna. Donnant un sourire d'excuse à son interlocuteur, elle le chercha dans son sac, et vit que c'était sa soeur qui cherchait à la contacter. Elle décrocha. Allô Moana ? Oui... Le reste de la conversation fut assez brève, l'aînée s'exprimant peu, surtout à l'écoute. Finalement, elle raccrocha avec un sourire aux lèvres, et déclara: Je suis désolée, je vais devoir vous laisser; Moana m'invite à manger avec elle et des anciennes copines d'école qu'elle a retrouvé. Je les connaissais un peu aussi, alors... Je vais devoir y aller. Les deux adultes s'échangèrent leurs numéros, et la Tahitienne décida de laisser son tupperware à l'homme. Vous me le rendrez avec vos propres muffins à l'intérieur, lui dit-elle avec un clin d'oeil complice. Quand la porte de la maison d'Edge se referma derrière elle, la jeune femme se dit qu'elle ne regrettait pas d'être partie à la recherche de ses voisins, ce matin. Il faudrait qu'elle pense à lui envoyer la recette de muffins. Peut-être se reverraient-ils bientôt, qui sait.
Fin:
A toi de voir si tu veux répondre ou pas ! Si tu ne le souhaites pas, envoie-moi un mp pour que je fasse la demande d'archivage
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